<p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Titre : Entre <i>coaching, care, et cure</i>. </span></span></span></span></span></span></p>
<p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:13.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Nouveaux métiers de la donnée et extensions du travail soignant.</span></span></span></span></span></span></p>
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<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Cet article vise à étudier les usages des données de télésuivi de patients atteints d’une pathologie respiratoire chronique par des téléconseillers, employés par un prestataire de soin à domicile, et leurs effets sur la relation de ces employés avec les patients. La littérature sur la télémédecine a mis en évidence que les données ne « <i>parlent pas d’elles-mêmes »</i> (Piras & Miele, 2019). Pour être intégrées dans le suivi à distance, elles sont <i>travaillées</i> (Denis, 2018) par différents professionnels. Plusieurs travaux ont à cet égard étudié comment ces technologies de soin à distance transforment le travail médical, et façonnent les relations entre patient et médecin. Dans cette nouvelle <i>géographie du soin</i> (Oudshoorn, 2012), le fait de maintenir ou de recréer du lien avec le patient apparaît comme un enjeu essentiel. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Dans cet article nous verrons que ces enjeux sont prégnants chez des techniciens - les téléconseillers du prestataire – qui ne sont pas des professionnels de santé. Ces employés sont en charge du suivi à distance du patient, à partir des données numériques de santé. Deux questions de recherche guideront notre travail. Comment, et par quelles pratiques ces professionnels « <i>constituent-ils » </i>(Akrich, 1987) le dispositif technologique ? Comment la dialectique distance-proximité vis-à-vis des patients se matérialise-t-elle dans leurs usages et leurs pratiques des données ? Nous montrerons que l’extension du travail soignant aux téléconseillers induite par l’usage des données de télésuivi produit une forme d’intimité numérique aves les patients, et que cette intimité conduit les téléconseillers à (re)formuler un discours sur la prise en charge médicale du patient. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Nous avons enquêté sur le télésuivi de patients atteints d’un syndrome d’apnée du sommeil, traités en pression positive continue (PPC). La machine PPC est fournie aux patients par un prestataire de soin à domicile (PSAD), chargé de l’appareillage, du suivi du traitement et de l’entretien de la machine. Depuis 2018, les machines produisent chaque nuit des données sur le patient, transmises instantanément sur des logiciels, consultables par les médecins, les patients, et les salariés du PSAD. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Cette proposition d’article s’appuie sur un matériau recueilli lors d’une enquête réalisée chez un PSAD de l’agglomération grenobloise, dans le cadre d’un stage de master 2 au laboratoire Pacte. Elle associe cinq demi-journées d’observation de l’activité et suivi en double-écoute des appels aux patients, à douze entretiens semi-directifs réalisés auprès de téléconseillers. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Les données PPC sont transmises aux organismes payeurs, et aux professionnels du soin pour définir des stratégies de suivi et de remboursement de soin. Situées au croisement des logiques médicales et financières, elles suscitent de nombreuses attentes. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Notre propos s’organisera en trois temps. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Nous étudierons tout d’abord en quoi les données PPC sont le support d’une nouvelle manière de <i>connaître</i> le patient, et redéfinissent les conceptions de proximité (Marent, 2022). Les téléconseillers utilisent les données pour guider l’entretien avec le patient, afin d’avoir accès à des informations qui figurent en « <i>second plan »</i> du traitement, dissimulées</span></span></span> <span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">d</span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">ans les données PPC. En analysant et en interprétant les données, ces salariés mobilisent des compétences et des savoirs plus ou moins tacites pour « <i>combler les trous informationnels »</i>, et ainsi recueillir des informations qui peuvent avoir une incidence sur le suivi du traitement, comme un changement dans l’environnement du patient, ou une défaillance de la machine. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">De surcroît, nous nous intéresserons à la place des données dans la capacité des téléconseillers à créer du lien avec les patients. L’accès à des éléments sur la vie privée du patient peut créer des « <i>intimités numériques » </i>(Piras & Miele, 2019). Les données de santé servent alors de support à une proximité relationnelle, dépassant la séparation physique entre patient et téléconseiller. Leur usage conduit parfois à une « <i>forme de distance qui rapproche » </i>(Mathieu-Fritz, 2019 ; Grosjean, 2020), qui nourrit un travail de <i>care, </i>c’est-à-dire une prise en charge émotionnelle et empathique du patient. Ce travail est décrit par les téléconseillers comme une façon d’aider le patient, et un moyen de valoriser leur travail. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Enfin, nous verrons en quoi les téléconseillers s’appuient sur cette connaissance du patient pour reformuler, et produire un discours sur le traitement et la pathologie. Les téléconseillers mobilisent à cet égard les données utilisent pour (re)formuler, ou traduire (Callon, 1986) le discours médical ; par exemple, en illustrant l’importance de la régularité du traitement avec des objectifs chiffrés pour remotiver les patients qui utilisent peu leur machine. Ces données, quand elles sont contextualisées et expliquées par les téléconseillers, nourrissent un travail de <i>cure</i> (qui consiste à informer le patient), mais également un travail de <i>coaching</i>. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">En conclusion, il s’agira de mettre en évidence comment le travail des techniciens et leurs rapports avec le patient s’articulent avec le travail médical. Ces tâches techniques apparaissent comme déléguées des médecins aux techniciens, ce qui soulève la question d’une extension du travail soignant. Parfois assimilée par ces employés à un « <i>sale boulot » </i>(Hughes, 1996), la réalisation de ces tâches génère des positionnements différenciés vis-à-vis des médecins. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Cette proposition pourrait s’inscrire dans l’axe 1 de l’appel à contributions. </span></span></span></span></span></span></p>