<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L<span style="letter-spacing:-.1pt">es attentats djihadistes de janvier 2015 ont provoqué un traumatisme. La manifestation massive qui a suivi traduisait une volonté de réaffirmation des valeurs qui sont les nôtres, par-delà un hommage aux victimes. Il y avait un message politique et symbolique dans ce rassemblement, venant en surplomb de l’enquête pénale et du procès qui n’aura jamais lieu car une action pénale ne peut être déclenchée qu’à l’égard de vivants. Au-delà de la mort, largement choisie, de ces djihadistes, leur comportement est perçu comme la manifestation d’un mal absolu, résultant d’une idéologie radicalement ennemie. D’où l’idée de ne pas simplement incriminer des <i>faits</i> d’ultra-délinquance réalisés avec des armes de guerre, ou le soutien, même indirect, apporté à sa mise en œuvre, mais de toucher leurs causes, à savoir l’adhésion à une doctrine qui est en tout point hostile aux valeurs occidentales. La réaction des États-Unis en 2001 a été extrêmement vive, et certains ont dénoncé la mise en place d’un état d’exception. Le premier ministre français a indiqué le 21 janvier 2015 qu’il n’entendait pas adopter des « mesures d’exception » mais des « mesures exceptionnelles ». D’où la nécessité d’une mise au point terminologique avant de s’interroger sur la réaction juridique possible pour faire face à la situation du terrorisme djihadiste.</span></span></span></span></span></p>
<h2 style="text-align: justify;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">État d’exception, terrorisme et péril pour l’État</span></span></span></b></span></span></h2>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Depuis quelques années, l’expression « état d’exception » est employée de deux manières très différentes. Dans une première, classique, l’état d’exception est entendu comme un moment pendant lequel les règles prévues pour des périodes de calme sont transgressées, suspendues ou écartées pour faire face à un péril : on assiste à une concentration du pouvoir, en général au profit de l’exécutif, et à la réduction des droits jugés fondamentaux pendant les périodes de calme. Il s’agit d’un moment fugace pour faire face à un péril donné. Dans une seconde acception, l’état d’exception consiste en une modification en profondeur de certains systèmes juridiques pour faire face à des périls durables tels que le terrorisme, modification en profondeur parce que les règles mises en œuvre pour lutter contre ce péril sont révélatrices (au sens quasi photographique du terme) du système politique dans lequel elles sont en vigueur (thèse de Giorgio Agamben<a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1"><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></a> qui s’appuie sur Carl Schmitt<a name="_ftnref2"></a><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a>). Dans sa rigueur logique, l’état d’exception ne peut être entendu que dans la première acception, la seule dans laquelle existe une véritable <i>exception</i> par rapport à un droit des périodes dites <i>normales</i><a name="_ftnref3"></a><a href="#_ftn3"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a>. Suggérer, comme Agamben, que l’état d’exception est « en train de devenir sous nos yeux un paradigme normal de gouvernement » ou parler, comme Hassner, d’« état d’exception permanent »<a name="_ftnref4"></a><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a> laisse perplexe : si exception il y a, c’est par rapport à un système antérieur, celui d’avant le « 11 septembre » ; or, ces menaces s’inscrivant dans la durée, les mesures ne sont <span style="letter-spacing:-.2pt">pas exceptionnelles ni dérogatoires mais permanentes, même si leur rigueur</span> est considérable.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">En réalité, l’état d’exception ne peut être une réponse au terrorisme djihadiste. Prendre des mesures qui réduisent les libertés et qui limitent les contre-pouvoirs ne peut être envisagé que de manière temporaire ; or, le djihadisme n’est pas un phénomène passager. Les différents <i>Patriot Acts</i> adoptés en 2001 sont toujours en vigueur aux États-Unis, qui connaissent une mutation profonde de l’équilibre entre sécurité et libertés. On peut le déplorer ou le justifier, mais on est sorti du registre de l’exception pour faire évoluer le régime selon une logique plus sécuritaire. Cela ne doit pas, en soi, provoquer l’indignation : le rapport aux libertés fluctue dans le temps long et dans l’espace, en fonction des risques encourus par certains États (Israël n’a pas la même politique en matière de libertés que l’Europe occidentale) et en fonction de l’évolution des sociétés (l’égalité entre les sexes n’est pas traitée de manière identique en 1789 et en 2015). Ces mutations font que le niveau de protection des libertés n’est pas immuable et ne va pas toujours dans le sens de leur dilatation. Depuis 1945, l’on n’a guère été habitué à un recul, parce que les menaces pesant sur les États occidentaux ont plutôt régressé. Il n’y a pas de raison d’en conclure qu’il en sera toujours ainsi. Ce qui doit, en revanche, indigner est le défaut d’équilibre entre sécurité et libertés à un moment donné.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Alors, qu’est-ce que l’état d’exception et à quoi sert-il ? Il consiste principalement à faire face à des situations politiques (rébellion, insurrection, putsch) ou territoriales (invasion, annexion) qui mettent en péril l’État. En France, il existe trois dispositifs principaux de cette nature : l’état de siège (loi de 1849) qui est un transfert du pouvoir civil aux militaires sur un périmètre donné, l’état d’urgence (loi de 1955) qui renforce les pouvoirs civils également de manière circonscrite et l’article 16 (constitution de 1958) qui permet au Président d’adopter des mesures sans discussion ni contrôle parlementaire. On peut aussi ne rien anticiper et laisser les gouvernements faire face à la nécessité absolue en accordant (ou non) <i>a posteriori</i> une validation rétroactive d’actes qui <span style="letter-spacing:-.1pt">eussent été jugés illégaux en période de calme (<i>bill of indemnity</i> anglais). Ce type de dispositif ne répond nullement</span> à une situation de survenance sporadique mais régulière d’attentats djihadistes. Si la réponse juridique ne saurait être l’état d’exception, on doit s’efforcer d’en apporter une autre : ce sont les « mesures exceptionnelles » qu’évoquait le Premier ministre. L’exceptionnalité se traduit par le fait que le gouvernement indique qu’il n’entend pas rester inactif. Si ces mesures n’avaient pas été adoptées après des attentats, elles n’eussent sans doute pas été qualifiées d’exceptionnelles, mais d’opportunes, d’adaptées ou de nécessaires.</span></span></span></span></p>
<h2 style="text-align: justify;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Propagande terroriste et liberté d’expression</span></span></span></b></span></span></h2>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La peine capitale, sans cruautés inutiles, étant le <i>summum</i> de la sanction pour les modernes, le fait que les djihadistes la souhaitent relègue <i>ipso facto</i> tout leur arsenal répressif au rang du dérisoire. Et le fait que nombre de pays occidentaux y aient renoncé n’est qu’une exacerbation de ce sentiment d’impuissance. En réalité, les États occidentaux n’ont que rarement l’occasion de faire le procès de djihadistes car ceux-ci meurent la plupart du temps lors des actions. Le défi pour les États modernes est donc de prévenir le passage à l’acte. Or, il est de principe que l’on ne saurait incriminer des intentions. Il faut donc s’orienter vers la prévention du passage à l’acte et de l’adhésion aux thèses djihadistes.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">à</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> cet égard, la France a connu un précédent avec les anarchistes qui ont choisi la « propagande par le fait » à partir des années 1890. Les militants s’attaquent à des symboles de la « classe bourgeoise », de l’État, par définition oppresseur (magistrats, députés, président de la République<a name="_ftnref5"></a><a href="#_ftn5"><sup><span style="color:black">[5]</span></sup></a>) et même des anonymes<a name="_ftnref6"></a><a href="#_ftn6"><sup><span style="color:black">[6]</span></sup></a>. Ils sont peu organisés, parfois « auto-radicalisés » et solitaires<a name="_ftnref7"></a><a href="#_ftn7"><sup><span style="color:black">[7]</span></sup></a>, vengeurs<a name="_ftnref8"></a><a href="#_ftn8"><sup><span style="color:black">[8]</span></sup></a>, semblent ne pas craindre la mort<a name="_ftnref9"></a><a href="#_ftn9"><sup><span style="color:black">[9]</span></sup></a>. Leurs actions provoquent une psychose collective. La réprobation de l’opinion, de la presse et de la classe politique transcende les clivages. La République réagit par des lois dites « scélérates » (1893-1894) qui concernent le contrôle et la modification des délits de presse de la loi de 1881, la fabrication et la détention d’explosifs, les associations de malfaiteurs, les menées anarchistes. Ces lois qui portent atteinte à des droits fondamentaux ont été présentées comme temporaires. <span style="letter-spacing:-.1pt">Elles ne l’ont pas été : la dernière de juillet 1894 contre les menées anar</span>chistes qui porte directement atteinte à la liberté d’expression n’a été abrogée qu’en 1992. Les affaires de presse étaient soustraites aux jurys populaires (loi de 1830) au profit des tribunaux correctionnels réputés plus sévères en cas de provocation au crime ou d’apologie ayant pour but « la propagande anarchiste ». Afin de limiter la « contamination » par ces doctrines toxiques, la loi prévoit des huis clos lors des procès et l’emprisonnement individuel. La stratégie de la propagande par le fait est abandonnée au début du XX<sup>e</sup> siècle.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">La voie de la répression des idées a été privilégiée. C’est une voie dans laquelle pourrait poursuivre le législateur de 2015, quand cela est techniquement possible. Mais est-ce le cas ? L’on songe notamment à la diffusion de l’islam radical dans les prisons qui a conduit à envisager de regrouper les détenus partisans de ces thèses. Cela est-il juridiquement possible ? Tout est ici question de proportionnalité : l’expérience américaine des <i>Patriot Acts</i> montre que l’équilibre est difficile à saisir et que le prix à payer en termes de respect de la vie privée est lourd.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La loi Cazeneuve de novembre 2014 a fait évoluer le délit d’apologie du terrorisme en portant la peine de cinq à sept ans lorsque les faits sont commis sur internet et verse ces délits de presse dans le code pénal<a name="_ftnref10"></a><a href="#_ftn10"><sup><span style="color:black">[10]</span></sup></a>, ce qui permet d’appliquer les règles de droit commun, comme le contrôle judiciaire, la détention provisoire ou la comparution immédiate. En outre, la loi crée le délit de consultation habituelle de sites<a name="_ftnref11"></a><a href="#_ftn11"><sup><span style="color:black">[11]</span></sup></a> conduisant aux actes de terrorisme ou en faisant l’apologie lorsqu’ils comportent des images d’atteintes volontaires à la vie. Cette loi n’a pas fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel : l’équilibre entre le renforcement de la répression et le respect des libertés a été apprécié par les chambres, gauche et droite semblant d’accord pour que le Conseil constitutionnel soit préservé de cet examen.</span></span></span></span></p>
<h2 style="text-align: justify;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Indignité nationale et concitoyenneté</span></span></span></b></span></span></h2>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Les dirigeants politiques doivent répondre à une attente qui n’est pas seulement factuelle. Ces attentats ne relèvent ni de la criminalité ordinaire ni de la guerre et charrient une puissance idéologique immense. Pour une raison fondamentale : le rapport à la mort des protagonistes. Même s’il l’envisage comme possible, le criminel « classique » craint la mort : le voleur entend jouir des biens soustraits, l’assassin vivre délesté de son contemporain haï. Même s’il est prêt à donner la mort autant qu’à la recevoir, le militaire la craint : il s’y prépare sans l’espérer. L’idéologie djihadiste stimule des comportements au point de faire disparaître cette crainte de la mort. Les Occidentaux sidérés éprouvent un sentiment d’impuissance sans être véritablement menacés dans leur existence, ce qui caractérise l’état d’exception, car le terrorisme reste une ressource du faible contre le fort. D’où l’idée de réinvestir le champ symbolique des peines infamantes<a name="_ftnref12"></a><a href="#_ftn12"><sup><span style="color:black">[12]</span></sup></a> (supprimées en 1992) en restaurant le crime d’indignité nationale à l’égard des citoyens français qui adhèrent à l’idéologie djihadiste et qui entendent lui apporter un soutien même indirect. Le 21 janvier 2015, le Premier ministre a demandé aux présidents des commissions des lois des deux assemblées de réfléchir à l’opportunité de cette restauration. Que l’on trouve l’idée brillante, stupide ou inadaptée, elle traduit l’ampleur philosophique que véhicule le djihadisme.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Il s’agirait d’incriminer le fait d’être un « concitoyen ennemi »<a name="_ftnref13"></a><a href="#_ftn13"><sup><span style="color:black">[13]</span></sup></a> pour avoir apporté une aide matérielle à cette cause. Avant les attentats de 2015, le député Meunier avait songé à un crime d’<i>indignité nationale</i> (amendement rejeté le 4 décembre 2014), s’inspirant du modèle de 1944 relatif aux Français qui avaient collaboré, <i>via</i> le régime de Vichy<a name="_ftnref14"></a><a href="#_ftn14"><sup><span style="color:black">[14]</span></sup></a> sans pour autant être coupables d’intelligence avec l’ennemi<a name="_ftnref15"></a><a href="#_ftn15"><sup><span style="color:black">[15]</span></sup></a>. Le crime envisagé serait constitué par un Français qui porterait « les armes ou se rend[rait] complice par la fourniture de moyens à des opérations <span style="letter-spacing:-.1pt">armées contre les forces […] françaises ou tout civil Français : 1/ sur un théâtre d’opération extérieure […] ; 2/ ou,</span> sur le territoire français, au profit d’un État ou d’une organisation contre lequel la France est engagée militairement ». La sanction serait une peine principale de 450 000 € d’amende et de trente ans de prison<a name="_ftnref16"></a><a href="#_ftn16"><sup><span style="color:black">[16]</span></sup></a>, et d’une peine complémentaire de dégradation nationale se traduisant notamment par la privation du droit de vote et d’éligibilité, de toute décoration, d’accès à la fonction publique, ainsi que d’accès à certaines professions ou fonctions pour lesquelles la loyauté et la dignité sont requises<a name="_ftnref17"></a><a href="#_ftn17"><sup><span style="color:black">[17]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">L’objectif de l’indignité nationale de 1944<a name="_ftnref18"></a><a href="#_ftn18"><sup><span style="color:black">[18]</span></sup></a> est de condamner des Français qui ont embrassé la cause d’un régime </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">antirépublicain. Il s’agit en principe de ne les punir que temporairement, le temps qu’ils s’amendent et regagnent vite leur communauté qu’ils n’ont quittée que moralement. Il est présumé que ces « mauvais citoyens » veulent regagner leur statut de « bons citoyens ». Punition temporaire mais aussi incrimination temporaire qui concerne les faits commis avant le 8 novembre 1945, soit six mois après la date de la libération totale du territoire (8 mai). Une peine conçue comme relativement douce, qui sanctionne une allégeance idéologique hostile en évitant la mort, la déportation ou l’incarcération même si les chambres civiques ont eu la main lourde et que le législateur a aggravé le dispositif répressif. Toutefois, une peine qui peut aller jusqu’à la confiscation générale des biens<a name="_ftnref19"></a><a href="#_ftn19"><sup><span style="color:black">[19]</span></sup></a> à l’image de ce qui est mis en place sous la Révolution à l’encontre des émigrés<a name="_ftnref20"></a><a href="#_ftn20"><sup><span style="color:black">[20]</span></sup></a>, et permet de le priver de la gratuité des soins pour les invalides de guerre ou de pension civile ou militaire. Elle est donc plus qu’une peine « infamante » car elle ne flétrit pas uniquement la réputation (la <i>fama</i>), elle rend la vie du coupable matériellement plus difficile.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">Ces caractéristiques sont assez éloignées de la réalité que l’on entend pointer avec les djihadistes et leurs soutiens. Leur intention de gagner le statut de « bons citoyens » n’est pas établie si cette qualité suppose d’adhérer <i>a minima</i> aux valeurs de la République. Sans doute les </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">vichystes se reconnaissaient-ils davantage dans la « Révolution nationale », mais leur combat était perdu à la Libération. Les djihadistes ne considèrent nullement que le leur soit dépassé tant sur le plan idéologique que militaire. Bref, la flétrissure morale de la peine infamante risque d’être dépourvue d’efficacité dissuasive. Les djihadistes se pensent comme des combattants de l’avenir, des hérauts autant que des héros d’une cause dont la prospérité spirituelle et doctrinale croît et dont l’assise territoriale et financière se renforce.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">La « cause » djihadiste ne peut être circonscrite dans le temps, contrairement à l’indignité nationale de 1944 qui l’était triplement : un terme au-delà duquel des poursuites ne pourraient plus être engagées avait été placé, la dégradation nationale pouvait être prononcée « à temps », enfin une amnistie a été votée en 1951. Il ne semble pas que les djihadistes veuillent stopper leurs activités : nul terme ne peut donc être fixé. Le djihadisme tendant à prospérer et une telle sanction risquant d’élever les coupables au rang de martyrs, la condamnation à temps est inappropriée car le mal visé ne s’éteindra pas avec la fin de la peine, et la condamnation à perpétuité est en contradiction avec son objectif « pédagogique » et « restaurateur ». L’amnistie – constante de l’histoire depuis l’édit de Nantes – est un geste de magnanimité lorsque la paix civile est restaurée. Il faudrait que les djihadistes terroristes forment un groupe discipliné prêt à renoncer à la violence comme cela a pu être le cas de mouvements séparatistes naguère. S’il s’agit d’entreprises individuelles ou de petits groupes qui y renoncent, la grâce (individuelle) est le moyen idoine.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Les faits incriminés en 1944 consistent pour un Français à avoir notamment « sciemment […] porté atteinte à la nation ou à la liberté des Français, ou à l’égalité entre ces derniers ». Cette atteinte est définie de manière imprécise et les chambres civiques en donneront une définition extensive. Le député Meunier entend, quant à lui, incriminer le fait de « porter les armes » ou « de se rendre complice par la fourniture de moyens » à des opérations armées contre les forces françaises en France ou sur des théâtres d’opérations extérieures. Il ne s’agit donc pas de condamner le mépris affiché des principes de la République comme en 1944, notion il est vrai difficile à saisir et, dès lors, périlleuse pour les libertés.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Le rapprochement entre l’indignité nationale de 1944 à l’encontre des collaborateurs et celle qui pourrait frapper les terroristes djihadistes ne saurait être autre que terminologique. Il n’y a pratiquement rien de commun : le nombre des personnes concernées (100 000 condamnations à la Libération, </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">quelques dizaines de terroristes et plusieurs centaines de djihadistes) et le caractère temporaire ou non de la question (à la Libération, une « épuration » de gens qui ne sont plus dangereux, aujourd’hui, un combat contre des militants et des combattants prêts à mourir). La commission des lois de l’Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi tendant à restaurer l’indignité nationale le 25 mars 2015, à la suite notamment d’un travail réalisé sur ce sujet par son président, Jean-Jacques Urvoas<a name="_ftnref21"></a><a href="#_ftn21"><sup><span style="color:black">[21]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Cependant, la réflexion sur l’<i>in-</i>dignité</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> dit des choses sur ce qu’est la dignité </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">nationale, une sorte de portrait-robot</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> du « bon citoyen ». La citoyenneté comporte-t-elle une substance minimale qui suppose un comportement particulier au sein de la communauté politique ? La définition juridique de la citoyenneté s’épuise aujourd’hui dans les droits politiques<a name="_ftnref22"></a><a href="#_ftn22"><sup><span style="color:black">[22]</span></sup></a>, sans exigence de nationalité pour les élections municipales et européennes. En reprenant <i>a contrario</i> la peine de dégradation envisagée en 2014, le « bon citoyen » serait électeur voire élu, aurait des égards pour les décorations, serait prêt à servir l’État et ses valeurs, digne de foi dans sa profession et comme témoin ou juré, ce à quoi on peut ajouter en se référant aux peines de 1944, mériterait les biens dont il dispose, pourrait bénéficier de pensions et d’aides sociales.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">Cette substance est en partie saisie par le droit à travers le « stage de citoyenneté » introduit en 2004. Alterna</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">tive à la prison, ce stage « a pour objet de rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société » (art. 131-5-1 du code pénal). Le législateur actualise ainsi le rapprochement séculaire entre « citoyenneté », « vie en société » et « valeurs républicaines ». À travers ce stage de plusieurs jours, la figure de celui qui n’est pas mauvais citoyen est dépeinte, spécialement l’adhésion aux valeurs de la République, stimulée par des rencontres avec des élus, magistrats, policiers ou le visionnage de films édifiants. Comme séance de rattrapage de ce qui aurait été mal assimilé dans la cadre scolaire et familial. Pédagogie qui est le meilleur moyen d’agir s’il est vrai qu’une « opinion cède à la lumière, jamais à la violence »<a name="_ftnref23"></a><a href="#_ftn23"><sup><span style="color:black">[23]</span></sup></a>. Ce stage concerne la petite délinquance, celle de l’incivilité pour laquelle la prison serait contreproductive. Elle est sans commune mesure avec le djihadisme par son intensité, mais elle l’est sans doute dans sa nature : dans les deux cas, il s’agit de gens qui se sentent en marge ou hors de la République.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">La concitoyenneté a été évoquée lors du débat sur la burqa qui a conduit à l’adoption de la loi relative à l’interdiction de dissimiler son visage dans l’espace public en 2010. Dissimuler son visage, est-ce refuser la concitoyenneté, manquer de dignité natio</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">nale dans une société démocratique ? La question était de savoir s’il était possible de l’interdire de manière générale et absolue dans l’espace public sans froisser les libertés de se vêtir et de religion, alors qu’aucun trouble à l’ordre public ne serait à craindre<a name="_ftnref24"></a><a href="#_ftn24"><sup><span style="color:black">[24]</span></sup></a>. Le Conseil constitutionnel a considéré la loi conforme à la Constitution en estimant que l’ignorance des exigences minimales de la vie en société était constitutive d’un trouble à l’ordre public « immatériel ». Cette conception d’un ordre public débordant de son cadre traditionnel de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques a heurté nombre de défenseurs des libertés car, si l’ordre public immatériel n’a aucun contenu prédéfini, il les a potentiellement tous, et dès lors toutes les libertés pourraient être subjuguées pour ce motif. Nous avons plaidé pour que cette interdiction soit justifiée, non par une atteinte à l’ordre public, mais par une conception substantielle de la citoyenneté déduite de l’article 1<sup>er</sup> de la Constitution<a name="_ftnref25"></a><a href="#_ftn25"><sup><span style="color:black">[25]</span></sup></a>. Cela permettrait de recoudre la citoyenneté constitutionnelle avec celle qui est conçue à travers le stage de citoyenneté, car cette loi prévoit qu’un tel stage puisse être ordonné pour les contrevenants. La faute des « indignes » de 1944 était d’avoir <i>méprisé</i> la citoyenneté républicaine substantielle, en manquant d’égards pour la liberté, l’égalité et la fraternité. Ceux qui commettent des incivilités ou dissimulent leur visage sont fautifs de l’<i>oublier</i> ou de l’<i>ignorer</i>. Or, depuis 1789, c’est « <i>l’ignorance, l’oubli et le mépris</i> des droits de l’homme qui sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements » (Préambule de la Déclaration). Le djihadiste n’est pas dans l’ignorance, l’oubli ou le mépris, il est beaucoup plus loin : il mène un <i>combat</i> en faveur d’une pensée alternative de refus de la modernité.</span></span></span></span></p>
<h2 style="text-align: justify;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Djihadisme et modernité politique</span></span></span></b></span></span></h2>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ce qui frappe avec les djihadistes est leur rapport à la mort. Ils la considèrent comme une preuve de bravoure et d’héroïsme et comme la garantie de l’éternité. Parce qu’ils regardent la mort comme une naissance, ils tournent le dos à la modernité politique. Rien n’est sans doute plus incertain que de vouloir caractériser la modernité politique : l’un des moyens est de penser un homme qui, quoique croyant, craint la mort physique, conformément à l’anthropologie de Hobbes. Les guerres de religion des XVI<sup>e</sup> et XVII<sup>e</sup> siècles en Europe ont été alimentées par deux promesses : celle de la rémission des péchés en cas de mort héroïque contre l’impie et donc un certain « avantage à mourir », celle du caractère intrinsèquement juste du fait de tuer un impie et donc une certaine « considération à tuer ». Ces deux convictions des « dévots », qu’ils soient catholiques ou réformés, qui ont ensanglanté l’Europe pendant un siècle, sont mises en doute progressivement. Ce doute a permis la construction de l’État moderne<a name="_ftnref26"></a><a href="#_ftn26"><sup><span style="color:black">[26]</span></sup></a> comme un espace pacifié et tolérant : l’État ne remet pas les péchés, il n’y a donc aucun avantage à mourir, et l’État punit les criminels, il y a donc tout à craindre de tuer. Enfin, il a le monopole de l’usage de la force pour mater les délinquants (droit pénal interne) et pour vaincre l’ennemi (droit international des conflits armés).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Cette construction intellectuelle et institutionnelle a un impact sur le périmètre du religieux. Pour le dire de manière nécessairement réductrice, le rapport à Dieu devient plus direct et individuel (<i>via</i> le Livre) et donc moins institutionnalisé par l’Église (comme médiatrice entre l’ici-bas et l’au-delà). Les institutions religieuses voient leur capacité d’intervention se réduire au for interne des individus, dans l’impossibilité d’appeler à la violence, de promettre la rémission des péchés pour cela, et de produire des « martyrs ».</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Cette évolution décisive de la modernité qui couvre un siècle entre le milieu du XVI<sup>e</sup> et celui du XVII<sup>e</sup> – <i>Léviathan</i> est publié en 1651 –</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"> est percutée frontalement par l’idéologie djihadiste. Ces terroristes qui se considèrent comme des combattants vivent dans un univers « ré-enchanté » : leur mort est vécue aussi comme une libération, un soulagement du poids de leurs fautes terrestres (rémission des péchés), et un ciel leur est ouvert offrant les fameuses soixante-dix vierges et le vin qui n’enivre pas ; leur mort est « exemplaire », elle est une « belle mort » à l’antique, par la gloire de ne s’être pas rendus, d’être tombés avec leurs armes, d’être des combattants dont les faits d’armes survivront à leurs corps physiques, dans une gloire éternelle ; leur mort consolide la puissance de leur combat car il n’y a pas de grande cause sans martyr. Le djihadisme se présente donc comme une <i>véritable alternative</i> à la modernité, celle de la peur et du doute existentiel par rapport à la mort, y compris chez les croyants « modernes ». Ils ne craignent pas une éventuelle « indignité nationale » mais espèrent une « dignité djihadiste ». L’indignité nationale étant conçue comme une incrimination « douce », alternative à la mort et à la prison : il est très incertain de considérer que quelqu’un qui recherche la gloire éternelle par sa mort (la gloire <i>sur</i>-vit à celui qui meurt et procure quelque éternité) puisse être marqué par cette réponse passablement « terrestre ».</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica">Une objection peut être formulée à l’encontre de l’idée que le djihadisme remet en cause la modernité. Les États occidentaux ont déjà connu des attaques terroristes : anarchistes, fascistes, nazis, communistes révolutionnaires, indépendantistes basques, corses, bretons, etc. Tous ces groupes ont eu recours à la violence. Dès lors, le djihadisme serait simplement une forme nouvelle de violence politique extrémiste. Il y a des raisons de penser que tel n’est pas le cas parce que les membres de ces organisations ne pratiquaient guère le mal nommé attentat-suicide<a name="_ftnref27"></a><a href="#_ftn27"><sup><span style="color:#0563c1">[27]</span></sup></a>, parce qu’ils ne regardaient pas la mort comme un espoir, parce que, surtout, leur projet était strictement « terrestre » et non une théologie politique qui renoue l’attache fondamentale entre l’ici-bas et l’au-delà d’avant la modernité.</span></span></span></p>
<p> </p>
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<hr align="left" size="1" width="33%" /></div>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn1"></a><a href="#_ftnref1"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[1]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Giorgio Agamben,<i> L’État d’exception. Homo sacer II,1</i>,<i> </i>Paris, Seuil, 2003.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn2"></a><a href="#_ftnref2"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[2]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Carl Schmitt,<i> La Dictature </i>(1921),<i> </i>trad., Paris, Seuil, 2000, et<i> Théologie politique </i>(1922), trad., Paris, Gallimard, 1988.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn3"></a><a href="#_ftnref3"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[3]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Pour une étude systématique de la notion, voir François Saint-Bonnet, <i>L’État d’exception</i>, Paris, PUF, 2001. Cette introduction notionnelle reprend les conclusions principales de ce travail.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn4"></a><a href="#_ftnref4"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[4]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Pierre Hassner écrit : « En étendant à des milliers de suspects Américains et non-Américains la catégorie de “combattants ennemis” privés de toute défense juridique et de tout droit en s’appliquant à tous les <span style="text-transform:uppercase">é</span>tats suspects de soutenir le terrorisme… l’état d’exception permanent devient la règle, la suppression de la différence entre la guerre et la paix, l’intérieur et l’extérieur, la norme et l’exception. » (« L’état d’exception permanent », <i>Le Monde</i>, le 24 juin 2003).</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn5"></a><a href="#_ftnref5"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[5]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Sadi Carnot est assassiné le 24 juin 1894 par Caserio.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn6"></a><a href="#_ftnref6"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[6]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Léon Léauthier frappe au couteau un ouvrier cordonnier de 19 ans.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn7"></a><a href="#_ftnref7"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[7]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Même si les frères Kouachi et Coulibaly ont vu leurs attentats revendiqués par Al-Qaïda au Yémen, il s’agit d’un groupe restreint.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn8"></a><a href="#_ftnref8"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[8]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Ravachol s’en prend en 1892 aux magistrats qui étaient intervenus dans le procès d’anarchistes. Caserio vient d’Italie à pied pour venger Vaillant et Henry. Les frères Kouachi s’en prennent à la rédaction d’un journal qu’ils considèrent blasphémateur.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn9"></a><a href="#_ftnref9"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[9]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Ravachol, exécuté en 1892, ne signe pas son recours en grâce et s’avance vers la mort, dit-on, souriant en entonnant un chant anarchiste. Vaillant, Henry, Caserio meurent dans des circonstances analogues.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn10"></a><a href="#_ftnref10"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[10]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Les autres figurent dans la grande loi sur la presse de 1881.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn11"></a><a href="#_ftnref11"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[11]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Sur le modèle de la consultation habituelle de sites pédopornographiques.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn12"></a><a href="#_ftnref12"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[12]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Peines touchant à la réputation de tel individu, sans lui infliger une amende ou une privation de liberté.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn13"></a><a href="#_ftnref13"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[13]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Les catégories traditionnelles départissent le délinquant (figure du droit interne qui ne peut être ennemi parce que concitoyen) de l’ennemi (figure du droit international parce qu’il n’est pas concitoyen). Le « juste ennemi » a le droit de recourir à la force dans la limite du respect du droit international humanitaire et des conflits armés. « Concitoyen ennemi » est un oxymore selon la doctrine classique. Voir la tentative de dépassement de Günther Jackobs et son « droit pénal de l’ennemi » (in <i>Revue de sciences criminelles</i>, 2009).</span></span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn14"></a><a href="#_ftnref14"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[14]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.15pt">Adhésion à un parti politique pro-collaborateur, participation au gouvernement de Vichy ou à une activité de propagande raciste ou fasciste, occupation d’une fonction de direction au Commissariat aux questions juives.</span></span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn15"></a><a href="#_ftnref15"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[15]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Qui suppose une collaboration avec les Allemands et non avec Vichy, car juridiquement l’Allemagne reste ennemie de la France pendant toute la guerre faute de traité de paix.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn16"></a><a href="#_ftnref16"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[16]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Peine prévue en cas d’intelligence avec l’ennemi (article 411-4 du code pénal).</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn17"></a><a href="#_ftnref17"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[17]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Juré, expert, arbitre, témoin en justice, avocat, notaire, officier ministériel, administrateur ou gérant de sociétés, fonction éducative, membre d’associations, de syndicats ou encore d’un conseil de famille, tuteur, curateur, subrogé tuteur ou conseil judiciaire.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn18"></a><a href="#_ftnref18"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[18]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir Anne Simonin, <i>Le Déshonneur dans la République. Une histoire de l’indignité (1791-1958)</i>, Paris, Grasset, 2008.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn19"></a><a href="#_ftnref19"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[19]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Cette peine peut encore être prononcée en cas coupable de crime contre l’humanité, de génocide ou de trafic de stupéfiants.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn20"></a><a href="#_ftnref20"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[20]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir sur ce point Agathe Chossat de Montburon, <i>La Confiscation générale de la fin de l’Ancien Régime à la Restauration</i>, mémoire dactyl., Paris, Bibliothèque Cujas, 2014.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn21"></a><a href="#_ftnref21"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[21]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir la communication sur le thème de l’indignité nationale et examen de deux propositions de loi du 25 mars 2015 ; http://www.assemblee-nationale.fr/presse/communiques/20150319-06.asp.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn22"></a><a href="#_ftnref22"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[22]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir Anne-Sophie Michon-Traversac, <i>La Citoyenneté en droit public français</i>, Paris, LGDJ, 2009, p. 601.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn23"></a><a href="#_ftnref23"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[23]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Grégoire, <i>Discours sur la liberté des cultes</i> (1795), Paris, Maradan, an III, p. 11.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn24"></a><a href="#_ftnref24"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[24]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Une interdiction limitée dans le temps et dans l’espace et proportionnée à un risque est possible. La difficulté était celle d’une interdiction <i>générale</i> et <i>absolue</i>.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn25"></a><a href="#_ftnref25"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[25]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> François Saint-Bonnet, « La citoyenneté, fondement démocratique pour la loi anti-burqa. Réflexions sur la mort au monde et l’incarcération volontaire », dans<i> Jus politicum</i>, n° 7, 2012, pp. 1-31 et <a href="http://www.juspoliticum.com/La-citoyennete-fondement.html"><span style="color:#0563c1">http://www.juspoliticum.com/La-citoyennete-fondement.html</span></a>.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn26"></a><a href="#_ftnref26"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[26]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir Marcel Gauchet, <i>Le Désenchantement du monde, </i>Paris, Gallimard, <i>1985.</i></span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn27"></a><a href="#_ftnref27"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[27]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.05pt">L’idée de suicide ne rend pas compte du sacrifice suprême et de l’espoir que véhicule la mort du terroriste.</span></span></span></span></span></p>
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