<p><b>Abstract:&nbsp;</b>In this text, we question how to measure the sustainability of an organization and actionability of knowledge, expertise and live skills. We offer a response via representation of students from the business world and the University.&nbsp;This exploratory research is centered on representation of students of Economic and Social Administration (AES) cursus. These students in first year license AES participate in a training course entitled &quot; Dynamic undertake&quot; at the University of Western Brittany. In this context, they conducted interviews with professionals working in organizations (companies, associations and various administrations). They thus question the relationship they have with the idea of sustainable development.</p> <p><b>Keywords:&nbsp;</b>Durability, actionability,&nbsp;professionnalisation, representations, students, research and training, University, Organizations,&nbsp;Digital University Teaching.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>INTRODUCTION</h2> <p>Si le d&eacute;veloppement durable a une historiographie riche et importante depuis la parution du Rapport Brundtland (1987), il n&rsquo;en est pas de m&ecirc;me du concept de durabilit&eacute;, en particulier, appliqu&eacute; &agrave; une organisation. Il existe une litt&eacute;rature sur la responsabilit&eacute; soci&eacute;tale des entreprises (Aggeri et al., 2005 ; Bodin et al., 2014) et plus r&eacute;cemment sur la responsabilit&eacute; soci&eacute;tale des organisations (norme ISO 26000), toutefois l&rsquo;&eacute;valuation de la durabilit&eacute; ne porte g&eacute;n&eacute;ralement que sur les dimensions &eacute;conomique, sociale et environnementale du d&eacute;veloppement durable<a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/489-2016-revue-kerneis-hentic-thiault-leroux-diemer#edn1" id="ftnref1" name="_ednref">[i]</a>. Or, la question de la durabilit&eacute; ouvre un champ beaucoup plus vaste qui renvoie &agrave; la fois &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence, &agrave; la croissance, au d&eacute;veloppement et &agrave; la survie d&rsquo;une organisation. La durabilit&eacute; interpelle sa gouvernance (logique des parties prenantes), son style de management (manager responsable), son syst&egrave;me d&rsquo;information (logique de l&rsquo;action collective et processus cognitif), sa politique des ressources humaines (gestion pr&eacute;visionnelle des emplois et des comp&eacute;tences), sa strat&eacute;gie (prospective)...</p> <p>Si l&rsquo;on souhaite qu&rsquo;elle soit comprise, cette approche globale de la durabilit&eacute; doit &ecirc;tre le fondement de la formation &ldquo;tout au long de la vie&rdquo; et &ecirc;tre pr&eacute;sent&eacute;e d&egrave;s la formation initiale. &Agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Bretagne Occidentale (Brest, Quimper), la formation universitaire d&rsquo;Administration &Eacute;conomique et Sociale (AES) propose, dans sa maquette actuelle (2012-2015), aux &eacute;tudiants de 1&egrave;re ann&eacute;e de licence (L1) une unit&eacute; d&rsquo;enseignement (UE) intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;Dynamique d&rsquo;entreprise &raquo;. Cet enseignement s&rsquo;inscrit dans le mouvement de l&rsquo;innovation p&eacute;dagogique de l&rsquo;enseignement sup&eacute;rieur fran&ccedil;ais sous l&rsquo;intitul&eacute; &laquo; plan pluri-annuel pour la r&eacute;ussite en licence &raquo;. Boudreault (2015) &eacute;voque cette mission contemporaine qui consiste, pour l&rsquo;universit&eacute; &agrave; r&eacute;ussir la synth&egrave;se entre l&rsquo;excellence acad&eacute;mique li&eacute;e au m&eacute;tier de chercheur, qui rel&egrave;ve de son savoir-faire traditionnel, d&rsquo;une part, et le besoin de d&eacute;velopper des comp&eacute;tences pour l&rsquo;insertion professionnelle des &eacute;tudiants d&rsquo;autre part. Ce deuxi&egrave;me aspect du &laquo; m&eacute;tier&nbsp;&raquo; de l&rsquo;enseignement sup&eacute;rieur est apparu dans un contexte qui se caract&eacute;rise par l&rsquo;augmentation des effectifs &eacute;tudiants depuis les ann&eacute;es 80, avec la persistance d&rsquo;un ch&ocirc;mage structurel &eacute;lev&eacute; en France, autour de 10% de la population active, 20 &agrave; 25% pour les jeunes de moins de 25 ans (Insee, 2015) mais aussi par le changement de rapport au savoir des nouvelles g&eacute;n&eacute;rations, &laquo;&nbsp;<em>digital native&nbsp;</em>&raquo; ayant un acc&egrave;s facile &agrave; l&rsquo;information mais ayant besoin de m&eacute;thodologie pour organiser ses recherches et sa construction de projet (Serres, 2012). L&rsquo;enjeu de cette UE est de confronter les &eacute;tudiants &agrave; la complexit&eacute; et l&rsquo;incertitude li&eacute;es &agrave; la conduite d&rsquo;un projet entrepreneurial pour qu&rsquo;il devienne robuste, viable, et lui aussi durable. Les &eacute;tudiants font l&rsquo;exp&eacute;rience du passage de l&rsquo;id&eacute;e au projet r&eacute;alisable. Cette exp&eacute;rience est souvent l&rsquo;occasion d&rsquo;un engagement personnel et collectif intense.</p> <p>Dans le cadre de cette communication nous nous centrerons sur le regard que portent les &eacute;tudiants sur le concept de durabilit&eacute;. Nous le ferons en nous appuyant sur la professionnalit&eacute; telle qu&rsquo;elle est appr&eacute;hend&eacute;e par Lang (2001, p.110) quand il en examine les rh&eacute;toriques. Il la per&ccedil;oit en d&eacute;finitive comme &laquo;&nbsp;une figure de la tension entre l&rsquo;acteur et le syst&egrave;me&nbsp;&raquo;. Selon l&rsquo;auteur, dans l&rsquo;enseignement secondaire, &laquo;&nbsp;la formation suit plus qu&rsquo;elle n&rsquo;anticipe un ordre nouveau&nbsp;&raquo; (Ibid., p. 117). Nous consid&eacute;rons qu&rsquo;il en est de m&ecirc;me quinze ans plus tard dans l&rsquo;enseignement sup&eacute;rieur et qu&rsquo;il est n&eacute;cessaire, comme le fait Wittorski (2011), de distinguer le projet de l&rsquo;organisation, qu&rsquo;il nomme &laquo;&nbsp;professionnalisation&nbsp;&raquo; et celui qui concerne la personne, qu&rsquo;il nomme &laquo;&nbsp;le d&eacute;veloppement professionnel&nbsp;&raquo;. On peut d&rsquo;ailleurs consid&eacute;rer d&egrave;s &agrave; pr&eacute;sent qu&rsquo;une durabilit&eacute; effective, de la formation et de l&rsquo;organisation elle-m&ecirc;me ne peut s&rsquo;envisager sans une concordance, au moins relative, entre ces deux dimensions de la professionnalisation. Nous nous demandons d&rsquo;une part si le dispositif de formation mis en &oelig;uvre correspond &agrave; une organisation apprenante&nbsp;? D&rsquo;autre part, comment les &eacute;tudiants appr&eacute;hendent la notion de durabilit&eacute; associ&eacute;e &agrave; l&rsquo;organisation (entreprise, association&hellip;) ? Nous le faisons, tout d&rsquo;abord en resituant le concept de durabilit&eacute; dans un domaine mis au jour par une revue de litt&eacute;rature. Nous pr&eacute;sentons ensuite le dispositif m&eacute;thodologique que nous avons mis en place tout en pr&eacute;cisant ses fondements &eacute;pist&eacute;mologiques. Nous poursuivons par une pr&eacute;sentation des grandes tendances que cette approche plurielle a permis de faire appara&icirc;tre. Dans une derni&egrave;re partie, nous discutons ces r&eacute;sultats et nous proposons quelques perspectives.</p> <h2><a id="t2"></a>REVUE DE LITTERATURE</h2> <p>De la litt&eacute;rature &eacute;mergent plusieurs concepts susceptibles de proposer une lecture transversale de la durabilit&eacute; au niveau organisationnel et &eacute;ducatif. Le premier concept est celui d&rsquo;accompagnement. C&rsquo;est un terme g&eacute;n&eacute;rique qui appara&icirc;t souvent comme multiple et prot&eacute;iforme. Il s&rsquo;agit en effet d&rsquo;accompagner quelqu&rsquo;un ou quelque chose. Certains auteurs utilisent les mots de &laquo; n&eacute;buleuse &raquo; ou &laquo; maquis &raquo; pour le qualifier (Paul, 2009). La d&eacute;marche pr&eacute;conis&eacute;e dans &laquo; le plan pour la r&eacute;ussite en licence &raquo; lanc&eacute; en 2008 est clairement de cet ordre. L&rsquo;accompagnement consiste &agrave; amener quelqu&rsquo;un &agrave; d&eacute;couvrir qui il est et &agrave; r&eacute;aliser son potentiel dans l&rsquo;action qu&rsquo;il effectue (Hentic-Giliberto, 2015). Le r&ocirc;le du sachant n&rsquo;est alors pas limit&eacute; au transfert des savoirs, il est invit&eacute; &agrave; ne pas se contenter de la m&eacute;morisation des savoirs, en cr&eacute;ant des conditions favorables &agrave; l&rsquo;apprentissage, c&rsquo;est-&agrave;-dire en tentant d&rsquo;amener l&rsquo;&eacute;tudiant &agrave; s&rsquo;interroger. Se poser des questions est le fondement de tout apprentissage, &laquo;&nbsp;y parvenir implique de manifester les comportements ad&eacute;quats, c&rsquo;est l&rsquo;essence m&ecirc;me du savoir-&ecirc;tre&nbsp;&raquo; (Boudreault, 2015).</p> <p>Le concept d&rsquo;&laquo; actionnabilit&eacute; &raquo; (<em>actionability</em>&nbsp;: existe uniquement en langue anglaise) s&rsquo;articule naturellement avec cette d&eacute;marche. Il concerne la capacit&eacute; de l&rsquo;individu (et des institutions) &agrave; faire en sorte que les savoirs acquis puissent &ecirc;tre directement mis en action, pr&ecirc;t &agrave; l&#39;emploi. Pour souligner la tension qui existe entre le r&ocirc;le de l&rsquo;organisation et celui de l&rsquo;acteur individuel (ou collectif), Wittorski (2011) distingue la professionnalisation qui rel&egrave;ve d&rsquo;une intention organisationnelle et le d&eacute;veloppement professionnel, qui est un processus de transformation du sujet, par le d&eacute;veloppement de comp&eacute;tences et par des n&eacute;gociations de nature identitaire. Cet amalgame qui m&ecirc;le les transactions entre &laquo; identit&eacute; pour soi &raquo; et &laquo; identit&eacute; pour autrui &raquo;, constitue l&rsquo;identit&eacute; professionnelle (Thiault et al., 2013) vue comme les &laquo; mani&egrave;res socialement reconnues pour les individus de s&rsquo;identifier les uns, les autres, dans le champ du travail et de l&rsquo;emploi &raquo; (Dubar, 2001).</p> <p>Nous relions cette approche avec le &laquo; faire communicationnel &raquo; que d&eacute;crit Jeanneret (2006) et qui implique un&nbsp;<em>feed-back</em>, des inf&eacute;rences et suppose une r&eacute;elle activit&eacute; du r&eacute;cepteur. Cette conception nous am&egrave;ne &agrave; explorer ce que sont, pour les &eacute;tudiants, des pratiques communicationnelles durables et les rapports qu&rsquo;elles entretiennent avec la d&eacute;finition exploratoire qu&rsquo;en propose Marcon (2013). Il s&rsquo;agit, pour lui, de &laquo;&nbsp;pratiques qui n&rsquo;&eacute;puisent pas les possibilit&eacute;s et promesses d&rsquo;une relation future p&eacute;renne par un fr&eacute;n&eacute;tique trop plein (technologique, informationnel, passionnel, visuel, conversationnel, persuasif, etc.) de la relation actuelle, risquant de conduire &agrave; ce qu&rsquo;il conviendrait peut-&ecirc;tre de nommer une saturation, un &eacute;c&oelig;urement, un&nbsp;<em>burnout</em>&nbsp;communicationnel &raquo;.</p> <p>La notion de d&eacute;veloppement durable interpelle notre sens du &laquo;&nbsp;bien commun&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est dans notre interaction au collectif que celui-ci peut prendre vie. Une conscience du durable se constitue d&rsquo;une identit&eacute; et d&rsquo;une adh&eacute;sion volontaire et partag&eacute;e. C&rsquo;est pourquoi la formation, l&rsquo;&eacute;ducation, l&rsquo;enseignement se doivent d&rsquo;int&eacute;grer comme mission fondamentale une n&eacute;cessaire contribution &agrave; une prise de conscience de la finitude de la plan&egrave;te. Il est de leur responsabilit&eacute; de permettre une construction citoyenne terrienne. Comme le sp&eacute;cifie Morin (2000) dans sa pr&eacute;sentation des &laquo; sept savoirs &agrave; l&rsquo;&eacute;ducation du futur &raquo; il s&rsquo;agit de repenser l&rsquo;&eacute;ducation en termes de durabilit&eacute;. Le d&eacute;veloppement durable, s&rsquo;il requiert des connaissances, s&rsquo;inscrit dans une philosophie pour l&rsquo;action dont les enjeux sont multiples et interd&eacute;pendants. La r&eacute;ussite d&rsquo;une &eacute;ducation au d&eacute;veloppement durable est donc la cl&eacute; d&rsquo;un d&eacute;veloppement harmonieux entre &laquo; l&rsquo;homme, ses activit&eacute;s, les modalit&eacute;s d&rsquo;organisation sociale et l&rsquo;environnement &raquo; (Br&eacute;geon, Faucheux, Rochet et Valantin, 2008). Lorsque l&rsquo;on examine du point de vue entrepreneurial les conditions d&rsquo;un d&eacute;veloppement durable, Acquier (2008) consid&egrave;re l&rsquo;activit&eacute; des entreprises, l&rsquo;ing&eacute;nierie de production, le concept d&rsquo;offre et de cr&eacute;ation de valeur. Il propose d&rsquo;aborder la notion de d&eacute;veloppement durable via l&rsquo;approche processuelle qui, des valeurs sociales incorpor&eacute;es au jeu &eacute;conomique, qualifie, voire mod&egrave;le, la strat&eacute;gie d&rsquo;entreprise et donc l&rsquo;environnement. A l&rsquo;instar de Porter et Kramer (2006, 2011), il met en &oelig;uvre une d&eacute;clinaison selon les trois axes que sont les &laquo; enjeux sociaux g&eacute;n&eacute;riques &raquo;, indirectement li&eacute;s aux domaines d&rsquo;activit&eacute; m&eacute;tier de l&rsquo;entreprise, les &laquo;&nbsp;impacts associ&eacute;s &agrave; la cha&icirc;ne de valeur &raquo;, relatifs &agrave; l&rsquo;organisation op&eacute;rationnelle de l&rsquo;entreprise, et &laquo; les dimensions soci&eacute;tales du contexte concurrentiel &raquo; qui renvoient aux enjeux sociaux directement articul&eacute;s &agrave; la strat&eacute;gie de l&rsquo;entreprise. Interroger chacune de ces notions &agrave; l&rsquo;aune de la notion de valeur, au sens de valeur partag&eacute;e (shared value), permet d&rsquo;identifier l&rsquo;articulation du d&eacute;veloppement durable autour des valeurs sociales, &eacute;conomiques et politico-environnementales. Tout d&rsquo;abord d&rsquo;un point de vue social, le comportement individuel mais aussi collectif est consid&eacute;r&eacute; selon l&rsquo;approche culturelle et les principes moraux. Au niveau &eacute;conomique, l&rsquo;examen des march&eacute;s et la posture du client-citoyen en relation aux caract&eacute;ristiques produits (et &agrave; la structure des co&ucirc;ts) et &agrave; la g&eacute;n&eacute;ration du profit. Enfin, d&rsquo;un point de vue politique et environnemental, la conformit&eacute; aux lois et standards &eacute;thiques ainsi que la pr&eacute;servation de notre monde sont interpell&eacute;es.</p> <h2><a id="t3"></a>DEMARCHE METHODOLOGIQUE</h2> <p>La population prise en compte par notre recherche est de 150 &eacute;tudiants de premi&egrave;re ann&eacute;e de licence AES de l&rsquo;Universit&eacute; de Bretagne Occidentale du module &laquo;&nbsp;Dynamique d&rsquo;entreprise&nbsp;&raquo;inscrits en 2014-2015. La cohorte est divis&eacute;e en 5 groupes de Travaux Dirig&eacute;s. Chaque groupe b&eacute;n&eacute;ficie d&rsquo;un accompagnement par une &eacute;quipe de trois professeurs de comp&eacute;tences et d&rsquo;exp&eacute;riences diff&eacute;rentes (entrepreneuriat, secteur public, communication et m&eacute;thodologie). Ce module permet aux &eacute;tudiants, lors des projets entrepreneuriaux qu&rsquo;ils ont &agrave; r&eacute;aliser, d&rsquo;actionner les diff&eacute;rents savoirs et connaissances au sens &laquo; d&rsquo;actionnable knowledge &raquo; (Argyris, 1993) cit&eacute; par Martinet (2005), qu&rsquo;ils ont pu acqu&eacute;rir. En ce sens les &eacute;tudiants sont invit&eacute;s &agrave; s&rsquo;inscrire dans une d&eacute;marche apprenante. En effet, le module &laquo; Dynamique d&rsquo;Entreprise &raquo; propose une formation entrepreneuriale qui s&rsquo;appuie sur l&rsquo;&laquo; action-ability &raquo; (ou actionnabilit&eacute;) des savoirs d&eacute;tenus (voire d&eacute;velopp&eacute;s) par les &eacute;tudiants. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t est de permettre aux &eacute;tudiants d&rsquo;exp&eacute;rimenter la d&eacute;marche entrepreneuriale dans la vis&eacute;e de l&rsquo;acquisition de comp&eacute;tences selon trois dimensions : savoir, savoir-faire et savoir-&ecirc;tre. Les &eacute;tudiants devaient choisir entre deux projets : la cr&eacute;ation fictive d&rsquo;une entreprise ou la r&eacute;alisation d&rsquo;une action r&eacute;pondant &agrave; un besoin exprim&eacute; par une organisation (administration-universit&eacute;, entreprise ou association). Cette mission devait &ecirc;tre r&eacute;alis&eacute;e en &eacute;quipe (de trois &agrave; cinq personnes) selon un choix libre des &eacute;tudiants. Dans ce cadre, les &eacute;tudiants ont &eacute;t&eacute; sollicit&eacute;s pour d&eacute;finir leur notion du durable. L&rsquo;accompagnement des enseignants consistait &agrave; sugg&eacute;rer une m&eacute;thodologie d&rsquo;action (proposition de d&eacute;marche, exemples de projet &agrave; r&eacute;aliser, r&eacute;ponses aux questions des &eacute;tudiants&hellip;). L&rsquo;action essentielle des professeurs par l&rsquo;interaction de type &laquo; questions &ndash; r&eacute;ponses &raquo; avec les &eacute;tudiants consistait &agrave; lever les freins techniques ou psychologiques et &agrave;faciliter la d&eacute;finition d&rsquo;une &laquo; feuille de route &raquo; qui n&rsquo;avait pas &eacute;t&eacute; imagin&eacute;e au pr&eacute;alable par l&rsquo;&eacute;quipe d&rsquo;&eacute;tudiants. Les obligations des &eacute;tudiants &laquo;&nbsp;se limitaient&nbsp;&raquo; &agrave; la rencontre d&rsquo;un acteur du monde de l&rsquo;entrepreneuriat pour renforcer la solidit&eacute; de leur projet. La restitution finale de leurs travaux a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e &agrave; travers un rapport &eacute;crit et une soutenance devant un jury. &nbsp;</p> <p>Le but premier de cette &eacute;tude est de comprendre les repr&eacute;sentations que se font les &eacute;tudiants de la notion de durabilit&eacute; quand elle est associ&eacute;e aux structures organisationnelles. Une meilleure compr&eacute;hension de leurs repr&eacute;sentations nous int&eacute;resse pour construire des formations plus adapt&eacute;es, et pour donner &agrave; voir, &agrave; tous ceux qui s&rsquo;int&eacute;ressent &agrave; ces questions, une image plus pr&eacute;cise de l&rsquo;engagement de cette population jeune. De nombreux responsables des ressources humaines soulignent une difficult&eacute; &agrave; bien cerner leurs profils et leurs aspirations profondes. Il s&rsquo;agit en quelque sorte d&rsquo;&eacute;valuer la diversit&eacute; et la complexit&eacute; de leurs repr&eacute;sentations et de leur permettre d&rsquo;en prendre eux-m&ecirc;mes conscience.</p> <p>Notre approche s&rsquo;inscrit dans une d&eacute;marche s&eacute;mio-pragmatique. A la suite de Morgan (1989), nous consid&eacute;rons que l&rsquo;organisation est souvent per&ccedil;ue de mani&egrave;re fragmentaire &agrave; travers des m&eacute;taphores, soit comme une machine, un organisme, une culture, un syst&egrave;me politique ou un instrument de domination. Ces perceptions, souvent inconscientes, ont des r&eacute;percussions concr&egrave;tes sur la compr&eacute;hension de la vie organisationnelle. Il s&rsquo;agit pour nous d&rsquo;essayer de les d&eacute;coder, mais elles peuvent &ecirc;tre plusieurs choses &agrave; la fois et l&rsquo;usage du &laquo;&nbsp;voir&hellip; comme&nbsp;&raquo; Wittgensteinien peut nous aider &agrave; comprendre les repr&eacute;sentations des &eacute;tudiants.</p> <p>Pour mener &agrave; bien ce travail, nous mixerons plusieurs types de donn&eacute;es recueillies dans le contexte du cours &laquo;&nbsp;Dynamique de l&rsquo;entreprise&nbsp;&raquo;. Le corpus principal est constitu&eacute; des dossiers que les &eacute;tudiants ont r&eacute;alis&eacute;s par groupes au cours du semestre. Nous disposons de 36 dossiers au format num&eacute;rique qui nous permettent de mener des investigations &agrave; propos de la durabilit&eacute;. Nous pr&eacute;cisons que ce th&egrave;me n&rsquo;&eacute;tait pas l&rsquo;objet central attendu dans les dossiers, mais que nous avons pu en trouver des traces. Nous les avons class&eacute;s en plusieurs cat&eacute;gories en fonction de leur proximit&eacute; th&eacute;matique avec la durabilit&eacute; mais aussi en fonction des liens avec la th&eacute;matique de la formation. Les soutenances orales sont &eacute;galement source d&rsquo;enseignements, dans la mesure o&ugrave; nous avons &eacute;t&eacute; particuli&egrave;rement &agrave; l&rsquo;&eacute;coute des propos ayant un rapport &eacute;vident avec une approche li&eacute;e &agrave; la durabilit&eacute;. Les formules employ&eacute;es &agrave; l&rsquo;oral par les &eacute;tudiants sont &eacute;galement parfois s&eacute;diment&eacute;es dans les diaporamas qu&rsquo;ils ont r&eacute;alis&eacute;s. Nous avons men&eacute; une analyse du discours sur ces deux &eacute;l&eacute;ments. Un questionnaire tr&egrave;s court a &eacute;galement &eacute;t&eacute; administr&eacute; par groupe de projet sur la notion de la durabilit&eacute;. Nous avons agr&eacute;g&eacute; l&rsquo;ensemble de ces donn&eacute;es pour mettre en &eacute;vidence plusieurs grandes tendances qui ressortent de nos analyses. Elles sont expos&eacute;es et exemplifi&eacute;es dans la partie suivante.</p> <h2><a id="t4"></a>RESULTATS</h2> <p>Nous d&eacute;butons cette analyse par celle du questionnaire collectif. Les r&eacute;ponses des &eacute;tudiants quant au vocable qu&rsquo;ils associent au mot &laquo;&nbsp;durable&nbsp;&raquo;, nous permettent de recueillir des termes courants. Les termes &laquo;&nbsp;d&eacute;veloppement&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;environnement&nbsp;&raquo; viennent en t&ecirc;te, suivis de pr&egrave;s par des unit&eacute;s syntaxiques traduisant l&rsquo;id&eacute;e de temporalit&eacute; (long terme, p&eacute;rennit&eacute;, viable&hellip;). Nous trouvons &eacute;galement une cinquantaine d&rsquo;autres possibilit&eacute;s aussi diff&eacute;rentes que &laquo;&nbsp;in&eacute;puisable&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;changement&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;socialement constructif&nbsp;&raquo;.</p> <p>En ce qui concerne les &eacute;l&eacute;ments de d&eacute;finition qu&rsquo;ils associent &agrave; la nature d&rsquo;une formation durable, leurs r&eacute;ponses se situent majoritairement du c&ocirc;t&eacute; du d&eacute;veloppement personnel. Ils mettent massivement l&rsquo;accent sur les &laquo;&nbsp;comp&eacute;tences acquises et utiles tout au long de sa carri&egrave;re (ou de sa vie)&nbsp;&raquo;. En compl&eacute;ment, et de mani&egrave;re partielle, un lien appara&icirc;t avec l&rsquo;organisation comme dans un&nbsp;<em>verbatim</em>&nbsp;o&ugrave; il s&rsquo;agit &laquo;&nbsp;d&rsquo;acqu&eacute;rir des connaissances pour la p&eacute;rennit&eacute; de l&rsquo;entreprise&nbsp;&raquo;. La distinction propos&eacute;e dans le questionnaire entre &laquo;&nbsp;organisation durable&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;entreprise durable&nbsp;&raquo; est assez difficile &agrave; &eacute;tablir pour les &eacute;tudiants. Il ressort tout de m&ecirc;me de leurs r&eacute;ponses que l&rsquo;organisation est surtout associ&eacute;e &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de dur&eacute;e, de transmission, d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts communs et &agrave; un dialogue constructif. Le terme &laquo;&nbsp;entreprise durable&nbsp;&raquo;, quant &agrave; lui, se rapporte surtout &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de stabilit&eacute; &eacute;conomique : &laquo;&nbsp;une entreprise qui ne tombe pas en faillite&nbsp;&raquo;.</p> <p>L&rsquo;&eacute;tude des 36 dossiers r&eacute;alis&eacute;s par les groupes d&rsquo;&eacute;tudiants met en &eacute;vidence que le d&eacute;veloppement durable est une pr&eacute;occupation pr&eacute;sente mais peu explicite. En effet, les vocables de &laquo;&nbsp;durable&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;d&eacute;veloppement durable&nbsp;&raquo; ne se pr&eacute;sentent pas litt&eacute;ralement dans leurs travaux. Cependant, le regard des &eacute;tudiants fait appara&icirc;tre diff&eacute;rents &eacute;l&eacute;ments relevant directement du concept de durabilit&eacute;. Nous les recensons, ci-apr&egrave;s, par fr&eacute;quence d&rsquo;apparition dans notre corpus. De plus, l&rsquo;examen des productions entrepreneuriales des &eacute;tudiants a permis de faire ressortir cinq &eacute;l&eacute;ments saillants traduisant les domaines d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t des &eacute;tudiants. Nous les repr&eacute;sentons sous la forme d&rsquo;un pentagone de la durabilit&eacute; (Figure 1, ci-dessous).</p> <p style="text-align: center;"><img alt="2015 revue kerneis1" src="https://numerev.com/images/revue-cossi/images/images-revue/2015-revue-kerneis1.png" /></p> <p style="text-align: center;">&nbsp;</p> <p style="text-align: center;"><em>Figure n&deg;1 : Le pentagone de la durabilit&eacute;</em></p> <ul> <li><strong>La cr&eacute;ation d&rsquo;ambiance</strong>&nbsp;(soit le tiers des dossiers). L&rsquo;&eacute;l&eacute;ment principal qui ressort du regard des &eacute;tudiants concerne l&rsquo;art et la d&eacute;coration. La cr&eacute;ation d&rsquo;ambiance appara&icirc;t ainsi comme une pr&eacute;occupation majeure. Les &eacute;tudiants veulent cr&eacute;er des univers dans lesquels ils se sentent bien et qui font r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un imaginaire qui leur est familier et qu&rsquo;ils semblent id&eacute;aliser : l&rsquo;art Geek et les comics notamment. De plus, lorsqu&rsquo;ils d&eacute;veloppent un concept de restauration (ex. le Black Pearl), c&rsquo;est avec l&rsquo;id&eacute;e de cr&eacute;er une congruence entre les produits vendus, la th&eacute;matique du lieu et la d&eacute;coration. Les &eacute;tudiants ont int&eacute;gr&eacute; l&rsquo;id&eacute;e de faire vivre une exp&eacute;rience globale &agrave; leurs clients en sollicitant les cinq sens.</li> <li><strong>La mutualisation des moyens</strong>&nbsp;(pr&egrave;s d&rsquo;un quart des dossiers). L&rsquo;&eacute;l&eacute;ment dominant est l&rsquo;entraide gratuite en faisant profiter les autres de l&rsquo;exp&eacute;rience ou des comp&eacute;tences de l&rsquo;individu. La motivation des apprentis entrepreneurs est de nature intrins&egrave;que, c&rsquo;est-&agrave;-dire que le passage &agrave; l&rsquo;action valorise l&rsquo;estime de soi par l&rsquo;utilisation de ses comp&eacute;tences et par le sentiment d&rsquo;&ecirc;tre utile. Cet &eacute;l&eacute;ment trouve sa place dans le mouvement de fond de ce d&eacute;but du XXI&egrave;me si&egrave;cle, celui de l&rsquo;open source, du copyleft, de l&rsquo;&eacute;conomie collaborative et du gratuit.</li> <li><strong>La sant&eacute; alimentaire et le sport</strong>&nbsp;(5 dossiers sur 36). Cet &eacute;l&eacute;ment constitue une repr&eacute;sentation hygi&eacute;niste du durable (en lien avec une dimension environnementale ainsi qu&rsquo;avec le mode de vie), correspondant &agrave; une pr&eacute;occupation de long&eacute;vit&eacute; physique. Il se rattache &agrave; une &eacute;volution s&eacute;culaire de l&rsquo;homme dans la soci&eacute;t&eacute;, passant de l&rsquo;homme classique partie int&eacute;grante de la soci&eacute;t&eacute; (vision holiste traditionnelle), &agrave; l&rsquo;homme moderne des lumi&egrave;res qui, avec la d&eacute;mocratie et la passion de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; bouleverse les valeurs pour faire &eacute;merger l&rsquo;individualisme et pour aboutir aujourd&rsquo;hui &agrave; l&rsquo;homme narcissique (Lipovetsky, 1983). Cette pr&eacute;occupation du durable est en lien avec un h&eacute;donisme personnel, le bien &ecirc;tre, l&rsquo;expression de soi, l&rsquo;image de soi par rapport aux canons de la mode v&eacute;hicul&eacute;s par les m&eacute;dias. Ce durable narcissique se manifeste dans une d&eacute;marche mim&eacute;tique (Girard, 1972) propre &agrave; la nature humaine, et qui conduit &agrave; une repr&eacute;sentation commune dominante de ce qui a de la valeur et qui m&eacute;rite d&rsquo;&ecirc;tre durable.</li> <li><strong>La location</strong>&nbsp;de voitures, de v&eacute;lo, de v&ecirc;tements (4 dossiers). Cet &eacute;l&eacute;ment vise &agrave; concilier la rentabilit&eacute; &eacute;conomique et la pr&eacute;servation de l&rsquo;environnement. Il s&rsquo;inscrit dans la dynamique croissante de l&rsquo;&eacute;conomie de la fonctionnalit&eacute; (Bourg, 2012). Pourquoi vendre un bien pour lequel il est possible en le louant de b&eacute;n&eacute;ficier d&rsquo;un chiffre d&rsquo;affaires sup&eacute;rieur ? Cette conception du rapport &agrave; l&rsquo;objet marque une rupture culturelle des pratiques (louer plut&ocirc;t que d&rsquo;&ecirc;tre propri&eacute;taire, la notion d&rsquo;usage prime sur l&rsquo;id&eacute;e de propri&eacute;t&eacute;) qui semble bien accept&eacute;e par les &eacute;tudiants, puisqu&rsquo;elle suscite un enthousiasme sans doute li&eacute; &agrave; l&rsquo;impression qu&rsquo;ils sont en train de construire un autre monde.</li> <li><strong>Le regroupement, n&eacute;gociation et achat collectif</strong>&nbsp;(3 dossiers). La finalit&eacute; per&ccedil;ue dans ces projets est la d&eacute;fense de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t du groupe d&rsquo;appartenance (jeune et &eacute;tudiant) en utilisant le potentiel des technologies de l&rsquo;information et de la communication (TIC) et la force du collectif. Le durable est ici consid&eacute;r&eacute; comme une mani&egrave;re d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; un b&eacute;n&eacute;fice mat&eacute;riel et &eacute;conomique comme obtenir une r&eacute;duction de 20% sur l&rsquo;achat d&rsquo;une Polo Volkswagen (dossier 4).</li> </ul> <p style="text-align: center;"><img alt="2015 revue kerneis2" src="https://numerev.com/images/revue-cossi/images/images-revue/2015-revue-kerneis2.png" /></p> <p style="text-align: center;"><em>Figure n&deg;2 : r&eacute;partition des th&eacute;matiques des projets des &eacute;tudiants</em></p> <p>La durabilit&eacute; est abord&eacute;e dans une vis&eacute;e t&eacute;l&eacute;ologique semblant &ldquo;naturelle&rdquo; aux &eacute;tudiants, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;elle est int&eacute;gr&eacute;e dans leur patrimoine culturel. Cette g&eacute;n&eacute;ration dite native du num&eacute;rique appara&icirc;t &eacute;galement comme &ldquo;durable native&rdquo;. Les &eacute;tudiants essentiellement n&eacute;s entre 1990 et 1997 semblent anim&eacute;s par les valeurs suivantes : le bien &ecirc;tre plus que la performance &eacute;conomique, le souci de soi et l&rsquo;engagement solidaire librement consenti et d&eacute;sint&eacute;ress&eacute;.</p> <h2><a id="t5"></a>DISCUSSION</h2> <p>Cette discussion va revenir sur trois points : la pr&eacute;sentation des r&eacute;sultats, les limites de cette recherche et les perspectives qu&rsquo;elle ouvre concernant ce cursus universitaire, qui pourrait d&rsquo;ailleurs &ecirc;tre &eacute;largi &agrave; d&rsquo;autres formations du m&ecirc;me type. A l&rsquo;issue de ce travail, on peut constater que nous avons surtout mis l&rsquo;accent sur une pr&eacute;sentation analytique des r&eacute;sultats en fonction des diff&eacute;rents corpus dont nous disposions (les r&eacute;ponses aux questionnaires d&rsquo;une part et les dossiers r&eacute;alis&eacute;s, d&rsquo;autre part). Un certain pragmatisme des &eacute;tudiants peut cependant &ecirc;tre relev&eacute; dans ces deux ensembles de donn&eacute;es. Les &eacute;tudiants consid&egrave;rent principalement les formations durables comme &laquo;&nbsp;pouvant leur servir pendant une longue p&eacute;riode&nbsp;&raquo; et les organisations durables &laquo;&nbsp;en tant que lieux o&ugrave; ils se sentent bien&nbsp;&raquo;.</p> <p>Cette &eacute;tude sur la durabilit&eacute; est bien s&ucirc;r partielle. Le fait de se centrer sur le regard que portent les &eacute;tudiants sur cette notion apporte un point de vue particulier. D&rsquo;autres &eacute;tudes, compl&eacute;mentaires, seraient n&eacute;cessaires et pourraient concerner par exemple les entrepreneurs et les enseignants. Nous pouvons d&rsquo;ailleurs nous poser la question de savoir si la formation universitaire que nous avons investigu&eacute; s&rsquo;inscrit r&eacute;ellement dans la perspective d&rsquo;une organisation apprenante ? En effet, la question se pose puisque cette formation se d&eacute;roule dans le cadre du &laquo; plan pour la r&eacute;ussite en licence &raquo; lanc&eacute; en 2008. Elle est questionn&eacute;e du point de vue de l&rsquo;&laquo; apprendre &raquo; comme moteur du d&eacute;veloppement (Carr&eacute;, 2000). Le sachant est invit&eacute; &agrave; ne pas se contenter de simple transfert ou m&eacute;morisation de savoirs, mais &agrave; cr&eacute;er les conditions d&rsquo;un apprentissage, c&rsquo;est-&agrave;-dire d&rsquo;amener l&rsquo;&eacute;tudiant &agrave; se poser des questions. Ce questionnement est en effet le fondement de tout apprentissage. Y parvenir implique de manifester les comportements ad&eacute;quats, c&rsquo;est l&rsquo;essence m&ecirc;me du savoir-&ecirc;tre (Boudreault, 2015). Le p&eacute;dagogue est conduit &agrave; resituer dans sa pratique professionnelle les trois perspectives de l&rsquo;acte d&rsquo;apprendre pour l&rsquo;apprenant que sont vouloir apprendre, savoir apprendre et pouvoir apprendre et est amen&eacute; &agrave; les favoriser.</p> <p>Dans une certaine mesure, le module &laquo;&nbsp;Dynamique d&rsquo;entreprise&nbsp;&raquo; propose une formation entrepreneuriale qui s&rsquo;appuie sur &laquo;&nbsp;l&rsquo;action-ability&nbsp;&raquo; (ou actionnabilit&eacute;) des savoirs d&eacute;tenus par les &eacute;tudiants. En ce sens elle s&rsquo;inscrit dans le cadre des formations apprenantes. Auteurs de leur formation plus qu&rsquo;acteurs les &eacute;tudiants participent d&rsquo;une co-construction de leurs savoirs. L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;apprenance renvoie &agrave; une repr&eacute;sentation positive de l&rsquo;acquisition de connaissances, a un mode de traitement efficace de l&rsquo;information de m&ecirc;me qu&rsquo;&agrave; un rapport intentionnel du fait d&rsquo;apprendre (Carr&eacute;, 2000). Les &eacute;tudiants sont amen&eacute;s &agrave; l&rsquo;auto questionnement afin de faire &eacute;merger un &laquo;&nbsp;<em>gap bridging</em>&nbsp;&raquo; permettant de combler le manque (Dervin, 1992). L&rsquo;action est alors conception d&rsquo;exp&eacute;riences collectives o&ugrave; les potentiels de proposition de valeur se construisent (Weick, 2005). La co-conception par les &eacute;tudiants d&rsquo;un projet entrepreneurial est particuli&egrave;rement pertinente pour travailler la dimension de l&rsquo;engagement collectif et interroger leurs valeurs du monde.</p> <p>D&rsquo;une mani&egrave;re plus globale, des &laquo;&nbsp;jeux d&rsquo;entreprise<a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/489-2016-revue-kerneis-hentic-thiault-leroux-diemer#edn2" id="ftnref2" name="_ednref">[ii]</a>&nbsp;&raquo; et un stage de 6 semaines en entreprise ponctuent ainsi l&rsquo;ensemble du cursus de la licence AES. Ils permettent aux &eacute;tudiants d&rsquo;aller au-del&agrave; d&rsquo;une connaissance construite par l&rsquo;acquisition proactive de connaissances et de faire soi le savoir par l&rsquo;exp&eacute;rimentation au sens de Dewey (1939). Cependant des progr&egrave;s pourraient &ecirc;tre r&eacute;alis&eacute;s en vue de renforcer la durabilit&eacute; de la formation au sens des &eacute;tudiants comme &laquo;&nbsp;pouvant leur servir pendant une longue p&eacute;riode&nbsp;&raquo;. Une mise en perspective des diff&eacute;rents enseignements de premi&egrave;re ann&eacute;e au regard du projet &laquo;&nbsp;Dynamique d&rsquo;entreprise&nbsp;&raquo; des &eacute;tudiants donnerait ainsi &agrave; voir une coh&eacute;sion d&rsquo;ensemble. Par exemple les &eacute;l&eacute;ments financiers du projet entrepreneurial pourraient-&ecirc;tre valid&eacute;s lors d&rsquo;une cession de comptabilit&eacute;, de m&ecirc;me les questionnaires r&eacute;alis&eacute;s aupr&egrave;s de professionnels du monde de l&rsquo;entreprise lors d&rsquo;un cours de sociologie ou la cr&eacute;ation de pages internet en informatique, etc. Ainsi &agrave; la question &laquo;&nbsp;Que reste-t-il quelques mois ou quelques ann&eacute;es plus tard, des savoirs et savoir-faire enseign&eacute;s &agrave; l&rsquo;universit&eacute; dans la m&eacute;moire des &eacute;tudiants&nbsp;?&nbsp;&raquo;.Ilsauront probablement compris par l&rsquo;exp&eacute;rience que la construction d&rsquo;un projet implique de cr&eacute;er les conditions n&eacute;cessaires pour passer de l&rsquo;id&eacute;e &agrave; sa r&eacute;alisation, c&#39;est-&agrave;-dire &agrave; sa naissance, &agrave; sa viabilit&eacute;, &agrave; sa p&eacute;rennit&eacute;&nbsp;; tous &eacute;l&eacute;ments qui caract&eacute;risent la durabilit&eacute; organisationnelle, non pour elle-m&ecirc;me &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;une organisation bureaucratique obsol&egrave;te, mais pour servir les besoins de la population. De cette mani&egrave;re, comme le potier modelant l&rsquo;argile sur la tournette, les &eacute;tudiants auront r&eacute;invent&eacute; ce qui constitue la relation durable de l&rsquo;humanit&eacute; &agrave; la terre combinant les trois &eacute;l&eacute;ments &eacute;ternels&nbsp;: un mat&eacute;riau, des instruments, des comp&eacute;tences.</p> <p>Le d&eacute;fi de l&rsquo;universit&eacute; du XXI&egrave;me si&egrave;cle reste de maintenir et conserver un haut niveau de connaissances et de culture &agrave; offrir aux &eacute;tudiants, tout en renfor&ccedil;ant la p&eacute;dagogie facilitant l&rsquo;agr&eacute;gation des savoirs actionnables constitutifs des comp&eacute;tences durables. La finalit&eacute; de cette d&eacute;finition qui nous semble nouvelle, du m&eacute;tier de l&rsquo;universit&eacute; est d&rsquo;amener les &eacute;tudiants &agrave; conqu&eacute;rir une autonomie source de satisfaction humaine et valorisable dans le monde du travail.</p> <h2><a id="t6"></a>BIBLIOGRAPHIE</h2> <p>ACQUIER, A. (2008). D&eacute;veloppement durable et management strat&eacute;gique : piloter un processus de transformation de la valeur. Actes de la 17e Conf&eacute;rence Internationale de l&rsquo;Association Internationale de Management Strat&eacute;gique - AIMS.</p> <p>AGGERI, F., PEZET E., ABRASSART C., ACQUIER A. (2005), Organiser le d&eacute;veloppement durable, Vuibert.</p> <p>ARGYRIS, C. (1993). Knowledge for Action, A Guide to Overcoming Barriers to Organizational Change, San Francisco: Jossey-Bass Inc. (trad. fran&ccedil;. : Savoir pour agir, InterEditions, 1995).</p> <p>BODIN, B., DIEMER, A. &amp; FIGUIERE, C. 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Consult&eacute; le 30 mai 2015 sur&nbsp;<a href="http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide" target="_blank">http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide</a>.</p> <p>JEANNERET, Y. (2006). D&eacute;signer, entre s&eacute;miotique et logistique. In I. Timimi &amp; S. Kovacs (Eds.), Indice, index, indexation, Paris, ADBS &eacute;ditions, pp. 17-36.</p> <p>WITTORSKI, R. (2011). 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Les entreprises sont g&eacute;r&eacute;es par les &eacute;tudiants regroup&eacute;s en &eacute;quipes concurrentes les unes les autres. Les apprenants, gestionnaires de leur entreprise ont &agrave; prendre des d&eacute;cisions au cours de plusieurs cycles. Ils d&eacute;cident, constatent et analysent leurs r&eacute;sultats. Ils &laquo;&nbsp;apprennent en faisant&nbsp;&raquo;.&nbsp;</p>