<h2>INTRODUCTION</h2> <p>Le secteur priv&eacute; exploite depuis plus d&rsquo;une d&eacute;cennie les donn&eacute;es massives ou <i>big data</i> pour mieux connaitre ses march&eacute;s et maximiser ses profits. Dans le secteur du d&eacute;veloppement, leur utilisation en est encore au stade exp&eacute;rimental, mais soul&egrave;ve un enthousiasme grandissant et l&rsquo;espoir d&rsquo;augmenter l&rsquo;efficacit&eacute; des programmes d&rsquo;aide international &agrave; faible co&ucirc;t.</p> <p>L&rsquo;enjeu est de taille&nbsp;: en septembre 2015, l&rsquo;ensemble des gouvernements du monde se sont engag&eacute;s &agrave; atteindre d&rsquo;ici 2030 les Objectifs de D&eacute;veloppement Durable, un programme d&rsquo;une ambition sans pr&eacute;c&eacute;dent qui devra, entre autres, &eacute;liminer l&rsquo;extr&ecirc;me pauvret&eacute; et la faim, assurer la sant&eacute;, le bien-&ecirc;tre et une &eacute;ducation de qualit&eacute; &agrave; tous, l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des sexes, la r&eacute;duction des in&eacute;galit&eacute;s et une exploitation durable des ressources naturelles (Nations Unies, 2015).</p> <p>Atteindre ces objectifs n&eacute;cessitera des investissements estim&eacute;s &agrave; plusieurs milliers de milliards de dollars am&eacute;ricains, alors que l&rsquo;aide publique au d&eacute;veloppement se chiffre aujourd&rsquo;hui en milliards de dollars (Banque Mondiale, 2015). Il est donc indispensable d&rsquo;innover pour r&eacute;duire le co&ucirc;t des initiatives de d&eacute;veloppement et acc&eacute;l&eacute;rer leur impact sur les populations.</p> <h2><b><a id="t2"></a>contexte</b></h2> <p>Dans le seul domaine de l&rsquo;information, les besoins se sont d&eacute;multipli&eacute;s. De 2000 &agrave; 2015, l&rsquo;initiative mondiale pr&eacute;c&eacute;dente des Objectifs du Mill&eacute;naire pour le D&eacute;veloppement concentrait la plupart des efforts gouvernementaux sur 8 objectifs identifi&eacute;s par les Nations Unies (Nations Unies, 2001). Les Objectifs de D&eacute;veloppement Durable sont d&eacute;sormais au nombre de 17, dont beaucoup d&rsquo;objectifs &laquo; absolus &raquo;. Ainsi pour le premier objectif de r&eacute;duction de la pauvret&eacute;, alors que les Objectifs du Mill&eacute;naire pour le D&eacute;veloppement appelaient &agrave; &laquo;&nbsp;r&eacute;duire de moiti&eacute;, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inf&eacute;rieur &agrave; 1,25 dollar par jour &raquo;, les Objectifs de D&eacute;veloppement Durable ambitionnent d&rsquo; &laquo; &eacute;liminer compl&egrave;tement l&rsquo;extr&ecirc;me pauvret&eacute; dans le monde entier &raquo;.</p> <p>D&rsquo;un point de vue statistique, cela signifie que les moyennes nationales ne suffiront plus &agrave; suivre les r&eacute;sultats obtenus&nbsp;: des donn&eacute;es ventil&eacute;es par &acirc;ge, sexe, cat&eacute;gorie socio-&eacute;conomique et lieu de r&eacute;sidence seront n&eacute;cessaires pour s&rsquo;assurer que tous les groupes de population, en particulier les plus vuln&eacute;rables, ont atteint l&rsquo;objectif fix&eacute;. Les statistiques doivent &ecirc;tre disponibles &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle locale et non plus seulement &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle nationale, doivent couvrir davantage de domaines et &ecirc;tre mises &agrave; jour plus r&eacute;guli&egrave;rement.</p> <p>Ce besoin d&rsquo;informations dans le domaine du d&eacute;veloppement est in&eacute;dit, et ne peut pas &ecirc;tre rempli avec les sources traditionnelles de donn&eacute;es. A ce jour, seulement un tiers des indicateurs pr&eacute;vus pour suivre les progr&egrave;s sur les Objectifs de D&eacute;veloppement Durable sont disponibles dans au moins la moiti&eacute; des pays (IAEG-SDGs, 2017). Figure 1 compare les deux programmes mondiaux de d&eacute;veloppement pour illustrer la croissance exponentielle des nombres d&rsquo;objectifs, de cibles ou sous-objectifs et d&rsquo;indicateurs entre les Objectifs du Mill&eacute;naire pour le D&eacute;veloppement et les Objectifs de D&eacute;veloppement Durable. Pour r&eacute;pondre &agrave; ces besoins, on estime le co&ucirc;t de la mise &agrave; jour des syst&egrave;mes statistiques des 77 pays &agrave; plus faibles revenus &agrave; un total d&rsquo;un milliard de dollars am&eacute;ricains par an (SDSN, 2015).</p> <p><img alt="2018 notes cazabat" src="https://numerev.com/images/revue-cossi/images/images-revue/2018-notes-cazabat.png" />&nbsp;</p> <p><em>Figure 1&nbsp;: Comparaison du nombre d&rsquo;objectifs, de cibles et d&rsquo;indicateurs compris dans les deux programmes mondiaux de d&eacute;veloppement, les Objectifs du Mill&eacute;naire pour le D&eacute;veloppement (2000-2015) et les Objectifs de D&eacute;veloppement Durable (2015-2030)</em></p> <p>&nbsp;</p> <h2><b><a id="t3"></a>probl&egrave;me et causes</b></h2> <p>Jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent, les informations utilis&eacute;es dans le domaine du d&eacute;veloppement viennent principalement des sources suivantes : les recensements de population r&eacute;alis&eacute;s environ tous les dix ans, les enqu&ecirc;tes aupr&egrave;s des m&eacute;nages, les sondages aupr&egrave;s d&rsquo;&eacute;chantillons de la population, les registres administratifs et quelques enqu&ecirc;tes qualitatives cibl&eacute;es. La collecte de ces donn&eacute;es n&eacute;cessite la mise en place d&rsquo;&eacute;quipes sp&eacute;cialis&eacute;es qui peuvent s&rsquo;av&eacute;rer tr&egrave;s couteuses pour un gouvernement, limitant notamment la fr&eacute;quence et l&rsquo;&eacute;tendue de ces relev&eacute;s dans les pays &agrave; faibles revenus. La collecte, l&rsquo;analyse et la publication des donn&eacute;es demandent du temps, ce qui limite &eacute;galement les mises &agrave; jour.</p> <p>De plus, ces enqu&ecirc;tes excluent certains groupes de population et ne fournissent donc pas une image compl&egrave;te ou pr&eacute;cise de la situation. Les recensements et les enqu&ecirc;tes aupr&egrave;s des m&eacute;nages sont organis&eacute;s &agrave; partir des registres administratifs d&rsquo;adresses d&eacute;clar&eacute;es. Les sans-abri ou les personnes vivant dans des refuges, par exemple, qui n&rsquo;ont pas d&rsquo;adresse propre, ne sont donc pas comptabilis&eacute;s dans ces statistiques (Carr-Hill, 2013). Les femmes et les enfants sont souvent ignor&eacute;s par les enqu&ecirc;tes qui interrogent uniquement le &laquo; chef de famille &raquo;, le plus souvent un homme adulte. Les nomades, les personnes vivant dans des bidons-villes, les domestiques ou les esclaves vivant chez leurs employeurs ou chez leurs maitres, les r&eacute;fugi&eacute;s, les personnes d&eacute;plac&eacute;es internes ou les migrants saisonniers sont tous sous-repr&eacute;sent&eacute;s dans les statistiques officielles. Ce sont pourtant souvent ces groupes de population qui sont les plus vuln&eacute;rables et ont le plus besoin de l&rsquo;aide au d&eacute;veloppement.</p> <p>Les donn&eacute;es disponibles dans le domaine du d&eacute;veloppement sont donc actuellement incompl&egrave;tes et souvent obsol&egrave;tes, limitant la capacit&eacute; des gouvernements, organisations internationales et organisations de la soci&eacute;t&eacute; civile qui les utilisent pour adapter leurs interventions au plus pr&egrave;s des besoins des populations b&eacute;n&eacute;ficiaires.</p> <h2><b><a id="t4"></a>objectifs</b></h2> <p>D&egrave;s 2013, alors que les Objectifs de D&eacute;veloppement Durable &eacute;taient encore en pleine &eacute;laboration, les Nations Unies ont appel&eacute; &agrave; une &laquo; r&eacute;volution des donn&eacute;es &raquo; (United Nations, 2013). Cette r&eacute;volution consistait &agrave; obtenir davantage d&rsquo;informations, de meilleure qualit&eacute;, et &agrave; les diffuser plus largement. L&rsquo;utilisation des technologies de l&rsquo;information et de la communication pour obtenir ces donn&eacute;es &eacute;tait d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; recommand&eacute;e.</p> <p>En 2014, le Secr&eacute;taire General des Nations Unies a commandit&eacute; un rapport contenant des recommandations pour que cette &laquo; r&eacute;volution des donn&eacute;es &raquo; soit effective. Le rapport reconnaissait le potentiel des <i>big data</i> pour suivre les progr&egrave;s en mati&egrave;re de d&eacute;veloppement et recommandait que les donn&eacute;es soient accessibles &agrave; tous gratuitement (United Nations, 2014).</p> <p>Les <i>big data</i> peuvent sensiblement am&eacute;liorer la quantit&eacute;, la pr&eacute;cision et la mise &agrave; jour des informations utilis&eacute;es par les acteurs du d&eacute;veloppement pour &eacute;laborer, mettre en &oelig;uvre et &eacute;valuer leurs projets. Le r&eacute;sultat attendu est une meilleure compr&eacute;hension des probl&egrave;mes &agrave; r&eacute;soudre et des moyens &agrave; disposition pour des interventions mieux cibl&eacute;es, moins couteuses, plus rapides et plus &eacute;tendues (voir Figure 2). Les informations plus rapides et plus pr&eacute;cises obtenues sur les r&eacute;sultats du projet permettent ensuite de le r&eacute;ajuster, si besoin, pour en maximiser l&rsquo;impact.</p> <p>&nbsp;</p> <p><img alt="2018 notes cabazat2" src="https://numerev.com/images/revue-cossi/images/images-revue/2018-notes-cabazat2.png" /></p> <p><em>Figure 2. Le potentiel des </em>big data<em> pour am&eacute;liorer l&rsquo;efficacit&eacute; des projets de d&eacute;veloppement</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>Tout projet de d&eacute;veloppement, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse d&rsquo;un projet d&rsquo;&eacute;lectrification d&rsquo;un village ou d&rsquo;une campagne d&rsquo;information sur la pr&eacute;vention du VIH/Sida, peut se d&eacute;composer de mani&egrave;re sch&eacute;matique en ces trois phases d&rsquo;&eacute;laboration, de mise en &oelig;uvre et de suivi-&eacute;valuation. Les <i>big data</i> peuvent apporter une forte valeur ajout&eacute;e &agrave; chacune de ces phases. Au-del&agrave; de leur apport dans le domaine des statistiques, en augmentant le retour sur investissement des projets de d&eacute;veloppement, les <i>big data</i> doivent &eacute;galement permettre de d&eacute;gager des ressources pour financer d&rsquo;autres projets de d&eacute;veloppement et am&eacute;liorer les conditions de vie de davantage de b&eacute;n&eacute;ficiaires.</p> <h2><b><a id="t5"></a>mise en &oelig;uvre</b></h2> <p>Plusieurs organisations internationales, dont certaines agences des Nations Unies, la Banque Mondiale ou l&rsquo;Union Europ&eacute;enne, misent donc depuis quelques ann&eacute;es sur les <i>big data</i> pour r&eacute;pondre aux besoins du programme des Objectifs de D&eacute;veloppement Durable. Certaines initiatives pilotes ont &eacute;t&eacute; men&eacute;es sur le suivi des indicateurs de d&eacute;veloppement. Trois projets portant sur les Objectifs de D&eacute;veloppement Durable 1 (&laquo;&nbsp;&Eacute;liminer la pauvret&eacute; sous toutes ses formes et partout dans le monde&nbsp;&raquo;), 3 (&laquo;&nbsp;Permettre &agrave; tous de vivre en bonne sant&eacute; et promouvoir le bien-&ecirc;tre de tous &agrave; tout &acirc;ge&nbsp;&raquo;) et 6 (&laquo;&nbsp;Garantir l&rsquo;acc&egrave;s de tous &agrave; l&rsquo;eau et &agrave; l&rsquo;assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau&nbsp;&raquo;) servent ici d&rsquo;exemples de mise en &oelig;uvre.</p> <h2><b>Estimer le taux de pauvret&eacute; gr&acirc;ce aux images satellites de nuit</b></h2> <p>En 2015, le bureau du Programme des Nations Unies pour le Developpement au Soudan visait &agrave; exploiter les images satellites de nuit pour combler les lacunes des statistiques officielles soudanaises en mati&egrave;re de suivi du taux de pauvret&eacute; de la population (PNUD, 2016). Le pays, affect&eacute; par des ann&eacute;es de conflit et des faibles revenus, ne pouvait en effet mener des recensements de populations aussi r&eacute;guli&egrave;rement que l&rsquo;exigerait un suivi efficace de l&rsquo;Objectif de Developpement Durable 1 de lutte contre la pauvret&eacute;.</p> <p>Les images satellites de nuit permettent d&rsquo;analyser la luminosit&eacute; r&eacute;sultant des &eacute;clairages &eacute;lectriques, suppos&eacute;s plus nombreux dans les zones plus ais&eacute;es et moins nombreux dans les zones plus pauvres. Th&eacute;oriquement, le degr&eacute; de luminosit&eacute; devrait donc &ecirc;tre corr&eacute;l&eacute; au degr&eacute; de pauvret&eacute; d&rsquo;une r&eacute;gion. Les images prises r&eacute;guli&egrave;rement par les satellites pourraient ainsi permettre d&rsquo;estimer les taux de pauvret&eacute; en temps r&eacute;el et &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle locale, a tr&egrave;s faible co&ucirc;t. La Banque Mondiale a men&eacute; &agrave; la m&ecirc;me p&eacute;riode des projets similaires au Kenya et au Rwanda (Sanghi, Bundervoet et Maiyo, 2015).</p> <p>Les rapports de la Banque Mondiale sur l&rsquo;utilisation d&rsquo;images satellites de nuit pour estimer le degr&eacute; de pauvret&eacute; des pays d&rsquo;Afrique se veulent encourageant, concluant sur une forte corr&eacute;lation entre la luminosit&eacute; nocturne et le Produit Int&eacute;rieur Brut &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle nationale. Le bureau du PNUD au Soudan a cependant mis un terme &agrave; son initiative. En raison de zones non &eacute;lectrifi&eacute;es, les lumi&egrave;res de nuit ne pouvaient pas servir d&rsquo;indicateur fiable du taux de pauvret&eacute; &agrave; travers l&rsquo;ensemble du pays. A l&rsquo;heure actuelle, le bureau du PNUD au Soudan se tourne vers les taux d&rsquo;utilisation des t&eacute;l&eacute;phones portables pour estimer la pauvret&eacute;&nbsp;: avec pr&egrave;s de 70 t&eacute;l&eacute;phones portables pour 100 habitants (UIT, 2017), le taux de couverture pourrait &ecirc;tre suffisant pour produire des donn&eacute;es fiables &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle locale.</p> <h2><b>Mieux cibler et &eacute;tendre les campagnes de communications gr&acirc;ce aux r&eacute;seaux sociaux</b></h2> <p>Ce deuxi&egrave;me projet a &eacute;t&eacute; mis en &oelig;uvre par le bureau du Fonds des Nations Unies pour l&rsquo;Enfance (UNICEF) au Br&eacute;sil. En 2015, au plus fort de l&rsquo;&eacute;pid&eacute;mie du virus Zika en Am&eacute;rique latine, l&rsquo;UNICEF au Br&eacute;sil a lanc&eacute; une campagne de communication pour informer la population des moyens d&rsquo;&eacute;viter la maladie. La premi&egrave;re phase de cette campagne, traditionnelle, s&rsquo;est faite par radio, par la presse et par du porte-&agrave;-porte. L&rsquo;UNICEF a ainsi touch&eacute; 60 000 personnes en quelques semaines. Dans un deuxi&egrave;me temps, l&rsquo;UNICEF a collabor&eacute; avec Facebook pour lancer une campagne de communication sur le r&eacute;seau social. En seulement quelques heures, plus de 4 millions de personnes ont &eacute;t&eacute; inform&eacute;es des moyens d&rsquo;&eacute;viter la maladie (Nations Unies, 2017).</p> <p>Par ailleurs, l&rsquo;analyse des messages anonymis&eacute;s d&rsquo;utilisateurs de Facebook au Br&eacute;sil comportant le mot clef &laquo;&nbsp;Zika&nbsp;&raquo; a permis de r&eacute;aliser que la plupart des messages &eacute;taient publi&eacute;s par des hommes. L&rsquo;UNICEF a donc ajust&eacute; sa campagne de communication initialement cibl&eacute;e sur les femmes pour toucher davantage d&rsquo;hommes, notamment par le biais d&rsquo;une photo d&rsquo;un jeune p&egrave;re et de sa fille atteint par la maladie (UNICEF, 2016). Le r&eacute;seau social a par la suite propos&eacute; un sondage pour v&eacute;rifier l&rsquo;efficacit&eacute; de la campagne de communication&nbsp;: 82% des utilisateurs ayant vu les messages de pr&eacute;vention ont indiqu&eacute; avoir pris des mesures contre Zika.</p> <p>L&rsquo;&eacute;pid&eacute;mie du virus Zika est l&rsquo;un des premiers cas o&ugrave; les r&eacute;seaux sociaux ont pu jouer un r&ocirc;le significatif dans l&rsquo;information de la population et la pr&eacute;vention de la transmission. La quasi-totalit&eacute; de la population br&eacute;silienne utilise Facebook r&eacute;guli&egrave;rement, ce qui en fait un mode de communication pratiquement universel, gratuit et instantan&eacute;. Cet exemple montre comment les technologies de l&rsquo;information et de la communication peuvent non seulement accroitre de mani&egrave;re exponentielle la port&eacute;e des projets de communication et en r&eacute;duire le co&ucirc;t, mais aussi fournir des informations en temps r&eacute;el sur leur efficacit&eacute; afin de permettre des r&eacute;ajustements tout au long de la mise en &oelig;uvre.</p> <h2><b>Suivre l&rsquo;avanc&eacute;e des objectifs environnementaux gr&acirc;ce aux donn&eacute;es g&eacute;ospatiales</b></h2> <p>Ce dernier exemple de projet porte sur l&rsquo;objectif 6 d&rsquo;acc&egrave;s universel &agrave; l&rsquo;eau et &agrave; l&rsquo;assainissement et de gestion durable des ressources en eau. Les Objectifs du D&eacute;veloppement Durable, en comparaison avec leurs pr&eacute;d&eacute;cesseurs les Objectifs du Mill&eacute;naire pour le D&eacute;veloppement, accordent une place beaucoup plus centrale &agrave; l&rsquo;environnement. Quatre objectifs sont d&eacute;sormais enti&egrave;rement consacr&eacute;s &agrave; l&rsquo;environnement, contre seulement un dans le programme pr&eacute;c&eacute;dent, et plusieurs autres comptent des cibles, ou sous-objectifs, concernant la gestion durable des ressources naturelles.</p> <p>Le suivi des objectifs environnementaux est probl&eacute;matique car les informations pertinentes sont rarement collect&eacute;es par les gouvernements, dont les efforts statistiques se concentrent davantage sur les indicateurs socio-&eacute;conomiques. L&rsquo;utilisation des images satellites et autres sources de donn&eacute;es g&eacute;ospatiales est donc particuli&egrave;rement indiqu&eacute; dans ce domaine.</p> <p>Le Programme des Nations Unies pour l&rsquo;Environnement publie sur le site Internet Environment Live des cartes d&eacute;taill&eacute;es repr&eacute;sentant diff&eacute;rents indicateurs relatifs &agrave; la protection de l&rsquo;environnement. Des donn&eacute;es m&eacute;t&eacute;orologiques et g&eacute;ographiques sont combin&eacute;es d&rsquo;une mani&egrave;re accessible &agrave; tous, comme le montre la figure 3 pr&eacute;sentant les sources d&rsquo;eau souterraines en Afrique. Ces cartes peuvent permettre aux d&eacute;cideurs nationaux de prendre des d&eacute;cisions appropri&eacute;es pour g&eacute;rer durablement les ressources en eau de leur pays et limiter l&rsquo;impact des s&egrave;cheresses. Leur publication en libre acc&egrave;s permet quant &agrave; elle aux citoyens de s&rsquo;engager dans le suivi et la mise en &oelig;uvre des objectifs de d&eacute;veloppement, en faisant pression sur les gouvernements ou en lan&ccedil;ant des initiatives citoyennes de d&eacute;veloppement, comme des projets communautaires de gestion de l&rsquo;eau.</p> <p>&nbsp;<img alt="2018 notes cabazat3" src="https://numerev.com/images/revue-cossi/images/images-revue/2018-notes-cabazat3.png" /></p> <p><em>Figure 3&nbsp;: Sources d&rsquo;eau souterraines en Afrique publi&eacute;es en libre acc&egrave;s<br /> sur le site Internet Environment Live du Programme des Nations Unies pour l&rsquo;Environnement</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>Il existe ainsi de nombreux projets pilotes, pour la plupart &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle nationale ou locale, utilisant les <i>big data</i> dans le domaine du d&eacute;veloppement. Le r&eacute;pertoire <i>Big Data Project Inventory</i>, g&eacute;r&eacute; par la Commission Statistique des Nations Unies, en recense plus de 200 &agrave; ce jour (Commission Statistique des Nations Unies, 2017). Les <i>big data</i> sont pourtant encore loin d&rsquo;&ecirc;tre int&eacute;gr&eacute;s syst&eacute;matiquement dans les programmes de d&eacute;veloppement, du fait de plusieurs obstacles qui s&rsquo;opposent encore &agrave; une utilisation plus g&eacute;n&eacute;rale.</p> <h2><a id="t6"><b>r&eacute;sultats</b></a></h2> <p>Les agences statistiques gouvernementales ou bureaux nationaux de la statistique du monde entier ont adopt&eacute; en 1994, lors de la Commission Statistique annuelle des Nations Unies, les principes fondamentaux des statistiques officielles, mis &agrave; jour en 2014 (Commission Statistique des Nations Unies, 2014). Cet ensemble de bonnes pratiques doit &ecirc;tre respect&eacute; par les agences nationales produisant la plupart des indicateurs de suivi des objectifs de d&eacute;veloppement. En accord avec ces principes, les statistiques officielles acceptent l&rsquo;utilisation de donn&eacute;es de toute origine, choisies pour leur qualit&eacute;, mises &agrave; jour, co&ucirc;t et charge pour les r&eacute;pondants.</p> <p>D&rsquo;apr&egrave;s ces crit&egrave;res, les <i>big data</i> sont toutes indiqu&eacute;es&nbsp;: elles fournissent des informations potentiellement en temps r&eacute;el et &agrave; une &eacute;chelle de pr&eacute;cision in&eacute;dite, pour un tr&egrave;s faible co&ucirc;t et sans aucune g&ecirc;ne pour les populations, qui ne sont la plupart du temps pas conscientes que ces informations sont collect&eacute;es automatiquement par satellite ou &agrave; travers leur utilisation des t&eacute;l&eacute;phones portables et des r&eacute;seaux sociaux. Le recours des gouvernements aux <i>big data</i> est donc en accord avec les principes fondamentaux des statistiques officielles.</p> <p>D&rsquo;autres obstacles ont cependant fait jour lors des projets pilotes dont quelques exemples ont &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute;s ci-dessus. D&rsquo;un point de vue pratique tout d&rsquo;abord, l&rsquo;exploitation des <i>big data</i> n&eacute;cessite du mat&eacute;riel informatique et des ressources humaines sp&eacute;cialis&eacute;s, souvent chers et rarement disponibles dans les pays en d&eacute;veloppement. Les ensembles de donn&eacute;es tir&eacute;s par exemple des registres d&rsquo;appels anonymis&eacute;s doivent &ecirc;tre analys&eacute;s par des logiciels avanc&eacute;s et g&eacute;n&eacute;ralement &eacute;labor&eacute;s sur mesure pour un projet sp&eacute;cifique, sans possibilit&eacute; de les r&eacute;utiliser pour un autre projet similaire. La standardisation et le passage &agrave; plus grande &eacute;chelle des tentatives d&rsquo;exploitation des <i>big data</i> pose donc encore un probl&egrave;me.</p> <p>Par ailleurs, dans le domaine du d&eacute;veloppement, il est important de garder &agrave; l&rsquo;esprit le fait que les <i>big data</i> ne repr&eacute;sentent pas l&rsquo;ensemble de la population, et notamment les plus vuln&eacute;rables. Tout comme les recensements et les enqu&ecirc;tes gouvernementales excluent certains groupes, les <i>big data</i> ont leurs propres limites en termes de repr&eacute;sentativit&eacute;. Les in&eacute;galit&eacute;s d&rsquo;acc&egrave;s aux technologies de l&rsquo;information et de la communication, comme Internet ou les t&eacute;l&eacute;phones portables, en sont la principale raison. Les personnes vivant dans les pays en d&eacute;veloppement, les pauvres, les femmes, les personnes &acirc;g&eacute;es ou vivant en milieu rural sont moins connect&eacute;es, et donc moins bien repr&eacute;sent&eacute;es dans les donn&eacute;es produites par ces technologies. Figure 4 illustre la diff&eacute;rence des taux d&rsquo;acc&egrave;s entre les pays d&eacute;velopp&eacute;s et les pays en d&eacute;veloppement.</p> <p>&nbsp;<img alt="2018 notes cabazat4" src="https://numerev.com/images/revue-cossi/images/images-revue/2018-notes-cabazat4.png" /></p> <p><em>Figure 4&nbsp;: Taux d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; Internet et &agrave; la t&eacute;l&eacute;phonie mobile dans les pays d&eacute;velopp&eacute;s et en d&eacute;veloppement<br /> (donn&eacute;es provenant de l&rsquo;Union Internationale des T&eacute;l&eacute;communications pour 2017)</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>Enfin, le fait que les <i>big data</i> sont principalement produites par des entreprises priv&eacute;es dans un but lucratif peut limiter leur acc&egrave;s pour les acteurs du d&eacute;veloppement et pour le grand public. Pour des raisons de confidentialit&eacute;, de protection de la vie priv&eacute;e ou de protection des retours sur investissements, leur publication et leur utilisation doivent &ecirc;tre contr&ocirc;l&eacute;es. L&rsquo;acc&egrave;s libre aux donn&eacute;es sur le d&eacute;veloppement est pourtant une des recommandations des Nations Unies, pour encourager la participation des citoyens et le suivi public des progr&egrave;s sur les objectifs de d&eacute;veloppement.</p> <h2><b><a id="t7"></a>conclusion</b></h2> <p>Les quelques centaines de projets pilotes qui ont &eacute;t&eacute; mis en &oelig;uvre depuis 2015 ont laiss&eacute; entrevoir un potentiel ind&eacute;niable des <i>big data</i> pour am&eacute;liorer les informations disponibles sur le d&eacute;veloppement et l&rsquo;efficacit&eacute; des projets mis en &oelig;uvre. On recense aujourd&rsquo;hui plusieurs centaines d&rsquo;initiatives prometteuses dans tous les domaines du d&eacute;veloppement.</p> <p>Un engagement politique a &eacute;t&eacute; pris au plus haut niveau pour int&eacute;grer les <i>big data</i> aux statistiques officielles et faire en sorte qu&rsquo;elles soutiennent la r&eacute;alisation des objectifs de d&eacute;veloppement, mais des obstacles significatifs limitent encore l&rsquo;ampleur de leur utilisation et de leur impact sur l&rsquo;am&eacute;lioration sur l&rsquo;efficacit&eacute; des projets de d&eacute;veloppement.</p> <h2><b><a id="t8"></a>bibliographie</b></h2> <p>Banque Mondiale. 2015. <i>Joint Statement from MDBs and IMF Head on Financing for Development</i>. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://www.worldbank.org/en/news/press-release/2015/04/16/joint-statementmdbs-imf-head-financing-for-development">http://www.worldbank.org/en/news/press-release/2015/04/16/joint-statementmdbs-imf-head-financing-for-development</a></p> <p>Carr-Hill, Roy. 2013. &ldquo;Missing Millions and Measuring Development Progress&rdquo;. <i>World Development</i>.</p> <p>Commission Statistique des Nations Unies. 2014. <i>Principes fondamentaux des statistiques officielles</i>. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="https://unstats.un.org/unsd/dnss/gp/FP-New-E.pdf">https://unstats.un.org/unsd/dnss/gp/FP-New-E.pdf</a></p> <p>Commission Statistique des Nations Unies. 2017. <i>Big Data Project Inventory</i>. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="https://unstats.un.org/bigdata/inventory.cshtml">https://unstats.un.org/bigdata/inventory.cshtml</a></p> <p>IAEG-SDGs. 2017. <i>Tier Classification for Global SDG Indicators</i>. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="https://unstats.un.org/sdgs/files/Tier%20Classification%20of%20SDG%20Indicators_20%20April%202017_web.pdf">https://unstats.un.org/sdgs/files/Tier%20Classification%20of%20SDG%20Indicators_20%20April%202017_web.pdf</a></p> <p>Nations Unies. 2001. <i>Plan de campagne pour la mise en &oelig;uvre de la D&eacute;claration du Mill&eacute;naire </i>(A/56/326). Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://www.un.org/documents/ga/docs/56/a56326.pdf">http://www.un.org/documents/ga/docs/56/a56326.pdf</a></p> <p>Nations Unies. 2013. <i>A new global partnership&nbsp;: Eradicate poverty and transform economies through sustainable development. The Report of the High-Level Panel of Eminent Persons on the Post-2015 Development Agenda</i>. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://www.post2015hlp.org/wp-content/uploads/2013/05/UN-Report.pdf">http://www.post2015hlp.org/wp-content/uploads/2013/05/UN-Report.pdf</a></p> <p>Nations Unies. 2014. <i>A World That Counts: Mobilizing The Data Revolution for Sustainable Development</i>. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://www.undatarevolution.org/wp-content/uploads/2014/12/A-World-That-Counts2.pdf">http://www.undatarevolution.org/wp-content/uploads/2014/12/A-World-That-Counts2.pdf</a></p> <p>Nations Unies. 2015a. <i>Transformer notre monde : le Programme de d&eacute;veloppement durable &agrave; l&rsquo;horizon 2030</i> (A/RES/70/1). Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&amp;referer=/english/&amp;Lang=F">http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&amp;referer=/english/&amp;Lang=F</a></p> <p>Nations Unies. 2015b. <i>Rapport sur les objectifs du Mill&eacute;naire pour le d&eacute;veloppement</i>. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://www.un.org/fr/millenniumgoals/reports/2015/pdf/rapport_2015.pdf">http://www.un.org/fr/millenniumgoals/reports/2015/pdf/rapport_2015.pdf</a></p> <p>Nations Unies. 2017. <i>The Future of Data Production</i>. Session TA2.01 of the United Nations Statistical Commission&rsquo;s World Data Forum. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Hw_n6h481Oo">https://www.youtube.com/watch?v=Hw_n6h481Oo</a></p> <p>PNUD (Programme des Nations Unies pour le D&eacute;veloppement). 2016. <i>A BIG DEAL: How can we use big data to measure poverty in Sudan?</i> Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://www.sd.undp.org/content/sudan/en/home/blog/2016/1/12/A-BIG-DEAL-How-can-we-use-big-data-to-measure-poverty-in-Sudan-.html">http://www.sd.undp.org/content/sudan/en/home/blog/2016/1/12/A-BIG-DEAL-How-can-we-use-big-data-to-measure-poverty-in-Sudan-.html</a></p> <p>Sanghi, A., Bundervoet, T. et Maiyo, L. 2015. Night lights and the pursuit of subnational GDP: Application to Kenya &amp; Rwanda. Banque Mondiale. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://blogs.worldbank.org/developmenttalk/night-lights-and-pursuit-subnational-gdp-application-kenya-rwanda">http://blogs.worldbank.org/developmenttalk/night-lights-and-pursuit-subnational-gdp-application-kenya-rwanda</a></p> <p>SDSN (Sustainable Development Solutions Network). 2015. <i>Data for Development: A Needs Assessment for SDG Monitoring and Statistical Capacity Development</i>. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://unsdsn.org/wp-content/uploads/2015/04/Data-for-Development-Full-Report.pdf">http://unsdsn.org/wp-content/uploads/2015/04/Data-for-Development-Full-Report.pdf</a></p> <p>UIT (Union Internationale des T&eacute;l&eacute;communications). 2017. Mobile-cellular subscriptions. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/statistics/2017/Mobile_cellular_2000-2016.xls">http://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/statistics/2017/Mobile_cellular_2000-2016.xls</a></p> <p>UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l&rsquo;Enfance). 2016. <i>How Facebook statuses informed the Zika response in Brazil</i>. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="http://unicefstories.org/2016/12/17/how-facebook-statuses-informed-the-zika-response-in-brazil/">http://unicefstories.org/2016/12/17/how-facebook-statuses-informed-the-zika-response-in-brazil/</a>.</p> <hr />