INTRODUCTION La transition numérique avance à grands pas et ne laisse aucun acteur indifférent. Ses défenseurs ne manquent pas d’arguments pour promouvoir ses vertus économiques pour le monde de l’entreprise. Toutefois, son adoption en entreprise bouleverse profondément  ses pratiques notamment communicationnelles, longtemps établies par les modèles d’organisations classiques du travail. Ces dernières années, un exemple concret pourrait illustrer parfaitement cette disruption numérique qui n’est autre que le BIM « Building Information Modeling», dont les intérêts économiques sont considérables pour l’entreprise, notamment en matière de réduction des coûts,  de gain de temps résultant des nouveaux modes collaboratifs des équipes et la promesse d’accélération de la compétitivité des entreprises publiques et/ou privées qui s’y mettent. Seulement, l’impact du BIM sur le volet communication organisationnelle de l’entreprise n’est pas encore totalement approfondi et mérite encore des initiatives de recherche pour l’élucider.   Ainsi, et devant l’émergence de nouveaux besoins exprimés par les usagers de bâtiments en termes de réactivité, de niveau de confort, de flexibilité et de sécurité, les acteurs du secteur bâtiments sont de plus en plus interpellés sur la pertinence de leur choix d’outils de travail, de processus organisationnels et de pratiques communicationnelles.  La problématique de l'usage des NTIC[1] a une résonance non seulement économique mais surtout sociale incitant le regroupement des compétences et la facilitation  du processus communicationnel (Comtet, 2007). La vision classique de la conception, de la réalisation et de l’exploitation des bâtiments basée essentiellement sur la performance des outils informatiques en matière de conception, d’ordonnancement des interventions, de gestion des approvisionnements et de reporting, ne pourra plus à elle seule répondre d’une manière factuelle aux besoins précités. Et pour répondre à ces questionnements, il devient opportun de chercher des solutions innovantes permettant d’une part, d’exploiter le flux important et continu de données issues du cycle de vie du bâtiment provenant des DOE[2] remis avec les fiches techniques livrées avec les équipements  et des bases de données GMAO[3] ; et d’autre part, de requalifier les rapports collaboratifs régissant les actants impliqués dans l’écosystème du bâtiment qui seront la pierre angulaire de la réussite de ces solutions. Dans cette perspective, le BIM comme processus collaboratif autour d’une maquette numérique permettant des échanges d’informations de façon dématérialisée entre les acteurs, promet de réelles pistes d’amélioration largement démontrées dans plusieurs projets en phase conception-réalisation des bâtiments. La présente recherche s’appuiera sur les résultats de deux enquêtes de mensuration du déploiement du processus BIM dans le secteur du bâtiment réalisées entre 2015 et 2018. Elle se propose donc d’étudier le niveau d’adoption et d’appropriation du processus BIM dans le secteur bâtiment à une échelle européenne et en particulier en France, dans l’objectif de tirer les enseignements possibles en termes d’impacts sociétaux et économiques sur l’entreprise (ce qui se traduit entre autres par les efforts d’investissements engagés pour se procurer les outils numériques, la mise à niveau des compétences RH et le réajustement des pratiques communicationnelles). I. ADOPTION DU BIM DANS LE SECTEUR DE LA CONSTRUCTION : ETAT DES LIEUX Partout dans le monde et en Europe aussi et à des degrés plus au moins avancés, le phénomène BIM est placé aujourd’hui au c&oelig;ur des priorités de la transition numérique du secteur bâtiment. Les acteurs concernés par la sphère du bâtiment (Pouvoirs publics, Editeurs de logiciel, Entreprises, MOA[4], MOE[5], fabricants….) sont mis à contribution pour le déploiement massif du BIM eu égard aux gains escomptés. Les principaux éditeurs des outils BIM notamment Autodesk et Archicad, propriétaires respectifs  de revit et Graphisoft, promettent tous une révolution sans précédent dans la gestion des données bâtiments par l’introduction de la notion de partage intégral du projet qui permettra un usage simultané aux différents intervenants dans l’acte de bâtir et en offrant des outils paramétriques d’aide à la décision à différents niveaux du projet de la conception en passant par les contrôles de qualité et de conformité jusqu’à la phase d’exploitation. Tout cela, sous la promesse de gain de temps à tous les stades d’évolution du projet et particulièrement au niveau de l’exécution longtemps considérée comme une phase ou les contres performances en termes de délais et/ou de qualité sont perçues comme étant la règle. Certes, Le métier de bâtiment, tout au long de ses phases de la conception en passant par la construction, l’exploitation et enfin la démolition, se caractérise par la co-présence de nombreux acteurs de disciplines, origines culturelles et compétences différentes. Tous sont contraints d’interagir et de se comprendre dans un horizon temporel réduit imposé par les objectifs de productivité édictés par le marché. Ainsi, avec l’adoption du BIM, des questionnements légitimes méritent d’être débattus sur son degré de maturité pour assurer les promesses tenues surtout que ses interactions bouleversent profondément les pratiques communicationnelles des intervenants de l’écosystème bâtiments. Pour trouver des pistes de réponses à ces questionnements, il nous paraît essentiel de s’intéresser à la compréhension du poids et caractéristiques du secteur de la construction en faisant le point avec le degré d’intégration du BIM dans son écosystème. 1. Poids et caractéristiques du secteur du bâtiment. Pour appréhender les chiffres du secteur du bâtiment qui nous permettrons par la suite d’apprécier les enjeux de l’adoption du BIM pour ce secteur, il est utile de recueillir tout d’abord les chiffres clés de sa contribution dans le PIB et dans le marché d’emploi. Pour caractériser le poids de ce secteur, notre focus d’analyse se limitera à trois pays européens, tel qu’illustré dans le tableau n°1 ci-dessous. Les pays choisis sont l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France qui représentaient en 2015, à eux trois, plus de la moitié de la production soit 571,6 milliards d’euros[6].   <table class="MsoTableGrid" style="border-collapse:collapse;border:none;width:850px;" width="637"> <tbody> <tr> <td style="border-bottom:1px solid black; width:117px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:33px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none">   </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:110px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:33px; background-color:#fde9d9; border-top:1px solid black; border-right:1px solid black; border-left:none"> Classement Européen </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:210px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:33px; background-color:#fde9d9; border-top:1px solid black; border-right:1px solid black; border-left:none"> Production du secteur de la construction en 2015 « milliards d’euros » </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:200px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:33px; background-color:#fde9d9; border-top:1px solid black; border-right:1px solid black; border-left:none"> Contribution de la construction au PIB en 2015 </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:1px solid black; width:117px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:23px; background-color:#daeef3; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:1px solid black"> Allemagne </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:110px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:23px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 1er </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:210px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:23px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 262,9 </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:200px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:23px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 9,8% </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:1px solid black; width:117px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; background-color:#daeef3; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:1px solid black"> Royaume uni </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:110px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 2ème </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:210px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 153,0 </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:200px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none">  6,3% </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:1px solid black; width:117px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; background-color:#daeef3; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:1px solid black"> France </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:110px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 3ème </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:210px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 152,8 </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:200px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none">  8,0% </td> </tr> </tbody> </table> Tableau 1 : Importance du secteur de la construction dans l’économie européenne. L’Allemagne représente le plus gros marché d’Europe pour les entreprises de construction, avec un tissu d’entreprises constitué majoritairement (environ 90%) d’entreprises de moins de 20 salariés. Le secteur de la construction britannique, dopé par la réalisation de grands projets d’infrastructures, comptabilise un niveau d’emploi de 2,11 millions de travailleurs en 2015. Pour la France, même si l’impression générale que le secteur de la construction est dominé par des géants comme Vinci, Eiffage et Bouygues, le secteur emploie plus d’un 1 million de personnes, et le nombre d’entreprises françaises du secteur bâtiment de mois de 20 salariés représentait 98% des 559139 entreprises identifiées en 2015[7]. Elles  emploient plus de 60% des effectifs du bâtiment et réalisent 82,2 milliards d’euros, soit 64% du chiffre d’affaires de la profession[8]. 1. Maturité du BIM dans le secteur du bâtiment Pour identifier le degré de maturité du BIM en Europe, nous sommes intéressés à l’observation de deux indicateurs à savoir l’année de lancement des premières initiatives du BIM et le taux d’équipement des salariés en ordinateurs, comme décrit dans le tableau 2 ci-dessous. En effet, le taux d’équipement des salariés en ordinateurs, nous paraît  un indicateur important pour juger de la prédisposition des acteurs à l’adoption du BIM. Nous avons maintenu le choix de l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France pour leur poids dans le secteur du bâtiment en Europe, et nous avons ajouté un pays scandinave « la suède » pour représenter le nord de l’Europe.    <table class="MsoTableGrid" style="border-collapse: collapse; border: none; width: 843px;" width="643"> <tbody> <tr> <td style="border-bottom:1px solid black; width:107px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:43px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none" valign="top">   </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:171px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:43px; background-color:#fde9d9; border-top:1px solid black; border-right:1px solid black; border-left:none" valign="top"> Pourcentage des salariés équipés d’ordinateur </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:172px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:43px; background-color:#fde9d9; border-top:1px solid black; border-right:1px solid black; border-left:none" valign="top"> Lancement des premières initiatives du BIM </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:1px solid black; width:107px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; background-color:#daeef3; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:1px solid black"> Allemagne </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:171px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 40% </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:172px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:24px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 2015 </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:1px solid black; width:107px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:20px; background-color:#daeef3; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:1px solid black"> Royaume uni </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:171px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:20px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 57% </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:172px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:20px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 2011 </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:1px solid black; width:107px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:20px; background-color:#daeef3; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:1px solid black"> France </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:171px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:20px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 43% </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:172px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:20px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 2014 </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:1px solid black; width:107px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:20px; background-color:#daeef3; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:1px solid black"> Suède </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:171px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:20px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 65% </td> <td style="border-bottom:1px solid black; width:172px; padding:0cm 7px 0cm 7px; height:20px; border-top:none; border-right:1px solid black; border-left:none"> 2009 </td> </tr> </tbody> </table> Tableau 2 : Lancement du BIM et niveau d’équipement du secteur de la construction d’ordinateurs. Ainsi, l’analyse des données recueillies, permet de confirmer à priori, la corrélation entre l’année de lancement du BIM  et le niveau d’équipement des salariés, bien que la disparité des taux d’équipements entre les pays européens étudiés, puisse être attribuée à divers facteurs (culturels, sociaux et économiques ect.). Par ailleurs, les entreprises de moins de 20 salariés sont encore sous-équipées en outils numériques notamment les ordinateurs, environ 21% des TPE ne possèdent pas d'ordinateurs, et 95% n'ont pas de tablettes tactiles[9]. Constat qui ne manque pas d'enseignements, surtout pour agir sur ce taux, il faut que l’intérêt pour l’entreprise soit parfaitement compris et assimilés par les chefs des TPE et leurs collaborateurs. L’accès à internet constitue aussi, un vrai enjeu pour l’adoption du BIM en entreprise. Ainsi pour les acteurs situés dans des zones peu et/ou mal couvertes par une connexion fiable à internet, peut s’avérer compliqué pour des collaborateurs travaillant avec des outils BIM. Pour la question de la maturité BIM, la plupart des pays européens ne sont pas les précurseurs en matière d’initiative BIM à l’échelle mondiale. Le Royaume-Uni par exemple, s’est lancé dans le BIM en 2011, en s’appuyant sur un écosystème de partenaires pour accompagner le secteur de la construction dans sa mutation. Mais le vrai déclic, était l’entrée en vigueur en avril 2016, du « UK BIM Mandate » qui exige l’usage du BIM de niveau 2 pour les marchés publics, pour  pousser au travail collaboratif entre les différents acteurs d’un même projet. Cette transition s’accompagne également par la création d’un site web dédié au conseil des acteurs dans leur démarche d’appropriation du BIM. La formation n’est pas en reste, puisque le gouvernement s’est appuyé sur un important réseau d’universités proposant des formations en BIM, dans le cadre de la feuille de route mise au point par le BIM Academic Forum et visant à rendre les étudiants opérationnels dès leur sortie d’école. Même si l’Allemagne s’est engagée tardivement dans le BIM en 2015, le gouvernement via le ministère des Transports allemand s’est appuyé sur un groupement privé, dont les membres, reconnus pour leur expertise, &oelig;uvraient au déploiement du BIM dans le secteur de la construction. Le gouvernement allemand appelle aux acteurs de l’industrie pour la création d’une «nouvelle culture de la construction». Cette dernière aura pour objectif de consacrer le BIM comme «nouveau standard pour les infrastructures» à l’horizon 2020 ; et s’appuie sur des «champions» pour vulgariser le BIM auprès des petites et moyennes entreprises qui trouvent beaucoup de difficultés pour s’inscrire dans la transition numérique. Pour la France, l’année 2015 reste l’année de référence du BIM à travers  la mise en place du Plan Transition Numérique dans le Bâtiment (PTNB).  Ce plan vient pour répondre aux attentes exprimées par les organisations professionnelles du secteur du bâtiment en développant les usages du numérique, en vue d’une construction meilleure, plus rapide et moins chère, pendant toute la durée de vie des bâtiments. L’objectif de généralisation de la transition numérique et du BIM voulu par le gouvernement a fait l’objet d’une feuille de route visant à convaincre et à donner envie à tous les acteurs, à encourager le développement de la formation professionnelle notamment celle destinée aux PME, et enfin installer un climat de confiance à travers la normalisation. La signature de la charte «Objectifs BIM 2022[10]» qui marque l'engagement volontaire de l'ensemble de la filière du bâtiment à déployer et massifier les outils de construction numérique à l’horizon 2022. Par ailleurs, certains pays européens se sont lancés relativement tôt dans le BIM à l’instar des pays scandinaves (Norvège, Danemark, Finlande et Suède) : ils ont été parmi les premiers à adopter les technologies BIM. La Suède s’est lancée en 2009 et l’usage du BIM est fortement encouragé dans le secteur public. Parallèlement, l’agence publique suédoise en charge de la gestion des infrastructures de transport, impose le BIM dans tous les nouveaux projets d’investissement depuis 2015. En résumé, le degré d’adoption du BIM dans les 4 pays objet de notre benchmark est tributaire en grande partie de la bonne volonté des pouvoirs publics et des instances représentatives du secteur bâtiment à promouvoir l’adoption du BIM. II. LE BIM ET LES PRATIQUES COMMICATIONNELLES EN ENTREPRISES Durant toutes les  phases de mise en &oelig;uvre d’un projet BIM, de la construction de la maquette informée, en passant par la formation du personnel concerné, à l’exploitation du rendu final, l’accent est mis principalement sur l’identification et l’évaluation des ressources engagées pour comprendre le sens économique de l’investissement engagé en perspective d’une forte attente de rentabilité du système instauré. Toutefois le volet communication principal atout de la démarche BIM reste le volet le moins touché par les politiques publiques pour la promotion du BIM.  Le degré de collaboration des acteurs concernés par le BIM est relégué pour l’instant aux collaborateurs et aux acteurs eux-mêmes pour en tirer les bonnes pratiques. 1. Retours d’expérience des acteurs du bâtiment sur la pratique du BIM En 2015, l’AQC[11] a dévoilé les premiers retours d’expérience de son enquête réalisée sur une quarantaine de projets utilisant des outils BIM. Les constats font ressortir deux types de remarques, l’un d’ordre technique liés essentiellement à l’interopérabilité des formats d’échange, de la stabilité et de la richesse des paramétrages de l’outil ; et l’autre d’ordre collaboratif dénotant le manque d’implication des acteurs et la faible maitrise des outils. Une autre enquête réalisée par le centre d’expertise CEGIBAT en mai 2018, s’est intéressée à la pratique du BIM par l’un des acteurs du bâtiment (les bureaux d’études), à travers le témoignage de 113 bureaux d’études et le recueil de leur avis sur les atouts et freins de ce processus. Les résultats de l’enquête ont permis de recueillir un certain nombre de constats qui corroborent les points annoncés ci-haut : La majorité des bureaux d’études (77%) se sont lancés dans l’aventure du BIM depuis trois ans environ et 71% des BET se considèrent débutants au niveau de maturité du BIM. Les principales motivations des BET pour adopter le BIM sont plutôt par crainte d’éventuelles obligations réglementaires décidées par les pouvoirs publics et/ou l’imposition des maîtres d’ouvrage concernant l’utilisation du BIM pour la construction ou la rénovation de leurs projets. L’investissement pour démarrer un projet BIM reste l’un des freins de taille pour les BET. En effet, avec 12 000 € par collaborateur, l’effort financier est important pour se procurer le BIM (formation, logiciels, temps d’adaptation lors de la phase de mise en place) Les bureaux d’études utilisent le BIM principalement pour le dessin, la conception détaillée la visualisation 3D, le chiffrage des quantitatifs. Revit produit de la société américaine Autodesk est le logiciel le plus répandu chez les BET (76%). Les principaux atouts du BIM énumérés par les bureaux d’études sont : - Meilleure collaboration (63%) - Meilleure qualité des projets (61%) - Simulations facilités (29%) - Moins de problèmes sur chantiers (14%) Pour ce qui est des freins à l’adoption du BIM par les acteurs du bâtiment, ceux-ci sont : - Niveau de compétence des acteurs (86%) - Défaut de valorisation des honoraires (72%) - Collaboration difficile (51%) - Demandes des maîtres d’ouvrage pas claires (49%) l - Logiciels pas au point (41%) - Objets BIM pas disponibles (35%) 2. Les pratiques communicationnelles et la démarche BIM L’un des principaux apports de la démarche BIM, est la notion de collaboration entre intervenants sur un même projet, qui constitue une vraie rupture par rapport aux pratiques communicationnelles longtemps établies dans l’organisation des entreprises du secteur bâtiment en matière de gestion de projets de construction. Ainsi la mise à profit des apports économiques du BIM (gain de de temps, réduction des coûts…), est tributaire de la qualité de la communication établie et acceptée entre le groupe de collaboration du projet. La citation de Serge K. Levan (2016) « on fabrique une maquette numérique avec des logiciels, mais on réussit un projet avec des hommes » trouve tout son sens ici. Seulement, et si on examine de près les formats de communications conçues par les éditeurs de solutions BIM, on constate qu’ils privilégient davantage l’optimisation  et la scénarisation théoriques des actes dans une vision optimisée des rapports entre les acteurs. Or, et comme déjà développé précédemment, la typologie des entreprises et de leur capital humain se caractérise par la diversité, le manque de compétence dans les NTIC, l’effritement des marges qui dissuade tout nouvel investissement. On se rend compte lors de la mise en exploitation de l’outil collaboratif, que la dimension humaine et culturelle de la communication implicite surtout  n’a pas eu les arbitrages  nécessaires  pour qu’elle soit appréhendée à sa juste valeur par les concepteurs des outils BIM. Partant de ce constat, il serait utile d’approfondir le sens de la terminologie utilisée par la sphère du BIM  et particulièrement le mot communication. Dans notre contexte, nous empruntons la définition du mot communication donnée par le sociologue P. Zarifian (2010) : « Communiquer c’est essayer de se comprendre  mutuellement, c’est essayer de se mettre, au moins partialement, d’accord sur quelque chose, c’est aussi vouloir se comprendre ». La communication est donc, la base de la collaboration dans le cadre d’une organisation de travail et elle est nécessaire à l’aboutissement de l’action collective fixée par les axes de progrès de l’organisation.  Tout rejet ou manque d’implication d’un membre du groupe de collaboration mettrait sans aucun doute en péril l’avancement du projet. Certes, la divergence des intérêts des acteurs est ressentie. D’une part, les éditeurs de logiciels qui voient le phénomène BIM comme une opportunité économique de conquête du marché de bâtiment, se livrent à une vraie guerre de positionnement sur ce secteur, en commercialisant des versions d’outils BIM  partiellement  abouties eu égard aux nombres de révisions de versions proposées sur leurs sites respectifs. Et d’autre part, les industriels et fabricants qui essayent du mieux qu’ils peuvent d’être présents, d’observer de près et de placer leurs produits dans les bibliothèques d’objets prédéfinis dans les logiciels BIM. Quant à la maitrise d’&oelig;uvre (architecte, BET,….) et entreprises de réalisation des travaux, les choses se complexifient entre l’envie d’opportunité économique, l’investissement nécessitant l’appropriation du BIM et le management du changement des pratiques communicationnelles des collaborateurs. La taille d’entreprise dans ces corps de métier est cruciale pour déterminer leur habilité à suivre la transition numérique du secteur bâtiment. Et plus la taille de l’acteur est modeste plus l’adoption du BIM serait sujette à questionnement sur le temps et la qualité de sa mise en &oelig;uvre. CONCLUSION L’analyse des freins de l’adoption du BIM, recueillis par les différentes enquêtes terrains indiquées précédemment, démontre que les promoteurs du BIM  se sont focalisés essentiellement sur l’outil BIM, en partant de son coût d’investissement jugé élevé pour les PME, puis le manque de compétences au sein de l’entreprise pour l’exploiter pleinement, le défaut de standardisation des outils et des protocoles, l’offre limitée d’objets BIM suffisamment renseignés en plus des problèmes de responsabilité juridique des actants. Certes, si tout outil est utilisé pour simplifier, rentabiliser, optimiser la conception et même mener des tâches impossibles sans celui-ci (McLuhan, 1968), le BIM apporte une rupture de la définition classique de l’outil en introduisant la notion de collaboration entre acteurs sur un même objet. Comme déjà affirmé par (Dodier, N.1995) « les liens entre les humains, ou entre les humains et le monde, passent désormais largement par des objets techniques dont la présence s’affirme ». Les particularités du secteur bâtiment, l’ont poussé à inventer au fil du temps des formes de communication propres  mariant des formes explicites et implicites et privilégient l’autonomie, le sens des responsabilités  et la notion de confiance des acteurs. Ainsi l’appropriation du processus BIM doit pouvoir ramener des réponses concrètes à chaque composant de la communication déjà établi en s’attardant à chaque stade sur l’apport que la nouvelle forme de communication dictée par le BIM aux acteurs et particulièrement les collaborateurs sur qui repose le devenir du BIM. Il est vrai que le consensus quasi général des pouvoirs publics  et des représentions professionnelles en Europe et partout dans le monde, se nourrit de réelles perspectives techniques et économiques pour le secteur du bâtiment en termes d’amélioration de la qualité de la construction, d’optimisation des échanges entre les acteurs, de réduction des coûts et  des délais de construction, de renforcement de la compétitivité des acteurs et de l’accès complet aux informations relatives aux actifs dans le cadre de l’exploitation et de la maintenance du bâtiment. Nous avons constaté une disparité entre les niveaux de maturité du BIM proclamés entre acteurs du secteur bâtiment suivant leur structure du capital humain et de la nature du métier exercé. Ce qui limite les constats sur les retours d’expériences analysés. Ensuite, le contexte de recours à des études et des enquêtes commandées dans le cadre de projets gouvernementaux (PTNB) pourrait ne pas représenter la réalité du terrain de l’adoption du BIM et ses interactions collaboratives.   La problématique de l’impact de l’adoption du BIM sur les pratiques communicationnelles développées dans ce travail soulève certaines perspectives de recherche en relation avec la scénarisation  des interactions réelles entre les collaborateurs utilisateurs de la démarche BIM que ce soit à l’intérieur de leur organisation ou entre les organisations actrices du projet, qui doivent, à notre sens, faire l’objet d’une étude approfondie sur un horizon temporel suffisant permettant de tirer des constats factuels sur les approches collaboratives explorées. Aussi, l’identification et la sélection des pratiques communicationnelles pourraient être améliorées afin d’intégrer un panel plus large de contextes permettant d’évaluer l’apport des pratiques collaboratives selon le corps de métier de l’acteur ou le stade d’avancement du projet expérimenté.   [1] Nouvelles technologies d'Information et de Communication regroupant tous les outils à notre disposition en termes de télécommunication, d'internet, de multimédias…. [2] Dossier des ouvrages exécutés qui correspond au dossier de récolement remis au maître d’ouvrage lors de la fin d'un chantier. [3] Gestion de maintenance assistée par ordinateur [4] Maitrise d’ouvrages [5] Maitrise d’&oelig;uvres (architecte, bureau d’études…..) [6] Etude réalisée par LGM Group, KYU Lab et ACTH, publiée le 26 juin 2018 « Le développement du BIM : Benchmark Européen ». [7] Source : répertoire SIRENE au 1er  janvier  2015 et estimation CAPEB / RSI [8] Sources : estimation CAPEB pour l’année 2016 à partir des données CAPEB / I+C et MTes [9] Source : baromètre EBP/OpinionWay*, sur les usages numériques professionnels (septembre 2011) [10] Charte d'engagement volontaire de la filière bâtiment « Objectif BIM 2022 » signée par près de cinquante organismes et  le ministère de la Cohésion des territoires. [11] Agence Qualité Construction   BIBLIOGRAPHIE - Comtet, I. (2007). De l’usage des TIC en entreprise. Analyses croisées entre Science de l’information et Sciences de gestion. Communication et organisation. Bordeaux. - Mcluhan, C. (1994). Understanding media: the extension of man, 1sr MIT press ed. - Dodier, N. (1995) Les Hommes et les Machines : La conscience collective dans les sociétés technicisées, in Collection Leçons de Choses, vol. 1152, num. 345, Editions Métailié. - LEVAN, Serge K. (2016). Management et collaboration BIM. Paris : Eyrolles. - Batiactu group, (2018). Résultats de la 3àme enquête sur l’utilisation des outils numériques et digitaux par les professionnels du Bâtiment. - LGM Group, KYU Lab et ACTH, (2018). Le développement du BIM : Benchmark Européen - Etude pour le classement de 17 pays dans le secteur de construction. - BIM Scandinavia, page consultée le 30/11/2019. Disponible sur : http://biblus.accasoftware.com/fr/le-bim-dans-le-monde-pour-les-pays-scandinaves-une-pratique-qui-est-consolidee-dans-le-secteur-du-batiment/ - Deloitte - Global Powers of Construction (2017), page consultée le 30/11/2019. Disponible sur : https://www.fntp.fr/sites/default/files/content/publication/deloitteconstruction-global-powers-of-construction-2017_09_2018.pdf - European Construction Sector Observatory: Building Information Modelling in the EU construction sector, page consultée le 30/11/2019. 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