<p>L&rsquo;intelligence artificielle est une expression fourre-tout, qui suscite autant d&rsquo;espoirs que de craintes. Cette expression est pr&eacute;sente dans les m&eacute;dias, les conf&eacute;rences, les conversations, mais aussi les appels &agrave; projets des institutions de recherche et de diverses associations. Les enjeux de la pr&eacute;sence de l&rsquo;IA dans nos diff&eacute;rentes activit&eacute;s (enseignement, production m&eacute;diatique, prise de d&eacute;cision, dans le domaine juridique ou bien m&eacute;dical) restent cependant &agrave; d&eacute;couvrir.&nbsp;</p> <p>La pol&eacute;mique autour de ChatGPT-3, l&#39;outil public d&eacute;velopp&eacute; par OpenAI et lanc&eacute; en novembre 2022, a fait r&eacute;&eacute;clater dans l&rsquo;espace public le d&eacute;bat autour de l&#39;utilisation, de mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, de l&#39;intelligence artificielle dans toutes les activit&eacute;s intellectuelles. ChatGPT a &eacute;t&eacute; salu&eacute; pour sa capacit&eacute; &agrave; comprendre le langage naturel et &agrave; g&eacute;n&eacute;rer des r&eacute;ponses de type humain, mais il a &eacute;galement soulev&eacute; des inqui&eacute;tudes. Ces pr&eacute;occupations pointent g&eacute;n&eacute;ralement les implications &eacute;thiques, la reproduction de contenus pr&eacute;judiciables, des violations de la vie priv&eacute;e, des donn&eacute;es de formation biais&eacute;es. Le terme &laquo; intelligence artificielle &raquo; (IA) date de 1956, mais il a connu un vrai essor de nos jours. Certaines d&eacute;finitions de l&#39;IA la d&eacute;crivent comme &quot;la capacit&eacute; des machines &agrave; effectuer des t&acirc;ches qui n&eacute;cessitent g&eacute;n&eacute;ralement une compr&eacute;hension de type humain&quot; (Knowledge &amp; Wharton, 2018) ou &quot;une application sophistiqu&eacute;e de la technologie par laquelle une machine d&eacute;montre des fonctions cognitives humaines telles que l&#39;apprentissage, l&#39;analyse et la r&eacute;solution de probl&egrave;mes&quot; (Valin, 2018).</p> <p>Le 21 mai 2024, le Conseil de l&rsquo;UE a donn&eacute; son feu vert d&eacute;finitif &agrave; la premi&egrave;re r&eacute;glementation mondiale en mati&egrave;re d&rsquo;IA, apr&egrave;s un premier accord politique trouv&eacute; fin 2023. La l&eacute;gislation europ&eacute;enne adopt&eacute;e classe les diff&eacute;rents types d&#39;intelligence artificielle en fonction des risques : risques inacceptables, haut risque, risque limit&eacute; et risque minimal. Les syst&egrave;mes d&#39;IA portant, par exemple, sur la manipulation comportementale cognitive et la notation sociale seront interdits dans l&#39;UE car leur risque est jug&eacute; inacceptable. La l&eacute;gislation interdit &eacute;galement l&#39;utilisation de l&#39;IA &agrave; des fins de police pr&eacute;dictive fond&eacute;e sur le profilage et les syst&egrave;mes qui utilisent des donn&eacute;es biom&eacute;triques pour classer les individus selon des cat&eacute;gories sp&eacute;cifiques telles que la race, la religion ou l&#39;orientation sexuelle. Les syst&egrave;mes d&#39;IA ne pr&eacute;sentant qu&#39;un risque limit&eacute; seront soumis &agrave; des obligations de transparence tr&egrave;s l&eacute;g&egrave;res, tandis que les syst&egrave;mes d&#39;IA &agrave; haut risque seraient autoris&eacute;s, mais soumis &agrave; une s&eacute;rie d&#39;exigences et d&#39;obligations pour acc&eacute;der au march&eacute; de l&#39;UE (Commission europ&eacute;enne, 2024, Conseil de l&rsquo;UE, 2024). &ldquo;Une cartographie des conflits de d&eacute;finition montrent que l&rsquo;Artificial Intelligence Act, en se concentrant sur les produits et en reposant sur le paradigme des risques, ne traite que d&rsquo;un aspect limit&eacute; de l&rsquo;Intelligence Artificielle et de son contr&ocirc;le&rdquo;, soulignent Benbouzid et Cardon (2022, p. 18).</p> <p>Auparavant, l&rsquo;Unesco a mis en place un Observatoire mondial de l&rsquo;&eacute;thique et de la gouvernance de l&rsquo;IA dont le but est de fournir des ressources aux d&eacute;cideurs politiques, aux r&eacute;gulateurs, aux universitaires, au secteur priv&eacute; et &agrave; la soci&eacute;t&eacute; civile afin de trouver des solutions &eacute;thiques et responsables aux d&eacute;fis soulev&eacute;s par l&rsquo;IA. L&rsquo;UNESCO recommande une approche de l&rsquo;IA bas&eacute;e sur les droits de l&rsquo;homme en mettant en avant des principes comme ceux de proportionnalit&eacute;, s&eacute;curit&eacute; et s&ucirc;ret&eacute;, mais aussi droit au respect de la vie priv&eacute;e et protection des donn&eacute;es, ainsi que la transparence.</p> <h2>Le discours des m&eacute;dias sur l&rsquo;IA</h2> <p>Les titres d&eacute;di&eacute;s par certaines revues scientifiques fran&ccedil;aises au ph&eacute;nom&egrave;ne de l&rsquo;intelligence artificielle en disent d&eacute;j&agrave; beaucoup sur la perception de l&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;IA, y compris dans le milieu scientifique : &ldquo;Contr&ocirc;ler l&rsquo;intelligence artificielle?&rdquo; (revue R&eacute;seaux, 2022), &ldquo;L&rsquo;Intelligence artificielle: raison et magie&rdquo; (Quaderni, 2021/2022).</p> <p>Les auteurs qui se sont int&eacute;ress&eacute;s &agrave; la repr&eacute;sentation m&eacute;diatique de l&rsquo;IA parlent m&ecirc;me &ldquo;de la magie de l&rsquo;IA, &agrave; la fois la production de la hype et sa r&eacute;ception sous forme de croyance&rdquo; (Roberge et al, 2022, p. 185) qui revient constamment et p&eacute;riodiquement dans l&rsquo;avant-sc&egrave;ne m&eacute;diatique &agrave; de diff&eacute;rents degr&eacute;s d&rsquo;intensit&eacute;. Ils sont &agrave; l&rsquo;unanimit&eacute; d&rsquo;accord pour dire qu&rsquo;elle suscite une constante fascination (Zouinar, 2020, Reigeluth, 2021, Petit, 2021, Cr&eacute;pel et Cardon, 2022, M&eacute;nissier, 2022, Korneeva et al, 2023).<br /> Un autre point commun des recherches qui ont d&eacute;j&agrave; approch&eacute; la pr&eacute;sence de l&rsquo;IA dans les m&eacute;dias r&eacute;side dans la repr&eacute;sentation des d&eacute;bats publics sur le sujet autour d&rsquo;une polarit&eacute; entre risques et promesses, peurs et espoirs (Cr&eacute;pel et Cardon, 2022, Benbouzid et Cardon, 2022). &ldquo;La cohabitation des deux r&eacute;gimes discursifs de la proph&eacute;tie et de la critique dans les d&eacute;bats m&eacute;diatiques autour de l&rsquo;IA constitue une mani&egrave;re empirique de montrer comment se structure l&rsquo;imaginaire des technologies dites &laquo; intelligentes &raquo;&rdquo;, soulignent Cr&eacute;pel et Cardon (2022, p. 161).<br /> L&rsquo;une des analyses longitudinales les plus r&eacute;centes des repr&eacute;sentations m&eacute;diatiques des controverses de l&rsquo;IA au cours de la derni&egrave;re vague d&#39;engouement sur la question, dans la presse anglophone (des &Eacute;tats-Unis et d&#39;Angleterre), montre la mobilisation de deux repr&eacute;sentations critiques contrast&eacute;es, celle du robot autonome et celle des algorithms qui ont &eacute;merg&eacute; pour caract&eacute;riser de nouveaux risques (Cr&eacute;pel et Cardon, 2022).<br /> Une autre &eacute;tude longitudinale qui s&rsquo;est int&eacute;ress&eacute;e &agrave; la repr&eacute;sentation de l&rsquo;IA sur plusieurs d&eacute;cennies dans les m&eacute;dias anglophones (Sun et al, 2020) a constat&eacute; comment les m&eacute;dias d&eacute;finissent souvent l&rsquo;IA comme une solution &agrave; des probl&egrave;mes communs de chaque jour (&eacute;conomique, de sant&eacute;).&nbsp; Cette m&ecirc;me &eacute;tude a montr&eacute; que, m&ecirc;me si certains articles favorisent le c&ocirc;t&eacute; sensationnel de l&rsquo;IA, quand m&ecirc;me les mod&egrave;les d&#39;argumentation ax&eacute;s sur les avantages (par exemple, des arguments euphoriques, pragmatiques et &eacute;conomiquement optimistes) sont apparus plus fr&eacute;quemment que ceux qui mettent l&rsquo;accent sur les risques ou les limites (par exemple, les arguments &eacute;conomiquement pessimistes et relativistes). Suite &agrave; l&rsquo;analyse des m&eacute;dias allemands, Winker (2024) r&eacute;v&egrave;le que les discours &agrave; propos de l&rsquo;IA oscillent entre le d&eacute;terminisme technologique et celui social et consid&egrave;re que le cadrage choisi par les m&eacute;dias sur l&rsquo;IA d&eacute;termine les citoyens &agrave; insister en faveur de sa r&eacute;gulation par des r&eacute;glementations et des lois. L&rsquo;analyse r&eacute;alis&eacute;e par Lemke, Trein et Varone (2024) sur comment l&rsquo;IA est d&eacute;finie en tant que probl&egrave;me politique, toujours dans l&rsquo;espace public allemand, prouve que la plupart des acteurs se concentrent sur l&rsquo;innovation technologique plut&ocirc;t que sur les aspects li&eacute;s aux droits civiques, m&ecirc;me si des questions comme la protection des consommateurs, le travail et l&rsquo;&eacute;ducation restent quand m&ecirc;me pr&eacute;sents dans les discours analys&eacute;s. L&rsquo;&eacute;tude longitudinale de Korneeva et al (2023), sur un corpus de presse anglophone, a &eacute;galement montr&eacute; qu&rsquo;il y avait des valeurs positives plus &eacute;lev&eacute;es associ&eacute;es &agrave; l&rsquo;IA que celles n&eacute;gatives et, en plus, ce niveau positif avait augment&eacute; dans le temps, tandis que les valeurs n&eacute;gatives par rapport &agrave; l&rsquo;IA sont rest&eacute;es stables.<br /> En analysant comment le statut social de l&rsquo;IA est construit dans le d&eacute;bat public dans quelques m&eacute;dias am&eacute;ricains, Bran et al (2023) identifient une vari&eacute;t&eacute; de positions discursives, de l&rsquo;IA comme coll&egrave;gue de travail comp&eacute;tent et cr&eacute;atif jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;IA comme un outil qui re-combine des informations d&rsquo;une mani&egrave;re qui n&rsquo;est pas intelligente ou m&ecirc;me comme un magicien cr&eacute;atif. Souvent, dans le discours des m&eacute;dias sur l&rsquo;IA, il y a un vocabulaire contradictoire, on per&ccedil;oit l&rsquo;IA soit comme cr&eacute;atif, soit comme purement imitatif, parfois comp&eacute;tent, mais aussi souvent incomp&eacute;tent (Bran et al., 2023).<br /> &nbsp;</p> <h2>Probl&eacute;matique</h2> <p>Le discours des m&eacute;dias est une forme de l&eacute;gitimation d&rsquo;un probl&egrave;me public (Korneeva et al, 2023), mais c&rsquo;est aussi une mani&egrave;re de construire un certain positionnement par rapport &agrave; une nouvelle technologie.<br /> Nous nous proposons d&rsquo;identifier la repr&eacute;sentation de l&rsquo;intelligence artificielle dans le discours des m&eacute;dias roumains et fran&ccedil;ais apr&egrave;s le lancement du Chat GPT-3, en utilisant une grille d&rsquo;analyse qui identifie les cadrages dominants dans le discours public &agrave; propos de l&rsquo;IA qui sera appliqu&eacute;e sur un corpus d&rsquo;articles de presse des deux pays afin de r&eacute;aliser une approche comparative. Notre but c&rsquo;est d&rsquo;identifier les &eacute;l&eacute;ments des r&eacute;cits qui sont utilis&eacute;s par les m&eacute;dias des deux pays pour parler de l&rsquo;IA afin de comprendre quel est l&rsquo;Imaginaire de l&rsquo;IA (dans le sens de Flichy, 2001) construit par les m&eacute;dias, si celui-ci reprend des termes dichotomiques de repr&eacute;sentation, si les m&eacute;dias en projettent une image positive et enthousiaste de cette technologie ou bien au contraire. &Eacute;galement, notre but sera de saisir les diff&eacute;rences entre l&rsquo;approche de cette probl&eacute;matique dans l&rsquo;espace roumain et fran&ccedil;ais, en fonction des diff&eacute;rences culturelles et des syst&egrave;mes politiques, sociaux et m&eacute;diatiques.<br /> Notre analyse visera &agrave; v&eacute;rifier si le cadrage en termes oppos&eacute;s (l&rsquo;IA comme menace vs. l&rsquo;IA comme opportunit&eacute;) constat&eacute; par les pr&eacute;c&eacute;dentes &eacute;tudes se confirment pour cette nouvelle &eacute;tape de m&eacute;diatisation de l&rsquo;IA dans son &egrave;re dite &ldquo;g&eacute;n&eacute;rative&rdquo; (apr&egrave;s le lancement du Chat GPT-3) et si nous pouvons constater une tendance vers la construction d&rsquo;une repr&eacute;sentation de l&rsquo;IA entour&eacute;e de peurs ou, au contraire, d&rsquo;enthousiasme. Notre analyse suivra &eacute;galement la dimension comparative entre nos deux terrains d&rsquo;observation.</p> <h2 align="left">M&eacute;thodologie</h2> <p>Nous utiliserons une approche discursive, par l&rsquo;analyse de discours (Charaudeau, 1997, Maingueneau, 2014) pour d&eacute;couvrir comment la question de l&rsquo;IA est construite dans l&rsquo;espace m&eacute;diatique fran&ccedil;ais et roumain, &agrave; qui en donne la parole pour parler de l&rsquo;IA, quelles types d&rsquo;informations sont favoris&eacute;es pour en parler, quels arguments et quels types de comportements &eacute;nonciatifs sont choisis.</p> <p>Notre corpus est constitu&eacute; d&rsquo;une s&eacute;lection d&rsquo;articles publi&eacute;s entre mars 2023 et f&eacute;vrier 2024 dans les m&eacute;dias des deux pays, en privil&eacute;giant les articles d&rsquo;opinion devant ceux purement informatifs. Nous avons pris comme point de rep&egrave;re mars 2023, soit le moment de la publication d&rsquo;une lettre ouverte par Elon Musk et une centaine d&rsquo;experts du secteur de l&rsquo;IA qui appelaient &agrave; une pause de six mois dans le d&eacute;veloppement de syst&egrave;mes d&rsquo;IA g&eacute;n&eacute;rative plus puissants que ChatGPT 4 qui venait d&rsquo;&ecirc;tre lanc&eacute; par OpenAI, citant les risques pour la soci&eacute;t&eacute; et l&rsquo;humanit&eacute;.</p> <p>Pour la France, nous avons choisi un quotidien de r&eacute;f&eacute;rence (Le Monde), les sites de la radio publique France Inter (alternativement quelques articles de la cha&icirc;ne d&rsquo;information en continu publique France Info ont &eacute;galement &eacute;t&eacute; inclus) et le site d&rsquo;information M&eacute;diapart.</p> <p>Pour la Roumanie, nous avons choisi des m&eacute;dias qui pourraient &ecirc;tre compar&eacute;s &agrave; ceux de France. Ainsi, nous avons pris en compte &ldquo;Adevarul&rdquo; (La V&eacute;rit&eacute; en roumain) le premier quotidien &ldquo;de qualit&eacute;&rdquo; parmi les quotidiens roumains, le site en ligne de la radio publique - Radio Roumanie Actualit&eacute;s et la plateforme d&rsquo;actualit&eacute; en ligne Hotnews.</p> <p>Pour chaque m&eacute;dia, tant en Roumanie qu&rsquo;en France, nous avons effectu&eacute; une recherche avec des mots-cl&eacute;s dans les archives en ligne au cours de 12 mois (mars 2023-f&eacute;vrier 2024). Ensuite, parmi les r&eacute;sultats obtenus, nous avons s&eacute;lectionn&eacute;, apr&egrave;s lecture, 10 pour chaque m&eacute;dia en favorisant les articles d&rsquo;opinion et les articles qui se positionnaient d&rsquo;une mani&egrave;re ou d&rsquo;une autre sur le sujet.</p> <p>Notre corpus a &eacute;t&eacute; limit&eacute; du point de vue quantitatif (30 articles pour chaque pays) vu que nous avons r&eacute;alis&eacute; une analyse qualitative en profondeur qui ne permettait pas d&rsquo;utiliser de grands corpus.</p> <p>Notre analyse a suivi &agrave; d&eacute;terminer le genre journalistique de l&rsquo;article, les acteurs auxquels on donne la parole &agrave; propos de l&rsquo;IA, le temps narratif employ&eacute;, la repr&eacute;sentation de l&rsquo;IA (positif ou n&eacute;gatif) et les arguments cons&eacute;quents, ainsi que le ton abord&eacute; (soit un ton d&rsquo;avertissement, enthousiaste, de mise en garde ou mobilisateur).</p> <p align="left">&nbsp;</p> <h2 align="left">L&rsquo;analyse des m&eacute;dias</h2> <h3 align="left">La multiplicit&eacute; des discours</h3> <p>En Roumanie, dans la quasi-totalit&eacute; des articles analys&eacute;s, on donne la parole aux experts, tandis que les autres acteurs sont quasi-absents. Nous expliquons cette dominance des experts parmi les acteurs qui prennent la parole &agrave; propos de l&rsquo;intelligence artificielle comme une r&eacute;action au fait qu&rsquo;il y a beaucoup d&rsquo;incertitudes et peu de connaissances &agrave; propos de ce sujet. Les journalistes tentent de combler ce manque d&rsquo;informations en donnant la parole aux experts.</p> <p>Cette dominance des sp&eacute;cialistes qui prennent la parole doit &ecirc;tre corr&eacute;l&eacute;e avec le temps narratif employ&eacute; le plus souvent dans les articles analys&eacute;s, soit le futur. Dans la plupart des cas, les experts sont sollicit&eacute;s pour se prononcer non pas sur quelque chose qui s&rsquo;est d&eacute;j&agrave; pass&eacute;, mais sur l&rsquo;avenir, sur l&rsquo;&eacute;volution, sur l&rsquo;impact futur de l&rsquo;intelligence artificielle.</p> <p>En France, il y a une plus grande diversit&eacute; des acteurs pr&eacute;sents dans les m&eacute;dias. En plus des sp&eacute;cialistes, on retrouve s&rsquo;exprimer les d&eacute;cideurs politiques (ministres, commissaire europ&eacute;en), mais aussi des acteurs &eacute;conomiques ou sociaux. Aussi, dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais, on donne la parole aux utilisateurs de l&rsquo;IA qui exposent leur exp&eacute;rience - des enseignants, des &eacute;tudiants, des entrepreneurs, ce qui permet de pr&eacute;senter aussi les faits au temps pass&eacute;, m&ecirc;me si le futur (le &ldquo;qu&rsquo;est-ce qui va se passer&rdquo;) infiltre tous les textes.</p> <p>Comparativement, la pr&eacute;sence d&rsquo;une multiplicit&eacute; des acteurs qui parlent de l&rsquo;IA dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais donne l&rsquo;impression que c&rsquo;est une question qui concerne tous, en la rendant aussi plus accessible, tandis qu&rsquo;en Roumanie les m&eacute;dias perp&eacute;tuent l&rsquo;id&eacute;e que c&rsquo;est l&rsquo;affaire des math&eacute;maticiens, informaticiens ou sociologues qui sont pr&eacute;f&eacute;r&eacute;s (de loin) pour prendre la parole.</p> <h3>Les temps</h3> <p>Dans les m&eacute;dias roumains, on emploie presque exclusivement le futur, tandis que, dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais, le pr&eacute;sent est employ&eacute; &agrave; c&ocirc;t&eacute; du futur car les journalistes couvrent des sujets d&rsquo;actualit&eacute; sur l&rsquo;IA avant d&rsquo;encha&icirc;ner les questions sur l&rsquo;avenir.</p> <p>Dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais analys&eacute;s, le temps futur est &eacute;galement utilis&eacute; dans les articles sur l&rsquo;IA parce que l&rsquo;interrogation &agrave; propos de l&rsquo;avenir est aussi tr&egrave;s pr&eacute;sente, mais, dans la plupart des cas, le futur est doubl&eacute; du temps pr&eacute;sent car, le plus souvent, dans la construction des articles, on part d&rsquo;une situation de fait qui est couverte dans les articles, ce qui n&rsquo;est pas le cas dans les articles roumains. Ainsi, on pr&eacute;sente les positions des d&eacute;cideurs politiques fran&ccedil;ais &agrave; propos de la r&eacute;glementation de l&rsquo;IA, l&rsquo;exp&eacute;rience des start-up fran&ccedil;ais du domaine ou encore l&rsquo;exp&eacute;rience de certaines &eacute;coles avec l&rsquo;IA (Le Monde). Dans tous ces cas, on part de la r&eacute;alit&eacute; qui est trouv&eacute;e par les journalistes sur le terrain (le pr&eacute;sent) pour s&#39;interroger, par la suite, sur le futur.</p> <p>C&rsquo;est aussi l&rsquo;&eacute;vidence de deux mod&egrave;les de presse diff&eacute;rents, l&rsquo;un (roumain) qui vit dans l&rsquo;urgence et qui est oblig&eacute; (&eacute;galement par le mod&egrave;le &eacute;conomique) &agrave; produire de contenu en vitesse, sans trop de r&eacute;flexion, tandis que l&rsquo;autre (fran&ccedil;ais) se permet encore &agrave; prendre le temps &agrave; travailler les articles. Cette r&eacute;alit&eacute; est aussi pr&eacute;sente dans le format des articles analys&eacute;s : dans le corpus roumain nous comptons presque exclusivement des br&egrave;ves et des entretiens (certains juste des reprises des m&eacute;dias internationaux) et seulement deux fois il y a des synth&egrave;ses, tandis que, dans la presse fran&ccedil;aise, nous avons comptabilis&eacute; des genres journalistiques plus travaill&eacute;s et qui demandent plus de ressources et du temps, comme le reportage et l&rsquo;enqu&ecirc;te.</p> <p>Dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais, il y a en fait une diversit&eacute; de genres journalistiques : synth&egrave;ses, tribunes, enqu&ecirc;tes, reportages, d&eacute;p&ecirc;ches, analyses, podcasts.</p> <p>La diversit&eacute; des genres journalistiques se refl&egrave;te aussi dans la diversit&eacute; des acteurs qui prennent la parole, mais aussi dans une diversit&eacute; plus importante dans l&rsquo;approche de l&rsquo;IA en g&eacute;n&eacute;ral.</p> <h3 align="left">L&rsquo;IA : h&eacute;ros positif ou n&eacute;gatif?</h3> <p>Dans la quasi-totalit&eacute; des m&eacute;dias roumains analys&eacute;s, l&rsquo;intelligence artificielle appara&icirc;t comme un h&eacute;ros n&eacute;gatif auquel on reproche la diffusion de fausses informations et des <i>deepfakes</i>, le fait d&rsquo;influencer sur les r&eacute;sultats des &eacute;lections (Adevarul, Hotnews), le non-respect des droits de l&rsquo;homme et de la vie priv&eacute;e (Adevarul), la disparition des emplois (Radio Roumanie) et qui est parfois m&ecirc;me per&ccedil;u comme un p&eacute;ril pour toute l&rsquo;humanit&eacute; (Hotnews).</p> <p>Ce n&rsquo;est que deux fois, dans le corpus roumain analys&eacute;, que l&rsquo;IA est repr&eacute;sent&eacute;e comme un h&eacute;ros positif qui pourrait nous apporter des avantages extraordinaires, comme toute autre technologie : &ldquo;En 7-10 mois - 1 an, ChatGPT-5, 6, 7 pourra nous permettre d&rsquo;arriver &agrave; une intelligence 15.000 ou 100.000 plus importante que l&rsquo;IQ humain&rdquo; (Radio Roumanie). Trois autres fois, les m&eacute;dias roumains nous pr&eacute;sentent l&rsquo;IA comme un h&eacute;ros controvers&eacute;, avec ses avantages et ses d&eacute;savantages, comme dans cette publication de Radio Roumanie : &ldquo;L&rsquo;Intelligence artificielle - entre enthousiasme et peurs&rdquo;.</p> <p>Dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais, nous avons d&eacute;couvert &eacute;galement une repr&eacute;sentation dominant de l&rsquo;IA en h&eacute;ros n&eacute;gatif auquel on reproche &agrave; peu pr&egrave;s les m&ecirc;mes choses que dans les m&eacute;dias roumains : il remplacerait les emplois, il an&eacute;antirait l&rsquo;esprit critique, il serait limit&eacute; et commettrait des erreurs ou encore il produirait de la d&eacute;sinformation et du <i>deepfake</i>. Tout comme nous l&rsquo;avons constat&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment, cette portraitisation n&eacute;gative de l&rsquo;IA s&rsquo;accompagne d&rsquo;avertissements : &ldquo;D&rsquo;ici trente ans, nous aurons les moyens technologiques de cr&eacute;er une intelligence surhumaine. Peu apr&egrave;s, l&rsquo;&egrave;re humaine prendra fin&rdquo;, &ldquo;Des chercheurs d&eacute;noncent le d&eacute;veloppement de ces IA toujours plus r&eacute;alistes et alertent sur leurs dangers, notamment d&eacute;mocratiques&rdquo;, &ldquo;les deepfakes vocaux, ces trucages audio ultrar&eacute;alistes qui, &agrave; l&rsquo;instar de leurs &eacute;quivalents vid&eacute;o, peuvent &ecirc;tre utilis&eacute;s pour cr&eacute;er de fausses informations &agrave; des fins malveillantes. Faux discours de personnalit&eacute;s politiques, escroqueries financi&egrave;res type<a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/professionnels-agents-publics-attention-a-larnaque-au-president"> &laquo; arnaque au pr&eacute;sident &raquo;</a>, piratage, cybercriminalit&eacute;&hellip;&rdquo; (M&eacute;diapart).</p> <p>Toutefois, dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais, nous d&eacute;couvrons aussi des repr&eacute;sentations positives et concr&egrave;tes de l&rsquo;intelligence artificielle comme par exemple dans des articles qui pr&eacute;sentent l&rsquo;effervescence des start-ups fran&ccedil;aises actives dans le domaine de l&rsquo;IA (&ldquo;Le moment rappelle un peu &agrave; M. Chaumond &laquo; l&rsquo;effervescence &raquo; ressentie dans la Silicon Valley en 2007 pendant ses &eacute;tudes &agrave; Stanford, o&ugrave; son voisin de parking arborait une plaque au nom de la start-up qu&rsquo;il avait cofond&eacute;e : YouTube&rdquo;, Le Monde), l&rsquo;adoption de l&rsquo;IA dans des &eacute;coles d&rsquo;architecture ou de design (&ldquo;Les &eacute;tudiants vont s&rsquo;emparer des outils, c&rsquo;est in&eacute;vitable. A nous de trouver des mani&egrave;res intelligentes de travailler avec ces outils&rdquo;, Le Monde&nbsp;; &ldquo;Je me suis rendu compte que, depuis trente ans, je ne faisais que &ccedil;a : d&eacute;crire des images de la fa&ccedil;on la plus pr&eacute;cise possible. Et voil&agrave; que ce travail de verbalisation devient le c&oelig;ur du processus de cr&eacute;ation par IA&rdquo;, Le Monde), dans l&rsquo;&eacute;ducation comme outil d&rsquo;apprentissage personnalis&eacute; (&ldquo;Ces moteurs sont capables en temps r&eacute;el de d&eacute;tecter si l&#39;enfant a &eacute;crit correctement une lettre ou un mot, quelle est la nature de ses erreurs, s&#39;il s&#39;est tromp&eacute; dans la forme de la lettre ou dans le sens de l&#39;&eacute;criture de cette lettre ou dans la production de l&#39;ordre des trac&eacute;s&quot;, France Inter), comme source de croissance de la CA (M&eacute;diapart) ou tout simplement comme une &ldquo;r&eacute;volution technologique&rdquo; (France Tv Info).</p> <h2>Le ton</h2> <p>Si dans la presse roumaine analys&eacute;e, l&rsquo;image dominante de l&rsquo;IA est celle d&rsquo;un h&eacute;ros n&eacute;gatif, le ton des articles en est lui aussi cons&eacute;quent. Nous constatons, dans presque tous les articles des m&eacute;dias roumains analys&eacute;s, une abondance d&rsquo;avertissements qui portent tous sur les effets n&eacute;gatifs de l&rsquo;intelligence artificielle : &ldquo;L&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;une vague de d&eacute;sinformation bas&eacute;e sur l&rsquo;intelligence artificielle qui pourrait influencer les prochaines &eacute;lections qui approchent, repr&eacute;senterait la plus grande menace pour l&rsquo;&eacute;conomie globale&rdquo; (Adevarul), &ldquo;Il serait possible d&rsquo;observer une hausse des deepfakes g&eacute;n&eacute;r&eacute;es par l&rsquo;IA pour influencer l&rsquo;opinion publique et inciter les esprits avant le vote&rdquo; (Adevarul), &ldquo;Le d&eacute;veloppement de l&rsquo;IA risque de reproduire les erreurs d&eacute;j&agrave; faites par les industries technologiques au d&eacute;but de l&rsquo;&egrave;re des r&eacute;seaux sociaux&rdquo; (Adevarul), &ldquo;Les devoirs ne seront plus jamais pareils&rdquo;, &ldquo;Notre mani&egrave;re d&rsquo;enseigner et d&rsquo;&eacute;valuer les &eacute;tudiants devrait changer&rdquo; (Adevarul), &ldquo;L&rsquo;intelligence artificielle &eacute;limine 1000 emplois par jour&rdquo; (Radio Roumanie), &ldquo;L&rsquo;intelligence artificielle est un pas qui va r&eacute;ellement changer notre vie plus qu&rsquo;autres technologies jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent&rdquo; (Radio Roumanie), &ldquo;Les risques de l&rsquo;IA devraient &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s comme tout aussi graves que ceux repr&eacute;sent&eacute;s par les pand&eacute;mies et par les guerres nucl&eacute;aires&rdquo; (Radio Roumanie), &ldquo;L&rsquo;IA ou autres technologies peuvent avancer tellement qu&rsquo;elles d&eacute;passeront la capacit&eacute; de contr&ocirc;le des gens. D&rsquo;o&ugrave; la grande inqui&eacute;tude : super-ordinateurs vont apprendre &agrave; &ldquo;penser&rdquo; vont s&rsquo;allier pour former un cerveau mondial&rdquo; (Hotnews). Nous constatons dans ces exemples que, &agrave; part les exemples portant sur les deepfakes et la d&eacute;sinformation et de celui portant sur la pr&eacute;sence de l&rsquo;IA dans l&rsquo;&eacute;ducation, toutes les autres r&eacute;f&eacute;rences ne sont pas pr&eacute;cis&eacute;es et semblent plut&ocirc;t faire r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la &ldquo;super-intelligence&rdquo; dont l&rsquo;apparition est encore mise en question et anticip&eacute;e dans un futur encore incertain.</p> <p>Les repr&eacute;sentations concr&egrave;tes et positives de l&rsquo;IA identifi&eacute;es dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais s&rsquo;accompagnent aussi d&rsquo;un ton mobilisateur qui remplace les avertissements. Parfois, l&rsquo;enthousiasme reprend le positionnement des acteurs politiques qui consid&egrave;rent que la France devrait jouer un r&ocirc;le de premier plan dans le d&eacute;veloppement de l&rsquo;IA en Europe: &ldquo;la France comme un leader de l&rsquo;IA en Europe&rdquo;,&nbsp; &ldquo;L&rsquo;IA, ce ne sont pas que des risques, ce sont aussi des opportunit&eacute;s&rdquo; (Le Monde), &ldquo;En adoptant une approche proportionn&eacute;e selon la nature des risques, le r&egrave;glement d&eacute;finit le cadre de confiance n&eacute;cessaire &agrave; l&rsquo;utilisation de l&rsquo;IA en Europe. Pour la plus grande majorit&eacute; des applications, les mesures se r&eacute;sument en un mot : transparence&rdquo; (Le Monde). Autres fois, le ton employ&eacute; dans les articles qui couvrent des sujets relatifs &agrave; l&rsquo;IA est mobilisateur : &laquo; &Ccedil;a m&rsquo;int&eacute;resse de savoir dompter ces IA pour que &ccedil;a devienne un outil et pour ne pas me faire remplacer par elles &raquo; (Le Monde), &quot;la France est et doit rester la premi&egrave;re nation en Europe&quot; (France Inter). Ce dernier type de tonalit&eacute;s enthousiastes et mobilisatrices sont absentes des m&eacute;dias roumains analys&eacute;s o&ugrave; le ton d&rsquo;avertissement domine le discours.</p> <p>En analysant la tonalit&eacute; employ&eacute;e dans les articles qui portent sur l&rsquo;IA dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais et roumain, nous avons d&eacute;couvert une autre similitude : l&rsquo;abondance des interrogations. Dans les titres ou dans le texte des articles, on retrouve souvent des questions rh&eacute;toriques qui, d&rsquo;une part, font &eacute;tat de l&rsquo;inconnu et du manque de transparence qui entourent le d&eacute;bat sur l&rsquo;intelligence artificielle, mais, &eacute;galement, ces interrogations fonctionnent comme des avertisseurs. Les questions cachent, en fait, souvent, des avertissements.</p> <p>Ainsi, dans les m&eacute;dias roumains on se pose des questions g&eacute;n&eacute;rales comme &ldquo;Qui peut r&eacute;duire les erreurs de jugement, qui peut am&eacute;liorer les mod&egrave;les et les algorithmes ? (de l&rsquo;IA - n.n.)&rdquo; (Adevarul), &ldquo;Qui contr&ocirc;le la technologie?&rdquo; (Adevarul), &ldquo;Combien de confiance peut-on avoir en elle ?&rdquo; (Hotnews), &ldquo;Comment l&rsquo;IA changera le journalisme, les m&eacute;dias et la soci&eacute;t&eacute;?&rdquo; (RRA) ou plus sp&eacute;cifiques comme &ldquo;Qui d&eacute;tient le contenu ? Qui fait les lois ?&rdquo; (Adevarul), &ldquo;Est-ce que nous aurons toujours des d&eacute;mocraties ?&rdquo; (Adevarul), &ldquo;Est-ce qu&rsquo;elle sera notre amie ou elle verra les hommes comme quelque chose qu&rsquo;il faut &eacute;liminer ?&rdquo; (Hotnews), &ldquo;Comment peut-on garantir le droit aux informations cr&eacute;dibles lorsque la majorit&eacute; des textes et des images peuvent &ecirc;tre g&eacute;n&eacute;r&eacute;s par l&rsquo;IA ?&rdquo; (RRA), &ldquo;Le ChaGPT, est-il un danger pour les jeunes ?&rdquo; (RRA). Ces questions restent, pour la plupart, sans r&eacute;ponse.</p> <p>Nous avons pu constater la m&ecirc;me tendance dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais. Il y a une abondance de questions g&eacute;n&eacute;rales qui visent, pour la plupart, le futur et l&rsquo;impact de l&rsquo;intelligence artificielle sur l&rsquo;humanit&eacute; sur l&rsquo;avenir : &ldquo;l&rsquo;IA est-elle capable d&rsquo;une autonomie comparable &agrave; celle de l&rsquo;homme et repr&eacute;sente-t-elle un danger pour l&rsquo;humanit&eacute; ?&rdquo; (M&eacute;diapart), &ldquo;Reste une question fondamentale, toujours sans r&eacute;ponse aujourd&rsquo;hui : qu&rsquo;est-ce que l&rsquo;intelligence ?&rdquo; (M&eacute;diapart) ou il y a m&ecirc;me des titres des articles en forme interrogative : &ldquo;Intelligence artificielle : quels dangers ?&rdquo;, &ldquo;L&rsquo;intelligence humaine supplant&eacute;e par l&rsquo;IA en 2045... Vraiment ?&rdquo; (M&eacute;diapart).</p> <p>D&rsquo;autres questions formul&eacute;es par les journalistes fran&ccedil;ais portent sur l&rsquo;impact de l&rsquo;intelligence artificielle dans des domaines pr&eacute;cis de l&rsquo;activit&eacute; humaine : &ldquo;comment peut-on croire que des enfants et des jeunes en formation puissent tirer b&eacute;n&eacute;fice de la confrontation &agrave; une chose dont l&rsquo;intelligence est mise au service d&rsquo;une tromperie ?&rdquo;, &ldquo;Pourquoi devraient-ils apporter leur soutien &agrave; une technologie dont l&rsquo;utilit&eacute; sociale est &agrave; ce point mise en question ?&rdquo; (Le Monde), &ldquo;comment correctement &eacute;valuer les acquis des &eacute;l&egrave;ves &agrave; l&rsquo;&egrave;re de ChatGPT ?&rdquo;, &ldquo;L&rsquo;&eacute;ducation doit-elle avoir peur des intelligences artificielles g&eacute;n&eacute;ratives ?&rdquo; (Le Monde), &ldquo;Utiliser de l&#39;intelligence artificielle, est-ce une chance pour nos &eacute;l&egrave;ves ? (France Inter), &ldquo;Que fait-on en cas de plagiat ?&rdquo;, &ldquo;ChatGPT, l&#39;&eacute;cole est finie ?&rdquo;, &ldquo;L&#39;intelligence artificielle ChatGPT, une menace pour l&#39;enseignement ? (France Inter).</p> <h2 align="left"><b>Conclusions</b></h2> <p>Dans l&rsquo;analyse de la repr&eacute;sentation de l&rsquo;IA dans l&rsquo;espace m&eacute;diatique fran&ccedil;ais, nous constatons qu&rsquo;il y a un positionnement plus strat&eacute;gique et nuanc&eacute; que dans sa repr&eacute;sentation dans les m&eacute;dias roumains. On comprend que la France se propose &eacute;galement de jouer un r&ocirc;le dans le d&eacute;veloppement, mais aussi dans la r&eacute;glementation de l&rsquo;IA. Le fait que les journalistes vont sur le terrain pour couvrir de diff&eacute;rentes adoptions de l&rsquo;IA dans diff&eacute;rents domaines (&eacute;ducation, IT) non seulement donne du concret &agrave; l&rsquo;IA, mais aussi normalise son utilisation.</p> <p>Tant dans les m&eacute;dias roumains que dans ceux fran&ccedil;ais, ce sont les avertissements qui dominent lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit de l&rsquo;intelligence artificielle. Nous sommes mis en garde sur ses capacit&eacute;s &agrave; cr&eacute;er des <i>deepfakes</i>, &agrave; d&eacute;sinformer, &agrave; influencer les &eacute;lections, &agrave; faire perdre des emplois, &agrave; an&eacute;antir l&rsquo;esprit critique, &agrave; encourager les &eacute;tudiants/&eacute;l&egrave;ves &agrave; tricher. Encore plus, la peur qui semble transpara&icirc;tre dans plusieurs des articles analys&eacute;s est celle relative &agrave; un futur quand cette intelligence d&eacute;passera l&rsquo;intelligence humaine et ne pourra plus &ecirc;tre contr&ocirc;l&eacute;e (la soit-dite &ldquo;super-intelligence&rdquo;).</p> <p>On emploie souvent des questions justement parce que la soci&eacute;t&eacute; ne semble pas avoir les r&eacute;ponses. Le poids des interrogations d&eacute;couvert dans les discours m&eacute;diatiques analys&eacute;s, tant en France qu&rsquo;en Roumanie, nous semble le r&eacute;sultat le plus saisissant de notre d&eacute;marche. Il fait &eacute;tat du moment de confusion et de manque de rep&egrave;res cr&eacute;&eacute;s par le lancement de ChatGPT-3 au 30 novembre 2022 et confirme l&rsquo;&eacute;tat disruptif que cette technologie a amen&eacute; aussi au niveau discursif.</p> <p>L&rsquo;abondance des interrogations doit &ecirc;tre corr&eacute;l&eacute;e avec la pr&eacute;sence importante des experts dans les articles analys&eacute;s dans les deux pays : les journalistes donnent la parole aux experts, aux sp&eacute;cialistes, aux chercheurs, aux hommes de sciences au moment o&ugrave; le terrain en tant que tel ne peut plus leur fournir toutes les r&eacute;ponses.</p> <p>La repr&eacute;sentation bipolaire de l&rsquo;IA (comme source d&rsquo;espoirs et de peurs) ne se confirme que partiellement. Nous avons rencontr&eacute; ce type de repr&eacute;sentation tant dans les m&eacute;dias fran&ccedil;ais que dans ceux roumains, mais la repr&eacute;sentation de l&rsquo;IA mena&ccedil;ante domine l&rsquo;imaginaire dans les deux cas. Pareil, l&rsquo;attitude positif par rapport &agrave; l&rsquo;IA d&eacute;couverte par d&rsquo;autres chercheurs qui ont analys&eacute; les m&eacute;dias allemands (Korneeva et al, 2023), par exemple, ne se confirment pas non plus car, dans notre cas, il y a une attitude n&eacute;gative dominante sur les deux terrains d&rsquo;observation choisis, avec quand m&ecirc;me un plus d&rsquo;attitude positive per&ccedil;ue dans certains articles publi&eacute;s par les m&eacute;dias fran&ccedil;ais qui parlent de l&rsquo;impact positif de l&rsquo;IA dans diff&eacute;rents domaines.</p> <h2>R&eacute;f&eacute;rences<b> </b></h2> <p>Bran, E., Rughinis, C., Nadoleanu, G, Flaherty, M. (2023). The Emerging Social Status of Generative AI : Vocabularies of AI Competence in Public Discourse. <i>Conference paper</i>. 10.1109/CSCS59211.2023.00068.</p> <p>Benbouzid, B. &amp; Cardon, D. (2022). Contr&ocirc;ler les IA. <i>R&eacute;seaux</i>, 232-233, 9-26. <a href="https://doi.org/10.3917/res.232.0009">https://doi.org/10.3917/res.232.0009</a></p> <p>Benbouzid, B., Meneceur, Y. &amp; Smuha, N. (2022). Quatre nuances de r&eacute;gulation de l&rsquo;intelligence artificielle : Une cartographie des conflits de d&eacute;finition. <i>R&eacute;seaux</i>, <i>232-233</i>, 29-64. <a href="https://doi.org/10.3917/res.232.0029">https://doi.org/10.3917/res.232.0029</a></p> <p>Charaudeau, Patrick. (1997). <i>Le discours d&#39;information m&eacute;diatique : La construction du miroir social</i>. Paris : INA.</p> <p>Cr&eacute;pel, M. &amp; Cardon, D. (2022). Robots <i>vs</i> algorithmes : Proph&eacute;tie et critique dans la repr&eacute;sentation m&eacute;diatique des controverses de l&rsquo;IA. <i>R&eacute;seaux</i>, <i>232-233</i>, 129-167. <a href="https://doi.org/10.3917/res.232.0129">https://doi.org/10.3917/res.232.0129</a></p> <p>Commission europ&eacute;enne. (2024). Loi sur l&rsquo;IA. <a href="https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/regulatory-framework-ai">https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/regulatory-framework-ai</a>, consult&eacute; le 2 juillet 2024.</p> <h1>Conseil de l&rsquo;Union europ&eacute;enne (21 mai 2024). <i>L&eacute;gislation sur l&#39;intelligence artificielle (IA): le Conseil donne son feu vert d&eacute;finitif aux premi&egrave;res r&egrave;gles mondiales en mati&egrave;re d&#39;IA. </i><a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/05/21/artificial-intelligence-ai-act-council-gives-final-green-light-to-the-first-worldwide-rules-on-ai/">https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/05/21/artificial-intelligence-ai-act-council-gives-final-green-light-to-the-first-worldwide-rules-on-ai/</a>, consult&eacute; le 2 juillet 2024.</h1> <p>Dufour-Coppolani, D. (2022). L&rsquo;IA, de la SF &agrave; une r&eacute;alit&eacute;. <i>I2D - Information, donn&eacute;es &amp; documents</i>,<i> 1,</i> 7-7. <a href="https://doi.org/10.3917/i2d.221.0007">https://doi.org/10.3917/i2d.221.0007</a></p> <p>Knowledge@Wharton. (2018). Vishal Sikka : Why AI needs a broader, more realistic approach, Retrieved from <a href="http://knowledge.wharton.upenn.edu/article/ai-needs-broader-realistic-approach/">http://knowledge.wharton.upenn.edu/article/ai-needs-broader-realistic-approach/</a><br /> Flichy, P. (2001). <i>L&rsquo;Imaginaire d&rsquo;Internet</i>. Paris : Editions La D&eacute;couverte</p> <p>Korneeva, E., Salge, T. O., Teubner, T., &amp; Antons, D. (2023). Tracing the legitimacy of artificial intelligence: A longitudinal analysis of media discourse. <i>Technological Forecasting and Social Change</i>, <i>192</i>, 122467.<br /> Lemke, N., Trein, P., &amp; Varone, F. (2024). 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