<p><strong>Abstract&nbsp;:</strong>&nbsp;This article proposes to study the communication strategies and interactionist concepts implemented by practitioners of brief systemic intervention allowing them to initiate a process of sustainable change which is led by the actors of the system themselves. Through an analysis of observed communication phenomena and by refering to a qualitative and quantitative survey of 24 practitioners of brief systemic intervention conducted in France during our doctoral research work in Communication Sciences, we seek to discuss the compatibility of brief systemic intervention model currently practiced in organizations with the concepts of sustainable development and corporate social responsibility.</p> <p><strong>Keywords&nbsp;:</strong>&nbsp;Responsible management, organizational change,&nbsp;sustainable systemic intervention,&nbsp;trust,&nbsp;resilience</p> <p>&nbsp;</p> <h2>INTRODUCTION</h2> <p>Les organisations &laquo;&nbsp;responsables&nbsp;&raquo; sur le plan soci&eacute;tal et environnemental, m&ecirc;me les plus exemplaires d&rsquo;entre elles respectant la norme ISO 26000, ne sont pas &eacute;pargn&eacute;es par l&rsquo;&eacute;mergence de situations relationnelles probl&eacute;matiques pouvant compromettre l&rsquo;&eacute;quilibre du syst&egrave;me communicationnel. L&rsquo;int&eacute;gration et l&rsquo;arbitrage entre les trois dimensions du d&eacute;veloppement durable (&agrave; savoir &eacute;conomique, sociale et environnementale) cr&eacute;ent &eacute;galement des tensions qui se r&eacute;percutent sur le management&nbsp;; celui-ci va devoir s&rsquo;adapter pour transformer la d&eacute;fiance en confiance institutionnelle et relationnelle (Pratlong, Ben Ayed-Kouba, &amp; Maximin, 2011). L&rsquo;expression d&rsquo;une volont&eacute; de changement, que celle-ci &eacute;mane du management ou non, place n&eacute;cessairement le syst&egrave;me organisationnel dans une situation de transition caract&eacute;ris&eacute;e par son instabilit&eacute;. Le d&eacute;sir de changement ainsi exprim&eacute; par certains acteurs du syst&egrave;me est susceptible de se heurter &agrave; des r&eacute;sistances, sources d&rsquo;incertitudes, d&rsquo;incompr&eacute;hensions, de crispations, d&rsquo;&eacute;motions, de possibles souffrances au travail, voire de risques psychosociaux dans les cas les plus s&eacute;v&egrave;res(Bardelli &amp; Allouche, 2012). Pour mieux les anticiper, le &laquo;&nbsp;manager responsable&nbsp;&raquo; (Michaud, 2013) va chercher &agrave; coop&eacute;rer avec ses &eacute;quipes en stimulant leur d&eacute;sir de changer et de se mobiliser en instaurant un climat de confiance et d&rsquo;&eacute;coute(Kourilsky, 2008). Mais estimant qu&rsquo;il ne dispose pas des ressources n&eacute;cessaires pour anticiper de telles situations, r&eacute;soudre ces nouvelles probl&eacute;matiques et lever les r&eacute;sistances qu&rsquo;elles provoquent, le management peut dans certains cas &ecirc;tre amen&eacute; &agrave; faire appel &agrave; des consultants ext&eacute;rieurs ayant pour mission de les accompagner dans la mise en &oelig;uvre d&rsquo;un projet de conduite du changement, notion qui sera entendue ici comme une &laquo;&nbsp;logique d&rsquo;adaptation de l&#39;organisation au regard aussi bien de son environnement que d&#39;elle-m&ecirc;me. Il donne aujourd&rsquo;hui lieu aux th&egrave;mes strat&eacute;giques du changement, aux discours et aux r&eacute;cits qui l&#39;accompagnent, aux &ldquo;grilles&rdquo; et m&eacute;thodologies li&eacute;es et au d&eacute;veloppement de prestations de conseils &raquo;(Bouillon, Bourdin, &amp; Loneux, 2007). Tenant compte de l&rsquo;engagement responsable de l&rsquo;organisation dans laquelle ils &eacute;voluent, les managers peuvent &ecirc;tre amen&eacute;s &agrave; privil&eacute;gier certaines approches compatibles avec le concept de &laquo;&nbsp;changement durable&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me si dans la plupart des cas ceux-ci font face &agrave; des situations d&rsquo;urgence les contraignant &agrave; agir rapidement pour pr&eacute;server la dynamique qu&rsquo;ils ont &agrave; charge de nourrir chaque jour. Or, par d&eacute;finition, un changement, aussi rapide soit-il, ne peut &ecirc;tre durable que si l&rsquo;environnement varie peu&nbsp;; mais comme ce cas de figure ne se pr&eacute;sente pour ainsi dire jamais, il faut r&eacute;ussir &agrave; adapter les comportements et les solutions &agrave; mesure que le contexte environnemental et relationnel &eacute;volue, car les solutions mises en &oelig;uvre avec succ&egrave;s il y a quelques ann&eacute;es peuvent se r&eacute;v&eacute;ler &ecirc;tre la cause des probl&egrave;mes actuels. Pour &ecirc;tre qualifi&eacute; de &laquo;&nbsp;durable&nbsp;&raquo;, le changement initi&eacute; devra donc permettre aux organisations de devenir les plus &laquo;&nbsp;r&eacute;silientes&nbsp;&raquo; possibles (Koninckx &amp; Teneau, 2010) en leur permettant de r&eacute;pondre positivement et de mani&egrave;re autonome &agrave; l&rsquo;&eacute;volution constante de leur environnement par des strat&eacute;gies communicationnelles adapt&eacute;es aux nouvelles probl&eacute;matiques &eacute;mergentes. Alors que la plupart des organisations souffrent actuellement de la hausse constante des risques psychosociaux et des n&eacute;gligences en mati&egrave;re de respect des relations humaines, les approches de&nbsp;<em>problem solving</em>&nbsp;se focalisant sur l&rsquo;am&eacute;lioration de la qualit&eacute; des relations humaines semblent donc &ecirc;tre des plus pertinentes. Parmi les nombreuses approches utilis&eacute;es par les sp&eacute;cialistes de la conduite du changement, nous souhaitons ici nous int&eacute;resser plus particuli&egrave;rement &agrave; la pratique de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve, qui n&rsquo;est autre que l&rsquo;application hors champ th&eacute;rapeutique de la th&eacute;rapie br&egrave;ve syst&eacute;mique (Benoit et Perez-Benoit, 2006) et dont la principale caract&eacute;ristique est d&rsquo;accorder une place particuli&egrave;rement importante aux &eacute;motions, aux interactions, &agrave; la r&eacute;sistance au changement, et au concept batesonnien d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;&eacute;cologie&nbsp;&raquo; qui trouve en ce d&eacute;but de 21&egrave;me si&egrave;cle une r&eacute;sonnance toute particuli&egrave;re en faisant &eacute;cho aux concepts de d&eacute;veloppement durable et de responsabilit&eacute; soci&eacute;tale des organisations. Mais &agrave; l&rsquo;heure o&ugrave; le d&eacute;veloppement durable est devenu, si ce n&rsquo;est une obligation morale, une strat&eacute;gie &eacute;conomique pour les organisations qui souhaitent rationnaliser et &laquo; humaniser &raquo; leurs syst&egrave;mes d&rsquo;information et de communication sur le long terme, la notion de &laquo; bri&egrave;vet&eacute; &raquo; peut porter &agrave; confusion sur la nature des objectifs de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve dans le cadre d&rsquo;un projet de conduite du changement. Sachant que le changement souhait&eacute; par les managers se doit d&rsquo;&ecirc;tre &laquo; durable &raquo; (dans le sens o&ugrave; le probl&egrave;me ayant conduit &agrave; solliciter l&rsquo;aide d&rsquo;un intervenant ext&eacute;rieur est cens&eacute; ne plus se reproduire &agrave; l&rsquo;avenir) et que cette m&eacute;thode d&rsquo;accompagnement a la caract&eacute;ristique de se d&eacute;rouler sur des temps tr&egrave;s courts (5 &agrave; 7 s&eacute;ances en moyenne), nous voyons que le mod&egrave;le de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve porte en lui un &laquo;&nbsp;paradoxe de l&rsquo;exp&eacute;rience du temps&nbsp;&raquo;(Rosa, 2010) que nous avons mis en &eacute;vidence dans le cadre d&rsquo;une recherche doctorale (Hassani, 2014).&nbsp;</p> <h2><strong><a id="t2"></a>PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE</strong></h2> <p>Les notions de bri&egrave;vet&eacute; et d&rsquo;&eacute;cologie peuvent en effet appara&icirc;tre comme antagonistes : quand la premi&egrave;re &eacute;voque l&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&eacute;rit&eacute; et l&rsquo;efficacit&eacute;, la seconde s&rsquo;inscrit au contraire dans la dur&eacute;e et la p&eacute;rennit&eacute;. C&rsquo;est pourquoi nous proposons d&rsquo;&eacute;tudier ici quelles seraient les conditions &agrave; r&eacute;unir pour aboutir &agrave; ce que l&rsquo;on pourrait appeler une &laquo;&nbsp;intervention syst&eacute;mique durable&nbsp;&raquo; dont la bri&egrave;vet&eacute; pr&eacute;serverait le management &laquo; client du changement&nbsp;&raquo; d&rsquo;une relation de d&eacute;pendance&nbsp;&agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;intervenant ext&eacute;rieur, tout en conduisant leur organisation sur la voie de l&rsquo;autonomisation et de la r&eacute;silience&nbsp;? A l&rsquo;appui d&rsquo;une enqu&ecirc;te qualitative et quantitative men&eacute;e en France aupr&egrave;s de 24 praticiens de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve dans le cadre d&rsquo;une recherche doctorale en Sciences de l&rsquo;Information et de la Communication (Hassani, 2014), et par une d&eacute;marche qui s&rsquo;inscrit selon un positionnement &eacute;pist&eacute;mologique constructiviste et syst&eacute;mique, nous proposons d&rsquo;&eacute;tudier les strat&eacute;gies communicationnelles et les concepts interactionnistes mis en &oelig;uvre par les praticiens de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve leur permettant d&rsquo;initier une dynamique de&nbsp; changement durable dans le sens o&ugrave; celle-ci est port&eacute;e par les acteurs du syst&egrave;me eux-m&ecirc;mes. Par une analyse des ph&eacute;nom&egrave;nes communicationnels observ&eacute;s, nous cherchons &agrave; discuter la compatibilit&eacute; du mod&egrave;le de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve actuellement pratiqu&eacute; au sein des organisations avec les concepts de d&eacute;veloppement durable et de responsabilit&eacute; soci&eacute;tale des organisations.</p> <h2><a id="t3"></a>LE MOD&Egrave;LE ACTUEL DE L&rsquo;INTERVENTION SYST&Eacute;MIQUE BR&Egrave;VE</h2> <p>Que ce soit par manque d&#39;attention, de formation ou de temps, le management peut se sentir parfois d&eacute;muni pour r&eacute;pondre efficacement &agrave; des situations probl&eacute;matiques souvent synonymes de conflits interpersonnels. Alors que les cabinets de consulting auxquels ils sont habitu&eacute;s &agrave; faire appel prennent g&eacute;n&eacute;ralement plusieurs mois &ndash; voire plusieurs ann&eacute;es &ndash; pour solutionner leur probl&egrave;me, les sp&eacute;cialistes de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve leur proposent une m&eacute;thode de r&eacute;solution des probl&egrave;mes de communication qu&rsquo;ils pr&eacute;sentent souvent comme &eacute;tant &laquo; rapide&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;efficace &raquo;. La syst&eacute;mique communicationnelle propre au mod&egrave;le de Palo Alto d&eacute;velopp&eacute; au sein du&nbsp;<em>Mental Research Institute</em>&nbsp;par Don Jackson, Virginia Satir, Jule Riskin, Paul Watzlawick, Richard Fisch ou encore Jay Haley &agrave; la fin des ann&eacute;es 1950&rsquo; consid&egrave;re exclusivement les syst&egrave;mes humains comme des syst&egrave;mes de relations et de communications et propose une nouvelle approche des situations probl&eacute;matiques. Lucy Gill, ex-chercheuse du Mental Research Institute et auteure du &laquo;&nbsp;<em>best seller</em>&nbsp;&raquo; intitul&eacute; &laquo;&nbsp;<em>Comment r&eacute;ussir &agrave; travailler avec presque tout le monde ?</em>&nbsp;&raquo; publi&eacute; en 1999, a &eacute;tudi&eacute; pendant plus de huit ans le mod&egrave;le des th&eacute;rapies br&egrave;ves syst&eacute;miques et strat&eacute;giques aux c&ocirc;t&eacute; de Dick Fisch et John Weakland avant de le transposer pendant trente ans aux organisations en proposant un canevas de r&eacute;solution des probl&egrave;mes de management et de communication. Le mod&egrave;le des chercheurs californiens peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme une rupture conceptuelle dans la mesure o&ugrave; la d&eacute;marche syst&eacute;mique qu&#39;il propose ne se focalise pas sur l&#39;individu vivant une situation probl&eacute;matique, mais sur les interactions de l&#39;ensemble des individus concern&eacute;s par cette situation probl&eacute;matique qui les poussent involontairement &agrave; entretenir cette perturbation du syst&egrave;me relationnel. D&rsquo;un point de vue constructiviste, la r&eacute;solution d&rsquo;un probl&egrave;me consiste en la conversion d&rsquo;une construction de la r&eacute;alit&eacute; difficile et douloureuse en une construction moins douloureuse&nbsp;; l&rsquo;intervenant syst&eacute;mique bref ne cherchera donc pas &agrave; apporter une solution imm&eacute;diate au probl&egrave;me, mais &agrave; initier un changement permettant aux acteurs de porter un regard neuf sur leur r&eacute;alit&eacute;. Les changements de r&eacute;alit&eacute; peuvent &ecirc;tre class&eacute;s dans deux cat&eacute;gories distinctes : les&nbsp; changements de type 1 (ou &laquo; changement 1 &raquo;) et les changements de type 2 (&eacute;galement appel&eacute;s &laquo; changements 2 &raquo;). Le changement 1 est celui que nous administrons spontan&eacute;ment et le plus souvent avec une certaine efficacit&eacute;. Pour r&eacute;soudre un probl&egrave;me, le changement 1 reste &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du syst&egrave;me et conduit la personne &agrave; adopter une nouvelle strat&eacute;gie sans remettre en cause les sch&eacute;mas fondamentaux sur lesquels il fonctionne. Dans ce cas, les diverses modifications qui ont lieu &agrave; l&#39;int&eacute;rieur d&#39;un syst&egrave;me ne bousculent en rien ce dernier. L&#39;&eacute;quilibre n&#39;est donc pas rompu, et l&#39;action n&#39;interf&egrave;re pas dans le fonctionnement du syst&egrave;me qui reste stable. Le changement 2 n&eacute;cessite quant &agrave; lui un changement de syst&egrave;me, c&rsquo;est &agrave; dire un changement de niveau. Ce constat est &agrave; mettre en relation avec le mode de fonctionnement des syst&egrave;mes qui tendent &agrave; donner toujours la m&ecirc;me r&eacute;ponse suite &agrave; des variations identiques de leur environnement. Ces r&eacute;ponses &ndash; qui s&rsquo;inscrivent dans la m&ecirc;me logique que ce qui a cr&eacute;e le probl&egrave;me &ndash; ne permettent pas toujours de s&rsquo;adapter &agrave; un nouvel environnement. Le changement de type 2 agit directement sur les structures et l&#39;ordre interne du groupe car comme l&#39;affirme Paul Watzalwick, &laquo; un changement appropri&eacute; dans un sous-syst&egrave;me entra&icirc;ne parfois une &eacute;volution majeure du syst&egrave;me entier &raquo; (Watzlawick, 1991). Le syst&egrave;me s&#39;en trouve ainsi transform&eacute; de l&rsquo;int&eacute;rieur, et ce changement suppose une remise en cause des cadres et sch&eacute;mas fondamentaux, le plus souvent par une intervention ext&eacute;rieure, les individus restant en g&eacute;n&eacute;ral prisonniers de leur cadre de r&eacute;f&eacute;rence. Le concept de changement 2 diff&egrave;re par le fait qu&#39;il : &laquo; modifie ce qui appara&icirc;t, vu du changement 1, comme une solution, parce que, vue dans la perspective du changement 2, cette &ldquo;solution&rdquo; se r&eacute;v&egrave;le &ecirc;tre la clef de vo&ucirc;te du probl&egrave;me qu&rsquo;on tente de r&eacute;soudre. Alors que le changement 1 semble toujours reposer sur le bon sens (par exemple sur une recette du genre &ldquo;plus de la m&ecirc;me chose&rdquo;), le changement 2 para&icirc;t bizarre, inattendu, contraire au bon sens : il existe un &eacute;l&eacute;ment &eacute;nigmatique et paradoxal dans le processus de changement &raquo; (Watzlawick, Weakland, &amp; Fisch, 1975).&nbsp;&nbsp; Pour illustrer ce concept, Paul Watzalwick prend l&rsquo;exemple concret d&rsquo;une m&egrave;re qui accompagne sa fille &agrave; l&rsquo;&eacute;cole. La m&egrave;re reste avec sa fille pour &eacute;viter une crise de larmes comme si c&rsquo;&eacute;tait la seule solution. Un matin, alors que la m&egrave;re ne peut conduire sa fille pour une raison exceptionnelle, son p&egrave;re prend le relais. La petite fille pleure et se calme vite. Le lendemain sa m&egrave;re la reconduit et tout se passe bien ; il n&rsquo;y a pas de rechute. Les auteurs expliquent ce changement de comportement de la fa&ccedil;on suivante : &laquo; l&rsquo;absence de la m&egrave;re un matin provoque une absence de comportement d&rsquo;&eacute;vitement, et le syst&egrave;me se r&eacute;organise selon une nouvelle hypoth&egrave;se de base &raquo; (Ibid.). Paul Watzalwick attire notre attention sur le fait que la distinction entre ces deux types de changement sont certes accessibles d&#39;un point de vue th&eacute;orique, mais beaucoup plus subtiles &agrave; appr&eacute;hender en pratique. Partant de ce constat et de son exp&eacute;rience, il nous met en garde en affirmant qu&#39;il serait tr&egrave;s facile de&nbsp; &laquo; confondre les deux niveaux de changement, et de prendre, devant des situations difficiles, des mesures qui, non seulement n&rsquo;am&egrave;nent pas la modification recherch&eacute;e, mais aggravent le probl&egrave;me auquel on a appliqu&eacute; la &ldquo;solution&rdquo; &raquo; (Watzlawick, Weakland, &amp; Fisch, 1975). Des probl&egrave;mes nouveaux peuvent m&ecirc;me surgir cons&eacute;cutivement &agrave; des tentatives de solution inadapt&eacute;es &agrave; la difficult&eacute; rencontr&eacute;e. Gr&acirc;ce &agrave; de tels travaux de recherche, l&rsquo;&eacute;cole de Palo Alto nous enseigne que la plupart des probl&egrave;mes proviennent de situations dans lesquelles le type de changement 1 s&rsquo;av&egrave;re insuffisant, par cons&eacute;quent c&rsquo;est l&rsquo;ensemble du syst&egrave;me qui doit &ecirc;tre red&eacute;fini : &laquo; De nombreuses difficult&eacute;s, loin de se stabiliser, sont port&eacute;es &agrave; s&rsquo;intensifier, et &agrave; empirer, si on ne leur trouve pas de solution, ou si on leur donne une mauvaise solution &ndash; et tout particuli&egrave;rement si on renforce une mauvaise solution &raquo; (Watzlawick, Weakland, &amp; Fisch, 1975).</p> <p>La sp&eacute;cialiste de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve Teresa Garcia-Rivera entame souvent son approche non-normative par la question : &laquo; en quoi ce probl&egrave;me est-il probl&eacute;matique pour vous ? &raquo; (Hassani, 2014). Cette question tr&egrave;s simple au premier abord est pourtant essentielle car elle permet d&eacute;j&agrave; de relativiser le probl&egrave;me du &laquo; client &raquo;, ce qui signifie que l&rsquo;intervenant peut amener la personne &agrave; mettre elle-m&ecirc;me en place des strat&eacute;gies lui permettant de d&eacute;passer ses blocages et ses peurs. Dans une publication intitul&eacute;e &laquo; Pour une application en IE<a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/469-2016-revue-hassani#ftn1" id="ftnref1" name="_ftnref">[1]</a>&nbsp;des principes d&rsquo;action de la &ldquo;th&eacute;rapie br&egrave;ve syst&eacute;mique&rdquo; (ou &ldquo;th&eacute;rapie strat&eacute;gique&rdquo;) &raquo; publi&eacute;e en 2007, le Professeur en Sciences de l&rsquo;information et de la communication Denis Benoit propose un canevas d&rsquo;intervention g&eacute;n&eacute;ral reprenant les cinq axes principaux des grilles de r&eacute;solution des probl&egrave;mes des intervenants syst&eacute;miques brefs qu&rsquo;il pr&eacute;sente ainsi :</p> <ul> <li>D&eacute;couvrir &laquo; qui est le client ? &raquo; : celui-ci peut &ecirc;tre un individu ou un groupe dispos&eacute; au changement, celui qui fait le plus d&rsquo;efforts pour r&eacute;soudre le probl&egrave;me, qui demande de l&rsquo;aide ou se sent &laquo; concern&eacute; &raquo; par la situation (attraction ou r&eacute;pulsion). Le client constitue &laquo; le meilleur levier de changement &raquo;.</li> <li>Identifier &laquo; quel est le probl&egrave;me ? &raquo; : cette probl&eacute;matisation doit permettre de d&eacute;finir en termes actuels, concrets et interactionnels le point de vue du client concernant la situation probl&eacute;matique.</li> <li>Rep&eacute;rer &laquo; quelles ont &eacute;t&eacute; les tentatives de solution ? &raquo; : l&rsquo;intervenant doit ensuite d&eacute;gager le th&egrave;me des actions entreprises et qui sont rest&eacute;es vaines pour tenter de r&eacute;soudre le probl&egrave;me.</li> <li>D&eacute;terminer &laquo; quel est l&rsquo;objectif minimal de l&rsquo;intervention ? &raquo; : le client doit ici &ecirc;tre accompagn&eacute; pour formuler ce qui, selon lui, serait l&rsquo;action la plus &laquo; minime &raquo; et la plus significative pour faire &laquo; un premier pas &raquo; vers la r&eacute;solution de la situation qui lui pose probl&egrave;me.</li> <li>D&eacute;finir &laquo; quelle est la position du client ? &raquo; : cette derni&egrave;re &eacute;tape doit permettre &agrave; l&rsquo;intervenant de cerner le cadre conceptuel et &eacute;motionnel du client afin de pouvoir entrer dans sa &laquo; vision du monde &raquo; pour se faire accepter du syst&egrave;me et ainsi initier efficacement le changement en &laquo; influen&ccedil;ant efficacement son comportement &raquo; (Benoit, 2007)</li> </ul> <p>Alors que les intervenants sont confront&eacute;s quotidiennement &agrave; la singularit&eacute; et la complexit&eacute; des probl&egrave;mes rencontr&eacute;s au sein des organisations, le canevas g&eacute;n&eacute;ral de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve &laquo; appara&icirc;t &eacute;tonnamment simple, m&ecirc;me si son application soul&egrave;ve d&rsquo;importantes difficult&eacute;s li&eacute;es &agrave; la complexit&eacute; des relations tant entre l&rsquo;organisation et son contexte qu&rsquo;entre l&rsquo;intervenant et l&rsquo;organisation &raquo; (Benoit D. , 2007). A la question &laquo; comment d&eacute;finissez-vous le probl&egrave;me que vous avez &agrave; r&eacute;soudre ? &raquo;, les 24&nbsp; praticiens que nous avons interrog&eacute;s dans le cadre de notre recherche ont insist&eacute; sur le fait que le probl&egrave;me se mat&eacute;rialise par la plainte et l&#39;&eacute;tat de souffrance du client. Cette plainte doit se traduire en termes interactionnels et &ecirc;tre contextualis&eacute;e dans le pr&eacute;sent (&laquo; qui fait quoi ? &raquo;, &laquo; &agrave; qui ? &raquo;, &laquo; dans quelles circonstances ? &raquo;, &laquo; depuis quand ? &raquo;, &laquo; avec quels effets ? &raquo;, &laquo; dans quels objectifs ? &raquo;, etc.). Afin de leur permettre de mieux appr&eacute;hender la complexit&eacute; du r&eacute;el et mettre un terme &agrave; leurs tentatives de solution, nous voyons ici que les sp&eacute;cialistes de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve cherchent &agrave; proposer &agrave; leurs clients de porter un nouveau regard sur la situation gr&acirc;ce &agrave; une m&eacute;thode que la sp&eacute;cialiste du mod&egrave;le Teresa Garcia-Rivera qualifie d&rsquo; &laquo; exp&eacute;rientielle &raquo; dans le sens o&ugrave; celle-ci va permettre de leur faire d&eacute;couvrir une nouvelle exp&eacute;rience de la r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;ils seront ainsi en mesure d&rsquo;envisager sous un angle nouveau. Ils n&rsquo;interviennent pas pour r&eacute;soudre un probl&egrave;me mais &laquo; pour restreindre une intervention d&#39;un ou plusieurs membres du syst&egrave;me qui contraint celui-ci au dysfonctionnement &raquo; (Hassani, 2014).</p> <h2><a id="t4"></a>UNE APPROCHE DE PROBLEM SOLVING &laquo;&nbsp;&Eacute;COLOGIQUE&nbsp;&raquo;&nbsp;?</h2> <p>Suivant de pr&egrave;s l&rsquo;efficacit&eacute;, le principal crit&egrave;re avanc&eacute; par les 24 praticiens de cette approche que nous avons pu interroger lors de notre travail de recherche est son caract&egrave;re &laquo; &eacute;cologique &raquo; (Hassani, 2014), dans le sens o&ugrave; ils consid&egrave;rent que les acteurs du syst&egrave;me organisationnel confront&eacute;s &agrave; une situation probl&eacute;matique disposent d&eacute;j&agrave; des ressources humaines, intellectuelles et relationnelles qui peuvent leur permettre de la surmonter et que, du fait que la solution soit mise en &oelig;uvre par un membre du syst&egrave;me, celle-ci sera plus adapt&eacute;e &agrave; l&rsquo;environnement du syst&egrave;me concern&eacute;. Ils nous ont &eacute;galement confi&eacute; &agrave; l&rsquo;unanimit&eacute; laisser le client d&eacute;finir lui-m&ecirc;me la situation probl&eacute;matique en lui demandant ce qu&#39;il voudrait faire pour am&eacute;liorer sa situation (Hassani, 2014). Les intervenants sp&eacute;cialistes de cette approche dite &laquo; de Palo Alto &raquo; ne cherchent pas &agrave; imposer rapidement une solution, mais &agrave; &laquo; apprendre et &agrave; parler le langage de leur client &raquo; (Le Boeuf, 2000), ce qui leur permet de reformuler le probl&egrave;me de leur client gr&acirc;ce &agrave; un questionnement strat&eacute;gique reposant sur un canevas d&rsquo;intervention aussi simple que subtil comme nous l&rsquo;avons vu pr&eacute;c&eacute;demment. Ce faisant, ils tentent d&rsquo;identifier les points de r&eacute;sistance et, partant de ceux-ci, &agrave; construire un vecteur de force appropri&eacute; capable d&rsquo;initier un changement dans l&rsquo;ensemble du syst&egrave;me(Watzlawick, 1991). En pla&ccedil;ant ainsi la relation au c&oelig;ur de l&rsquo;intervention, l&rsquo;intervenant syst&eacute;mique bref cherche &agrave; amener le client &agrave; puiser dans ses propres ressources sans lui imposer une solution &laquo; de bon sens &raquo; ni &agrave; r&eacute;soudre le probl&egrave;me &laquo;&nbsp;&agrave; sa place&nbsp;&raquo;&nbsp;: c&rsquo;est en cela que l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve est qualifi&eacute;e d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;&eacute;cologique&nbsp;&raquo; par ses praticiens dans le sens o&ugrave; elle permet au client de trouver par lui-m&ecirc;me un moyen de mettre un terme &agrave; ses tentatives de solutions qui sera adapt&eacute; &agrave; son environnement relationnel et organisationnel. Celles-ci correspondent &agrave; des attitudes et comportements qui nous poussent &agrave; agir &laquo; avec bon sens &raquo; et qui pourtant entretiennent le probl&egrave;me : &laquo; plus un individu tente de changer le syst&egrave;me, plus il active les processus qui maintiennent inchang&eacute; le syst&egrave;me &raquo; (Haley, 2009). Et g&eacute;n&eacute;ralement, plus le probl&egrave;me est difficile, plus les tentatives de solution sont massives... Pour accompagner son client &agrave; y mettre un terme, l&rsquo;intervenant doit donc adopter une posture non-normative qui lui permettra de communiquer et de faire alliance avec son client. Ce dernier sera alors mieux dispos&eacute; pour entrer dans une phase d&rsquo;apprentissage cognitif et comportemental, n&eacute;cessaire &agrave; la conduite du changement (Kourilsky, 2008) qui, dans ce cadre, n&rsquo;a pas pour vocation d&rsquo;apporter une solution &agrave; un probl&egrave;me, mais d&rsquo;initier un changement &eacute;manant des membres du syst&egrave;me eux-m&ecirc;mes. Le &laquo; pourquoi ? &raquo; est donc remplac&eacute; ici par le &laquo; comment ? &raquo;. En r&eacute;sonance avec le concept d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;cologie de l&rsquo;esprit&nbsp;&raquo; de Gregory Bateson, nous voyons que cette approche communicationnelle poss&egrave;de une dimension intrapsychique importante dans le sens o&ugrave; le client arr&ecirc;te par lui-m&ecirc;me ses tentatives de solution d&egrave;s lors qu&rsquo;il prend conscience de l&rsquo;existence d&rsquo;une nouvelle r&eacute;alit&eacute;. En effet, lorsque celui-ci est suffisamment sensibilis&eacute; par les r&eacute;ponses qu&rsquo;il apportera au questionnement strat&eacute;gique de l&rsquo;intervenant, il sera en mesure d&rsquo;agir sur son &eacute;cosyst&egrave;me communicationnel afin que ce changement produise en retour des effets b&eacute;n&eacute;fiques sur les relations qu&rsquo;il entretient avec les autres membres du syst&egrave;me. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t des approches syst&eacute;mique et constructiviste qui sont inh&eacute;rentes &agrave; cette m&eacute;thode d&rsquo;intervention r&eacute;side dans le fait qu&rsquo;elles permettent au client de l&rsquo;intervention de comprendre que la responsabilit&eacute; n&rsquo;est pas individuelle mais bien interactionnelle, et que la r&eacute;alit&eacute; v&eacute;cue n&rsquo;est pas la m&ecirc;me pour tous. Comme l&rsquo;affirme Paul Watzalwick, &laquo; c&rsquo;est faire une supposition gratuite de croire que l&rsquo;autre non seulement poss&egrave;de la m&ecirc;me quantit&eacute; d&rsquo;information que soi-m&ecirc;me, mais encore qu&rsquo;il doit en tirer les m&ecirc;mes conclusions &raquo; (Watzlawick, Helmick Beavin, &amp; Jackson Don, 1972). Cette approche non-normative semble donc compatible avec un respect &laquo;&nbsp;&eacute;cologique&nbsp;&raquo; de la sp&eacute;cificit&eacute; du syst&egrave;me et des individus, stimulant ainsi la cr&eacute;ativit&eacute; et la capacit&eacute; d&rsquo;innovation et d&rsquo;adaptation des acteurs impliqu&eacute;s dans une situation probl&eacute;matique.</p> <h2><a id="t5"></a>AU-DEL&Agrave; DE LA BRI&Egrave;VET&Eacute;&nbsp;: VERS UNE &laquo;&nbsp;INTERVENTION SYST&Eacute;MIQUE DURABLE &raquo;</h2> <p>Compte tenu des t&eacute;moignages qui nous ont &eacute;t&eacute; apport&eacute;s et de nos observations de terrain, il semblerait que la rapidit&eacute; soit une caract&eacute;ristique indissociable de cette m&eacute;thode d&rsquo;intervention syst&eacute;mique dont l&rsquo;appellation &laquo; br&egrave;ve &raquo; semble tout &agrave; fait justifi&eacute;e. En effet, cela peut se v&eacute;rifier &agrave; plusieurs niveaux : la dur&eacute;e et le nombre limit&eacute; des s&eacute;ances, ainsi que leur fr&eacute;quence. Concernant la dur&eacute;e des s&eacute;ances, nous avons pu constater que celles-ci &eacute;taient g&eacute;n&eacute;ralement comprises entre 45 minutes et 1 heure&nbsp;: 44% des praticiens interrog&eacute;s lors de notre recherche estiment que la dur&eacute;e moyenne des interventions est d&rsquo;une heure environ. Ils sont 91% &agrave; proposer &agrave; leurs clients des interventions d&rsquo;une dur&eacute;e inf&eacute;rieure &agrave; 2 heures. Ensuite, nous avons relev&eacute; que pr&egrave;s de 60% des intervenants dispensent un nombre compris entre 1 et 10 s&eacute;ances avant d&rsquo;arriver &agrave; la fin de leur mission, sachant que 17% d&rsquo;entre eux estiment que le nombre de s&eacute;ances varie en fonction de la mission, du type d&rsquo;organisation et du type de probl&egrave;me rencontr&eacute; (Hassani, 2014). Ces informations correspondent aux r&eacute;sultats avanc&eacute;s par Giorgio Nardone qui affirme que &laquo; dans 87% de nos cas, la dur&eacute;e du traitement a &eacute;t&eacute; inf&eacute;rieur &agrave; vingt s&eacute;ances ; 24% des cas ont &eacute;t&eacute; trait&eacute;s en moins de dix s&eacute;ances &raquo; (Nardone, 1996). Pourtant, plus les acteurs sont incit&eacute;s &agrave; changer rapidement, plus la r&eacute;sistance au changement sera grande et plus le changement prendra du temps pour s&rsquo;op&eacute;rer, les intervenants syst&eacute;miques brefs encouragent paradoxalement leurs clients &agrave; &laquo; prendre leur temps &raquo; et &agrave; ne pas &laquo; pr&eacute;cipiter les choses &raquo; afin d&rsquo;augmenter l&rsquo;acceptation du changement sans jamais r&eacute;soudre le probl&egrave;me &agrave; leur place (Nardone &amp; Watzlawick, 1993). Pour que le projet de conduite de changement soit efficace et durable, l&rsquo;intervenant syst&eacute;mique bref doit donc paradoxalement avancer suffisamment lentement pour comprendre puis entrer dans la vision de son client afin que celui-ci lui accorde sa confiance, l&rsquo;invite &agrave; entrer dans son syst&egrave;me relationnel et l&rsquo;&laquo; autorise &raquo; &agrave; exercer son influence, laquelle ne sera efficace que si les deux interlocuteurs parlent le m&ecirc;me &laquo; langage &raquo;. Cette &eacute;tape indispensable leur permettra de s&rsquo;accorder sur le sens donn&eacute; au changement &agrave; mettre en &oelig;uvre (Bernoux, 2004). Alors qu&rsquo;une intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve se d&eacute;roule en quelques s&eacute;ances seulement (5 &agrave; 7 en moyenne), elle semble pourtant apporter un changement durable des comportements et pratiques adapt&eacute; &agrave; l&rsquo;environnement du client&nbsp;: une fois le changement initi&eacute;, celui-ci est consolid&eacute; en d&eacute;fiant les acquis l&#39;accompagn&eacute; gr&acirc;ce &agrave; une nouvelle phase de questionnement : &laquo; Les diff&eacute;rences sont-elles significatives ? &raquo;, &laquo; Qu&rsquo;est-ce qui vous fait dire que les choses ne peuvent plus revenir en arri&egrave;re ? &raquo;, &laquo; Saurez-vous comment pr&eacute;voir ou g&eacute;rer les rechutes ? &raquo;. Enfin, nous constatons que la fr&eacute;quence des s&eacute;ances varie de la premi&egrave;re rencontre jusqu&rsquo;&agrave; la derni&egrave;re s&eacute;ance. En effet, la plupart des praticiens interrog&eacute;s semblent opter non pas pour une r&eacute;gularit&eacute; mais pour un espacement de plus en plus prononc&eacute; des s&eacute;ances, celles-ci s&rsquo;&eacute;talant de plus en plus &agrave; mesure que l&rsquo;intervention progresse afin de laisser le client s&rsquo;approprier le changement en cours.&nbsp;Nous avons en effet constat&eacute; que les praticiens espacent de plus en plus les s&eacute;ances &agrave; mesure de leur accompagnement avec ce que 57% d&rsquo;entre eux appellent le &laquo; follow up &raquo;&nbsp;: 22% des praticiens proposent des s&eacute;ances tous les mois, puis tous les deux mois, et enfin tous les 3 mois&nbsp;; 21% des r&eacute;pondants proposent d&rsquo;espacer davantage leurs interventions avec des s&eacute;ances tous les 3 mois, puis tous les six mois et finalement une fois par an. Ce n&#39;est qu&#39;apr&egrave;s cette phase de consolidation que l&#39;intervention pourra prendre fin. Deux issues sont alors possibles : soit la personne accompagn&eacute;e met fin &agrave; l&#39;intervention, soit l&#39;intervenant propose de suspendre temporairement son accompagnement s&#39;il sent que le client s&#39;est bien appropri&eacute; le changement qu&#39;il doit op&eacute;rer pour simplifier sa situation.&nbsp; Le format de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve est donc novateur du fait qu&rsquo;il r&eacute;duit consid&eacute;rablement le temps de la relation organisation-intervenant tout en conservant son efficacit&eacute;.</p> <p>En r&eacute;duisant en quelques s&eacute;ances la complexit&eacute; de l&rsquo;exp&eacute;rience du r&eacute;el des individus, les intervenants accroissent ainsi la capacit&eacute; de leurs clients &agrave; s&rsquo;adapter aux futures perturbations pouvant compromettre l&rsquo;&eacute;quilibre du syst&egrave;me.&nbsp; D&rsquo;apr&egrave;s Lucy Gill, l&rsquo;arr&ecirc;t des tentatives de solution serait m&ecirc;me plus facile &agrave; obtenir dans le champ de l&rsquo;intervention en entreprise qu&rsquo;en th&eacute;rapie car les r&ocirc;les, les demandes et les objectifs y sont plus clairement d&eacute;finis que dans un cadre familial par exemple(Gill, 2006). Nous le voyons, l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve stimule la capacit&eacute; de r&eacute;action idiosyncrasique des acteurs face &agrave; une situation probl&eacute;matique dans le sens o&ugrave; elle sera propre &agrave; chaque syst&egrave;me organisationnel, lui-m&ecirc;me soumis &agrave; l&rsquo;influence et &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience qu&rsquo;il fait de son environnement. Naturellement, il ne s&rsquo;agit pas ici de dire que l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve est la seule approche ayant fait ses preuves en mati&egrave;re d&rsquo;efficacit&eacute; pour r&eacute;soudre des probl&egrave;mes relationnels et communicationnels et initier un changement au sein des organisations&nbsp;: sur les 24 praticiens que nous avons interrog&eacute;s, 13 d&rsquo;entre eux utilisent l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve de 50 &agrave; 75% dans la pratique, et 11 &agrave; 100% (Hassani, 2014). Mais au-del&agrave; du fait que les r&eacute;sultats de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique semblent perdurer, le caract&egrave;re durable de cette approche r&eacute;side surtout &agrave; nos yeux dans la d&eacute;marche prax&eacute;ologique inh&eacute;rente au mod&egrave;le et conduisant les praticiens &agrave; remettre perp&eacute;tuellement en cause leurs concepts th&eacute;oriques et leurs acquis pratiques pour &ecirc;tre en mesure d&rsquo;am&eacute;liorer et d&rsquo;adapter en permanence leur mod&egrave;le d&rsquo;intervention &agrave; des individus et des syst&egrave;mes organisationnels de plus en plus inform&eacute;s et complexes. En effet, les praticiens que nous avons rencontr&eacute;s et pu interroger se placent toujours dans une posture de &laquo; non-sachant &raquo;, &laquo; sans juger ni imposer &raquo;, et en se concentrant sur les changements &laquo; en respectant l&rsquo;&eacute;cologie des syst&egrave;mes&nbsp;&raquo;. Et c&rsquo;est en cela que r&eacute;side selon nous le v&eacute;ritable enseignement de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve&nbsp;: pour &ecirc;tre qualifi&eacute; de &laquo;&nbsp;durable&nbsp;&raquo;, le management doit, avant m&ecirc;me de respecter des normes et de mettre en &oelig;uvre de bonnes pratiques, &ecirc;tre capable de se remettre en cause pour mieux aborder la complexit&eacute; des situations auxquelles il doit faire face. Nous l&rsquo;avons vu pr&eacute;c&eacute;demment, un changement organisationnel en tant que tel ne peut &ecirc;tre qualifi&eacute; de &laquo;&nbsp;durable&nbsp;&raquo; car le contexte dans lequel il a lieu &eacute;voluera avec le temps. En suivant cette logique, un manager &laquo;&nbsp;responsable&nbsp;&raquo; (Michaud, 2013) serait donc avant tout un manager capable de questionner r&eacute;guli&egrave;rement ses acquis th&eacute;oriques et pratiques, et de faire appel &agrave; des formateurs ou consultants pour l&rsquo;aider ponctuellement dans cette dynamique d&rsquo;autonomisation. C&rsquo;est pourquoi nous proposons une &eacute;volution de l&rsquo;appellation de cette approche pour passer de l&rsquo;&egrave;re de la &laquo; bri&egrave;vet&eacute; &raquo; &agrave; celle de la &laquo;&nbsp;durabilit&eacute;&nbsp;&raquo; &ndash; plus que jamais actuelle et n&eacute;cessaire &ndash; en optant pour une &laquo;&nbsp;intervention syst&eacute;mique durable&nbsp;&raquo;. Cela serait d&rsquo;autant plus pertinent aujourd&rsquo;hui que l&rsquo;objectif des praticiens de ce mod&egrave;le est moins de mettre un terme aux tentatives de solutions que de pr&eacute;venir la rechute et la substitution des anciens probl&egrave;mes par des nouveaux. Et c&rsquo;est justement cette approche &eacute;cologique (bas&eacute;e sur l&rsquo;&eacute;thique, le respect de l&rsquo;individu et du syst&egrave;me) coupl&eacute;e &agrave; cette vision &laquo; durable &raquo; (consolidation, suivi) qui nous conduisent &agrave; proposer cette &eacute;volution s&eacute;mantique qui pourrait ainsi, en s&rsquo;affranchissant de toute connotation concernant la bri&egrave;vet&eacute;, s&rsquo;inscrire parfaitement dans une d&eacute;marche d&rsquo;accompagnement et de suivi &agrave; moyen et long termes dans le cadre de la responsabilit&eacute; soci&eacute;tale des organisations. Tout syst&egrave;me est maintenu en &eacute;quilibre instable par deux tendances antagonistes : une tendance au maintien de la coh&eacute;sion et une tendance &agrave; l&rsquo;&eacute;volution et &agrave; la transformation. Pour respecter cet &eacute;quilibre dynamique et permettre &agrave; ces deux tendances (coh&eacute;sion et &eacute;volution) de cohabiter au sein d&rsquo;un syst&egrave;me humain en cr&eacute;ant le moins de tensions possible, il est donc important que l&rsquo;intervenant (ou le manager lui-m&ecirc;me) puisse identifier les processus n&eacute;cessaires &agrave; ces deux tendances afin de pouvoir formaliser les r&egrave;gles qui les r&eacute;gissent. L&rsquo;accompagnement, la consolidation et la formation sont autant de garanties de la p&eacute;rennit&eacute; du changement et de l&rsquo;&eacute;quilibre du syst&egrave;me. L&rsquo; &laquo; intervention syst&eacute;mique durable &raquo; pourrait donc se pr&eacute;senter comme un mod&egrave;le &eacute;volutif de l&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve se prolongeant dans le temps afin d&rsquo;assurer un r&eacute;el suivi du client ; et permettrait d&rsquo;adapter le mod&egrave;le &agrave; une vision r&eacute;solument durable et non centr&eacute;e sur un probl&egrave;me pr&eacute;cis qui, m&ecirc;me s&rsquo;il est r&eacute;solu rapidement, pourrait tr&egrave;s bien r&eacute;apparaitre sous une forme diff&eacute;rente ou &agrave; d&rsquo;autres niveaux de l&rsquo;organisation. L&rsquo;objectif de l&rsquo;&laquo; intervention syst&eacute;mique durable &raquo; pourrait donc se r&eacute;sumer ainsi : mettre rapidement un terme aux pressions portant pr&eacute;judice aux relations humaines au sein des organisations en utilisant les ressources relationnelles et communicationnelles des acteurs de l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me en r&eacute;duisant la complexit&eacute; de leur exp&eacute;rience du r&eacute;el, et conduire ces derniers vers l&rsquo;autonomie afin d&rsquo;en maintenir durablement l&rsquo;&eacute;quilibre et l&rsquo;int&eacute;grit&eacute;.&nbsp; Cette logique est parfaitement compatible avec le concept de responsabilit&eacute; soci&eacute;tale et environnementale des organisations dans le sens ou elle pourrait permettre de limiter la pression sur les ressources relationnelles et communicationnelles des organisations en initiant un changement &eacute;thique et &eacute;cologique et en garantissant un accompagnement sur le long terme pour assurer ce que nous pourrions d&eacute;finir comme une &laquo; transition &eacute;cologique et relationnelle des organisations&nbsp;&raquo; o&ugrave; l&rsquo;&eacute;panouissement professionnel serait assum&eacute; comme une priorit&eacute; absolue. Toutefois, nous sommes parfaitement consciente que si l&rsquo;intervention veut &ecirc;tre efficace et ne pas aggraver la situation de d&eacute;part, &laquo; elle ne peut prendre pour objet la qu&ecirc;te du bonheur &raquo; (Watzlawick, Weakland, &amp; Fisch, 1975). Cela ne pourra donc se faire sans former ou accompagner les responsables et les employ&eacute;s pour qu&rsquo;ils puissent &ecirc;tre en mesure de remettre en cause leur vision du monde et leurs certitudes, &eacute;tape n&eacute;cessaire pour qu&rsquo;ils puissent identifier les voies possibles du changement. En adoptant un tel positionnement, chaque manager, chaque collaborateur peut devenir, &agrave; son &eacute;chelle, acteur de l&rsquo;&eacute;quilibre communicationnel et relationnel de l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me professionnel dans lequel il &eacute;volue. Ainsi pr&eacute;sent&eacute;e, l&rsquo; &laquo; intervention syst&eacute;mique durable &raquo; pourrait s&rsquo;av&eacute;rer &ecirc;tre un outil permettant d&rsquo;assurer la transition relationnelle et communicationnelle des organisations pyramidales, verticales et sp&eacute;cialis&eacute;es vers un mod&egrave;le plus horizontal et participatif.</p> <h2><a id="t6"></a>BIBLIOGRAPHIE</h2> <p>Bardelli P. et Allouche J. (2012). La souffrance au travail : quelle responsabilit&eacute; de l&#39;entreprise ? Paris&nbsp;: Armand Colin.</p> <p>Benoit D. et Perez-Benoit F. (2006). L&rsquo;intervention syst&eacute;mique br&egrave;ve &ndash; Pour une application hors champ th&eacute;rapeutique du mod&egrave;le de r&eacute;solution de probl&egrave;me d&eacute;velopp&eacute; en th&eacute;rapie br&egrave;ve. Revue Internationale de Psychosociologie, Vol. 11, N&deg;26, pp. 97 &agrave; 142.</p> <p>Benoit D. (2007). Pour une application en IE des principes d&rsquo;action de la &nbsp;&quot;th&eacute;rapie br&egrave;ve syst&eacute;mique&quot; (ou &quot;th&eacute;rapie strat&eacute;gique&quot;). Marketing et Communication, L&rsquo;intelligence &eacute;conomique : probl&egrave;mes et m&eacute;thodes. Vol. 7, N&deg;4, pp. 135 &agrave; 159.</p> <p>Bernoux P. (2004). Sociologie du changement. Paris&nbsp;: Le Seuil.</p> <p>Bouillon J.-L., Bourdin S., et Loneux C. (2007). De la communication organisationnelle aux &ldquo;approches communicationnelles&rdquo; des organisations&nbsp;: glissement paradigmatique et migrations conceptuelles. Revue organisation, N&deg; 90. Rep&eacute;r&eacute; &agrave;&nbsp;<a href="http://communicationorganisation.revues.org/90">http://communicationorganisation.revues.org/90</a></p> <p>Gill L. (2006). Comment r&eacute;ussir &agrave; travailler avec presque tout le monde&nbsp;? Paris&nbsp;: Retz.</p> <p>Haley J. (2009). Strat&eacute;gies de la psychoth&eacute;rapie. Paris&nbsp;: Er&egrave;s.</p> <p>Hassani N. (2014). R&eacute;solution des probl&egrave;mes de communication dans les organisations : de l&#39;approche de Palo Alto &agrave; l&#39;intervention &eacute;cosyst&eacute;mique (Th&egrave;se de doctorat). Universit&eacute; Paul Val&eacute;ry, Montpellier.</p> <p>Koninckx G. et Teneau G. (2010). R&eacute;silience organisationnelle. Paris&nbsp;: De Boeck.</p> <p>Kourilsky F. (2008). Du d&eacute;sir au plaisir de changer, le coaching du changement. Paris&nbsp;: Dunod.</p> <p>Le B&oelig;uf C. (2000). Rencontre de Paul Watzlawick. Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan.</p> <p>Michaud Y. (2013). Qu&rsquo;est-ce que le management responsable&nbsp;? Paris, Eyrolles.</p> <p>Nardone G. et Watzlawick P. (1993). L&rsquo;art du changement. Bordeaux&nbsp;: L&rsquo;Esprit du temps.</p> <p>Nardone G. (1996). Peur, panique, phobies. Un mod&egrave;le de strat&eacute;gie br&egrave;ve pour une r&eacute;solution rapide des probl&egrave;mes. Bordeaux&nbsp;: L&rsquo;Esprit du temps.</p> <p>Pratlong F. Ben Ayed-Kouba H. et Maximin C. (2011). Le d&eacute;veloppement durable : un mod&egrave;le de management par la confiance. Dans Moncef B. Carbone V. et Soulerot M. Le management durable au c&oelig;ur des organisations. Paris&nbsp;: Hermès Science/Lavoisier.</p> <p>Rosa H. (2010). Accélération. Paris&nbsp;: La D&eacute;couverte.</p> <p>Watzlawick P., Weakland J., et Fisch R. (1975). Changements, paradoxes et psychoth&eacute;rapies. Paris&nbsp;: Le Seuil.</p> <p>Watzlawick P., Helmick Beavin J., Jackson Don D. (1972). Une logique de la communication. Paris&nbsp;: Le Seuil.</p> <p>Watzlawick P. (1991). Les cheveux du baron de M&uuml;nchhausen, psychoth&eacute;rapie et r&eacute;alit&eacute;. Paris&nbsp;: Le Seuil.</p> <hr size="1" width="33%" /> <p><sup><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/469-2016-revue-hassani#ftnref1" id="ftn1">[1]</a></sup>&nbsp;Intelligence &eacute;conomique</p>