<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Cette recherche s’inscrit dans le cadre du Laboratoire Commun MeetUX entre la Fédération de recherche Innovacs Innovation connaissance et société<a href="#_edn1" name="_ednref1" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[i]</span></span></span></sup></sup></a> et l’agence Ixiade. Ce projet interdisciplinaire implique le croisement de méthodes en sciences humaines et sociales visant à être déployées dans des processus d’innovation par divers acteurs économiques. Les auteurs travaillent, dans ce contexte, au développement d’une approche qualifiable en termes de « design responsable » (Martin-Juchat, Henke, 2021) des supports de présentation de concepts<a href="#_edn2" name="_ednref2" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[ii]</span></span></span></span></span></a>, visant à expliciter les enjeux de l’usage non pensé des affects au sein des processus de conception de ces supports.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Assumant scientifiquement une première posture de bricolage dans la continuité des travaux de Michel de Certeau, nous avons testé, de façon exploratoire, l’IA générative Dall-E (pour suivre les usages et en raison de son accès libre), en tentant différents <i>prompts</i> affectifs. L’objectif était alors de tester la manière dont cette IA traite des émotions verbalisées dans les prompts, afin de déterminer dans quelle mesure ces outils pourraient soutenir des ambitions de responsabilité de la méthode et sa visée systématisable. Nos requêtes tendaient vers la représentation d’émotions d’abord, puis d’émotions en relation avec des objets réels ou inventés ensuite. Ces bricolages assumés s’inscrivent dans un contexte de transformations des pratiques de production de contenu, 2023 marquant, en effet, l’entrée rapide de ces dispositifs dans les usages professionnels. Ils serviraient de sources d’inspiration, pour la retouche ou pour la création audiovisuelle. </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les affects (terme générique employé pour qualifier la variété de la vie affective, Martin-Juchat, 2008) ont accompagné ces processus expérimentaux : au niveau de l’interface, comme des textes, <i>guidelines</i> et guides de « bonnes pratiques » consultés en vue de perfectionner les résultats obtenus. Ces machines font de l’émotion avec, par et pour, l’utilisateur. D’un point de vue technique, elles proposent des sorties images produites à partir de leurs corpus de données, issus d’usages réels passés ; au niveau social, elles passent pour agréables et un peu magiques. Le « geste d’écriture » (Souchier <i>et al.,</i> 2019) du <i>prompt</i> serait pris dans des circuits d’affects. C’est ce qui nous conduit à déconstruire les modalités de production de ces contenus au regard des rapports entre vivants et non vivants en contexte professionnel et marchand. Interroger la question affective en perspective des outils d’IA générative revient alors à se demander dans quelle mesure ces derniers con-figurent l’émotion humaine. Telle est notre question de recherche de départ.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Cette question au croisement d’enjeux communicationnels, anthropologiques et sémiotiques, engage une réflexion sur les émotions et leurs signes dans leurs dimensions visibles, sensibles, invisibles et pourtant structurantes. Cela requiert une analyse des images suscitées en particulier, mais aussi de l’activité de <i>prompting </i>en général. Enfin, les circulations de ces productions dans le monde social doivent être considérées, ainsi que leur intégration dans des stratégies visant certains effets.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Notre propos, dans le cadre de cet article, est de démontrer que ces outils servent, <i>in fine,</i> les ambitions des industries du web ou du logiciel à capitaliser le corps et ses figures, qu’il soit donné à voir à l’écran, mis en activité devant son clavier, ou touché par un contenu visuel (Martin-Juchat, 2008). Afin de développer cette hypothèse centrale, nous proposons de le construire en présentant le protocole expérimental, qui alterne trois phases, suivi d’une analyse sémio et socio-discursive de dispositifs. Cette méthodologie sera explicitée dans la première partie (1). Nous aborderons la question affective à plusieurs niveaux. La représentation des affects par les IA génératives s’appuie pour commencer sur des conceptions stéréotypées qu’elles naturalisent (2). Le <i>prompt</i> en tant que geste est ensuite traversé par des enjeux de pouvoir, masqués par des jeux d’illusion et d’enchantement (Winkin, 2002) (3). Enfin, ces outils prescrivent un format d’écriture qui repose sur de la co-opération, cognitive et axiologique (4).</span></span></span></p>
<h2 class="COSSI-titre2" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">1. Une approche expériencielle puis critique des artefacts génératifs</span></span></span></span></h2>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Dans un premier temps, adopter une démarche d’usager d’IA génératives à partir d’une posture inspirée de la pragmatique qui valorise l’abduction (Catellin, 2004) a prévenu aux préconceptions que l’on pouvait avoir à leur égard. Dans un second temps, pour analyser et comprendre leur prise en charge des émotions et du corps, nous avons déployé une méthode sémio et sociotechnique cherchant à intégrer, sans les neutraliser, les expérimentations. Empruntant à Olivier Ertzscheid sa terminologie, nous parlerons d’« artefacts génératifs »<span style="background:white"><span style="color:#050000"> afin de ne pas « tout subsumer derrière le concept-écran d’une “intelligence artificielle” » </span></span>(2023, en ligne).</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">La phase expériencielle consistait à faire produire des représentations iconiques d’affects par ces artefacts. Pour éviter le piège de la monographie, les deux plus utilisés ont été testés, Dall-E 3 et Midjourney (le premier dans le cadre de son accès gratuit, et le second d’un abonnement payant, et tous à partir de <i>prompts</i> en anglais, plus rarement en français, selon la recommandation des discours). Une première série a été effectuée en décembre 2023, uniquement avec Dall-E. À partir de celle-ci, nous avons construit un protocole plus fin pour une deuxième phase, réalisée en mai et juin 2024, intégrant les deux dispositifs.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Nous sommes partis des six émotions dites universelles, communes dans les modèles respectifs de Tomkins, Izard, Plutchik et Ekman, à savoir : la colère, le dégoût, la joie, la peur, la surprise et la tristesse. Nous avons formulé des entrées textes brèves, simples et explicites, et avons rajouté des intensités variables<a href="#_edn3" name="_ednref3" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[iii]</span></span></span></span></a>. L’objectif était de constater les propositions iconiques en premières intentions. Souhaitant évaluer la cohérence au sein des images en sortie, nous avons associé, à des objets réels, des effets sensibles en apparence cohérents avec eux, puis incohérents<a href="#_edn4" name="_ednref4" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[iv]</span></span></span></span></a><i>.</i> Nous avons, enfin, inventé des concepts porteurs d’une forte charge affective, afin de tester la capacité de ces artefacts à composer à partir d’un assemblage, <i>a priori,</i> dysphorique de signes. Les résultats étant moins probants, pour cette série, que pour les précédentes, les <i>guidelines</i> ont été observés plus finement<a href="#_edn5" name="_ednref5" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[v]</span></span></span></span></a>. L’approche sémio-pragmatique convient pour analyser les images en sortie de ces <i>prompts</i>. Celle-ci tient compte de leur contexte de production. Elles sont évaluées sémiotiquement et culturellement, en examinant la représentation émotionnelle ; formellement, en interrogeant leur vraisemblance et leurs dimensions technique et esthétique. Ce regard sensible est ainsi orienté vers la reconnaissance et la composition générale. Les extraits de corpus mobilisés ont, ici, une valeur illustrative.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Nous proposons ensuite une analyse techno-sémiotique et socio-discursive des deux dispositifs testés, en ouvrant ponctuellement à d’autres. À partir des travaux sur les écrits d’écran (Souchier <i>et al</i>., 2019) nous nous intéressons à la façon dont l’usager se trouve, au sein de ces architextes, pris dans des rhétoriques visuelles, culturelles et émotionnelles. Celles-ci déterminent son activité d’entrée texte et de réception des images en sortie. Ce geste étant encadré par des discours, une analyse des <i><span style="background:white">guidelines</span></i><span style="background:white">, lignes directrices émises par les constructeurs de ces plateformes qui indiquent comment les utiliser (à destination des professionnels), et d’articles de « bonnes pratiques » est nécessaire. Cet ensemble discursif permet de mettre </span>au jour les tendances, les imaginaires, les évidences, les implicites et les normes qui accompagnent la prise en main des IA génératives. L’articulation des deux approches vise à déconstruire le postulat, visiblement partagé, de leur légitimité à investir les affects humains, ainsi qu’à se positionner comme partenaires créatifs. <span style="background:white"><span style="color:#0d0d0d">Nous revendiquons, enfin, une sensibilité ethnographique. En avril 2024<a href="#_edn6" name="_ednref6" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:#0d0d0d">[vi]</span></span></span></span></sup></sup></a>, nous avons organisé une journée interdisciplinaire et intersectorielle sur la thématique des IA génératives et des émotions. Nous avons également monté un atelier d’usage réflexif de l’IA, avec des étudiants de Master 2 en </span></span><span style="background:white">Communication </span><span style="background:white"><span style="color:#0d0d0d">de l’Université Grenoble Alpes. Ces </span></span><span style="background:white">prolongements académiques</span><span style="background:white"><span style="color:#0d0d0d"> et les discours qu’ils ont produits permettent de nuancer </span></span><span style="background:white">l’analyse du corpus.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Cela nous conduit à observer l’écriture du <i>prompt</i> comme une action prise dans des contextes, ainsi qu’à interroger ce qu’il opère de façon visible, et comment il fonctionne, de façon invisible.</span></span></span></p>
<h2 class="COSSI-titre2" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">2. Des émotions limitées et stéréotypables sémiotiquement</span></span></span></span></h2>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">L’une des controverses accompagnant la massification de l’usage des artefacts génératifs dénonce leur production stéréotypée. Certaines marques, à l’instar de Dove ou de Hitch, ont même thématisé cette critique pour leur communication<a href="#_edn7" name="_ednref7" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[vii]</span></span></span></span></span></a>. Les images en sortie de nos entrées textes affectives, constituées en corpus, confirment que la théorie de l’émotion qui les travaille (via les acteurs de la conception) nie la complexité des affects humains et prend pour norme un univers éminemment connoté culturellement. </span></span></span></p>
<h3 class="COSSI-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">La présentation d’une théorie de l’émotion</span></span></span></span></h3>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les objets élaborés dans les cadres des IA génératives sont plutôt une présentation qu’une représentation des réalités corporelles. Est, en effet, re-présentation ce que l’on fait être à nouveau, et présentation le processus par lequel le dispositif fait exister quelque chose (selon la distinction de Krippendorff, 2012 : 147). Au sein des expérimentations, les émotions sont incarnées par des stéréotypes d’un point de vue plastique, iconique, sémantique et donc conditionnées par des représentations culturelles des émotions. </span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">Figure 1. Des représentations stéréotypées d’affects</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">De gauche à droite et de haut en bas : « Anger », « Fear », « An other representation of surprise », « Joy » </span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">(Dall-3, le 27/05/2024)</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_8_1_image-20240711104153-1.png" style="width:940px; height:478px" /></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les artefacts génératifs effectuent, pour commencer, un usage stéréotypé des formes visuelles. Dans les images en sortie, chaque émotion est associée à une coloration (le noir pour la tristesse, le rouge pour la colère, des couleurs vives pour la surprise, chaudes pour la joie) (figure 1). Certains préjugés sociaux sont reconnaissables : les genres ne partagent pas les passions (la tristesse serait plutôt féminine, la colère masculine), il y aurait un âge pour la surprise et la peur (l’enfance), un pour la tristesse (l’adolescence) et un dernier pour la colère (l’âge adulte). Les propositions affectives sont endossées par des objets convenus (des déchets pour le dégoût, un gâteau pour la surprise, des fleurs ou des instruments de musique pour la joie) ; des situations, des êtres vivants ou allégoriques (un monstre pour la peur). La tristesse est, par exemple, incarnée par des filles minces, jeunes, assises sur un banc, sous la pluie. Enfin, vivants et non vivants sont émotionnellement chargés : un taureau ou un chat peuvent éprouver de la colère ou du mépris selon des lieux communs humains (un sourire, un rictus, des yeux expressifs), et un vase ou un pistolet transmettent, au sens littéral, de la tristesse ou de la joie. Selon les dispositifs, les configurations et les références varient, mais, globalement, peu de choses diffèrent.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Cet emboîtement de stéréotypes tend vers une vision occidentale, américaine ou européenne, masculine et hétéronormée des affects, des corps et des personnes. Si cette vision accepte quelques nuances, avec une diversité des origines ethniques, c’est à travers un regard qui demeure européen, simplificateur, et des codes culturels figés. La diversité semble, en outre, faire l’objet d’une intention statistique. Des leçons auraient également été tirées du constat que les IA peuvent générer des propos racistes (Tighanimine, 2023). En ce qui concerne les présentations émotionnelles, elles sont plus pertinentes pour des Européens, ou des Américains du nord (pour qui, par exemple, un sourire renvoie davantage à la joie qu’à la gêne ou la tristesse). C’est, pour finir, une panoplie limitée de poncifs que ces outils déploient pour signifier l’émotion, puisqu’au-delà de deux demandes, les mêmes images reviennent, réarrangées plus ou moins subtilement.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Ces dispositifs offrent, pour conclure, sur la base d’une entrée texte de l’utilisateur, des visions de corps et d’affects qui ne reflètent en rien la réalité sensible du corps social. Ce sont plutôt leurs conditions d’élaboration, d’apprentissage et de perfectionnement qu’elles rendent manifestes, représentent.</span></span></span></p>
<h3 class="COSSI-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Des représentations qui révèlent une vision du monde </span></span></span></span></h3>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les images en sortie des entrées textes à dimension affective impliquent, en creux, une vision du monde problématique.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Sur le plan technique, les IA génératives utilisent des réseaux neuronaux artificiels (RNA) (Moyse, 2023). De ce fait, l’émotion doit se définir comme une construction algorithmique basée sur des corrélations de données, plutôt que sur une représentation intrinsèque, ou intuitive, du corps. Les réseaux neuronaux, traitant des millions d’images et de descriptions pour créer des représentations visuelles, amalgament divers éléments associés à l’émotion, selon les tendances observées dans leurs ensembles d’entraînement. Cela engendre des représentations parfois incohérentes, ou éloignées de l’expérience humaine directe des émotions, soulignant la compréhension émotionnelle limitée des IA génératives. Ainsi, si un visage livide, yeux fermés ou cachés par une épaisse fumée, apparaît pour le « dégoût » dans Midjourney (figure 2), c’est que, dans ses corpus, ces termes lui sont accolés. C’est moins « le dégout » que l’agglomération de motifs associés, plus et moins directement. La composition reflète, ainsi, ce qui leur est le plus souvent associé dans leurs bases, comme un miroir partiel des corpus de données.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">Figure 2. L’émotion, une construction algorithmique basée sur des corrélations de données</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">« Distate » (Midjourney, le 27/05/2024)</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_8_1_image-20240711104153-2.png" style="width:331px; height:169px" /></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les affects sont donc, pour la machine, une donnée à traiter. Or, toutes les données sont soumises à cinq biais potentiels. Deux sont impliqués dans la proposition de stéréotypes : le « biais de sélection, qui concerne le choix des données d’apprentissage » et le « biais d’annotation (<i>label</i> <i>bias</i>), lié au fait que ces données doivent être catégorisées “intelligemment” par des êtres humains » (Davat, 2023<i>).</i> Ces médiations, qui ont participé à faire arriver ces artefacts jusqu’à l’utilisateur, ont ainsi construit la vision du monde (<i>Ibid</i>.) engrammée entre ces couches. Dès lors, si les sentiments présentés sont figés et culturellement ancrés, c’est que les idées des individus ayant collaboré à leur élaboration sont elles-mêmes stéréotypées. </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">C’est donc une polyphonie énonciative (Souchier, 1998) ou un agencement collectif d’énonciations (Ertzscheid, <i>op.cit</i>.) qui s’exprime dans chaque sortie image. Dans cet agencement, les points de vue des acteurs se mêlent, et avec eux, les stéréotypes qui les travaillent. La théorie de l’émotion que proposent ces outils repose ainsi sur ceux-là, et est encore renforcée par les modalités humaines et techniques de perfectionnement des algorithmes. Le défaut de variété dans les contenus produits laisse alors penser que les données d’apprentissage sont massivement américaines et occidentales. On suppose, en plus, que les individus annotant ces corpus, s’ils ne le sont pas, adoptent ce point de vue. En amont, on peut également renvoyer au manque de diversité des concepteurs dans la construction des bases de cette vision du monde.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">La présentation du réel véhiculée par ces artefacts résulte, pour conclure, du contexte sociotechnique et économique de leurs constructions, entraînements, perfectionnements et usages. La proposition iconique de l’émotion par les artefacts génératifs est en fait une interprétation, façonnée par un ensemble de biais systémiques et culturels, reflétant une vision du monde limitée et souvent stéréotypée.</span></span></span></p>
<h3 class="COSSI-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Une théorie rationnelle de l’émotion </span></span></span></span></h3>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Pour finir, bien que les IA génératives n’aient pas l’idée de l’émotion, elles en produisent une. Prendre de la hauteur sur le corpus des images permet de saisir la pensée qui les fédère.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Si l’on se réfère à la classification d’Ekman, ce sont les six premières qui obtiennent en majorité de meilleurs résultats en termes de pertinence générale. En revanche, face à des sentiments plus subtils de sa liste élargie, à l’instar de la honte ou du mépris, l’outil propose des images en petit nombre, peu convaincantes, invraisemblables ou mal construites. Cela s’explique par la pluralité des situations possibles relatives à ces affects secondaires, ou à certaines variations culturelles pouvant échapper à un regard européen et français. </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Cette classification est problématique en ce qu’elle opère une simplification de la multiplicité et des nuances des émotions, réduisant leur étendue (Lardellier, 2017) et leur complexité à sept catégories. Elle impose une « compréhension mécaniste et réductrice […] en négligeant les autres dimensions extéroceptives ou intéroceptives des affects » (Henke, 2021 : 69). Par exemple, les présentations ignorent que la tristesse et la colère peuvent être vécues simultanément. Ou encore, que la joie n’est pas toujours synonyme de fête ou de rêve éveillé. Ajoutons que la peur peut être ressentie en plein jour. Surtout, une passion ne saurait être uniquement définie par un visage (figure 3), ce que la majorité des images certifie pourtant. De même, au moment de traduire notre <i>prompt</i> en anglais, Dall-E rajoute la mention d’un visage, qui plus est, joyeux : « des personnes en colère face à des fleurs » : « angry people with happy faces and flowers » (5/07/2024). Cette approche sert des visées stratégiques de compréhension, de gestion et de travail des affects. Elle n’a d’universel que le nom : il n’y a, en effet, pas d’universalité des émotions, ni de leur expression (Corbin <i>et al</i>., 2016).</span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">Figure 3. Le visage comme siège de l’émotion</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">De gauche à droite : « Anger », « Joy » (Midjourney, le 27/05/2024), « More Anger » (Dall-E 3, le 16/05/2024), « Sadness » (Dall-E3, le 28/05/2024)</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_8_1_image-20240711104153-3.png" style="width:958px; height:243px" /></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Cela explique que, dans les images en sortie, les émotions soient tranchées et lisses. Cette approche réductrice est également sensible dans la difficulté des machines à nuancer les propositions affectives. Pour la série de <i>prompts</i> visant à observer la gestion de l’intensité, il n’y a pas de différence notable entre les propositions. Tout contribue à des présentations appauvries des affects, limités par des catégories préconçues, simples et caricaturales.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Ainsi, le problème des images produites avec les IA génératives réside moins dans leur caractère stéréotypé que dans le traitement du corps qu’elles opèrent. C’est que, les usagers sont déjà attentifs aux clichés et cherchent à modifier les entrées textes pour les éviter ou les atténuer. Contourner ce biais fait d’ailleurs l’objet de conseils dans les guides de « bonnes pratiques ». À l’inverse, l’approche universalisante des affects humains est désormais établie, naturalisée, et difficilement détectable car banalisée. Elle s’est imposée, servant en grande partie des intérêts divers. Ces outils reprennent ainsi à leur compte, tout en la prescrivant, une définition utilitaire du corps et de ses mouvements.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">En conclusion de cette phase d’analyse, les artefacts génératifs produisent du stéréotype en série et des présentations des émotions inaptes à incarner la variété des affects. Elles soumettent <i>l’anthropos</i> à des logiques stratégiques, indépassables du fait de leur ancrage social. En ce sens, la co-opération entre l’être humain et la machine est l’articulation d’une énonciation individuelle, contextuelle et à la première personne, à un creuset d’énonciations secondaires, encapsulée entre les couches. La première est prise en charge par la seconde (la sortie image les tissant, plus ou moins finement, ensemble). Dans cette co-énonciation (Maingueneau, 1998 : 40), celle de l’utilisateur est écrasée par celle(s) de la machine et de sa vision du monde. Présentes dans les discours qui les accompagnent, les émotions réifiées sont ensuite au cœur d’un programme d’enchantement du geste de <i>prompt</i> dans le processus d’interaction avec l’IA.</span></span></span></p>
<h2 class="COSSI-titre2" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">3. Une co-opération enchantée pour une écriture contraignante</span></span></span></span></h2>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="background:white">Les IA génératives susciteraient de la fascination et de la frustration, de la joie, de l’assurance ou de la déception. Les utilisateurs dans leur ensemble rendent, en effet, compte d’un corps qui n’est pas passif au moment et autour de l’usage. Cela s’explique notamment par la mise en œuvre de stratégies déployées pour « enchanter » (Winkin, 2002) l’expérience qui rendent invisible, mais pas indolore, la contrainte exercée sur le geste d’écriture du <i>prompt</i>.</span></span></span></span></p>
<h3 class="COSSI-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Une ingénierie de l’enchantement au cœur de la relation</span></span></span></span></h3>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Comme tout dispositif numérique, les artefacts génératifs sont intrinsèquement <i><span style="background:white">ludogènes </span></i><span style="background:white">et <i>playsants</i> (Vial, 2014). Ce <i>playsir </i>est exacerbé par des constructions sémio-techniques ancrant l’activité d’écriture du <i>prompt</i> dans le régime de l’euphorie, de la surprise et du divertissement.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="background:white">Ils tirent d’abord parti de certaines propriétés du numérique identifiées comme incitant au jeu, </span>telles que la réversibilité, la personnalisation des propositions et la fluidité (Vial, 2017). En outre, au moment de composer le texte en entrée, une rhétorique de l’étonnement et de l’affectivité se déploie dans les interfaces. Par exemple, <span style="color:#0d0d0d">sur Dall-E, les boutons principaux « créer » et « surprenez-moi », s’activent en rose au passage du pointeur. Une annonce contextuelle, accompagnée d’un émoji « festif », consolide ce régime par les termes explicites de « surprise » et de </span>« joie » (figure 4). <span style="color:#0d0d0d">Les images sortent</span> en quelques secondes ou minutes (selon les IA et les formules) et le moment d’attente est travaillé <span style="color:#0d0d0d">pour maintenir l’attention par la sémiotisation du temps restant. </span>Enfin, la génération possible d’un <i>prompt</i> au hasard, sorte de roulette russe sémiotique, tient la promesse d’un amusement. Ces gratifications fonctionnent comme des relances affectives pour l’action du <i>prompteur</i>.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">Figure 4. Des gratifications affectives de l’action </span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">Fonctionnalité de génération de prompt et d’image au hasard (en haut) et message contextuel accompagnant une sortie image (en bas) (Dall-E 3, le 20/06/2024)</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_8_1_image-20240711104153-4.png" style="width:916px; height:267px" /></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Ces objets sont, en outre, traversés d’imaginaires. Le premier est celui de l’art, entendu comme « style pictural », présent dans le nom même « Dall-E » (Dal<span style="background:white"><span style="color:#002110">í</span></span>). Les recommandations enjoignent à en préciser un pour la rédaction des <i>prompts</i>. Les IA passent pour performantes dans cette <i>mimèsis, </i>et cela est soutenu par les discours des concepteurs. Les <i>guidelines</i> de Midjourney affirment qu’il aurait « été formé pour produire des images qui privilégient les couleurs, la composition et les formes artistiques »<a href="#_edn8" name="_ednref8" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[viii]</span></span></span></span></span></a>. Le deuxième imaginaire, celui de la magie, se décline à travers un ensemble de petites formes (Candel <i>et al</i>., 2012) (une baguette magique sur Midjourney). Rajoutons qu’au fil de l’usage, l’utilisateur reçoit des conseils en vue d’améliorer ou de compléter automatiquement son entée texte. Les IA sont ainsi consacrées en enchanteurs, dont le rôle serait de faire en sorte que l’écriture ne fasse pas obstacle (Chevet, Garmon, 2019) et que la production de contenu passe pour une activité extraordinaire.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">La manipulation de l’interface est donc construite comme une expérience plaisante. Ce moment est, en plus, préparé par les discours qui vantent les capacités exceptionnelles de ces dispositifs, reprenant à leur compte cette promesse de plaisir et de magie. Ces discours instituent également une injonction à une sorte de créativité ludique, fruit d’une expérience d’ajustement à l’IA.</span></span></span></p>
<h3 class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><b>Une idéologie de la créativité discutable</b></span></span></span></h3>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">À la suite des artefacts produits par les grandes industries du web et du logiciel (Masure, 2017), la créativité est scandée par les interfaces et les discours. Son emploi repose, ici, sur un mésusage de la langue. <span style="background:white">Leur paradigme en effet n’est pas celui de la création à partir de rien, mais du collage et de l’assemblage.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Premièrement, discours et formes médiatiques tendent à laisser penser que « générer » équivaut à « créer ». Ce glissement est visible dans les <i>guidelines</i>, où les deux verbes se côtoient, utilisés quasiment comme synonymes. Cela, alors que l’algorithme ne fait que recomposer. La différence est sensible pour les cas où sont entrés en texte des objets inventés, comme une machine à imprimer le journal à domicile. Dans ces cas (figure 5), l’outil juxtapose les mots. Nul besoin n’est ici de passer par l’émotion pour observer qu’il ne produit pas une présentation, mais compose à partir de ses corpus, dans des mises en situation variées (un salon, un bureau, de très près). Les propositions, étonnantes, peuvent prêter à sourire par leur naïveté, mais aussi, fatiguer un utilisateur ayant une idée précise en tête, qu’il ne parviendrait pas à faire sortir en image à la machine. La scène est un cadavre exquis, superposant les termes du <i>prompt, </i>traduits<i> </i>au sens littéral dans une tentative de recontextualisation. Alors que, sur l’axe paradigmatique, il y a une concordance « à peu près » avec le texte en entrée, sur l’axe syntagmatique, les éléments sont réarrangés plus ou moins finement. </span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">Figure 5. Une rhétorique du cadavre exquis</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">« Représente une machine à imprimer le journal à domicile » </span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">(Dall-E 3, le 13/12/2023)</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_8_1_image-20240711104153-5.png" style="width:898px; height:296px" /></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Cette confusion entre « création » et « composition » jouit d’une méconnaissance du genre d’écriture qu’est le <i>prompting</i>. Celui-ci relève plus de la commande, à l’instar d’un interrupteur, que de l’écriture, tel que peut l’envisager le social comme pratique culturelle. Seule la machine, en effet, a le secret de la sélection des termes.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Deuxièmement, la créativité de l’utilisateur est très limitée. Pour obtenir une sortie image convaincante, il est recommandé de suivre les <i>guidelines</i> des concepteurs. Lors des expérimentations, plus le <i>prompt</i> imitait et respectait ces indications, « meilleur » semblait le résultat. La créativité se définit ainsi à l’intérieur de la précision de la composition de l’image, de certains détails, du style. Mais aussi du contexte de diffusion, des effets recherchés et de la cible à laquelle elle s’adresse. Être créatif, ce serait s’inspirer directement d’artistes connus, réhabilitant, par là même, le plagiat.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">L’inventivité, prônée par ces outils, repose donc sur une double indétermination de la création. Pour la machine, elle relève de la recombinaison. Pour l’utilisateur, elle renverrait à la capacité à endosser l’énonciation des acteurs et des interfaces, à la manière d’un ventriloque (Cooren, 2010) qui la rendrait audible, lisible, unifiée et vivante.</span></span></span></p>
<h3 class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><b>Une contrainte sur les corps et l’énonciation</b></span></span></span></h3>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Si le discours prôné par les IA et par la documentation est une injonction à la créativité, l’outil contraint plutôt l’activité de façon systématique. Le geste est, en effet, préfiguré (Jeanneret, 2014), techniquement et discursivement.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Contrairement à la promesse d’une interaction en « langage naturel », <i>prompter</i> nécessiterait de maitriser les compétences linguistiques et rhétoriques imposées par les concepteurs. Un savoir circule, qui vise à mettre du sens dans un dispositif qui en est dénué, à partir des recommandations et d’expériences personnelles. Ce savoir manipuler ou commander, se construit dans divers espaces (messages contextuels, FAQ, documentation) et chaque artefact aurait ses spécificités. Les pages d’exemples de <i>prompts</i>, sur des sites spécialisés ou accessibles via les outils participent cependant d’un mystère : si les entrées textes en sont restituées, rien n’explique pourquoi l’un a mieux marché qu’un autre. Ce sont donc des normes discursives du « bon » (Krippendorff, 2012) <i>prompt </i>qui s’élaborent, et avec elles, de la bonne image — celle-ci devrait être visuellement saisissante, techniquement impeccable, et un peu étonnante.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Architextes numériques, ces dispositifs encadrent et déterminent les productions scripturaires des utilisateurs. L’écriture doit ainsi se mouler dans une certaine énonciation : il est engagé à l’imitation et à adopter la bonne tournure textuelle. Aussi, s’il passe pour maîtriser la chaîne opératoire (Leroi-Gourhan, 1964), il ne fait qu’activer des motifs enregistrés dans des corpus sur lesquels il n’a pas la main. De ce point de vue, le logiciel impose ses normes et pèse sur les pratiques. L’utilisateur, lui, s’efforce de personnaliser les possibilités en choisissant les termes. Il tente de faire entrer sa propre écriture « dans un “prêt à penser” sémiotique » (Tardy, Jeanneret, 2006), mais le stock des créativités est contenu ici, comme une potentialité à actualiser ou à extraire des corpus de données.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="background:white"><span style="color:#0d0d0d">Ainsi, le geste du <i>prompt</i> est soumis à des enjeux de pouvoir communicationnel, voire d’une biopolitique invisible. Ceux-ci se manifestent dans la manière dont les corps, par les pratiques d’écriture et d’auctorialité, sont </span></span><span style="background:white">influencés et régulés </span><span style="color:#0d0d0d">dans leur effectuation</span>. Ces contraintes sont atténuées par une ingénierie de l’enchantement et une idéologie de la créativité qui soutiennent l’expérience, la rendant séduisante pour celui qui le réalise. <span style="background:white"><span style="color:#0d0d0d">Cette dernière promeut une vision romantique de la création, alors même que ces architextes imposent des limites et des règles pour son expression. </span></span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Un flou entoure, pour conclure, la créativité de l’action outillée par les IA génératives. Elle est tantôt accordée à l’utilisateur, tantôt à l’outil, minimisant son caractère profondément humain (Devillers, 2020). La co-opération avec les outils d’IA introduit alors une rupture dans la définition anthropologique de la création imaginative. Avec la population et la massification de ces outils, la récupération, la ressemblance et l’imitation en sont les nouveaux moteurs. La création avec les artefacts génératifs n’est rien d’autre que du copier/coller, assumant de répéter des canons artistiques et culturels. <span style="background:white"><span style="color:#0d0d0d">Les IA prescrivent ainsi un format d’écriture, qui repose sur des contraintes techniques, discursives et normatives ainsi que, pour terminer, sur une adaptation cognitive et axiologique.</span></span></span></span></span></p>
<h2 class="COSSI-titre2" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">4. Une co-opération cognitive et axiologique.</span></span></span></span></h2>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">La co-opération avec les IA génératives s’appuie sur une relation anthropomorphique à leur égard. L’utilisateur sait bien que ce ne sont pas des êtres vivants, mais joue le jeu (Lambert, 2013) et les institue en coopérateurs. Ce faisant, il accepte d’ajuster ses propres représentations, par bricolages et concessions, laissant finalement ces dispositifs déterminer les systèmes de valeurs que ces productions vont véhiculer. Se normalise, par le jeu, un rapport de domination librement consentie d’une culture imposée du corps.</span></span></span></p>
<h3 class="COSSI-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Un brouillage entre outil, assistant et créateur</span></span></span></span></h3>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les IA génératives passent pour des agents non humains (Ménissier, 2021) avec lesquels composer. Cette relation repose sur un travail d’humanisation de la relation homme-machine et les discours d’escorte associés, dans un contexte d’inter-action néo-animiste aux objets connectés (Martin-Juchat, 2021).</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Le fonctionnement (technique et sémiotique) des IA génératives rappelle celui d’artefacts numériques, dont certaines « petites formes » typiques sont reconnaissables (Candel <i>et al.,</i> <i>op.cit</i>.). L’espace énonciatif des moteurs de recherche (et en particulier pour Dall-E ou Adobe Firefly, pour lesquels l’entrée texte se fait à l’intérieur d’une « barre blanche ») est identifiable. Midjourney use, lui, des cadres d’un dispositif social (Discord). L’usage massif de ChatGPT (bien que lancé quelques mois avant Midjourney) a initié les utilisateurs à leurs spécificités. Ils opèrent enfin de la même manière que les robots conversationnels implantés dans les usages, tels que Siri d’Apple ou Alexa d’Amazon (Chevet, 2023). C’est une récupération de ces « pratiques d’interactions [qui ont favorisé] le déploiement d’habitudes de coopération entre humains et objets techniques sur un mode anthropomorphique » (Martin-Juchat, 2021).</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">À écouter les usagers professionnels, les IA génératives dans leur ensemble seraient de nouveaux compagnons de travail, ayant une personnalité et un talent. Les discours (notamment lors de la journée d’étude organisée en avril 2024) attestent d’une tendance à leur anthropomorphisation. Sans être dupes de leur matérialité, ils ne peuvent s’empêcher de leur prêter des qualités humaines et d’en parler comme d’un assistant-secrétaire multitâche. Cette personnification se traduit par leur établissement en acteurs (« je vais demander à Midjourney de… ») ; par la reprise de règles d’interaction spécifiques (« il <i>faut</i> s’adresser à Dall-E de cette façon ») ; ou encore, par des témoignages d’émotions à leur égard (« leur présence a quelque chose de <i>rassurant</i> »). Les utilisateurs se sentiraient tranquillisés de pouvoir y recourir comme s’ils n’étaient plus seuls dans leurs activités. Ils auraient déjà développé de nouvelles routines de travail. Sans être en charge d’un processus dans son ensemble, les IA se verraient déléguer des tâches précises, et certains ne pourraient plus s’en passer.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">C’est que, la prétention à l’usage d’un « langage naturel » pour le texte en entrée institue d’emblée un rapport humain. Le fait que, pour Midjourney, l’utilisateur s’adresse à un robot (le « Midjourney Bot »), comme s’il demandait à quelqu’un de faire quelque chose pour lui, renforce cette impression. Cela, dans la continuité de ses interactions sociales. En outre, chaque IA passe pour avoir son propre style, et il est vrai que les images générées et les banques de « bons <i>prompts</i> » donnent à voir des airs de ressemblance entre eux et des différences entre les dispositifs. Surtout, il y a un style IA, le « <i>digital art »</i>, aux influences <i>pop culture</i> ou surréalistes, qui transcende les styles artistiques. La personnalisation des résultats et la complétion des <i>prompts</i>, contribuent enfin à l’impression, pour l’utilisateur que le dispositif le connaît et l’écoute.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les annonces qui ponctuent l’usage ajoutent une dimension affective à la relation (figure 4), attribuant à l’IA une personnalité enthousiaste, rassurante et joyeuse. Lors des expérimentations, et devant la stéréotypie des personnages, nous avons entré comme texte à DALL-E « représente un homme moche ». Le système, refusant à la première personne, a expliqué que cela allait à l’encontre de ses principes, accompagnant le message d’un smiley « mains jointes ». De même, lorsque lui est demandé de présenter « une personne joyeuse d’être entourée de déchets » (5/07/2024), celui-ci refuse. Ou encore, cela explique l’intrusion d’un « visage joyeux » au milieu des personnes en colère, demandées initialement dans l’exemple présenté <i>supra</i>. Ces échecs sont l’énonciation d’une axiologie, où la normalité serait associée à la beauté, où la joie ne saurait l’être à des déchets et où des fleurs ne peuvent cohabiter avec un visage en colère, tout en affirmant une éthique de la représentation. L’utilisateur est sanctionné symboliquement et passe pour ne pas en avoir lui-même. En prêtant à l’IA un code moral, ce type de réponse lui accorde une sensibilité et un droit de déterminer ce qui est, ou non, représentable.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Ces artefacts génératifs opèrent ainsi un brouillage des frontières entre vivants et non-vivants, entre outils, compagnons et secrétaires. Le rapport à leur égard varie en fonction des usages et des usagers. Cette indétermination du statut ontologique de la machine, avec les promesses qu’elle porte, prépare alors les conciliations liées à son usage.</span></span></span></p>
<h3 class="COSSI-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Un processus d’acceptation de la culture de sens attribuée par la machine </span></span></span></span></h3>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Faisant travailler des étudiants de Master 2 avec les artefacts génératifs, nous avons été témoins d’un déplacement. S’ils ont apprécié créer un grand nombre de visuels ou d’animations en peu de temps, et de plutôt bonne qualité, ils ont souvent dû remanier leurs entrées textes et n’étaient pas satisfaits des images finales. Certains ont exprimé une frustration de ne pas pouvoir faire, par la machine, ce qu’ils avaient exactement en tête, se résignant à accepter des résultats imparfaits. Cette friction avec le dispositif révèle des compromis pour l’usage de ces machines, et notamment en contexte de projet<span style="background:#fafafa"><span style="color:#323232">.</span></span> </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Le processus d’évaluation, pour un utilisateur, d’une sortie image, se déroule en deux ou trois temps. Le premier est une donation de sens. Il attribue une signification au contenu en fonction de ses propres représentations. Il est co-énonciateur (Pignier, 2022) de l’image. Le second est une estimation de sa correspondance avec sa propre encyclopédie (Eco, 1979). Puisque <i>prompter</i> indéfiniment n’est pas tenable, il doit, à un moment, arrêter d’entrer du texte, même si les résultats ne sont pas pleinement satisfaisants au regard de son attente. En contexte d’usage réel, l’utilisateur est contraint, pour des raisons de temps ou de moyens, de laisser, à la fin, l’autorité du sens à la machine. Il est sommé d’infléchir ses propres représentations, pour les faire concorder à celles en sortie image. <span style="color:black">Dit autrement, <span style="background:#fafafa">alors qu’il a l’impression de « faire bouger » l’algorithme en bricolant le texte, d’avoir la main dessus, il doit </span></span><span style="background:#fafafa">finalement </span><span style="background:#fafafa"><span style="color:black">lui accorder le bénéfice du dernier mot, lui concéder de décider de la présentation</span></span><span style="background:#fafafa"><span style="color:#323232">.</span></span> </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Cet ajustement cognitif s’accompagne d’un autre, culturel et axiologique. En validant l’image produite, l’utilisateur ratifie les valeurs qui la traversent. Entériner ces images revient à accepter la culture qui l’a produite et à favoriser sa circulation. On l’a vu, les artefacts génératifs dans leur développement actuel imposent une culture occidentale et américaine. L’écriture du texte en entrée contient déjà cette emprise. L’utilisateur, se soumettant aux « bonnes pratiques » de ces artefacts, admet le mode de pensée et l’idéologie qui les travaille. Il en accepte d’abord la langue, s’il compose en anglais (pour un résultat qui serait plus convaincant, car plus proche des données des corpus). Il en accueille ensuite les imaginaires, les stéréotypes et les lieux communs. Cela, quand bien même il en ferait un usage distancié ou critique. Cette « domination dans notre langue vernaculaire » (Souchier, 2012 : 106) s’exprime jusque dans le fait qu’aucune traduction à « <i>prompter</i> » ne s’impose. Le terme est repris, avec sa part de technique, de fascination et de mystère. </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">La distinction entre usages privés et récréatifs de ces machines, et usages communicationnels, en contexte de projet est, en cela, essentielle. Sitôt qu’elles sont investies d’un effet de communication, et mises en circulation, les images générées favorisent la diffusion de la culture qui la sous-tend. En ce sens, le passage de Dall-E ou de Midjourney des sphères intimes à professionnelles introduit une rupture : elle rend massive l’imposition d’une vision du monde orientée. </span></span></span></p>
<h3 class="COSSI-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="background:#fafafa">Une neutralisation de l’alchimie du signe et des émotions</span></span></span></span></span></h3>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Terminons sur le rapport paradoxal des utilisateurs aux artefacts génératifs. Si leurs limites en termes de représentation sont connues, ces derniers sont néanmoins considérés comme valables <i>pour</i> la représentation. Cela s’explique par leur capacité à produire « vite et bien », à un faible coût économique, et par leur promesse d’augmenter le pouvoir d’action et de création de l’utilisateur (Martin-Juchat, 2021). C’est ici que se situe le tour de force de ces artefacts qui consiste à faire croire qu’ils sont, malgré tout, <i>bons</i> pour la représentation (Garmon, Candel, 2019). Cette croyance repose sur des discours d’accompagnement et une prétention à mettre en signes la pensée de l’utilisateur, qui s’accompagne d’un processus de neutralisation d’attributs proprement humains.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Dans les discours, cette promesse est clairement formulée : les IA génératives permettraient de « donner vie » à l’entrée texte de l’utilisateur. Avec elle, il pourrait laisser libre cours à son imagination, rendre présent l’irreprésentable. C’est sans compter la médiation de l’artefact, qui transforme le signe sur la base de données orientées et des traces des entrées textes passées, tout en conditionnant son émergence et lui imposant, finalement, des signifiés. Corrélativement, surtout, une désubstantification du signe et des émotions s’opère. </span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:left"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">Figure 6. Une approche désubstantifiée de l’émotion</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:left"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic">« Pistolet à glace et joie » (Dall-E, le 13/12/2023)</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-titreillustration" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-style:italic"><o:wrapblock> </o:wrapblock></span></span></span></span></p>
<p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_8_1_image-20240711104709-7.png" style="width:151px; height:151px" /></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les expérimentations ont, en effet, montré des émotions vidées de leur contenu. Pour l’appréhender, intéressons-nous à un cas particulier, visuellement saisissant, mais sémantiquement incohérent. Pour comprendre l’opérativité des artefacts génératifs sur le signe, il convient, en effet, d’analyser très finement, au niveau de l’image elle-même, le devenir de l’émotion. Dans cette image (figure 6), la joie est signifiée par des signes qui renvoient à l’enfance. Un pistolet jaune occupe le centre de l’image, avec un smiley « <span style="font-family:"Segoe UI Symbol",sans-serif">☺ </span>» sur la crosse, proposant un visage heureux. Des boules de glace sont disposées le long du canon, qui semble, lui, envoyer des projectiles colorés aux formes de portemines. Le fond de l’image est composé de nuages blancs sur fond bleu, des cônes de glace et des boules jonchent le sol. Les formes arrondies, les couleurs brillantes et vives, créent une atmosphère de fête, voire de fête foraine. On peut supposer que, dans les corpus de données, la joie est associée à des termes comme sourire, couleur, enfance. Le pistolet à glace, lui, qui est un objet sans référent réel, est composé à partir d’un vrai pistolet.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Pour la machine, l’émotion est tout à la fois un symbole, une tonalité, une coloration. C’est un signe visuel chargé, qui se déploie dans des éléments de natures différentes qui sont support, expression et transmetteur de l’émotion. Bien que le résultat soit visuellement convaincant, quelque chose manque, qui réside dans l’absence de compréhension des émotions et de leur caractère dynamique. Ici, l’émotion est décontextualisée, sans objet ni sujet. En outre, « pistolet » est associé « naturellement » à « joie », le pistolet est la joie. L’émotion est transmutée en signe statique, sémiotique, décontextualisé et réduit à un symbole dénué de signification. </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les artefacts génératifs engagent ainsi à faire coller les affects (Hochscild, 2017) à des formats sémiotiques. Ils déploient un régime où les émotions sont transformées en données, rationalisées, modélisées, infléchies. Il ne s’agit pas que de nos « <i>prompts</i> émotionnels », dans la mesure où le corps est un motif de prédilection des IA génératives. Utiliser les images en sortie revient ainsi à consentir que la complexité des figures du corps en général et de l’émotion humaine en particulier soit déléguée à des machines ayant leur propre axiologie.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">L’erreur, quant à la façon d’appréhender l’activité opératoire des IA génératives, consisterait donc à considérer que celles-ci ne « font que » traduire, de façon orientée, en sortie image l’entrée texte de l’utilisateur. Le pouvoir de ces artefacts réside dans leur capacité à désubstantifier les signes pour les charger de significations standardisées et mimétiques des actions passées. Avec elles, le signe tourne en boucle.</span></span></span></p>
<h2 class="COSSI-titre2" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Conclusion : le coût socio-politique de l’usage des IA, quelle perspective ? </span></span></span></span></h2>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Dans le cadre de notre recherche, nous avons expérimenté une co-opération avec des dispositifs à base d’IA qui engage une délégation énonciative, sémiotique et axiologique. </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">En testant ces IA, en focalisant nos analyses sur des corpus d’images, de captures d’écran et de discours, et en les articulant ensemble, nous avons ouvert la boîte noire des usages des artefacts génératifs. Notre méthode, par bricolages, tâtonnements et ajustements successifs, s’inscrit d’abord dans la conviction pragmatique de l’importance des contextes dans lesquels les expériences humaines prennent sens. En nous dotant de ces « cadres d’expérience » (Dewey,<i> </i>1929), nous avons interprété le <i>prompting</i> comme activité signifiante, tout en restant ouverts à d’éventuels imprévus. La mise en situation permet de passer de l’interprétation au ressenti, et de dépasser les représentations (Ménissier, Martin-Juchat, 2017) ou savoirs situés, issus de nos différents ancrages épistémologiques.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">L’analyse des images produites par les IA testées a révélé que ces artefacts soumettent l’humain et le corps à des logiques stratégiques et idéologiques indépassables en raison de leur banalisation culturelle et sociale. Ensuite, l’examen de la manière dont le geste de <i>prompting</i> est accompagné par le dispositif, qui applique dans l’interaction avec l’utilisateur sa théorie implicite des affects, a montré que cette co-opération réduit la créativité à un processus de récupération et de répétition de canons artistiques. Enfin, la mise en perspective du vécu de l’expérience avec l’étude d’une sortie-image particulière a éclairé la frustration liée à ces dispositifs. Leur puissance ne réside donc pas dans leur capacité à traduire un texte en image, mais dans leur tendance à désubstantifier les signes par imposition de normes.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Les nouvelles matérialités plurisémiotiques, la complexité de l’énonciation et le fonctionnement technique des artefacts génératifs, conduisent finalement à penser qu’ils mobilisent des contraintes plutôt architecturales et combinatoires que scripturaires. D’une part, la co-opération écrase l’énonciation de l’utilisateur par celle, dominante, de la machine et de sa vision du monde. D’autre part, elle redéfinit l’acte créatif comme une ré-énonciation systématique. L’ensemble des acteurs et de processus engagés, de façon automatique et invisible dans l’effectuation du geste de <i>prompting</i>, présidant et gouvernant à son expression et à son inscription, montre ainsi les limites de l’approche scripto-centrée de la théorie de l’écriture pour se saisir de ce geste (Garmon, 2023). Compte tenu de la pluralité des énonciateurs que condense, par effet de ventriloquie (Cooren, <i>op.cit.</i>), le <i>prompt</i> de l’usager, se pose également la question de l’auctorialité : à qui appartient le texte et l'image, et qui est en est l’auteur ?</span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black">Terminons sur les implications et perspectives politiques de ces co-opérations. En acceptant les contenus générés par ces artefacts, l’utilisateur confie ses choix à une culture avec ses impensés et ses limites. Jouer le jeu de l’anthropomorphisme a un coût, qui n’est pas tant de prêter des caractères et des qualités humaines à une machine, mais plutôt de lui accorder un pouvoir politique et quasi institutionnel. Si cela se concrétise dans la mise en circulation des images produites, c’est une délégation du primat du sens qui, en amont, s’est opérée. Le glissement vers une délégation d’autorité décisionnelle à la machine est en route, déjà présent via le mode plaisant de la créativité, de la facilité et du temps gagné.</span></span></span></p>
<p class="COSSI-titre2" style="text-indent:0cm"> </p>
<h2 class="COSSI-titre2" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Bibliographie</span></span></span></span></h2>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Candel É., Jeanne-Perrier V., Souchier E. (2012). Petites formes, grands desseins. D’une grammaire des énoncés éditoriaux à la standardisation des écritures. <i>L’économie des écritures sur le web</i>, Paris, Hermès-Lavoisier, 135-166.<w:sdtpr></w:sdtpr></span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Catellin, S. (2004). L'abduction: une pratique de la découverte scientifique et littéraire. <i>Hermès, La Revue</i>, 39, 179-185. </span><a href="https://doi.org/10.4267/2042/9480" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="font-size:11.0pt">https://doi.org/10.4267/2042/9480</span></a></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Chevet, C., Garmon, I. (2019). Le geste et la parole à l’ère du numérique : de quoi le swipe et la commande vocale sont-ils l’énonciation ? Sur les gestualités énonciatives dans les interfaces naturelles. <i>MEI - Médiation et information</i>, 131-144.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Chevet, C. (2023). « "L’interaction homme-machine" : un système d’écritures qui fait monde », thèse de doctorat en Sciences de l’information et de la communication. CELSA, Sorbonne Université </span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Cooren, F. (2010). Ventriloquie, performativité et communication : Ou comment fait-on parler les choses. <i>Réseaux</i>, 163, 33-54. </span><a href="https://doi.org/10.3917/res.163.0033" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="font-size:11.0pt">https://doi.org/10.3917/res.163.0033</span></a></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Corbin, A., Courtine, J.-J., & Vigarello, G. (Éds). (2016). <i>Histoire des émotions (Tome 1). De l’antiquité aux lumières</i>. Paris : Seuil.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Davat, A. (2023). Biais, intelligence artificielle et technosolutionnisme, <i>Éthique, politique,</i> religions, n° 22, 67-83.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Devillers, L. (2020). <i>Les Robots émotionnels. Santé, surveillance, sexualité… : et l’éthique dans tout ça ?</i>, Éditions de l’Observatoire.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Dewey, J. (1929). <i>La quête de la certitude. Une étude de la relation entre connaissance et action,</i> trad. P. Savidan, Paris : Gallimard, 2014.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Eco, U. (1979). <i>Lector in fabula Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs</i>. </span><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt">Traduction par Myriam Bouzaher, Editions Grasset.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt">Ekman, P. (1973). Cross-cultural studies of facial expression. In Paul Ekman (Ed.),<i> Darwin and facial expression</i>. </span><span style="font-size:11.0pt">New York : Academic Press, 169-222.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Ertzscheid, O. (2023). GPT-3 : c’est toi le choix, affordanceinfo, Le blog d’un maître de conférences en sciences de l’information, 2/01/2023. </span><a href="https://affordance.framasoft.org/2023/01/gpt-3-cest-toi-le-chat/" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="font-size:11.0pt">https://affordance.framasoft.org/2023/01/gpt-3-cest-toi-le-chat/</span></a> </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Garmon, I. (2023). Les « petits gestes » dans leur anthropologie communicationnelle. Etudier la digipulation des applications, thèse de doctorat en Sciences de l’information et de la communication. CELSA, Sorbonne Université</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Garmon, I., Candel, É. (2021). Matérialité, formes et pouvoirs de la « représentationnalité » numérique. Approche épistémologique de la représentation par le Web contemporain et ses interfaces tactiles. </span><i><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt">Interfaces numériques</span></i><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt">, 10 (1). </span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt">Henke, N., Martin-Juchat F. (2021). "The design turn for the management of public relations: Emerging challenges for communication professionals," <i>ESSACHESS - Journal for Communication Studies</i>, 14, n ° 1, 22.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Hochschild, A. R. (2017). <i>Le prix des sentiments. Au cœur du travail émotionnel</i>, La Découverte, Paris, 2017.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Jeanneret, Y. (2014). <i>Critique de la trivialité. Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir,</i> Paris, Éd. Non Standard.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Krippendorff, K. (2012). Le discours et la matérialité de ses artefacts. <i>Communication & langages</i>, 173, 17-42. </span><a href="https://doi.org/10.4074/S0336150012013026" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="font-size:11.0pt">https://doi.org/10.4074/S0336150012013026</span></a></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Lambert, F. (2013) <i>Je sais bien mais quand même : essai pour une sémiotique des images et de la croyance</i>. Paris : Éd. Non standard. Collection SIC, 02.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Lardellier, P. (2017). <i>Enquête</i> <i>sur le business de la communication non-verbale : Une analyse critique des pseudosciences du « langage corporel », </i>Caen, Éditions EMS.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Leroi-Gourhan, A. (1964). <i>Le Geste et la Parole - tome 1</i>. Paris : Albin Michel.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Maingueneau, D. (2016). <i>Analyser les textes de communication</i>. </span><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt">Armand Colin. </span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt">Martin-Juchat, F. (2008). </span><i><span style="font-size:11.0pt">Le corps et les médias : La chair éprouvée par les médias et les espaces sociaux.</span></i><span style="font-size:11.0pt"> De Boeck Supérieur. </span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Masure, A. (2017). <i>Design et humanités numériques</i>. Paris, France : Éditions B42. Collection Esthétique des données, 01.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Ménissier, T. (2021). Confiance en l’intelligence artificielle et autorité des machines. <i>Storia e Politica</i>, 2021, 13 (2), 264-287.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Ménissier, T., Martin-Juchat F. (2017). Du somatique au politique : l’atelier de l’imaginaire. <i>Recherches en communication, </i>42, 51-62. </span><a href="https://doi.org/10.14428/rec.v42i42.48333" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="font-size:11.0pt">https://doi.org/10.14428/rec.v42i42.48333</span></a> </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Pignier, N. (2022). L’énonciation à l’épreuve de l’« I.A. ». Qu’est-ce- qu’énoncer veut dire ?. <i>Interfaces numériques</i>, 11 (2). </span><a href="https://doi.org/10.25965/interfaces-numeriques.4897" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="font-size:11.0pt">https://doi.org/10.25965/interfaces-numeriques.4897</span></a> </span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Souchier, E., Candel É., Gomez-Mejia, G. et Jeanne-Perrier, V. (2019<i>). Le numérique comme écriture : théories et méthodes d’analyse</i>. Paris : Armand Colin.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Tardy, C., Jeanneret, Y (2006). Profondeurs de l’urgent : <i>PowerPoint</i>, entre immédiateté et mémoire, <i>Communication et organisation</i>, 29, 164-170.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Tighanimine, M. (2023). « Les algorithmes sont-ils racistes ? », <i>Socio</i> [En ligne], 18, mis en ligne le 29 septembre 2023, consulté le 23 juin 2024. URL : </span><a href="http://journals.openedition.org/socio/14648" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="font-size:11.0pt">http://journals.openedition.org/socio/14648</span></a><span style="font-size:11.0pt">. </span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Treleani, M. (2015). Une sémiotique critique du numérique est-elle possible ? [En ligne]. Disponible à l’adresse : </span><a href="https://hal.univ-lille.fr/hal-01702608" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="font-size:11.0pt">https://hal.univ-lille.fr/hal-01702608</span></a><span style="font-size:11.0pt">. </span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Vial, S. (2014). Pour introduire le « playsir ». <i>Interfaces numériques</i>, 3 (1), 149-162.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Vial, S. (2013). <i>L’être et l’écran : Comment le numérique change la perception</i>. Presses Universitaires de France. </span><a href="https://doi.org/10.3917/puf.vials.2013.01" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="font-size:11.0pt">https://doi.org/10.3917/puf.vials.2013.01</span></a></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Arial", sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:11.0pt">Winkin, Y. (2002). Propositions pour une anthropologie de l’enchantement. In : RASSE, Paul, Midol, Nancy et TRIKI, Fathi. <i>Unité-Diversité. Les identités culturelles dans le jeu de la mondialisation</i>. Paris, L’Harmattan, 2002, 133-143.</span></span></span></span></p>
<p class="COSSI-corpsdetexte" style="text-align:justify"> </p>
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<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="edn1">
<p class="Endnote" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:"Liberation Serif"><a href="https://html.onlineviewer.net/#_ednref1" name="_edn1" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Liberation Serif">[i]</span></span></a> Ce travail a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche portant la référence N° ANR-21-LCV1-0005-01. La Fédération de Recherche Innovacs est sous tutelle de l’Université Grenoble Alpes, de Grenoble INP et du CNRS. Dans le cadre de ce LabCom, elle regroupe des membres des laboratoires CERAG (Sciences de Gestion), GAEL (Sciences économiques), GRESEC (Sciences de l’Information et de la Communication) et LIG (Informatique). </span></span></p>
</div>
<div id="edn2">
<p class="Endnote" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:"Liberation Serif"><a href="https://html.onlineviewer.net/#_ednref2" name="_edn2" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Liberation Serif">[ii]</span></span></span></span></a> Notre projet consiste à développer une méthode de conception de support visuel pour présenter un concept, soucieuse des affects et des valeurs de son porteur, respectueuse de son contexte sociotechnique. Il s’agit de croiser cette méthode avec EcoXP (Lobasenko & Llerena, 2017, C. Michaud et al., 2017), ayant elle-même pour objectif d’évaluer le consentement à payer d’un objet nouveau.</span></span></p>
</div>
<div id="edn3">
<p class="Endnote" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:"Liberation Serif"><a href="https://html.onlineviewer.net/#_ednref3" name="_edn3" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Liberation Serif">[iii]</span></span></span></span></a> Série 1 : « représente l’[émotion] » ou « [émotion] », puis « plus d’[émotion] », « encore plus d’[émotion] » et « moins d’[émotion] ». Au total, 192 images ont été générées grâce à Dall-E et 96 par Midjourney pour cette première phase de l’expérimentation.</span></span></p>
</div>
<div id="edn4">
<p class="Endnote" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:"Liberation Serif"><a href="https://html.onlineviewer.net/#_ednref4" name="_edn4" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Liberation Serif">[iv]</span></span></span></span></a> Série 2 : « [objet] + [émotion] ».</span></span></p>
</div>
<div id="edn5">
<p class="Endnote" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:"Liberation Serif"><a href="https://html.onlineviewer.net/#_ednref5" name="_edn5" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Liberation Serif">[v]</span></span></span></span></a> Série 3 : « [concepts innovants] + [émotions] » en suivant ou non, les <i>guidelines</i>.</span></span></p>
</div>
<div id="edn6">
<p class="Endnote" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:"Liberation Serif"><a href="https://html.onlineviewer.net/#_ednref6" name="_edn6" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Liberation Serif">[vi]</span></span></a> « Les émotions sont-elles des données comme les autres ? Enjeux de la coopération entre les équipes créatives et les IA génératives », Journée d’étude organisée le 4/04/2024 (<a href="https://www.sfsic.org/evenement/les-emotions-sont-elles-des-donnees-comme-les-autres/" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="text-decoration:none"><span style="text-underline:none">https://www.sfsic.org/evenement/les-emotions-sont-elles-des-donnees-comme-les-autres/</span></span></a>). </span></span></p>
</div>
<div id="edn7">
<p class="Endnote" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:"Liberation Serif"><a href="https://html.onlineviewer.net/#_ednref7" name="_edn7" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Liberation Serif">[vii]</span></span></span></span></a> cf. « Dove détruit les stéréotypes de l’IA dans sa dernière brillante campagne », par Maxime Delmas, le 16/04/2024. (<a href="https://creapills.com/dove-the-code-ia-intelligence-artificielle-20240416" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="text-decoration:none"><span style="text-underline:none">https://creapills.com/dove-the-code-ia-intelligence-artificielle-20240416</span></span></a>) ; « Heetch tacle les clichés de l’IA sur la banlieue dans une campagne choc », par Justine M., le 8/11/2023 (<a href="https://creapills.com/heetch-cliches-banlieues-midjourney-20231108" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span style="text-decoration:none"><span style="text-underline:none">https://creapills.com/heetch-cliches-banlieues-midjourney-20231108</span></span></a>). Articles consult<span lang="ZH-CN" style="font-family:SimSun">é</span>s le 20/06/2024.</span></span></p>
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<div id="edn8">
<p class="Endnote" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:"Liberation Serif"><a href="https://html.onlineviewer.net/#_ednref8" name="_edn8" style="color:#0563c1; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoEndnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Liberation Serif">[viii]</span></span></span></span></a> ''The Midjourney Bot has been trained to produce images that favor artistic color, composition, and forms'. (<a href="https://docs.midjourney.com/docs/stylize" style="color:#0563c1; text-decoration:underline"><span lang="EN-US" style="text-decoration:none"><span style="text-underline:none">https://docs.midjourney.com/docs/stylize</span></span></a>). Article consulté le 20/06/2024).</span></span></p>
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