<p><strong><strong><strong>Abstract :&nbsp;</strong></strong></strong>In French secondary school, pupils attend a standardized and ritualized space aiming at meeting social and institutional expectations of society. The school library is seen as a documentary space both physical and digital. Various standards organize this space, both materially and symbolically. However pupils and teachers are not passive users. They develop active strategies to adjust and negotiate with prescribed standards to ensure the sustainability of the system.&nbsp;</p> <p><strong><strong><strong>Keywords :&nbsp;</strong></strong></strong>Norms-documentary space-French secondary school-use-pupils-school library</p> <p>&nbsp;</p> <h2><a id="t1"></a>INTRODUCTION</h2> <p>L&rsquo;&eacute;cole fran&ccedil;aise est un espace r&eacute;gi par des normes mat&eacute;rielles et symboliques n&eacute;cessairement fortes parce qu&rsquo;instituantes&nbsp;: normes explicites, mais aussi normes relationnelles et comportementales implicites qui ne sont pas enseign&eacute;es et peuvent &ecirc;tre source d&rsquo;in&eacute;galit&eacute;s (Duru-Bellat &amp; Van Zanten, 2012), normes spatiales et temporelles multiples et variables &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur m&ecirc;me d&rsquo;un &eacute;tablissement scolaire et qui rendent l&rsquo;espace scolaire complexe (Sgard &amp; Hoyaux, 2006).</p> <p>&Agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de l&rsquo;&eacute;tablissement scolaire, nous nous focalisons sur un autre espace, le centre de documentation et d&rsquo;information (CDI). Ce lieu d&eacute;di&eacute; est plac&eacute; sous la responsabilit&eacute; d&rsquo;un professeur documentaliste, professionnel de la documentation et de l&rsquo;information au statut et aux missions d&rsquo;enseignant et qui occupe, &agrave; ce titre, une place remarquable dans le paysage mondial des biblioth&egrave;ques et des biblioth&eacute;caires scolaires. Son activit&eacute; professionnelle est au croisement de diff&eacute;rents champs, m&eacute;thodes, mod&egrave;les et pratiques (Frisch, 2013) et repose sur des savoirs scientifiques, p&eacute;dagogiques et professionnels, mais aussi sur des standards et des normes documentaires qui tous se superposent.</p> <p>Nous nous int&eacute;ressons dans cette communication aux normes dans les usages ordinaires des &eacute;l&egrave;ves et des professeurs documentalistes au sein de cet espace. L&rsquo;espace documentaire d&eacute;fini par I. Fabre (2013) comme &laquo;&nbsp;un dispositif, lieu o&ugrave; humains, objets mat&eacute;riels et liens s&rsquo;organisent pour mettre en &oelig;uvre les interactions &agrave; la fois r&eacute;elles et symboliques qui instituent des modalit&eacute;s et des logiques d&rsquo;usage&nbsp;&raquo; est appr&eacute;hend&eacute; dans sa globalit&eacute; physique et num&eacute;rique comme un espace d&rsquo;exp&eacute;riences fondamentalement li&eacute; aux acteurs, &agrave; leurs actions, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; ce qu&rsquo;ils font et &agrave; ce qu&rsquo;ils en font.</p> <p>La proximit&eacute; entre usage, r&egrave;gle et norme d&eacute;fendue par E. Prairat (2014) structure notre r&eacute;flexion. La norme est entendue dans une acception large qui d&eacute;passe un mouvement vertical prescriptif et l&rsquo;inclut dans une dynamique horizontale. Norme et r&egrave;gle ne s&rsquo;opposent pas, mais sont consid&eacute;r&eacute;es ici comme les deux dimensions d&rsquo;une m&ecirc;me notion complexe &laquo; qui se d&eacute;finit selon deux points de vue&nbsp;: elle peut &ecirc;tre prescriptive et correspondre &agrave; ce qui doit &ecirc;tre, &agrave; la r&egrave;gle&nbsp;; elle peut aussi &ecirc;tre objective et&nbsp;d&eacute;signer un &eacute;tat habituel, conforme &agrave; la majorit&eacute; des cas&nbsp;&raquo; (Lopez, Condamines, Josselin-Leray, 2014).</p> <p>Notre communication s&rsquo;appuie sur des entretiens individuels men&eacute;s dans cinq coll&egrave;ges avec cinquante coll&eacute;giens des niveaux cinqui&egrave;me et quatri&egrave;me et le professeur documentaliste de chacun de ces cinq coll&egrave;ges, choisis pour leur caract&egrave;re ordinaire. Ces coll&eacute;giens et coll&eacute;giennes sont tous fr&eacute;quentants du CDI et choisis comme tels selon une m&eacute;thode d&rsquo;&eacute;chantillonnage cibl&eacute;e. La grille d&rsquo;entretiens semi-directifs utilis&eacute;e vise &agrave; approcher les repr&eacute;sentations et les usages de l&rsquo;espace de la documentation scolaire par ses deux principaux acteurs. Cette approche m&eacute;thodologique nous a permis de voir &eacute;merger diff&eacute;rentes formes et logiques normatives &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de cet espace. Vertical, mais aussi horizontal, li&eacute; aux pratiques informationnelles mais aussi plus largement sociales, le rapport &agrave; la norme traverse l&rsquo;espace de la documentation scolaire et implique de fa&ccedil;on crois&eacute;e tout aussi bien les &eacute;l&egrave;ves que les professionnels.</p> <p>Quels choix les acteurs op&egrave;rent-ils face &agrave; la norme dans un espace institutionnel&nbsp;? &Agrave; quel point des normes h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes, voire contradictoires, qui visent en tant qu&rsquo;instances op&eacute;ratoires (Prairat, 2012) &agrave; organiser nos comportements, peuvent-elles cohabiter sans mettre en p&eacute;ril la durabilit&eacute; de cet espace ?&nbsp;</p> <h2><b><a id="t2"></a></b>DES NORMES PLURI-ORIGINELLES&nbsp;: UNE MENACE POUR LA DURABILITE ?</h2> <h3>Les pratiques informationnelles sous tension normative</h3> <p>Les pratiques informationnelles d&eacute;finies de fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rique comme &laquo;&nbsp;une mani&egrave;re concr&egrave;te d&rsquo;exercer une activit&eacute; d&rsquo;information visant des r&eacute;sultats concrets sans intention d&rsquo;expliquer comment le r&eacute;sultat a &eacute;t&eacute; atteint&nbsp;&raquo; (Gardi&egrave;s, Fabre, Couzinet, 2010) r&eacute;v&egrave;lent l&rsquo;&eacute;tablissement de normes ou de rep&egrave;res normatifs &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans l&rsquo;espace documentaire. Elles s&rsquo;organisent tr&egrave;s massivement autour de deux objets,&nbsp;<em>Wikip&eacute;dia</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Google</em>, qui structurent l&rsquo;espace d&rsquo;exp&eacute;rience des &eacute;l&egrave;ves tout en se distinguant par des probl&eacute;matiques normatives diff&eacute;rentes.</p> <p>Souvent, quand ils sont questionn&eacute;s sur les ressources qu&rsquo;ils utilisent pour leurs recherches, les &eacute;l&egrave;ves &eacute;voquent Wikip&eacute;dia comme un espace non fr&eacute;quentable. Tr&egrave;s vite dans l&rsquo;entretien, ils expliquent ne pas utiliser l&rsquo;encyclop&eacute;die dans le cadre de leurs recherches. Une &eacute;l&egrave;ve raconte qu&rsquo;au CDI comme chez elle, elle ne va &laquo;&nbsp;<em>surtout pas dans Wikip&eacute;dia</em>&nbsp;&raquo;. Cette interdiction est incorpor&eacute;e dans les discours,&nbsp;qu&rsquo;elle soit associ&eacute;e &agrave; la fiabilit&eacute; &ndash; &laquo;&nbsp;<em>je prends pas Wikip&eacute;dia parce qu&rsquo;apparemment c&rsquo;est souvent faux&nbsp;</em>&raquo; &ndash; ou &agrave; la dimension collaborative de l&rsquo;encyclop&eacute;die : &laquo;&nbsp;<em>J&rsquo;essaie toujours de pas trop chercher Wikip&eacute;dia car je sais que tout le monde peut y acc&eacute;der et qu&rsquo;on dit pas mal de choses&nbsp;</em>&raquo;. Quand un &eacute;l&egrave;ve cherche &agrave; expliciter ce qu&rsquo;il consid&egrave;re &ecirc;tre un &laquo;&nbsp;<em>bon site</em>&nbsp;&raquo;, il prend Wikip&eacute;dia comme contre-exemple &laquo;&nbsp;<em>c&rsquo;est un peu comme Wikip&eacute;dia, mais pas du genre o&ugrave; n&rsquo;importe qui peut mettre l&rsquo;information qu&rsquo;il veut</em>&nbsp;&raquo;. Quand elle est explicit&eacute;e, cette non-utilisation est fr&eacute;quemment imput&eacute;e aux professeurs&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Ils nous disent le plus souvent de ne pas utiliser Wikip&eacute;dia</em>&nbsp;&raquo; - &laquo;&nbsp;<em>les professeurs, ils le conseillent pas</em>&nbsp;&raquo; - &laquo;&nbsp;<em>les profs ils disent que c&rsquo;est pas bien</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Se dessine une zone de recherche normalis&eacute;e qui exclut Wikip&eacute;dia &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur de ses fronti&egrave;res. Cette normalisation r&eacute;duit le champ des possibles informationnels (Prairat, 2014) en en &eacute;liminant un pan entier pourtant socialement reconnu et utilis&eacute;</p> <p>L&rsquo;adoption de la norme se double parfois d&rsquo;un rapport int&eacute;rioris&eacute; &agrave; d&rsquo;autres normes scolaires, en premier lieu desquelles celle de la note. Un &eacute;l&egrave;ve explique pourquoi il n&rsquo;utilise pas les ordinateurs pour faire ses recherches&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Une fois, j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; sur Wikip&eacute;dia et j&rsquo;ai pas eu une bonne note, donc maintenant je vais plus sur les ordinateurs&nbsp;</em>&raquo;. En cela, la norme &laquo;&nbsp;<em>op&egrave;re des tris, arr&ecirc;te des choix, affirme des comportements &agrave; suivre ou recommande des pratiques &agrave; mettre en &oelig;uvre&nbsp;</em>&raquo; (Prairat, 2012). Quand l&rsquo;utilisation de l&rsquo;encyclop&eacute;die est malgr&eacute; tout indispensable, elle peut obliger &agrave; d&eacute;roger &agrave; une autre norme scolaire, et plus largement intellectuelle et &eacute;thique, &agrave; savoir la mention de la source dans un travail de recherche. Pour cacher qu&rsquo;elle a enfreint la norme professorale, et qu&rsquo;elle a quand m&ecirc;me utilis&eacute; Wikip&eacute;dia car c&rsquo;est le seul site qu&rsquo;elle connait, une &eacute;l&egrave;ve explique &laquo;&nbsp;<em>Ils nous disent &agrave; chaque fois de marquer le site, mais je le marque pas. Ils disent &lsquo;Ah, t&rsquo;as oubli&eacute; de marquer les sources&rsquo; et je dis &lsquo;Ah oui j&rsquo;ai oubli&eacute;&rsquo;</em>&nbsp;&raquo;. Dans un souci d&rsquo;efficacit&eacute;, et tout en en &eacute;valuant les risques, les &eacute;l&egrave;ves composent avec diff&eacute;rents r&eacute;gimes normatifs.</p> <p>Si l&rsquo;on se replace dans un environnement plus large qui d&eacute;passe les fronti&egrave;res de l&rsquo;&eacute;cole, cette norme se heurte, &agrave; d&rsquo;autres normes, extra-scolaires. Les pratiques informationnelles ne sont pas l&rsquo;apanage de l&rsquo;&eacute;cole, elles s&rsquo;ins&egrave;rent dans des logiques d&rsquo;usages plus vastes.&nbsp;Les &eacute;l&egrave;ves d&eacute;veloppent un certain nombre d&rsquo;habitudes et de comp&eacute;tences dans le cadre priv&eacute;. Les interactions amicales et familiales produisent des normes comportementales et intellectuelles qui peuvent entrer en tension avec les normes scolaires. Une &eacute;l&egrave;ve raconte comment elle op&egrave;re pour faire une recherche&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Le plus souvent je vais sur le site o&ugrave; il faut pas aller, c&rsquo;est Wikip&eacute;dia, apparemment c&rsquo;est pas un bon site&nbsp;</em>&raquo;. Elle poursuit&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est ce qu&rsquo;on me r&eacute;p&egrave;te parce que c&rsquo;est un site, les informations qu&rsquo;il donne, apparemment ne sont pas s&ucirc;res mais il y a quand m&ecirc;me beaucoup d&rsquo;informations, donc c&rsquo;est quand m&ecirc;me plus facile</em>&nbsp;&raquo;. Quand nous lui demandons d&rsquo;o&ugrave; elle tient cette opinion, elle r&eacute;pond&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Les professeurs en partie, mes parents sont pas tout &agrave; fait de cet avis mais bon&hellip;&nbsp;</em>&raquo; L&rsquo;&eacute;l&egrave;ve, soumis &agrave; une injonction contradictoire entre normes professorales et parentales, doit alors &laquo;<em>&nbsp;ruser&nbsp;</em>&raquo;, mettre en place une strat&eacute;gie informationnelle qui lui permet d&rsquo;&eacute;chapper &agrave; cette double injonction pour mener une recherche efficace&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Je regarde sur &ccedil;a parce que c&rsquo;est la premi&egrave;re chose qu&rsquo;on me propose et puis apr&egrave;s je cherche d&rsquo;autres choses</em>&nbsp;&raquo;. &nbsp;Des normes qui sans engendrer n&eacute;cessairement une schizophr&eacute;nie informationnelle participent de l&rsquo;&eacute;cart entre pratiques scolaires et pratiques sociales (Fluckiger, 2008 ; Guichon, 2012) alors que la maitrise de cette articulation inter-contextuelle appara&icirc;t pr&eacute;cis&eacute;ment comme un indicateur dans la ma&icirc;trise des comp&eacute;tences informationnelles et scolaires.</p> <p>L&rsquo;utilisation de l&rsquo;encyclop&eacute;die Wikip&eacute;dia cristallise, de fait, un certain nombre de strat&eacute;gies qui attestent de comp&eacute;tences informationnelles - &laquo;&nbsp;<em>&nbsp;Des fois j&rsquo;utilise Wikip&eacute;dia mais j&rsquo;essaie d&rsquo;utiliser d&rsquo;autres sites pour voir s&rsquo;il y a des diff&eacute;rences par rapport &agrave; ce qu&rsquo;ils disent</em>&nbsp;&raquo; &ndash; ou &laquo;&nbsp;<em>Je vais sur Wikip&eacute;dia c&rsquo;est seulement pour v&eacute;rifier que j&rsquo;ai pas loup&eacute; des liens qui pourraient m&rsquo;envoyer justement sur des sites que j&rsquo;ai pas vus</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Mais, quand l&rsquo;&eacute;vitement est parfois syst&eacute;matique et contraint &laquo;&nbsp;<em>Alors du coup, je prends d&rsquo;autres sites qui sont en bas de Wikip&eacute;dia<a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/734-5-2018-mazurier#ftn1" id="ftnref1" name="_ftnref1">[1]</a>, parce que Wikip&eacute;dia c&rsquo;est toujours le premier site</em>&nbsp;&raquo;, il n&rsquo;appara&icirc;t pas comme une pratique informationnelle durable (Mallowan, 2013) qui peut &ecirc;tre exerc&eacute;e dans un environnement m&eacute;diatique changeant et en toute conscience informationnelle. L&rsquo;enjeu de durabilit&eacute; est donc aussi un enjeu de m&eacute;diation (Liqu&egrave;te, Fabre, Gardi&egrave;s, 2010) qui doit permettre aux &eacute;l&egrave;ves de construire des comp&eacute;tences durables afin de ne pas subir une norme, mais au contraire d&rsquo;en user librement.</p> <p>&Agrave; l&rsquo;inverse de Wikip&eacute;dia, le moteur de recherche Google appara&icirc;t comme un alli&eacute; s&ucirc;r pour mener une recherche d&rsquo;information sur le web. &nbsp;Il appara&icirc;t aux yeux des &eacute;l&egrave;ves comme un champ ouvert de possibles et en cela comme un terrain d&#39;information potentiel immense pour leurs travaux&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Je vais sur Google et puis je vois&nbsp;</em>&raquo;.</p> <p>Quand ils expliquent comment ils effectuent leurs recherches d&rsquo;information avec le moteur Google, les &eacute;l&egrave;ves racontent : &laquo;&nbsp;<em>J&rsquo;ai juste &agrave; taper ce que je cherche et voil&agrave;</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>On tape ce qu&rsquo;on cherche et voil&agrave; on va sur le premier site et normalement y a des choses bien et qu&rsquo;on prend</em>&nbsp;&raquo;, ou encore&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Je tape juste le nom de ce qu&rsquo;on doit trouver et en g&eacute;n&eacute;ral &ccedil;a marche</em>&nbsp;&raquo;. Comme l&rsquo;a d&eacute;j&agrave; constat&eacute; A. Cordier (2010) qui &eacute;voque un imaginaire de la recherche sur internet empreint de magie, les &eacute;l&egrave;ves &eacute;prouvent des difficult&eacute;s &agrave; verbaliser clairement le processus de recherche. Le lien de causalit&eacute; entre la recherche et le r&eacute;sultat n&rsquo;est pas explicit&eacute;. Ainsi se d&eacute;ploie la vision d&rsquo;une recherche d&rsquo;information n&eacute;cessairement facile et efficace gr&acirc;ce &agrave; la puissance algorithmique de Google, mais aussi parce que les professeurs demandent aux &eacute;l&egrave;ves des informations cibl&eacute;es et cadr&eacute;es (Micheau, 2015), pour lesquelles suffit la m&eacute;ta-description de la page de r&eacute;sultats de Google. Cela cr&eacute;e une norme d&rsquo;usage qui d&eacute;passe la seule utilisation des moteurs de recherche. Des horizons d&rsquo;attente op&eacute;ratoires normatifs en mati&egrave;re de recherche d&rsquo;information se dessinent.</p> <p>Cette norme se trouve confront&eacute;e au fonctionnement d&rsquo;autres outils, m&ecirc;me s&rsquo;ils sont de nature diff&eacute;rente. Un professeur documentaliste essaie de trouver des explications quant &agrave; la tr&egrave;s faible utilisation du portail documentaire par les &eacute;l&egrave;ves,&nbsp;et fait imm&eacute;diatement le rapprochement avec le moteur Google&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Effectivement en termes de mots cl&eacute;s il est beaucoup plus exigeant, si tu fais une faute de frappe, il ne va pas t&rsquo;aider plus que &ccedil;a, si tu mets pas l&rsquo;accent il ne va pas t&rsquo;aider plus que &ccedil;a. Il est exigeant. Voil&agrave;. Du coup &ccedil;a les satisfait pas comme Google. Google, on a l&lsquo;impression qu&rsquo;il trouve tout le temps. Donc c&rsquo;est pour &ccedil;a que c&rsquo;est beaucoup plus dur.&nbsp;</em>&raquo;, tandis qu&rsquo;un autre explique &agrave; propos du portail&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Je doute beaucoup, je doute beaucoup de l&rsquo;utilit&eacute; parce qu&rsquo;on va trouver peu, peu de choses pour eux. Eux ils sont habitu&eacute;s &agrave; avoir direct la r&eacute;ponse, et nous avec e-sidoc<a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/734-5-2018-mazurier#ftn2" id="ftnref2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;on n&rsquo;a pas direct la r&eacute;ponse</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Si Google exerce un certain pouvoir normatif sur les pratiques des &eacute;diteurs de contenu (Sire, 2016), on peut &eacute;mettre l&rsquo;id&eacute;e que le pouvoir normatif se situe aussi du c&ocirc;t&eacute; l&rsquo;usager. Google normalise les invariants d&rsquo;une recherche informationnelle en ligne, voire d&rsquo;une recherche d&rsquo;information en g&eacute;n&eacute;ral, qui doit &ecirc;tre simple, rapide et d&rsquo;une efficacit&eacute; sans faille. Un &eacute;l&egrave;ve qui utilise exclusivement internet pour faire ses recherches est m&ecirc;me perplexe face &agrave; cette simplicit&eacute; d&eacute;sarmante&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est plus rapide et un peu trop simple des fois aussi&nbsp;: on marque juste ce qu&rsquo;on cherche et on nous le donne</em>&nbsp;&raquo;. En ce sens, il rend d&rsquo;autres conditions de recherche moins acceptables, voire anormales.</p> <p>&Agrave; condition de ne pas &ecirc;tre pass&eacute;es sous silence, ces tensions normatives peuvent g&eacute;n&eacute;rer des pratiques informationnelles durables qui permettent de n&eacute;gocier les normes. &Agrave; la construction ou &agrave; la consolidation d&rsquo;un ordre documentaire norm&eacute; qui l&eacute;gitimise certaines pratiques et en d&eacute;l&eacute;gitimise d&rsquo;autres (Micheau, 2015), peut se substituerle motif de l&rsquo;incertitude &laquo;&nbsp;<em>vue comme un principe d&rsquo;ordonnancement des pratiques p&eacute;dagogiques visant &agrave; donner des cl&eacute;s de compr&eacute;hension et d&rsquo;action pour mener une recherche d&rsquo;information dans un environnement complexe&nbsp;</em>&raquo; (Cordier, 2012)</p> <h3>Entre norme objective et norme prescriptive&nbsp;: g&eacute;rer les tensions</h3> <p>&laquo;&nbsp;<em>Lieu de formation, de lecture, de culture et d&#39;acc&egrave;s &agrave; l&#39;information</em>&nbsp;&raquo;<a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/734-5-2018-mazurier#ftn3" id="ftnref3" name="_ftnref3">[3]</a>, le CDI permet aux &eacute;l&egrave;ves dans l&rsquo;&eacute;tablissement scolaire de lire et d&rsquo;effectuer leurs travaux de recherche, d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; l&rsquo;information via des supports et des objets diff&eacute;rents. Des activit&eacute;s norm&eacute;es par l&rsquo;Institution s&rsquo;y d&eacute;roulent. Dans leurs discours, quand ils racontent les activit&eacute;s qu&rsquo;ils m&egrave;nent au CDI, les &eacute;l&egrave;ves &eacute;voquent de fa&ccedil;on conforme le travail, la lecture, l&rsquo;utilisation des ordinateurs et la recherche d&rsquo;information. Ces activit&eacute;s r&eacute;pondent aux fonctions institutionnelles du lieu et s&rsquo;accordent avec les normes prescriptives.</p> <p>Des &eacute;l&egrave;ves investissent &eacute;galement le CDI d&rsquo;autres activit&eacute;s, moins p&eacute;dagogiques et plus ludiques&nbsp;: le coloriage et&nbsp;le dessin par exemple. De fa&ccedil;on plus surprenante, une &eacute;l&egrave;ve raconte &laquo;&nbsp;<i>on s&rsquo;amuse, on chante, on parle un peu et voil&agrave;</i>&nbsp;&raquo;&nbsp;; pour d&rsquo;autres encore, c&rsquo;est un lieu dans lequel on se divertit, on se repose, on se d&eacute;tend, on se r&eacute;chauffe, on &laquo;&nbsp;est ensemble&nbsp;&raquo;. Ce type d&rsquo;activit&eacute; est constat&eacute; et relay&eacute; par les professionnels<i>&nbsp;</i>Ces logiques d&rsquo;activit&eacute;s&nbsp;interrogent une norme essentiellement p&eacute;dagogique li&eacute;e au travail et &agrave; la recherche et &agrave; une mission d&rsquo;enseignement et de gestion. &nbsp;Ces usages sont g&eacute;n&eacute;rateurs de tensions entre p&eacute;dagogique et ludique, national et local, programmatique et contextuel, prescriptif et objectif. Le professionnel aux prises avec cette tension la verbalise&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Apr&egrave;s tout on peut pas dire qu&rsquo;ils fassent du bruit, c&rsquo;est pas du travail non plus, je suis pas vraiment l&agrave; pour &ccedil;a<a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/734-5-2018-mazurier#ftn4" id="ftnref4" name="_ftnref4"><b>[4]</b></a>, mais bon. &nbsp;Et puis la coll&egrave;gue CPE a commenc&eacute; &agrave; l&rsquo;autoriser en &eacute;tude donc je me suis dit &lsquo;bon&rsquo;, mais c&rsquo;est vrai que le CDI n&rsquo;est pas un lieu pour &ccedil;a techniquement</i>&nbsp;&raquo;. Aussi le rapport &agrave; la norme appara&icirc;t-il comme une entr&eacute;e possible pour questionner l&rsquo;identit&eacute; professionnelle des professeurs documentalistes d&eacute;j&agrave; largement &eacute;tudi&eacute;e selon des perspectives multiples (Le Gouellec-Decrop, 1997; Couzinet &amp; Gardi&egrave;s, 2009 ; Marcel &amp; Gardi&egrave;s, 2011; Hedjerassi &amp; Bazin, 2013).</p> <p>Ces usages hors-normes peuvent apparaitre comme d&eacute;viants, voire transgressifs et &agrave; ce titre &ecirc;tre sanctionn&eacute;s.&nbsp;Les tensions qu&rsquo;ils suscitent&nbsp;peuvent &ecirc;tre&nbsp;source de d&eacute;sordre et de d&eacute;s&eacute;quilibre, et&nbsp;&agrave; terme perturber le fonctionnement du syst&egrave;me si elles demeurent irr&eacute;solues.&nbsp;&nbsp;Pour assurer sa durabilit&eacute;, le professionnel doit apaiser cette tension entre norme prescriptive et norme objective, ainsi que composer avec les demandes institutionnelles et les acteurs dans une interaction dynamique. De la reconnaissance tacite &agrave; l&rsquo;officialisation, l&rsquo;&eacute;ventail des arrangements organisationnels est large. La verbalisation de ces activit&eacute;s lors des entretiens t&eacute;moigne d&eacute;j&agrave; d&rsquo;une certaine reconnaissance &laquo;&nbsp;<i>Je pr&eacute;f&egrave;re qu&rsquo;ils viennent. M&ecirc;me pour pas faire grand-chose que de plus venir parce que je vais les emb&ecirc;ter &agrave; faire&hellip;. Les obliger &agrave; faire quelque chose qu&rsquo;ils n&rsquo;ont pas envie. Parce qu&rsquo;ils viennent, ils feuillettent, ils font des petites choses, ils travaillent ensemble&hellip;&nbsp;</i><i>&raquo;</i>. La r&eacute;gulation de l&rsquo;usage des jeux en ligne par l&rsquo;affichage d&rsquo;une liste de jeux&nbsp;<i>ad hoc&nbsp;</i>ferm&eacute;e n&rsquo;emp&ecirc;che pas les &eacute;l&egrave;ves d&rsquo;en utiliser d&rsquo;autres &agrave; vis&eacute;e moins &eacute;ducative. Leur usage s&rsquo;installe de fa&ccedil;on implicite et officieuse sans &ecirc;tre textuellement et officiellement relay&eacute; &laquo;&nbsp;<i>mais elle nous a dit qu&rsquo;on pouvait</i>&nbsp;&raquo; et t&eacute;moigne d&rsquo;un &eacute;cart entre marqueur &eacute;crit et message oral, norme objective et norme prescriptive. La puissance normative de l&rsquo;implicite est parfois jug&eacute;e insuffisante pour apaiser cette tension et la pratique n&eacute;cessite d&rsquo;&ecirc;tre formellement ent&eacute;rin&eacute;e&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;<i>J&rsquo;en&nbsp;ai vu arriver avec leur carnet de coloriage, alors je me suis dit &lsquo;bon ben je vais le pr&eacute;voir&nbsp;&lsquo;&ldquo;.&nbsp;</i>L&rsquo;usage observ&eacute; structure l&rsquo;organisation du dispositif et lui permet d&rsquo;&eacute;voluer.<i>&nbsp;</i>&nbsp;Les &eacute;l&egrave;ves, premiers usagers du lieu, produisent des normes qui deviennent &agrave; leur tour prescriptives. En ce sens, l&rsquo;attention port&eacute;e &agrave; la normativit&eacute; (Prairat, 2012)&nbsp;participe de&nbsp;la durabilit&eacute; du syst&egrave;me.</p> <p>Si les usagers produisent des normes, ils doivent aussi composer avec les normes &eacute;nonc&eacute;es dans l&rsquo;espace scolaire en g&eacute;n&eacute;ral et dans l&rsquo;espace documentaire en particulier.</p> <h2><b><a id="t3"></a></b>PETITS ARRANGEMENTS AVEC LES NORMES</h2> <h3>N&eacute;gocier la norme</h3> <p>Le rapport &agrave; la norme se construit de fa&ccedil;on interspatiale, dans l&rsquo;interaction entre les espaces. En effet, s&rsquo;interroger sur les usages ordinaires des &eacute;l&egrave;ves dans le CDI revient n&eacute;cessairement &agrave; s&rsquo;interroger, en creux, sur les usages et les codes &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans d&rsquo;autres espaces de l&rsquo;&eacute;tablissement scolaire.</p> <p>Le temps n&rsquo;&eacute;chappe pas &agrave; la norme, dans la vie sociale comme dans l&rsquo;espace scolaire. Le d&eacute;coupage disciplinaire mat&eacute;rialis&eacute; par la sonnerie rythme invariablement les journ&eacute;es des &eacute;l&egrave;ves, tandis que l&rsquo;emploi du temps et le rythme des devoirs structurent les semaines des &eacute;l&egrave;ves et imposent une temporalit&eacute; propre au cadre scolaire. Parce que certains jeunes la trouvent vide de sens, ils op&egrave;rent dans ce m&ecirc;me cadre des &laquo;&nbsp;actes de d&eacute;synchronisation&nbsp;&raquo; (Lachance, 2011) &ndash; retards syst&eacute;matiques par exemple - qui leur permettent de redonner du sens et de s&rsquo;affirmer par rapport &agrave; cette norme.</p> <p>Au coll&egrave;ge, les discours des &eacute;l&egrave;ves r&eacute;v&egrave;lent des logiques de m&ecirc;me nature &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans le CDI. &nbsp;Le &laquo;&nbsp;<em>m&eacute;tier d&rsquo;&eacute;l&egrave;ve</em>&nbsp;&raquo; tel qu&rsquo;il est pens&eacute; par Ph. Perrenoud (2010) se compose d&rsquo;un certain nombre de codes, de normes que l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve doit observer, voire int&eacute;rioriser, et qui concernent aussi bien les devoirs, l&rsquo;attitude en classe, que les interactions avec le professeur, et entre les &eacute;l&egrave;ves dans la classe. Ils participent de la r&eacute;ussite scolaire de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve au regard des attentes institutionnelles. Ces normes pluridimensionnelles sont ainsi r&eacute;sum&eacute;es par une &eacute;l&egrave;ve&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>En cours, d&eacute;j&agrave; on n&rsquo;a pas le droit de parler comme &ccedil;a, on doit lever la main, et puis on doit attendre qu&rsquo;il nous dise&nbsp;&lsquo;oui&rsquo; pour parler, et puis on peut pas se lever pour aller lui demander et puis c&rsquo;est toujours en rapport avec le cours&nbsp;</em>&raquo;. Si le lyc&eacute;en peut s&rsquo;extraire plus facilement de cette norme, spatiale et temporelle en tout cas, le coll&eacute;gien, contraint de rester dans l&rsquo;enceinte du coll&egrave;ge, doit composer avec ces normes sans sortir de l&rsquo;&eacute;tablissement. L&rsquo;espace du CDI appara&icirc;t alors dans son unit&eacute; comme un espace qui permet aux &eacute;l&egrave;ves de n&eacute;gocier cette norme &agrave; diff&eacute;rents niveaux.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Pour beaucoup d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves, le CDI est un espace propice &agrave; la d&eacute;tente et au repos, dans un espace coll&egrave;ge plus largement d&eacute;di&eacute; &agrave; l&rsquo;apprentissage &laquo;&nbsp;<em>au CDI on est surtout l&agrave; pour vraiment se d&eacute;tendre</em>&nbsp;&raquo;. En cela, il permet de rompre avec le rythme de travail impos&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est un peu un lieu de repos parce qu&rsquo;on passe d&rsquo;un cours &agrave; un autre (&hellip;) c&rsquo;est quelque chose qui est &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur de la pression qu&rsquo;on peut nous mettre</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>En outre, le sentiment de libert&eacute; associ&eacute; au CDI, et fr&eacute;quemment exprim&eacute; par les &eacute;l&egrave;ves, est un &eacute;l&eacute;ment central dans leur accommodement &agrave; la norme. Pour une &eacute;l&egrave;ve, &laquo;&nbsp;<em>on a la libert&eacute; de travailler ou pas</em>&nbsp;&raquo; ; pour une autre, c&rsquo;est la non-assignation de l&rsquo;espace &agrave; une fonction unique qui conf&egrave;re cette libert&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est un espace libre et pas tr&egrave;s limit&eacute; parce que tu peux vraiment faire ce que tu veux, par exemple, t&rsquo;es pas oblig&eacute;, comme pourraient penser certains, de lire, si t&rsquo;as pas envie de lire, tu lis pas</em>&nbsp;&raquo;. Cette seule possibilit&eacute; de faire ou de ne pas faire appara&icirc;t d&eacute;j&agrave; comme une premi&egrave;re n&eacute;gociation avec la norme. &Agrave; cette possibilit&eacute; s&rsquo;ajoute celle de l&rsquo;offre des activit&eacute;s &laquo;&nbsp;<em>qu&lsquo;on ne peut pas faire en cours, genre lire, se reposer, &eacute;crire, les ordinateurs&nbsp;</em>&raquo;.</p> <p>L&rsquo;espace du CDI, dans son fonctionnement, permet aussi en un m&ecirc;me lieu diff&eacute;rentes postures et diff&eacute;rentes modalit&eacute;s de travail, &eacute;ventuellement interchangeables en cours d&rsquo;heure. Pour un professeur documentaliste, cette libert&eacute; appara&icirc;t m&ecirc;me comme une motivation possible de fr&eacute;quentation, les &eacute;l&egrave;ves viennent &laquo;&nbsp;<em>pour travailler tranquille, &ecirc;tre en table ronde, &agrave; plusieurs, au lieu d&rsquo;&ecirc;tre en rang d&rsquo;oignon en permanence&nbsp;</em>&raquo;. Cette libert&eacute; dans les postures corporelles et p&eacute;dagogiques s&rsquo;oppose aux postures plus norm&eacute;es de la salle de classe o&ugrave; les d&eacute;placements sans autorisation demeurent transgressifs et o&ugrave; la gestion de l&rsquo;espace tr&egrave;s codifi&eacute;e est un &eacute;l&eacute;ment cl&eacute; dans le maintien de l&rsquo;ordre rituel scolaire (Delory-Momberger, 2005)&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est le seul endroit o&ugrave; on peut&hellip;pas forc&eacute;ment parler, mais faire ce qu&rsquo;on veut &agrave; peu pr&egrave;s, pas rester assis et &eacute;couter&nbsp;</em>&raquo;.</p> <p>Les &eacute;l&egrave;ves s&rsquo;extraient aussi des normes de communication et appr&eacute;cient une certaine forme d&rsquo;interaction avec le professeur&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>L&agrave; on peut demander diverses choses, on peut demander si on a un probl&egrave;me avec la chaise, si on a pas compris un livre, voil&agrave; pour n&rsquo;importe quelle chose, en fait.&rdquo; Et de conclure&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le CDI c&rsquo;est tout et tout. Y a de tout. C&rsquo;est libre, vraiment. C&rsquo;est pour &ccedil;a que j&rsquo;aime beaucoup &ecirc;tre au CDI. On peut faire beaucoup de choses qu&rsquo;on peut pas faire autre part.&nbsp;</em>&raquo;. Pour certains &eacute;l&egrave;ves, ce sentiment de libert&eacute; par rapport &agrave; la norme approche une pr&eacute;occupation existentielle. Au-del&agrave; des postures, des actes de mobilit&eacute; et des activit&eacute;s, le CDI accueille des actes de responsabilisation individuelle de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve. &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est pas forc&eacute;ment une salle de classe o&ugrave; les &eacute;l&egrave;ves y font ce que leur prof leur dit, c&rsquo;est vraiment quelque chose o&ugrave; les &eacute;l&egrave;ves peuvent changer carr&eacute;ment, qu&rsquo;ils soient plus responsables, peuvent proposer des choses, avoir des initiatives&nbsp;</em>&raquo;, explique un &eacute;l&egrave;ve qui s&rsquo;extrait d&rsquo;une forme de passivit&eacute; pour adopter un statut plus actif qui lui semble incompatible avec la norme scolaire. L&rsquo;&eacute;l&egrave;ve dans l&rsquo;&eacute;tablissement scolaire, investit le CDI pour n&eacute;gocier avec la norme. En tant que &laquo;&nbsp;<em>bricoleur</em>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;<em>la r&egrave;gle de son jeu est de toujours s&rsquo;arranger avec les &lsquo;moyens du bord&rsquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire un ensemble &agrave; chaque instant fini d&rsquo;outils et mat&eacute;riaux</em>&nbsp;&raquo; (L&eacute;vi-Strauss, 1962&nbsp;: 31).</p> <p>Le rapport &agrave; la norme, parce qu&rsquo;il met &agrave; jour cette fonction interm&eacute;diaire du centre de documentation entre normes sociales et normes scolaires, normes en-classe et hors-classe, prescriptif et objectif, participe de sa construction scientifique en tant que &laquo;&nbsp;<em>dispositif</em>&nbsp;&raquo; (Peeters &amp; Charlier, 1999).</p> <h3>Classements et classifications&nbsp;: les acteurs face &agrave; la norme</h3> <p>Comme nous l&rsquo;avons &eacute;voqu&eacute;, l&rsquo;espace documentaire est organis&eacute; par les classifications et les classements, &eacute;l&eacute;ments normatifs qui organisent le savoir&nbsp;: les centres de documentation et d&rsquo;information &laquo;&nbsp;sous-tendent donc une organisation des savoirs qui se traduit par un agencement intellectuel, un am&eacute;nagement mat&eacute;riel, une normalisation, une signal&eacute;tique et des divisions. Cette organisation est le pilier de l&rsquo;espace qu&rsquo;elle structure.&nbsp;&raquo; (Gardies &amp; Fabre, 2009). Pour les professionnels, cette organisation assure un cadre cognitif et spatial qui r&eacute;pond &agrave; un besoin p&eacute;dagogique et didactique d&rsquo;organiser l&rsquo;espace et le savoir en les d&eacute;coupant. Elle appara&icirc;t comme un gage de bonnes pratiques de l&rsquo;information. Pour Y. Maury et C. Etev&eacute; (2010) cette &laquo;&nbsp;appr&eacute;hension de l&rsquo;espace qui passe aussi par le corps, par les sens, est une &eacute;tape essentielle &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e dans la culture informationnelle, du sensible vers l&rsquo;intelligible&nbsp;&raquo;. Ces normes sont relay&eacute;es au CDI dans diff&eacute;rents marqueurs textuels ou visuels&nbsp;: &eacute;l&eacute;ment de signal&eacute;tique, affiche, ou code couleur. Ils apparaissent comme des &eacute;l&eacute;ments mobilisables, mais pas toujours mobilis&eacute;s par les &eacute;l&egrave;ves ni par les professeurs documentalistes. Les acteurs d&eacute;ploient une vari&eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;d&rsquo;arts de faire&nbsp;&raquo; (Certeau, 1990) face &agrave; ces normes qui vont de l&rsquo;appropriation &agrave; la r&eacute;appropriation en passant par le contournement.</p> <h3>Appliquer la norme</h3> <p>Le recours &agrave; la classification d&eacute;cimale de Dewey est un principe organisateur r&eacute;current des CDI. Ce choix semble s&rsquo;imposer de fait, tout en &eacute;tant finalement de peu d&rsquo;importance, &agrave; l&rsquo;image de ce professionnel qui s&rsquo;en &laquo;&nbsp;<em>fiche&nbsp;</em>&raquo; de la classification, l&rsquo;essentiel de l&rsquo;acc&egrave;s aux ressources n&rsquo;y &eacute;tant pas, &agrave; ses yeux, subordonn&eacute;. L&rsquo;application de cette norme par les professeurs documentalistes est variable. Parfois l&rsquo;adaptation tourne m&ecirc;me, selon les propres mots du professionnel, &agrave; &laquo;&nbsp;<em>la cata</em>&nbsp;&laquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>je respecte pas bien la classification parce qu&rsquo;en fait j&rsquo;ai compl&egrave;tement simplifi&eacute;&nbsp;</em>&raquo;. La personnalisation de certaines cotes est telle que ces derni&egrave;res doivent &ecirc;tre consign&eacute;es dans un cahier pour un syst&egrave;me durable &laquo;&nbsp;<em>la coll&egrave;gue qui prendra la rel&egrave;ve, elle va se dire &lsquo;mais qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;elle a fait ? Mais c&rsquo;est n&rsquo;importe quoi !&rsquo;</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Pour une cat&eacute;gorie d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves, cette organisation est int&eacute;gr&eacute;e et les normes leur permettent de se rep&eacute;rer de fa&ccedil;on autonome dans le CDI, aussi un &eacute;l&egrave;ve&nbsp;r&eacute;pertorie-t-il quelques cat&eacute;gories &laquo;&nbsp;<em>les coins romans, les po&egrave;mes, les th&eacute;&acirc;tres, les contes, les documentaires, les mangas, les bd</em>&nbsp;&raquo; Un autre explique&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Je me demande si c&rsquo;est un roman de la po&eacute;sie, du bidule ou des machins et ensuite je vais voir dans les coins et je regarde livre par livre</em>&nbsp;&raquo;. Un troisi&egrave;me raconte&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Si c&rsquo;est une po&eacute;sie je vais aller chercher dans po&eacute;sie, et apr&egrave;s c&rsquo;est class&eacute; par ordre alphab&eacute;tique et je cherche, par exemple si &ccedil;a commence par un D je cherche le D&nbsp;&raquo;. D&rsquo;autres ont compris globalement le syst&egrave;me de classification&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les minerais, les cristaux ils sont tout le temps ensemble</em>&nbsp;&raquo;. Plus g&eacute;n&eacute;ralement, les &eacute;l&egrave;ves se rep&egrave;rent par th&egrave;me (les animaux, l&rsquo;histoire&hellip;). Les &eacute;l&egrave;ves connaissent et identifient les affiches, pancartes et autres &eacute;tiquettes qui sont appos&eacute;s par les professeurs documentalistes pour servir de rep&egrave;res, m&ecirc;me si tous ne s&rsquo;en servent pas de fa&ccedil;on &eacute;gale.</p> <p>Le doublement de la norme, qui voit coexister indice de la classification d&eacute;cimale de Dewey et code couleur propre &agrave; chaque classe, pourrait apparaitre comme un gage d&rsquo;utilisation et d&rsquo;une meilleure compr&eacute;hension. Ce code couleur est diff&eacute;remment investi par les professeurs documentalistes, tant&ocirc;t aide au rangement &agrave; destination du professionnel lui-m&ecirc;me, tant&ocirc;t outil de rep&eacute;rage pour les &eacute;l&egrave;ves dans une perspective plus p&eacute;dagogique. A priori plus intuitif et plus imm&eacute;diatement lisible, le code couleur, quand il est mis en place, est pourtant globalement absent des discours des &eacute;l&egrave;ves. La surench&egrave;re normative n&rsquo;apparait pas comme une garantie d&rsquo;usage.</p> <p>L&rsquo;appropriation de la norme est parfois extr&ecirc;me quand la norme institutionnelle est concurrenc&eacute;e par un autre syst&egrave;me normatif mis en place par les usagers eux-m&ecirc;mes. Malgr&eacute; le d&eacute;sordre, une &eacute;l&egrave;ve raconte qu&rsquo;elle est capable de trouver le livre qu&rsquo;elle cherche &laquo;&nbsp;<em>parce qu&rsquo;on sait que tout le monde le pose ici, tout le monde l&rsquo;a pioch&eacute; ici donc tout le monde le repose &agrave; sa place, mais c&rsquo;est pas sa place&hellip;Mais c&rsquo;est l&agrave; o&ugrave; on va le trouver</em>&nbsp;&raquo;. La concurrence normative n&rsquo;apparait pas n&eacute;cessairement comme un motif de d&eacute;sorientation dans l&rsquo;espace documentaire.</p> <h3>Contourner la norme</h3> <p>Ces &eacute;l&eacute;ments de rep&eacute;rage ne sont pas toujours d&eacute;terminants pour faire des choix et trouver le bon document. Qu&rsquo;ils le veuillent ou qu&rsquo;ils y soient oblig&eacute;s, les &eacute;l&egrave;ves mettent en place des strat&eacute;gies personnelles. Plus tacticiens, ils prennent appui sur des rep&egrave;res tout personnels et attribuent &agrave; des objets ou &agrave; des qualit&eacute;s une fonction organisatrice et de rep&eacute;rage&nbsp;: le bureau du professeur documentaliste, l&rsquo;&eacute;paisseur des livres, la hauteur des &eacute;tag&egrave;res, la forme des &eacute;tiquettes, voire le taux de remplissage des &eacute;tag&egrave;res&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Les &eacute;tag&egrave;res avec beaucoup de livres dedans c&rsquo;est souvent les documentaires&nbsp;</em>&raquo;. Ces &eacute;l&eacute;ments rappellent finalement la vari&eacute;t&eacute; des parcours individuels d&eacute;j&agrave; observ&eacute;e par E. V&eacute;ron (1990) en biblioth&egrave;que, lesquels se d&eacute;ploient en d&eacute;pit de l&rsquo;organisation spatiale unique propos&eacute;e.</p> <p>Spontan&eacute;ment, &agrave; la question de savoir comment ils proc&egrave;dent quand ils cherchent un document, une autre cat&eacute;gorie d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves &eacute;voque tr&egrave;s vite la m&eacute;diation du professeur documentaliste. Un professeur documentaliste rel&egrave;ve cette tendance&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est&nbsp;: &quot;Madame o&ugrave; est ce que je peux trouver&nbsp;?&quot;, ou&nbsp;: &quot;Madame, vous avez &ccedil;a ?&quot;, alors que techniquement tout est mis en place pour qu&rsquo;ils soient autonomes l&agrave;-dessus : ils peuvent interroger e-sidoc, ils ont le toucan<a href="https://revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/734-5-2018-mazurier#ftn5" id="ftnref5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;l&agrave; sur le comptoir, enfin bon y a plein d&rsquo;outils pour, bon ils vont g&eacute;n&eacute;ralement passer par moi.</em>&nbsp;&raquo;. Cette m&eacute;diation du professeur documentaliste peut intervenir apr&egrave;s un temps de recherche infructueux comme nous l&rsquo;expliquent ces &eacute;l&egrave;ves&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Je regarde les &eacute;tiquettes qu&rsquo;il y a en haut, et si je trouve pas je demande &agrave; [Mme X] et elle me trouve le livre</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>On avait fait un gros EPI sur l&rsquo;esclavage donc on avait besoin de plein de livres, et juste avant on avait fait un expos&eacute; avec une amie sur l&rsquo;esclavage voil&agrave;. Du coup je lui ai demand&eacute; si elle avait des livres. Forc&eacute;ment elle en avait. Elle m&rsquo;en a donn&eacute; plein. J&rsquo;avais cherch&eacute; partout sauf &agrave; un endroit-l&agrave; et c&rsquo;&eacute;tait les livres documentaires&nbsp;</em>&raquo;. Mais parfois elle suppl&eacute;e int&eacute;gralement ces syst&egrave;mes normatifs : &laquo;&nbsp;<em>Ben je demande &agrave; [Mme X] si elle peut m&rsquo;aider &agrave; trouver</em>&nbsp;&raquo;. Un autre &eacute;l&egrave;ve explique comment il fait pour se rep&eacute;rer&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Je demande, parce que voil&agrave; c&rsquo;est plus simple&nbsp;</em>&raquo;. Comme une volont&eacute; de ne pas se confronter &agrave; la norme. Ces normes de classement et de classification ne s&rsquo;&eacute;prouvent pas seulement du point de vue des &eacute;l&egrave;ves, mais &eacute;galement du c&ocirc;t&eacute; du professionnel.</p> <h3>Interroger la norme</h3> <p>Parce qu&rsquo;elle se dilue dans l&rsquo;implicite et le quotidien, la norme perd parfois de son sens en contexte. La conformit&eacute; &agrave; la norme par tradition ou par habitude se r&eacute;v&egrave;le pr&eacute;caire plus que durable. Si la norme peut &ecirc;tre questionn&eacute;e au regard de la temporalit&eacute;, elle l&rsquo;est aussi au regard de l&rsquo;espace. L&rsquo;espace de la documentation scolaire est ouvert sur un environnement documentaire local avec lequel il interagit. En ce sens, les usages des &eacute;l&egrave;ves sont &agrave; consid&eacute;rer dans un continuum spatial. Le questionnement de normes internes&nbsp;&agrave; l&rsquo;aune de l&rsquo;environnement proche peut redonner du sens &agrave; des normes qui en avaient perdu. Un professeur documentaliste &eacute;voque un lien de causalit&eacute; entre le syst&egrave;me de classement du CDI et celui de la biblioth&egrave;que nouvellement construite &agrave; c&ocirc;t&eacute; du coll&egrave;ge : &laquo;&nbsp;<em>L&agrave;-bas ils retrouvent la m&ecirc;me chose qu&rsquo;ici et &ccedil;a s&rsquo;est bien. Il n&rsquo;y avait pas de m&eacute;diath&egrave;que pendant x ann&eacute;es. Donc je pouvais vivre tranquille et faire un peu ce que je voulais. Donc du coup, je ne sais pas si je le ferai au final parce qu&rsquo;effectivement, maintenant, c&rsquo;est pareil l&agrave;-bas</em>&nbsp;&raquo;. Qu&rsquo;en est-il de la norme qui ne se justifie plus que par sa seule existence&nbsp;? Les interactions spatiales et temporelles &eacute;clairent la norme, laquelle doit aussi &ecirc;tre &eacute;prouv&eacute;e pour questionner sa propre capacit&eacute; &agrave; durer.</p> <h2><b><a id="t4"></a></b>CONCLUSION</h2> <p>Espace documentaire, acteurs et normes ne sont pas consid&eacute;r&eacute;s dans une dynamique d&rsquo;affrontement. Si la norme structure l&rsquo;espace, elle l&rsquo;interroge aussi. Bousculer la norme, la contourner ou l&rsquo;ignorer, se l&rsquo;approprier ou l&rsquo;interroger sont autant de fa&ccedil;ons de vivre dans l&rsquo;espace documentaire et d&rsquo;en faire l&rsquo;exp&eacute;rience. Si, dans la d&eacute;marche litt&eacute;raire p&eacute;recquienne, jouer avec l&rsquo;espace, consiste &agrave; jouer avec les nombres, les mesures et les distances (Perec, 1974), on peut avancer qu&rsquo;il s&rsquo;agit aussi, en ce qui nous concerne, de jouer avec les normes.</p> <p>S&rsquo;il peut, &agrave; premi&egrave;re vue, apparaitre corset&eacute; dans un format normatif institutionnel unique, l&rsquo;espace de la documentation scolaire se d&eacute;ploie aussi dans ces &eacute;carts vis-&agrave;-vis des normes et fait apparaitre une exp&eacute;rience singuli&egrave;re des acteurs. La stabilit&eacute; normative n&rsquo;appara&icirc;t pas comme un objectif organisationnel en soi. La norme, &eacute;prouv&eacute;e de fa&ccedil;on dynamique et interactive, s&rsquo;int&egrave;gre dans un continuum de pratiques qui d&eacute;passe les fronti&egrave;res mat&eacute;rielles de l&rsquo;espace. La norme est &agrave; construire autant qu&rsquo;&agrave; d&eacute;construire. C&rsquo;est dans ces conditions qu&rsquo;elle peut &ecirc;tre une ressource (Darr&eacute;, 1994) pour des pratiques professionnelles et informationnelles durables</p> <p>Cette approche de la norme par l&rsquo;exp&eacute;rience des acteurs infirme les discours g&eacute;n&eacute;rationnels qui tendent &agrave; uniformiser les pratiques des &eacute;l&egrave;ves et oblige &agrave; revisiter des lieux communs&nbsp;: les pratiques informationnelles et professionnelles, et l&rsquo;usage de l&rsquo;espace en g&eacute;n&eacute;ral, sont pris dans des logiques normatives complexes port&eacute;es par des acteurs qui ne se r&eacute;duisent pas &agrave; de simples ex&eacute;cutants de la norme. Cette contribution appelle &eacute;galement &agrave; une certaine prudence scientifique face &agrave; des discours hyper-mod&eacute;lisants et potentiellement d&eacute;terministes qui pr&ecirc;tent &agrave; l&lsquo;espace seul la capacit&eacute; &agrave; produire des pratiques informationnelles, ou plus largement sociales, nouvelles.</p> <p>L&rsquo;articulation des notions de norme et de durabilit&eacute; examin&eacute;e au prisme du r&eacute;cit d&rsquo;exp&eacute;rience des &eacute;l&egrave;ves et des professeurs documentalistes dans le cadre situ&eacute; du centre de documentation et d&rsquo;information fran&ccedil;ais apporte un &eacute;clairage scientifique qui vient enrichir les recherches consacr&eacute;es &agrave; l&rsquo;espace documentaire et contribuer ainsi &agrave; sa durabilit&eacute; en tant qu&rsquo;objet d&rsquo;&eacute;tude des Sciences de l&rsquo;information et de la communication.</p> <h2><a id="t5"></a><a id="t5"></a>R&Eacute;F&Eacute;RENCES BIBLIOGRAPHIQUES</h2> <p>Certeau, M. de. 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Chacune des classes compose une partie de l&rsquo;oiseau.</p>