<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Le livre <i>Tous unis dans la tranch&eacute;e</i></span></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&nbsp;?</span></span></span> <span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">travail passionnant &agrave; plus d&rsquo;un titre a d&eacute;j&agrave; fait l&rsquo;objet d&rsquo;une recension de Bertrand</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.2pt">Hamelin dans un pr&eacute;c&eacute;dent num&eacute;ro <i>d&rsquo;En Jeu<a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1"><b><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></b></a></i>. Je propose de poursuivre ce dialogue &agrave; partir d&rsquo;un questionnement plus sp&eacute;cifique aux &eacute;tudes litt&eacute;raires.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">Rappelons-le bri&egrave;vement&nbsp;: l&rsquo;objectif de Nicolas Mariot est de </span></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">&laquo;&nbsp;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">rendre son</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.3pt">&eacute;paisseur sociale</span> <span style="letter-spacing:-.3pt">&agrave;</span> <span style="letter-spacing:-.3pt">l&rsquo;arm&eacute;e fran&ccedil;aise de la Grande Guerre</span></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt"> (p.&nbsp;373). Cette &eacute;paisseur porte en effet la trace du regard pos&eacute; par les &eacute;lites sur les soldats issus du peuple. Est ainsi battue en br&egrave;che l&rsquo;image d&rsquo;un conflit, creuset de l&rsquo;union des classes (p.&nbsp;377) qui appara&icirc;t au contraire comme &laquo;&nbsp;le lieu d&rsquo;un maintien de la domination sociale&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;110)&nbsp;; nous voici loin du mythe d&rsquo;un amalgame &eacute;galitaire passant outre les antagonismes pour se mettre au service de la Nation. On l&rsquo;aura compris, la r&eacute;flexion de Mariot s&rsquo;&eacute;carte explicitement d&rsquo;une histoire culturelle qui, par ses positions th&eacute;oriques, aboutit &agrave; la th&egrave;se du consentement patriotique et au laminage des diff&eacute;rences sociales&nbsp;: &laquo;&nbsp;entre le citoyen et la nation, il n&rsquo;y a plus rien&nbsp;; entre l&rsquo;individu et la culture de guerre, l&rsquo;espace demeure vide. Les groupes sociaux, les rattachements professionnels ou politiques, les lieux de sociabilit&eacute; ont brusquement disparu du paysage, rien ne semblant r&eacute;sister &agrave; l&rsquo;emprise de la mobilisation&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;389). Mariot pr&eacute;cise toutefois que s&rsquo;il n&rsquo;est pas question &laquo;&nbsp;de nier la possibilit&eacute; d&rsquo;une approche culturelle (la lecture des ouvrages permet au contraire de constater ce que peut avoir de s&eacute;duisant et d&rsquo;efficace le recours syst&eacute;matique aux repr&eacute;sentations culturelles comme principe de gouvernement &ndash;&nbsp;et d&rsquo;explication&nbsp;&ndash; des conduites)&nbsp;&raquo;, il s&rsquo;agit de &laquo;&nbsp;montrer que ses partisans outrepassent constamment les limites de ce qu&rsquo;ils sont en &eacute;tat de d&eacute;montrer. En se focalisant sur des&quot;repr&eacute;sentations&quot;, on ne peut pas pr&eacute;tendre analyser (encore moins expliquer) des comportements individuels. Y </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">parvenir suppose de mobiliser des outils qui permettent de d&eacute;construire les entit&eacute;s collectives pour retrouver les individus dans leur infinie diversit&eacute; et mettre en lumi&egrave;re leurs interd&eacute;pendances&nbsp;&raquo; (p.</span></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&nbsp;1</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">54). Or, il me semble que le franchissement des limites et, pour ce qui concerne les sources &eacute;crites, la d&eacute;rive interpr&eacute;tative, ne sont possibles que si l&rsquo;on minimise la question des genres textuels.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Sans entrer dans les d&eacute;tails d&rsquo;un d&eacute;bat th&eacute;orique, le genre est envisag&eacute; dans le cadre de ce texte comme un outil linguistique et cognitif de production et de r&eacute;ception des textes<a name="_ftnref2"></a><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a> qui donne &agrave; voir le monde d&rsquo;une certaine mani&egrave;re. Il pr&eacute;figure en effet les actions langagi&egrave;res possibles</span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&nbsp;;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> &laquo;&nbsp;l&#39;existence du roman, sa connaissance, sinon sa ma&icirc;trise au moins partielle est la condition n&eacute;cessaire de l&#39;action langagi&egrave;re &quot;&eacute;crire un roman&quot; tout comme la connaissance et la ma&icirc;trise de la hache est la condition n&eacute;cessaire de l&#39;action langagi&egrave;re </span></span><i><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&quot;</span></span></i><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">faire tomber l&rsquo;arbre</span></span></i><i><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&quot;&nbsp;&raquo;</span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> (Schneuwly, 1994, p.&nbsp;161). D&egrave;s 1928, Medvedev avait soulign&eacute; le lien du genre et de l&rsquo;id&eacute;ologie&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;absorption d&rsquo;un produit id&eacute;ologique suppose des liens sociaux particuliers. [&hellip;] Le processus est &agrave; la fois interne et social. Il se cr&eacute;e [&hellip;] des formes singuli&egrave;res de communication sociale pour un collectif qui communique sur le plan id&eacute;ologique. L&rsquo;auditoire du po&egrave;te, l&rsquo;ensemble des lecteurs d&rsquo;un roman, le public d&rsquo;une salle de concert, tout cela correspond &agrave; des organisations collectives d&rsquo;un type particulier, &agrave; la fois fondamentales et sociologiquement originales. Hors de ces formes originales de communication sociale, il n&rsquo;est pas de po&egrave;me ou d&rsquo;ode, de roman, de symphonie. Des formes pr&eacute;cises de communication sont constitutives des &oelig;uvres d&rsquo;art elles-m&ecirc;mes dans leur signification.&nbsp;&raquo; (2008, p.&nbsp;97). Une po&eacute;tique du t&eacute;moignage a tout &agrave; gagner &agrave; s&rsquo;inspirer d&rsquo;une telle approche qui replace les acteurs dans un espace conflictuel o&ugrave; s&rsquo;affrontent des positions id&eacute;ologiques et qui contextualise ainsi la communication dans son historicit&eacute;. La question porte alors sur les relations entre les locuteurs ins&eacute;r&eacute;s dans des milieux sociaux divers, avec des positions d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie ou de subalternit&eacute;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Lire de cette mani&egrave;re les textes dits de t&eacute;moignage, et donc le corpus s&eacute;lectionn&eacute; par Mariot, s&rsquo;av&egrave;re f&eacute;cond, car sont alors expliqu&eacute;es les raisons de l&rsquo;&eacute;mergence &agrave; un moment historique donn&eacute; de textes particuliers en fonction de besoins sociaux sp&eacute;cifiques. Notons encore que Mariot apporte un argument critique d&eacute;terminant contre l&rsquo;approche culturaliste, quand il &eacute;crit que &laquo;&nbsp;les t&eacute;moignages ne sont gu&egrave;re rapport&eacute;s aux caract&eacute;ristiques de leurs auteurs&nbsp;&raquo;, ce qui conduit &agrave; une confusion</span></span></span>&thinsp;<span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">: &laquo;&nbsp;cousus ensemble par l&rsquo;interpr&egrave;te [les t&eacute;moignages composent] un texte g&eacute;n&eacute;rique [cens&eacute;] retrouver le sens v&eacute;cu de l&rsquo;&eacute;preuve, un sens originel perdu ou oubli&eacute;. [&hellip;] D&egrave;s lors que le t&eacute;moin est pens&eacute; en narrateur et ses &eacute;crits en r&eacute;cits, alors quelques-uns peuvent bien valoir pour les autres&nbsp;: c&rsquo;est la narration elle-m&ecirc;me qui devient objet d&rsquo;analyse en tant que transcription de ce que fut &ldquo;l&rsquo;exp&eacute;rience de guerre&rdquo; des soldats fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;400). Mariot signale ici comment le nouveau texte &eacute;crit par le chercheur tend &agrave; recouvrir, remplacer les t&eacute;moignages, en les coupant de leur situation de communication &ndash;&nbsp;et donc des enjeux de leur ancrage social et historique. Le genre adopt&eacute; par l&rsquo;historien (essai, monographie, etc.) en fonction de sa propre situation de communication, et puisant ici et l&agrave; les citations n&eacute;cessaires &agrave; la d&eacute;monstration tend &agrave; composer un patchwork trop composite d&rsquo;un point de vue m&eacute;thodologique. Le risque consiste alors &agrave; niveler des diff&eacute;rences essentielles dans la confrontation des acteurs &agrave; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement et de s&rsquo;interdire une perspective plus complexe et nuanc&eacute;e. Dans le cas des textes de t&eacute;moignage en effet, le lecteur a affaire &agrave; un genre prenant son origine dans un contexte sociohistorique pr&eacute;cis, celui du traumatisme de la Premi&egrave;re Guerre mondiale, qui va conna&icirc;tre un prolongement dans la deuxi&egrave;me et plus sp&eacute;cifiquement dans les textes de la d&eacute;portation et ceux de l&rsquo;extermination des Juifs d&rsquo;Europe&nbsp;: &laquo;&nbsp;La naissance du t&eacute;moignage comme genre co&iuml;ncide avec l&rsquo;av&egrave;nement du meurtre de masse. La Grande Guerre, immense processus de destruction port&eacute; par des hommes d&eacute;termin&eacute;s &agrave; en pulv&eacute;riser des millions d&rsquo;autres plac&eacute;s en premi&egrave;re ligne, malmena l&rsquo;ordre social en place et le consensus id&eacute;ologique qui le fondait. [&hellip;] Le d&eacute;calage croissant, constat&eacute; par tous ceux &agrave; qui l&rsquo;on demandait de faire le sacrifice de leur vie, entre les discours que la soci&eacute;t&eacute; produisait et accr&eacute;ditait concernant les &eacute;v&eacute;nements en cours, et ce qu&rsquo;ils percevaient effectivement de la guerre qu&rsquo;ils &eacute;taient en train de faire, explique que le t&eacute;moignage, destin&eacute; &agrave; r&eacute;futer les contre-v&eacute;rit&eacute;s ambiantes, soit apparu &agrave; ce moment-l&agrave; de l&rsquo;Histoire sur la sc&egrave;ne &eacute;ditoriale fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo; (Lacoste, 2011, p.</span></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&nbsp;1</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">63).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L&rsquo;un des grands m&eacute;rites du livre de Mariot est pr&eacute;cis&eacute;ment de donner une assise sociale &agrave; l&rsquo;acte de communiquer pratiqu&eacute; par des acteurs sociaux &ndash;&nbsp;il faut signaler ici le chapitre intitul&eacute; &laquo;&nbsp;&Eacute;chafaudages&nbsp;&raquo;<i> </i>qui s&rsquo;av&egrave;re particuli&egrave;rement riche d&rsquo;enseignements. Pour &ecirc;tre tout &agrave; fait juste cependant, relevons un certain flottement dans la terminologie. Si le concept de r&eacute;cit employ&eacute; &agrave; plusieurs reprises et dans une acception tr&egrave;s large &eacute;tait d&eacute;fini &agrave; l&rsquo;aide de cat&eacute;gories narratologiques (Revaz, 2009), il serait alors possible de mieux comprendre la sp&eacute;cificit&eacute; des t&eacute;moignages, de voir que la mise en intrigue trait d&eacute;finitoire du r&eacute;cit s&rsquo;applique fort mal aux textes de Genevoix, Lintier, P&eacute;zard par exemple. De m&ecirc;me, pour les besoins de son enqu&ecirc;te Mariot recense 733&nbsp;t&eacute;moignages, dont il extrait 42&nbsp;textes qui deviendront son corpus de travail. Or, pour qualifier les t&eacute;moins, il parle de &laquo;&nbsp;diaristes&nbsp;&raquo; et pour &eacute;voquer les textes de &laquo;&nbsp;r&eacute;cits&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;33). Le diariste, au sens propre du terme, est l&rsquo;auteur d&rsquo;un journal intime, pourtant il suffit de se reporter &agrave; la page&nbsp;473 o&ugrave; sont r&eacute;pertori&eacute;s les &laquo;&nbsp;&eacute;crits des 42 t&eacute;moins&nbsp;&raquo; (encore une appellation</span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&nbsp;!</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">) pour constater &agrave; quel point il est d&eacute;licat de les regrouper sous un m&ecirc;me vocable&nbsp;: Apollinaire, Barbusse, Cru, Dorgel&egrave;s, Hertz, etc. (correspondance), Bloch, Bridoux, Alain, etc. (souvenirs), Decressac, Mairet, Pergaud, etc. (carnets). Le probl&egrave;me ici rencontr&eacute;, me semble-</span></span><br /> <span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.05pt">t-il, est que l&rsquo;analyse de Mariot s&rsquo;appuie sur des cat&eacute;gories g&eacute;n&eacute;riques comme la correspondance, les journaux, etc., et ne prend pas assez en </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">compte l&rsquo;&eacute;mergence du t&eacute;moignage comme genre &agrave; part enti&egrave;re. De ce point de vue, Jean Norton Cru, dans <i>T&eacute;moins</i>, a bien tent&eacute; de classer les textes qu&rsquo;il souhaitait recenser (2006, p.&nbsp;61), mais il montre les limites des genres alors en usage, car les classifications traditionnelles ne rendent pas pr&eacute;cis&eacute;ment compte de ce qui pour lui est essentiel, &agrave; savoir la valeur documentaire. Or, c&rsquo;est l&agrave; une caract&eacute;ristique fondamentale, car elle entra&icirc;ne des cons&eacute;quences sur les plans th&eacute;matiques, stylistiques, narratologiques. Si l&rsquo;on adh&egrave;re &agrave; l&rsquo;id&eacute;e que le genre est un facteur d&eacute;terminant de s&eacute;miotisation et donc de vision du monde, on conviendra qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;un pointillisme sourcilleux de &laquo;&nbsp;p&eacute;dant p&eacute;dagogue&nbsp;&raquo;, comme on a pu &agrave; l&rsquo;occasion qualifier Cru (Barbusse, dans Cru<i>, </i>2006, p.&nbsp;S72). On comprend &agrave; quel point, il est important de savoir avec exactitude ce que recouvre le texte dit de t&eacute;moignage&nbsp;: celui de Barbusse ou celui de Dorgel&egrave;s ne l&rsquo;est absolument pas au m&ecirc;me titre que celui de Genevoix. Sa valeur selon Cru s&rsquo;&eacute;value en particulier &agrave; la capacit&eacute; du t&eacute;moin &agrave; se placer dans une r&eacute;flexion critique sur l&rsquo;acceptation ou pas de certaines actions discursives en lien direct avec la v&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;attestation. La guerre oblige les acteurs &agrave; d&eacute;passer une tradition livresque pour exprimer le caract&egrave;re hors norme de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement qui va devenir la Grande Guerre. L&rsquo;&eacute;mergence du t&eacute;moignage comme genre appara&icirc;t ainsi comme un signe int&eacute;ressant du basculement d&rsquo;une &eacute;poque &agrave; une autre. Bronckart (1996, p.&nbsp;211) explique que la stabilit&eacute; des formes textuelles garantit une adaptation des textes aux activit&eacute;s qu&rsquo;ils commentent.&nbsp;Mais cette phase n&rsquo;est que provisoire et les formes textuelles entrent dans une relation dialectique permanente de stabilisation, d&eacute;stabilisation, adaptation &agrave; des situations sociales en &eacute;volution, prises dans le mouvement de l&rsquo;histoire. La Grande Guerre marque donc une c&eacute;sure particuli&egrave;rement &eacute;clairante pour observer les contraintes qui, jouant sur les genres, les font tomber en d&eacute;su&eacute;tude, vieillissent un instrument ne r&eacute;pondant plus ad&eacute;quatement &agrave; la demande sociale confront&eacute;e &agrave; des contextes nouveaux. Par sa conflagration, elle concentre, en un laps de temps tr&egrave;s court, une &eacute;volution qui, d&rsquo;ordinaire, peut prendre des d&eacute;cennies. Dans le cas plus sp&eacute;cifique de<i> Tous unis dans la tranch&eacute;e</i></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&nbsp;?</span></span><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">,</span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Mariot rappelle avec justesse que le premier conflit mondial est une des rares situations historique et sociale o&ugrave; la rencontre et la promiscuit&eacute; entre les intellectuels et le peuple a &eacute;t&eacute; provoqu&eacute;e et impos&eacute;e (p.</span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&nbsp;1</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">5). Cette rencontre et ce choc vont n&eacute;cessairement avoir des cons&eacute;quences dans l&rsquo;acte de vivre et de transcrire l&rsquo;exp&eacute;rience et donc tout ce qui touche &agrave; sa s&eacute;miotisation. La d&eacute;marche historienne de Mariot, par son attention &agrave; l&rsquo;entour social, doit donc permettre de prendre en compte la port&eacute;e critique radicale de certains t&eacute;moignages, ce qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;inverse ne facilite pas la narration </span></span><i><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&laquo;</span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&nbsp;&oelig;cum&eacute;nique&nbsp;&raquo; &agrave; laquelle se livre, par exemple, un historien comme N. Beaupr&eacute;<a name="_ftnref3"></a><a href="#_ftn3"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a>. Des expressions telles que &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature de guerre&nbsp;&raquo;, fourretout commode et </span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&eacute;crire la guerre</span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&nbsp;&raquo;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> par son caract&egrave;re g&eacute;n&eacute;ralisant a-g&eacute;n&eacute;rique, entra&icirc;nent un flou m&eacute;thodologique pr&eacute;judiciable et sont r&eacute;v&eacute;latrices de ce qu&rsquo;une certaine histoire peut aller chercher dans une certaine litt&eacute;rature. La lecture de <i>T&eacute;moins</i> et son incompr&eacute;hension de la d&eacute;marche de Cru en particulier sont &agrave; cet &eacute;gard significatives.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Mais poursuivons le dialogue en nous demandant si la vigueur de la d&eacute;monstration n&rsquo;entra&icirc;ne pas Mariot dans une sorte de mouvement de balancier trop ferme, vers une s&eacute;gr&eacute;gation irr&eacute;m&eacute;diable entre les intellectuels et le peuple. Mariot, au terme de son travail, tire une conclusion qui pourrait le laisser penser&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Eacute;crire l&rsquo;histoire du conflit &agrave; partir de l&rsquo;&eacute;chantillon des 30 &agrave; 100 t&eacute;moignages les plus souvent mobilis&eacute;s, c&rsquo;est &eacute;crire une histoire vue par les classes sup&eacute;rieures. Cela n&rsquo;invalide nullement le principe de ces travaux, cette enqu&ecirc;te en est d&rsquo;ailleurs l&rsquo;illustration. En revanche, il me semble que cela invalide largement la pr&eacute;tention &agrave; tenir &agrave; partir de ce corpus un propos g&eacute;n&eacute;ral sur la guerre, comme si les textes laiss&eacute;s par les dominants pouvaient valoir, sans autre questionnement quant &agrave; leur &eacute;ventuelle sp&eacute;cificit&eacute;, pour tous les combattants et sur tous les sujets. Garder &agrave; l&rsquo;esprit ce tropisme intellectuel, c&rsquo;est simplement savoir ce que l&rsquo;on fait en utilisant ce type de mat&eacute;riau. [&hellip;] &Eacute;crire l&rsquo;histoire de la Grande Guerre &agrave; partir de ses t&eacute;moins les plus illustres, c&rsquo;est se faire le ventriloque du r&eacute;cit des fractions lettr&eacute;es des classes dominantes&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;417). Mariot, s&rsquo;opposant &agrave; l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un consentement collectif, parle de mani&egrave;re tr&egrave;s explicite d&rsquo;un </span></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&laquo;&nbsp;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">ethnocentrisme de classe</span></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> (p.</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&nbsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">26). Si cette th&egrave;se ind&eacute;niablement forte pose la question politique de la lutte des classes, si elle montre avec conviction la violence entre autres symbolique qu&rsquo;un groupe social h&eacute;g&eacute;monique peut exercer sur les autres, prend-elle assez en compte chez les t&eacute;moins les probl&egrave;mes pos&eacute;s par la s&eacute;miotisation de l&rsquo;exp&eacute;rience de guerre&nbsp;?</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">C&rsquo;est ici que la r&eacute;flexion de Pierre Bourdieu sur l&rsquo;espace des possibles peut apporter un &eacute;clairage utile. Bour</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">dieu note que le changement, l&rsquo;innovation d&eacute;pendent &laquo;&nbsp;de l&rsquo;&eacute;tat du syst&egrave;me des possibilit&eacute;s (conceptuelles, stylistiques, etc.) h&eacute;rit&eacute;es de l&rsquo;histoire&nbsp;: ce sont elles qui d&eacute;finissent ce qu&rsquo;il est possible et impossible de penser ou de faire &agrave; un moment donn&eacute; dans un champ d&eacute;termin&eacute;&nbsp;&raquo; et l&rsquo;intertexte est une pi&egrave;ce essentielle du syst&egrave;me. Il pr&eacute;cise en ce qui concerne le champ litt&eacute;raire que &laquo;&nbsp;les strat&eacute;gies des agents et des institutions qui sont engag&eacute;es dans les luttes litt&eacute;raires ou artistiques ne se d&eacute;finissent pas dans la confrontation pure avec des possibles purs&nbsp;; elles d&eacute;pendent de la position que ces agents occupent dans la structure du champ, c&rsquo;est-&agrave;-dire dans la structure de la distribution du capital sp&eacute;cifique, de la reconnaissance institutionnalis&eacute;e ou non, qui leur est accord&eacute;e par leurs pairs-concurrents et par le grand public et qui oriente leur perception des possibles offerts par le champ et leur &ldquo;choix&rdquo; de ceux qu&rsquo;ils s&rsquo;efforceront d&rsquo;actualiser et de produire&nbsp;&raquo; (1998, p.&nbsp;340). C&rsquo;est pourquoi si l&rsquo;on veut comprendre le choix des genres avec leurs diff&eacute;rences formelles et leurs caract&eacute;ristiques stylistiques, il est n&eacute;cessaire de tenir compte du positionnement de chaque t&eacute;moin par rapport au champ litt&eacute;raire en particulier. Mariot (p.&nbsp;54) pose par exemple une question tout &agrave; fait int&eacute;ressante&nbsp;qui m&eacute;riterait &agrave; elle seule un long d&eacute;veloppement&nbsp;: &laquo;&nbsp;que fait la parole romanesque &agrave; la parole port&eacute;e sur le peuple&nbsp;?&nbsp;&raquo; Le champ litt&eacute;raire, en effet, par son prestige et son poids culturel a un pouvoir d&rsquo;attraction important pour qui cherche &agrave; l&eacute;gitimer sa parole. Cependant, le positionnement est diff&eacute;rent chez Dorgel&egrave;s et Barbusse, d&eacute;j&agrave; bien avanc&eacute;s dans la carri&egrave;re des lettres, en regard d&rsquo;un Genevoix, d&rsquo;un Werth encore inconnus ou d&rsquo;un Astier totalement &eacute;tranger &agrave; ce champ &ndash;&nbsp;tant par sa formation scolaire que par ses origines sociale et g&eacute;ographique. Mariot rel&egrave;ve que &laquo;&nbsp;[Dorgel&egrave;s, Barbusse] illustrent, chacun &agrave; leur mani&egrave;re, un v&eacute;ritable d&eacute;ploiement de parisianisme culturel aux tranch&eacute;es&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;149). Il est significatif sur ce point de comparer les notes du carnet de Barbusse, les lettres &eacute;crites &agrave; sa femme et son roman <i>Le Feu</i>, trois genres diff&eacute;rents. Or, seul <i>Le Feu</i> est publi&eacute; en 1916 et la liste du tribut que Barbusse paie au champ litt&eacute;raire afin d&rsquo;&ecirc;tre reconnu est fort longue&nbsp;: style &eacute;pique, proc&eacute;d&eacute;s naturalistes (argot, descriptions macabres dans la lign&eacute;e de <i>La D&eacute;b&acirc;cle</i> de Zola), recours &agrave; la tension narrative (histoire d&rsquo;amour), etc. Ces gages litt&eacute;raires absents du carnet et des lettres sont d&eacute;terminants dans l&rsquo;analyse de Cru, quand il s&rsquo;agit de montrer le caract&egrave;re m&eacute;diocre du t&eacute;moignage de Barbusse.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Bourdieu insiste &agrave; plusieurs reprises sur le fait que le champ est un lieu incessant de luttes o&ugrave; s&rsquo;exercent des rapports de force. C&rsquo;est pourquoi Cru suscitera de si violentes pol&eacute;miques, car son travail critique consiste en somme &agrave; soutenir que le champ litt&eacute;raire n&rsquo;a pas grand-chose &agrave; dire en mati&egrave;re de t&eacute;moignage sur la Premi&egrave;re Guerre mondiale &ndash;&nbsp;en tout cas que ses productions l&eacute;gitim&eacute;es ne peuvent pr&eacute;tendre &agrave; la fid&eacute;lit&eacute; de l&rsquo;attestation et &agrave; la valeur documentaire. C&rsquo;est pourquoi &eacute;galement, il est absurde d&rsquo;affirmer que Cru est un antilitt&eacute;raire</span></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&nbsp;;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> il est tout au plus contre le champ litt&eacute;raire tel qu&rsquo;il s&rsquo;est constitu&eacute; pendant la guerre et l&rsquo;entre-deux-guerres et sa pr&eacute;tention &agrave; apporter un regard authentique sur les combattants. Il s&rsquo;en prend &agrave; un &eacute;tat du champ et &agrave; son id&eacute;ologie et non &agrave; <i>la</i> litt&eacute;rature.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Pour revenir &agrave; la remarque si opportune de savoir ce que l&rsquo;on fait avec ce type de mat&eacute;riau, il me semble qu&rsquo;elle doit &eacute;galement attirer l&rsquo;attention sur la formation scolaire des t&eacute;moins et donc la question des genres de textes qui sont valoris&eacute;s dans l&rsquo;&eacute;ducation des &eacute;lites &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et au d&eacute;but du XX<sup>e</sup>. Sur ce point, Mariot se livre &agrave; une f&eacute;conde analyse et l&rsquo;on pourrait multiplier les citations extraites du chapitre &laquo;&nbsp;Les &eacute;lus d&rsquo;&eacute;cole&nbsp;&raquo;, p.</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&nbsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">42 ou des pp. 430 &agrave; 432. Il nous offre donc des cl&eacute;s essentielles pour comprendre la mani&egrave;re dont les textes des t&eacute;moins se trouvent &agrave; la jonction d&rsquo;un habitus de classe fortement influenc&eacute; par l&rsquo;institution scolaire et le champ litt&eacute;raire. Les &eacute;tudes longues couronn&eacute;es par le baccalaur&eacute;at ne concernent qu&rsquo;une petite minorit&eacute; d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves (2</span>&nbsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">%) fortun&eacute;s et bien n&eacute;s qui peuvent &agrave; loisir se consacrer &agrave; l&rsquo;acquisition d&rsquo;une culture g&eacute;n&eacute;rale et des activit&eacute;s intellectuelles qui ne sont pas en prise directe avec les exigences du monde professionnel. De fait, quand A. Prost (1968, p.&nbsp;326) aborde l&rsquo;institution scolaire pour la p&eacute;riode&nbsp;1880-1930, il souligne &agrave; quel point la stratification sociale se projette dans le syst&egrave;me &eacute;ducatif, et &agrave; quel point l&rsquo;in&eacute;galit&eacute; dans la formation prodigu&eacute;e dans les fili&egrave;res se calque sur l&rsquo;in&eacute;galit&eacute; des classes sociales. Prost (p.&nbsp;330) ajoute que le nombre d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves du secondaire reste remarquablement stable des ann&eacute;es&nbsp;1870 &agrave; 1930. Il indique que ce n&rsquo;est pas faute d&rsquo;une demande, mais plut&ocirc;t le r&eacute;sultat d&rsquo;une politique &laquo;&nbsp;malthusienne&nbsp;&raquo; qui vise &agrave; prot&eacute;ger un entre-soi, car il s&rsquo;agit l&agrave; pour la bourgeoisie de pr&eacute;server son h&eacute;g&eacute;monie et les privil&egrave;ges qui l&rsquo;accompagnent. Et cette cons&eacute;quence se refl&egrave;te dans la composition des organes de commandement &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre au cours de la Grande Guerre. Mariot note que le grade dans l&rsquo;arm&eacute;e est un attribut des classes dominantes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les qualit&eacute;s scolaires deviennent pr&eacute;pond&eacute;rantes par rapport aux comp&eacute;tences militaires dans l&rsquo;accession &agrave; un grade&nbsp;: William Serman montre ainsi que le pourcentage de bacheliers parmi les &eacute;l&egrave;ves &agrave; l&rsquo;&eacute;cole de sous-officiers et officiers de Saint-Maixent passe de 21&nbsp;% en 1892 &agrave; 62&nbsp;% en 1909 avant de retomber &agrave; 40&nbsp;% en 1912.&nbsp;&raquo; Reprenant les travaux de J.</span>&nbsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">Maurin sur les conscrits de Mende et de B&eacute;ziers, il ajoute</span></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&nbsp;:</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> &laquo;&nbsp;les donn&eacute;es montrent bien le poids de la &ldquo;promotion par l&rsquo;instruction&rdquo; en vigueur sous la IIIe R&eacute;publique&nbsp;: c&rsquo;est &agrave; cette &eacute;poque, pr&eacute;cise l&rsquo;auteur [Maurin], que la d&eacute;mocratisation des corps des sous-officiers et des officiers entam&eacute;e apr&egrave;s 1848 s&rsquo;ach&egrave;ve avec le durcissement scolaire des concours. &quot;La promotion militaire prend le m&ecirc;me chemin que la promotion sociale&quot;, conclut-il&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;68). Le r&eacute;sultat, c&rsquo;est que de jeunes &eacute;tudiants peuvent passer devant des soldats de m&eacute;tier moins ou pas dipl&ocirc;m&eacute;s. Mariot cite l&rsquo;exemple du normalien Jean Et&eacute;v&eacute;, simple soldat en ao&ucirc;t</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&nbsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">1914, caporal en octobre, sergent fin novembre, sous-lieutenant en janvier</span>&nbsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">1915. Or, cette promotion s&rsquo;accompagne d&rsquo;avantages mat&eacute;riels et symboliques consid&eacute;rables. La solde d&rsquo;un sous-lieutenant est 147</span>&nbsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">fois plus &eacute;lev&eacute;e que celle d&rsquo;un simple soldat, celle d&rsquo;un chef de bataillon 354&nbsp;fois (p.&nbsp;429). Notons encore que l&rsquo;accession au grade d&rsquo;officier donne droit &agrave; l&rsquo;emploi d&rsquo;une ordonnance, homme &agrave; tout faire affect&eacute; au service personnel de son sup&eacute;rieur hi&eacute;rarchique. Ajoutons enfin que &laquo;&nbsp;Jules Maurin montre que les plus dipl&ocirc;m&eacute;s des soldats de B&eacute;ziers (les titulaires du brevet ou plus) sont sous-repr&eacute;sent&eacute;s parmi les tu&eacute;s (9,8&nbsp;% des mobilis&eacute;s pour 5,4&nbsp;% des morts), alors que c&rsquo;est l&rsquo;inverse pour les soldats dont le niveau d&rsquo;instruction est bas (12,3&nbsp;% et 18&nbsp;%)&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;396). </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Mariot en vient &agrave; &eacute;crire que les &eacute;lites intellectuelles mobilis&eacute;es et donc ceux qui deviendront t&eacute;moins se font les porte-voix de l&rsquo;&Eacute;tat et de ses logiques, devenant ses intellectuels organiques (2013, p.&nbsp;385). Mais il ne cite pas Gramsci, &agrave; qui l&rsquo;on doit ce concept. Or, si l&rsquo;on se reporte aux <i>Cahiers de prison</i>, on peut lire que &laquo;&nbsp;Les intellectuels sont les &ldquo;commis&rdquo; du groupe dominant pour l&#39;exercice des fonctions subalternes de l&#39;h&eacute;g&eacute;monie sociale et du gouvernement politique, c&#39;est-&agrave;-dire&nbsp;: 1. de l&#39;accord &ldquo;spontan&eacute;&rdquo; donn&eacute; par les grandes masses de la population &agrave; l&#39;orientation imprim&eacute;e &agrave; la vie sociale par le groupe fondamental dominant, accord qui na&icirc;t &ldquo;historiquement&rdquo; du prestige qu&#39;a le groupe dominant (et <span style="letter-spacing:.1pt">de la confiance qu&#39;il inspire) du fait de sa fonction dans le monde de la pro</span>duction&nbsp;; 2. de l&#39;appareil de coercition d&#39;&Eacute;tat qui assure &ldquo;l&eacute;galement&rdquo; la discipline des groupes qui refusent leur &ldquo;accord&rdquo; tant actif que passif&nbsp;; mais cet appareil est constitu&eacute; pour l&#39;ensemble de la soci&eacute;t&eacute; en pr&eacute;vision des moments de crise dans le commandement et dans la direction, lorsque l&#39;accord spontan&eacute; vient &agrave; faire d&eacute;faut&nbsp;&raquo; (1978, p.&nbsp;315). La fonction de l&rsquo;intellectuel est donc de susciter une prise de conscience, de provoquer au sein de sa classe sociale une conception homog&egrave;ne. Mais pour Gramsci, il n&rsquo;est pas le reflet de cette classe. En effet, il peut m&ecirc;me aller jusqu&rsquo;&agrave; contester radicalement cette homog&eacute;n&eacute;it&eacute;, sinon comment les &oelig;uvres de Marx ou L&eacute;nine &ndash;&nbsp;pour ne citer que deux exemples&nbsp;&ndash; seraient-elles possibles</span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&nbsp;?</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Or, la guerre de 14 pose un d&eacute;fi &eacute;norme &agrave; une homog&eacute;n&eacute;isation qui devient tr&egrave;s probl&eacute;matique, sinon impossible pour certains t&eacute;moins&nbsp;comme P&eacute;zard, Delvert, Bernier et&hellip; Cru lui-m&ecirc;me. Certes, Cru n&rsquo;est &eacute;videmment pas indemne des pr&eacute;jug&eacute;s de classes <span style="letter-spacing:-.1pt">propres &agrave; son temps (et Mariot en donne des exemples<a name="_ftnref4"></a><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a>), mais son projet et sa m&eacute;thode l&rsquo;entra&icirc;nent vers une critique radicale d&rsquo;une certaine litt&eacute;rature au service de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie d&rsquo;une classe sociale. C&rsquo;est cette lutte intime, paradoxale, parfois contradictoire</span> qui garde &agrave; son &oelig;uvre son actualit&eacute;. Il est donc important de prendre en compte les questions de s&eacute;miotisation, car elles permettent de voir &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre chez les t&eacute;moins la tension entre un &eacute;thos de classe et l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un t&eacute;moignage dont une des caract&eacute;ristiques est la dette &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des morts (Rastier, 2005, Lacoste, 2011) et tout particuli&egrave;rement en l&rsquo;occurrence des classes populaires.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">S&rsquo;il est possible de dire que les intellectuels parlent pour le peuple, &agrave; sa place &ndash;&nbsp;du moins dans les t&eacute;moignages recens&eacute;s par Cru&nbsp;&ndash;, il serait abusif de soutenir qu&rsquo;ils contribuent au m&ecirc;me degr&eacute; &agrave; son ali&eacute;nation. La d&eacute;marche de Cru, la hi&eacute;rarchisation des t&eacute;moins montrent le contraire, certains (les meilleurs) &eacute;tant all&eacute;s jusqu&rsquo;&agrave; une remise en question des valeurs contribuant &agrave; l&rsquo;homog&eacute;n&eacute;it&eacute; de leur classe. Ainsi, &agrave; propos du patriotisme, Cru oppose les t&eacute;moins qui, par leur filiation &agrave; une tradition g&eacute;n&eacute;rique inad&eacute;quate, particuli&egrave;rement en l&rsquo;occurrence l&rsquo;&eacute;pop&eacute;e, ont pu contribuer au mensonge et faire all&eacute;geance aux &laquo;&nbsp;f&eacute;tiches du patriotisme&nbsp;&raquo;<i> </i>(2006, p.&nbsp;451), &agrave; ceux qui, au contraire, ont d&eacute;nonc&eacute; comme Louis Mairet une conception propre aux dominants, hautement intellectualis&eacute;e de l&rsquo;amour du pays, compar&eacute;e &agrave; celle des soldats issue des classes populaires</span></span><b><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&nbsp;:</span></span></b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> &laquo;&nbsp;Prenez ces hommes du peuple, parlez-leur de la patrie&nbsp;: la moiti&eacute; vous rira au nez, de stupeur et d&rsquo;incompr&eacute;hension. Vingt-cinq autres nous diront qu&rsquo;il leur indiff&egrave;re d&rsquo;&ecirc;tre Allemands ou Fran&ccedil;ais, que le nom ne change rien &agrave; la chose, que dans tous les pays les forts vivent sur les faibles, qu&rsquo;ils ne connaissent pas cette patrie au nom de laquelle on tue, et on meurt, et que la patrie, s&rsquo;il y en a une, c&rsquo;est l&agrave; o&ugrave; l&rsquo;on vit bien. [&hellip;] Eh bien non, le soldat de 1916 ne se bat ni pour l&#39;Alsace, ni pour ruiner l&rsquo;Allemagne, ni pour la patrie. Il se bat par honn&ecirc;tet&eacute;, par habitude et par force. Il se bat parce qu&#39;il ne peut faire autrement. Il se bat ensuite parce que, apr&egrave;s les premiers enthousiasmes, apr&egrave;s le d&eacute;couragement du premier hiver, est venue, avec le second, la r&eacute;signation&nbsp;&raquo; (Mairet cit&eacute; par Cru, 2006, p.&nbsp;192). Concluons en soulignant que cette d&eacute;nonciation est bien le fait d&rsquo;un intellectuel. Pour les classes populaires, les repr&eacute;sentations et les abstractions id&eacute;alistes de la France n&rsquo;existent tout simplement pas. C&rsquo;est d&eacute;j&agrave; ce que l&rsquo;on pouvait lire dans <i>Le Manifeste du parti communiste</i></span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&nbsp;: </span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Les ouvriers n&rsquo;ont pas de patrie. On ne peut leur prendre ce qu&rsquo;ils n&rsquo;ont pas&nbsp;&raquo; (1975, p.&nbsp;52).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Il est temps &agrave; pr&eacute;sent de redire &agrave; quel point la lecture de <i>Tous unis dans la tranch&eacute;e&nbsp;?,</i> ouvrage d&rsquo;une grande originalit&eacute; et d&rsquo;une grande richesse, fut passionnante, tant elle offre de perspectives novatrices sur les textes des t&eacute;moins. Il ne reste qu&rsquo;&agrave; esp&eacute;rer que ce livre soit le premier tome d&rsquo;un chantier si prometteur.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Bibliographie</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Beaupr&eacute;, N. (2006), <i>&Eacute;crire en guerre</i></span></span></span><i><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">, </span></span></span></i><i><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&eacute;crire la guerre. France, Allemagne</span></span></span></i><i><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="color:black">&nbsp;1914-1920,</span></span></span></i><i> </i><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Paris, CNRS &Eacute;ditions</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Bourdieu, P. (1998) [1992], <i>Les R&egrave;gles de l&rsquo;art. Gen&egrave;se et structure du champ litt&eacute;raire</i>, Paris, Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Points Essais&nbsp;&raquo;, n&deg;&nbsp;370</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Bronckart, <span style="font-variant:small-caps"><span style="letter-spacing:.15pt">J</span></span><span style="letter-spacing:.15pt">.-P. (1996), <i>Activit&eacute; langagi&egrave;re, textes et discours</i>, Delachaux et Niestl&eacute;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Cru, J.-N. (2006), <i>T&eacute;moins&nbsp;: essai d&rsquo;analyse et de critique des souvenirs des combattants &eacute;dit&eacute;s en fran&ccedil;ais de 1915 &agrave; 1928</i>, Pr&eacute;face et postface de Fr&eacute;d&eacute;ric Rousseau, Presses universitaires de Nancy [1<sup>re</sup> &eacute;dition, 1929, &Eacute;d. Les Etincelles]</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Cru, J.-N. (2007), <i>Lettres du front et d&rsquo;Am&eacute;rique&nbsp;1914-1919,</i> Lettres &eacute;dit&eacute;es par Attard-Maraninchi, M.-F. &amp; Caty, R., Publications de l&rsquo;Universit&eacute; de Provence</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Dolz, J. &amp; Schneuwly, B. (1998), <i>Pour un enseignement de l&rsquo;oral. Initiation aux genres formels</i></span></span></span></span><i><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> &agrave; l&rsquo;&eacute;cole, </span></span></span></i><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Paris, ESF &Eacute;diteur</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Gramsci, A. (1978), <i>Cahiers de prison. Cahiers 10, 11, 12 et 13</i>, Paris, Gallimard</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Lacoste, C. (2011), <i>Le t&eacute;moignage comme genre litt&eacute;raire en France de 1914 &agrave; nos jours, </i>th&egrave;se de doctorat, Universit&eacute; Paris Ouest Nanterre La D&eacute;fense</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Maingueneau, D. (2010), <i>Manuel de linguistique pour les textes litt&eacute;raires</i>, Paris, Armand Colin</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Marx, K. &amp; Engels, F. (1975), <i>Manifeste du parti communiste</i>, Paris, &Eacute;ditions sociales</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Medevedev, P. (2008), <i>La M&eacute;thode formelle en litt&eacute;rature, </i>Trad. B. Vauthier et R. Comtet, Toulouse, Presses universitaires du Mirail</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.15pt">Prost, A. (1968), <i>Histoire de l&rsquo;enseignement en France 1800-1967</i>, Paris, Librairie Armand Colin</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Rastier, F. (2001 ), <i>Arts et sciences du texte, </i>Paris, PUF</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Rastier, F. (2005), <i>Ulysse &agrave; Auschwitz, Primo Levi le survivant,</i> Paris, Cerf</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.25pt">Revaz, F. (2009), <i>Introduction &agrave; la narratologie. Action et narration, </i>Bruxelles, De Boeck Duculot</span></span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.25pt">Schneuwly, B. (1994), &laquo;&nbsp;Genres et types de discours&nbsp;: consid&eacute;rations psychologiques et ontog&eacute;n&eacute;tiques&nbsp;&raquo;, dans Y. Reuter (&eacute;d.), <i>Les Interactions lecture-&eacute;criture</i>, Berne, Peter Lang</span></span></span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn1"></a><a href="#_ftnref1"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[1]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> D&eacute;cembre 2014, n&deg; 4, pp. 129-134.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn2"></a><a href="#_ftnref2"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[2]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Indiquons simplement que le terme de genre est ici pris dans la perspective des travaux de Medvedev ([1928], 2008), et pour une p&eacute;riode plus contemporaine&nbsp;: Schneuwly (1994), Bronckart (1996), Dolz &amp; Schneuwly (1998), Rastier (2001, 2005), Maingueneau (2010), Lacoste (2011).</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn3"></a><a href="#_ftnref3"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[3]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir Beaupr&eacute; (2006).</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn4"></a><a href="#_ftnref4"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[4]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Avec parfois quelques raccourcis. Mariot est sensible &agrave; une remarque de Cru parlant des soldats qui l&rsquo;entourent&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai une conscience, eux semblent s&rsquo;en passer&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;11, p. 305), citation reprise plus longuement (p. 299). Apr&egrave;s avoir &eacute;crit que &laquo;&nbsp;Ce peuple est bien le m&ecirc;me qui jadis fut taillable et corv&eacute;able &agrave; merci&nbsp;&raquo;, Cru se demande&nbsp;: &laquo;&nbsp;quelles sont ses forces morales&nbsp;? Ma r&eacute;ponse&nbsp;: le peuple est dans son dix-huiti&egrave;me si&egrave;cle&nbsp;&raquo; et la citation est ici coup&eacute;e. On imagine aussit&ocirc;t une repr&eacute;sentation condescendante de gens soumis, voire analphab&egrave;tes et tr&egrave;s frustes. Cependant, la partie de la phrase qui manque apporte une pr&eacute;cision utile&nbsp;: &laquo;&nbsp;il est voltairien, parfois rousseauiste, toujours un peu jacobin et sans culotte, surtout quand il a le cafard et que son &eacute;go&iuml;sme se trouve confront&eacute; avec le sacrifice, celui de tous les jours qui est r&eacute;el et le supr&ecirc;me qui est possible, le roi des &eacute;pouvantements&nbsp;&raquo; (2007, p. 158). En l&rsquo;occurrence, ce qui g&ecirc;ne le plus Cru, c&rsquo;est l&rsquo;absence de conscience religieuse. &Agrave; ses yeux de protestant rigoureux, les poilus ont sans doute un peu trop tendance &agrave; blasph&eacute;mer et &agrave; &ecirc;tre r&eacute;fractaires &agrave; ses &eacute;ventuelles vell&eacute;it&eacute;s pros&eacute;lytes...</span></span></span></span></span></p>