<p><strong>Abstract :&nbsp;</strong>Why is the management of school, viewed as a &quot;learning organization&quot;, likely to bear sustainability? We propose to seek pragmatic insights from two different fields: the French school, and a community of practice in an innovative sector. Comparison of these two fields allows us to discover invariants and a continuum between the initial learning process and its continuity in the workplace, starting from the analysis of the conditions of information and knowledge circulation, the communication process.&nbsp;</p> <p><strong>Keywords :</strong>&nbsp;learning organization, information uses, community of practice, expertise, information ecosystem, activity space</p> <p>&nbsp;</p> <h2>INTRODUCTION</h2> <p>L&rsquo;&eacute;mergence de la soci&eacute;t&eacute; dite &laquo;&nbsp;des savoirs&nbsp;&raquo; (Unesco, 2005), avec l&rsquo;explosion des connaissances potentielles en circulation dans le monde social, via le num&eacute;rique, et l&rsquo;injonction d&rsquo;un apprentissage tout au long de la vie, conduisent &agrave; questionner le statut des organisations apprenantes, et notamment l&rsquo;&eacute;cole. Cette derni&egrave;re est confront&eacute;e &agrave; la remise en cause sociale de ses modalit&eacute;s de transmission des savoirs, et incit&eacute;e &agrave; penser l&rsquo;autonomie des &eacute;l&egrave;ves dans une vision pro-active de l&rsquo;apprentissage. Il nous semble imp&eacute;ratif aujourd&rsquo;hui de consid&eacute;rer concr&egrave;tement l&rsquo;articulation entre les injonctions sociales et politiques dont l&rsquo;&eacute;cole est le r&eacute;ceptacle, et les modes de circulation des savoirs observables et imaginables en son sein et en dehors.</p> <p>En quoi penser le management de l&rsquo;organisation scolaire dans la perspective de l&rsquo;&laquo;&nbsp;organisation apprenante&nbsp;&raquo; peut-il &ecirc;tre porteur de durabilit&eacute;&nbsp;?</p> <p>Nous proposons de chercher des pistes de r&eacute;flexion &agrave; partir de deux terrains diff&eacute;rents&nbsp;: le lyc&eacute;e en France, et une communaut&eacute; de pratique dans un domaine innovant. La comparaison de ces deux terrains nous permet de d&eacute;couvrir des invariants et un continuum entre les processus d&rsquo;apprentissage initial et leur poursuite dans le milieu professionnel, &agrave; partir de l&rsquo;analyse des conditions de circulation de l&rsquo;information et des savoirs, donc des processus de communication. Nous faisons l&rsquo;hypoth&egrave;se que ces invariants peuvent constituer une cl&eacute; de la d&eacute;finition de la durabilit&eacute; de la construction des savoirs &agrave; partir de l&rsquo;information telle qu&rsquo;elle est re&ccedil;ue, mise &agrave; disposition et trait&eacute;e par les organisations.</p> <p>Concr&egrave;tement, nous avons men&eacute; des recherches &agrave; partir de donn&eacute;es recueillies lors d&rsquo;investigations de terrain, au sein d&rsquo;&eacute;tablissements scolaires fran&ccedil;ais (2 lyc&eacute;es, 4 classes, soit plus de 120 adolescents de 16 &agrave; 18 ans), et centr&eacute;es sur des dispositifs d&rsquo;information-communication qui interrogent fondamentalement l&rsquo;organisation scolaire dans son fonctionnement et sa relation aux savoirs (TPE&nbsp;: Travaux Personnels Encadr&eacute;s, et projet p&eacute;dagogique interdisciplinaire). Nous avons int&eacute;gr&eacute; les dispositifs de formation &agrave; partir d&rsquo;une m&eacute;thodologie qualitative combin&eacute;e&nbsp;: observation distanci&eacute;e des situations info-communicationnelles, alli&eacute;e &agrave; des entretiens d&rsquo;explicitation &ndash; individuels ou collectifs &ndash; men&eacute;s en cours d&rsquo;action avec les acteurs, et captation de traces de l&rsquo;activit&eacute; informationnelle. En outre, nous avons investi une communaut&eacute; professionnelle sp&eacute;cifique, les architectes et les entreprises en &eacute;co-construction et &eacute;co-conception, dont ont &eacute;t&eacute; interrog&eacute;es les pratiques d&rsquo;information et les modalit&eacute;s de circulation des savoirs professionnels. Nous avons interrog&eacute; 50 personnes dans une dizaine d&rsquo;entreprises, entrepreneurs, salari&eacute;s, apprentis, avec des responsabilit&eacute;s tr&egrave;s variables, sur la base d&rsquo;entretiens semi-directifs. Nous avons enregistr&eacute; et analys&eacute; les &eacute;changes lors de deux ateliers et observ&eacute; les syst&egrave;mes personnels d&rsquo;information documentaire de quatre professionnels. Nous avons ainsi opt&eacute; pour une approche sociologique des contextes professionnels, une d&eacute;marche compr&eacute;hensive bas&eacute;e sur les repr&eacute;sentations des besoins, des ressources et des usages informationnels dans une approche s&eacute;mio-pragmatique, et enfin une d&eacute;marche analytique de la mati&egrave;re informationnelle produite, non plus envisag&eacute;e comme accumulation d&rsquo;informations &agrave; partir d&rsquo;outils, de techniques et de pratiques, mais traces et repr&eacute;sentation des savoirs en construction et en circulation, en lien avec les syst&egrave;mes d&rsquo;information personnels. Les d&eacute;marches m&eacute;thodologiques des deux projets de recherche sont tr&egrave;s proches malgr&eacute; la dissemblance des contextes&nbsp;; dans les deux cas, il s&rsquo;agit de capter les processus sociaux et cognitifs de construction de connaissances &agrave; partir de syst&egrave;mes d&rsquo;information qui se percutent ou s&rsquo;interp&eacute;n&egrave;trent. Dans les deux cas &eacute;galement, la question de l&rsquo;organisation &eacute;merge comme un &eacute;l&eacute;ment fondamental de compr&eacute;hension de ces processus, dans leurs fonctionnements comme dans leurs dysfonctionnements. C&rsquo;est ainsi que nous avons, pour ces deux protocoles, adopt&eacute; une approche &agrave; la fois &eacute;cologique et sociale de l&rsquo;information, soucieuse de s&rsquo;int&eacute;resser &agrave; la mani&egrave;re dont les acteurs agissent, co-construisent des dispositifs d&rsquo;information-communication les plus efficients possibles. Notre approche comparative nous oblige &agrave; d&eacute;passer une vision trop souvent individuelle des pratiques d&rsquo;information-communication, en pensant les articulations entre logiques individuelles et sociales, ainsi que le r&ocirc;le de l&rsquo;environnement humain et informationnel qui est en jeu. Il ne s&rsquo;agit pas ici de supposer que l&rsquo;&eacute;cole fonctionne comme l&rsquo;entreprise, mais de rechercher des logiques communicationnelles communes et invariantes dans la construction durable des connaissances et son rapport &agrave; l&rsquo;organisation.</p> <p>Apr&egrave;s avoir explicit&eacute; le constat selon lequel la durabilit&eacute; de l&rsquo;information dans les organisations est &agrave; ce jour fortement questionn&eacute;e, nous verrons comment les postures d&rsquo;acteurs et les logiques de circulation des savoirs sont modifi&eacute;es au sein de l&rsquo;organisation par des projets favorisant l&rsquo;apprentissage en double boucle. Enfin, nous d&eacute;passerons les logiques d&rsquo;acteurs pour adopter une approche syst&eacute;mique, invitant &agrave; penser l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me info-communicationnel en continuum et dans une vis&eacute;e participative.</p> <h2><a id="t2"></a>LA DURABILIT&Eacute; ACTUELLE DE L&rsquo;ORGANISATION APPRENANTE EN QUESTION</h2> <p>Consid&eacute;rer l&rsquo;organisation scolaire comme une organisation apprenante, au m&ecirc;me titre que l&rsquo;entreprise &laquo;&nbsp;innovante&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est pointer les pratiques et dispositions qu&rsquo;elle peut mettre en &oelig;uvre pour &eacute;voluer avec son &eacute;cosyst&egrave;me informationnel (Argyris &amp; Sch&ouml;n, 2001, Senge, 2012) et tenter de rep&eacute;rer les dimensions organisationnelles de l&rsquo;apprentissage, notamment dans l&rsquo;adaptabilit&eacute; au changement. Pour qu&rsquo;une organisation puisse &ecirc;tre qualifi&eacute;e d&rsquo;apprenante, elle doit en effet modifier les valeurs qui guident les strat&eacute;gies d&rsquo;action. Il nous semble que l&rsquo;entreprise et plus encore aujourd&rsquo;hui l&rsquo;&eacute;cole sont appel&eacute;es &agrave; relever cet objectif.</p> <h3>Quand l&rsquo;organisation doit faire du lien</h3> <p>Face &agrave; la porosit&eacute; des contextes sociaux, l&rsquo;articulation des savoirs formels et non formels, des pratiques d&rsquo;information-communication scolaires et non scolaires, constitue un d&eacute;fi &agrave; relever pour l&rsquo;organisation scolaire, aux prises avec des contradictions importantes. Nous avons pu constater, lors de nos investigations en milieu scolaire, combien les enseignants confiaient leur sensation de ne pas &ecirc;tre en mesure de d&eacute;ployer les situations de formation ad&eacute;quates aux besoins des &eacute;l&egrave;ves, et aux n&eacute;cessit&eacute;s d&rsquo;enseignement &eacute;mergentes. Ainsi en t&eacute;moigne cette professeure d&rsquo;Anglais, confront&eacute;e &agrave; des imp&eacute;ratifs de formation qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; pr&eacute;par&eacute;e &agrave; mettre en &oelig;uvre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je sens bien que mes &eacute;l&egrave;ves ont des besoins de formation, et on me demande de les sensibiliser &agrave; des questions autour du num&eacute;rique (&hellip;) Mais moi-m&ecirc;me, je t&acirc;tonne dans ce domaine, et je sais pas trop comment me former mieux, seule, au-del&agrave; de ma discipline pure&nbsp;&raquo;. Un enseignant en Histoire-G&eacute;ographie affirme utiliser internet pour pr&eacute;parer ses cours mais jamais pour faire travailler ses &eacute;l&egrave;ves. Il consid&egrave;re au contraire qu&rsquo;il faut &eacute;viter absolument de donner des travaux de recherche &agrave; ses &eacute;l&egrave;ves &agrave; la maison de crainte du copi&eacute;-coll&eacute;. Une enseignante de Fran&ccedil;ais souligne, quant &agrave; elle, la difficult&eacute; pour les &eacute;l&egrave;ves de comprendre les consignes issues des programmes actuels et la complexit&eacute; pour les enseignants de ma&icirc;triser l&rsquo;usage par les &eacute;l&egrave;ves des ressources informationnelles sur internet pour r&eacute;pondre &agrave; ces consignes, ce qui pose un probl&egrave;me d&rsquo;in&eacute;galit&eacute; selon leurs pratiques plus ou moins autoris&eacute;es.</p> <p>Plus encore, nous avons constat&eacute; des &eacute;carts importants entre les pratiques informationnelles spontan&eacute;es, non formelles, des adolescents &ndash; telle que la recherche via le moteur de recherche Google ou via les images&ndash; et des r&egrave;gles de proc&eacute;dure extr&ecirc;mement rigides et inappropri&eacute;es mises en place par des professionnels de l&rsquo;information en milieu scolaire, soucieux de conserver une certaine ma&icirc;trise sur les dispositifs techniques et les pratiques li&eacute;es (Cordier, 2011). Nombreux sont les enseignants, lorsque les &eacute;l&egrave;ves sont engag&eacute;s dans un travail de groupe mettant en jeu le num&eacute;rique, &agrave; s&rsquo;interroger sur leur place dans le dispositif de formation, leur r&ocirc;le ne leur apparaissant alors plus aussi nettement que lorsqu&rsquo;ils sont en possession pleine et enti&egrave;re du dispositif de transmission des savoirs. Ainsi, les diff&eacute;rences de positionnement dans l&rsquo;espace physique, num&eacute;rique et cognitif pendant le suivi des &eacute;l&egrave;ves en TPE sont tr&egrave;s importantes entre enseignants, du retrait total &agrave; une co-pr&eacute;sence qui peut &ecirc;tre v&eacute;cue comme intrusive par les enseignants et par les &eacute;l&egrave;ves.</p> <p>D&rsquo;ailleurs, plusieurs font allusion &agrave; l&rsquo;annonce proph&eacute;tique d&rsquo;une &laquo;&nbsp;d&eacute;sinterm&eacute;diation&nbsp;&raquo; dont se font &eacute;cho les m&eacute;dias ou encore des essais, pr&ocirc;nant l&rsquo;av&egrave;nement d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;ration &laquo;&nbsp;digital native&nbsp;&raquo; (Prensky, 2001&nbsp;; Serres, 2013). De nos &eacute;tudes ressort la n&eacute;cessit&eacute; pour les organisations de r&eacute;affirmer la place des interactions humaines dans l&rsquo;acte d&rsquo;enseignement-apprentissage. Les d&eacute;l&eacute;gations de &laquo;&nbsp;confiance informationnelle&nbsp;&raquo; (Maurel, 2012) constat&eacute;es en entreprise sont tout &eacute;galement &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans le monde scolaire, o&ugrave; les &eacute;l&egrave;ves font part de leur inqui&eacute;tude face &agrave; l&rsquo;effacement de l&rsquo;enseignant au profit de la ressource-outil. C&rsquo;est ainsi que Reynald, 17 ans, remarque que &laquo;&nbsp;d&egrave;s qu&rsquo;il y a des ordis, les profs se disent qu&rsquo;on sait faire, et ils nous laissent un peu nous d&eacute;brouiller comme on peut&nbsp;&raquo;, cependant qu&rsquo;Armelle, 17 ans, nous alerte sur une confusion constante dans le corps enseignant entre l&rsquo;acc&egrave;s aux techniques d&rsquo;information-communication et leur appropriation&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le probl&egrave;me, c&rsquo;est que les profs ils consid&egrave;rent qu&rsquo;on doit conna&icirc;tre, et qu&rsquo;on sait faire parce que nous, on est &quot;les Jeunes du 21&egrave;me si&egrave;cle&quot;, vous voyez, genre les branch&eacute;s, quoi. Mais concr&egrave;tement, moi, j&rsquo;avais jamais vu &ccedil;a [logiciel de montage photos/vid&eacute;os] avant, chez moi je fais pas &ccedil;a, donc je sais pas l&rsquo;utiliser. C&rsquo;est pas parce que j&rsquo;ai un I-Phone que je suis cal&eacute;e &raquo;. Dans l&rsquo;entreprise, on retrouve un d&eacute;calage entre des pratiques sociales en r&eacute;seau num&eacute;rique, notamment chez les plus jeunes, et des pratiques professionnelles fig&eacute;es, enferm&eacute;es dans un mod&egrave;le informationnel de stockage et de fermeture li&eacute; aux usages commerciaux, &agrave; la concurrence, &agrave; la structure &eacute;conomique du march&eacute;, mais surtout, d&rsquo;apr&egrave;s les entretiens, &agrave; la gestion du temps professionnel et &agrave; l&rsquo;absence de culture de l&rsquo;information de base. Aucun des professionnels observ&eacute;s, quel que soit son &acirc;ge, n&rsquo;utilise les r&eacute;seaux socio-num&eacute;riques dans une vis&eacute;e de recherche d&rsquo;information ou d&rsquo;apprentissage. Leurs pratiques de recherche d&rsquo;information sont peu diversifi&eacute;es, li&eacute;es &agrave; leur formation initiale centr&eacute;e sur l&rsquo;apprentissage des r&egrave;gles de l&rsquo;art et d&rsquo;une culture d&rsquo;atelier qui fonctionne plut&ocirc;t sur le mode de l&rsquo;&eacute;change dans un circuit ferm&eacute;. Les traces de collecte d&rsquo;information, sous la forme de signets organis&eacute;s en listes th&eacute;matiques, r&eacute;v&egrave;lent une &eacute;conomie de moyens qui ne d&eacute;pend absolument pas de l&rsquo;appartenance g&eacute;n&eacute;rationnelle : les plus jeunes sont tr&egrave;s r&eacute;ticents &agrave; d&eacute;velopper des strat&eacute;gies expertes de recherche d&rsquo;information sur le web.</p> <p>Ainsi, dans l&rsquo;&eacute;cole comme dans l&rsquo;entreprise dans notre contexte, les d&eacute;calages des pratiques, des temps et des espaces sociaux de circulation de l&rsquo;information emp&ecirc;chent que se construisent des &eacute;cosyst&egrave;mes durables.</p> <h3>Une red&eacute;finition des savoirs et des m&eacute;diations</h3> <p>Les dimensions organisationnelles de l&rsquo;apprentissage se situent au niveau socio-technique, syst&eacute;mique et culturel (Argyris &amp; Sch&ouml;n, 2001). C&rsquo;est au final une red&eacute;finition des m&eacute;diations des savoirs qui doit &ecirc;tre op&eacute;r&eacute;e, appelant les professionnels &agrave; modifier en cons&eacute;quence leurs priorit&eacute;s (Liqu&egrave;te, 2010), faisant leur le concept d&rsquo;apprenance (Senge, 2012). Rappelons que l&rsquo;apprenance, consid&eacute;r&eacute;e &agrave; la fois comme concept et comme attitude, consiste en une transformation parall&egrave;le des personnes et des organisations. D&eacute;finie par Carr&eacute; comme &laquo;&nbsp;un ensemble durable de dispositions favorables &agrave; l&rsquo;action d&rsquo;apprendre dans toutes les situations formelles et informelles, de fa&ccedil;on exp&eacute;rientielle ou didactique, autodirig&eacute;e ou non, intentionnelle ou fortuite&nbsp;&raquo; (Carr&eacute;, Lebelle, 2009), elle suppose une structure de l&rsquo;organisation permettant les interactions et l&rsquo;&eacute;mergence de formes de cognition distribu&eacute;e. Celle-ci &eacute;merge lorsque l&rsquo;interaction entre des technologies cognitives li&eacute;es &agrave; un environnement particulier (un espace de travail par exemple) et des espaces d&rsquo;&eacute;changes li&eacute;s aux agencements sociaux (dans un type de t&acirc;che requis) cr&eacute;ent des formes collaboratives d&rsquo;apprentissage (Conein, 2004). Si l&rsquo;on consid&egrave;re comme outillage informationnel les espaces, supports, machines, dispositifs qui permettent de trouver et traiter l&rsquo;information, on peut dire que les lyc&eacute;ens utilisent ou sont susceptibles d&rsquo;utiliser une gamme tr&egrave;s large d&rsquo;outils qui les autorise &agrave; varier les modalit&eacute;s d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;information, quand ces outils sont &agrave; leur disposition. La gamme des professionnels est moins large et plus complexe sur leur lieu de travail. Elle est li&eacute;e &agrave; l&rsquo;activit&eacute; et &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; de produire des documents sous des formes normalis&eacute;es, dans des temporalit&eacute;s contraintes et des modalit&eacute;s d&rsquo;&eacute;changes qui obligent &agrave; conserver des traces de cette activit&eacute;. Cependant ces traces ne sont pas toujours r&eacute;utilisables dans une vis&eacute;e d&rsquo;apprentissage parce qu&rsquo;elles n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; con&ccedil;ues comme telles. A priori, le choix et les usages des outils d&eacute;pendent au d&eacute;part de ce que l&rsquo;environnement social offre &agrave; chacun, mais ils sont susceptibles de changer dans une organisation apprenante.</p> <p>Ce que l&rsquo;organisation apprenante est suppos&eacute;e construire, ce sont les conditions de ce qu&rsquo;Edgar Morin (1990), qualifie de reliance, la culture des liens entre univers diff&eacute;rents, d&eacute;passant les cloisonnements disciplinaires, n&eacute;cessitant une certaine flexibilit&eacute; cognitive, l&rsquo;acceptation de la complexit&eacute;, et entrant dans une dynamique de m&eacute;diation. Le r&ocirc;le de l&rsquo;enseignant est essentiel pour assurer cette m&eacute;diation au lyc&eacute;e. Dans l&rsquo;entreprise, la m&eacute;diation est plut&ocirc;t technique&nbsp;; si elle passe parfois par des m&eacute;canismes d&rsquo;affiliation, rares sont les entreprises qui autorisent ces m&eacute;canismes en dehors d&rsquo;une structure hi&eacute;rarchique d&rsquo;assignation des t&acirc;ches et des comp&eacute;tences. Dans l&rsquo;une de celles que nous avons observ&eacute;es, la chef d&rsquo;entreprise met en place un syst&egrave;me de rencontres rapides autour de th&eacute;matiques dans lesquelles tous ont la parole et peuvent apporter leur point de vue, ainsi qu&rsquo;une redistribution fr&eacute;quente des r&ocirc;les en fonction des projets, qui permet l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;apprentissages entre pairs. La chef d&rsquo;entreprise elle-m&ecirc;me utilise un vocabulaire relativement expert pour d&eacute;crire ses propres pratiques et dispositifs informationnels, tout en expliquant qu&rsquo;elle n&rsquo;est pas all&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;cole mais a appris de ses salari&eacute;es ou stagiaires. Dans les tr&egrave;s petites entreprises, la m&eacute;diation passe par les &laquo;&nbsp;documents pour l&rsquo;action&nbsp;&raquo; (Zacklad, 2007), co-construits de fa&ccedil;on dynamique par les collaborateurs pour un projet, autour desquels des &eacute;changes de comp&eacute;tences et des m&eacute;canismes de co-l&eacute;gitimation de pratiques informationnelles peuvent prendre place.</p> <p>Paradoxalement, l&rsquo;&eacute;cole ne semble pas jouer pleinement son r&ocirc;le d&rsquo;organisation apprenante, en partie du fait des repr&eacute;sentations des r&ocirc;les, des comp&eacute;tences et des pratiques respectifs de l&rsquo;enseignant et de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve. L&rsquo;organisation des TPE montre que le fonctionnement des groupes d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves laisse souvent la place &agrave; des ph&eacute;nom&egrave;nes de leadership qui peuvent freiner la construction collaborative de connaissances, ou renforcer les fractures sociales, culturelles ou cognitives.</p> <h2><a id="t3"></a>DES SAVOIRS D&Eacute;VELOPP&Eacute;S DANS LA LOGIQUE DE LA &laquo;&nbsp;DOUBLE BOUCLE&nbsp;&raquo;</h2> <p>Plusieurs dispositifs d&rsquo;information-communication favorisent, au sein de l&rsquo;organisation scolaire comme de l&rsquo;entreprise, le d&eacute;veloppement de l&rsquo;apprentissage &laquo;&nbsp;en double boucle&nbsp;&raquo; (Argyris &amp; Sch&ouml;n, 2001). Ce dernier consiste non pas seulement &agrave; d&eacute;tecter et corriger une erreur, mais &agrave; modifier plus profond&eacute;ment, &agrave; partir de la r&eacute;solution d&rsquo;erreur, la fa&ccedil;on de penser, le cadre de perception de la situation dans l&rsquo;action. Au c&oelig;ur de ces situations, un apprentissage qui se fait dans l&rsquo;action et dans la r&eacute;flexion, tissant des liens t&eacute;nus entre savoirs et pratiques. La posture de la reconnaissance est favoris&eacute;e au d&eacute;triment de celle de contr&ocirc;le, la reconnaissance naissant dans l&rsquo;interaction, la transaction, la transformation qui s&rsquo;appuient sur les savoirs d&rsquo;action (De Ketele, 2011).</p> <h3>Une red&eacute;finition des contours des d&eacute;marches expertes</h3> <p>Une telle conception pragmatique de l&rsquo;organisation incite &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de communaut&eacute;s de pratique (Wenger, 2005) au sein desquelles nous avons pu concr&egrave;tement observer les pratiques de coordination et les espaces de n&eacute;gociation de l&rsquo;activit&eacute; en cours de r&eacute;alisation. Les acteurs, mus par un engagement mutuel, une entreprise commune, et un r&eacute;pertoire partag&eacute; (Wenger, 2005), mettent alors en place une organisation collective particuli&egrave;rement riche. Lors des projets interdisciplinaires, reposant sur la coordination et la planification de l&rsquo;action collective,&nbsp; les &eacute;l&egrave;ves s&rsquo;organisent pour d&eacute;terminer le r&ocirc;le de chacun dans le collectif, mais aussi confier des fonctions de validation de l&rsquo;activit&eacute; informationnelle au sein du groupe. Cette organisation est concr&egrave;tement effectu&eacute;e &agrave; travers des phases de concertation r&eacute;guli&egrave;res et clairement formalis&eacute;es (rassemblement autour d&rsquo;une table, prise de rendez-vous dans les agendas). La dynamique participative d&eacute;pend toutefois d&rsquo;un processus de prise de conscience de la responsabilit&eacute; individuelle de chaque membre du groupe dans le bon fonctionnement du collectif&nbsp;: c&rsquo;est ainsi que des temps communs de validation/v&eacute;rification des informations r&eacute;colt&eacute;es individuellement sont pr&eacute;vus, &agrave; la fois pour une prise de connaissance par tous des nouvelles donn&eacute;es et pour confrontation avec les informations d&eacute;j&agrave; recueillies, dans les projets de lyc&eacute;ens comme dans les entreprises.</p> <p>Des espaces de n&eacute;gociation, instances&nbsp;formelles mais surtout non formelles, se font &eacute;galement jour dans la communaut&eacute; des architectes en &eacute;co-construction. Dans une entreprise, le planning tr&egrave;s d&eacute;taill&eacute; des diff&eacute;rents projets, des r&eacute;unions et une vari&eacute;t&eacute; de dispositifs tr&egrave;s simples de communication permettent cette concertation. Une salari&eacute;e explique que &laquo;&nbsp;<em>des mini r&eacute;unions se font, &agrave; l&rsquo;embauche comme &agrave; la d&eacute;bauche, on se prend 5 ou 10 minutes et on parle de ce qui va, ce qui va pas, et de ce qu&rsquo;il faudrait am&eacute;liorer en fait&nbsp;</em>&raquo;, &laquo;<em>&nbsp;on fait beaucoup de petits papiers pour se noter des petites informations</em>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;<em>en fait on essaye vraiment de donner le mot, ou quand y&rsquo;a quelque chose de nouveau, de&nbsp; le faire, de le dire &agrave; tout le monde en fait, passer le message au mieux pour que &ccedil;a aille plus vite et que &ccedil;a soit beaucoup plus simple</em>&nbsp;&raquo;. Pour les architectes en entreprise unipersonnelle, ces espaces de n&eacute;gociation doivent se construire avec l&rsquo;ext&eacute;rieur. Une jeune architecte explique que l&rsquo;organisation consulaire (l&rsquo;Ordre des architectes) ne joue pas du tout le r&ocirc;le d&rsquo;impulsion ou d&rsquo;animation d&rsquo;une logique collective, et qu&rsquo;elle doit donc construire ses propres r&eacute;seaux dans des chantiers participatifs notamment, &laquo;&nbsp;<em>moments de rencontres de gens qui vont dans le m&ecirc;me sens</em>&nbsp;&raquo;, &agrave; partir desquels les connaissances s&rsquo;organisent autour de l&rsquo;action. Mais la documentation qu&rsquo;elle traite &agrave; partir de ces chantiers, de ses lectures ou de ses recherches, n&rsquo;est pas vraiment structur&eacute;e dans une logique collective, si bien qu&rsquo;elle affirme ne pas pouvoir la partager sous forme de base de donn&eacute;es, m&ecirc;me avec son compagnon, encore moins pour &laquo;&nbsp;<em>accompagner quelqu&rsquo;un pour le former</em>&nbsp;&raquo;. Une architecte plus exp&eacute;riment&eacute;e a appris &agrave; construire une base de donn&eacute;es dans un r&eacute;seau collaboratif et peut d&eacute;crire l&rsquo;architecture de l&rsquo;information qu&rsquo;elle a mise en place de fa&ccedil;on intuitive mais partag&eacute;e. Elle affirme &eacute;galement que les organisations ne jouent pas leur r&ocirc;le d&rsquo;apprenance ni m&ecirc;me de m&eacute;diation, en dehors de quelques r&eacute;seaux militants comme celui des constructeurs en paille.</p> <p>Dans cette perspective, la posture de chacun au sein de l&rsquo;organisation fait l&rsquo;objet de repositionnements. L&rsquo;expert n&rsquo;est plus celui qui d&eacute;tient le savoir, mais celui qui est capable de faire du lien entre des pratiques d&rsquo;information-communication souvent distingu&eacute;es d&rsquo;une sph&egrave;re de d&eacute;ploiement &agrave; une autre, et de faire &eacute;merger le sens de l&rsquo;activit&eacute; informationnelle d&eacute;ploy&eacute;e (Cordier, 2012). Nous avons pu observer une circulation sociale de l&rsquo;expertise, porteuse de pistes d&rsquo;action pour un enseignement-apprentissage dynamique. Il en est ainsi de cette situation p&eacute;dagogique o&ugrave; le professeur documentaliste exhorte les &eacute;l&egrave;ves d&rsquo;une classe &agrave; exploiter les comp&eacute;tences qu&rsquo;ils mettent en &oelig;uvre avec les objets num&eacute;riques en dehors de l&rsquo;&eacute;cole. De m&ecirc;me, cet enseignant d&eacute;veloppe une p&eacute;dagogie souple, laissant les &laquo;&nbsp;arts de faire&nbsp;&raquo; (Certeau, 2004) des adolescents s&rsquo;exprimer, pour pouvoir ensuite d&eacute;velopper des apprentissages info-documentaires. Une modalit&eacute; p&eacute;dagogique que les &eacute;l&egrave;ves per&ccedil;oivent, et pl&eacute;biscitent, &agrave; l&rsquo;instar de Julie, 16 ans&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il est curieux de voir comment on s&rsquo;y prend. Quand on fait des trucs avec Internet, tout &ccedil;a, il nous demande ce que c&rsquo;est, comment &ccedil;a marche, comment on a connu &ccedil;a [...] Je trouve &ccedil;a cool parce qu&rsquo;il est pas &agrave; nous dire &laquo;&nbsp;Faut faire &ccedil;a&nbsp;&raquo;, il regarde comment on fait et puis il s&rsquo;adapte&nbsp;&raquo;, ou encore de Ana&iuml;s, 16 ans, qui souligne un sentiment de maturit&eacute; &agrave; cette occasion&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Moi, j&rsquo;ai eu l&rsquo;impression que je savais faire des choses, et en m&ecirc;me temps j&rsquo;ai appris plein de choses nouvelles, j&rsquo;ai eu l&rsquo;impression de grandir</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>La modification de la posture de &quot;l&rsquo;expert&quot; est ici essentielle &agrave; observer, car elle t&eacute;moigne d&rsquo;un glissement d&rsquo;une expertise traditionnellement centralis&eacute;e &agrave; une expertise distribu&eacute;e. Pensons &agrave; cette situation d&rsquo;enseignement-apprentissage o&ugrave; le professeur documentaliste d&eacute;cide d&rsquo;extraire des groupes de travail un &eacute;l&egrave;ve&nbsp;; cependant que les autres membres des groupes de travail poursuivent leur activit&eacute; de recherche d&rsquo;information, l&rsquo;enseignant forme les membres &quot;isol&eacute;s&quot; au portail documentaire, chacun &eacute;tant alors charg&eacute; d&rsquo;assurer aupr&egrave;s des membres de son groupe de travail la formation &agrave; cet objet. Une situation concr&egrave;te de &laquo;&nbsp;d&eacute;l&eacute;gation de confiance informationnelle&nbsp;&raquo;&nbsp;(Maurel, 2012) qui, alli&eacute;e aux pratiques de coordination, n&eacute;gociation et r&eacute;gulation, a un impact fort sur l&rsquo;activit&eacute; &ndash; qu&rsquo;elle soit informationnelle ou professionnelle &ndash; en construction.</p> <h3>Une organisation responsabilisante</h3> <p>En effet, rappelons combien, dans une communaut&eacute; de pratique, l&rsquo;entreprise commune n&rsquo;est pas r&eacute;sum&eacute;e par un objectif commun, mais cr&eacute;e chez les participants une relation de responsabilit&eacute; mutuelle qui devient partie int&eacute;grante de la pratique. Pr&eacute;cis&eacute;ment, c&rsquo;est parce que chacun endosse un sentiment fort de responsabilit&eacute; dans la r&eacute;ussite de l&rsquo;activit&eacute; engag&eacute;e, un sentiment favoris&eacute; par un professionnel expert orchestrant la situation info-communicationnelle, que l&rsquo;organisation est profond&eacute;ment modifi&eacute;e.</p> <p>Le d&eacute;veloppement des savoirs selon un apprentissage &laquo;&nbsp;en double boucle&nbsp;&raquo; fait de l&rsquo;&eacute;cole une organisation r&eacute;solument responsabilisante, valorisant la prise d&rsquo;initiative, au d&eacute;triment d&rsquo;une vision d&rsquo;un management op&eacute;r&eacute; sur un mode prescrit o&ugrave; les responsabilit&eacute;s sont centralis&eacute;es, et les apprenants plac&eacute;s dans une posture ex&eacute;cutive. Les modalit&eacute;s de m&eacute;diation de la relation sujet-communaut&eacute; mettent en lumi&egrave;re l&rsquo;organisation sociale de cette communaut&eacute; d&rsquo;apprentissage (Engestr&ouml;m, 2011)&nbsp;: lors des TPE, au lyc&eacute;e, un planning d&rsquo;objectifs, avec temporalit&eacute;s et r&eacute;partition des t&acirc;ches &agrave; respecter, est contractualis&eacute; avec les apprenants, les engageant dans une d&eacute;marche de responsabilit&eacute; vis-&agrave;-vis de leur activit&eacute; informationnelle. Une attention toute particuli&egrave;re est alors accord&eacute;e &agrave; ce que se cr&eacute;e effectivement une communaut&eacute; de pratique, lorsque les acteurs sont engag&eacute;s dans un travail collaboratif. En effet, le travail collaboratif implique engagement mutuel et effort coordonn&eacute;, exigeant fortement maturit&eacute; et autonomie dans les apprentissages (Dillenbourg, 1999). Une &laquo;&nbsp;construction collective de connaissances&nbsp;&raquo; (Morin, 1990) qui est particuli&egrave;rement complexe, dans la mesure o&ugrave; l&rsquo;autonomie se situe au c&oelig;ur de la probl&eacute;matique de l&rsquo;individu et du collectif. Une responsabilisation mutuelle est alors &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre, engageant les individus dans une entreprise commune, valorisante pour chacun, quel que soit son r&ocirc;le dans cette cha&icirc;ne d&rsquo;information-communication &agrave; op&eacute;rer. Lorsque cette organisation sociale n&rsquo;est pas mise en place ou pas fonctionnelle, comme dans cet autre lyc&eacute;e o&ugrave; les moyens de collaboration sont tr&egrave;s peu valoris&eacute;s, le rapport au savoir et &agrave; l&rsquo;information toujours descendant et centralis&eacute; malgr&eacute; la philosophie du dispositif des TPE, la construction collective de connaissances est difficile, les in&eacute;galit&eacute;s dans le rapport &agrave; l&rsquo;information durables. De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, dans la communaut&eacute; professionnelle, on a vu que l&rsquo;organisation globale, tr&egrave;s individualiste, porteuse d&rsquo;un mod&egrave;le de formation bas&eacute; sur la transmission des r&egrave;gles de l&rsquo;art relativement ferm&eacute; (une jeune architecte explique qu&rsquo;elle n&rsquo;avait jamais utilis&eacute; Google &agrave; l&rsquo;&eacute;cole d&rsquo;architecture, quand elle est sortie en 2007), ne favorise pas l&rsquo;&eacute;change et la prise en compte de l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me global. En l&rsquo;absence de m&eacute;diation par un professionnel, c&rsquo;est l&rsquo;objectif partag&eacute; qui incite les membres du collectif &agrave; rechercher des informations nouvelles et &agrave; les mutualiser dans des dispositifs souvent bricol&eacute;s mais relativement efficaces, comme le classement et la nomenclature des documents et des dossiers sur le serveur de l&rsquo;entreprise, associ&eacute;s &agrave; l&rsquo;instauration de moments de discussion li&eacute;s &agrave; l&rsquo;avanc&eacute;e des projets.</p> <h2><a id="t4"></a>UN &Eacute;COSYSTEME PENS&Eacute; EN CONTINUUM ET DANS UNE VIS&Eacute;E PARTICIPATIVE</h2> <p>L&rsquo;action des individus, quelle qu&rsquo;elle soit, est profond&eacute;ment situ&eacute;e, et les travaux que nous menons sur les pratiques informationnelles sont travers&eacute;s par la probl&eacute;matique des lieux, des espaces et des relations. Alli&eacute;e &agrave; cette probl&eacute;matique se trouve celle de l&rsquo;autonomie, consid&eacute;r&eacute;e comme la capacit&eacute; des individus &agrave; s&rsquo;adapter &agrave; un environnement, en tirant parti de ses connaissances et comp&eacute;tences.</p> <h3>D&eacute;velopper un &eacute;cosyst&egrave;me complexe adapt&eacute;</h3> <p>C&rsquo;est pourquoi une r&eacute;flexion doit &ecirc;tre engag&eacute;e pour penser un &eacute;cosyst&egrave;me adapt&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;mancipation critique des &eacute;l&egrave;ves au sein de l&rsquo;organisation scolaire, et des professionnels au sein des communaut&eacute;s de pratique, leur permettant de faire du lien entre les r&eacute;seaux de sociabilit&eacute; qui sont les leurs et les objets acad&eacute;miques ou techniques qui s&rsquo;imposent &agrave; eux. Les adolescents observ&eacute;s ont en effet tendance &agrave; exploiter, pour mutualiser des ressources et savoirs, des environnements informationnels non institutionnels, alors que les professionnels ont besoin d&rsquo;instrumenter leur activit&eacute; pour cr&eacute;er les conditions de la reliance (Morin, 1997). Comment alors penser le continuum de l&rsquo;environnement informationnel de ces acteurs et cr&eacute;er les conditions d&rsquo;une v&eacute;ritable durabilit&eacute;&nbsp;? Il s&rsquo;agit pour l&rsquo;organisation de cr&eacute;er des environnements informationnels assistant le processus de participation et la structuration de la pratique au sein du groupe. Dans les entreprises, cette prise en compte de la dimension participative dans le processus d&rsquo;information et d&rsquo;apprentissage, jusque dans l&rsquo;association des usagers &agrave; la r&eacute;flexion sur le devenir des projets, appara&icirc;t comme une n&eacute;cessit&eacute; incontournable, m&ecirc;me si la fa&ccedil;on de l&rsquo;organiser n&rsquo;est pas syst&eacute;matique, donc pas encore con&ccedil;ue comme une r&egrave;gle de management.</p> <p>Le num&eacute;rique peut soutenir la m&eacute;diation des savoirs, notamment par la conception de produits documentaires adapt&eacute;s tant au public vis&eacute; qu&rsquo;&agrave; la situation intentionnelle d&rsquo;appropriation du contenu. Les professeurs documentalistes ont compris cette n&eacute;cessit&eacute; et proposent de plus en plus souvent, dans les portails documentaires qu&rsquo;ils construisent, &agrave; la fois des ressources-outils format&eacute;es selon les besoins rep&eacute;r&eacute;s des &eacute;l&egrave;ves, et des espaces de socialisation num&eacute;rique &agrave; l&rsquo;interface entre pratiques non formelles d&rsquo;information des &eacute;l&egrave;ves et espace scolaire (Facebook, Twitter, Instagram&hellip;). Ce type de m&eacute;diation semble efficace quand il est ancr&eacute; dans des projets pr&eacute;cis. Il permet justement d&rsquo;inscrire dans la dur&eacute;e leur accompagnement. Ainsi, dans l&rsquo;un des lyc&eacute;es observ&eacute;s, les &eacute;l&egrave;ves consultent fr&eacute;quemment une ressource cr&eacute;&eacute;e par un professeur documentaliste autour des techniques de traitement de texte, tout en reconnaissant qu&rsquo;au d&eacute;part, &laquo;&nbsp;on n&rsquo;y comprenait rien et on ne voyait pas du tout l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit de proc&eacute;der &agrave; des sc&eacute;narisations de parcours dans les ressources propos&eacute;es, avec &laquo;&nbsp;des modalit&eacute;s d&rsquo;accompagnement et de r&eacute;gulation tout au long du parcours d&rsquo;apprentissages ou d&rsquo;expositions informationnelles&nbsp;&raquo; (Liqu&egrave;te, 2014). Les outils de formation &agrave; distance rec&egrave;lent &eacute;galement des potentialit&eacute;s de combinaison des temps, des espaces et des modalit&eacute;s personnels et d&rsquo;apprentissage qui sont encore loin d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; explor&eacute;es dans le milieu scolaire.</p> <h3>Favoriser l&rsquo;engagement des acteurs</h3> <p>Pour autant, il ne faut pas omettre que les acteurs, pour agir, s&rsquo;appuient aussi sur un environnement physique et social, un &eacute;cosyst&egrave;me constitu&eacute; d&rsquo;objets et de personnes, selon le d&eacute;ploiement d&rsquo;un r&eacute;gime d&rsquo;engagement en plan (Th&eacute;venot, 2006). Les th&eacute;ories de l&rsquo;action situ&eacute;e ont point&eacute; ce lien intrins&egrave;que existant entre l&rsquo;activit&eacute; humaine &ndash; quelle que soit sa sph&egrave;re de d&eacute;ploiement &ndash; et le contexte au sein duquel cette activit&eacute; se d&eacute;roule. L&rsquo;observation des communaut&eacute;s professionnelles aussi bien que celle des &eacute;l&egrave;ves montre l&rsquo;importance du projet pour f&eacute;d&eacute;rer cette activit&eacute; et mobiliser ou instrumentaliser les connaissances, les comp&eacute;tences individuelles et leur distribution.</p> <p>Il revient alors aux professionnels de l&rsquo;information-communication de mettre en place des formes de management pour favoriser les &laquo;&nbsp;espaces d&rsquo;actions encourag&eacute;es&nbsp;&raquo; (Bril, 2002) dans l&rsquo;organisation, constitu&eacute;s d&rsquo;affordances, qui permettent &agrave; l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve ou au professionnel de d&eacute;velopper son potentiel d&rsquo;action. De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, la prise en compte des temporalit&eacute;s de l&rsquo;activit&eacute; doit int&eacute;grer celles des apprentissages. Cela passe par un processus de r&eacute;ification (Wenger, 2005) qui vient supporter le processus de participation, et aide &agrave; la structuration de la pratique au sein du groupe. Des produits interm&eacute;diaires cr&eacute;&eacute;s lors de l&rsquo;activit&eacute; informationnelle, d&rsquo;abord par le professionnel orchestrant l&rsquo;activit&eacute;, puis r&eacute;appropri&eacute;s par les acteurs-apprenants, favorisent avec force cette structuration collective de l&rsquo;activit&eacute; (storyboard, environnement informationnel num&eacute;rique de travail commun,&hellip;). La construction des apprentissages qui s&rsquo;appuie sur des rep&egrave;res personnels, des fa&ccedil;ons famili&egrave;res de faire avec les autres ou chez soi, diff&egrave;re en effet de celle qui est guid&eacute;e par les r&egrave;gles conventionnelles de l&rsquo;&eacute;cole ou de l&rsquo;entreprise. L&rsquo;individu a tendance &agrave; privil&eacute;gier un format sp&eacute;cifique de partage de connaissances selon sa repr&eacute;sentation de la mani&egrave;re dont il convient d&rsquo;agir dans la situation. Des outils de cognition distribu&eacute;e, voire des formats de connaissance, symbolisant la vision d&rsquo;un &laquo;&nbsp;individu-plus&nbsp;&raquo; (Perkins, 1995), tel que le carnet de bord de TPE, la carte heuristique, le plan, constituent des soutiens non n&eacute;gligeables &agrave; la d&eacute;marche r&eacute;flexive. De tels outils permettent de consid&eacute;rer les individus dans toute leur complexit&eacute;, &agrave; la fois comme acteurs d&rsquo;une organisation et acteurs du monde social, et de voir leur environnement physique et social comme d&eacute;terminant dans le d&eacute;veloppement de leur activit&eacute; informationnelle.</p> <h2><a id="t6"></a>CONCLUSION</h2> <p>Ces recherches crois&eacute;es, men&eacute;es au plus pr&egrave;s des acteurs, nous semblent permettre d&rsquo;envisager concr&egrave;tement des &laquo;&nbsp;potentialit&eacute;s d&rsquo;&eacute;volution organisationnelle&nbsp;&raquo; (Vacher, 2009), et ce pour les deux types d&rsquo;organisation ici travaill&eacute;es, afin de leur assurer une durabilit&eacute;. L&rsquo;entreprise, dans le contexte que nous avons &eacute;tudi&eacute;, &eacute;volue vers une nouvelle &eacute;conomie cognitive bas&eacute;e sur des r&eacute;seaux de savoirs partag&eacute;s qui restent &agrave; &eacute;tayer dans et entre les organisations, &agrave; travers la formation initiale et des formes de m&eacute;diation non pyramidales. Quant &agrave; l&rsquo;organisation scolaire, travers&eacute;e par de multiples d&eacute;bats sur sa l&eacute;gitimit&eacute; et sa capacit&eacute; &agrave; engager les apprenants dans une d&eacute;marche proactive de l&rsquo;apprentissage,&nbsp; elle est amen&eacute;e &agrave; penser concr&egrave;tement les croisements disciplinaires pour favoriser l&rsquo;adoption d&rsquo;un regard complexe sur le monde, et d&eacute;passer le &laquo;&nbsp;paradigme de simplification&nbsp;&raquo; tant d&eacute;plor&eacute; par Edgar Morin (Morin, 1990). Fondamentalement, une nouvelle logique pour cette organisation est &agrave; penser et &agrave; mettre en &oelig;uvre, modifiant en profondeur les normes organisationnelles qui la r&eacute;gissent.</p> <h2><a id="t7"></a>BIBLIOGRAPHIE</h2> <p>Argyris, C., Sch&ouml;n, D. (2001). Apprentissage organisationnel: Th&eacute;orie, m&eacute;thode, pratique. Bruxelles : De Boeck Universit&eacute;.</p> <p>Bril, B. (2002). Apprentissage et contexte. Intellectica, 35, 251-268.</p> <p>Carr&eacute;, P., Lebelle, M. (2009). Apprenance. L&#39;ABC de la VAE.&nbsp; Toulouse&nbsp;: ERES, 75.</p> <p>Certeau, M. de (2004). L&rsquo;invention du quotidien. 1&nbsp;: Arts de faire. 2&egrave;me &eacute;dition. Paris: Gallimard.</p> <p>Conein, B. (2004), Cognition distribu&eacute;e, groupe social et technologie cognitive, R&eacute;seaux, 2(124), 53-79.</p> <p>Cordier, A. (2011). Imaginaires, repr&eacute;sentations, pratiques formelles et non formelles de la recherche d&rsquo;information sur Internet&nbsp;: Le cas d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves de 6&egrave;me et de professeurs documentalistes. Th&egrave;se de Doctorat en Sciences de l&rsquo;Information et de la Communication, sous la direction de &Eacute;ric Delamotte et Vincent Liqu&egrave;te, Lille 3. Disponible sur&nbsp;:&nbsp;<a href="http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/73/76/37/PDF/THESE_Volume_1.pdf">http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/73/76/37/PDF/THESE_Volume_1.pdf</a></p> <p>Cordier A. (2012). Et si on enseignait l&rsquo;incertitude pour construire une culture de l&rsquo;information&nbsp;?. Communication &amp; Organisation, 42, ao&ucirc;t, 49-60.</p> <p>De Ketele,&nbsp;J-M.&nbsp; (2011). Vers une synth&egrave;se ouverte, in&nbsp;La professionnalit&eacute; &eacute;mergente&nbsp;: quelle reconnaissance&nbsp;?, Bruxelles&nbsp;: De Boeck Sup&eacute;rieur, 169-174.&nbsp;</p> <p>Dillenbourg, P. (1999). What do you mean by &laquo;&nbsp;collaborative learning&nbsp;&raquo;&nbsp;?. Disponible en ligne :&nbsp;<a href="http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/19/02/40/PDF/Dillenbourg-Pierre-1999.pdf">http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/19/02/40/PDF/Dillenbourg-Pierre-1999.pdf</a></p> <p>Engestr&ouml;m, Y. (2011). Th&eacute;orie de l&rsquo;activit&eacute; et Management. Management &amp; Avenir, 2(42), 170-182.</p> <p>Lehmans, A., Soumagnac, K. (2014). A la recherche de principes durables de partage des connaissances dans les communaut&eacute;s de pratique ouvertes, Colloque Connaissance et information en action, Bordeaux, 22-23 mai 2014.</p> <p>Liqu&egrave;te, V. (2010). M&eacute;diations. Paris: CNRS Editions.</p> <p>Liqu&egrave;te, V. (2014). Le professeur documentaliste face aux m&eacute;diations des savoirs&nbsp;: quels besoins, quels usages, quels dispositifs consid&eacute;rer&nbsp;?. Communication &agrave; la Journ&eacute;e Acad&eacute;mique des Professeurs Documentalistes, Rouen, 10 d&eacute;cembre 2014. Vid&eacute;o de l&rsquo;intervention disponible en ligne&nbsp;:&nbsp;<a href="https://www.youtube.com/watch?v=BfMCaq1UDmg&amp;feature=youtu.be">https://www.youtube.com/watch?v=BfMCaq1UDmg&amp;feature=youtu.be</a></p> <p>Maurel, D. (2012). La perception de la confiance informationnelle. Communication &amp; Organisations, 42, d&eacute;cembre, 73-90.</p> <p>Morin, E. (1990). Introduction &agrave; la pens&eacute;e complexe. Paris: ESF.</p> <p>Morin, E. (1997). R&eacute;forme de pens&eacute;e, transdisciplinarit&eacute;, r&eacute;forme de l&#39;Universit&eacute;. Communication au Congr&egrave;s International Quelle Universit&eacute; pour demain ? Vers une &eacute;volution transdisciplinaire de l&#39;Universit&eacute; (Locarno, Suisse, 30 avril - 2 mai 1997), texte publi&eacute; dans Motivation, 24, Disponible &agrave;&nbsp;:&nbsp;<a href="http://ciret-transdisciplinarity.org/bulletin/b12c1.php">http://ciret-transdisciplinarity.org/bulletin/b12c1.php</a></p> <p>Perkins, D. N. (1995). L&rsquo;individu-plus&nbsp;: une vision distribu&eacute;e de la pens&eacute;e et de l&rsquo;apprentissage. Revue Fran&ccedil;aise de P&eacute;dagogie, vol.111, avril-mai-juin, 57-71.</p> <p>Prensky, M. (2001). Digital Natives, Digital Immigrants. On the Horizon, 9(5), 01-06.</p> <p>Senge, P. (2012). La cinqui&egrave;me discipline&nbsp;: l&rsquo;art et la mani&egrave;re des organisations qui apprennent. Paris : First Editions.</p> <p>Serres, M. (2012). Petite Poucette. Paris&nbsp;: Le Pommier.</p> <p>Th&eacute;venot, L. (2006). L&rsquo;action au pluriel&nbsp;: sociologie des r&eacute;gimes d&rsquo;engagement. 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