<h1 class="cossi---titre-1-western">Éclairer la culture de l'accessibilité numérique à l'intersection des Sciences de l'Information et de la Communication et des Sciences Cognitives</h1> Cet article vise à illustrer comment un dialogue constructif entre les Sciences de l'Information et de la Communication (SIC) et les Sciences Cognitives (SC) peut éclairer la culture de l'accessibilité numérique (AN), en particulier dans le contexte universitaire. Il s’appuie pour cela sur des réflexions issues des premiers mois du projet de recherche « Culture de l’accessibilité numérique à l’université : le cas des personnels de Paris 8 »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc">1</a> où collaborent des chercheuses et chercheurs issus de ces deux disciplines. La méthodologie du projet est à la fois quantitative, avec un questionnaire dont nous rapportons les principaux résultats dans cet article, et qualitative avec des focus groupes destinés à cerner les freins et les leviers au développement d’une culture de l’AN. L’analyse des premières données collectées montre l’intérêt d’une telle articulation disciplinaire. <h2 class="cossi---titre-2-western">De l’accessibilité à la culture de l’accessibilité numérique</h2> Le dialogue entre SIC et SC a premièrement orienté le choix d’étudier l’AN par le biais du personnel de l’université. A contrario des recherches en Informatique, qui privilégient souvent l’entrée par les usages numériques des personnes dites handicapées, les SIC s’intéressent depuis une dizaine d’années aux garants de l’AN (Laitano, 2015; Lespinet-Najib et al., 2015; Liquète, 2015). Ce positionnement est justifié par le rôle médiateur que les SIC attribuent au numérique, par l’importance accordée à la relation entre producteurs et usagers, entre professionnels et public. Le rôle important de la médiation par le numérique est un premier espace de questionnement commun entre SIC et SC puisque ces dernières questionnent aussi le pouvoir d’agir permis par des artefacts dans un environnement (Clot & Simonet, 2015). Le dialogue entre SIC et SC a deuxièmement privilégié la notion de culture de l’AN à celle de littératie. Contrairement à une vision utilitariste centrée sur la maîtrise des outils numériques, les SIC adoptent une approche anthropologique des usages numériques qui s'intéresse aux pratiques, mais aussi aux représentations et dispositions sociales des acteurs (Granjon, 2022; Lehmans & Liquète, 2022; Simonnot, 2009). Là aussi, on remarque une proximité de point de vue avec les SC, en témoigne l’usage de la notion d’appropriation sociale des technologies, qui implique l'intégration des technologies à son propre système de valeur et de fonctionnement (Faurie, 2004; Fluckiger, 2007). Les SC permettent d’éclairer les motivations et les représentations des participants au questionnaire afin de mettre en lumière les implications de ces facteurs psychosociaux dans la culture de l’AN. <h2 class="cossi---titre-2-western">Qui sont les garants de l’AN à l'université Paris 8 ?</h2> L’enquête par questionnaire a été menée auprès des 1651 personnels de l’université Paris 8 et 138 BIATSS (45%) et 170 enseignants (55%) y ont répondu. L’analyse de l’adoption de l’AN dans le travail quotidien met en évidence que les BIATSS l’intègrent plutôt dans les tâches de gestion (administration de site web, définition des fiches de poste ou formation du personnel), tandis que les enseignants le font plutôt dans la production de contenu (2(2)=52.1, p=.001). Seulement 3 % des répondants se déclarent non concernés par ces tâches et, d’un autre côté, 15 % de l’échantillon déclare réaliser des tâches en lien avec l’AN non listées dans le questionnaire (renseignement bibliographique, organisation de séminaires en ligne, benchmark de prestations ou diffusion de la politique de l’université). Ces premiers chiffres révèlent l’ampleur et la diversité de pratiques et d’objets concernés par l’AN et donnent à l’approche commune de la médiation par le numérique tout son intérêt. L’adoption de l’AN dans le travail quotidien des professionnels n’est pas seulement une question de maîtrise des bonnes pratiques d’AN, elle est aussi tributaire des expériences personnelles du handicap tout comme des affiliations professionnelles. Le profil intégrant l’AN dans la production de contenu est ainsi surreprésenté parmi les répondants ayant eux-mêmes des aménagements en termes d’AN (2(2)=7.45, p=.024) ou ayant côtoyé une personne en situation de handicap dans un cadre professionnel ou personnel (2(2)=18, p=.001). Seuls 20% des répondants ont été formés à l’AN. On les retrouve plutôt chez les BIATSS (2(2)=9.58, p=.002). Les personnels formés à l’AN se sentent capables d’estimer le nombre d’inscrits au Pôle Handicap de l’université (2(2)=6.10, p=.01). Ces résultats soulignent le caractère culturel des pratiques de l'AN, ancrées dans les expériences personnelles et les contextes professionnels, plutôt que comme simples compétences techniques. L’AN à l’université s'avère être un « objet-frontière », un terrain commun entre les SIC et les SC, comme le montre la proximité des points de vue que les chercheuses et chercheurs ont déployés dans ce projet. Celui-ci étant toujours en cours, il nous faudra poursuivre nos collaborations pour discerner les points de discordes et les argumentations divergentes qui pourraient survenir entre SIC et SC. <h2 class="cossi---titre-1-western">Bibliographie</h2> Clot, Y., & Simonet, P. (2015). Pouvoirs d’agir et marges de man&oelig;uvre. Le travail humain, 78(1), 31‑52. <a href="https://doi.org/10.3917/th.781.0031">https://doi.org/10.3917/th.781.0031</a> Ebersold, S. (2021). L’accessibilité face à sa grammaire. In L’accessibilité ou la réinvention de l’école. ISTE Group. Faurie, I. (2004). Pratiques d’internet, processus d’appropriation et transformations de la sociabilité des sujets : Approche psychosociale [These de doctorat, Toulouse 2]. https://theses.fr/2004TOU20067 Fluckiger, C. (2007). L’appropriation des TIC par les collégiens dans les sphères familières et scolaires [These de doctorat, Cachan, Ecole normale supérieure]. https://theses.fr/2007DENS0030 Granjon, F. (2022). Inégalités sociales, dispositions et usages du numérique. Éducation et sociétés, 47(1), 81‑97. https://doi.org/10.3917/es.047.0081 Laitano, M. I. (2015). Le modèle trifocal : Une approche communicationnelle des interfaces numériques [PhD, Université Paris 8]. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01218246 Lehmans, A., & Liquète, V. (2022). Des littératies aux approches culturelles du numérique : L’exemple de la culture des données dans le champ de l’éducation aux médias et à l’information (EMI). Approches Théoriques en Information-Communication (ATIC), 5(2), 35‑46. https://doi.org/10.3917/atic.005.0035 Lespinet-Najib, V., Pinède, N., Belio, C., Demontoux, F., & Liquète, V. (2015). L’accessibilité Web, en 2013, en France : Enquête nationale sur les pratiques et les usages des professionnels du Web. Terminal. Technologie de l’information, culture & société, 116. https://doi.org/10.4000/terminal.649 Liquète, V. (2015). L’accessibilité web comme porte et enjeu de médiation des savoirs. Distances et médiations des savoirs. Distance and Mediation of Knowledge, 3(12), Article 12. https://doi.org/10.4000/dms.1200 Simonnot, B. (2009). Culture informationnelle, culture numérique : Au-delà de l’utilitaire. Les Cahiers du numerique, 5(3), 25‑37. <div id="sdfootnote1"> <a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a><a href="https://paragraphe.univ-paris8.fr/Culture-de-l-accessibilite-numerique-a-l-universite">https://paragraphe.univ-paris8.fr/Culture-de-l-accessibilite-numerique-a-l-universite</a> </div>