<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Si l’expression <i>devoir de mémoire</i> apparaît en France dans les années 1970 comme une figure de style produite par une élite culturelle sans référence historique particulière, son imposition comme formule du discours intervient au cours des années 1990 dans le cadre de la mémorialisation du génocide des Juifs</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn1"><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></a>. <i>Devoir de mémoire</i> est alors mobilisé dans l’espace public pour la reconnaissance politique d’un crime identifié depuis plusieurs années comme représentant le mal absolu, l’extermination des Juifs pendant la Seconde <span style="letter-spacing:-.1pt">Guerre mondiale. Cette injonction ainsi</span> formulée est perçue dans le même temps comme un remède agissant sur différents maux touchant la société française (amnésie collective, antisémitisme, négationnisme, montée du Front national). Publicisée dans une rhétorique de la dénonciation contre un ordre établi, le terme <i>devoir de mémoire</i> est situé comme un véritable <i>pharmakon</i></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a> susceptible de former des citoyens éclairés en leur instillant une conscience historique qui prémunirait de la répétition des crimes de masse.</span></span></span></span></p>
<h2 style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Devoir de mémoire</span></span></span></i></b><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase"> : remède pour une France malade de son passé</span></span></span></b></span></span></h2>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Les premiers emplois du <i>devoir de mémoire</i> relatifs au génocide des Juifs interviennent au milieu des années 1980. S’ils restent quantitativement très limités, ces usages indiquent le souci de lutter contre l’effacement des traces propre à l’entreprise génocidaire et à sa négation. La polarisation sur l’extermination des Juifs fait alors émerger la question de la responsabilité des auteurs d’un crime qualifié de mal absolu. Lancée du point vue historique par le livre de Robert Paxton paru en France en 1973, et juridiquement par les actions pénales de Serge Klarsfeld à partir de 1978, la question de la responsabilité propre du gouvernement de Vichy dans la persécution des Juifs en France se construit en problème public au début des années 1990. C’est à ce moment-là, et directement lié à ce contexte, que le <i>devoir de mémoire</i> entre en scène comme formule en réponse à un diagnostic sur la France porté par des médias, des historiens et des acteurs politiques. Le pays souffrirait d’un mal, l’amnésie collective à l’égard de la participation active de Vichy dans la déportation et l’extermination des Juifs. Les lenteurs de la justice pour <span style="letter-spacing:.2pt">juger des responsables français </span><span style="letter-spacing:-.1pt">(Touvier, Bousquet, Papon), les ambigüités du président de la République </span><span style="letter-spacing:-.2pt">François Mitterrand (ses pressions sur la chancellerie pour retarder ces procès, sa relation avec Bousquet, son passé vichyste), les actes antisémites (profanation du cimetière juif de Carpentras</span> en mai 1990) et le discours négationniste porté par un parti politique en plein essor, le Front national, sont présentés comme les stigmates d’une France qui n’arrive toujours pas à faire face à son passé, cinquante ans après les faits. Le <i>devoir de mémoire</i> est alors mobilisé comme un remède urgent pour la collectivité nationale dans une rhétorique de la dénonciation portée contre les dogmes, contre les pouvoirs en place et contre l’occultation de l’histoire</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn3"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a>. Les principaux locuteurs de la formule de cette période – Michel Noir, Jean Le Garrec, Jean-Marie Cavada – qui vont lui permettre sa publicisation partagent le sentiment de contester un ordre établi en dévoilant une vérité que l’on cherche toujours à occulter</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a>. À côté de l’institution judiciaire et du pouvoir en place avec Mitterrand, l’institution scolaire est alors désignée comme appartenant à cet ordre établi en omettant toujours d’enseigner aux élèves le rôle actif de Vichy dans la persécution des Juifs. Au lendemain de la commémoration de la rafle du Vel' d’Hiv’ de juillet 1992, un débat télévisé sur TF1 intitulé « La mémoire du Vel' d’Hiv’ » met en scène six adolescents de 12 à 17 ans et différentes personnalités du monde politique, associatif et intellectuel. L’un des adolescents explique : « On nous a toujours dit que c’étaient les Allemands qui avaient fait le mal. On ne nous a jamais dit que les Français y étaient pour quelque chose. Pourquoi on nous a caché cette vérité ? »</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn5"><sup><span style="color:black">[5]</span></sup></a> Les réponses des invités adultes reprennent les mots employés souvent lors de cette période qui fabriquent un « contexte de sens »</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn6"><sup><span style="color:black">[6]</span></sup></a> : « Oui le statut des Juifs de 1940 restera “une tâche sur l’honneur” de notre pays. Indélébile. Oui, la France “ne sait pas assumer les pages noires de son histoire” ; […] C’est vrai, il arrive que les sociétés humaines soient atteintes de “pourrissement de la conscience”. Oui, il incombe à chacun, cinquante ans après, un “devoir de mémoire”. Un devoir individuel et collectif qui devrait comporter le procès de la collaboration. »</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn7"><sup><span style="color:black">[7]</span></sup></a></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Comme l’illustre cet exemple, le <i>devoir de mémoire</i> est alors largement référé à la tenue de procès de criminels français qui apparaissent comme un vecteur essentiel du dévoilement nécessaire de la vérité historique, un dévoilement au nom des droits de l’homme qui contribuerait à </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">l’instruction civique auprès des jeunes <span style="letter-spacing:-.1pt">générations. C’est dans ce cadre que les témoins apparaissent dans l’espace public comme les dépositaires de la vérité d’un crime occulté et les transmetteurs d’une expérience humaine</span> édifiante pour les jeunes dans une logique de prévention.</span></span></span></span></p>
<h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Témoigner contre le mal</span></span></span></b></span></span></h2>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Un détour par les notions d’« espace public » et du « règne de l’Anonyme » développées par Hannah Arendt éclairent davantage la fonction du <i>devoir de mémoire</i> dans le discours social à partir de 1992-1993. Hannah Arendt définit l’espace public comme un espace « où les hommes n’existent pas simplement comme d’autres objets vivants ou animés, mais font explicitement leur apparition »</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn8"><sup><span style="color:black">[8]</span></sup></a>. Par ailleurs, dans son texte <i>Sur la violence</i><a href="#_ftn9"><sup><span style="color:black">[9]</span></sup></a></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> dans lequel elle traite de la violence d’État au XX<sup>e</sup> siècle, celle-ci évoque l’aspect bureaucratique du crime de masse opéré par le régime le plus tyrannique qui soit et qu’elle dénomme le « règne de l’Anonyme, puisqu’on ne voit personne en fin de compte qui soit susceptible de répondre de ce qui a été accompli. Cet état de choses qui rend impossible la localisation de la responsabilité et de l’identification de l’adversaire »</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn10"><sup><span style="color:black">[10]</span></sup></a>. Cet anonymat de ces « bourreaux de bureaux » fait pendant à l’anonymisation des victimes du génocide. Or, <i>devoir de mémoire</i> surgit dans le discours médiatique pour donner du sens à l’« apparition » dans l’espace public des témoins du génocide</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn11"><sup><span style="color:black">[11]</span></sup></a> : à la fois des expériences individuelles de victimes incarnées par des paroles singulières, et d’individus « identifiés », accusés, et pour certains condamnés, <span style="letter-spacing:-.2pt">de crimes contre l’humanité : Klaus </span><span style="letter-spacing:-.3pt">Barbie, René Bousquet et Paul Touvier</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt"><a href="#_ftn12"><sup><span style="color:black">[12]</span></sup></a>.</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Pour le journal <i>Le Monde</i> par exemple, les deux premières occurrences de <i>devoir de mémoire</i> datent de 1992 et concernent les poursuites à l’encontre de Paul Touvier et de René Bousquet pour crimes contre l’humanité</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn13"><sup><span style="color:black">[13]</span></sup></a>. Pour l’année 1993, sur douze occurrences relevées du terme <span style="letter-spacing:-.05pt">dans le quotidien, huit concernent les témoignages publics de rescapés des camps de la mort (livre, films, émissions télévisées)</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.05pt"><a href="#_ftn14"><sup><span style="color:black">[14]</span></sup></a>. Parmi ces occurrences, on retiendra plus particulièrement</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> celle du dossier radio-télévision du <i>Monde</i> du 6 septembre 1993 consacré à la diffusion du film <i>Le procès Barbie, justice pour la mémoire et l’Histoire</i>, montrant des extraits du procès pour la première fois à la télévision. En grand titre sur la couverture, on peut lire « Le devoir de mémoire » avec une photographie en dessous de deux témoins du procès, prise en 1987, deux témoins qui sont nommés par le journal</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn15"><sup><span style="color:black">[15]</span></sup></a>. À l’intérieur du dossier, on trouve « Le devoir de mémoire » en titre couvrant une double page. En dessous, des photos de quatre témoins du procès avec leur nom indiqué en légende pour chacun <span style="letter-spacing:-.2pt">d’entre eux : Ennat Léger, <span style="text-transform:uppercase">é</span>lie Nahmias, </span><span style="letter-spacing:-.1pt">Sabine Zlatin et Marcel </span>Stourdze. Les six témoins choisis par le quotidien qui apparaissent ainsi nommément sont tous des témoins victimes de la déportation de persécution à l’encontre des Juifs et non de la déportation de répression visant les r<span style="letter-spacing:.1pt">ésistants. Il s’agit de donner voix à l’expérience génocidaire</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"><a href="#_ftn16"><sup><span style="color:black">[16]</span></sup></a>. Dans l’article qui relate le projet de ce film et sa mise en œuvre, on peut lire le commentaire du journaliste-réalisateur du film, Paul Lefèvre, justifiant ainsi son choix de montage : « Qu’y avait-il d’important ? Ce n’était pas Barbie </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">lui-même. Toutes les victimes entendues lors du procès évoquaient un devoir de témoigner. J’ai choisi non de faire un résumé du procès ou un rappel des querelles juridiques, mais de rassembler quelques témoignages – ceux qui étaient les plus aptes à remplir la seconde mission, celle de témoigner à l’écran – racontant les arrestations, les tortures personnelles, le transfert vers Drancy, les souffrances du voyage et la vie dans les camps »</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn17"><sup><span style="color:black">[17]</span></sup></a>. Le soir de la diffusion du film, dans l’émission <i>La marche du siècle</i>, ce sont près de six millions de téléspectateurs qui voient « apparaître » les témoins chaque fois nommés, faisant le récit de leur expérience singulière de la déportation</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn18"><sup><span style="color:black">[18]</span></sup></a>. Notons que, du point de vue juridique, le procès intégralement filmé et enregistré à la demande Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, en 1983, ne pouvait être diffusé que cinquante ans après</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn19"><sup><span style="color:black">[19]</span></sup></a>. Un amendement voté au Parlement le 29 juin 1990 modifia l’article 8 de la loi en permettant la diffusion d’images d’un procès pour crimes contre l’humanité, dès sa clôture, sous réserve de différentes garanties et après autorisation judiciaire. À la suite de la demande de diffusion par la société de production de <i>La marche du siècle</i>, une ordonnance du Tribunal de grande instance de Paris du 1<sup>er</sup> juillet 1993 autorise cette diffusion en soulignant « le caractère pédagogique que revêt la diffusion publique d’extraits de l’enregistrement d’un procès pour crimes <span style="letter-spacing:-.1pt">contre l’humanité »</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn20"><sup><span style="color:black">[20]</span></sup></a>. Ce caractère pédagogique est mis en scène par un dispositif plaçant sur le plateau de </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">télévision de jeunes français et européens de 18 à 25 ans face aux témoins qui répondent à leurs questions. Cette soirée télévisée est présentée au préalable</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> par son producteur-présentateur Jean-Marie Cavada comme « un acte de pédagogie […] qui parlera de la nécessité de la justice et des témoins pour organiser la mémoire et établir l’histoire »</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn21"><sup><span style="color:black">[21]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L’« apparition » à vocation pédagogique des témoins dans l’espace public est encadrée dans le champ sémantique par le <i>devoir de mémoire</i>. La formule devient alors un tiers langagier « convoyeur de sens »</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn22"><sup><span style="color:black">[22]</span></sup></a> qui légitime les actions produites pour mettre fin au « règne de l’Anonyme » décrit par Hannah Arendt. La formule est en effet mobilisée autour de trois référents constitutifs de ce règne : la poursuite d’individus « identifiés » comme responsables de crimes contre l’humanité ; la prise de parole publique des témoins évoquant leur propre expérience dans une finalité pédagogique, et enfin la dette des contemporains envers ces morts qui ne doivent plus rester anonymes.</span></span></span></span></p>
<h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">L’École, dépositaire du <i>devoir de mémoire</i></span></span></span></b></span></span></h2>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Au-delà du prétoire et des plateaux télévisés, cette configuration du témoignage à caractère pédagogique encadrée par le terme <i>devoir de mémoire</i> se déploie à partir du milieu des années 1990 au sein de l’institution scolaire soupçonnée d’avoir elle aussi participé à l’occultation de la vérité historique. En mars 1994, le magazine télévisé <i>Envoyé spécial</i> consacre par exemple une émission sur la déportation des Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale intitulée <span style="letter-spacing:-.1pt">« Devoirs de mémoire »</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn23"><sup><span style="color:black">[23]</span></sup></a>. En guise d’introduction, le journaliste Bernard </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">Benyamin s’adresse aux téléspectateurs </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">en ces termes :</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">« Depuis plusieurs semaines, vous l’avez sans doute remarqué, c’est toute une époque de l’histoire de France qui semble resurgir, une histoire marquée par l’Holocauste, avec le film de Steven Spielberg, et la Collaboration, avec le procès Touvier. Une histoire qui a été trop longtemps cachée et que découvrent, parfois avec horreur, des millions de jeunes. Le reportage que vous allez voir, ce sont eux qui l’ont provoqué. Ils nous ont écrit à <i>Envoyé<span style="letter-spacing:.2pt"> spécial</span></i><span style="letter-spacing:.2pt">, par centaines, avec des </span>questions comme “<span style="text-transform:uppercase">à</span> quoi sert l’histoire ? À quoi a servi l’Holocauste si on laisse faire les choses aujourd’hui en Yougoslavie ? Qui sont les gens qui ont caché l’histoire ou qui s’amusent à la réécrire ?” Nous sommes donc allés voir ces jeunes, eux et quelques historiens, pour tenter de répondre à ces questions. En commençant notre enquête par un lycée parisien, le lycée Jean-Baptiste Say où des élèves avaient déjà entrepris ce devoir de mémoire. »</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Le reportage débute par un plan sur des lycéens dans l’amphithéâtre de leur établissement. En fond sonore, on entend les premières notes particulièrement dramatiques de <i>La </i></span></span></span><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">jeune fille et la mort</span></span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt"> de Frantz Schubert</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"> et, en voix <i>off,</i> la phrase d’une élève : « Oublier, c’est la pire des choses, parce que si on oublie ce qui s’est passé, c’est le meilleur moyen pour recommencer après. » Puis le téléspectateur voit différentes photographies de déportés dans un camp – corps brûlés, enfants squelettiques, femmes nues – avec la musique toujours</span></span></span><i> </i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">présente. La lycéenne parle de nouveau, cette fois face caméra : « On n’a pas à supprimer l’histoire ; elle a existé, on n’a pas le droit de couper comme ça. Chaque pays a, plus ou moins, une partie un petit peu sombre, un peu honteuse ; c’est pas une raison pour la cacher ; il faut que cela serve d’exemple pour les générations futures. » D’autres photographies de déportés sont présentées, avant qu’une autre lycéenne, en gros plan, déclare : « Il y a une névrose véritablement à propos de cette époque de Vichy, et tout ça, et cette affaire Touvier, c’est comme un peu une psychanalyse : faire resurgir à la surface pour pouvoir mettre </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">après au clair notre histoire. » La musique s’estompe ensuite progressivement, tandis qu’une photographie de l’entrée du camp d’Auschwitz avec les rails apparaît en zoom avant, accompagnée du son de plus en plus fort d’une locomotive. Le téléspectateur voit alors une nouvelle image sur fond blanc sur laquelle s’imprime en lettres noires capitales : « DEVOIRS DE MÉMOIRE ».</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">On retrouve dans ces prises de parole de lycéens l’emprunt de notions psychanalytiques utilisées par Henry Rousso</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn24"><sup><span style="color:black">[24]</span></sup></a> qui se sont diffusées pour identifier la situation-problème de la France face à ce passé. Une telle séquence télévisée illustre également les réflexions du sociologue Patrick P<span style="letter-spacing:.1pt">haro sur les scènes de sollicitation </span><span style="letter-spacing:.4pt">publique dans les médias. Ce n’est pas directement la victime du crime passé qui sollicite l’écoute, la compassion du destinataire, mais la</span><span style="letter-spacing:.1pt"> présentation qui est faite du malheur de la </span>victime dans l’image et le commentaire. Patrick Pharo insiste ainsi sur le fait que « dans le spectacle médiatique de l’injustice et du malheur, le rôle des images et des intermédiaires <span style="letter-spacing:-.1pt">sémantiques est en effet crucial, car c’est essentiellement le sens des descriptions ou des présentations qui entraîne la compassion du sujet pour les injustices et les misères et influe ainsi sur ses capacités d’engagement »</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn25"><sup><span style="color:black">[25]</span></sup></a>. En ce sens, la formule <i>devoir de mémoire</i> fait alors fonction d’intermédiaire sémantique censée favoriser la compassion des téléspectateurs et influer sur leurs capacités d’engagement concernant la (re)connaissance du génocide des Juifs en tant que crime commis avec la participation active du régime de Vichy.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Du côté de l’Éducation nationale, la transmission du génocide des Juifs aux élèves de l’école de la République est alors perçue comme une priorité par différents acteurs. Dominique Borne publie l’article « Faire connaître la Shoah à l’école » dans <i>Les Cahiers de la Shoah</i> en 1994. Il est alors le doyen du groupe histoire-géographie de l’Inspection générale et responsable de la rédaction des programmes d’histoire entre 1994 et 1998. Cette priorité se traduit dans les nouveaux programmes scolaires de lycée de 1995</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn26"><sup><span style="color:black">[26]</span></sup></a>. L’événement dénommé Shoah est porteur d’enjeux civiques dépassant largement le contenu d’un savoir historique. Parmi les outils pédagogiques mobilisés par les personnels de l’institution scolaire pour favoriser la transmission de la Shoah aux élèves, les visites des camps d’extermination se développent au cours de ces années. Ces visites sont perçues à la fois par les enseignants, les politiques et les médias comme des actions éducatives propres à former l’élève comme un citoyen éclairé. À partir du milieu des années 1990, ces actions éducatives sont régulièrement dénommées – et justifiées – par la formule <i>devoir de mémoire</i>. Rappelons que le moment de naissance du <i>devoir de mémoire</i> en tant que formule s’est produit lors d’émissions télévisées mettant en scène des rencontres entre des témoins déportés et des jeunes. Le sujet de philosophie du baccalauréat donné en juin 1993, « Pourquoi y a-t-il un devoir de mémoire ? », a également légitimé a posteriori de telles pratiques pédagogiques. Des usages du terme</span></span></span><i> </i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">sont donc venus ensuite prolonger ces scènes inaugurales en qualifiant ces actions éducatives en plein essor du nom de <i>devoir de mémoire</i>. Les visites des camps par les élèves accompagnés des témoins ont par conséquent élargi le champ sémantique de la formule. Le corpus de l’INA mentionne plusieurs occurrences de <i>devoir de mémoire</i> directement associées à ces pratiques </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">scolaires à partir de 1996. Le traitement médiatique de la visite du camp d’Auschwitz par Jacques Chirac accompagné de lycéens, en septembre 1996, semble avoir apporté un cadre référentiel d’ordre sémantique à cette pratique </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">sociale. Employé par le président de la République lors de son discours à </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Cracovie </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">le 13 septembre 1996, le terme <i>devoir de mémoire</i> est diffusé par les rédactions des journaux télévisés le soir </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">même pour présenter cette visite <span style="letter-spacing:-.1pt">d’Auschwitz comme une action éducative. En reprenant la formule, les médias audiovisuels semblent avoir ainsi initié cette référence en septembre 1996. Dans les années qui suivent, ces usages du terme proviennent souvent des médias eux-mêmes. Les visites des camps d’extermination qualifiées de <i>devoir de mémoire</i> sont présentées à la télévision non seulement comme le moment privilégié pour les élèves d’une éducation citoyenne, mais également comme l’occasion de leur forger une conscience historique autour d’un rituel commémoratif au cours duquel on crée une communauté éducative pour l’avenir. Le magazine intitulé « Le devoir de mémoire »</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn27"><sup><span style="color:black">[27]</span></sup></a>, diffusé au journal télévisé de France 3 Haute-Normandie, le 4 octobre 1997, illustre cette dimension. Les journalistes de la chaîne, Thierry Bercault et Frédéric Gatineau, consacrent un reportage de trente minutes à une ancienne rescapée d’Auschwitz, Denise Holstein, accompagnant des élèves de troisième<sup> </sup>au camp d’extermination. Le journaliste commence par indiquer dans son </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">reportage que « l’Éducation nationale a longtemps ignoré cette page sombre de l’histoire de France. Il a fallu beaucoup de courage et d’obstination aux combattants de la mémoire pour dire la vérité sur la Collaboration et <span style="letter-spacing:-.1pt">l’Holocauste ». Le reportage se conclut par une scène montrant les élèves et Denise Holstein sur les rails, à l’entrée du camp. On leur distribue des roses alors que l’image est diffusée au ralenti. Entourée des collégiens, Denise Holstein prononce gravement ces mots : « 76</span> <span style="letter-spacing:-.1pt">000 personnes ont été déportées de France. Sur les 76</span> <span style="letter-spacing:-.1pt">000, il y avait 11</span> <span style="letter-spacing:-.1pt">000 enfants. Sur les 76</span> <span style="letter-spacing:-.1pt">000, nous sommes revenus à 2</span> <span style="letter-spacing:-.1pt">500 ; et à l’heure actuelle, nous sommes à peu près 300 survivants [on voit des collégiens en larmes]. Je vais vous demander de vous recueillir quelques instants en pensant à toutes ces personnes qui ont fini ici. Vous savez que d’habitude, quand on a perdu quelqu’un, on va au cimetière. Moi, je ne sais pas où aller. » </span><span style="letter-spacing:-.2pt">L’image montre au ralenti les élèves qui déposent leur rose à tour de rôle sur les rails, et <i>en off</i> la voix de Denise Holstein : </span><span style="letter-spacing:-.1pt">« Je voudrais aussi que chacun dépose une rose. Je voudrais que toute votre vie, vous pensiez, que vous en parliez autour de vous. Vous savez que malheureusement, à l’heure actuelle, [findu <i>off,</i> retour gros plan sur Denise Holstein] il y a des gens qui disent que ça n’a jamais existé, que c’était de l’invention. Je pense que quand on est ici il est difficile de penser que c’est de l’invention [plan sur les visages graves et tristes des collégiens]. Vous lutterez toute votre vie contre ces gens et… vous </span><span style="letter-spacing:-.2pt">n’oublierez pas tous ces gens qui ont disparu. Vous voyez, c’est la troisième </span><span style="letter-spacing:-.1pt">fois que je viens, mais c’est pas plus </span><span style="letter-spacing:-.2pt">facile. » Le film se termine sur l’image des roses sur les rails au premier plan, </span><span style="letter-spacing:-.1pt">de Denise Holstein entourée des collégiens debout, tête baissée, le regard porté vers les roses. Sur cette image précise, le titre du reportage apparaît </span><span style="letter-spacing:-.2pt">au centre de l’écran en surimpres</span>sion : <span style="letter-spacing:-.1pt">« Le devoir de mémoire ». La formule désigne d’une part la nécessaire connaissance pour les élèves d’une vérité historique longtemps occultée et toujours niée par les négationnistes. Elle est aussi le signe sémantique d’un « pacte testimonial »</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn28"><sup><span style="color:black">[28]</span></sup></a> contracté lors de la visite du camp qui crée une communauté éducative entre le témoin oculaire et les élèves, des élèves devenus par ce rituel sacré effectué sous le sceau du serment les « témoins de témoins » à même de lutter à leur tour, à l’avenir, contre le mal.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ces pratiques scolaires reçoivent le soutien du ministère de l’Éducation nationale qui emploie lui aussi <i>devoir de mémoire</i> à cette occasion. En 2001, une coopération pédagogique entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Défense est mise en place pour « réaliser des actions pédagogiques liées aux conflits contemporains et au devoir de mémoire »</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn29"><sup><span style="color:black">[29]</span></sup></a>. Parmi les actions pédagogiques promues se trouvent en bonne place les « voyages » ou « sorties scolaires ». Le pouvoir exécutif s’inspire lui aussi de la formule pour mener sa politique éducative dans un contexte de mondialisation de la mémoire de la Shoah. La politique éducative relative à la connaissance de la Shoah prend en effet une dimension internationale à la fin des années 1990. En 1998, un <span style="letter-spacing:-.1pt">« Groupe d’action international » se constitue. Il s’agit de la « Task Force for International Cooperation on Holocaust Education, Remembrance and Research » (« Groupe d’action pour la coopération sur l’éducation, la mémoire et la recherche sur l’Holocauste »), créé à l’initiative du Premier ministre suédois Göran Persson. Ce groupe organise en janvier 2000 un forum à Stockholm, </span>réunissant les représentants des <span style="letter-spacing:-.1pt">quarante-cinq pays dont huit chefs d’État et quatorze chefs de gouvernement. Présent à ce forum pour représenter la France, le Premier ministre Lionel </span><span style="letter-spacing:-.15pt">Jospin y prononce un discours le 26 jan</span><span style="letter-spacing:-.2pt">vier</span><span style="letter-spacing:-.1pt"> 2000. Si les politiques éducatives relatives à la Shoah s’inscrivent désormais dans un cadre international, le chef du gouvernement français nomme celle de la France par la formule <i>devoir de mémoire</i> :</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">« L’enseignement de la Shoah, la compréhension des causes qui l’ont permise, l’hommage rendu à ceux qui l’ont combattue, constitue un devoir. En France, nous souscrivons désormais pleinement à ce devoir de mémoire et d’éducation. »</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt"><a href="#_ftn30"><sup><span style="color:black">[30]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.05pt">Les États membres rédigent lors de ce forum une déclaration dans laquelle ils s’engagent à promouvoir l’enseignement de l’Holocauste et à instituer une Journée internationale de commémoration. En France, le ministère de l’Éducation nationale honore les engagements de Stockholm notamment par l’envoi en 2002 d’un livre à destination de tous les élèves de troisième et de terminale sur l’histoire de la Shoah intitulé <i>Dites-le à vos enfants</i></span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.05pt"><a href="#_ftn31"><sup><span style="color:black">[31]</span></sup></a>. Le livre est préfacé par Serge Klarsfeld et l’on peut trouver, dans certaines académies, l’ajout d’une introduction rédigée par des représentants de l’Éducation nationale et des élus des collectivités territoriales. Dans le livre distribué aux élèves du département de l’Essonne par exemple, l’inspecteur d’académie et le président du Conseil général s’adressent aux élèves de troisième en faisant référence au terme <i>devoir de mémoire</i><a href="#_ftn32"><sup><span style="color:black">[32]</span></sup></a>. L’enseignement de la Shoah est ainsi présenté comme une propédeutique à la formation du citoyen éclairé, ainsi mieux armé pour lutter contre l’intolérance.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Les ministres européens de l’Éducation nationale, réunis au Conseil de l’Europe à Strasbourg en octobre 2002, adoptent le principe d’une journée de commémoration de l’Holocauste. Celle-ci est mise en place en France par une circulaire de décembre 2003 instituant dans les écoles une « Journée de la mémoire </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">de l’Holocauste et de la prévention des </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">crimes contre l’humanité »</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn33"><sup><span style="color:black">[33]</span></sup></a>. La date de </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">la journée est fixée au 27 janvier, <span style="letter-spacing:.1pt">« anniversaire de la libération du c</span><span style="letter-spacing:-.1pt">amp d’Auschwitz ». La dimension civique d’une telle commémoration est clairement affirmée dans la circulaire</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn34"><sup><span style="color:black">[34]</span></sup></a>. L’occasion offerte par la journée </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">n’est pas d’apprendre un fait historique, mais de favoriser l’adhésion aux valeurs des droits de l’homme pour mieux les défendre au présent. Les enseignants partagent alors, depuis plusieurs années, la même lecture de ce savoir scolaire perçu par eux comme « l’exact envers des droits de l’homme » qu’il faut transmettre pour « prémunir contre une barbarie à venir et éduquer les élèves à un regard et un esprit critique, citoyen »</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"><a href="#_ftn35"><sup><span style="color:black">[35]</span></sup></a>. Comme les autres acteurs institutionnels, les enseignants font, </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">eux aussi, usage de la formule <i>devoir de mémoire</i> pour marquer leur adhésion aux valeurs des droits de l’homme et signifier leur vocation à les transmettre à leurs élèves par ce biais historique</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn36"><sup><span style="color:black">[36]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">Le consensus autour de cette dénomination partagée <i>devoir de mémoire</i>, censée favoriser la transmission d’une conscience historique référée aux valeurs des droits de l’homme et l’évitement de la répétition des crimes de masse cesse dès la fin des années 1990. Victime de son succès et de ses usages institutionnels exponentiels, le <i>devoir de mémoire</i> connaît des critiques de plus en plus vives qui entraîneront sa mise à distance progressive par les institutions, notamment le ministère de l’Éducation nationale, au cours des années 2000. C’est sa fonction pédagogique et la croyance en ses effets sur la prévention des crimes qui sont mises en cause</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt"><a href="#_ftn37"><sup><span style="color:black">[37]</span></sup></a><span style="color:black">.</span> Cependant, le <i>devoir de mémoire</i> n’est pas seulement qualifié d’inopérant. On lui attribue des effets négatifs. Il est accusé d’opacifier l’histoire et son enseignement, d’instrumentaliser la parole des victimes, de tomber dans un conformisme moralisant et/ou de générer une concurrence des mémoires victimaires. Le statut de <i>pharmakon</i> acquis par la formule pour dévoiler le crime absolu, ses auteurs et ses victimes, et pour se prémunir par sa transmission de sa possible répétition, se confirme ainsi en recouvrant cette fois l’autre sens du terme grec, le poison, renvoyant le <i>devoir de mémoire</i> à son ambiguïté irréductible</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt"><a href="#_ftn38"><sup><span style="color:black">[38]</span></sup></a><span style="color:black">.</span></span></span></span></span></p>
<p> </p>
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<hr align="left" size="1" width="33%" /></div>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref1"><sup><span style="color:blue">[1]</span></sup></a> Pour l’histoire du terme <i>devoir de mémoire</i>, nous renvoyons à notre étude : <i>Le devoir de mémoire. Une formule et son histoire</i>, Paris, CNRS Éditions, 2016.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref2"><sup><span style="color:blue">[2]</span></sup></a> En Grèce ancienne, le terme de <i>pharmakon</i> désigne à la fois le remède et le poison, un danger et ce qui sauve. Voir la lecture qu’en fait Derrida à partir du <i>Phèdre</i> de Platon dans <i>La dissémination</i> et le commentaire de Paul Ricœur dans <i>La mémoire, l’histoire, l’oubli</i>, rééd., Paris, Seuil, 2003, pp. 175-180.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref3"><sup><span style="color:blue">[3]</span></sup></a> Pour Luc Boltanski, la dénonciation d’une injustice s’accompagne d’une rhétorique de dévoilement pour convaincre et mobiliser d’autres personnes et les associer à la protestation, Luc Boltanski, « La dénonciation », <i>Actes de la recherche en sciences sociales</i>, n° 51, mars 1984, pp. 3-44.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref4"><sup><span style="color:blue">[4]</span></sup></a> Nous renvoyons aux entretiens menés avec ces acteurs cités dans <i>Le devoir de mémoire. Une formule et son histoire</i>, <i>op.cit</i>.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref5"><sup><span style="color:blue">[5]</span></sup></a> Propos cité par Alain Rollat, « La commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv’ sur TF1. “Devoir de mémoire” », <i>Le Monde</i>, 21 juillet 1992. Voir notre analyse sur la question de l’absence de l’enseignement de ce fait à l’école comme <i>topos</i> de la rhétorique de la dénonciation dans <i>Le devoir de mémoire. Une formule et son histoire</i>, <i>op.cit</i>., pp. 106-107.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref6"><sup><span style="color:blue">[6]</span></sup></a> Nous renvoyons aux travaux sur l’action collective de Nina Eliasoph qui insiste sur l’importance des mots dans toute action recherchant une mobilisation. La forme verbale <i>devoir de mémoire</i> employée dans l’espace public a des conséquences sur la définition de la situation et fait émerger un contexte de sens ; Nina Eliasoph, <i>L’évitement du politique</i>, Paris, Economica, coll. <span style="text-transform:uppercase">é</span>tudes sociologiques, 2010.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref7"><sup><span style="color:blue">[7]</span></sup></a> Cité par le journaliste Alain Rollat dans son article intitulé « La commémoration de la rafle du Vel' d’Hiv’ sur TF1. “Devoir de mémoire” », <i>Le Monde</i>, 21 juillet 1992.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref8"><sup><span style="color:blue">[8]</span></sup></a> Hannah Arendt, <i>Condition de l’homme moderne</i>, rééd., Paris, Calmann-Lévy, 1983, p. 256.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref9"><sup><span style="color:blue">[9]</span></sup></a> <span style="letter-spacing:.25pt">Hannah Arendt, « Sur la violence », repris dans <i>Du mensonge à la violence</i>, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Agora », </span>1972, pp. 105-187.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref10"><sup><span style="color:blue">[10]</span></sup></a> <i>Ibid</i>., p. 138<i>.</i></span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref11"><sup><span style="color:blue">[11]</span></sup></a> Pour l’apparition du témoin dans l’espace public, voir Renaud Dulong, <i>Le témoin oculaire. Les conditions sociales de l’attestation personnelle</i>, Paris, EHESS, 1998.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref12"><sup><span style="color:blue">[12]</span></sup></a> Klaus Barbie est condamné pour crimes contre l’humanité en 1987, Paul Touvier en 1994. Quant à René Bousquet, inculpé pour crimes contre l’humanité en 1991, il est assassiné en 1993 avant la tenue d’un éventuel procès.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref13"><sup><span style="color:blue">[13]</span></sup></a> « Après le non-lieu en sa faveur. L’affaire Touvier. Une cérémonie à l’île de la Cité. Le devoir de mémoire », <i>Le Monde</i> du 16 avril 1992, p. 8 ; « La commémoration de la rafle du Vel’d’Hiv’ sur TF1. Devoir de mémoire », <i>Le Monde</i>, 21 juillet, p. 8.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref14"><sup><span style="color:blue">[14]</span></sup></a> <i><span style="letter-spacing:-.05pt">Le Monde</span></i><span style="letter-spacing:-.05pt"> : 19 février 1993; 29 mars 1993, p. 19; 3 juillet 1993, p.2; 11 juillet 1993; 6 septembre, pp.16-17 ; 10 septembre 1993, p. 28 ; 18 novembre 1993, p. 61.</span></span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref15"><sup><span style="color:blue">[15]</span></sup></a> Il s’agit de Rosa Halaumbrenner et de Fortunée Benguigui, mères d’enfants de la maison d’Izieu déportés et gazés à Auschwitz-Birkenau en 1944.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref16"><sup><span style="color:blue">[16]</span></sup></a> Lors de l’extradition de Barbie en France en 1983, ce sont exclusivement les victimes résistantes qui sont évoquées dans les discours médiatiques et universitaires concernant la figure de Jean Moulin. Dix ans plus tard, le procès Barbie porte en priorité la mémoire de la déportation des Juifs. Voir Sébastien Ledoux, « Les témoins du procès Barbie, acteurs de mémorialisation », dans Charles Heimberg, Frédéric Rousseau et Yannis Thanassekos (dir.), <i>Témoins et témoignages. Figures et objets dans l’histoire du XX<sup>e</sup> siècle</i>, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 67-75.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref17"><sup><span style="color:blue">[17]</span></sup></a> <i>Le Monde</i>, 5-6 septembre 1993, p. 17.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref18"><sup><span style="color:blue">[18]</span></sup></a> Outre les témoins du procès Barbie (Simone Lagrange, Sabine Zlatin, Marcel Stourdze, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, <span style="text-transform:uppercase">é</span>lie Wiesel), Pierre Truche, Alain Jacubowicz et Paul Lefèvre participent à l’émission.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref19"><sup><span style="color:blue">[19]</span></sup></a> Loi « tendant à la constitution d’archives audiovisuelles de la justice » promulguée le 11 juillet 1985.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref20"><sup><span style="color:blue">[20]</span></sup></a> Cité dans <i>Le Monde</i>, 5-6 septembre 1993, p. 17.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref21"><sup><span style="color:blue">[21]</span></sup></a> Interview de Jean-Marie Cavada dans le <i>Journal du dimanche</i>, 5 septembre 1993.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref22"><sup><span style="color:blue">[22]</span></sup></a> Nicole Lapierre, « Échos », dans « À propos de “Ouvrez-moi seulement les chemins d’Arménie. Un génocide aux déserts de l’inconscient” de Janine Altounian », <i>Les Papiers du Collège international de Philosophie, </i>n° 32, p. 28.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref23"><sup><span style="color:blue">[23]</span></sup></a> </span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-size:9.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">« </span></span><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Devoirs de mémoire</span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-size:9.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> », </span></span><i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Envoyé spécial</span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">, France 2, 31 mars 1994, INA.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref24"><sup><span style="color:blue">[24]</span></sup></a> Dans <i>Le syndrome de Vichy,</i> qui paraît en 1987, l’historien présente l’histoire de la mémoire de Vichy par une grille freudienne : cette mémoire est diagnostiquée comme relevant d’une « névrose » qui voit une « phase de deuil » (1944-1954), puis une phase de « refoulement » (1954-1971) avant de connaitre un « retour du refoulé » (1971-1974) qui conduit, à partir de 1974, à l’« obsession » de ce passé. Si Henry Rousso prend bien soin de préciser que « les emprunts à la psychanalyse [n’ont] valeur que de métaphore, non d’explication »<i> </i>(<i>Le syndrome de Vichy</i>, rééd., Seuil, coll. « Points Histoire », 1990, p. 19), la théorie freudienne apparaît bien nourrir sa lecture et son analyse des temporalités de la mémoire.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref25"><sup><span style="color:blue">[25]</span></sup></a> Patrick Pharo, « Sollicitation et déréalisation du malheur. Problèmes de sensibilisation », <i>L’année sociologique</i>, n° 44, 1994, p. 61.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref26"><sup><span style="color:blue">[26]</span></sup></a> Voir Patricia Legris, <i>Qui écrit les programmes ?</i>, Grenoble, PUG, 2014.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref27"><sup><span style="color:blue">[27]</span></sup></a> « Le devoir de mémoire », journal télévisé de France 3 Haute-Normandie, 4 octobre 1997, INA.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref28"><sup><span style="color:blue">[28]</span></sup></a> Notion de la psychanalyste Régine Waintrater pour qui « le témoignage est une cocréation fondée sur un contrat entre le témoin et celui qui recueille son témoignage, désigné sous le terme de “témoignaire", Régine Waintrater, « Le pacte testimonial, une idéologie qui fait lien ? », <i>Revue française de psychanalyse</i>, n° 64, janvier-mars 2000, p. 206.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref29"><sup><span style="color:blue">[29]</span></sup></a> <span style="letter-spacing:-.05pt">« Coopération pédagogique entre le ministère de l’<span style="text-transform:uppercase">é</span>ducation nationale et le ministère de la <span style="text-transform:uppercase">d</span>éfense », 2001, en accès libre sur le site de l’Éducation nationale éduscol, eduscol.education.fr/D0090/memoire.htm</span>., consulté le 20 février 2008.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref30"><sup><span style="color:blue">[30]</span></sup></a> Discours du Premier ministre Lionel Jospin le 26 janvier 2000 au Forum de Stockholm sur la Shoah, l’éducation et la mémoire.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref31"><sup><span style="color:blue">[31]</span></sup></a> Stéphane Bruchfeld et Paul Levine, « <i>Dites-le à vos enfants</i></span></span><i><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-size:9.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> ». </span></span></i><i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Histoire de la Shoah en Europe, 1933-1945</span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">, Paris, Ramsay, 2002.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref32"><sup><span style="color:blue">[32]</span></sup></a> Roger Chudeau, inspecteur d’Académie de l’Essonne, et Michel Berson, président du Conseil général de l’Essonne, « Aux élèves de troisième de l’Essonne », <i>Ibid</i>., p. 2.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref33"><sup><span style="color:blue">[33]</span></sup></a> Note de service n° 2003-211 du ministère de l'<span style="text-transform:uppercase">é</span>ducation nationale, 3 décembre 2003.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref34"><sup><span style="color:blue">[34]</span></sup></a> « Cette journée n’a pas pour but de perpétuer la mémoire de l’horreur, mais d’apprendre aux élèves à être vigilants, à défendre les valeurs démocratiques et à combattre l‘intolérance », <i>ibid.</i></span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref35"><sup><span style="color:blue">[35]</span></sup></a> Laurence Corbel et Benoît Falaize, <i>Entre mémoire et savoir : l’enseignement de la Shoah et des guerres de décolonisation, </i>rapport de recherche INRP/IUFM de Versailles,<i> </i>2003, p. 63. Des éléments du rapport ont fait l’objet d’une publication par les deux auteurs : « L’enseignement de l’histoire et les mémoires douloureuses du XX<sup>e</sup> siècle. Enquête sur les représentations enseignantes », <i>Revue française de pédagogie</i>, n° 147, 2004, pp. 43-55.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref36"><sup><span style="color:blue">[36]</span></sup></a> Voir le n° 379 de la revue des <i>Cahiers pédagogiques</i> de décembre 1999.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref37"><sup><span style="color:blue">[37]</span></sup></a> En 1996, Antoine Prost conclut ses leçons d’histoire ainsi : « On fait valoir sans cesse le devoir de mémoire : mais rappeler un événement ne sert à rien, même pas à éviter qu’il ne se reproduise, si on ne l’explique pas […]. Si nous voulons être les acteurs responsables de notre propre avenir, nous avons d’abord un devoir d’histoire », <i>Douze leçons sur l’histoire</i>, rééd., Paris, Seuil, coll. « Points histoire », 2007 [1996], p. 306.</span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref38"><sup><span style="color:blue">[38]</span></sup></a> <span style="letter-spacing:-.05pt">En ce sens, rappelons que, pour Ricœur, « le devoir de mémoire constitue à la fois le comble du bon usage et celui de l’abus dans l’exercice de la mémoire », Paul Ricœur, <i>La mémoire, l’histoire, l’oubli</i>, <i>op.cit</i>., p. 106.</span></span></span></span></span></p>
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