<p><strong>Abstract:</strong>&nbsp;We present the preliminary results of a qualitative study conducted among communication consultants and communication officers in organizations. This study examines the concept of sustainable communication. The main results show that the concept of sustainable communication is subject to multiple interpretations by communications professionals. This concept refers to notions such as sustainable or responsible communication, the harmful influence of greenwashing practices and the examination of the communicative saturation. The early results of this study lead us to question the relevance of studying the concept of sustainable communication as a boundary object.</p> <p><strong>Keywords</strong>&nbsp;: communication, sustainability, boundary object, sustainable communication, responsible communication</p> <p>&nbsp;</p> <p>En France, les notions de&nbsp;<em>communication durable</em>&nbsp;ou de p<em>ratique communicationnelle durable</em>&nbsp;sont aujourd&rsquo;hui assez d&eacute;licates &agrave; appr&eacute;hender. Non pas que les principes du d&eacute;veloppement durable soient insuffisamment connus, ni m&ecirc;me que l&rsquo;on manque d&rsquo;organisations s&rsquo;int&eacute;ressant au sujet (Association des Agences Conseil en Communication, Observatoire de la communication et du marketing responsable, Association Communication et Information pour le D&eacute;veloppement Durable, Association pour le D&eacute;veloppement et la Maitrise de l&rsquo;&eacute;nergie, etc.) mais en raison d&rsquo;une apparente confusion lors de leur transposition au champ de la communication.&nbsp;</p> <p>Une &eacute;tude documentaire (Marcon, 2013) men&eacute;e sur la base d&rsquo;&eacute;crits produits par des organisations professionnelles de la communication, a mis en &eacute;vidence trois acceptions courantes de l&rsquo;expression&nbsp;<em>communication durable</em>&nbsp;: communication sur le d&eacute;veloppement durable&nbsp;(orienter les actions de communication vers la valorisation des actions proc&eacute;dant du d&eacute;veloppement durable dans l&rsquo;organisation)&nbsp;; &eacute;co-conception des produits de communication (limiter au strict minimum l&rsquo;impact environnemental des actions de communication men&eacute;es, tant dans l&rsquo;agence que du c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;annonceur)&nbsp;; communication responsable&nbsp;(conf&eacute;rer un caract&egrave;re &eacute;thique aux pratiques de communication). Ces acceptions sont parfois conjugu&eacute;es sugg&eacute;rant ainsi que le professionnel de la communication devrait, pour aller au bout de l&rsquo;engagement, &eacute;co-communiquer, de mani&egrave;re responsable, sur des actions relatives au d&eacute;veloppement durable de son client.&nbsp;</p> <p>Aucune de ces acceptions cependant, ne pose la question plus globale, plus soci&eacute;tale, &agrave; vocation moins directement op&eacute;rationnelle, d&rsquo;une p&eacute;rennit&eacute; des pratiques communicationnelles rendue possible &agrave; la fois par leur caract&egrave;re &laquo;&nbsp;supportable&nbsp;&raquo; pour les individus et les organisations (sans atteindre une saturation communicationnelle<sup><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/530-revue-2016-marcon-grosjean#ftn1" id="ftnref1" name="_ftnref">[1]</a></sup>), &laquo;&nbsp;soutenable&nbsp;&raquo; (en termes d&rsquo;efforts &agrave; consentir pour, au sens de Watzlawick, entrer et rester dans l&rsquo;orchestre) et durable (selon des prescriptions de d&eacute;veloppement durable).</p> <p>Sans doute revient-il aux chercheurs d&rsquo;apporter des &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;analyse sur ce sujet car, comme le pr&eacute;cise Liqu&egrave;te&nbsp;(2013, p.73) : &laquo;&nbsp;la durabilit&eacute; n&rsquo;est pas seulement un concept aidant forc&eacute;ment &agrave; r&eacute;soudre des situations info-communicationnelles dysfonctionnelles, mais constitue davantage un &laquo;&nbsp;concept probl&egrave;me&nbsp;&raquo; dans le sens o&ugrave; le sugg&egrave;re Brigitte Simonnot&nbsp;: &laquo;&nbsp;il porte des questions diff&eacute;rentes sur les ph&eacute;nom&egrave;nes auxquels il est appliqu&eacute;&nbsp;&raquo; (2014, p. 21)&nbsp;&raquo;. En cela, la communication durable n&rsquo;est-elle pas un objet-fronti&egrave;re scientifique (Star et Griesemer, 1989) sur lequel les connaissances ne sont pas stabilis&eacute;es, ni m&ecirc;me suffisamment &eacute;labor&eacute;es&nbsp;?&nbsp; Si les praticiens semblent d&eacute;j&agrave; avoir commenc&eacute; &agrave; &eacute;tablir des rep&egrave;res &ndash; m&ecirc;me discutables - les chercheurs, se frottent encore &agrave; des significations mouvantes, &agrave; un champ mal balis&eacute;, &agrave; un manque de r&eacute;f&eacute;rents partag&eacute;s. En t&eacute;moigne le faible nombre de publications sur le sujet &agrave; ce jour et la diversit&eacute; des sujets qu&rsquo;elles abordent. Le moment est encore &agrave; l&rsquo;exploration.</p> <h2><a id="t1"></a>QUESTION ET M&Eacute;THODE DE RECHERCHE</h2> <h3>La question de recherche, dans le sillage d&rsquo;&eacute;tudes ant&eacute;rieures</h3> <p>Les documents &agrave; partir desquels a &eacute;t&eacute; men&eacute;e la recherche &eacute;voqu&eacute;e d&egrave;s l&rsquo;introduction de cet article, s&rsquo;ils avaient permis une premi&egrave;re approche du concept de pratiques communicationnelles durables, pr&eacute;sentaient n&eacute;anmoins un caract&egrave;re incitatif et m&eacute;lioratif marqu&eacute; : destin&eacute;s &agrave; &ecirc;tre diffus&eacute;s non seulement &agrave; tout lecteur curieux, mais aussi aupr&egrave;s des autorit&eacute;s et des membres de leurs associations d&rsquo;origine, ils s&rsquo;effor&ccedil;aient de montrer le sens des responsabilit&eacute;s de leurs auteurs. Ce sont autant des documents d&rsquo;auto-valorisation que des &eacute;tudes sur le fond. De ce point de vue, ils constituent une sorte de doxa dont le chercheur doit l&eacute;gitimement se demander ce qu&rsquo;elle recouvre r&eacute;ellement, en termes de pratiques et de perceptions par les acteurs.</p> <p>En tant que membres du GRICODD<sup><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/530-revue-2016-marcon-grosjean#ftn2" id="ftnref2" name="_ftnref">[2]</a></sup>, ce constat nous a incit&eacute;s &agrave; envisager une autre approche des actions et repr&eacute;sentations des acteurs de la communication, en renon&ccedil;ant &agrave; l&rsquo;analyse des textes publi&eacute;s par les organisations professionnelles<sup><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/530-revue-2016-marcon-grosjean#ftn3" id="ftnref3" name="_ftnref">[3]</a></sup>, mat&eacute;riau secondaire, au profit de la collecte de donn&eacute;es primaires directement aupr&egrave;s des acteurs.</p> <p>Une &eacute;tude men&eacute;e par V. Liqu&egrave;te et D. Maurel (2013) aupr&egrave;s d&rsquo;un &eacute;chantillon de professionnels de l&rsquo;information nous a permis d&rsquo;approcher les notions de pratiques informationnelles et communicationnelles durables au travers d&rsquo;une enqu&ecirc;te par questionnaire. Cette enqu&ecirc;te par questionnaire nous permettait de recueillir un certains nombres d&rsquo;information concernant les pratiques informationnelles dites durables que pouvaient mettre en &oelig;uvre des professionnels au sein de leur organisation. Le questionnaire nous permettait ainsi d&rsquo;avoir une sorte de cartographie des pratiques dites durables et de la d&eacute;finition que les professionnels de l&rsquo;information en donnaient. Cependant, l&rsquo;&eacute;chantillon de r&eacute;pondants &eacute;tait compos&eacute; uniquement de professionnels de l&rsquo;information. Il nous est apparu pertinent de pouvoir &eacute;largir le champ de l&rsquo;&eacute;chantillon et d&rsquo;interroger directement des professionnels de la communication afin de tenter de saisir ce qu&rsquo;ils entendaient par pratiques de communication durables. De plus, passer par des entrevues semi-dirig&eacute;es nous permettait de donner la parole aux professionnels de la communication et d&rsquo;avoir acc&egrave;s aux sens qu&rsquo;ils donnaient au concept de &laquo;&nbsp;communication durable&nbsp;&raquo;. En effet, comme l&rsquo;&eacute;crivent Baribeau et Royer (2012, p.26)&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;entretien individuel, plus que tout autre dispositif, permet de saisir, au travers de l&rsquo;interaction entre un chercheur et un sujet, le point de vue des individus, leur compr&eacute;hension d&rsquo;une exp&eacute;rience particuli&egrave;re, leur vision du monde, en vue de les rendre explicites, de les comprendre en profondeur ou encore d&rsquo;en apprendre davantage sur un objet donn&eacute;. Comme la parole est donn&eacute;e &agrave; l&rsquo;individu, l&rsquo;entretien s&rsquo;av&egrave;re un instrument privil&eacute;gi&eacute; pour mettre au jour sa repr&eacute;sentation du monde&nbsp;&raquo;. De plus, proc&eacute;der ainsi, nous permettait de d&eacute;passer une limite rencontr&eacute;e lors du questionnaire de 2013, &agrave; savoir la difficult&eacute; qu&rsquo;avaient les professionnels &agrave; comprendre le terme de &laquo;&nbsp;communication durable&nbsp;&raquo;&nbsp;; les r&eacute;ponses au questionnaire ayant fait &eacute;merger la polys&eacute;mie du terme et la multiplicit&eacute; des interpr&eacute;tations possibles. C&rsquo;est pour cela que le recours aux entrevues nous est apparu pertinent afin notamment de pouvoir saisir toute la polys&eacute;mie du terme &laquo;&nbsp;communication durable&nbsp;&raquo; et ainsi de tenter de r&eacute;v&eacute;ler &agrave; quoi les professionnels de la communication renvoient lorsqu&rsquo;ils parlent et abordent la question de la durabilit&eacute; et de la responsabilit&eacute; de leurs pratiques de communication.</p> <h3>Le recours &agrave; une m&eacute;thode qualitative</h3> <p>Nous avons choisi de r&eacute;aliser des entretiens semi-directifs aupr&egrave;s de deux groupes de praticiens de la communication&nbsp;: douze professionnels de la communication en organisations (Parc de loisirs, Universit&eacute;, Bailleur social, Entreprise de construction de voies ferr&eacute;es, Chambre R&eacute;gionale d&rsquo;Economie Sociale et solidaire, Mairie, Entreprise de production industrielle, Centre Hospitalier Universitaire, Entreprise de production d&rsquo;&eacute;lectricit&eacute;, Grande &eacute;cole parisienne, Conseil G&eacute;n&eacute;ral, Organisation Non Gouvernementale)et huit en agences de communication situ&eacute;es &agrave; Lyon, Poitiers [3], Boulogne-Billancourt, Rennes, Paris et Jaunay-Clan. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de la m&eacute;thode d&rsquo;entrevues semi-directives &eacute;tait de s&rsquo;assurer qu&rsquo;un certain nombre de points seraient bien abord&eacute;s lors de l&rsquo;entretien tout en laissant aux interview&eacute;s la possibilit&eacute; de d&eacute;velopper une expression personnelle de leur point de vue.</p> <p>Huit questions constituaient la trame de l&rsquo;entretien. Elles visaient &agrave; mieux comprendre&nbsp;:</p> <ul> <li>les repr&eacute;sentations associ&eacute;es par ces deux groupes de professionnels &agrave; la notion de communication durable et la port&eacute;e accord&eacute;e &agrave; cette notion&nbsp;;</li> <li>les pratiques associ&eacute;es par eux &agrave; la communication durable&nbsp;;</li> <li>les diff&eacute;rences ressenties entre communication durable et communication responsable, entre communication durable et communication p&eacute;renne&nbsp;;</li> <li>la r&eacute;ception de l&rsquo;id&eacute;e de &laquo;&nbsp;saturation communicationnelle&nbsp;&raquo;&nbsp;;</li> <li>leur regard sur la communication de greenwashing&nbsp;;</li> <li>leur avis sur les motifs qui incitent &agrave; mettre en place une communication durable (&eacute;thique, efficacit&eacute;, positionnement concurrentiel).</li> </ul> <p>Une derni&egrave;re question permettait d&rsquo;ouvrir l&rsquo;&eacute;change sur d&rsquo;autres sujets &agrave; l&rsquo;initiative des interrog&eacute;s (Sur ce sujet de la communication durable, y a-t-il quelque chose d&rsquo;important &agrave; dire, selon vous, que nous n&rsquo;aurions pas abord&eacute; depuis le d&eacute;but de notre entretien ?).</p> <p>Les entretiens ont &eacute;t&eacute; men&eacute;s en mars 2015 dans le contexte d&rsquo;un cours d&rsquo;introduction &agrave; la recherche, avec un groupe d&rsquo;&eacute;tudiants en master s&rsquo;initiant aux m&eacute;thodes de recherche. Apr&egrave;s une formation aux principes et pratiques de l&rsquo;entretien semi-directif, les &eacute;tudiants ont men&eacute; les entretiens avec les professionnels, pris des notes, enregistr&eacute; lorsque c&rsquo;&eacute;tait accept&eacute; par le professionnel, retranscrit enfin les entretiens. A ce mat&eacute;riau brut, ils ont pu ajouter, &agrave; part, leurs propres ressentis de l&rsquo;entretien (attitude de l&rsquo;interview&eacute;, dynamique de l&rsquo;entretien, questions ayant pos&eacute; difficult&eacute;&hellip;).</p> <p>Dans notre esprit &ndash; et cela s&rsquo;est confirm&eacute; dans la pratique &ndash; le fait de confronter le professionnel avec un jeune &eacute;tudiant devait permettre une expression relativement libre. N&rsquo;ayant pas affaire &agrave; un confr&egrave;re, un client, une autorit&eacute; ou un chercheur universitaire &laquo;&nbsp;patent&eacute;&nbsp;&raquo; devant lesquels il pourrait &ecirc;tre tent&eacute; de brosser un portrait de lui-m&ecirc;me conforme &agrave; la repr&eacute;sentation qu&rsquo;il se fait d&rsquo;un professionnel &laquo;&nbsp;responsable&nbsp;&raquo;, le professionnel pouvait s&rsquo;autoriser une plus grande libert&eacute; de ton et une plus grande franchise. L&rsquo;impression donn&eacute;e par le corpus constitu&eacute; au final semble confirmer notre choix. Les interlocuteurs se sont montr&eacute;s &laquo;&nbsp;directs&nbsp;&raquo; dans leurs propos, ne cachant ni leurs doutes, ni leurs critiques.</p> <p>Notre approche qualitative, si elle ne permet pas de g&eacute;n&eacute;raliser outre mesure le regard des professionnels sur la communication durable, suffit n&eacute;anmoins &agrave; brosser un tableau contrast&eacute; des repr&eacute;sentations et des pratiques, dissonant par rapport aux discours officiels. Afin de bien en percevoir la richesse, nous citerons dans la partie suivante assez longuement les propos des interview&eacute;s.</p> <h2><a id="t2"></a>LES R&Eacute;SULTATS DE L&#39;&Eacute;TUDE</h2> <h3>Interpr&eacute;tations de l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;communication durable&nbsp;&raquo;</h3> <p>Une fois sur deux, l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;communication durable&nbsp;&raquo; est directement associ&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;cologie ou au d&eacute;veloppement durable. C&rsquo;&eacute;tait l&rsquo;hypoth&egrave;se la plus probable. Une fois sur trois, par contre, c&rsquo;est l&rsquo;id&eacute;e de la continuit&eacute; dans le travail, d&rsquo;un travail de fond entre les partenaires ou en direction des clients, qui domine. C&rsquo;est presque une surprise, &eacute;tant donn&eacute; la popularit&eacute; de l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;d&eacute;veloppement durable&nbsp;&raquo; dans le champ m&eacute;diatique du respect de l&rsquo;&eacute;cologie. Notons que l&rsquo;un des interrog&eacute;s voit dans la communication durable une posture de r&eacute;alit&eacute;, de sinc&eacute;rit&eacute; dans le concept et de transparence dans la d&eacute;marche. Ceci nous rapproche de la notion de communication responsable. Il en va de m&ecirc;me lorsque l&rsquo;expression &eacute;voque &laquo;&nbsp;quelque chose de positif, de sain&nbsp;&raquo;.</p> <p>Interrog&eacute;es sur le sens que l&rsquo;expression a, non plus en g&eacute;n&eacute;ral, mais dans leur domaine d&rsquo;activit&eacute;, une partie des agences &eacute;voque naturellement l&rsquo;&eacute;co-conception des produits&nbsp;: &laquo;<em>&nbsp;limiter les nuisances en mati&egrave;re d&rsquo;environnement&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>le conseil pour la fabrication des outils de communication</em>&nbsp;&raquo;. Une autre partie d&eacute;roule l&rsquo;argumentation de la construction dans la dur&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>nos relations avec les clients durent dans le temps</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>c&rsquo;est au c&oelig;ur des pr&eacute;occupations de l&rsquo;agence [&hellip;] C&rsquo;est vraiment un enjeu de construire une relation durable dans le temps.</em>&nbsp;&raquo;. Mais la libert&eacute; de parole que nous escomptions favoriser s&rsquo;op&egrave;re et des r&eacute;serves, des doutes sont formul&eacute;s&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>un peu opaque, un peu fourretout, on y met pas mal de choses&nbsp;</em>&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>cela n&rsquo;a pas beaucoup de sens car elle recouvre un peu tout et n&rsquo;importe quoi&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;non, elle n&rsquo;a pas de sens. Nous, on parle de communication plus responsable</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>De mani&egrave;re significative, exactement les m&ecirc;mes regards sont pos&eacute;s par les charg&eacute;s de communication en organisation. Quelques-uns &eacute;voquent l&rsquo;&eacute;co-conception des produits, de mani&egrave;re assez d&eacute;taill&eacute;e, ce qui donne &agrave; penser que ce processus-l&agrave; est int&eacute;gr&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>des supports qui peuvent &ecirc;tre r&eacute;utilis&eacute;s plusieurs fois</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>la durabililt&eacute; des supports</em>&nbsp;&raquo;; &laquo;&nbsp;<em>l&rsquo;utilisation de papiers PEFC&hellip;</em>&nbsp;&raquo;.&nbsp; Un second groupe souscrit &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de la construction dans la dur&eacute;e de la relation de communication&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>faire une communication &agrave; un instant T et qu&rsquo;elle fonctionne encore 5 ans apr&egrave;s</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>en opposition au one shot&nbsp;</em>&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>prendre le temps de faire les choses, de les installer, de les r&eacute;nover&hellip;</em>&nbsp;&raquo;. Et, une seconde fois, s&rsquo;expriment des r&eacute;serves quant au sens et aux engagements effectifs&nbsp;: &laquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Autant je crois &agrave; des mesures soci&eacute;tales au sein des entreprises, autant, pour la communication, j&rsquo;ai tendance &agrave; croire que ce qualificatif semble plus du greenwashing</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>la notion de durable est &agrave; la mode et son usage donne bonne conscience &agrave; ceux qui se disent &ecirc;tre &agrave; la mode</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>dans mon domaine, on n&rsquo;en parle pas tant que cela.&nbsp;</em>&raquo;</p> <p>La vingtaine de structures interrog&eacute;e trace donc un portrait plus contrast&eacute; et notamment plus critique que ce que le message des organisations professionnelles voudrait donner &agrave; voir.</p> <h3>Questionnement sur les notions de communication durable, p&eacute;renne et responsable</h3> <p>Dans la mesure o&ugrave; la communication durable pouvait &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;e comme une communication p&eacute;renne, la question de la substituabilit&eacute; des termes a &eacute;t&eacute; pos&eacute;e.&nbsp; Six interview&eacute;s sur vingt assimilent les deux expressions concernant la relation agence/client ou la relation organisation/public. Un seul distingue clairement les deux. Plus int&eacute;ressant, l&rsquo;id&eacute;e de &laquo;&nbsp;communication p&eacute;renne&nbsp;&raquo; semble perturber les professionnels&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est un peu du vent tout &ccedil;a&hellip; C&rsquo;est un peu pi&egrave;geux, manquant de transparence et de clart&eacute;. Une action peut &ecirc;tre durable, mais pas la communication.</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est assez peu r&eacute;aliste dans la mesure o&ugrave; tout est en mouvement perp&eacute;tuel.&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Il y a des diff&eacute;rences entre le court terme et le long terme</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Communiquer durablement avec des informations en mouvement et valables uniquement &agrave; l&rsquo;instant T, &ccedil;a devient un pari tr&egrave;s compliqu&eacute;.</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Cela d&eacute;pend de la p&eacute;rennit&eacute; du produit &agrave; vendre</em>&nbsp;&raquo;.&nbsp; Trois interview&eacute;s sont m&ecirc;me en difficult&eacute; pour r&eacute;pondre.</p> <p>Agences et charg&eacute;s de communication en organisations sont &eacute;galement tr&egrave;s partag&eacute;s sur la question de l&rsquo;&eacute;quivalence entre communication durable et communication responsable. Confirmant l&rsquo;&eacute;tude de 2013, pr&egrave;s de la moiti&eacute; des r&eacute;pondants assimilent les deux notions, avec parfois des arguments d&rsquo;une logique indiscutable&nbsp;(&laquo;&nbsp;<em>je ne vois pas comment on peut faire de la communication durable si derri&egrave;re elle n&rsquo;est pas avant tout responsable</em>&nbsp;&raquo;), parfois de mani&egrave;re plus caustique (&laquo;&nbsp;<em>On utilise responsable aussi stupidement que durable. C&rsquo;est quoi une communication irresponsable ? Une chose est certaine : la communication est durablement responsable de ses propres &eacute;checs.</em>&nbsp;&raquo;)</p> <p>Quelques r&eacute;pondants veulent distinguer les deux&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>dans la responsabilit&eacute;, il y a vraiment une notion d&rsquo;implication personnelle. Apr&egrave;s, ce n&rsquo;est pas parce que c&rsquo;est responsable que c&rsquo;est durable&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>responsable c&rsquo;est raisonn&eacute; et durable, c&rsquo;est en rapport avec les trois piliers : environnement, social et &eacute;conomique</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Surtout, dans une proportion qui nous semble devoir &ecirc;tre remarqu&eacute;e quand bien m&ecirc;me notre &eacute;tude reste qualitative, la notion de communication responsable semble prendre un sens tout particulier pour pr&egrave;s d&rsquo;un tiers des r&eacute;pondants. Elle serait plus signifiante, plus engageante&nbsp;: &laquo;&nbsp;j<em>e pr&eacute;f&egrave;re responsable. Il faut toujours penser &agrave; la personne &agrave; qui l&rsquo;on s&rsquo;adresse&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>la communication responsable n&rsquo;est donc pas uniquement &eacute;cologique, elle respecte des valeurs plus larges</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>communication responsable a trait &agrave; des actions sp&eacute;cifiques qui donnent plus de sens que la communication durable</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>communication responsable est plus appropri&eacute; et plus fort que communication durable&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>je dirais qu&rsquo;on essaye de faire de la communication responsable. J&rsquo;ai souvent le sentiment que la communication durable c&rsquo;est quelque chose que l&rsquo;on va instrumentaliser pour communiquer</em>&nbsp;&raquo;.</p> <h3>Le greenwashing entre accusation et d&eacute;passement</h3> <p>Les pratiques relevant du greenwashing (ou ecoblanchiment) sont d&eacute;nonc&eacute;es par plusieurs professionnels&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Certains structures pr&eacute;tendent par leur campagne faire des actions durables, mais il n&rsquo;en est rien</em>.&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est un ph&eacute;nom&egrave;ne totalement implant&eacute;</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;<em>&nbsp;Il existe, c&rsquo;est certain</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>La surprise vient de ce que les r&eacute;pondants vont au-del&agrave; de la simple d&eacute;nonciation. Certains le consid&egrave;rent d&eacute;j&agrave; comme d&eacute;pass&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>J&rsquo;ai quand m&ecirc;me l&rsquo;impression que &ccedil;a se calme et qu&rsquo;il n&rsquo;y en a plus trop, justement</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>La grande p&eacute;riode du greenwashing est derri&egrave;re nous&nbsp;&raquo; ;&nbsp; &laquo;&nbsp;On est pass&eacute; dans une autre dynamique. L&rsquo;impact communicationnel est moins fort qu&rsquo;avant.</em>&nbsp;&raquo; D&rsquo;autres abordent la question en termes strat&eacute;giques&nbsp;: le greenwashing est un risque qu&rsquo;il ne faut pas ou plus prendre&nbsp;: &laquo;<em>&nbsp;C&rsquo;est tr&egrave;s casse gueule de faire &ccedil;a. Les consommateurs sont de plus en plus avertis.</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>si c&rsquo;est une mascarade, les masques tombent vite</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>Il n&rsquo;y a rien de pire que d&rsquo;agir sur le levier de la communication en affirmant des promesses d&eacute;form&eacute;es ou adapt&eacute;es de la r&eacute;alit&eacute;</em>&nbsp; &raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>Le seul moyen d&rsquo;&ecirc;tre cr&eacute;dible, c&rsquo;est d&rsquo;apporter les preuves de ce que l&rsquo;on avance et d&rsquo;&ecirc;tre transparent&nbsp;</em>&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>Je n&rsquo;aime pas faire aux autres ce que je n&rsquo;aimerais pas qu&rsquo;ils me fassent</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Il ne faut pas que ce soit juste un vernis en terme d&rsquo;&eacute;cocitoyennet&eacute;</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Ainsi, une communication responsable, durable reposant sur l&rsquo;argument environnemental, &eacute;cologique est pr&eacute;sent&eacute;e comme un &eacute;l&eacute;ment participant &agrave; une critique plus globale des pratiques de communication (Libaert, 2012).</p> <h3>Un risque de saturation communicationnelle reconnu</h3> <p>Pour l&rsquo;ensemble des agences interrog&eacute;es, la saturation communicationnelle<sup><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/530-revue-2016-marcon-grosjean#ftn4" id="ftnref4" name="_ftnref">[4]</a></sup>&nbsp;est une &eacute;vidence ou un risque &eacute;vident.&nbsp; Mis &agrave; part un r&eacute;pondant pour qui &laquo;&nbsp;<em>on peut choisir de le pas &ecirc;tre envahi&nbsp;</em>&raquo;, tous s&rsquo;accordent sur la r&eacute;alit&eacute; du ph&eacute;nom&egrave;ne&nbsp;: &laquo;&nbsp;&nbsp;<em>Ma profession me pousse &agrave; dire que je suis contre cette id&eacute;e. Mais ma vie personnelle me ferait dire oui&nbsp;</em>&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>Ce n&rsquo;est pas pour rien que le niveau de saturation au niveau des spams et des emails fait qu&rsquo;on arrive sur une zone rouge.</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>La saturation est effective depuis 20 ans. On arrive en phase de sur-saturation&hellip;Le web n&rsquo;est qu&rsquo;un acc&eacute;l&eacute;rateur du ph&eacute;nom&egrave;ne.</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>C&rsquo;est clair. Les clients sont oblig&eacute;s de d&eacute;velopper des strat&eacute;gies pour ne pas &ecirc;tre submerg&eacute;s par l&rsquo;information. Les jeunes sont de plus en plus &agrave; &eacute;viter les publicit&eacute;s de toutes sortes.</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>La saturation communicationnelle est une r&eacute;alit&eacute;, nous avons un march&eacute; satur&eacute;.&nbsp;N&eacute;anmoins nous pensons que nos clients ont un regard critique et poss&egrave;dent plus de recul par rapport &agrave; &ccedil;a qu&rsquo;il y a quelques ann&eacute;es.</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>La m&ecirc;me conviction transpara&icirc;t dans les r&eacute;ponses des charg&eacute;s de communication, r&eacute;sum&eacute;e &agrave; deux reprises par la traditionnelle formule&nbsp;: &laquo;&nbsp;trop de communication tue la communication&nbsp;&raquo;.&nbsp; Ceux-ci se regroupent en deux cat&eacute;gories. La premi&egrave;re semble prendre cela comme une fatalit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Oui. Mais &agrave; qui la faute ? Ceux qui consomment les outils num&eacute;riques, ceux qui sur-communiquent et ceux qui laissent la surconsommation arriver jusqu&rsquo;&agrave; eux.</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>On ne peut plus aller sur Internet sans &ecirc;tre agress&eacute; par un flot de messages qui en devient indigeste.</em>&nbsp;&raquo; La seconde, de mani&egrave;re plus int&eacute;ressante, aborde la question en termes strat&eacute;giques&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>La saturation communicationnelle est un risque. Cependant, avec les possibilit&eacute;s offertes par le Big Data, les messages seront de mieux en mieux cibl&eacute;s. [&hellip;] Le bruit devrait &ecirc;tre moindre.</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Absolument ! C&rsquo;est tout l&rsquo;enjeu de la communication d&rsquo;aujourd&rsquo;hui. Trouver le juste &eacute;quilibre</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>Il ne faut pas le percevoir comme un probl&egrave;me mais plut&ocirc;t comme un enjeu.</em>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;<em>Tout est question de ciblage et de dosage.&nbsp;</em>&raquo; C&rsquo;est la seconde fois que la question strat&eacute;gique apparait dans les r&eacute;ponses.</p> <h2><a id="t3"></a>ANALYSE ET DISCUSSION DES R&Eacute;SULTATS</h2> <h3>Analyse des principaux enseignements de l&rsquo;&eacute;tude</h3> <p>Du corpus constitu&eacute; par les r&eacute;ponses aux vingt entretiens, il ressort de multiples enseignements. L&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; des r&eacute;ponses, d&rsquo;abord. Nous sommes loin d&rsquo;une vision commune partag&eacute;e par tous les professionnels. Au contraire, le spectre des positions est large, qui va de l&rsquo;ironie et du d&eacute;dain &agrave; l&rsquo;int&eacute;gration strat&eacute;gique des questions de communication durable. L&rsquo;absence de diff&eacute;rence marqu&eacute;e entre les r&eacute;pondants des agences et les charg&eacute;s de communication des organisations est &eacute;galement notable. Ni les uns ni les autres ne font r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des textes de cadrage produits par les associations professionnelles. La seule r&eacute;f&eacute;rence th&eacute;orique est celle du triptyque &eacute;conomique &ndash; &eacute;cologique &ndash; social, largement popularis&eacute;.</p> <p>Des propos tenus ressort de mani&egrave;re forte la polys&eacute;mie g&ecirc;nante de l&rsquo;expression&nbsp;&laquo;&nbsp;communication durable&nbsp;&raquo; dont l&rsquo;interpr&eacute;tation est ambigu&euml;, quelque part entre &eacute;co-conception et p&eacute;rennit&eacute; d&rsquo;une relation de communication. Pour autant, l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;communication p&eacute;renne&nbsp;&raquo; ne convainc pas davantage, m&ecirc;me si elle l&egrave;ve l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; pr&eacute;c&eacute;dente, notamment dans un monde per&ccedil;u comme mouvant. Son usage ne devrait pas s&rsquo;imposer.</p> <p>La notion de communication durable semble plut&ocirc;t d&eacute;pr&eacute;ci&eacute;e, en raison du ph&eacute;nom&egrave;ne de greenwashing, m&ecirc;me si les professionnels commencent &agrave; prendre du recul &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de ces pratiques. Il est possible de douter de l&rsquo;avenir de l&rsquo;expression et nous sugg&eacute;rons que la notion de communication responsable pourrait bien s&rsquo;imposer, per&ccedil;ue &agrave; la fois comme plus riche, plus engageante, plus forte que celle de communication durable.</p> <p>De mani&egrave;re assez sensible, deux variables cl&eacute;s de la communication &laquo;&nbsp;durable/responsable&nbsp;&raquo; nous semblent se d&eacute;gager des propos tenus. La premi&egrave;re est l&rsquo;inscription de l&rsquo;&eacute;thique au c&oelig;ur des approches, via une interrogation r&eacute;currente sur les valeurs&nbsp;: valeurs de l&rsquo;agence-conseil, valeurs du client, valeurs des acheteurs. La seconde, est la prise en compte de la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une strat&eacute;gie pour p&eacute;renniser la relation avec le client et l&rsquo;acheteur final. La strat&eacute;gie passe par la cr&eacute;ation de la confiance, via l&rsquo;&eacute;thique et les valeurs partag&eacute;es, qui constituent la base de la relation p&eacute;renne et un garde-fou contre une surcharge communicationnelle qui mine la relation.</p> <h3>Discussion</h3> <p>Au terme de cette &eacute;tude qualitative, et dans le prolongement de l&rsquo;enqu&ecirc;te par questionnaire de 2013 les auteurs balancent entre la tentation de voir dans la communication durable un objet-valise (Flichy, 1994) et un objet-fronti&egrave;re (Star et Griesemer, 1989).&nbsp;</p> <p>Le r&eacute;flexe premier de voir dans la communication durable un objet-valise repose sur la prise en compte de l&rsquo;assez grande diversit&eacute; des regards port&eacute;s par les interview&eacute;s sur la notion et les pratiques associ&eacute;es &agrave; l&rsquo;expression. On a ici un objet dans lequel chacun des professionnels investit ses propres utopies, ses propres repr&eacute;sentations. La communication durable comme &laquo;&nbsp;objet-valise&nbsp;&raquo; refl&egrave;te le caract&egrave;re ambigu et polys&eacute;mique de ce terme. Peut-&ecirc;tre l&rsquo;expression est-t-elle tellement labile qu&rsquo;elle permet toutes les projections, tous les fantasmes, toutes les justifications de toutes les pratiques de positionnement des acteurs. La relative d&eacute;pr&eacute;ciation de l&rsquo;expression tendrait &agrave; conforter ce point de vue n&eacute;gatif.</p> <p>Cependant, notre conviction est que la communication durable, ou responsable, est&nbsp; en passe de devenir un &laquo;&nbsp;objet-fronti&egrave;re&nbsp;&raquo; tel que l&rsquo;ont d&eacute;fini Star et Griesemer (1989)&nbsp;c&rsquo;est-&agrave;-dire un&nbsp;objet scientifique capable &agrave; la fois d&rsquo;habiter plusieurs mondes sociaux en intersection et de satisfaire les exigences informationnelles de chacun.&nbsp;De fait, la communication durable, ou responsable, se situe &agrave; l&rsquo;intersection des champs de recherche des sciences de l&rsquo;information et la communication, des sciences de gestion et de la sociologie &agrave; tout le moins. Elle ouvre un dialogue entre chercheurs et professionnels. Elle stimule des &eacute;changes entre agences et annonceurs. Elle pose un questionnement sur la confrontation ou la compatibilit&eacute; possible entre le respect d&rsquo;une &eacute;thique de communication et la mise en &oelig;uvre d&rsquo;une strat&eacute;gie. Ainsi, le concept de &laquo;&nbsp;communication durable&nbsp;&raquo; est suffisamment flexible pour s&rsquo;adapter au besoin de chacun, mais il va lui falloir n&eacute;anmoins assurer une base commune &agrave; tous. Cependant, une question &eacute;merge de cette recherche exploratoire&nbsp;: le concept de &laquo;&nbsp;communication durable&nbsp;&raquo; arrivera-t-il &agrave; f&eacute;d&eacute;rer, mobiliser des acteurs diff&eacute;rents (professionnels de l&rsquo;information et de la communication, chercheurs en sciences de l&rsquo;information et de la communication et autres disciplines) autour d&rsquo;un projet de constitution de pratiques de communication dite durables ?</p> <p>Les objets-fronti&egrave;res sont ainsi suffisamment plastiques pour s&rsquo;adapter &agrave; des besoins locaux et aux contraintes des diff&eacute;rentes parties qui les utilisent et suffisamment robustes pour maintenir une identit&eacute; commune &agrave; travers les diff&eacute;rentes situations (Star et Griesemer, 1989, p.&nbsp;393). Parce qu&rsquo;ils sont un point d&rsquo;intersection permettant le travail entre plusieurs parties concern&eacute;es (Trompette et Vinck, 2009), dans une logique de recherche r&eacute;cursive, les r&eacute;sultats pr&eacute;sent&eacute;s dans le pr&eacute;sent article seront soumis &agrave; l&rsquo;automne 2015 aux r&eacute;pondants auxquels il sera propos&eacute; de r&eacute;agir, poursuivant le dialogue initi&eacute; par l&rsquo;&eacute;tude pr&eacute;sent&eacute;e ci-dessus.</p> <h2><a id="t4"></a>BIBLIOGRAPHIE</h2> <p>Baribeau, C., Royer, C. (2012) L&rsquo;entretien individuel en recherche qualitative&nbsp;: usages et modes de pr&eacute;sentation, Revue des sciences de l&rsquo;&eacute;ducation, Vol.38, N.1, p.23-45.</p> <p>Bonneville, L., Grosjean, S., (2010) &lsquo;In Search of real Time&#39; or Man Facing the Desire and Duty of Speed, In Digital Cognitive Technologies, Epistemology and the Knowledge Economy, Brossaud, C., Reber, B., London, Wiley Editor, p. 23-32.</p> <p>Eppler, M.J., Mengis, J. (2004) The concept of information overload: A review of literature from organization science, accounting, marketing, MIS, and related disciplines. The information society 20.5,&nbsp; p. 325-344.</p> <p>Flichy, P., (1994) Multi-m&eacute;dia, objet-valise ou objet-fronti&egrave;re, Futuribles, 191, p. 3-9.</p> <p>Grosjean, S., (2013) Urgence, impatience et surcharge communicationnelle &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital : un collectif d&rsquo;hyperinfirmi&egrave;res face &agrave; leur quotidien, Montr&eacute;al, 13-15 Octobre 2013, World Social Science Forum 2013: Social Transformations and the Digital Age.</p> <p>Jaur&eacute;guiberry F., (2013) Pratiques soutenables des technologies de communication, International Journal of Projectics, 2010, n&deg; 6, p. 107-120</p> <p>Jaur&eacute;guiberry F., D&eacute;connexion volontaire aux technologies de l&rsquo;information et de la communication,&nbsp; R&eacute;f&eacute;rence en ligne&nbsp;: <hal-00925309></hal-00925309></p> <p>Libaert, T., (2012) De la critique du greenwashing &agrave; l&rsquo;accroissement de la r&eacute;gulation publicitaire, Communication et organisation, n&deg;42 p. 267-274.</p> <p>Liqu&egrave;te V., (2013) Pr&eacute;server la durabilit&eacute; des pratiques informationnelles des acteurs de l&rsquo;architecture &eacute;co-constructive&nbsp;: des pratiques informationnelles &agrave; une m&eacute;moire collective de travail, Actes du COSSI, 21 p.</p> <p>Liqu&egrave;te, V., Maurel D.&nbsp; (2013)&nbsp;Enqu&ecirc;te canado-fran&ccedil;aise GRICODD: Pratiques informationnelles, communicationnelles et documentaires durables. 5e&nbsp;Congr&egrave;s des milieux documentaires du Qu&eacute;bec, Montr&eacute;al (Qu&eacute;bec), 27 novembre 2013</p> <p>Marcon C., (2013) Pratiques communicationnelles durables&nbsp;: interrogations sur la transposabilit&eacute; d&rsquo;un concept, Revue de l&rsquo;universit&eacute; de Moncton., vol. 44, n&deg;1, p. 5-19</p> <p>Simonnot B. (2012) M&eacute;diations et agir informationnels &agrave; l&rsquo;&egrave;re des technologies num&eacute;riques. In Vincent Liqu&egrave;te (dir.). Vers de nouvelles formes de m&eacute;diation documentaire et biblioth&eacute;conomique. 3&egrave;me Journ&eacute;e d&rsquo;&eacute;tude de l&rsquo;Universit&eacute; de Bordeaux 4 &ndash; IUFM &ndash; M&eacute;diaquitaine (15 novembre 2012). Bordeaux&nbsp;: Les cahiers d&rsquo;Esquisse, n&deg;3.</p> <p>Star S.L., Griesemer J., (1989) Institutionnal ecology, &lsquo;Translations&rsquo;, and Boundary objects: amateurs and professionals on Berkeley&rsquo;s museum of vertrebate zoologie, Social Studies of Science, n&deg;9, p. 387-420.</p> <p>Star S. L., (2010), Ceci n&rsquo;est pas un objet fronti&egrave;re. R&eacute;flexions sur l&rsquo;origine d&rsquo;un concept, Revue d&rsquo;anthropologie des connaissances, vol. 4, n&deg;1, p. 18-35</p> <p>Trompette P., Vinck D., (2009), Retour sur la notion d&rsquo;objet fronti&egrave;re, Revue d&rsquo;anthropologie des connaissances, vol. 3 n&deg;1, p. 5-27</p> <hr size="1" width="33%" /> <p><sup><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/530-revue-2016-marcon-grosjean#ftnref1" id="ftn1">[1]</a></sup>&nbsp;Voir le rapport r&eacute;alis&eacute; par Jaur&eacute;guiberry sur les pratiques de d&eacute;connexion volontaire aux technologies de l&rsquo;information et de la communication</p> <p><sup><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/530-revue-2016-marcon-grosjean#ftnref2" id="ftn2">[2]</a></sup>&nbsp;Groupe de Recherche sur l&rsquo;Information, la COmmunication et la Documentation Durable.&nbsp; Le GRICODD est un groupe de recherche canadien-fran&ccedil;ais.&nbsp;<a href="http://www.gricodd.info/index.php/fr/?page=accueil">http://www.gricodd.info/index.php/fr/?page=accueil</a></p> <p><sup><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/530-revue-2016-marcon-grosjean#ftnref3" id="ftn3">[3]</a></sup>&nbsp;Certains textes commencent d&rsquo;ailleurs &agrave; dater un peu (la derni&egrave;re &eacute;tude publi&eacute;e par l&rsquo;Observatoire de la Communication et du Marketing Responsable date de 2012, par exemple). Or les pratiques et les perceptions peuvent &eacute;voluer rapidement.</p> <p><sup><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/1-2016-communication-information-et-savoir-quel-management-pour-une-organisation-durable/530-revue-2016-marcon-grosjean#ftnref4" id="ftn4">[4]</a></sup>&nbsp;L&rsquo;id&eacute;e de saturation communicationnelle est &agrave; mettre en relation avec deux notions importantes que nous avons d&eacute;crites et pr&eacute;cis&eacute;es dans d&rsquo;autres contexte professionnels (Bonneville et Grosjean, 2010&nbsp;; Grosjean, 2013)&nbsp;: (a) une surcharge informationnelle (Eppler et Mengis, 2004)&nbsp;caract&eacute;ris&eacute;e par une abondance d&rsquo;informations &agrave; traiter dans des d&eacute;lais courts, ce qui cr&eacute;&eacute; un sentiment d&rsquo;urgence; (b) et, une surcharge communicationnelle (Eppler et Mengis, 2004)&nbsp;qui est due notamment &agrave; un effet de superposition de diff&eacute;rents m&eacute;dias de communication.</p>