<p><strong>Abstract :</strong> The digitization of the act of building is in progress. Whether it&rsquo;s designing buildings, building them or managing them, the digital mutation questions the actors of the housing sector. It is embodied in an acronym: BIM for Building Information Model, Modeling and Management. Driven by a European directive in 2014, BIM is quietly developing in the various organizations responsible for the act of building, as well as in the different phases of the process. For organizations that have been experimenting with it for several years, assessment practices in the design and management phases are beginning to take hold. The implementation phase has still been relatively little investigated. What digital evaluation practices are being implemented in the BIM dynamic ? What are the questions asked and promises made?</p> <p><strong>Keywords :</strong> BIM, digitalization, construction,&nbsp;organizational communication, evaluation.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>INTRODUCTION</h2> <p>Si les premiers dispositifs d&rsquo;&eacute;valuation &eacute;mergent &agrave; la fin du XIXe si&egrave;cle (Le Mo&euml;nne et Parrini, 2010), ils se syst&eacute;matisent et se d&eacute;veloppent massivement dans le sillage de la production de masse avec Taylor et Ford au d&eacute;but du XXe si&egrave;cle (Coriat, 1979). La machine taylorienne-fordienne investit en effet dans un ensemble de formes (Th&eacute;venot, 1986) qui visent &agrave; &eacute;valuer la quantit&eacute; et la qualit&eacute; du travail de mani&egrave;re &agrave; l&rsquo;organiser de mani&egrave;re scientifique (la fameuse Organisation Scientifique du Travail - OST) selon le r&ecirc;ve d&rsquo;ing&eacute;nieur de Taylor. L&rsquo;&eacute;valuation de la production participe alors &agrave; la rationalisation et &agrave; la normalisation du travail, sources du d&eacute;veloppement de la bureaucratie (Hibou, 2012). Le d&eacute;veloppement de cette &eacute;valuation par des normes techniques et bureaucratiques conna&icirc;tra un &eacute;lan international avec l&rsquo;invention de l&rsquo;International Standard Organization (ISO) en 1947, institution d&rsquo;harmonisation et d&rsquo;homog&eacute;n&eacute;isation des march&eacute;s mondiaux qui a notamment permis au Plan Marshall et aux missions de productivit&eacute; de conna&icirc;tre le succ&egrave;s que l&rsquo;on sait dans l&rsquo;expansion du r&ecirc;ve industriel am&eacute;ricain en Europe (Chaudet, Carayol, Frame, 2014). Depuis, l&rsquo;&eacute;valuation de la qualit&eacute; par les normes et autres dispositifs sociotechniques n&rsquo;a eu de cesse de se propager dans tous les secteurs professionnels. De nombreux travaux ont &eacute;tudi&eacute; ces d&eacute;marches et cette inflation normative, notamment par le prisme de leurs &eacute;critures et des dispositifs informatiques qui les accompagnent &agrave; partir des ann&eacute;es 1980 (Fraenkel, 2001).&nbsp;</p> <p>Dans le secteur de la construction, ces d&eacute;marches se sont finalement peu d&eacute;velopp&eacute;es. H&eacute;ritier d&rsquo;une culture de l&rsquo;oralit&eacute;, la capitalisation et l&rsquo;&eacute;valuation des pratiques sont relativement peu d&eacute;velopp&eacute;es dans ce secteur, notamment sur les chantiers de construction qui comptent encore de nombreux dommages-ouvrage. La transmission des consignes aupr&egrave;s des chefs de chantier et des compagnons se fait encore largement de mani&egrave;re orale, appuy&eacute;e le plus souvent par des croquis r&eacute;alis&eacute;s &agrave; la main, sans que la mise en &oelig;uvre ne soit ensuite r&eacute;ellement contr&ocirc;l&eacute;e et surtout sans tra&ccedil;abilit&eacute;. V&eacute;ritable ineptie pour le secteur industriel, il est donc quasiment admis pour le secteur de la construction que les Dossiers des Ouvrages Ex&eacute;cut&eacute;s (DOE) remis en fin de chantier au ma&icirc;tre d&rsquo;ouvrage ne soient pas exactement conformes &agrave; ce qui a &eacute;t&eacute; mis en &oelig;uvre. Or, les probl&egrave;mes qualit&eacute; sur un chantier sont bien r&eacute;els. Les cadres de la ma&icirc;trise d&rsquo;ouvrage publique et des entreprises g&eacute;n&eacute;rales en France que nous avons pu interroger d&eacute;clarent tous des probl&egrave;mes de qualit&eacute;. Si plusieurs dispositifs d&rsquo;&eacute;valuation et de contr&ocirc;le ont &eacute;t&eacute; mis en &oelig;uvre, essentiellement via les r&eacute;unions de chantier et les contr&ocirc;les sur site, rien de syst&eacute;matique n&rsquo;a encore &eacute;t&eacute; mis en place. Cependant, le d&eacute;veloppement du BIM (Building Information Model, Modeling, Management) depuis une directive europ&eacute;enne de 2014 et des machines num&eacute;riques dans le secteur du b&acirc;timent semblent aujourd&rsquo;hui apporter de nouvelles perspectives dans ce domaine (Chaudet, 2019). Nous souhaitons ainsi mettre en lumi&egrave;re dans cet article les potentialit&eacute;s et les limites des nouvelles formes d&rsquo;&eacute;valuation des pratiques professionnelles, principalement en phase construction, qui tentent de se mettre en place dans la dynamique du d&eacute;veloppement du BIM.</p> <p>Pour rendre compte et &eacute;tudier ce ph&eacute;nom&egrave;ne, nous nous appuyons sur deux projets de recherche, l&rsquo;un termin&eacute; et l&rsquo;autre en cours, men&eacute;s en collaboration avec l&rsquo;Union Sociale de l&rsquo;Habitat, la Banque des territoires et une &eacute;quipe de recherche du laboratoire PREFICS de l&rsquo;universit&eacute; Rennes 2.&nbsp;</p> <p>Le premier projet s&rsquo;est d&eacute;roul&eacute; de 2014 &agrave; 2017. Il avait pour th&egrave;me les enjeux de la maquette num&eacute;rique dans le logement social. Six bailleurs sociaux ont &eacute;t&eacute; observ&eacute;s et interrog&eacute;s dans leurs usages du BIM. 31 entretiens semi-directifs ont &eacute;t&eacute; men&eacute;s dans la premi&egrave;re phase de cette &eacute;tude avec la ma&icirc;trise d&rsquo;ouvrage de septembre 2015 &agrave; d&eacute;cembre 2015, tandis que la seconde phase de l&rsquo;&eacute;tude a permis de r&eacute;aliser 33 entretiens de janvier 2016 &agrave; avril 2016 avec la ma&icirc;trise d&rsquo;&oelig;uvre et les entreprises associ&eacute;es aux projets de construction. Ces entretiens ont &eacute;t&eacute; compl&eacute;t&eacute;s par des observations de r&eacute;unions de projet dans lesquelles le BIM &eacute;tait convoqu&eacute;. Pour chacun de ces &eacute;changes, un guide d&rsquo;entretien a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute; de mani&egrave;re &agrave; soumettre nos questions &agrave; nos interlocuteurs sous le r&eacute;gime de l&#39;entretien compr&eacute;hensif (Kaufmann, 1996). Les interlocuteurs ont &eacute;t&eacute; choisis avec le responsable de la d&eacute;marche BIM dans les organismes &eacute;tudi&eacute;s. Nous avons s&eacute;lectionn&eacute;s les personnes en fonction de leurs usages du BIM (nombreux ou pas) et en fonction de la place qu&rsquo;ils occupaient dans le processus de mani&egrave;re &agrave; couvrir l&rsquo;ensemble des logiques d&rsquo;action, de la conception &agrave; la gestion. Les entretiens ont ensuite &eacute;t&eacute; retranscrits puis d&eacute;battus avec l&rsquo;&eacute;quipe de recherche de mani&egrave;re &agrave; d&eacute;gager les enjeux communs du BIM identifi&eacute;s dans chaque organisme.</p> <p>Un second projet, en cours et d&eacute;but&eacute; en 2019, a pour objet d&rsquo;&eacute;tudier le BIM dans les strat&eacute;gies num&eacute;riques globales des organismes Hlm. Sept bailleurs sociaux sont ici interrog&eacute;s. Entre octobre 2019 et f&eacute;vrier 2020, 46 entretiens et 5 observations de situations d&rsquo;usage du BIM ont &eacute;t&eacute; men&eacute;s. La m&eacute;thodologie utilis&eacute;e est la m&ecirc;me que pour le pr&eacute;c&eacute;dent projet, &agrave; ceci pr&egrave;s que nous avons d&eacute;coup&eacute; les guides d&rsquo;entretien selon cinq axes : d&eacute;veloppement d&rsquo;une culture BIM, apports et limites de la visualisation 3D, pratiques du BIM sur les chantiers, int&eacute;gration des locataires &agrave; la d&eacute;marche BIM et essor des strat&eacute;gies num&eacute;riques globales mises en oeuvre en continuit&eacute; du BIM. Nous nous attacherons dans cet article &agrave; exploiter les r&eacute;sultats issus de la phase relative aux pratiques BIM sur les chantiers.</p> <p>La mise en &oelig;uvre du BIM sur le chantier appara&icirc;t en effet comme un point de rupture dans la cha&icirc;ne de tra&ccedil;abilit&eacute; du processus de la conception &agrave; la gestion des b&acirc;timents. Si le BIM permet d&rsquo;&eacute;valuer la qualit&eacute; en phase conception, il ne l&rsquo;est plus en phase de r&eacute;alisation. Le BIM et sa maquette num&eacute;rique associ&eacute;e, actifs informationnels (Maurel, 2013) qui permettent de r&eacute;duire les erreurs et d&rsquo;augmenter la qualit&eacute; de l&rsquo;ouvrage en conception,&nbsp; sont finalement tr&egrave;s peu utilis&eacute;s en phase r&eacute;alisation. Les d&eacute;fauts de mises en &oelig;uvre, la non-correspondance entre la maquette num&eacute;rique avant et apr&egrave;s le chantier et l&rsquo;ensemble des dommages-ouvrage qui persistent placent ainsi la question de l&rsquo;&eacute;valuation et du suivi qualit&eacute; sur le chantier au centre des pr&eacute;occupations, des exp&eacute;rimentations et du fantasme du contr&ocirc;le total par la technique.</p> <p>A l&rsquo;aune des entretiens et des observations que nous avons men&eacute;s depuis 2016, nous voudrions donc ici relater les enjeux de l&rsquo;&eacute;valuation dans l&rsquo;acte de construire par le biais des nouvelles machines num&eacute;riques. De nombreux projets sont en effet aujourd&rsquo;hui pr&eacute;vus afin de contr&ocirc;ler (Gallot et Verlaet, 2016) et d&rsquo;&eacute;valuer le travail sur le chantier dans le contexte du d&eacute;veloppement des machines num&eacute;riques associ&eacute;es &agrave; la maquette produite avec le BIM. Telles sont les pratiques mais aussi les espoirs que nous souhaitons ici pr&eacute;senter autour de la probl&eacute;matique suivante&nbsp;: quelles sont les nouvelles formes d&rsquo;&eacute;valuation mises en &oelig;uvre par les acteurs du b&acirc;timent dans le contexte du d&eacute;veloppement du BIM et des machines num&eacute;riques associ&eacute;es&nbsp;?&nbsp;</p> <p>Dans une premi&egrave;re partie, nous pr&eacute;senterons les principaux enjeux du BIM au regard de la qualit&eacute; et de l&rsquo;&eacute;valuation. La deuxi&egrave;me partie sera consacr&eacute;e &agrave; la pr&eacute;sentation des nouvelles &eacute;valuations num&eacute;riques mises en place ou test&eacute;es en phase r&eacute;alisation. Nous nous appuierons ici principalement sur un entretien r&eacute;alis&eacute; en 2020 avec le directeur de la qualit&eacute; de r&eacute;alisation et de l&rsquo;innovation technique d&rsquo;une grande entreprise g&eacute;n&eacute;rale fran&ccedil;aise. Cet entretien est en effet r&eacute;v&eacute;lateur des pratiques et objectifs que la plupart de nos autres entretiens ont &eacute;voqu&eacute; pour la phase construction. Il faut donc prendre ici cet entretien comme un t&eacute;moin de ce que tous les autres ont &eacute;galement r&eacute;v&eacute;l&eacute;s. Sur la base de ces d&eacute;veloppements et exp&eacute;rimentations, nous nous demanderons dans une troisi&egrave;me partie si les &eacute;valuations qui se mettent en place ne pourraient pas &ecirc;tre qualifi&eacute;es de post-taylorienne, domin&eacute;es &agrave; nouveau frais par le mythe de la machine.</p> <h2>D&Eacute;VELOPPEMENT DU BIM DANS L&rsquo;HABITAT SOCIAL ET &Eacute;VALUATION</h2> <p>La qualit&eacute; du processus de conception, de construction et de gestion des b&acirc;timents construits&nbsp; sous l&rsquo;&eacute;gide d&rsquo;une maitrise d&rsquo;ouvrage publique est devenue une question centrale, notamment en France. Cette pr&eacute;occupation &eacute;merge en 1975 avec le rapport de R. Lion, Un Habitat de qualit&eacute;, qui &laquo;&nbsp;note que l&rsquo;ensemble des Fran&ccedil;ais condamnent les immeubles collectifs r&eacute;cents quels qu&rsquo;ils soient&nbsp;(&hellip;) Le rapport du groupe interminist&eacute;riel du Plan sur les politiques urbaines (1975) montre aussi que les cit&eacute;s d&rsquo;habitat social pr&eacute;sentent d&eacute;j&agrave;, au bout d&rsquo;une quinzaine d&rsquo;ann&eacute;es &agrave; peine, des signes de d&eacute;gradation physique &raquo; (St&eacute;b&eacute;, 1998, p. 98).&nbsp;</p> <p>Plus de quarante ans plus tard, lors de nos r&eacute;cents entretiens, m&ecirc;me si des progr&egrave;s sont &agrave; souligner, plusieurs cadres au sein des ma&icirc;trises d&rsquo;ouvrage publiques et des entreprises g&eacute;n&eacute;rales d&eacute;plorent &eacute;galement les cas trop importants de dommages-ouvrage &agrave; la r&eacute;ception des b&acirc;timents. Or, pour un bailleur social, la qualit&eacute; du b&acirc;timent est un &eacute;l&eacute;ment d&eacute;terminant, strat&eacute;gique, puisque c&rsquo;est lui qui doit ensuite le g&eacute;rer pendant les d&eacute;cennies qui suivent. Il doit intervenir en cas de probl&egrave;mes techniques. Il doit le r&eacute;habiliter. Il doit enfin le d&eacute;molir. Toutes ces op&eacute;rations ont un co&ucirc;t et l&rsquo;on comprend ais&eacute;ment que plus la construction aura &eacute;t&eacute; men&eacute;e de mani&egrave;re optimale, plus les informations qui lui seront fournies seront pr&eacute;cises et correctes, moins l&rsquo;intervention du bailleur sera co&ucirc;teuse. Or, &agrave; &eacute;couter les acteurs de l&rsquo;habitat du logement social, il y aurait encore beaucoup &agrave; faire en mati&egrave;re de qualit&eacute;, notamment en phase construction.&nbsp;</p> <p>L&rsquo;un des points majeurs soulign&eacute;s porte sur le probl&egrave;me de la communication. Selon la plupart des acteurs interrog&eacute;s, les m&eacute;tiers ne se parlent pas suffisamment. Il y a une trop grande autonomie des &eacute;quipes qui prennent des d&eacute;cisions de mise en &oelig;uvre qui ne correspondent pas &agrave; ce qui a &eacute;t&eacute; d&eacute;cid&eacute; en amont et qui auraient n&eacute;cessit&eacute; une plus grande collaboration entre les acteurs. En somme, la r&eacute;gulation autonome a &eacute;t&eacute; pr&eacute;f&eacute;r&eacute;e &agrave; la r&eacute;gulation de contr&ocirc;le (Reynaud, 1988), marque de la fili&egrave;re du b&acirc;timent en France qui s&rsquo;apparente &agrave; une forme organisationnelle fragment&eacute;e (Brousseau &amp; Rallet, 1995; Chaudet et al., 2017). La mauvaise coordination des acteurs par manque de communication serait ainsi la source de nombreux dommages-ouvrage.&nbsp;</p> <p>L&rsquo;autre cons&eacute;quence majeure de ce probl&egrave;me r&eacute;side dans la difficult&eacute; d&rsquo;obtenir un DOE (Dossier des Ouvrages Ex&eacute;cut&eacute;s) fiable. Le DOE est en effet une pi&egrave;ce ma&icirc;tresse pour le gestionnaire puisqu&rsquo;il est cens&eacute; repr&eacute;senter en d&eacute;tail les ouvrages qui ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;s. Or, entre le d&eacute;but et la fin du chantier, les multiples choix en situation qui ont &eacute;t&eacute; op&eacute;r&eacute;s n&rsquo;ont souvent pas donn&eacute;s lieu &agrave; une modification des plans. Le gestionnaire ne dispose finalement donc pas des plans correspondants &agrave; l&rsquo;ouvrage ex&eacute;cut&eacute;. Ce d&eacute;calage est &eacute;videmment un facteur de surco&ucirc;t lors des phases d&rsquo;entretiens, de r&eacute;habilitation et de d&eacute;molition des b&acirc;timents concern&eacute;s.</p> <p>En somme, c&rsquo;est &agrave; un v&eacute;ritable probl&egrave;me de communication, de coordination et de coop&eacute;ration auquel la fili&egrave;re du b&acirc;timent doit faire face. Nous ne doutons pas que les multiples normes et dispositifs d&rsquo;&eacute;valuation de la qualit&eacute; auxquels les acteurs sont soumis ont am&eacute;lior&eacute; le processus. Mais les d&eacute;fauts qualit&eacute; sont toujours l&agrave;. Et il s&rsquo;agit donc d&eacute;sormais de travailler sur la construction de v&eacute;ritables actifs informationnels (Maurel, 2013).</p> <p>Pour entrer dans cette dynamique, les syst&egrave;mes d&rsquo;information et de communication ont naturellement &eacute;t&eacute; convoqu&eacute;s. Comme le souligne un responsable des syst&egrave;mes d&rsquo;information &agrave; l&rsquo;USH&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les exigences autour de l&rsquo;habitat social sont de plus en plus grandes, tant en termes de r&eacute;glementation technique, financi&egrave;re, environnementale que d&rsquo;attentes de transparence de la part des occupants des logements. Ces exigences ne pourront pas &ecirc;tre satisfaites &agrave; co&ucirc;t ma&icirc;tris&eacute; sur le long terme sans des syst&egrave;mes d&rsquo;information performants et interop&eacute;rants&nbsp;&raquo; (Responsable des syst&egrave;mes d&rsquo;information, entretiens, 2016). ERP et autres applications de gestion technique du patrimoine ont ainsi colonis&eacute; les organismes HLM dans le contexte de la grande vague d&rsquo;informatisation dans les ann&eacute;es 1980-1990.&nbsp;</p> <p>La mutation num&eacute;rique est venue renouveler et actualiser la place, le r&ocirc;le et les acteurs de ce syst&egrave;me sociotechnique sous l&rsquo;&eacute;gide du BIM (Building Information Model, Modeling, Management). Impuls&eacute; par une directive de l&rsquo;union europ&eacute;enne en 2014, ce dispositif vise &agrave; optimiser la tra&ccedil;abilit&eacute; et la qualit&eacute; du processus de conception, de construction et de gestion des b&acirc;timents &agrave; l&rsquo;aide de la mod&eacute;lisation num&eacute;rique. Le BIM est en r&eacute;alit&eacute; un mot-valise qui comprend &agrave; la fois des outils dits collaboratifs et des m&eacute;thodes non moins collaboratives. Comme le PLM (Product Lifecycle Management) le BIM (ou BLM pour Building Lifecycle Management) vise l&rsquo;int&eacute;gration organisationnelle des acteurs. En partageant et en alimentant une seule et m&ecirc;me base de donn&eacute;es num&eacute;riques, la m&eacute;diation op&eacute;r&eacute;e par cette derni&egrave;re permettrait ainsi aux acteurs de surmonter les probl&egrave;mes de communication, de coordination et de coop&eacute;ration cit&eacute;s plus haut.&nbsp;</p> <p>Mais les choses, comme souvent, sont malheureusement beaucoup plus compliqu&eacute;es et les syst&egrave;mes relationnels ne sont pas r&eacute;ductibles &agrave; des probl&egrave;mes techniques. Selon nos observations, la maquette num&eacute;rique int&eacute;gr&eacute;e et collaborative est encore loin d&rsquo;&ecirc;tre au point (Chaudet et al., 2017). Nous constatons, &agrave; la place, la mise en &oelig;uvre de plusieurs maquettes num&eacute;riques et d&rsquo;une multitude d&rsquo;outils qui varient en fonction de la phase du processus et des acteurs qui la mobilisent. Ainsi de ce cas observ&eacute; o&ugrave; la maquette num&eacute;rique fournie par la ma&icirc;trise d&rsquo;oeuvre &agrave; l&rsquo;entreprise g&eacute;n&eacute;rale charg&eacute;e des travaux a &eacute;t&eacute; totalement r&eacute;&eacute;crite car la d&eacute;l&eacute;gation de la responsabilit&eacute; veut que que ce soit l&rsquo;entreprise g&eacute;n&eacute;rale qui soit en faute s&rsquo;il y a un probl&egrave;me. Par principe, l&rsquo;entreprise g&eacute;n&eacute;rale ne fera donc pas confiance &agrave; une maquette qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas elle-m&ecirc;me r&eacute;alis&eacute;e. Nous sommes donc loin de la maquette collaborative. Pour donner un autre exemple, nous avons &eacute;galement observ&eacute; que souvent, la num&eacute;risation d&rsquo;une maquette consistait en un travail suppl&eacute;mentaire et parall&egrave;le au travail tel qu&rsquo;il se fait &laquo;&nbsp;normalement&nbsp;&raquo;. La maquette num&eacute;rique est produite mais elle ne supprime pas les outils qu&rsquo;elle est cens&eacute;e supplanter. L&agrave; aussi, nous nous apercevons que le processus collaboratif et transversal n&rsquo;y est pas. En somme, le dispositif sociotechnique s&rsquo;est en r&eacute;alit&eacute; adapt&eacute; &agrave; la forme organisationnelle pr&eacute;-existante en respectant ses phases, ses singularit&eacute;s, ses ruptures, ses fragmentations. Il a par ailleurs fait &eacute;merger un nouveau m&eacute;tier, le BIM manager, charg&eacute; du management de ce processus num&eacute;rique.&nbsp;</p> <p>Cela dit, selon nos entretiens, la mise en &oelig;uvre de la conception via les outils BIM ont effectivement permis une mont&eacute;e en qualit&eacute;. L&rsquo;usage de logiciels de d&eacute;tections de &laquo;&nbsp;clashs&nbsp;&raquo; &nbsp; t&eacute;moigne par exemple de cette possibilit&eacute; d&eacute;sormais syst&eacute;matique d&rsquo;anticiper et de corriger des erreurs en phase conception. Comme le notent nos nombreux interlocuteurs que r&eacute;sume une &eacute;tude men&eacute;e par l&rsquo;AQC&nbsp;(Agence Qualit&eacute; Construction): &laquo;&nbsp;Les utilisateurs de la maquette BIM per&ccedil;oivent rapidement cette am&eacute;lioration notamment en conception par l&rsquo;utilisation du d&eacute;tecteur de clashs&nbsp;&raquo; (AQC, p. 12). La mod&eacute;lisation num&eacute;rique ne laisse plus la place &agrave; l&rsquo;approximation. Les tuyaux passent ou ne passent pas. Les c&acirc;bles conviennent ou ne conviennent pas. Les r&eacute;f&eacute;rences pr&eacute;cises des mat&eacute;riaux doivent &ecirc;tre indiqu&eacute;es tr&egrave;s t&ocirc;t&hellip; Ing&eacute;nieurs en bureaux d&rsquo;&eacute;tudes, architectes et charg&eacute;s d&rsquo;op&eacute;ration sont unanimes pour dire que la conception monte en qualit&eacute;. Mais si la qualit&eacute; en conception est &eacute;videmment une bonne nouvelle, elle ne semble toujours pas &ecirc;tre au rendez-vous de la construction. Car contrairement aux promesses du BIM, le chantier n&rsquo;est toujours pas connect&eacute;e &agrave; la maquette. Les pratiques professionnelles visant &agrave; l&rsquo;utiliser pour aider et &eacute;valuer la mise en &oelig;uvre sont encore &agrave; leur balbutiement. On peut lire &ccedil;a et l&agrave; que des &laquo;&nbsp;tablettes&nbsp;&raquo; permettent de contr&ocirc;ler l&rsquo;ad&eacute;quation entre la maquette et le r&eacute;el, mais en ce qui concerne nos observations, nous n&rsquo;avons encore rien vue de tel. L&rsquo;&eacute;valuation de la qualit&eacute; est donc au c&oelig;ur de cette probl&eacute;matique qui se trouve souvent accentu&eacute;e par la pr&eacute;sence de multiples sous-traitants sur les chantiers qui n&rsquo;ont pas toujours particip&eacute; aux r&eacute;union BIM en amont et qui n&rsquo;ont tout simplement ni l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t ni les comp&eacute;tences pour lesquelles il faudrait qu&rsquo;ils investissent en formations et en machines.</p> <p>Plusieurs dispositifs sont ainsi mis en &oelig;uvre pour &eacute;valuer ces pratiques dites BIM. L&rsquo;une des pi&egrave;ces ma&icirc;tresses est sans doute l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;une convention BIM qui est cens&eacute;e fixer clairement les r&egrave;gles du jeu, les objectifs et le cadre g&eacute;n&eacute;ral des &eacute;changes d&rsquo;information, de leur &eacute;valuation et capitalisation. La convention est en quelque sorte la norme g&eacute;n&eacute;rale d&rsquo;un projet BIM &agrave; partir duquel les acteurs auront &agrave; trouver les investissements de forme (Th&eacute;venot, 1986) qui permettront d&rsquo;articuler les outils aux pratiques. La convention pr&eacute;sente ainsi le plus clairement possible les objectifs de la ma&icirc;trise d&rsquo;ouvrage, l&rsquo;organisation du management de projet, les livrables attendus &agrave; chaque phase, les exigences techniques et fonctionnelles de la maquette ainsi que la mani&egrave;re dont elle pourra ensuite &ecirc;tre import&eacute;e dans le logiciel de gestion patrimoniale du bailleur.</p> <p>Une autre dispositif d&rsquo;&eacute;valuation mis en &oelig;uvre au niveau national est celui propos&eacute; par l&rsquo;agence interminist&eacute;rielle le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) sous le nom de m&eacute;thode BIM&eacute;tric. Cette m&eacute;thode a &eacute;t&eacute; d&eacute;velopp&eacute;e en 2015. Ses objectifs op&eacute;rationnels sont d&rsquo;&eacute;laborer une grille d&rsquo;&eacute;valuation du BIM. Comme l&rsquo;indique le site web de la m&eacute;thode, cette derni&egrave;re entend r&eacute;pondre aux questions suivantes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quel est le ratio co&ucirc;t/b&eacute;n&eacute;fice de la mise en place d&rsquo;une d&eacute;marche BIM pour une op&eacute;ration donn&eacute;e&nbsp;? Comment appr&eacute;cier le degr&eacute; d&rsquo;int&eacute;gration et les niveaux de maturit&eacute; des intervenants dans le domaine du BIM&nbsp;? Comment comparer une op&eacute;ration dont le processus int&egrave;gre des pratiques BIM &agrave; une op&eacute;ration sans BIM&nbsp;? Quels outils pour les experts charg&eacute;s de l&rsquo;&eacute;valuation des propositions de bonnes pratiques&nbsp;? Comment harmoniser les d&eacute;marches d&rsquo;expertise en pr&eacute;vision d&rsquo;un futur observatoire des pratiques&nbsp;?&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit notamment d&rsquo;&eacute;valuer la maturit&eacute; des intervenants et de faire le lien entre celle-ci et les usages du BIM. Il va sans dire que l&rsquo;&eacute;valuation du BIM se fait ici dans une perspective diffusionniste (Jaur&eacute;guiberry, Proulx, 2011) au sens o&ugrave; son int&eacute;gration est de toute fa&ccedil;on la seule perspective envisag&eacute;e. Si les acteurs ne d&eacute;veloppent pas d&rsquo;usages, c&rsquo;est qu&rsquo;ils ne sont pas encore matures mais avec un peu d&rsquo;entra&icirc;nement et de m&eacute;thodes, il devraient y arriver. L&rsquo;&eacute;chelle de maturit&eacute; &agrave; six niveaux (absente, initiale, d&eacute;finie, g&eacute;r&eacute;e, int&eacute;gr&eacute;e et optimis&eacute;e) propos&eacute;e par la m&eacute;thode a d&rsquo;ailleurs &eacute;t&eacute; inspir&eacute;e par la norme d&rsquo;&eacute;valuation des processus ISO/IEC 33001&nbsp;:2015, preuve s&rsquo;il en est besoin de l&rsquo;enjeu de normalisation par l&rsquo;&eacute;valuation. L&rsquo;ensemble de la d&eacute;marche consiste &agrave; identifier des cas d&rsquo;usage sur lesquels les acteurs seraient en situation d&rsquo;&eacute;valuer leur niveau de maturit&eacute;. 21 cas d&rsquo;usages ont ainsi &eacute;t&eacute; d&eacute;limit&eacute;s. Ce n&rsquo;est pas l&rsquo;objet ici de tous les d&eacute;tailler. J&rsquo;en citerai cependant six qui me semblent particuli&egrave;rement r&eacute;v&eacute;lateurs de ces d&eacute;marches d&rsquo;&eacute;valuation num&eacute;rique de l&rsquo;acte de construire.</p> <p>Le sixi&egrave;me cas d&rsquo;usage porte ainsi sur les &eacute;valuations de la performance de l&rsquo;ouvrage &agrave; partir des maquettes num&eacute;riques produites. Il s&rsquo;agit ici d&rsquo;utiliser les donn&eacute;es issues des maquettes afin de r&eacute;aliser des simulations et des analyses (thermiques, &eacute;nerg&eacute;tiques, structurelles, acoustiques&hellip;). Les huiti&egrave;me et douzi&egrave;me cas d&rsquo;usage visent &agrave; simuler le d&eacute;roulement du chantier en associant la maquette &agrave; un planning (huiti&egrave;me cas) et en anticipant l&rsquo;ensemble de la mise en oeuvre (douzi&egrave;me cas). Le dixi&egrave;me cas fait r&eacute;f&eacute;rence aux pr&eacute;ventions de conflits et &agrave; l&rsquo;utilisation des logiciels de d&eacute;tection de &laquo;&nbsp;clashs&nbsp;&raquo; comme nous l&rsquo;avons d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute;. Le quinzi&egrave;me cas d&rsquo;usage consiste &agrave; actualiser les maquettes num&eacute;riques en fonction de l&rsquo;&eacute;volution de la mise en oeuvre de mani&egrave;re &agrave; obtenir un mod&egrave;le &laquo;&nbsp;tel que construit&nbsp;&raquo;. Enfin, citons le dix-septi&egrave;me cas d&rsquo;usage qui utilise la maquette num&eacute;rique afin de la confronter &agrave; la r&eacute;alit&eacute; de mani&egrave;re &agrave; &eacute;valuer si la phase r&eacute;alisation respecte bien la phase conception. On le voit bien, c&rsquo;est la fonction de simulation et la capacit&eacute; &agrave; anticiper et &eacute;valuer l&rsquo;&eacute;cart entre la carte et le territoire qui est vis&eacute; par les machines num&eacute;riques.</p> <p>L&rsquo;Union sociale de l&rsquo;habitat contribue &eacute;galement &agrave; la r&eacute;flexion sur les m&eacute;thodes d&rsquo;&eacute;valuation &agrave; mettre en &oelig;uvre pour ses adh&eacute;rents compos&eacute;s de ma&icirc;trise d&rsquo;ouvrage publique. Elle publie avec la soci&eacute;t&eacute; Almadea en 2020 deux &eacute;tudes en ce sens&nbsp;: l&rsquo;une sur le ROI (Return On Investment ou Retour Op&eacute;rationnel d&rsquo;Investissement) en phase construction, l&rsquo;autre sur le ROI en phase gestion (USH, Almadea, 2020), (USH, Almadea, Tipee, 2020).</p> <p>L&rsquo;&eacute;tude, en construction notamment, vient confirmer l&rsquo;une de nos observations pr&eacute;c&eacute;dentes &agrave; savoir qu&rsquo;il est encore difficile d&rsquo;&eacute;valuer les gains suite &agrave; l&rsquo;impl&eacute;mentation du BIM. Le processus d&rsquo;innovation, c&rsquo;est-&agrave;-dire de transformation d&rsquo;inventions en usages stabilis&eacute;s (Lacroix, 1994), est donc encore largement en cours de construction. Les acteurs cherchent encore des raisons de croire&nbsp;et tentent toujours de trouver des usages stabilis&eacute;s qui puissent leur &ecirc;tre profitables. Or, l&rsquo;un des &eacute;l&eacute;ments qui permettraient pr&eacute;cis&eacute;ment d&rsquo;apporter des raisons de croire et de stabiliser ces usages reposent sur l&rsquo;identification des gains obtenus suite aux investissements consentis, autrement dit les fameux ROI. La mise en &oelig;uvre d&rsquo;un cadre m&eacute;thodologique est donc &eacute;minemment strat&eacute;gique pour les acteurs de la fili&egrave;re qui se sont engag&eacute;s dans la d&eacute;marche.&nbsp;</p> <p>L&rsquo;&eacute;tude note ainsi que les organismes interrog&eacute;s &laquo;&nbsp;mentionnent la difficult&eacute; d&rsquo;identifier des gains sans un niveau de maturit&eacute; minimum&nbsp;&raquo; (USH, Tipee, p. 48) mais que paradoxalement &laquo;&nbsp;De tous les organismes engag&eacute;s dans le BIM, aucun n&rsquo;a &eacute;voqu&eacute; la possibilit&eacute; d&rsquo;un retour en arri&egrave;re ou n&rsquo;a envisag&eacute; &agrave; court terme de mettre fin &agrave; ses d&eacute;marches en BIM Construction&nbsp;&raquo; (USH, Tipee, p. 64). La question est en effet de savoir ce que l&rsquo;on entend par &laquo;&nbsp;niveau de maturit&eacute; minimum&nbsp;&raquo; qui permettrait &laquo;&nbsp;d&rsquo;identifier des gains&nbsp;&raquo;. La maturit&eacute; provient-elle des ann&eacute;es engag&eacute;es &agrave; chercher ou provient-elle du fait d&rsquo;avoir trouv&eacute;&nbsp;? Rappelons-nous qu&rsquo;innover, c&rsquo;est chercher des raisons de croire (Alter, 2013). Lors de nos recherches, nous nous sommes entretenus avec des organismes qui, malgr&eacute; leur engagement de longue date, ne trouvaient pas encore explicitement de gains &agrave; mettre en avant. D&rsquo;un point de vue temporel, ces organismes pourraient &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s comme &laquo;&nbsp;matures&nbsp;&raquo; en BIM puisqu&rsquo;engag&eacute;s de longue date avec des pratiques effectives. Or, les responsables interrog&eacute;s expliquaient qu&rsquo;il &eacute;tait hors de question de revenir en arri&egrave;re ou d&rsquo;abandonner la d&eacute;marche BIM compte tenu des investissements d&eacute;j&agrave; consentis. Il s&rsquo;agit donc d&eacute;sormais de trouver ou de l&eacute;gitimer co&ucirc;te que co&ucirc;te le dispositif sociotechnique car, dans toute d&eacute;marche d&rsquo;innovation, il existe ce que nous pourrions appeler un moment ou un cliquet&nbsp; d&rsquo;irr&eacute;versibilit&eacute; o&ugrave; les acteurs se sont tellement engag&eacute;s dans le processus qu&rsquo;il est tr&egrave;s difficile politiquement et symboliquement d&rsquo;avouer que nous avons eu tord et que finalement, il vaut mieux abandonner. De nombreux exemples de projets aux d&eacute;passements de factures ahurissantes sont l&agrave; pour en attester. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;urgence, apr&egrave;s au moins cinq ans voire plus pour certains de d&eacute;veloppement du BIM de d&eacute;gager des ROI pertinents qui pourraient venir valider une bonne fois pour toute l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de s&rsquo;engager dans le BIM. Les m&eacute;thodes d&rsquo;&eacute;valuation mises en &oelig;uvre notamment pas les entreprises g&eacute;n&eacute;rales participent de cet objectif.</p> <h2>PR&Eacute;SENTATION ET DISCUSSION DES NOUVELLES &Eacute;VALUATIONS NUM&Eacute;RIQUES MISES EN OEUVRE EN PHASE R&Eacute;ALISATION&nbsp;</h2> <p>Les entreprises g&eacute;n&eacute;rales ne sont pas en reste sur les tests et pratiques mis en &oelig;uvre pour &eacute;valuer la qualit&eacute; du BIM. Selon un directeur de la qualit&eacute; de r&eacute;alisation et de l&rsquo;innovation technique interrog&eacute;, pour lui aussi, &laquo;&nbsp;le BIM est bien avanc&eacute; en phase gestion mais on a du mal &agrave; d&eacute;velopper les usages en chantier&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020). Pourtant, les exp&eacute;rimentations ne manquent pas. Aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;entreprise d&eacute;veloppe des outils digitaux pour les usages du chantier. Selon le directeur, les outils doivent &ecirc;tre intuitifs et ergonomiques, &agrave; l&rsquo;instar des multiples applications que nous utilisons sans avoir besoin de formation. Si Revit est un outil d&rsquo;expert, les autres applications doivent pouvoir &ecirc;tre utilis&eacute;es par tous les compagnons, chefs de chantiers et conducteurs de travaux. &laquo;&nbsp;Il faut pluger sur la maquette num&eacute;rique tout un tas d&rsquo;applications, d&rsquo;outils digitaux dont les compagnons peuvent se servir. Il faut que l&rsquo;on ait tout un tas de petits outils simples avec des objectifs pr&eacute;cis. On arrive alors &agrave; passer le frein d&rsquo;un outil d&rsquo;expert&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020). Pour d&eacute;velopper une base de donn&eacute;es num&eacute;riques int&eacute;gr&eacute;e ou un BIM int&eacute;gr&eacute;, il faudrait d&rsquo;abord en passer par le d&eacute;veloppement de BIM m&eacute;tiers (Animateur m&eacute;tiers, entretien, 2019). Et le directeur de pr&eacute;ciser que l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment central du BIM est la donn&eacute;e. Le BIM n&rsquo;est en effet pas autre chose qu&rsquo;une immense base de donn&eacute;es qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;alimenter et d&rsquo;exploiter pour optimiser le processus. Ce sont toutes ces donn&eacute;es qu&rsquo;il&nbsp; s&rsquo;agit de capitaliser de mani&egrave;re &agrave; les transformer en informations, en connaissances et en savoirs (Ermine et al, 2014).</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Avec cent chantiers d&eacute;velopp&eacute;s avec le BIM, nous disposons d&rsquo;une base de donn&eacute;es &agrave; partir de laquelle nous pouvons sortir des tableaux de bord, des chiffres, des ratios et c&rsquo;est bien cela que nous cherchons. Les donn&eacute;es du BIM sont ce qui va nous permettre de capitaliser car notre plus grand souci est la capitalisation. Nous avons un m&eacute;tier de tradition orale. Un chantier est une entit&eacute; &agrave; part enti&egrave;re autonome. Chaque chef de chantier, en fonction de ses exp&eacute;riences va faire sa m&eacute;thode. Mais &agrave; un moment donn&eacute;, s&rsquo;il y a quatre m&eacute;thodes mises en oeuvre, il doit bien il y en avoir une qui soit meilleure et qui co&ucirc;te moins ch&egrave;re. Gr&acirc;ce &agrave; la maquette num&eacute;rique, il est possible de calculer et de choisir cette m&eacute;thode&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020).</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p>Ici, l&rsquo;enjeu central du BIM r&eacute;side dans sa capacit&eacute; &agrave; consolider des donn&eacute;es qui permettent d&rsquo;&eacute;valuer la meilleure m&eacute;thode &agrave; adopter. Taylor parlait en son temps du &laquo;&nbsp;One best way&nbsp;&raquo; par le chronom&eacute;trage des temps et la d&eacute;composition minutieuse de chaque t&acirc;che qui a permis l&rsquo;automatisation et la mise en &eacute;quivalence entre le mouvement et le temps industriel. Nous sommes finalement proche de ce mod&egrave;le dans les pratiques qui se mettent en &oelig;uvre.&nbsp;</p> <p>Par exemple, il s&rsquo;agit notamment d&rsquo;&eacute;valuer et de quantifier le nombre exact d&rsquo;heures dont une &eacute;quipe a besoin sur un chantier pour construire un escalier.&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Lorsque nous rentrons les heures dans la maquette, nous sortons une base de donn&eacute;es qui peut nous dire combien d&rsquo;heures j&rsquo;ai consomm&eacute; pour construire un escalier. Cela permet de calculer si je perds des heures sur une t&acirc;che et si j&rsquo;en gagne sur une autre. Disons que nous devions poser 50 escaliers. La question est de savoir le temps qu&rsquo;il me faut r&eacute;ellement pour poser un escalier au regard de ce qui a &eacute;t&eacute; pr&eacute;vu. Pour cela, il nous faut des outils au service du chantier qui exploitent la donn&eacute;e et qui nous permettent de sortir des tableaux de bord pour r&eacute;agir vite si le temps pr&eacute;vu n&rsquo;est pas le temps r&eacute;el de pose. En calculant cela avec le BIM parce que le conducteur ou le compagnon a renseign&eacute; les donn&eacute;es dans la maquette, nous pouvons retourner voir le service m&eacute;thode au bout de trois escaliers en leur demandant de trouver une autre solution car nous sommes en train de perdre de l&rsquo;argent. Cette vision journali&egrave;re, cela nous permet de r&eacute;agir tout de suite&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020).</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p>Le deuxi&egrave;me usage possible de cette comptabilit&eacute; pr&eacute;cise des heures affect&eacute;es &agrave; une t&acirc;che est le pointage pour faire une paye.</p> <p>D&rsquo;autres pratiques sont &eacute;galement mises en &oelig;uvre dans l&rsquo;&eacute;valuation des &laquo;&nbsp;r&eacute;servations&nbsp;&raquo;. En phase construction, une r&eacute;servation est une &laquo;&nbsp;cavit&eacute; ou orifice que l&rsquo;on m&eacute;nage dans la construction d&rsquo;une paroi en pr&eacute;vision du passage de gaine, de conduite, de tuyaux, chutes, c&acirc;bles, etc. afin d&rsquo;&eacute;viter de devoir&nbsp; proc&eacute;der ensuite &agrave; des percements&nbsp;&raquo; (de Vigan, 2019). La qualit&eacute; des r&eacute;servations, c&rsquo;est-&agrave;-dire de leur bon emplacement, est un enjeu essentiel. Or une marge de progression est manifestement possible. &laquo;&nbsp;Lorsque nous sommes bons dans la construction, nous mettons &agrave; c&ocirc;t&eacute; une r&eacute;servation sur dix. Et lorsqu&rsquo;une r&eacute;servation est &agrave; cot&eacute;, il faut aller &laquo;&nbsp;taper&nbsp;&raquo; la r&eacute;servation au marteau-piqueur et refaire un trou. C&rsquo;est tr&egrave;s mauvais pour l&rsquo;image de marque et &ccedil;a comporte des risques car tout cela se fait souvent &agrave; deux m&egrave;tres de hauteur&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020). Les risques dans la mise en &oelig;uvre de la r&eacute;servation sont au moins au nombre de deux. Ils r&eacute;sident dans la mauvaise retranscription de l&rsquo;information et l&rsquo;oubli de la r&eacute;servation ou du moins de la mettre &agrave; c&ocirc;t&eacute;. En effet, &laquo;&nbsp;sur un plan 2D, il est difficile de repr&eacute;senter une r&eacute;servation car il faut ajouter de l&rsquo;information &eacute;crite sur le plan&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020). Et pour transmettre cette information aux compagnons, &laquo;&nbsp;le chef de chantier prend une feuille blanche, redessine le bout de mur avec tous les trous et recalculent le bon emplacement avec sa calculette pour repositionner la r&eacute;servation. Lorsqu&rsquo;il fait cela, il prend du temps car il refait 3 fois le calcul et il y a un risque d&rsquo;erreur car vous retranscrivez l&rsquo;information&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020). Avec la maquette BIM, les compagnons disposent des planches d&rsquo;ex&eacute;cution avec l&rsquo;&eacute;l&eacute;vation et les endroits o&ugrave; sont les r&eacute;servations. &laquo;&nbsp;On gagne du temps et on diminue les risques d&rsquo;erreurs &raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020).</p> <p>Le deuxi&egrave;me apport des usages du num&eacute;rique et du BIM dans la mise en &oelig;uvre des r&eacute;servations tient dans l&rsquo;usage de la r&eacute;alit&eacute; augment&eacute;e. &laquo;&nbsp;Avant de fermer le coffrage, avant d&rsquo;avoir coul&eacute; le b&eacute;ton, nous venons v&eacute;rifier en superposant avec une tablette avant de fermer le coffrage. Si le compagnon a mis la r&eacute;servation au bon endroit, alors nous pouvons fermer et couler le b&eacute;ton&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020). Il s&rsquo;agit ni plus ni moins de connecter le chantier &agrave; la maquette num&eacute;rique. Un cadre de l&rsquo;USH nous confie&nbsp;&eacute;galement que l&rsquo;objectif est de bloquer l&rsquo;action d&rsquo;un ouvrier qui ne serait pas conforme &agrave; la maquette num&eacute;rique. L&rsquo;objectif est de passer du stade artisanal au stade industriel. &laquo;&nbsp;Il faut faire en sorte que le chantier devienne un flux logistique comme une usine. Il faut industrialiser le processus de construction&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020).</p> <p>Une autre pratique num&eacute;rique symptomatique de cette mise en processus est le bo&icirc;tier connect&eacute; install&eacute; sur les grues, outils principaux des chantiers de construction. &laquo;&nbsp;Nous allons mettre sur le moufle (le crochet) un boitier connect&eacute; de mani&egrave;re &agrave; tracer toute la journ&eacute;e o&ugrave; est le crochet de ma grue&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020). L&rsquo;objectif&nbsp;est de r&eacute;aliser un diagramme qui permette de calculer des saturations de grues. &laquo;&nbsp;L&rsquo;objectif est de conna&icirc;tre les t&acirc;ches qui prennent trop de temps de mani&egrave;re &agrave; faire des horaires d&eacute;cal&eacute;s pour que la grue travaille toute la journ&eacute;e. Les outils connect&eacute;s nous permettent de voir o&ugrave; la grue est satur&eacute;e et &agrave; quel poste. Ils envoient l&rsquo;information dans une plateforme dans laquelle nous mettons la maquette num&eacute;rique et qui nous permet de conna&icirc;tre la t&acirc;che qui est assur&eacute;e&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020).&nbsp;</p> <h2>L&rsquo;ACTE DE CONSTRUIRE : VERS UN PROCESSUS INDUSTRIEL POST-TAYLORIEN OU LE MYTHE DE LA MACHINE</h2> <p>Que pouvons-nous retenir de ces pratiques effectives, en tests ou &agrave; venir&nbsp;? Ce qui est &eacute;tonnant est que toutes ces pratiques sont en r&eacute;alit&eacute; tr&egrave;s proches des pr&eacute;occupations et des solutions que Taylor puis Ford ont mis en &oelig;uvre&nbsp;: industrialisation de ce qui relevait auparavant de l&rsquo;artisanat, chronom&eacute;trage des t&acirc;ches et optimisation de la meilleure m&eacute;thode (la plus rapide) pour la r&eacute;aliser, recherche constante de la meilleure m&eacute;thode (one best way), un suivi des heures qui permet de d&eacute;clencher la paye, un d&eacute;ni de l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;ouvrier au profit d&rsquo;un bureau des m&eacute;thodes qui sait mieux que quiconque ce qu&rsquo;il faut faire (organisation scientifique du travail), la soumission g&eacute;n&eacute;rale du travail et du travailleur &agrave; la machine-outil (nous dirions aujourd&rsquo;hui la soumission &agrave; la machine num&eacute;rique voire &agrave; la m&eacute;gamachine (Mumford, 1967)).</p> <p>Or, nous savons aussi ce que la m&eacute;thode de Taylor a produit&nbsp;: probl&egrave;mes qualit&eacute;, turn-over important, environnement militaris&eacute; massivement rejet&eacute; par les ouvriers. Bien s&ucirc;r, les m&eacute;thodes et le climat manag&eacute;rial ne sont pas les m&ecirc;mes mais il nous semble que nous pouvons tout de m&ecirc;me largement qualifier le d&eacute;veloppement du BIM dans l&rsquo;acte de construire comme un &eacute;pisode post-taylorien o&ugrave; la machine num&eacute;rique remplace la machine-outil et les m&eacute;thodes d&rsquo;&eacute;valuation qui &eacute;taient d&eacute;velopp&eacute;es pour la mesurer.&nbsp;</p> <p>Il semble clair que le BIM et ses investissements de forme (Th&eacute;venot, 1986) (Chaudet, 2020) associ&eacute;s sont &agrave; consid&eacute;rer comme des machines &agrave; organiser et &agrave; &eacute;valuer. La notion de machine doit ici &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e dans sa double acception, comme syst&egrave;me technique et comme &laquo;&nbsp;l&rsquo;agencement de divers &eacute;l&eacute;ments en vue d&rsquo;un but ou d&rsquo;une finalit&eacute; (&hellip;) dispositif conceptuel et pratique subtil, permettant d&rsquo;atteindre ce que la nature ne permet pas de faire, &laquo;&nbsp;artificieuses machines&nbsp;&raquo; de L&eacute;onard de Vinci&nbsp;&raquo; (Le Mo&euml;nne, 2008, p. 133). Au XVII&egrave;me si&egrave;cle, la notion de machine est utilis&eacute;e dans un sens non mat&eacute;riel mais organisationnel. La Fontaine, dans Le Renard et le bouc, mais dans d&rsquo;autres fables aussi, fera dire &agrave; un renard bloqu&eacute; au fond d&rsquo;un puits avec un bouc&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&egrave;ve tes pieds en haut, et tes cornes aussi&nbsp;: Mets-les contre le mur. Le long de ton &eacute;chine Je grimperai premi&egrave;rement&nbsp;; Puis tes cornes m&rsquo;&eacute;levant, A l&rsquo;aide de cette machine, De ce lieu je sortirai&nbsp;&raquo;. Nous notons au moins trois dimensions essentielles &agrave; souligner dans la notion de machine&nbsp;: sa dimension rationalisatrice, mat&eacute;rielle et organisationnelle (Chaudet, 2020). Notre hypoth&egrave;se est donc de consid&eacute;rer que le BIM comme machine organisationnelle constitu&eacute;e de m&eacute;thodes et de machines concr&egrave;tes visent &agrave; rationaliser le processus de construction au m&ecirc;me titre que la machine industrielle a tent&eacute; de le faire. Il s&rsquo;agit ainsi d&rsquo;&eacute;tudier le BIM comme l&rsquo;actualisation de la machine industrielle ou plus g&eacute;n&eacute;ralement comme le d&eacute;veloppement de la m&eacute;gamachine (Mumford, 1967). Nous savons par exemple les contournements que les compagnons peuvent d&eacute;ployer pour contourner les r&egrave;gles et r&eacute;aliser leur travail, tout comme nous savons les dispositifs de contournement &agrave; la r&egrave;gle que les ouvriers de la machine industrielle et taylorienne ont d&eacute;velopp&eacute;. Il y a de nombreuses possibilit&eacute;s tactiques pour contourner la r&egrave;gle.&nbsp;</p> <p>Des appareils enregistreurs du physiologiste Etienne Marey (Mattelart, 2011) &agrave; la tra&ccedil;abilit&eacute; num&eacute;rique g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e permise par le BIM en passant par la d&eacute;composition du geste de l&rsquo;ouvrier (Coriat, 1979), ne sommes-nous pas dans la constitution de machines et de m&eacute;gamachines (Mumford, 1967) qui permettent de r&eacute;pliquer et de r&eacute;p&eacute;ter de mani&egrave;re &agrave; perfectionner l&rsquo;existant&nbsp;? Sous cet aspect, le BIM et ses m&eacute;thodes d&rsquo;&eacute;valuation peuvent &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s comme une m&eacute;gamachine &agrave; spatialiser des pratiques (Stiegler, 1994) de mani&egrave;re &agrave; pouvoir les exploiter et les optimiser. L&rsquo;objectif du BIM et de ses m&eacute;thodes d&rsquo;&eacute;valuation r&eacute;sident bien dans leur capacit&eacute; &agrave; rationaliser l&rsquo;acte de construire, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; disposer de suffisamment d&rsquo;indicateurs de mani&egrave;re &agrave; capitaliser et &agrave; r&eacute;duire l&rsquo;incertitude. Cette caract&eacute;ristique place le BIM dans la continuit&eacute; des syst&egrave;mes bureaucratiques mis en &oelig;uvre par le capitalisme. Si le capitalisme n&rsquo;a pas l&rsquo;exclusivit&eacute; de la rationalisation, il en constitue cependant l&rsquo;arri&egrave;re-fond institutionnel. Comme le rappelle B&eacute;atrice Hibou (Hibou, 2012), le capitalisme a &eacute;t&eacute; rendu possible par la mise en &oelig;uvre d&rsquo;un ensemble de normes qui avait pr&eacute;cis&eacute;ment pour objectif de r&eacute;duire l&rsquo;incertitude des march&eacute;s. La bureaucratie &laquo;&nbsp;est caract&eacute;ristique du processus de rationalisation, de la mont&eacute;e du calcul, de l&rsquo;&eacute;crit et de l&rsquo;&eacute;valuation dans les soci&eacute;t&eacute;s modernes. Elle exprime et traduit un besoin de calculabilit&eacute; et de pr&eacute;visibilit&eacute; propre &agrave; l&rsquo;industrie et adopt&eacute; par le capitalisme en des termes de plus en plus formels et rigoureux&nbsp;; et elle n&rsquo;est d&rsquo;ailleurs v&eacute;ritablement &eacute;tablie que lorsque le capitalisme domine la soci&eacute;t&eacute;.&nbsp;&raquo; (Hibou, 2012, p. 21).</p> <h2>CONCLUSION</h2> <p>Les organisations qui travaillent &agrave; la construction des b&acirc;timents sont aujourd&rsquo;hui confront&eacute;es &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; de documenter une base de donn&eacute;es appel&eacute;e BIM (Building Information Model, Modeling, Management). Les organisations charg&eacute;es de coordonner la conception, la construction et la gestion attendent en retour des possibilit&eacute;s plus larges en termes d&rsquo;&eacute;valuation de la qualit&eacute;, de capitalisation des bonnes pratiques et de pilotage g&eacute;n&eacute;ral &agrave; l&rsquo;aune d&rsquo;indicateurs fiables et chiffr&eacute;s. L&rsquo;objectif de ce travail est de disposer d&rsquo;informations suffisamment pertinentes pour participer aux diverses d&eacute;cisions qui doivent &ecirc;tre prises &agrave; tous les niveaux d&rsquo;&eacute;chelle (compagnon, chef de chantier, conducteur de travaux, charg&eacute; d&rsquo;op&eacute;ration, architectes, ing&eacute;nieurs, BIM manager&hellip;) et tout au long du processus (conception, construction, gestion). Comme nous avons pu l&rsquo;illustrer, de multiples machines num&eacute;riques d&rsquo;&eacute;valuation se mettent en place dans ce contexte. Nous pourrions m&ecirc;me nous demander si le BIM n&rsquo;est pas un syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;valuation &agrave; part enti&egrave;re, c&rsquo;est-&agrave;-dire une &laquo;&nbsp;d&eacute;marche rigoureuse de collecte et d&rsquo;analyse d&rsquo;information qui vise &agrave; porter un jugement sur un programme, une politique, un processus, une activit&eacute; ou un projet pour aider &agrave; la prise de d&eacute;cision&nbsp;&raquo; (Gouvernement du Qu&eacute;bec, Secr&eacute;tariat du Conseil du tr&eacute;sor, 2013, p. 9). La convention BIM, &eacute;crite pour chaque projet, est &agrave; ce titre le document cadre qui doit d&eacute;finir les objectifs et les machines qui devront permettre d&rsquo;&eacute;valuer et de piloter le travail tout au long du processus. Il s&rsquo;agit de disposer de suffisamment d&rsquo;actifs informationnels, c&rsquo;est-&agrave;-dire &laquo;&nbsp;tout &eacute;l&eacute;ment qui repr&eacute;sente de la valeur pour l&rsquo;organisation&nbsp;&raquo; (ISO 30300, 2011, p. 1). Le BIM doit &agrave; ce titre &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme un actif informationnel tangible &agrave; part enti&egrave;re.&nbsp;</p> <p>Mais le probl&egrave;me pourrait &agrave; terme r&eacute;sider dans la non prise en compte des actifs intangibles qui reposent pr&eacute;cis&eacute;ment sur une exp&eacute;rience subjective et qui ne sont pas r&eacute;ductibles &agrave; la quantification num&eacute;rique. La n&eacute;gation de la subjectivit&eacute; a &eacute;t&eacute; le talon d&rsquo;Achille de la machine industrielle et du taylorisme (Floris, 1996). Il pourrait l&rsquo;&ecirc;tre aussi du BIM et des machines num&eacute;riques qui se d&eacute;veloppent actuellement dans la fili&egrave;re du b&acirc;timent. Comme &eacute;nonc&eacute; dans l&rsquo;un des verbatims mentionn&eacute;s plus haut, &laquo;&nbsp;s&rsquo;il y a quatre m&eacute;thodes, il doit bien il y en avoir une qui soit meilleure et qui co&ucirc;te moins ch&egrave;re. Gr&acirc;ce &agrave; la maquette num&eacute;rique, il est possible de calculer et de choisir cette m&eacute;thode&nbsp;&raquo; (directeur de la qualit&eacute;, entretien, 2020).&nbsp; L&rsquo;un des enjeux majeurs se trouvent sans doute ici, c&rsquo;est-&agrave;-dire dans la capacit&eacute; de la machine &agrave; se nourrir des donn&eacute;es capitalis&eacute;es sur les chantiers et donc de la subjectivit&eacute; pour simuler et mod&eacute;liser la meilleure solution en fonction du contexte. Gr&acirc;ce &agrave; cela, l&rsquo;organisation scientifique du chantier et le one best way taylorien serait &agrave; port&eacute;e de clic.</p> <h2>BIBLIOGRAPHIE</h2> <p>Agence Qualit&eacute; Construction (2020, juin). 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