<p class="textecourant" style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Il est des ouvrages qui, comme le dernier livre de Bernard-Henri L&eacute;vy, <i>L&rsquo;Esprit du juda&iuml;sme, </i>(Grasset, 2016)<i> </i>planent dans l&rsquo;air rar&eacute;fi&eacute; d&rsquo;une ind&eacute;finissable spiritualit&eacute; juive, d&rsquo;autres au contraire nous ram&egrave;nent concr&egrave;tement au c&oelig;ur de l&rsquo;histoire contemporaine, comme ces &eacute;crits de militants politiques du <i>Bund </i>polonais, cette branche locale de l&rsquo;Union g&eacute;n&eacute;rale des travailleurs juifs de Lituanie, Pologne et Russie dans le nouvel &Eacute;tat de Pologne issu de la Premi&egrave;re Guerre mondiale.</span></span></span></span></p> <p class="textecourant" style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Pour le lecteur francophone, le <i>Bund </i>n&rsquo;est pas un inconnu, surtout depuis les remarquables &eacute;tudes d&rsquo;Henri Minczeles, et notamment de son <i>Histoire g&eacute;n&eacute;rale du Bund&nbsp;: un mouvement r&eacute;volutionnaire juif </i>(Deno&euml;l, 1999).</span></span></span></span></p> <p class="textecourant" style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de la documentation compl&eacute;mentaire rassembl&eacute;e par Enguerran </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Massis tient &agrave; la traduction &agrave; partir du polonais ou du yiddish, langues v&eacute;hiculaires de ces militants, de consid&eacute;rations politiques g&eacute;n&eacute;rales r&eacute;dig&eacute;es entre 1929 et 1938, et dont certaines restent actuelles dans l&rsquo;extr&ecirc;me diversit&eacute; des positions juives &agrave; travers le monde. Et ce, malgr&eacute; le tragique g&eacute;nocide ou apr&egrave;s la proclamation d&rsquo;un &Eacute;tat juif en Palestine.</span></span></span></span></p> <p class="textecourant" style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Si la contribution de Wiktor Alter (1890-1943) sur &laquo;&nbsp;L&rsquo;antis&eacute;mitisme &eacute;conomique &agrave; la lumi&egrave;re des chiffres&nbsp;&raquo; (1937) rel&egrave;ve de pol&eacute;miques tr&egrave;s circonstancielles, celles d&rsquo;Hendryk Erlich (1882-1942) m&eacute;ritent d&rsquo;&ecirc;tre relues aujourd&rsquo;hui en fonction de questions encore d&eacute;battues&nbsp;&nbsp; sur la notion de &laquo;&nbsp;peuple juif&nbsp;&raquo;, de diaspora ou d&rsquo;&Eacute;tat national. Un troisi&egrave;me dirigeant du <i>Bund</i>, Emanuel Szerer (1901-1977), qui, contrairement aux deux autres, surv&eacute;cut &agrave; la Seconde Guerre mondiale, compl&egrave;te ici ce bref panorama des rapports de l&rsquo;&eacute;poque entre d&eacute;mocratie, socialisme et nationalisme en milieu juif.</span></span></span></span></span></p> <p class="textecourant" style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&Agrave;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.1pt">l&rsquo;heure o&ugrave;</span> <span style="letter-spacing:-.1pt">le conflit isra&eacute;lo-palestinien se prolonge dans une tragique absence d&rsquo;issue politique r&eacute;aliste, sa description du sionisme comme une &laquo;&nbsp;utopie r&eacute;actionnaire&nbsp;&raquo; &eacute;claire ce qui, d&egrave;s la gen&egrave;se du mouvement sioniste en Europe, trouve encore son prolongement dans la politique des dirigeants actuels d&rsquo;Isra&euml;l&nbsp;: un refoulement volontaire des int&eacute;r&ecirc;ts de l&rsquo;autre peuple pr&eacute;sent en Isra&euml;l et dans les Territoires que cet &Eacute;tat occupe maintenant depuis pr&egrave;s d&rsquo;un demi-si&egrave;cle.</span></span></span></span></span></p> <p class="textecourant" style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Dans le dernier texte de cette anthologie, Erlich, pol&eacute;miquant en 1938 avec son beau-p&egrave;re, Simon Doubnov, le grand historien de l&rsquo;histoire juive, &eacute;crivait&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p class="textecourant" style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo; Que peut &ecirc;tre, dans le meilleur des cas, la Palestine juive<span dir="RTL" lang="AR-YE" style="color:black">&nbsp;? </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Le micro<span dir="RTL" lang="AR-YE" style="color:black">-</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&Eacute;tat d&rsquo;une minuscule tribu h&eacute;bra&iuml;que au sein du peuple juif. Lorsque les sionistes s&rsquo;adressent aux non-Juifs, ils sont de fervents d&eacute;mocrates et repr&eacute;sentent les relations sociales de la Palestine actuelle et future, comme un parangon de libert&eacute; et de progr&egrave;s. Mais si un &Eacute;tat juif &eacute;tait cr&eacute;&eacute; en Palestine, son climat mental serait la peur &eacute;ternelle d&rsquo;un ennemi ext&eacute;rieur (les Arabes), un combat perp&eacute;tuel pour chaque centim&egrave;tre carr&eacute; de terrain, pour chaque miette de travail contre un ennemi int&eacute;rieur (les Arabes) et une lutte sans r&eacute;pit pour &eacute;radiquer la langue et la culture des Juifs de Palestine non h&eacute;bra&iuml;s&eacute;s<sup>1</sup>. Est-ce un climat o&ugrave; cultiver la libert&eacute;, la d&eacute;mocratie et le progr&egrave;s&nbsp;? N&rsquo;est-ce pas plut&ocirc;t le climat o&ugrave; fleurissent d&rsquo;ordinaire la r&eacute;action et le chauvinisme&nbsp;? Aujourd&rsquo;hui, m&ecirc;me des publicistes sionistes de stricte ob&eacute;dience qui visitent la Terre sainte constatent l&rsquo;extraordinaire emprise du cl&eacute;ricalisme, bien que le Poale-Sion [sionistes socialistes, NdA] joue un r&ocirc;le aussi &eacute;minent dans l&rsquo;organisation sioniste&nbsp;&raquo; (p. 161).</span></span></span></span></p> <p class="textecourant" style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;"><span style="font-family:Helvetica">De tels rappels s&rsquo;av&egrave;rent indispensables pour penser le pr&eacute;sent, m&ecirc;me si le cours des choses interdit toute transposition litt&eacute;rale de ceux-ci dans le contexte actuel.</span></span></span></p> <p>&nbsp;</p>