<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L<span style="letter-spacing:-.1pt">&rsquo;analyse agambienne du camp de concentration n&rsquo;a pas qu&rsquo;un simple int&eacute;r&ecirc;t historique. Agamben fait de l&rsquo;&eacute;tude du camp un &eacute;l&eacute;ment cl&eacute; de la compr&eacute;hension de notre pr&eacute;sent, le camp &eacute;tant selon lui &laquo;&nbsp;comme la matrice cach&eacute;e, le <i>nomos</i> de l&rsquo;espace politique dans lequel nous vivons encore&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1"><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></a>. Agamben d&eacute;duit ainsi de la &laquo;&nbsp;structure juridico-politique&nbsp;&raquo; du camp les caract&eacute;ristiques de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception en germe dans nos soci&eacute;t&eacute;s. Il situe le d&eacute;but du processus qui m&egrave;nera plus tard aux camps de concentration au moment o&ugrave; les modernes introduisent dans la sph&egrave;re du politique ce qu&rsquo;il appelle la &laquo;&nbsp;vie nue&nbsp;&raquo; (ou <i>zo&eacute;</i>), c&rsquo;est-&agrave;-dire la simple vie biologique. En d&rsquo;autres termes, ils politisent la &laquo;&nbsp;vie nue&nbsp;&raquo; jusqu&rsquo;alors rest&eacute;e hors du champ du politique. Les droits de l&rsquo;homme proclam&eacute;s dans la tradition des Lumi&egrave;res s&rsquo;appliquent ainsi directement aux hommes en tant que simples &ecirc;tres vivants et non, comme dans la constitution am&eacute;ricaine, aux citoyens en tant que sujets d&rsquo;un syst&egrave;me juridique particulier. Les d&eacute;clarations de droits des modernes choisissent ainsi de s&rsquo;adresser &agrave; l&rsquo;individu pris dans un &eacute;tat de nature (&laquo;&nbsp;la vie nue&nbsp;&raquo;), sans qu&rsquo;il soit int&eacute;gr&eacute; dans une soci&eacute;t&eacute; particuli&egrave;re. Elles &laquo;&nbsp;repr&eacute;sentent la figure originelle de l&rsquo;inscription de la vie naturelle dans l&rsquo;ordre juridico-politique de l&rsquo;&Eacute;tat-nation&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref2"></a><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a>. La &laquo;&nbsp;vie nue&nbsp;&raquo; est int&eacute;gr&eacute;e dans la sph&egrave;re du politique des modernes uniquement pour y &ecirc;tre &laquo;&nbsp;politis&eacute;e&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;elle doit y &ecirc;tre d&eacute;truite ou &laquo;&nbsp;tu&eacute;e&nbsp;&raquo; pour devenir politique. Son inclusion dans la politique a pour imm&eacute;diate cons&eacute;quence son exclusion (ou politisation).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Or, Agamben d&eacute;finit pr&eacute;cis&eacute;ment l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception comme l&rsquo;&eacute;tat &laquo;&nbsp;dans lequel la vie nue [est] &agrave; la fois exclue et captur&eacute;e par l&rsquo;ordre juridico-politique&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref3"></a><a href="#_ftn3"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a>. L&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception est ainsi r&eacute;alis&eacute; quand un souverain d&eacute;cide qu&rsquo;une situation de fait (des troubles par exemple) justifie une mesure juridique (la mise en place de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception). Cette situation de fait est int&eacute;gr&eacute;e au syst&egrave;me juridique au moment m&ecirc;me o&ugrave; elle se transforme en droit. Pareille &agrave; la &laquo;&nbsp;vie nue&nbsp;&raquo;, elle est int&eacute;gr&eacute;e &agrave; la <i>polis</i> pour y &ecirc;tre imm&eacute;diatement &laquo;&nbsp;tu&eacute;e&nbsp;&raquo;. Agamben relie le fondement moderne de notre syst&egrave;me l&eacute;gal, c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;int&eacute;gration de la &laquo;&nbsp;vie nue&nbsp;&raquo; au politique, et sa conception de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception. Il en d&eacute;duit qu&rsquo;un accroissement de la &laquo;&nbsp;vie nue&nbsp;&raquo; dans le politique signifie de fait l&rsquo;extension de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quand ses fronti&egrave;res s&rsquo;estompent, la vie nue qui y habitait se lib&egrave;re dans la cit&eacute; et devient &agrave; la fois le sujet et l&rsquo;objet de l&rsquo;ordre politique et de ses conflits, le lieu unique aussi bien de l&rsquo;organisation du pouvoir &eacute;tatique que de l&rsquo;&eacute;mancipation &agrave; son &eacute;gard&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref4"></a><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a>. Le camp, r&eacute;sultat de l&rsquo;expansion de la &laquo;&nbsp;vie nue&nbsp;&raquo;, n&rsquo;est donc que le prolongement d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne fondant notre propre syst&egrave;me politique. Pour Agamben, le camp, cet &laquo;&nbsp;<i>hybride de droit et de fait, dans lequel ces deux termes sont devenus indiscernables</i>&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref5"></a><a href="#_ftn5"><sup><span style="color:black">[5]</span></sup></a>, est ainsi d&eacute;j&agrave; partout en germe dans notre syst&egrave;me d&eacute;mocratique moderne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Quand Agamben r&eacute;pond &agrave; la question&nbsp;: &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un camp, quelle est sa structure juridico-politique pour que de tels &eacute;v&eacute;nements aient pu y trouver leur lieu&nbsp;?&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref6"></a><a href="#_ftn6"><sup><span style="color:black">[6]</span></sup></a>, son approche est avant tout sp&eacute;culative et fond&eacute;e sur tr&egrave;s peu de sources historiques. Dans un esprit de dialogue interdisciplinaire, nous confronterons les r&eacute;sultats de nos recherches<a name="_ftnref7"></a><a href="#_ftn7"><sup><span style="color:black">[7]</span></sup></a> sur le r&eacute;gime de d&eacute;tention en vigueur dans les camps de concentration avec deux &eacute;l&eacute;ments essentiels de son analyse du camp d&eacute;velopp&eacute;e dans <i>Homo sacer I</i>&nbsp;: les rapports entre le droit normal et le camp, ainsi que la question de la m&eacute;diation entre les d&eacute;tenus et l&rsquo;autorit&eacute;.</span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Le camp, une institution d&rsquo;exception r&eacute;gie par des r&egrave;gles issues du droit normal</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Suivant une perspective centr&eacute;e sur la seule naissance des camps de concentration nationaux-socialistes dont le fondement serait l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.1pt">proclam&eacute; le 28&nbsp;f&eacute;vrier 1933<a name="_ftnref8"></a><a href="#_ftn8"><sup><span style="color:black">[8]</span></sup></a>, Agamben</span> en d&eacute;duit que les camps n&rsquo;ont rien &agrave; voir avec le droit normal. Or, les liens entre droit normal et r&eacute;gime de d&eacute;tention concentrationnaire apparaissent &eacute;vidents.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La naissance des camps</span></span></i></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Quels sont les camps dont Agamben analyse la structure juridico-politique&nbsp;?</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> On d&eacute;duit de ses d&eacute;veloppements sur la naissance des camps de concentration nationaux-socialistes au printemps 1933 qu&rsquo;il s&rsquo;agit des camps de concentration, c&rsquo;est-&agrave;-dire les camps dont le seul crit&egrave;re de d&eacute;finition est organique&nbsp;: leur rattachement progressif &agrave; l&rsquo;inspection des camps de concentration, puis &agrave; partir de mars&nbsp;1942 au service &laquo;&nbsp;Amtsgruppe D - Konzentrationslager&nbsp;&raquo;. Il n&rsquo;est donc pas question de ce que Raul Hilberg d&eacute;nomme les &laquo;&nbsp;centres de mises &agrave; mort&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref9"></a><a href="#_ftn9"><sup><span style="color:black">[9]</span></sup></a>, c&rsquo;est-&agrave;-dire Kulmhof (ou Chelmno), Belzec, Sobibor et Treblinka. De m&ecirc;me, les camps de concentration d&rsquo;Auschwitz et Ma&iuml;danek, les deux seuls camps dans lesquels l&rsquo;extermination massive dans les chambres &agrave; gaz eut &eacute;galement lieu, sont trait&eacute;s avec les autres camps de concentration.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Agamben soutient que &laquo;&nbsp;les camps naissent non pas du droit ordinaire [&hellip;] mais de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception et de la loi martiale&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref10"></a><a href="#_ftn10"><sup><span style="color:black">[10]</span></sup></a>. &Agrave; ce titre, il rappelle avec raison que l&rsquo;un des fondements juridiques de l&rsquo;internement dans les camps de concentration nazis &eacute;tait un m&eacute;canisme de l&rsquo;&eacute;tat de si&egrave;ge ou de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception, la <i>Schutzhaft</i>, et non le droit commun<a name="_ftnref11"></a><a href="#_ftn11"><sup><span style="color:black">[11]</span></sup></a>. &Agrave; c&ocirc;t&eacute; de la peine de <i>Schutzhaft</i> ordonn&eacute;e par la <i>Gestapo</i>, il faudrait ajouter que la police criminelle <i>(Kriminalpolizei)</i> pouvait &eacute;galement interner un individu dans un camp de concentration sur le fondement de la <i>Vorbeugungshaft<a name="_ftnref12"></a><a href="#_ftn12"><b><sup><span style="color:black">[12]</span></sup></b></a></i>, litt&eacute;ralement&nbsp;: peine pr&eacute;ventive, m&eacute;canisme reposant lui aussi sur la suspension de la libert&eacute; personnelle (article&nbsp;114 de la constitution de Weimar) par le d&eacute;cret du 28&nbsp;f&eacute;vrier 1933.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">Apr&egrave;s avoir justement relev&eacute; que les nazis, en prenant ce d&eacute;cret d&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception, &laquo;&nbsp;ne firent [&hellip;] que suivre une pratique consolid&eacute;e par les </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">gouvernements pr&eacute;c&eacute;dents&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref13"></a><a href="#_ftn13"><sup><span style="color:black">[13]</span></sup></a>, Agamben</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt"> croit pourtant d&eacute;celer dans le d&eacute;cret du 28&nbsp;f&eacute;vrier 1933 une &laquo;&nbsp;nouveaut&eacute; importante&nbsp;&raquo; car le d&eacute;cret, bien que fond&eacute; sur l&rsquo;article&nbsp;48 al. 2 de la constitution de Weimar, &laquo;&nbsp;ne comportait nulle part l&rsquo;expression <i>Ausnahmezustand</i> (&eacute;tat d&rsquo;exception)&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref14"></a><a href="#_ftn14"><sup><span style="color:black">[14]</span></sup></a>, ce qui contribue &agrave; ce que <i>&laquo;</i>&nbsp;<i>l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception cesse ainsi d&rsquo;&ecirc;tre ramen&eacute; &agrave; une situation ext&eacute;rieure et provisoire du danger r&eacute;el et tend &agrave; se confondre avec la norme m&ecirc;me</i>&nbsp;<i>&raquo;</i><a name="_ftnref15"></a><a href="#_ftn15"><sup><span style="color:black">[15]</span></sup></a><i>.</i> N&rsquo;&eacute;tant plus nomm&eacute;e explicitement, l&rsquo;exception cesse ainsi de l&rsquo;&ecirc;tre et r&eacute;git la situation normale. L&rsquo;absence de mention du terme <i>&eacute;tat d&rsquo;exception</i> dans le d&eacute;cret du 28&nbsp;f&eacute;vrier 1933 n&rsquo;est aucunement une nouveaut&eacute;. Ce d&eacute;cret est &agrave; quelques d&eacute;tails pr&egrave;s<a name="_ftnref16"></a><a href="#_ftn16"><sup><span style="color:black">[16]</span></sup></a> la copie du d&eacute;cret du 20&nbsp;juillet 1932 proclamant l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception dans la r&eacute;gion de Berlin et du Brandebourg<a name="_ftnref17"></a><a href="#_ftn17"><sup><span style="color:black">[17]</span></sup></a>. Or, ce d&eacute;cret de 1932 ne mentionne pas non plus le terme <i>&eacute;tat d&rsquo;exception</i> mais, exactement comme le d&eacute;cret du 28&nbsp;f&eacute;vrier 1933, la suspension des droits fondamentaux<i> bis auf Weiteres</i> (jusqu&rsquo;&agrave; nouvel ordre). Dans le cas du d&eacute;cret du 28&nbsp;f&eacute;vrier 1933, cette mention <i>bis auf Weiteres</i> signifiera&nbsp;: jusqu&rsquo;&agrave; la chute du r&eacute;gime nazi.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Toujours concernant la naissance des camps au sein de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception, Agamben cite le chef de la Gestapo </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">affirmant qu&rsquo;&laquo;&nbsp;il n&rsquo;existe aucun ordre ni aucune instruction pour l&rsquo;origine des camps&nbsp;: ils n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; institu&eacute;s, mais un jour ils ont &eacute;t&eacute; l&agrave;&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref18"></a><a href="#_ftn18"><sup><span style="color:black">[18]</span></sup></a>. <span style="letter-spacing:.3pt">Or, la lecture du passage du livre de Drobisch et Wieland<a name="_ftnref19"></a><a href="#_ftn19"><sup><span style="color:black">[19]</span></sup></a> contenant cette citation conduit &agrave; en r&eacute;duire la port&eacute;e. Cette phrase de Diels est cit&eacute;e par les auteurs pour illustrer la cr&eacute;ation des tout premiers camps apparus imm&eacute;diatement apr&egrave;s le d&eacute;cret du 28&nbsp;f&eacute;vrier 1933. D&eacute;nomm&eacute;s &laquo;&nbsp;camps sauvages&nbsp;&raquo; <i>(wilde Lager) </i>par la litt&eacute;rature historique allemande, ces premiers camps sont spontan&eacute;ment cr&eacute;&eacute;s par des militants nationaux-socialistes particuli&egrave;rement z&eacute;l&eacute;s en vue d&rsquo;y interner des opposants au r&eacute;gime dans des granges, usines d&eacute;saffect&eacute;es ou tout autre local vacant. Dans ces lieux de d&eacute;tention improvis&eacute;s et &eacute;ph&eacute;m&egrave;res, les SA en particulier laissent libre cours &agrave; leur brutalit&eacute; arbitraire. Ces &laquo;&nbsp;camps sauvages&nbsp;&raquo; sont assez vite remplac&eacute;s par des camps plac&eacute;s sous une autorit&eacute; centrale. Le 4&nbsp;juillet 1934, Eicke devient le premier inspecteur </span><span style="letter-spacing:.2pt">des camps de concentration <i>(Inspektor</i></span><i><span style="letter-spacing:.3pt"> der Konzentrationslager). </span></i><span style="letter-spacing:.3pt">D&egrave;s la fin de la m&ecirc;me ann&eacute;e, il est plac&eacute; sous l&rsquo;autorit&eacute;<i> </i>hi&eacute;rarchique directe de Himmler et re&ccedil;oit la mission de fermer<i> </i>la multitude de petits camps qui s&rsquo;&eacute;taient cr&eacute;&eacute;s pour les remplacer<i> </i>par des structures plus grandes et organis&eacute;es selon le mod&egrave;le du camp de concentration de Dachau. La naissance spontan&eacute;e de certains camps, suite au d&eacute;cret du 28&nbsp;f&eacute;vrier 1933, rend compte d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne limit&eacute; (quelques mois) auquel le r&eacute;gime met fin rapidement pour leur substituer des camps cr&eacute;&eacute;s officiellement. Comme le rappelle d&rsquo;ailleurs Himmler avec d&eacute;termination en d&eacute;cembre&nbsp;1939, &laquo;&nbsp;les camps de concentration ne peuvent pas &ecirc;tre &eacute;rig&eacute;s sans [son] autorisation&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref20"></a><a href="#_ftn20"><sup><span style="color:black">[20]</span></sup></a>. Bien que leur naissance intervienne dans le cadre de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception, les camps ont quand m&ecirc;me besoin d&rsquo;un fondement dans l&rsquo;encadrement normatif nazi en vigueur. La proc&eacute;dure d&rsquo;autorisation de la cr&eacute;ation d&rsquo;un camp est d&rsquo;ailleurs complexe et le deviendra encore davantage quand sera pris en compte l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t &eacute;conomique du futur camp.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">L&rsquo;analyse d&rsquo;Agamben s&rsquo;arr&ecirc;te finalement &agrave; la porte d&rsquo;entr&eacute;e du camp, dans la mesure o&ugrave; ne sont consid&eacute;r&eacute;s que la naissance de l&rsquo;institution et l&rsquo;ordre d&rsquo;interner un d&eacute;tenu sur le fondement de la <i>Schutzhaft</i> (et <i>Vorbeugungshaft</i>), laquelle n&rsquo;organise pas la d&eacute;tention en tant que telle. Les proc&eacute;dures appliqu&eacute;es <i>au sein du camp</i>, c&rsquo;est-&agrave;-dire en premier lieu son r&eacute;gime de d&eacute;tention, restent hors de son champ de recherche.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Le droit normal au sein du camp</span></span></i></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Selon Agamben, le projet de cr&eacute;ation du camp de Dachau &laquo;&nbsp;fut imm&eacute;diatement confi&eacute; aux SS et, &agrave; travers la <i>Schutzhaft</i>, plac&eacute; en dehors des r&egrave;gles du droit p&eacute;nal et du droit carc&eacute;ral, avec lesquels il n&rsquo;eut jamais rien &agrave; voir ni &agrave; l&rsquo;&eacute;poque ni par la suite&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref21"></a><a href="#_ftn21"><sup><span style="color:black">[21]</span></sup></a>. Agamben explique &eacute;galement que les camps ne naissent pas &laquo;&nbsp;d&rsquo;une transformation et d&rsquo;un d&eacute;veloppement du droit carc&eacute;ral&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref22"></a><a href="#_ftn22"><sup><span style="color:black">[22]</span></sup></a>. Or, si on consid&egrave;re les r&egrave;gles s&rsquo;appliquant dans le camp, les liens avec le droit normal sont nombreux. Conform&eacute;ment au principe de validit&eacute; des r&egrave;gles au sein de l&rsquo;encadrement normatif nazi, notons bien entendu qu&rsquo;une r&egrave;gle issue du droit normal n&rsquo;est valide au sein du camp que si elle est conforme &agrave; la volont&eacute; du F&uuml;hrer, ind&eacute;pendamment donc de son ancienne validit&eacute; formelle au sein du droit normal.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Dans le camp s&rsquo;appliquent parfois directement des r&egrave;gles de droit normal destin&eacute;es &agrave; organiser de mani&egrave;re rationnelle le travail forc&eacute; des d&eacute;tenus. Un document du camp de Buchenwald consacr&eacute; au r&eacute;gime des travailleurs de force, ainsi que plusieurs proc&eacute;dures appliqu&eacute;es au sein du camp de Flossenb&uuml;rg, se</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> r&eacute;f&egrave;rent express&eacute;ment &agrave; un texte de droit commun&nbsp;: le r&egrave;glement du 16&nbsp;septembre <span style="letter-spacing:.1pt">1939, publi&eacute; au journal officiel du droit allemand<a name="_ftnref23"></a><a href="#_ftn23"><sup><span style="color:black">[23]</span></sup></a>. Comme son intitul&eacute; l&rsquo;in</span><span style="letter-spacing:-.1pt">dique, ce &laquo;&nbsp;R&egrave;glement pour l&rsquo;octroi de compl&eacute;ments alimentaires sp&eacute;ciaux aux travailleurs de force et de tr&egrave;s grande force, aux femmes enceintes et allaitantes, aux personnes malades et impotentes&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref24"></a><a href="#_ftn24"><sup><span style="color:black">[24]</span></sup></a> n&rsquo;avait pas <i>a priori</i> vocation &agrave; s&rsquo;appliquer aux intern&eacute;s concentrationnaires mais &agrave; la population du <i>Reich</i>. Selon le paragraphe&nbsp;1, les b&eacute;n&eacute;ficiaires de cette ration per&ccedil;oivent davantage de graisse, de viande, de pain et de farine. Le paragraphe&nbsp;2 pr&eacute;voit deux qualifications de travailleur de force&nbsp;: soit le travailleur &laquo;&nbsp;doit fournir constamment un travail physique difficile&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref25"></a><a href="#_ftn25"><sup><span style="color:black">[25]</span></sup></a>, soit &laquo;&nbsp;il doit fournir un travail physique d&rsquo;intensit&eacute; moyenne dans des conditions de travail aggravantes&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref26"></a><a href="#_ftn26"><sup><span style="color:black">[26]</span></sup></a>. </span><span style="letter-spacing:-.2pt">Dans ce second cas, quelques exemples</span><span style="letter-spacing:-.1pt"> sont donn&eacute;s&nbsp;: ainsi, le travail par grosse chaleur, g&eacute;n&eacute;rant beaucoup de poussi&egrave;re, pour lequel un masque respiratoire est n&eacute;cessaire ou au cours duquel le travailleur est sous l&rsquo;effet de substances nocives, peut &ecirc;tre qualifi&eacute; de &laquo;&nbsp;travail de force&nbsp;&raquo;. Le travailleur de &laquo;&nbsp;grande force&nbsp;&raquo; est un travailleur cumulant les deux qualifications utilis&eacute;es pour d&eacute;finir le travailleur de force</span><span style="letter-spacing:-.3pt">.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.3pt">Dans les archives du camp de Buchenwald, un document intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Di</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">rectives </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">pour la s&eacute;lection des d&eacute;tenus ayant droit &agrave; un compl&eacute;ment alimentaire&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref27"></a><a href="#_ftn27"><sup><span style="color:black">[27]</span></sup></a> reprend fid&egrave;lement le texte du paragraphe&nbsp;2 du r&egrave;glement de 1939<sup>.</sup> Une longue liste, par branches, des diff&eacute;rents m&eacute;tiers indique en outre &agrave; quels m&eacute;tiers la qualification des travailleurs de force doit &ecirc;tre accord&eacute;e. Toutefois, &laquo;&nbsp;pour les d&eacute;tenus en camps de concentration, il n&rsquo;y a pas de distinction entre les travailleurs de force et de grande force&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref28"></a><a href="#_ftn28"><sup><span style="color:black">[28]</span></sup></a>. Si la cat&eacute;gorie des travailleurs de grande force semble avoir disparu dans les camps, une nouvelle cat&eacute;gorie est parfois &eacute;voqu&eacute;e dans les archives des camps&nbsp;: le travailleur de demi-force <i>(Halbschwer-arbeiter).</i></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Le droit normal militaire et carc&eacute;ral ne s&rsquo;applique pas directement au sein du camp mais a clairement inspir&eacute; les r&egrave;gles disciplinaires concentrationnaires. Le r&egrave;glement disciplinaire du camp de Ravensbr&uuml;ck<a name="_ftnref29"></a><a href="#_ftn29"><sup><span style="color:black">[29]</span></sup></a> conna&icirc;t trois types de peines<a name="_ftnref30"></a><a href="#_ftn30"><sup><span style="color:black">[30]</span></sup></a>&nbsp;: les peines administratives, les peines d&rsquo;arr&ecirc;ts et les ch&acirc;timents corporels.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Les peines administratives sont les suivantes&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;a) Avertissement avec menace de punition,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">b) Corv&eacute;e durant le temps libre sous la surveillance d&rsquo;une garde,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">c) Interdiction d&rsquo;&eacute;crire ou de recevoir des lettres personnelles,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">d) Privation du repas de midi ou du soir avec maintien de la pleine activit&eacute;,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">e) Affectation au <i>Block</i> disciplinaire,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">f) Couchage &agrave; m&ecirc;me le sol dans une cellule apr&egrave;s la journ&eacute;e de travail&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref31"></a><a href="#_ftn31"><sup><span style="color:black">[31]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Les peines d&rsquo;arr&ecirc;ts comprennent trois niveaux&nbsp;: de &laquo;&nbsp;moyen&nbsp;&raquo; (I) &agrave; &laquo;&nbsp;de rigueur&nbsp;&raquo; (III) en passant par &laquo;&nbsp;renforc&eacute;&nbsp;&raquo; (II)<a name="_ftnref32"></a><a href="#_ftn32"><sup><span style="color:black">[32]</span></sup></a>. Enfin, les ch&acirc;timents corporels consistent en des peines de cinq, dix, quinze, vingt ou vingt-cinq coups de b&acirc;ton.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">On retrouve le m&ecirc;me vocabulaire et le m&ecirc;me triptyque (vexations diverses, peines d&rsquo;arr&ecirc;ts et ch&acirc;timents corporels) dans le &laquo;&nbsp;R&egrave;glement disciplinaire pour la marine imp&eacute;riale du 1<sup>er</sup>&nbsp;novembre 1902&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref33"></a><a href="#_ftn33"><sup><span style="color:black">[33]</span></sup></a> dans sa version en vigueur en 1911.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Les mousses, personnel le plus bas dans la hi&eacute;rarchie de la marine, peuvent &ecirc;tre condamn&eacute;s aux peines disciplinaires suivantes&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">&laquo;&nbsp;1. Bl&acirc;me public [...] et affichage du nom du bl&acirc;m&eacute; au maximum durant trois jours, </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">2. Repas pris &agrave; l&rsquo;&eacute;cart &ndash; jusqu&rsquo;&agrave; huit jours, </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">3. Exercices disciplinaires, enseignement disciplinaire et service de garde suppl&eacute;mentaire jusqu&rsquo;&agrave; quatre heures, mais pas plus d&rsquo;une heure par jour, </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">4. Ligot&eacute; derri&egrave;re une paroi de telle mani&egrave;re que le condamn&eacute; puisse se tenir debout mais ne puisse ni s&rsquo;asseoir, ni s&rsquo;allonger, ceci toutefois au maximum une heure par jour et pas plus de trois jours cons&eacute;cutifs [&hellip;], </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">4a. R&eacute;vocation du grade de service des sous-officiers mousses [...], </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">5. Peines d&rsquo;arr&ecirc;ts [...]. Arr&ecirc;ts moyens jusqu&rsquo;&agrave; cinq jours. Arr&ecirc;ts de rigueur jusqu&rsquo;&agrave; trois jours [&hellip;],</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">7. Ch&acirc;timents corporels jusqu&rsquo;&agrave; dix coups [...]&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref34"></a><a href="#_ftn34"><sup><span style="color:black">[34]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Un texte plus ancien confirme cette impression selon laquelle les peines concentrationnaires sont une radicalisation du droit normal militaire. Selon le paragraphe&nbsp;5 C du r&egrave;glement relatif &agrave; la r&eacute;pression disciplinaire dans l&rsquo;arm&eacute;e prussienne du 21&nbsp;octobre 1841, dans sa version publi&eacute;e en 1845<a name="_ftnref35"></a><a href="#_ftn35"><sup><span style="color:black">[35]</span></sup></a>, les soldats de premi&egrave;re classe et les simples soldats <i>(Gefreite und Gemeine) </i>peuvent &ecirc;tre condamn&eacute;s &agrave; des exercices (1. a), &agrave; un service de garde suppl&eacute;mentaire (1. b), &agrave; des corv&eacute;es (1. c), au port d&rsquo;une tenue particuli&egrave;re (1. d), &agrave; diverses confiscations temporaires de la jouissance de la solde (1. e) ou &agrave; une peine d&rsquo;arr&ecirc;ts simples, moyens ou de rigueur. Le paragraphe&nbsp;5 D ajoute que &laquo;&nbsp;les simples soldats de deuxi&egrave;me classe peuvent &eacute;galement &ecirc;tre condamn&eacute;s disciplinairement et subir [...] des ch&acirc;timents corporels jusqu&rsquo;&agrave; 30 coups et jusqu&rsquo;&agrave; 40 s&rsquo;ils se trouvent dans les sections disciplinaires ou les compagnies de travail&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref36"></a><a href="#_ftn36"><sup><span style="color:black">[36]</span></sup></a>. Enfin, le paragraphe&nbsp;6 envisage comme peine le ligotage &agrave; un arbre ou &agrave; un mur de telle mani&egrave;re que le soldat ne puisse ni s&rsquo;asseoir ni s&rsquo;allonger.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Vexations, trois niveaux d&rsquo;arr&ecirc;ts, ch&acirc;timents corporels&nbsp;: les peines disciplinaires de l&rsquo;arm&eacute;e prussienne du milieu du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle pr&eacute;sentent de grandes similitudes avec les peines concentrationnaires. D&rsquo;ailleurs, cette parent&eacute; avec le droit disciplinaire normal est utilis&eacute;e par le r&eacute;gime nazi pour montrer que le camp de concentration est finalement une institution carc&eacute;rale comme une autre. En janvier&nbsp;1937, lors d&rsquo;une formation destin&eacute;e &agrave; la Wehrmacht<a name="_ftnref37"></a><a href="#_ftn37"><sup><span style="color:black">[37]</span></sup></a>, Himmler justifie explicitement l&rsquo;emploi de la peine des ch&acirc;timents corporels dans les camps de concentration par sa reprise du r&egrave;glement int&eacute;rieur de certains &eacute;tablissements p&eacute;nitentiaires de 1914-1918. &Agrave; propos des d&eacute;tenus, il dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si l&rsquo;un d&rsquo;entre eux est insolent ou oppose de la r&eacute;sistance, certains s&rsquo;y essaient de temps &agrave; autre, il est intern&eacute; en cellule d&rsquo;isolement, mis aux arr&ecirc;ts dans l&rsquo;obscurit&eacute; au pain et &agrave; l&rsquo;eau, ou &ndash; je vous prie ici de ne pas vous effrayer, j&rsquo;ai pris le vieux r&egrave;glement des &eacute;tablissements p&eacute;nitentiaires <i>[Zuchthaus] </i>prussiens des ann&eacute;es 1914-1918 &ndash; il peut recevoir 25 coups dans les cas s&eacute;rieux&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref38"></a><a href="#_ftn38"><sup><span style="color:black">[38]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">&Agrave; la lecture de ces quelques exemples, les r&egrave;gles concentrationnaires ne semblent &ecirc;tre qu&rsquo;une aggravation des r&eacute;gimes militaires et carc&eacute;raux, et donc une simple aggravation du droit pris &laquo;&nbsp;en temps normal&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.25pt">Enfin, le r&eacute;gime concentrationnaire met en &oelig;uvre des m&eacute;canismes juridiques emprunt&eacute;s au droit du travail. Quand, en 1943, les administrations concentrationnaires centrales d&eacute;cident de mettre en place un syst&egrave;me de primes de rendement pour les d&eacute;tenus les plus &laquo;&nbsp;m&eacute;ritants&nbsp;&raquo;, ils empruntent au droit normal le terme et la m&eacute;thode d&rsquo;&eacute;valuation du rendement. L&rsquo;&eacute;valuation d&rsquo;un groupe s&rsquo;effectue en comparant le nombre de pi&egrave;ces r&eacute;ellement produites dans un temps imparti avec un objectif chiffr&eacute; fix&eacute; &agrave; l&rsquo;avance. Si le travail est termin&eacute; avant cette limite, chaque d&eacute;tenu du groupe est r&eacute;compens&eacute; par une prime au montant proportionnel au temps gagn&eacute;. Ce syst&egrave;me du <i>Gruppenakkord</i> est directement inspir&eacute; du droit du travail allemand, comme le sugg&egrave;re une th&egrave;se en droit du travail publi&eacute;e en 1938<a name="_ftnref39"></a><a href="#_ftn39"><sup><span style="color:black">[39]</span></sup></a>. L&rsquo;auteur y d&eacute;veloppe notamment (pp.&nbsp;46-48) les sp&eacute;cificit&eacute;s de ce syst&egrave;me de bonifications du rendement quand il est appliqu&eacute; &agrave; un groupe de travailleurs participant &agrave; la production d&rsquo;une m&ecirc;me pi&egrave;ce. </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ce syst&egrave;me s&rsquo;appelle alors &laquo;&nbsp;<i>Gruppen<span style="letter-spacing:.25pt">- oder Kolonnenakkord</span></i><span style="letter-spacing:.25pt">&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">La m&eacute;diation de l&rsquo;ordre concentrationnaire</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Agamben &eacute;crit &agrave; propos des d&eacute;tenus&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans la mesure o&ugrave; ses habitants ont &eacute;t&eacute; d&eacute;pouill&eacute;s de tout statut politique et r&eacute;duits int&eacute;gralement &agrave; la vie nue, le camp est aussi l&rsquo;espace biopolitique le plus absolu qui ait jamais &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;, o&ugrave; le pouvoir n&rsquo;a plus en face de lui que la pure vie, sans aucune m&eacute;diation&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref40"></a><a href="#_ftn40"><sup><span style="color:black">[40]</span></sup></a>. Nos recherches font plut&ocirc;t appara&icirc;tre une m&eacute;diation omnipr&eacute;sente entre les d&eacute;tenus et l&rsquo;autorit&eacute; SS.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Modalit&eacute; de l&rsquo;exercice de l&rsquo;autorit&eacute; sur les d&eacute;tenus</span></span></i></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Sans nul doute, comme le soutient Agamben, les garanties et droits subjectifs existant dans le droit normal sont suspendus au sein du camp. Cependant, la r&eacute;glementation tr&egrave;s pr&eacute;cise encadrant l&rsquo;action des SS sur les d&eacute;tenus pr&eacute;sente les traits d&rsquo;une m&eacute;diation entre le d&eacute;tenu et l&rsquo;autorit&eacute;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ainsi, la r&eacute;pression des d&eacute;tenus se fait par le truchement d&rsquo;une proc&eacute;dure disciplinaire. D&egrave;s la commission de l&rsquo;infraction, la r&eacute;daction d&rsquo;un rapport d&rsquo;incident <i>(Strafmeldung)</i> doit se substituer &agrave; la punition arbitraire et spontan&eacute;e inflig&eacute;e par le SS ou le responsable d&eacute;tenu t&eacute;moin de cette infraction. Ce rapport d&rsquo;incident indique les circonstances de l&rsquo;infraction et est transmis par son auteur &agrave; son sup&eacute;rieur hi&eacute;rarchique. Le r&egrave;glement de Ravensbr&uuml;ck r&egrave;gle pr&eacute;cis&eacute;ment cette proc&eacute;dure. &laquo;&nbsp;La garde d&eacute;sign&eacute;e chef d&rsquo;un commando de travail est responsable de l&rsquo;ordre et de la discipline de sa colonne de travail. Elle signale par &eacute;crit les infractions au <i>Schutzhaftlagerf&uuml;hrer </i>[commandant adjoint responsable du camp des d&eacute;tenus]&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref41"></a><a href="#_ftn41"><sup><span style="color:black">[41]</span></sup></a>. Les gardes ne sont pas les seuls destinataires de cette obligation de signalement &eacute;crit des infractions disciplinaires commises par les d&eacute;tenus. De mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, &laquo;&nbsp;les atteintes de d&eacute;tenus contre le r&egrave;glement du camp doivent &agrave; chaque fois &ecirc;tre signal&eacute;es par &eacute;crit par l&rsquo;interm&eacute;diaire du chef de service comp&eacute;tent au directeur du camp&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref42"></a><a href="#_ftn42"><sup><span style="color:black">[42]</span></sup></a>. La formulation employ&eacute;e insiste sur le caract&egrave;re obligatoire et automatique du signalement &eacute;crit des infractions&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; chaque fois&nbsp;&raquo; <i>[jeweils] </i>qu&rsquo;il constate une infraction, le SS a l&rsquo;obligation de transmettre un rapport d&rsquo;incident &eacute;crit.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Dans <i>Les Jours de notre mort</i>, David Rousset raconte comment un d&eacute;tenu, qui travaille &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur de l&rsquo;enceinte du camp durant la journ&eacute;e, peut faire l&rsquo;objet d&rsquo;un rapport. Tout commence quand un garde SS surprend une conversation entre d&eacute;tenus durant laquelle David Rousset parle de l&rsquo;&eacute;vasion. Le SS le menace de faire un rapport&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;&ndash; Vous avez dit que les &eacute;vasions c&rsquo;&eacute;tait tr&egrave;s bien, me dit-il. Je vous ai entendu. Je ferai un rapport.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Je le regardai. Il avait enfin trouv&eacute; ce qu&rsquo;il cherchait depuis si longtemps. La question demeurait de savoir s&rsquo;il irait jusqu&rsquo;au bout. [&hellip;] Il s&rsquo;approcha du Kommandof&uuml;hrer et lui raconta sa fable. [&hellip;] S&rsquo;il faisait un rapport au Blockf&uuml;hrer, j&rsquo;&eacute;tais assur&eacute; de recevoir une correction exemplaire et peut-&ecirc;tre pis. Personne ne pouvait dire o&ugrave; s&rsquo;arr&ecirc;terait une pareille accusation et je savais que je ne disposais d&rsquo;aucun moyen de d&eacute;fense&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref43"></a><a href="#_ftn43"><sup><span style="color:black">[43]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">David Rousset indique m&ecirc;me la proc&eacute;dure habituelle selon laquelle le SS comp&eacute;tent pour le kommando de travail faisait son rapport au retour du kommando dans le camp&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.05pt">&laquo;&nbsp;Le Kommando s&rsquo;arr&ecirc;ta devant la porte du camp. Nous allions &ecirc;tre compt&eacute;s. Le Kommandof&uuml;hrer s&rsquo;avan&ccedil;a vers la petite fen&ecirc;tre derri&egrave;re laquelle se tenait le Blockf&uuml;hrer pour lui pr&eacute;senter l&rsquo;&eacute;quipe dont il avait la charge. [&hellip;] C&rsquo;&eacute;tait le moment. Il donnait le nom du Kommando et le chiffre des hommes qui le composaient. Nous allions d&eacute;filer lentement au pas devant le Blockf&uuml;hrer. Puis, le dernier pass&eacute; &agrave; la t&ecirc;te droite, les mains allong&eacute;es sur le pantalon, le Kommandof&uuml;hrer avertirait qu&rsquo;il avait un rapport &agrave; faire. Toni lancerait l&rsquo;ordre de rester en rang, immobile. Emil [le kapo] attendrait, un peu inquiet. Puis, au bout d&rsquo;un moment, on m&rsquo;appellerait et tout recommencerait. Les premiers rangs pass&egrave;rent. L&rsquo;Idiot resta sur la route avec les autres sentinelles, qui prirent le chemin de leurs baraques en bas de la colline. Je le vis h&eacute;siter &agrave; les suivre, jeter un coup d&rsquo;&oelig;il au Kommandof&uuml;hrer, s&rsquo;attarder pr&egrave;s de la porte. Le Blockf&uuml;hrer nous comptait lentement, ses petits yeux froids inquisiteurs. J&rsquo;&eacute;tais au dernier rang. Le Kommandof&uuml;hrer salua et sortit. Il n&rsquo;avait rien dit. C&rsquo;est alors seulement que l&rsquo;Idiot se d&eacute;cida &agrave; descendre la route&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref44"></a><a href="#_ftn44"><sup><span style="color:black">[44]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Dans le domaine du travail, les proc&eacute;dures relatives aux primes de rendement op&egrave;rent &eacute;galement une m&eacute;diation entre l&rsquo;autorit&eacute; SS charg&eacute;e du travail et le d&eacute;tenu. Ainsi, dans un texte &eacute;dict&eacute; le 5&nbsp;juillet 1944 par le camp de concentration de Herzogenbusch, <span style="letter-spacing:.1pt">l&rsquo;interdiction de faire des cadeaux aux d&eacute;tenus est express&eacute;ment li&eacute;e au syst&egrave;me des primes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il est interdit de faire des cadeaux aux d&eacute;tenus sous forme de cigarettes, ou autres objets. </span><span style="letter-spacing:.2pt">Si le but est de distinguer un d&eacute;tenu en raison de ses rendements sp&eacute;cialement &eacute;lev&eacute;s, alors des primes de rendement peuvent &ecirc;tre pay&eacute;es&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref45"></a><a href="#_ftn45"><sup><span style="color:black">[45]</span></sup></a>. La m&eacute;diation de la proc&eacute;dure d&rsquo;attribution des primes de rendement &eacute;vite les t&eacute;moignages spontan&eacute;s et directs de reconnaissance de la part du personnel.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Inutile de pr&eacute;ciser que cette m&eacute;diation au moyen de proc&eacute;dures et de dizaines de formulaires employ&eacute;s quotidiennement dans les camps n&rsquo;est pas destin&eacute;e &agrave; prot&eacute;ger le d&eacute;tenu ni &agrave; lui conf&eacute;rer des droits subjectifs. Les motifs de cette m&eacute;diation n&rsquo;ont jamais aucun rapport avec le d&eacute;tenu&nbsp;: les autorit&eacute;s SS insistent pour que soit respect&eacute;e la proc&eacute;dure du rapport d&rsquo;incident, non pas pour prot&eacute;ger le d&eacute;tenu qui sera battu de toute mani&egrave;re, mais pour prot&eacute;ger la dignit&eacute; du SS qui ne doit pas se laisser aller &agrave; des comportements non contr&ocirc;l&eacute;s<a name="_ftnref46"></a><a href="#_ftn46"><sup><span style="color:black">[46]</span></sup></a>. De m&ecirc;me, l&rsquo;encadrement du travail forc&eacute; n&rsquo;a d&rsquo;autres motifs que la mise au travail optimale des d&eacute;tenus pour les besoins de l&rsquo;&eacute;conomie de guerre.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Le camp n&rsquo;est donc pas un espace o&ugrave; r&egrave;gne l&rsquo;exception, dans lequel la vie du d&eacute;tenu est mise &agrave; nue pour &ecirc;tre opprim&eacute;e <i>sans m&eacute;diation</i>. Au contraire, c&rsquo;est l&rsquo;application quotidienne d&rsquo;un encadrement normatif pr&eacute;cis qui caract&eacute;rise l&rsquo;enfer concentrationnaire.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Le d&eacute;tenu r&eacute;duit &agrave; un corps</span></span></i></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La m&eacute;diation de l&rsquo;ordre concentrationnaire s&rsquo;adresse &agrave; des d&eacute;tenus r&eacute;duits &agrave; la vie nue. Un courrier adress&eacute; aux commandants des camps de concentration le 26&nbsp;octobre 1943, par Oswald Pohl, chef de l&rsquo;&eacute;conomie de la SS <i>(SS-WVHA),</i> illustre ces dispositions op&eacute;rant une m&eacute;diation entre l&rsquo;autorit&eacute; SS et des d&eacute;tenus consid&eacute;r&eacute;s comme des corps.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Il explique ainsi aux commandants des camps&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce n&rsquo;est pas par fausse sensiblerie [sic&nbsp;!] mais parce que nous avons besoin d&rsquo;eux avec leurs bras et jambes, et parce qu&rsquo;ils doivent contribuer &agrave; ce que le peuple allemand <i>[das deutsche Volk]</i> remporte une grande <span style="letter-spacing:-.1pt">victoire, que nous devons nous occu</span>per du bien-&ecirc;tre des d&eacute;tenus&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref47"></a><a href="#_ftn47"><sup><span style="color:black">[47]</span></sup></a>. Pour ce faire, il propose des mesures&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je fixe un premier objectif&nbsp;: seuls 10&nbsp;% des d&eacute;tenus doivent &ecirc;tre en arr&ecirc;t de travail pour maladie. Cet objectif doit &ecirc;tre atteint gr&acirc;ce au travail en commun de tous les responsables.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Pour cela, est n&eacute;cessaire&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">1) une alimentation correcte et appropri&eacute;e,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">2) un habillement correct et appropri&eacute;,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">3) l&rsquo;exploitation de tous les moyens naturels pour &ecirc;tre en bonne sant&eacute;,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">4) &eacute;viter tous les efforts inutiles et pas directement n&eacute;cessaires pour le rendement,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">5) les primes de rendement&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref48"></a><a href="#_ftn48"><sup><span style="color:black">[48]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ces cinq points sont d&eacute;taill&eacute;s dans cinq pages de mesures extr&ecirc;mement pr&eacute;cises comme &laquo;&nbsp;mettre environ 10&nbsp;% de pommes de terre crues et r&acirc;p&eacute;es dans la nourriture&nbsp;&raquo;. Le motif pratique des dispositions relatives au travail est strictement &eacute;conomique&nbsp;: tout doit &ecirc;tre fait pour que le d&eacute;tenu produise pour le <i>Volk</i>. Toutes ces mesures sont destin&eacute;es, pour reprendre les termes de Pohl, aux bras et jambes des d&eacute;tenus, c&rsquo;est-&agrave;-dire aux parties de leur corps utiles &agrave; la production.</span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Conclusion</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">L&rsquo;approche agambienne centr&eacute;e sur la naissance du camp au sein de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception ne permet pas de saisir la structure juridico-politique du camp dans son ensemble. C&rsquo;est selon nous &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du camp qu&rsquo;il convient de &laquo;&nbsp;chercher par quelles proc&eacute;dures juridiques et par quels dispositifs politiques des &ecirc;tres humains ont pu &ecirc;tre si totalement priv&eacute;s de leurs droits et de leurs pr&eacute;rogatives, au point que tout acte commis &agrave; leur encontre a cess&eacute; d&rsquo;appara&icirc;tre d&eacute;lictueux&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref49"></a><a href="#_ftn49"><sup><span style="color:black">[49]</span></sup></a>. Un encadrement normatif appliqu&eacute; <i>au sein du camp</i> et souvent emprunt&eacute; au droit normal a permis que tout devienne possible. Son application pouvait faire croire aux diff&eacute;rents acteurs que le camp fonctionnait finalement de mani&egrave;re rationnelle et juridique, comme n&rsquo;importe quelle institution normale. En cela, de par sa finalit&eacute;, l&rsquo;encadrement normatif rendait tout possible, &agrave; commencer par la mise en esclavage de centaines de milliers d&rsquo;&ecirc;tres humains. Les multiples dispositions en vigueur donnaient l&rsquo;impression que les d&eacute;tenus travaillaient dans une entreprise, dans laquelle les plus m&eacute;ritants &eacute;taient d&rsquo;ailleurs gratifi&eacute;s par des primes de rendement calcul&eacute;es de la m&ecirc;me mani&egrave;re que dans le droit normal du travail. L&rsquo;existence de fortes discriminations entre les d&eacute;tenus n&rsquo;att&eacute;nuait pas la finalit&eacute; du r&eacute;gime de d&eacute;tention&nbsp;: les mesures discriminatoires privil&eacute;giant une hi&eacute;rarchie de d&eacute;tenus conf&eacute;raient l&rsquo;impression d&rsquo;un syst&egrave;me rationnel dans lequel les plus d&eacute;brouillards ou m&eacute;ritants pouvaient s&rsquo;en sortir. Les diff&eacute;rents acteurs, y compris d&eacute;tenus, pouvaient ainsi penser que si les simples d&eacute;tenus mouraient de faim, c&rsquo;&eacute;tait finalement un peu de leur fait. Il leur suffirait de travailler mieux, d&rsquo;atteindre des positions dans la hi&eacute;rarchie des d&eacute;tenus pour pouvoir manger &agrave; leur faim. C&rsquo;est en fait gr&acirc;ce aux dispositions discriminatoires &ndash;&nbsp;telles que l&rsquo;autorisation faite &agrave; une hi&eacute;rarchie de d&eacute;tenus de fr&eacute;quenter le bordel&nbsp;&ndash; que le camp pouvait appara&icirc;tre comme une institution au fonctionnement rationnel dans laquelle une chance de s&rsquo;&eacute;lever semble &ecirc;tre laiss&eacute;e aux d&eacute;tenus qui le veulent bien.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:-.1pt">De m&ecirc;me, la mort, la bastonnade, la privation de nourriture, toutes ces peines devenaient possibles gr&acirc;ce &agrave; la m&eacute;diation d&rsquo;une proc&eacute;dure disciplinaire ressemblant au droit normal. La condamnation &eacute;tait prise &agrave; l&rsquo;issue d&rsquo;une proc&eacute;dure d&rsquo;apparence juridique et apparaissait de ce fait comme justifi&eacute;e&nbsp;: infraction, rapport d&rsquo;incident, instruction, condamnation, ex&eacute;cution de la condamnation. D&rsquo;autant plus que, comme pour la r&eacute;compense du m&eacute;rite au travail, la proc&eacute;dure disciplinaire concentrationnaire se fondait finalement sur un principe encore accept&eacute; de tous&nbsp;: l&rsquo;auteur d&rsquo;une infraction (ou d&rsquo;une faute) m&eacute;rite une punition.</span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn1"></a><a href="#_ftnref1"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[1]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Giorgio Agamben, <i>Homo sacer I&nbsp;: le pouvoir souverain et la vie nue,</i> Seuil, 1997, p. 179.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn2"></a><a href="#_ftnref2"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[2]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid., </span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">p. 138.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn3"></a><a href="#_ftnref3"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[3]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid.,</span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> p. 17.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn4"></a><a href="#_ftnref4"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[4]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid.</span></span></i></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn5"></a><a href="#_ftnref5"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[5]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid.,</i> p. 183. En italique dans le texte original.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn6"></a><a href="#_ftnref6"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[6]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid.,</i> p. 179.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn7"></a><a href="#_ftnref7"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[7]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Concernant le r&eacute;gime de d&eacute;tention concentrationnaire en g&eacute;n&eacute;ral, cf. Nicolas Bertrand, <i>L&rsquo;Enfer r&eacute;glement&eacute;. Le r&eacute;gime de d&eacute;tention dans les camps de concentration,</i> Perrin, 2015. Cet ouvrage est le texte remani&eacute; d&rsquo;une th&egrave;se en droit en cotutelle soutenue le 5 juillet 2011 &agrave; la facult&eacute; de droit de l&rsquo;universit&eacute; Humboldt de Berlin (directeurs&nbsp;: Olivier Camy et Gerhard Werle).</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn8"></a><a href="#_ftnref8"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[8]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Reichsgesetzblatt I, p. 83.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn9"></a><a href="#_ftnref9"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[9]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Raul Hilberg, <i>La Destruction des juifs d&rsquo;Europe,</i> t. 3, Gallimard, 2006, pp. 1&thinsp;595-1&thinsp;657.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn10"></a><a href="#_ftnref10"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[10]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Giorgio Agamben<i>, op. cit.</i>, p. 180.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn11"></a><a href="#_ftnref11"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[11]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid</i>.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn12"></a><a href="#_ftnref12"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[12]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Sur le r&eacute;gime applicable &agrave; cette peine, cf. Gerhard Werle, <i>Justiz-Strafrecht und polizeiliche Verbrechensbek&auml;mpfung im Dritten Reich</i>, Walter de Gruyter, 1989, p. 499 sq.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn13"></a><a href="#_ftnref13"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[13]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid.</i>, p. 181.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn14"></a><a href="#_ftnref14"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[14]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid.</i></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn15"></a><a href="#_ftnref15"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[15]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid. </i>En italique dans le texte original.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn16"></a><a href="#_ftnref16"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[16]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Gerhard Werle, <i>op. cit.</i>, p. 69.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn17"></a><a href="#_ftnref17"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[17]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Verordnung des Reichspr&auml;sidenten, betreffend die Wiederherstellung der &ouml;ffentlichen Sicherheit und Ordnung in Gro&szlig;-Berlin und Provinz Brandenburg vom 20. Juli 1932, Reichsgesetzblatt I, p. 377-378.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn18"></a><a href="#_ftnref18"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[18]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Giorgio Agamben, <i>op. cit.</i>, p. 182.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn19"></a><a href="#_ftnref19"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[19]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Klaus Drobisch, G&uuml;nther Wieland, <i>System der NS-Konzentrationslager 1933-1939</i>, Akademie Verlag, 1993, p. 30.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn20"></a><a href="#_ftnref20"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[20]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Bundesarchiv (abr&eacute;g&eacute; par BArch) NS 19&nbsp;/ 1919 Bl. 5. Diff&eacute;rents arr&ecirc;t&eacute;s ordonnant la cr&eacute;ation d&rsquo;un nouveau camp le confirment. Concernant le camp de Varsovie cr&eacute;&eacute; le 11 juin 1943 (BArch NS 3&nbsp;/ 426 Bl. 105) ; le camp de Riga (BArch NS 3&nbsp;/ 426 Bl. 46) ; le camp Stutthof (BArch R 58&nbsp;/ 1027 Bl. 238) ; le camp de Lublin (BArch R 58&nbsp;/ 1027 Bl. 290) ; les camps Kauen et Vaivara (BArch R 58&nbsp;/ 1027 Bl. 313) ; le projet de Himmler de transformer le camp de transit de Sobibor <i>(Durchgangslager)</i> en camp de concentration le<br /> 5 juillet 1943 (BArch NS 19&nbsp;/ 1571).</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn21"></a><a href="#_ftnref21"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[21]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Giorgio Agamben, <i>op. cit.</i>, p. 182.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn22"></a><a href="#_ftnref22"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[22]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid</span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">., p. 180.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn23"></a><a href="#_ftnref23"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[23]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Reichsgesetzblatt I, p. 1&thinsp;825.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn24"></a><a href="#_ftnref24"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[24]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid</span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn25"></a><a href="#_ftnref25"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[25]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid</span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn26"></a><a href="#_ftnref26"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[26]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid</span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn27"></a><a href="#_ftnref27"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[27]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Richtlinien f&uuml;r die Auswahl der Zulageberechtigten</span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">, BArch NS 4 BU 209.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn28"></a><a href="#_ftnref28"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[28]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid</i>.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn29"></a><a href="#_ftnref29"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[29]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Sur la validit&eacute; des dispositions disciplinaires du r&egrave;glement de Ravensbr&uuml;ck dans l&rsquo;ensemble des camps de concentration, cf. Nicolas Bertrand, <i>op. cit.</i>, p. 103 sq<i>.</i></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn30"></a><a href="#_ftnref30"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[30]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> La peine de mort &eacute;tant trait&eacute;e par d&rsquo;autres textes, cf. <i>ibid.</i>, p. 191 sq.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn31"></a><a href="#_ftnref31"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[31]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.15pt">R&egrave;glement int&eacute;rieur du camp de concentration de Ravensbr&uuml;ck, <i>Dienstvorschrift f&uuml;r das Fr. K.Z.-Ravensbr&uuml;ck (Lagerordnung), </i>BArch Film Nr.&nbsp;41304<i>.</i>, p. 42.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn32"></a><a href="#_ftnref32"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[32]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid.</span></span></i></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn33"></a><a href="#_ftnref33"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[33]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Fritz Fielitz, <i>Kommentar zur Disziplinar-Strafordnung und zur Beschwerde-Ordnung f&uuml;r die kaiserliche Marine</i>, Ernst Siegfried Mittler und Sohn, 1911.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn34"></a><a href="#_ftnref34"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[34]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Paragraphe&nbsp;45, Fritz Fielitz, <i>op. cit., </i>p. 90-91. Les mousses sont la seule cat&eacute;gorie pour laquelle ce r&egrave;glement pr&eacute;voit des ch&acirc;timents corporels.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn35"></a><a href="#_ftnref35"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[35]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:-.2pt">Verordnung &uuml;ber die Disziplinar-Bestrafung in der Armee, de Dato Sanssouci, den 21. Oktober 1841</span></span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:-.2pt">, Decker, 1845.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn36"></a><a href="#_ftnref36"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[36]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid</i>., p. 5.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn37"></a><a href="#_ftnref37"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[37]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.15pt">L&rsquo;int&eacute;gralit&eacute; du discours de Himmler, prononc&eacute; lors d&rsquo;une formation de la Wehrmacht <i>(Nationalpolitischer Lehrgang der Wehrmacht) </i>organis&eacute;e du 15 au 23 janvier 1937, se trouve dans le document PS-1992 (A), <i>Der Prozess gegen die Hauptkriegsverbrecher vor dem Internationalen Milit&auml;rgerichtshof</i>, vol. </span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:-.15pt">XXIX, 1948, pp. 206-234.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn38"></a><a href="#_ftnref38"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[38]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid</span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">., p. 221.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn39"></a><a href="#_ftnref39"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[39]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Heinz-Adolph H&ouml;nnecke, <i>Der Akkord im Arbeitsrecht</i>, Berhard Sporn Verlag, 1938.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn40"></a><a href="#_ftnref40"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[40]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Giorgio Agamben, <i>op. cit., </i>p. 184.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn41"></a><a href="#_ftnref41"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[41]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> R&egrave;glement int&eacute;rieur du camp de concentration de Ravensbr&uuml;ck, <i>op. cit.</i>, p. 22.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn42"></a><a href="#_ftnref42"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[42]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid</i>., p. 7.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn43"></a><a href="#_ftnref43"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[43]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> David Rousset, <i>Les Jours de notre mort</i>, &Eacute;ditions du Pavois, 1947, pp. 399-400.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn44"></a><a href="#_ftnref44"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[44]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid</span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">., pp. 400-401.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn45"></a><a href="#_ftnref45"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[45]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">BArch NS 4 HE 2 Bl. 2.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn46"></a><a href="#_ftnref46"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[46]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">BArch NS 31&nbsp;/ 372, Bl. 70.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn47"></a><a href="#_ftnref47"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[47]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">BArch NS 3&nbsp;/ 386 Bl. 102.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn48"></a><a href="#_ftnref48"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[48]</span></span></span></sup></a> <i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ibid.</span></span></i></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn49"></a><a href="#_ftnref49"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[49]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Giorgio Agamben, <i>op. cit.</i>, p. 184.</span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p>