<h1 class="western">Introduction</h1> Inspirer les territoires à l'échelle planétaire afin d'appréhender l'effondrement écologique (Servigne et Stevens, 2015) sur une base créative synergique facilitant l'hybridation de cultures locales diversifiées et régénératives constitue une réelle nécessité afin de garantir un avenir viable et pérenne pour notre espèce. Il semble, dès lors, nécessaire d'expérimenter de nouvelles stratégies de transformation sociale visant à favoriser d'une part la prise de conscience concernant cette nécessaire évolution, et d'autre part inspirer les territoires à s'engager dans une démarche expérimentale citoyenne rigoureuse, créative et méthodique. Pour tenter d'appréhender ce défi extraordinairement complexe, nous avons conçu un modèle de développement territorial (ImagineerInt) qui permet la mise en &oelig;uvre d'une discipline sociotransformationnelle nommée « imaginierie territoriale stratégique » (abrégée en MAGIVOLUTION). Celle-ci vise à stimuler les « désirs eutopéens<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc">1</a>» des individus afin de les transformer en acteurs territoriaux engagés (sur une base motivationnelle intrinsèque) dans la réalisation d'un futur socialement souhaitable et pérenne, en phase avec une réalité écologique de plus en plus complexe et problématique. <h1 class="western">Problématique</h1> La problématique que nous avons choisie est la suivante : Comment faciliter matriciellement la transcendance de savoir pour la régénération de systèmes sociaux évoluant dans la complexité croissante ? <h1 class="western">La méthodologie de design organisationnel élaborée et mobilisée pour faciliter la transformation sociale dans un contexte de complexité croissante</h1> Nous avons conçu notre méthodologie de recherche – action imaginierie territoriale stratégique (MAGIVOLUTION) dans un contexte « post-normal » de complexité croissante (Morin, 1990 ; Sardar, 2010 ; Nijs, 2014), caractérisée notamment par un effondrement écologique. Notre travail de design prend donc intrinsèquement en compte les problématiques de déperdition de sens<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc">2</a> de nos sociétés hyperconnectées basées sur un « positivisme algorithmique » (Boullier, 2015). En d'autres termes, notre méthodologie a pour but de faciliter le développement d'une réelle intelligence collective au service de la transformation sociale pour la pérennité du vivant dans un monde de plus en plus complexe compte tenu de multiples problèmes interreliés (crise climatique, crise énergétique, crise sociale,…). Notre travail considère les organisations sociales comme des systèmes complexes évolutifs, ce qui exige selon l'experte en transformation organisationnelle Diane Nijs (2014, p.121) une méthodologie appropriée : des approches, des méthodes et des outils adéquats pour les étudier et les aider à évoluer. Notre méthodologie de recherche – action tente ainsi d'introduire et d'expérimenter dans le champ social une approche originale de transformation sociale, ancrée dans l'épistémologie de l'invention<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc">3</a> et la science ouverte citoyenne<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc">4</a>. L'objectif est, par ce biais, de faciliter l'évolution dynamique (sur une base créative ouverte, distribuée de pair-à-pair et auto-émergente) de systèmes sociaux de types complexes et évolutifs (régénératifs<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc">5</a>). L'évolution renvoie ici aux analyses de Mang et Haggard (2016, p.10), définie comme « le fait de tendre vers de nouveaux niveaux d'ordre, de différentiation et d'organisation ». Cette approche vise à relier le champ social à celui de la recherche scientifique, en vue d'appréhender collectivement – à l'échelle territoriale et inter-territoriale – des hyperobjets<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc">6</a> complexes comme l'effondrement écologique, par le biais d'une hybridation, suivie d'une transcendance<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc">7</a> puis d'une maîtrise de savoir. La transcendance de savoir renvoie dans notre analyse à une mutation culturelle et intellectuelle basée sur le fait de « dépasser tout en incluant » une technique déjà maîtrisée (outils et procédures au c&oelig;ur du fonctionnement d'un système social) afin d'explorer de nouveaux horizons d'innovation sociale. Ces derniers permettraient, in fine, la réalisation d'un nouvel ordre social (comme manière de s'auto-organiser) conduisant à une évolution durable (car régénérative) dans la complexité croissante via de nouveaux savoirs maîtrisés. Ce processus de MAGIVOLUTION repose sur trois praxis fondamentales : - L'intelligence stratégique : Comme gestion de l'information, des connaissances, des savoirs et des ignorances en vue de renforcer les capacités d'analyse, de décision et d'action pour une organisation, permettant de s'adapter à un environnement complexe ou d'influencer celui-ci. Les dimensions fondamentales de l'intelligence stratégique sont, dans le cadre de la MAGIVOLUTION, l'intelligence économique (Besson et Possin, 2001), l'intelligence territoriale (Bertacchini, 2004, 2006, 2012 ; Herbaux, 2007) et l'intelligence inventive (Besson et Uhl, 2012) ; - L'imaginierie stratégique : Comme conception de stratégies de transformation organisationnelle dans la complexité (Nijs, 2014, 2019) ; et - L'éducation populaire : Comme travail de la culture et par la culture dans la transformation sociale (Maurel, 2010). Le dialogue entre ces différentes mais complémentaires praxis repose sur une approche d'intelligence collective créative (Nussbaum, 2012) et collaborative (Markova et McArthur, 2015). <h2 class="western">L'imaginierie stratégique et l'éducation populaire comme piliers praxéologiques fondamentaux supportant et encadrant le processus de MAGIVOLUTION</h2> <h3 class="western">Présentation de l'imaginierie stratégique</h3> <a name="__DdeLink__150080_561345333"></a> L'imaginierie constitue un mélange linguistique entre l'imagination créative et le savoir-faire technique. Elle combine plusieurs mots (imagination, engine et engineering), ainsi que leurs définitions respectives. Diane Nijs (2014, p. 188) définit l'imaginierie comme « la conception d'un récit qui va allumer et encadrer stratégiquement la créativité collective ». L’imaginierie connote un nouveau phénomène : la valorisation de la création de valeur par l'utilisation ou la conception d'une image faisant appel à l'imagination des acteurs individuels dans un collectif. Cette image (ou artefact) permet à ces acteurs de percevoir un nouvel horizon d'innovation pour le collectif qu'ils n'ont pas pu voir avant. Elle les invite et leur permet d'interagir les uns avec les autres de façon créative vers la direction envisagée, afin de « changer les routines existantes ». Elle qualifie la méthode d'imaginierie d'« approche de design ». L'artefact est, ainsi, essentiel dans la création de dialogue au sein de l’organisation. L'imaginierie constitue, en d'autres termes, une approche de design adaptée à la complexité (Morin, 1990) permettant de développer une auto-organisation émergeant d’une créativité collective, et qui tend vers une direction envisagée stratégiquement. Cette méthode de design organisationnel mobilise l'action créative collective en recadrant les situations complexes en une démarche inspirante et non obligatoire (Nijs, p.40). L’originalité de l'imaginierie stratégique est, qu’en réponse à la connaissance imparfaite et à l’incertitude de l’environnement, une image est utilisée (Ratcliffe, 2006a, 2006b, 2011). Elle permettra la création de nouvelles connexions là où il n'y en avait pas auparavant. Ces nouvelles connexions aident les acteurs à envisager une nouvelle action possible. L'articulation linguistique de cette image leur permet de réfléchir collectivement et de façon créative sur ce nouvel horizon. En tant que tel, l'imaginierie peut donc être considérée comme un moyen d'élaboration de stratégies dans la complexité. Dimitrov (2003) souligne qu'améliorer les systèmes vivants nécessite de planter et nourrir des attracteurs en harmonie avec le pouvoir auto-organisant de la complexité et de retirer les obstacles qui empêchent ce pouvoir de se réaliser. L'artefact poétique de l'imaginierie territoriale stratégique vise, dans le cadre de notre travail de recherche – action, à faciliter la « transformation par l'inspiration » de territoires vers des organisations créatives, hologrammiques<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote8sym" name="sdfootnote8anc">8</a> et évolutives. L'émergence est ainsi, dans le cadre de stratégies d'évolution d'un système organisationnel Magitopique, centrée sur la poursuite et réalisation d'une vision eutopique collectivement désirée. La structure intrinsèquement capacitante et créative du système Magitopique vise ainsi à favoriser l'émergence de nouvelles possibilités d'évolution au sein d'un nouvel « horizon d'innovation ». Ces possibilités initialement insoupçonnées sont autant de découvertes permettant de stimuler la dynamique inventive régénérative et de lutter contre l'enfermement des acteurs dans une réalité statique logico-rationnelle au profit d'une réalité créative intrinsèquement complexe. Le défi est ici de préserver à la fois l’essence du message encodé ainsi que la liberté d’interprétation et d’expression des acteurs territoriaux concernés afin de stimuler la créativité et l’innovation sociale des territoires. En d'autres termes, faciliter l'apprentissage et la progression permanente du territoire par le biais de la gestion efficace de l'« énergie créative » en son sein, constituée par les tensions organisationnelles de type imaginatives ou « tensions d'opportunités créées » (Lichtenstein, 2009). Nijs (p.198) souligne qu'un « concept élevé » doit être conçu afin de traduire ce processus d'innovation au niveau de l'organisation collective. Cet encodage narratif est destiné à mobiliser et puiser dans la créativité du collectif dans le but d'enrichir les récits / interprétations dérivés des acteurs individuels, chacun dans leur contexte personnel (p.203). L'objectif est une participation du plus grand nombre d'acteurs pour produire des récits dérivés ayant des effets synergiques sur l'histoire globale. Puisque chaque acteur possède un champ expérientiel unique et produit une interaction singulière avec l'environnement (en travaillant dans différents secteurs au sein d'une organisation créative), la source de la créativité et l'application sera plus étendue. Cet objet artistique et cette construction narrative s'accompagnent, dans le cadre de notre travail de recherche – action, d'un ensemble d'outils et de processus permettant la poursuite éclairée de cette direction eutopique collectivement désirée. Considérer la créativité en tant que processus systémique ou collectif mobilise donc un artefact pour stimuler et encadrer l'imagination collective en « recalibrant la normalité ». Cet artefact active et inspire ainsi de tels processus (p.181) : il est donc essentiel dans la création de dialogue au sein de l’organisation, en jouant le rôle de « mécanisme évolutionnaire » dans lequel est encodé une vision créative souhaitable et désirable. L'acronyme MAGI constitue l'artefact principal de notre modèle de développement social ImagineerInt, et par extension du processus de transformation sociale MAGIVOLUTION. <h3 class="western">L'artefact linguistique comme « moteur de tension adaptative » stimulant la dynamique évolutive de l'organisation</h3> Dans l'industrie du cinéma, l'artefact linguistique qui enflamme et inspire la créativité collective est appelé le « concept élevé » (high concept). Dans le langage de la complexité, cette construction qui active et évoque les processus d'émergence est appelé le « moteur de tension adaptative », révélant la dynamique des structures dissipatives : fluctuation, recombinaison, rétroaction positive et stabilisation. C'est, selon Nijs (p.321), ce moteur de tension adaptative qui peut induire l'« effet papillon », i.e., l'effet d'ondulation à travers un écosystème, amplifié par toutes les interprétations qui se construisent les unes sur les autres, faisant émerger quelque chose de « grand ». Ainsi, la question fondamentale concerne la manière de concevoir le moteur de tension adaptative afin d'évoquer le processus de créativité collective, et ce qu'elle nomme « l'émergence imaginative » (p.144). Il est également important, selon cette chercheuse, de se demander comment il est possible de maintenir ce processus de créativité collective durable sur le long terme. <a name="result_box5"></a> Les spécialistes de la complexité ont identifié deux facteurs distincts d'émergence : - Une dynamique loin de l'équilibre qui déclenche la création d'ordre ; et - La tension adaptative (McKelvey, 2004) qui peut pousser un système vers l'instabilité, conduisant à l'émergence d'un nouvel ordre. Nijs souligne que lorsque les deux sont liés et que leur encadrement est fondamentalement différent, ce qui donne une perspective différente de la causalité. L'approche loin de l'équilibre se réfère à un état d'être, à une condition qui déclenche le changement : un système entier se déplace dans un régime qui est loin de l'équilibre. Ce déplacement conduit à des non-linéarités, des tensions adaptatives, et finalement à des perturbations de nouveauté qui conduisent à un nouvel ordre (Lichtenstein, 2009). Notre modèle de développement territorial ImagineerInt intègre pleinement les tensions adaptatives au c&oelig;ur de la dynamique évolutive des organisations territoriales. Celles-ci sont de deux natures (id.) : - Les tensions d'opportunités reconnues ; et - Les tensions imaginatives d'opportunités créées. <a name="result_box4"></a> L'approche de la tension adaptative suggère un ordre presque opposé : c'est l'augmentation de la tension d'adaptation qui entraîne le système loin de sa norme d'équilibre. C'est, pour Nijs, une urgence ressentie internalement à agir qui conduit à l'émergence d'un nouvel ordre. Lichtenstein suggère de parler de « tension d'opportunité » comme concept alternatif à « tension adaptative », celui-ci captant également la passion entrepreneuriale inhérente à la poursuite de la création d'ordre et d'émergence. C'est cette tension d'opportunité ressentie en interne qui pousse un agent à agir. <h3 class="western">Présentation de l'éducation populaire </h3> Le sociologue Christian Maurel (2010) définit l'éducation populaire comme le travail de la culture dans la transformation sociale et politique (p.73), favorisant l'émancipation et la capacité d'agir de chacun dans un cadre collectif (p.158). Ce sociologue affirme (p.204-205) que l'éducation populaire est à la fois une intelligence collective et un patrimoine d'expériences, les deux étant liés. Elle constitue, en d'autres termes, un ensemble d'être au monde et d'agir sur lui : une praxis organisée en processus et procédures, de manières de faire et de procédés testés, validés ou réinterrogés par l'expérience, transmis et mis en commun. La démarche d'éducation populaire favorise, pour Maurel (p.182), l'éclosion et la formalisation de savoirs sur un sujet que, jusque là, les individus ne se sentaient pas autorisés à traiter, à la fois en tant qu'individu et en tant qu'acteur social. L'analyse de la diversité des expériences met en évidence que tout acte est, peu ou prou, culturel, toujours marqué par des représentations esthétiques qui viennent travailler les relations aux autres, les consciences de soi, la vie collective et la place que nous sommes appelés à y occuper. L'éducation nourrit, selon Maurel (p.12-13), cette vision prospective comme le mouvement ouvrier a pu nourrir le socialisme utopique et scientifique du 19ème siècle. C'est, selon lui, en ce sens qu'elle peut contribuer, à condition d'en réactualiser la réflexion et les pratiques, à augmenter la puissance de penser et d'agir du peuple et de ses intellectuels. Elle tient cette capacité de sa nature même et de son mode d'émergence et de construction historique : elle est à la fois praxis de transformation et pensée de cette transformation, du monde comme de la sienne propre. Pierre Rosanvallon (2006) a souligné, dans le cadre d'une réflexion collective (nommée « nouvelle critique sociale ») associant chercheurs et acteurs sociaux, la « volonté de faire de la politique autrement en articulant information, formation et projet ». Pour lui, « cette dimension d'éducation populaire » porteuse d'une « démocratie d'interaction » et d'« interpellation » permet de s'engager dans une « construction démocratique des conflits » et d'incarner une « culture de la délibération », ce que les partis politiques sont incapables de faire. Les sciences humaines travaillent, d'après Maurel (p.36), à l'élucidation des rapports et des transformations de la société. Une nouvelle figure de l'intellectuel émerge alors, un « intellectuel impliqué, chercheur associé à la société civile, (…) qui produit à la fois la critique et l'outil ». Selon ce sociologue, l'éducation populaire part d'un postulat : le monde et les rapports sociaux ne peuvent rester en l'état et les transformations de société en cours ne peuvent à elles seules produire les changements nécessaires<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote9sym" name="sdfootnote9anc">9</a>. Maurel défend que la transformation sociale désigne la posture d'acteurs engagés dans la transformation réfléchie de la société et dans la production d'autres rapports sociaux et politiques entre les hommes. Dans la transformation sociale, nous avons ainsi à faire à des postures d'acteurs qui entendent configurer autrement le monde et prendre en main leur destinée. Il rajoute (p.41) que l'on rencontre la culture à tous les étages de l'organisation sociale. Pour Maurel, l'éducation populaire connote le saisissement et le ressaisissement du peuple par lui-même, lui permettant de s'extraire des transformations de société qu'il subit et de s'engager dans une transformation sociale qu'il a la force de conduire et qui lui donne sa conscience subjective et sa structuration objective. Elle constitue, selon lui, un ensemble de pratiques trans-champs. Il souligne (p.82) que « Parce qu’elle transforme le négatif en positif, l'éducation populaire n'est en aucun cas l'inculcation du même, mais au contraire, construction d'un autrement et d'un ailleurs, désir, plaisir et joie, passion gaie et, au-delà, quand les chaînes des contraintes se desserrent, le bonheur d'agir et de créer ». L'éducation populaire est à l’&oelig;uvre dans la tension entre les déterminismes qui contraignent les individus et les aspirations qui font d'eux des acteurs. Elle y est ainsi à l’&oelig;uvre dans un travail de reconfiguration du monde, qui est de nature culturelle. Celui-ci transforme les choses et les rapports que les hommes entretiennent avec elles. Comme dans toute praxis, compréhension et transformation y sont intimement liées, dans un processus complexe de méthodes et d'expériences porteuses d'émancipation individuelle et collective et de nouvelles capacités démocratiques d'agir. Il rajoute que ce processus et ces méthodes travaillent et s'éprouvent dans des situations concrètes, complexes, contradictoires, et nécessairement conflictuelles. <h2 class="western">Analyse de la méthodologie MAGIVOLUTION</h2> La méthodologie MAGIVOLUTION est conçue par design pour faciliter le processus de transformation sociale sur la base d'une augmentation constante d'ordre créatif capacitant. Elle permet ainsi de lutter contre les phénomènes d'entropie sociale et psychique (que nous définissons de manière synthétique comme une dispersion cognitive affaiblissant les capacités d'un groupe social à se transformer dans la complexité). La MAGIVOLUTION connote, en résumé, un processus « pluriversalisant<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote10sym" name="sdfootnote10anc">10</a>» de transformation continue de communautés locales créatives et régénératives (nommées Magitopies<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote11sym" name="sdfootnote11anc">11</a>). Ce processus vise à renforcer la résilience et à augmenter la régénération écologique et sociale de ces systèmes éco-sociologiques dans la complexité croissante. La MAGIVOLUTION est ainsi une méthodologie culturelle conçue pour développer, protéger et promouvoir des territoires créatifs, contributifs, apprenants et adaptatifs évoluant en continu sur la base de tensions organisationnelles d'opportunités : - Reconnues (transformer des menaces en opportunités) ; et - Créées (imaginer, élaborer et expérimenter collectivement la poursuite de nouveaux scénarios d'évolution pour cet espace communautaire afin d'enrichir sa culture singulière régénérative). En résumé, la MAGIVOLUTION vise à stimuler, renforcer et valoriser la stratégie de singularisation culturelle de communautés Magitopiques, dans une perspective de diversification culturelle considérée comme aussi importante que la biodiversité pour la résilience sociale (Giraud, 2016). La MAGIVOLUTION, conçue pour faciliter la transformation sociale (au niveau communautaire local) repose sur deux matrices fondamentales qui constituent la dimension « recherche – action » de notre modèle de développement social ImagineerInt : - La matrice de raisonnement « MAGIVERSEL » : facilite l'élaboration dynamique de raisonnements créatifs, scientifiques et évolutifs afin d'appréhender des objets d'étude : <ul> <li> Dans leur nature et ancrage contextuel (recherche du « qui ? », du « quoi ? », du « où ? », du « quand ? » du « comment ? », du « pourquoi ? » et de l'« en quoi ? » ; et </li> <li> Dans leur possible évolution future (exploration de l'énoncé « Pourquoi pas ? » et de ses implications « croyables<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote12sym" name="sdfootnote12anc">12</a>») ancrées dans une direction écologique et sociale durable et désirable par les acteurs de communautés Magitopiques ; </li> </ul> - Le modèle SOLARIS : permet d'élaborer du savoir hybride dans une perspective d'émergence d'idées créatives pour la co-construction de savoir scientifique complexe. Un ingénieur que nous avons formé à notre travail et avec qui nous &oelig;uvrons actuellement dans le cadre de notre recherche - action a expérimenté ce modèle dans un contexte problématique au sein d'une multinationale de l'automobile. L'un des résultats a été la réorganisation systémique de plusieurs laboratoires de recherche – développement, qui sont passés d'une structure et culture du cloisonnement et de la centralisation à une structure et culture de l'ouverture et de l'échange systématique d'informations et de connaissances. Cet ingénieur a, par la suite, rédigé un savoir personnel issu de son expérience professionnelle à partir de ce modèle SOLARIS, intitulé « L'importance d'un langage commun, d'une empathie mutuelle et d'une structure équitable pour l'intelligence collective ». Nous nous sommes inspirés, afin de construire ce modèle documentaire, sur : <ul> <li> Le concept de « réseaux d'échanges réciproques de savoirs » développé et mis en pratique par Claire et Marc Héber-Suffrin (1992, 2010, 2012) permettant de « penser, d'apprendre et d'agir en réseau » (2012) ; et </li> <li> Les travaux empiriques du théoricien et praticien de l'éducation populaire Franck Lepage concernant l'hybridation de savoirs « chauds » (expérientiels de vie) et « froids » (académiques) afin de faciliter le processus démodynamique de transformation sociale. </li> </ul> <h3 class="western">Les phases du processus de MAGIVOLUTION</h3> Les phases de la MAGIVOLUTION sont les suivantes : - Un ou plusieurs membres d'une communauté Magitopique formulent un désir d'évolution par rapport à un présent qu'ils jugent problématique (en lien avec une souffrance / insatisfaction personnelle / collective ou à un problème complexe menaçant la pérennité ou le bon fonctionnement de la communauté, et qui nécessite une évolution de celle-ci pour être appréhendée) ; - Ces membres imaginent un nouvel horizon social<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote13sym" name="sdfootnote13anc">13</a> (comme « nouvel ordre social » ou nouvelle manière de s'auto-organiser pour réaliser une nouvelle configuration sociale en puissance) en prenant en compte ce(s) problème(s) identifié(s). Ils encodent cette vision créative dans un « artefact » (construction linguistique poétique conçue selon le mode de pensée narratif<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote14sym" name="sdfootnote14anc">14</a> stimulant l'inspiration grâce à sa nature artistique « recalibrant la normalité<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote15sym" name="sdfootnote15anc">15</a>» via une nouvelle vision créative). Ils présentent cet artefact aux autres membres de leur communauté afin de susciter des interactions sociales « co-constructionnistes<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote16sym" name="sdfootnote16anc">16</a>» ; - Les acteurs Magitopiques inspirés par cette vision créative définissent un objectif principal qui permet de poursuivre cette vision de manière idéaliste pragmatique<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote17sym" name="sdfootnote17anc">17</a>. Ils imaginent une &oelig;uvre culturelle nécessitant une transcendance de savoir pour sa réalisation (comme défi créatif). Ils s'engagent alors dans un processus d'intelligence stratégique pour faciliter sa réalisation (consultation et mobilisation de la mémoire et du réseau interne et externe de l'organisation) ; - Ces acteurs mettent en &oelig;uvre le design (comme dessin, projet et conception) de cette &oelig;uvre collaborative commune, à travers des pratiques collaboratives basées sur l'élaboration, le partage, l'hybridation et la valorisation de savoir (par le biais du modèle SOLARIS conçu à cet effet) ; - Ces acteurs testent leur &oelig;uvre auprès d'un public-cible. Ils intègrent et évaluent les retours du public-cible pour enrichir la mémoire de l'organisation et détecter de potentiels problèmes à résoudre ou appréhender ; - Une fois l’&oelig;uvre culturelle achevée et les nouveaux savoirs hybrides nécessaires à sa réalisation maîtrisés, ces acteurs diffusent ces ressources au sein et à l'extérieur de leur communauté afin de faciliter l'évolution de ce système, qui intègre désormais dans son fonctionnement et sa maintenance ces nouveaux savoirs. L'élaboration, la valorisation et la diffusion de ces ressources permettent de régénérer ce système en « réactualisant sa normalité » (génération d'un nouvel ordre plus évolué). Dans ce processus culturel socio-transformationnel, l'art met la technologie au défi tandis que la technologie inspire l'art<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote18sym" name="sdfootnote18anc">18</a>. Enfin, la méthodologie MAGIVOLUTION nécessite, pour être pleinement appréhendée et maîtrisée, l'utilisation d'un langage commun que nous avons construit stratégiquement pour faciliter les échanges et l'hybridation de savoir, et plus globalement les interactions créatives et inventives au sein de communautés épistémiques et de pratique (Wenger, 1998). Ce langage est à la fois documentaire (via la structure normative de matrices issues du modèle SOLARIS sus-cité<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote19sym" name="sdfootnote19anc">19</a>) et lexical, via un glossaire que nous avons élaboré. Ce dernier est constitué de concepts fondamentaux supportant théoriquement notre méthodologie pratique. Ces concepts (Magitopie, MAGILAB, MAGITECH<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote20sym" name="sdfootnote20anc">20</a>,...) gravitent tous autour d'un acronyme fondamental qu'est la MAGI, pour « Mastering the Art of Glocagenitive Intelligence » (Maîtrise de l'Art de l'Intelligence Glocagénitive). La MAGI renvoie à un savoir-faire individuel et collectif permettant de faire émerger, via le modèle de développement social ImagineerInt, une intelligence collective universelle (Lévy, 1997) au service du Commun (Bollier, 2007 : 2012). Elle vise à régénérer les capacités humaines de développement et de transcendance du savoir, afin de renforcer la résilience sociale dans la complexité croissante. La MAGI connote ainsi un savoir-faire permettant de développer une intelligence collective régénérant la nature et l'intelligence humaine, qui est alimentée par des cultures locales s'enrichissant mutuellement les unes les autres pour construire un monde digne, intègre et pérenne pour le vivant sur Terre. L'intelligence glocagénitive est donc une intelligence collective « glocale » (globale alimentée par des intelligences locales) alimentée par des communautés territoriales nommées Magitopies. Ces communautés locales &oelig;uvrent en synergie<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote21sym" name="sdfootnote21anc">21</a> pour régénérer la santé et le sens des territoires (leur capacité à s'autodéterminer et à évoluer continuellement en augmentant leur intelligibilité et leur sensibilité pour progresser vers un idéal pragmatique d'évolution pérenne du vivant) – dans ses dimensions sociales (culturelles) et écosystémique (biotope) – afin d'appréhender un monde de plus en plus complexe. Les premiers retours expérimentaux issus de notre recherche – action montrent un réel effet synergique dans nos échanges et interactions avec d'autres professionnels de la science (recherche et ingénierie) grâce à ce langage commun gravitant autour du concept de MAGI. Le fait que nous maîtrisions et employions tous ces concepts fondamentaux dans le cadre de nos travaux collaboratifs nous aide ainsi clairement à mieux penser (conceptualiser), ressentir (via des visions collectives partagées issues du sens spécifique de ces concepts) et orienter nos actions, via un écosystème conceptuel transposable à de multiples situations. Par exemple, l'ingénieur en mécanique qui a expérimenté pour la première fois le modèle SOLARIS dans un contexte problématique au sein d'une multinationale a, pour ce faire, raisonné à partir de nos concepts fondamentaux « MAGI » et les a transposés à sa structure professionnelle pour réussir, in fine, à opérer une transformation méthodologique en son￹ sein. Ainsi, des laboratoires qui ne communiquaient jamais ont, suite à son expérimentation, entamé une réelle coopération sur la base d'un échange systématique d'informations, de connaissances et de savoirs scientifiques et techniques. Nous avons, en tant que chercheur – designer, fait dès le départ le choix de concevoir des matrices méthodologiques sous forme de questionnaires, afin de stimuler et faciliter la réflexion et le raisonnement ainsi que l'imagination créative des acteurs les utilisant. Ces matrices sous forme de questionnaires visent à faciliter l'intégration d'habitus concernant l'élaboration, la formalisation et l'hybridation de savoir dans une perspective de transformation sociale. Notre paradigme épistémologique se nomme le « co-constructionnisme critique ». Il renvoie à un « intersubjectivisme » généré à partir d'interactions sociales capacitantes (basées sur une logique de capacitation subjectivante) et ontologisantes (qui enjoignent à l'enrichissement et à la transformation du réel via une posture imaginieriale et éducative populaire). Il hybride le sens des paradigmes co-constructivisme, constructivisme critique et constructionnisme social<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote22sym" name="sdfootnote22anc">22</a>. Notre travail de design s'ancre dans une approche systémique de la créativité collective. Hargadon et Bechky (2006) appellent « créativité collective » la créativité qui émerge d'idées interactives de différentes personnes plutôt que de l'esprit d'un seul individu (Marion, 2012). Dans la créativité collective, aucune idée en elle-même n'est responsable de la résolution du problème, mais le problème est résolu de manière unique et émergente. Diane Nijs (2019, p.64) ajoute que le concept de créativité collective converge avec les idées de l'approche systémique de la créativité. Le Dictionnaire de la créativité (Gorny, 2007) définit l'approche systémique de la créativité comme étant à l'intersection de facteurs individuels, sociaux et culturels (Amabile, 1983, 1996 ; Csikszentmihalyi, 1996, 1999, Simonton, 1988 ; Woodman et Schoenfeld, 1989). <h1 class="western">Contexte organisationnel au sein duquel est expérimenté la MAGIVOLUTION, premiers retours expérimentaux et proposition de voies d'évolution</h1> Nous avons formé des acteurs aux profils variés (chercheurs, ingénieurs, artistes, enseignants, thérapeutes, journalistes,…) à notre modèle ImagineerInt. Les premiers retours expérimentaux issus de notre recherche – action nous permettent de constater que ce choix est judicieux. Cette démarche « épistémagnoto-praxéologique »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote23sym" name="sdfootnote23anc">23</a> nous permet ainsi de renforcer l'accessibilité de notre modèle, en facilitant sa vulgarisation par le biais d'une « simplexification » des questions (transposition dans un langage compréhensible par tout un chacun, tout en conservant la complexité encodée en leur sein pour ne pas appauvrir leur sens). L'ensemble des acteurs que nous avons formés ont très rapidement intégré nos matrices et leur structure sous-jacente, et ont témoigné un réel intérêt et enthousiasme pour cette méthode de facilitation de l'auto-émergence d'intelligence collective créative. Ces acteurs nous ont également spontanément proposé de nous aider à vulgariser ces matrices, afin de les rendre encore plus intelligibles et accessibles par le grand public. Nous avons mobilisé, pour construire notre méthodologie de transformation sociale, des théories issues des champs de la narration et du game design afin de renforcer la nature ludique et interactive de notre méthodologie. Ces théories supportent, dans le cadre de la méthodologie MAGIVOLUTION, le développement d’&oelig;uvres culturelles justifiant et enjoignant à la transcendance de savoir au sein des communautés Magitopiques en vue d'effectuer une transformation systémique. Ainsi, le fait d'utiliser et d'amener nos acteurs à concevoir et partager des histoires et des jeux encodant des visions créatives du futur nous permet, au vu de ce que nous observons sur le terrain, de mieux toucher notre public en faisant appel à son imagination, et en l'amenant à interagir avec nos concepts ainsi qu'avec les visions créatives qui les supportent. L'approche ethnographique que nous utilisons (qui facilite l'inspiration créative selon Wang, 2013), via un travail sur les récits de vie de ces acteurs traduisant leurs savoirs « chauds » expérientiels de vie nous semble parfaitement approprié à cette démarche expérimentale. Les actions attendues de notre expérimentation sont centrées sur l'élaboration, la connexion, l'hybridation, la transcendance et la valorisation de savoir au sein des communautés expérimentales engagées dans notre recherche – action, sur la base des outils méthodologiques sus-cités constituant le modèle ImagineerInt. Les finalités attendues sont la pleine capacitation et autonomisation de ces acteurs et de ces collectifs à notre modèle, afin qu'ils puissent à terme mobiliser nos outils de manière intuitive et spontanée pour renforcer leur capacité d'autodétermination par le biais d'un processus d'hybridation et de transcendance de savoir systématisé ancré dans leurs « routines existantes ». Notre objectif est, en d'autres termes, de développer un habitus (comme manière d'être et de penser) chez ces acteurs à l'égard de notre modèle ImagineerInt et des différents outils d'intelligence collective le constituant. Nous ciblons, avec notre modèle, un public le plus large possible, compte tenu du fait que notre démarche s'ancre dans une posture de chercheur citoyen &oelig;uvrant selon une perspective scientifique d'éducation populaire qui vise à appréhender une problématique glocale complexe qu'est l'effondrement écologique. Les premiers retours expérimentaux issus de notre recherche – action proviennent du territoire de la région Bigorre (Hautes-Pyrénées). Notre expérimentation (centrée sur la capacitation d'individus désirant s'auto-organiser sur une base communautaire épistémique et de pratique) a fait émerger des évolutions de savoir : - D'une approche purement empirique (basée sur l'expérience sensible) ; à - Une approche faisant dialoguer empirisme (savoir « chaud ») et savoir théorique scientifique (savoir « froid ») selon le principe fondamental de l'éducation populaire tel que défini par le théoricien et praticien Franck Lepage (2012, 2015, 2016). Un exemple clair issu de notre recherche – action est la transformation d'un groupe d'enseignants (de niveau primaire et secondaire) en communauté d'intérêt (épistémique et de pratique). Les membres de cette communauté, sensibilisés aux pédagogies Freinet et aux théories Bourdieusiennes sur l'école, mobilisent actuellement nos outils d'intelligence collective pour tenter d'élaborer des raisonnements scientifiques visant à décrire et <strike>e</strike>xpliquer rigoureusement la manière dont ils transmettent leurs connaissances et savoirs à des élèves qui ne sont pas réellement adaptés au cadre de l'éducation nationale, en amenant ces derniers à devenir les acteurs d'un processus de co-construction d'intelligence collaborative créative. Ces raisonnements pourraient alors <strike>f</strike>aciliter la réplication de ce processus éducatif interactif par d'autres enseignants et éducateurs pour tester (sur une base ouverte et distribuée de pair-à-pair) leurs techniques élaborées et affinées de manière empirique. Nous soulignons que ce sont ces personnes qui nous ont initialement sollicités pour les former au raisonnement scientifique par le biais de notre modèle, car désirant partager leurs savoirs empiriques et les ancrer dans une démarche d'expérimentation scientifique (reposant sur le principe fondamental de réplicabilité). Ce groupe aura donc opéré, par le biais de nos matrices et sur la base de ce désir collectif d'évolution ancré dans le paradigme de la complexité, une transformation sociale vers un nouvel état. Ce nouvel état est, dans le cadre de notre exemple de terrain, une auto-organisation facilitant l'autonomisation de ses membres (sur la base d'un partage systématique de leurs savoirs au sein et à l'extérieur de leur groupe) pour renforcer leur capacité à transposer leurs pratiques pédagogiques dans le champ scientifique. Nous travaillons actuellement avec d'autres acteurs au développement d'une communauté expérimentale visant à approfondir l'expérimentation de nos outils et méthodologies, dans lequel nous nous engagerons quotidiennement en tant que chercheur – praticien. <h1>Discussions</h1> Nous souhaitons que notre méthodologie fasse l'objet : - D'une vulgarisation (afin de faciliter sa maîtrise par des communautés locales souhaitant &oelig;uvrer collectivement pour le Commun par le biais de l'hybridation et de la transcendance de leurs savoirs systématiquement formalisés et partagés) ; et - De traductions, afin de faciliter sa diffusion à l'échelle planétaire, et son implémentation dans de multiples contextes territoriaux. Nous désirons ainsi voir d'autres expériences menées sur des terrains variés afin de tester la viabilité de notre méthode de transformation sociale. Nous formons actuellement des chercheurs – praticiens en ce sens pour alimenter cette dynamique expérimentale. <h1>Conclusion</h1> La capacité de communautés locales à s'auto-organiser et à se transformer pour s'auto-déterminer constitue une condition sine qua non de leur pérennité évolutive dans la complexité croissante. Partir des affects (désirs, souffrances et frustrations) par rapport à un présent problématique nous semble un moyen pertinent pour inspirer une démarche de mutation culturelle sur la base d'une imagination créatrice facilitant la réalisation collaborative de cultures régénératives sociotransformationnelles. Il est cependant nécessaire, afin de faciliter et renforcer ce processus dynamique, de capaciter les individus et les groupes (dans le cadre de notre méthodologie, par le biais de questionnaires conçus à cet effet) afin de réhabiliter l'intelligence collective via le partage et l'hybridation de savoirs nécessaires pour l'émancipation sociale. En ce sens, la transformation de communautés locales culturellement diversifiées nécessite fondamentalement une approche d'éducation populaire pour conférer aux territoires la possibilité cognitive et technique d'une réelle maîtrise de leur destinée. En d'autres termes, pour renforcer leur souveraineté créative dans un monde en profond changement. <h1>Références</h1> Besson, B., & Possin, J. (2001). Du renseignement à l'intelligence économique. Paris: Dunod. <a name="js-reference-string-022"></a> Besson, B., & Uhl, R. (2012). Intelligence inventive. Lulu.com. Bollier, D. (2007). The rise of collective intelligence. Washington, DC: Aspen Institute Communications and Society Program. Bollier, D. & Helfrich, S. (2012). The wealth of the commons. Amherst, MA: Levellers Press. <a name="js-reference-string-0"></a> Boullier, D. (2015). Les sciences sociales face aux traces du big data. Revue Française De Science Politique, 65(5), 805. doi: 10.3917/rfsp.655.0805 Bourdieu, P., & Passeron, J. 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Consulté le 15 septembre 2019, à l'adresse : <a class="western" href="http://ethnographymatters.net/blog/2013/05/13/big-data-needs-thick-data/">http://ethnographymatters.net/blog/2013/05/13/big-data-needs-thick-data/</a> Wenger, E. (1998). Communities of practice. Cambridge: Cambridge University Press. Taylor, P. (1998) Constructivism: Value added, In: B. Fraser & K. Tobin (Eds), The International handbook of science education, Dordrecht, The Netherlands: Kluwer Academic Woodman, R. W., & Schoenfeld, L. F. (1989). Individual differences in creativity: An interactionist perspective. In J. A. Glover, R. R. Ronning, & C. R. Reynolds (Eds.), Handbook of creativity (pp. 77-91). New York: Plenum Press. <div id="sdfootnote1"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a> « Eutopie » vient de l’anglais « eutopia », mot inventé en 1516 par Thomas More, qui connote un lieu imaginaire conçu dans son ouvrage Utopia. Celui-ci signifie littéralement « lieu du bon » ou « lieu de la bienveillance ». </div> <div id="sdfootnote2"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a> Le sens est ici entendu dans ses dimensions : - Intelligibilité : Faire sens, conceptualiser, relier et reliancer (au sens de la reliance au c&oelig;ur du paradigme de la complexité). - Sensibilité : Mobiliser / stimuler / toucher les sens / sensations / sentiments (perceptualiser) ; et - Directionnelle : Se projeter vers un avenir (re-présentation) durable et poursuivre cette vision souhaitable, désirable et inspirante par le biais d'une démarche scientifique créative et collaborative synergique. </div> <div id="sdfootnote3"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a> L'épistémologie de l'invention (selon l'expression de Deledalle) considère le mode de recherche et d'obtention de connaissances nouvelles comme un processus de conception, avec des allers et retours en confrontation entre le projet de concevoir et sa réalisation alimentant ce processus. La science n'est donc plus l'analyse et l'anatomie de ce qui existe positivement et donc nécessairement car, de même que l'art et la technique, elle invente de nouvelles réalités. Source : <a class="western" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Abduction_(logique">https://fr.wikipedia.org/wiki/Abduction_(logique</a>) (consulté 10 septembre 2019). </div> <div id="sdfootnote4"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a> Jennie Rose Halperin (2016) définit la science citoyenne comme « l'idée puissante que les communautés devraient être habilitées à participer au processus d'investigation scientifique, enquêter sur le monde qui les entoure et créer un changement sociétal dans le processus ». </div> <div id="sdfootnote5"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a> La régénération renvoie ici aux analyses de Daniel Christian Wahl dans son ouvrage Designing Regenerative Cultures (2016) et à celles de Mang et Haggard dans Regenerative Development and Design (2016). Selon Wahl, « Le 21ème siècle sera le siècle de la régénération de l'écosystème et de la Terre, sinon le 22ème siècle pourrait voir une planète grandement appauvrie sans nous. Nous avons besoin de solutions variées, intersectionnelles, globales et audacieuses, émanant de personnes différentes provenant de tous les horizons et de toutes les origines et s'alignant sur les systèmes terrestres naturels. » </div> <div id="sdfootnote6"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a> L'hyperobjet renvoie, pour le philosophe Timothy Morton, à une entité d’une étendue spatio-temporelle telle qu'elle « met en faillite l'idée même que nous nous faisons d'un objet, que l’on s’imagine habituellement pouvoir toucher ou tenir dans la main » (source : <a class="western" href="https://www.lesinrocks.com/2015/11/21/arts/les-hyperobjets-le-superconcept-qui-revolutionne-la-pensee-ecologique-11785368/">https://www.lesinrocks.com/2015/11/21/arts/les-hyperobjets-le-superconcept-qui-revolutionne-la-pensee-ecologique-11785368/</a> ; consulté le 15 septembre 2019). </div> <div id="sdfootnote7"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym">7</a> L'hybridation renvoie à la fusion sémantiquement cohérente de deux savoirs issus de champs disciplinaires ou expérientiels différents (e.g., biologie et informatique) dans une visée synergique pour augmenter et enrichir leur sens respectif. Le mot transcender est un néologisme introduit pas Henri Bergson, et signifie « s’élever au-dessus d’une région de la connaissance ou de la pensée après l’avoir traversée et pénétrer dans une région supérieure. » (H. Bergson, dans A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, puf, 2010, p.112). Enfin, nous définissons la maîtrise comme la pleine capacité et mesure à exercer sa souveraineté créative sur un savoir ou une technique. </div> <div id="sdfootnote8"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote8anc" name="sdfootnote8sym">8</a> Le concept d'hologrammie signifie selon Edgar Morin que dans un système, dans un monde complexe, non seulement une partie se trouve dans le tout (par exemple, nous êtres humains, nous sommes dans le cosmos), mais le tout se trouve également dans la partie. Le principe hologrammatique constitue l'une des dimensions conceptuelles fondamentales du paradigme de la complexité. </div> <div id="sdfootnote9"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote9anc" name="sdfootnote9sym">9</a> Maurel distingue la transformation sociétale de la transformation sociale. Ainsi : - La transformation sociétale (expression employée au pluriel) renvoie aux processus technologiques et socio-économiques existants en évolution permanente ; et - La transformation sociale (employée au singulier) désigne la posture d'acteurs engagés dans la transformation réfléchie de la société et dans la production d'autres rapports sociaux et politiques entre les hommes. </div> <div id="sdfootnote10"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote10anc" name="sdfootnote10sym">10</a> Le pluriverse est un concept défini par l'anthropologue Arturo Escobar dans son ouvrage Design for the Pluriverse (2018, p.4). ll renvoie à des configurations socionaturelles issues de la ré-imagination et de la construction de « mondes locaux ». </div> <div id="sdfootnote11"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote11anc" name="sdfootnote11sym">11</a> La Magitopie est une communauté territoriale auto-suffisante et auto-organisée dont les membres développent, protègent et promeuvent une culture locale singulière ancrée dans le paradigme économique des communs (Ostrom, 1990). Ils poursuivent, ce faisant, un idéal pragmatique de société planétaire « glocale » évoluant écologiquement et socialement vers une vision de progrès symbolisée par la maîtrise de l'art de faciliter l'auto-émergence d'une intelligence glocale inventive et régénérative que nous nommons « glocagénitive ». Nous renvoyons, pour une analyse détaillée du concept de Magitopie, à un article publié dans la revue scientifique COSSI : <a class="western" href="https://revue-cossi.info/numeros/n-4-2018-big-data-thick-data/701-1-2018-revue-bonnecarrere">https://revue-cossi.info/numeros/n-4-2018-big-data-thick-data/701-1-2018-revue-bonnecarrere</a> (consulté le 15 septembre 2019). </div> <div id="sdfootnote12"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote12anc" name="sdfootnote12sym">12</a> La croyabilité est un terme utilisé par Minvielle et al., dans l'ouvrage Jouer avec les futurs (2016). Il provient du mot anglais believability, qui intègre le concept de plausibilité tout en renforçant sa nature intrinsèque d'objet de croyance (ce qui est perçu comme « raisonnable », en excluant les événements « sauvages » situés hors de ce champ). Dans l'acception que les auteurs souhaitent mettre en avant, cette notion recouvre tout ce qui va permettre à un spectateur de croire à ce qu'il est en train de vivre, quelle que soit la probabilité d'occurrence ou la possibilité scientifique de l'événement. Minvielle et al. utilisent donc ce terme lorsqu'il s'agit de rendre vraisemblable et immersif un futur possible. Ces auteurs défendent l'idée (p.83) que « Pour comprendre demain, il faut dépasser les approches usuelles et se demander dans quelles mesures les imaginaires peuvent remettre en question ou être à l'origine de changements dans la vie réelle ». Toujours selon eux (p.218), « Prédire certains pans du futur libère l'imagination sur les autres aspects ». </div> <div id="sdfootnote13"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote13anc" name="sdfootnote13sym">13</a> Nous basons notre analyse sur celles de Dominic Barter (2018) concernant le design de systèmes dialogiques pour l'autodétermination collective : En période de tensions collectives intenses, nous sommes encouragés à trouver de nouvelles réponses systémiques aux besoins communs permanents. Le design (à la fois dessin et dessein) et le fonctionnement de ces nouveaux systèmes sociaux, nous appellent à une créativité sincère, courageuse et ludique. Ce domaine est nouveau et toutes les expériences que nous ferons sont basées sur notre manière de prendre soin de la vie. Ces expériences donneront donc des réponses aux différents moments que nous vivons dans un monde qui change rapidement. Elles n'offrent pas un plan d'action unique, mais une écoute active et continue des collectivités en transition. Structurellement et à chaque instant, elles s'enracinent dans le dialogue. La non-violence donne des principes de base à l'architecture de ce travail et des lignes directrices pour son déroulement. Le maillage de la recherche et de la pratique de Marshall Rosenberg nous rappelle que la non-violence nous invite à chaque étape à nous aligner en nous, avec les autres et socialement — comme en un mouvement d'unité. Mais c'est dans l'expérience directe de ces nouveaux systèmes sociaux dialogiques, en une sorte de relation de questionnement permanent, en explorant l'incertitude qui est leur nature, que nous commençons à intégrer leurs voies, et à réaliser qu'ils favorisent la cohésion, l'auto-guérison, le soutien mutuel et l'autodétermination collective. Source : <a class="western" href="https://strasbourg.carpe-diem.events/calendar/9069933-introduction-au-design-de-syst-me-dialogique-avec-dominic-barter-at-bordeaux-france/">https://strasbourg.carpe-diem.events/calendar/9069933-introduction-au-design-de-syst-me-dialogique-avec-dominic-barter-at-bordeaux-france/</a> (consulté le 15 septembre 2019). </div> <div id="sdfootnote14"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote14anc" name="sdfootnote14sym">14</a> Le psychologue cognitif Jerome Bruner (1986, p.11) affirme que les êtres humains ont deux modes de fonctionnement cognitif, deux modes de pensée, chacun offrant des moyens distinctifs pour commander des expériences et construire la réalité : - Le mode paradigmatique ou logico-scientifique, que nous utilisons pour construire un argument ; et - Le mode narratif, que nous utilisons pour raconter une histoire. </div> <div id="sdfootnote15"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote15anc" name="sdfootnote15sym">15</a> Selon l'expression de l'imagineer Will Hastings dans l'ouvrage The Imagineering Way (2003, p.67). </div> <div id="sdfootnote16"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote16anc" name="sdfootnote16sym">16</a> Ces interactions facilitant la transformation sociale par un recalibrage de la normalité sociale s'ancrent, dans notre méthodologie, dans les paradigmes du « co-constructivisme » et du constructionnisme social. </div> <div id="sdfootnote17"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote17anc" name="sdfootnote17sym">17</a> Richard Stallman (2002) définit l'idéalisme pragmatique en ces termes : « Si vous voulez accomplir quelque chose dans le monde, l'idéalisme ne suffit pas ; le choix d'une méthode qui mène à l'accomplissement de ce but est nécessaire. En d'autres termes, vous devez être pragmatique ». </div> <div id="sdfootnote18"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote18anc" name="sdfootnote18sym">18</a> L'art est ici défini comme une technique sensible qui s'affine avec le travail et l'évolution induite par cette pratique. Le travail renvoie à toute activité qui mobilise des savoirs (être, vivre, ressentir, penser, raisonner et faire) et garantit un degré d'autonomie concernant la manière de la pratiquer. La technologie renvoie, quant à elle, à l'étude et au discours sur la technique, ainsi qu'à la régénération de celle-ci par le biais d'une posture épistémologique « résoactive » qui invente de nouvelles réalités. La résoaction renvoie à une démarche de rêve, de raisonnement et d'action en réseau ouvert et distribué de pair-à-pair visant à régénérer l'écosystème naturel ainsi que des cultures locales diversifiées. </div> <div id="sdfootnote19"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote19anc" name="sdfootnote19sym">19</a> Pour une compréhension globale de la constitution et du fonctionnement de ce modèle, nous renvoyons à notre article publié dans la revue COSSI : <a class="western" href="https://revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/1059-notes-de-recherche/735-5-2018-bonnecarrere">https://revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/1059-notes-de-recherche/735-5-2018-bonnecarrere</a> (consulté le 15 septembre 2019). </div> <div id="sdfootnote20"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote20anc" name="sdfootnote20sym">20</a> Voir, en guise d'exemple, un article concernant les MAGITECH, tiré de notre communication au colloque scientifique international ITRA (International Toy Research Association) : <a class="western" href="https://hal-univ-paris13.archives-ouvertes.fr/hal-02090895">https://hal-univ-paris13.archives-ouvertes.fr/hal-02090895</a> (consulté le 15 septembre 2019). </div> <div id="sdfootnote21"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote21anc" name="sdfootnote21sym">21</a> La synergie renvoie à la mise en commun de moyens qui se renforcent entre eux afin d'aboutir à un même but. Dans le cadre de notre modèle ImagineerInt, ce but est de développer, protéger et valoriser des savoirs hybrides issus d'intelligences multiples et diversifiées ancrées dans des cultures locales singulières savoureuses s'enrichissant mutuellement dans une logique de métissage. </div> <div id="sdfootnote22"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote22anc" name="sdfootnote22sym">22</a> Le co-constructivisme renvoie, selon Morin, à la « collaboration du monde extérieur et de notre esprit pour construire la réalité » (source : <a class="western" href="https://www.nonfiction.fr/article-960-entretien_avec_edgar_morin__2__science_et_philosophie.htm">https://www.nonfiction.fr/article-960-entretien_avec_edgar_morin__2__science_et_philosophie.htm</a>). Le constructivisme critique regarde le constructivisme (qui stipule que l'esprit construit la réalité) dans un environnement culturel et social, tout en rajoutant une dimension critique ayant pour but de reformer ces environnements afin d'améliorer le succès du constructivisme appliqué à un référent. Taylor (1998) décrit le constructivisme critique comme une épistémologie sociale qui adresse le contexte socio-culturel de la construction de la connaissance et s'en sert comme référence pour une réforme culturelle. Enfin, le paradigme du constructionnisme social impose la dynamique de communication comme générateur principal de changement (Nijs, 2014, p.144). Ce paradigme suggère que « les changements dans la façon dont les gens se parlent (normes et processus de conversation, contenu conversationnel, piste narrative, etc) créent des changements dans la manière dont les gens agissent » (Gergen, 1994a, 1994b et Shotter, 1993 chez Ferdig et Ludema, 2005, p.173). </div> <div id="sdfootnote23"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote23anc" name="sdfootnote23sym">23</a> Qui fait dialoguer l'étude et la construction de la connaissance (épistémologie), de l'ignorance (agnotologie selon Proctor et Schiebinger, 2008) et de l'action (praxéologie). </div>