<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Si l&rsquo;expression <i>devoir de m&eacute;moire</i> appara&icirc;t en France dans les ann&eacute;es 1970 comme une figure de style produite par une &eacute;lite culturelle sans r&eacute;f&eacute;rence historique particuli&egrave;re, son imposition comme formule du discours intervient au cours des ann&eacute;es 1990 dans le cadre de la m&eacute;morialisation du g&eacute;nocide des Juifs</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn1"><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></a>. <i>Devoir de m&eacute;moire</i> est alors mobilis&eacute; dans l&rsquo;espace public pour la reconnaissance politique d&rsquo;un crime identifi&eacute; depuis plusieurs ann&eacute;es comme repr&eacute;sentant le mal absolu, l&rsquo;extermination des Juifs pendant la Seconde <span style="letter-spacing:-.1pt">Guerre mondiale. Cette injonction ainsi</span> formul&eacute;e est per&ccedil;ue dans le m&ecirc;me temps comme un rem&egrave;de agissant sur diff&eacute;rents maux touchant la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise (amn&eacute;sie collective, antis&eacute;mitisme, n&eacute;gationnisme, mont&eacute;e du Front national). Publicis&eacute;e dans une rh&eacute;torique de la d&eacute;nonciation contre un ordre &eacute;tabli, le terme <i>devoir de m&eacute;moire</i> est situ&eacute; comme un v&eacute;ritable <i>pharmakon</i></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a> susceptible de former des citoyens &eacute;clair&eacute;s en leur instillant une conscience historique qui pr&eacute;munirait de la r&eacute;p&eacute;tition des crimes de masse.</span></span></span></span></p> <h2 style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Devoir de m&eacute;moire</span></span></span></i></b><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">&nbsp;: rem&egrave;de pour une France malade de son pass&eacute;</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Les premiers emplois du <i>devoir de m&eacute;moire</i> relatifs au g&eacute;nocide des Juifs interviennent au milieu des ann&eacute;es 1980. S&rsquo;ils restent quantitativement tr&egrave;s limit&eacute;s, ces usages indiquent le souci de lutter contre l&rsquo;effacement des traces propre &agrave; l&rsquo;entreprise g&eacute;nocidaire et &agrave; sa n&eacute;gation. La polarisation sur l&rsquo;extermination des Juifs fait alors &eacute;merger la question de la responsabilit&eacute; des auteurs d&rsquo;un crime qualifi&eacute; de mal absolu. Lanc&eacute;e du point vue historique par le livre de Robert Paxton paru en France en 1973, et juridiquement par les actions p&eacute;nales de Serge Klarsfeld &agrave; partir de 1978, la question de la responsabilit&eacute; propre du gouvernement de Vichy dans la pers&eacute;cution des Juifs en France se construit en probl&egrave;me public au d&eacute;but des ann&eacute;es&nbsp;1990. C&rsquo;est &agrave; ce moment-l&agrave;, et directement li&eacute; &agrave; ce contexte, que le <i>devoir de m&eacute;moire</i> entre en sc&egrave;ne comme formule en r&eacute;ponse &agrave; un diagnostic sur la France port&eacute; par des m&eacute;dias, des historiens et des acteurs politiques. Le pays souffrirait d&rsquo;un mal, l&rsquo;amn&eacute;sie collective &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la participation active de Vichy dans la d&eacute;portation et l&rsquo;extermination des Juifs. Les lenteurs de la justice pour <span style="letter-spacing:.2pt">juger des responsables fran&ccedil;ais </span><span style="letter-spacing:-.1pt">(Touvier, Bousquet, Papon), les ambig&uuml;it&eacute;s du pr&eacute;sident de la R&eacute;publique </span><span style="letter-spacing:-.2pt">Fran&ccedil;ois Mitterrand (ses pressions sur la chancellerie pour retarder ces proc&egrave;s, sa relation avec Bousquet, son pass&eacute; vichyste), les actes antis&eacute;mites (profanation du cimeti&egrave;re juif de Carpentras</span> en mai&nbsp;1990) et le discours n&eacute;gationniste port&eacute; par un parti politique en plein essor, le Front national, sont pr&eacute;sent&eacute;s comme les stigmates d&rsquo;une France qui n&rsquo;arrive toujours pas &agrave; faire face &agrave; son pass&eacute;, cinquante ans apr&egrave;s les faits. Le <i>devoir de m&eacute;moire</i> est alors mobilis&eacute; comme un rem&egrave;de urgent pour la collectivit&eacute; nationale dans une rh&eacute;torique de la d&eacute;nonciation port&eacute;e contre les dogmes, contre les pouvoirs en place et contre l&rsquo;occultation de l&rsquo;histoire</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn3"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a>. Les principaux locuteurs de la formule de cette p&eacute;riode &ndash;&nbsp;Michel Noir, Jean Le Garrec, Jean-Marie Cavada&nbsp;&ndash; qui vont lui permettre sa publicisation partagent le sentiment de contester un ordre &eacute;tabli en d&eacute;voilant une v&eacute;rit&eacute; que l&rsquo;on cherche toujours &agrave; occulter</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a>. &Agrave; c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;institution judiciaire et du pouvoir en place avec Mitterrand, l&rsquo;institution scolaire est alors d&eacute;sign&eacute;e comme appartenant &agrave; cet ordre &eacute;tabli en omettant toujours d&rsquo;enseigner aux &eacute;l&egrave;ves le r&ocirc;le actif de Vichy dans la pers&eacute;cution des Juifs. Au lendemain de la comm&eacute;moration de la rafle du Vel&#39; d&rsquo;Hiv&rsquo; de juillet&nbsp;1992, un d&eacute;bat t&eacute;l&eacute;vis&eacute; sur TF1 intitul&eacute; &laquo;&nbsp;La m&eacute;moire du Vel&#39; d&rsquo;Hiv&rsquo;&nbsp;&raquo; met en sc&egrave;ne six adolescents de 12 &agrave; 17&nbsp;ans et diff&eacute;rentes personnalit&eacute;s du monde politique, associatif et intellectuel. L&rsquo;un des adolescents explique&nbsp;: &laquo;&nbsp;On nous a toujours dit que c&rsquo;&eacute;taient les Allemands qui avaient fait le mal. On ne nous a jamais dit que les Fran&ccedil;ais y &eacute;taient pour quelque chose. Pourquoi on nous a cach&eacute; cette v&eacute;rit&eacute;&nbsp;?&nbsp;&raquo;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn5"><sup><span style="color:black">[5]</span></sup></a> Les r&eacute;ponses des invit&eacute;s adultes reprennent les mots employ&eacute;s souvent lors de cette p&eacute;riode qui fabriquent un &laquo;&nbsp;contexte de sens&nbsp;&raquo;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn6"><sup><span style="color:black">[6]</span></sup></a>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Oui le statut des Juifs de 1940 restera &ldquo;une t&acirc;che sur l&rsquo;honneur&rdquo; de notre pays. Ind&eacute;l&eacute;bile. Oui, la France &ldquo;ne sait pas assumer les pages noires de son histoire&rdquo;&nbsp;; [&hellip;] C&rsquo;est vrai, il arrive que les soci&eacute;t&eacute;s humaines soient atteintes de &ldquo;pourrissement de la conscience&rdquo;. Oui, il incombe &agrave; chacun, cinquante ans apr&egrave;s, un &ldquo;devoir de m&eacute;moire&rdquo;. Un devoir individuel et collectif qui devrait comporter le proc&egrave;s de la collaboration.&nbsp;&raquo;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn7"><sup><span style="color:black">[7]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Comme l&rsquo;illustre cet exemple, le <i>devoir de m&eacute;moire</i> est alors largement r&eacute;f&eacute;r&eacute; &agrave; la tenue de proc&egrave;s de criminels fran&ccedil;ais qui apparaissent comme un vecteur essentiel du d&eacute;voilement n&eacute;cessaire de la v&eacute;rit&eacute; historique, un d&eacute;voilement au nom des droits de l&rsquo;homme qui contribuerait &agrave; </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">l&rsquo;instruction civique aupr&egrave;s des jeunes <span style="letter-spacing:-.1pt">g&eacute;n&eacute;rations. C&rsquo;est dans ce cadre que les t&eacute;moins apparaissent dans l&rsquo;espace public comme les d&eacute;positaires de la v&eacute;rit&eacute; d&rsquo;un crime occult&eacute; et les transmetteurs d&rsquo;une exp&eacute;rience humaine</span> &eacute;difiante pour les jeunes dans une logique de pr&eacute;vention.</span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">T&eacute;moigner contre le mal</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Un d&eacute;tour par les notions d&rsquo;&laquo;&nbsp;espace public&nbsp;&raquo; et du &laquo;&nbsp;r&egrave;gne de l&rsquo;Anonyme&nbsp;&raquo; d&eacute;velopp&eacute;es par Hannah Arendt &eacute;clairent davantage la fonction du <i>devoir de m&eacute;moire</i> dans le discours social &agrave; partir de 1992-1993. Hannah Arendt d&eacute;finit l&rsquo;espace public comme un espace &laquo;&nbsp;o&ugrave; les hommes n&rsquo;existent pas simplement comme d&rsquo;autres objets vivants ou anim&eacute;s, mais font explicitement leur apparition&nbsp;&raquo;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn8"><sup><span style="color:black">[8]</span></sup></a>. Par ailleurs, dans son texte <i>Sur la violence</i><a href="#_ftn9"><sup><span style="color:black">[9]</span></sup></a></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> dans lequel elle traite de la violence d&rsquo;&Eacute;tat au XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, celle-ci &eacute;voque l&rsquo;aspect bureaucratique du crime de masse op&eacute;r&eacute; par le r&eacute;gime le plus tyrannique qui soit et qu&rsquo;elle d&eacute;nomme le &laquo;&nbsp;r&egrave;gne de l&rsquo;Anonyme, puisqu&rsquo;on ne voit personne en fin de compte qui soit susceptible de r&eacute;pondre de ce qui a &eacute;t&eacute; accompli. Cet &eacute;tat de choses qui rend impossible la localisation de la responsabilit&eacute; et de l&rsquo;identification de l&rsquo;adversaire&nbsp;&raquo;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn10"><sup><span style="color:black">[10]</span></sup></a>. Cet anonymat de ces &laquo;&nbsp;bourreaux de bureaux&nbsp;&raquo; fait pendant &agrave; l&rsquo;anonymisation des victimes du g&eacute;nocide. Or, <i>devoir de m&eacute;moire</i> surgit dans le discours m&eacute;diatique pour donner du sens &agrave; l&rsquo;&laquo;&nbsp;apparition&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;espace public des t&eacute;moins du g&eacute;nocide</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn11"><sup><span style="color:black">[11]</span></sup></a>&nbsp;: &agrave; la fois des exp&eacute;riences individuelles de victimes incarn&eacute;es par des paroles singuli&egrave;res, et d&rsquo;individus &laquo;&nbsp;identifi&eacute;s&nbsp;&raquo;, accus&eacute;s, et pour certains condamn&eacute;s, <span style="letter-spacing:-.2pt">de crimes contre l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;: Klaus </span><span style="letter-spacing:-.3pt">Barbie, Ren&eacute; Bousquet et Paul Touvier</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt"><a href="#_ftn12"><sup><span style="color:black">[12]</span></sup></a>.</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Pour le journal <i>Le Monde</i> par exemple, les deux premi&egrave;res occurrences de <i>devoir de m&eacute;moire</i> datent de 1992 et concernent les poursuites &agrave; l&rsquo;encontre de Paul Touvier et de Ren&eacute; Bousquet pour crimes contre l&rsquo;humanit&eacute;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn13"><sup><span style="color:black">[13]</span></sup></a>. Pour l&rsquo;ann&eacute;e 1993, sur douze occurrences relev&eacute;es du terme <span style="letter-spacing:-.05pt">dans le quotidien, huit concernent les t&eacute;moignages publics de rescap&eacute;s des camps de la mort (livre, films, &eacute;missions t&eacute;l&eacute;vis&eacute;es)</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.05pt"><a href="#_ftn14"><sup><span style="color:black">[14]</span></sup></a>. Parmi ces occurrences, on retiendra plus particuli&egrave;rement</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> celle du dossier radio-t&eacute;l&eacute;vision du <i>Monde</i> du 6&nbsp;septembre 1993 consacr&eacute; &agrave; la diffusion du film <i>Le proc&egrave;s Barbie, justice pour la m&eacute;moire et l&rsquo;Histoire</i>, montrant des extraits du proc&egrave;s pour la premi&egrave;re fois &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision. En grand titre sur la couverture, on peut lire &laquo;&nbsp;Le devoir de m&eacute;moire&nbsp;&raquo; avec une photographie en dessous de deux t&eacute;moins du proc&egrave;s, prise en 1987, deux t&eacute;moins qui sont nomm&eacute;s par le journal</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn15"><sup><span style="color:black">[15]</span></sup></a>. &Agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du dossier, on trouve &laquo;&nbsp;Le devoir de m&eacute;moire&nbsp;&raquo; en titre couvrant une double page. En dessous, des photos de quatre t&eacute;moins du proc&egrave;s avec leur nom indiqu&eacute; en l&eacute;gende pour chacun <span style="letter-spacing:-.2pt">d&rsquo;entre eux&nbsp;: Ennat L&eacute;ger, <span style="text-transform:uppercase">&eacute;</span>lie Nahmias, </span><span style="letter-spacing:-.1pt">Sabine Zlatin et Marcel </span>Stourdze. Les six t&eacute;moins choisis par le quotidien qui apparaissent ainsi nomm&eacute;ment sont tous des t&eacute;moins victimes de la d&eacute;portation de pers&eacute;cution &agrave; l&rsquo;encontre des Juifs et non de la d&eacute;portation de r&eacute;pression visant les r<span style="letter-spacing:.1pt">&eacute;sistants. Il s&rsquo;agit de donner voix &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience g&eacute;nocidaire</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"><a href="#_ftn16"><sup><span style="color:black">[16]</span></sup></a>. Dans l&rsquo;article qui relate le projet de ce film et sa mise en &oelig;uvre, on peut lire le commentaire du journaliste-r&eacute;alisateur du film, Paul Lef&egrave;vre, justifiant ainsi son choix de montage&nbsp;: &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;y avait-il d&rsquo;important&nbsp;? Ce n&rsquo;&eacute;tait pas Barbie </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">lui-m&ecirc;me. Toutes les victimes entendues lors du proc&egrave;s &eacute;voquaient un devoir de t&eacute;moigner. J&rsquo;ai choisi non de faire un r&eacute;sum&eacute; du proc&egrave;s ou un rappel des querelles juridiques, mais de rassembler quelques t&eacute;moignages &ndash; ceux qui &eacute;taient les plus aptes &agrave; remplir la seconde mission, celle de t&eacute;moigner &agrave; l&rsquo;&eacute;cran &ndash; racontant les arrestations, les tortures personnelles, le transfert vers Drancy, les souffrances du voyage et la vie dans les camps&nbsp;&raquo;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn17"><sup><span style="color:black">[17]</span></sup></a>. Le soir de la diffusion du film, dans l&rsquo;&eacute;mission <i>La marche du si&egrave;cle</i>, ce sont pr&egrave;s de six millions de t&eacute;l&eacute;spectateurs qui voient &laquo;&nbsp;appara&icirc;tre&nbsp;&raquo; les t&eacute;moins chaque fois nomm&eacute;s, faisant le r&eacute;cit de leur exp&eacute;rience singuli&egrave;re de la d&eacute;portation</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn18"><sup><span style="color:black">[18]</span></sup></a>. Notons que, du point de vue juridique, le proc&egrave;s int&eacute;gralement film&eacute; et enregistr&eacute; &agrave; la demande Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, en 1983, ne pouvait &ecirc;tre diffus&eacute; que cinquante ans apr&egrave;s</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn19"><sup><span style="color:black">[19]</span></sup></a>. Un amendement vot&eacute; au Parlement le 29&nbsp;juin 1990 modifia l&rsquo;article&nbsp;8 de la loi en permettant la diffusion d&rsquo;images d&rsquo;un proc&egrave;s pour crimes contre l&rsquo;humanit&eacute;, d&egrave;s sa cl&ocirc;ture, sous r&eacute;serve de diff&eacute;rentes garanties et apr&egrave;s autorisation judiciaire. &Agrave; la suite de la demande de diffusion par la soci&eacute;t&eacute; de production de <i>La marche du si&egrave;cle</i>, une ordonnance du Tribunal de grande instance de Paris du 1<sup>er</sup>&nbsp;juillet 1993 autorise cette diffusion en soulignant &laquo;&nbsp;le caract&egrave;re p&eacute;dagogique que rev&ecirc;t la diffusion publique d&rsquo;extraits de l&rsquo;enregistrement d&rsquo;un proc&egrave;s pour crimes <span style="letter-spacing:-.1pt">contre l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn20"><sup><span style="color:black">[20]</span></sup></a>. Ce caract&egrave;re p&eacute;dagogique est mis en sc&egrave;ne par un dispositif pla&ccedil;ant sur le plateau de </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">t&eacute;l&eacute;vision de jeunes fran&ccedil;ais et europ&eacute;ens de 18 &agrave; 25 ans face aux t&eacute;moins qui r&eacute;pondent &agrave; leurs questions. Cette soir&eacute;e t&eacute;l&eacute;vis&eacute;e est pr&eacute;sent&eacute;e au pr&eacute;alable</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> par son producteur-pr&eacute;sentateur Jean-Marie Cavada comme &laquo;&nbsp;un acte de p&eacute;dagogie [&hellip;] qui parlera de la n&eacute;cessit&eacute; de la justice et des t&eacute;moins pour organiser la m&eacute;moire et &eacute;tablir l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn21"><sup><span style="color:black">[21]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L&rsquo;&laquo;&nbsp;apparition&nbsp;&raquo; &agrave; vocation p&eacute;dagogique des t&eacute;moins dans l&rsquo;espace public est encadr&eacute;e dans le champ s&eacute;mantique par le <i>devoir de m&eacute;moire</i>. La formule devient alors un tiers langagier &laquo;&nbsp;convoyeur de sens&nbsp;&raquo;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn22"><sup><span style="color:black">[22]</span></sup></a> qui l&eacute;gitime les actions produites pour mettre fin au &laquo;&nbsp;r&egrave;gne de l&rsquo;Anonyme&nbsp;&raquo; d&eacute;crit par Hannah Arendt. La formule est en effet mobilis&eacute;e autour de trois r&eacute;f&eacute;rents constitutifs de ce r&egrave;gne&nbsp;: la poursuite d&rsquo;individus &laquo;&nbsp;identifi&eacute;s&nbsp;&raquo; comme responsables de crimes contre l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;; la prise de parole publique des t&eacute;moins &eacute;voquant leur propre exp&eacute;rience dans une finalit&eacute; p&eacute;dagogique, et enfin la dette des contemporains envers ces morts qui ne doivent plus rester anonymes.</span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">L&rsquo;&Eacute;cole, d&eacute;positaire du <i>devoir de m&eacute;moire</i></span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Au-del&agrave; du pr&eacute;toire et des plateaux t&eacute;l&eacute;vis&eacute;s, cette configuration du t&eacute;moignage &agrave; caract&egrave;re p&eacute;dagogique encadr&eacute;e par le terme <i>devoir de m&eacute;moire</i> se d&eacute;ploie &agrave; partir du milieu des ann&eacute;es 1990 au sein de l&rsquo;institution scolaire soup&ccedil;onn&eacute;e d&rsquo;avoir elle aussi particip&eacute; &agrave; l&rsquo;occultation de la v&eacute;rit&eacute; historique. En mars&nbsp;1994, le magazine t&eacute;l&eacute;vis&eacute; <i>Envoy&eacute; sp&eacute;cial</i> consacre par exemple une &eacute;mission sur la d&eacute;portation des Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale intitul&eacute;e <span style="letter-spacing:-.1pt">&laquo;&nbsp;Devoirs de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn23"><sup><span style="color:black">[23]</span></sup></a>. En guise d&rsquo;introduction, le journaliste Bernard </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">Benyamin s&rsquo;adresse aux t&eacute;l&eacute;spectateurs </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">en ces termes&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Depuis plusieurs semaines, vous l&rsquo;avez sans doute remarqu&eacute;, c&rsquo;est toute une &eacute;poque de l&rsquo;histoire de France qui semble resurgir, une histoire marqu&eacute;e par l&rsquo;Holocauste, avec le film de Steven Spielberg, et la Collaboration, avec le proc&egrave;s Touvier. Une histoire qui a &eacute;t&eacute; trop longtemps cach&eacute;e et que d&eacute;couvrent, parfois avec horreur, des millions de jeunes. Le reportage que vous allez voir, ce sont eux qui l&rsquo;ont provoqu&eacute;. Ils nous ont &eacute;crit &agrave; <i>Envoy&eacute;<span style="letter-spacing:.2pt"> sp&eacute;cial</span></i><span style="letter-spacing:.2pt">, par centaines, avec des </span>questions comme &ldquo;<span style="text-transform:uppercase">&agrave;</span> quoi sert l&rsquo;histoire&nbsp;? &Agrave; quoi a servi l&rsquo;Holocauste si on laisse faire les choses aujourd&rsquo;hui en Yougoslavie&nbsp;? Qui sont les gens qui ont cach&eacute; l&rsquo;histoire ou qui s&rsquo;amusent &agrave; la r&eacute;&eacute;crire&nbsp;?&rdquo; Nous sommes donc all&eacute;s voir ces jeunes, eux et quelques historiens, pour tenter de r&eacute;pondre &agrave; ces questions. En commen&ccedil;ant notre enqu&ecirc;te par un lyc&eacute;e parisien, le lyc&eacute;e Jean-Baptiste Say o&ugrave; des &eacute;l&egrave;ves avaient d&eacute;j&agrave; entrepris ce devoir de m&eacute;moire.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Le reportage d&eacute;bute par un plan sur des lyc&eacute;ens dans l&rsquo;amphith&eacute;&acirc;tre de leur &eacute;tablissement. En fond sonore, on entend les premi&egrave;res notes particuli&egrave;rement dramatiques de <i>La </i></span></span></span><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">jeune fille et la mort</span></span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt"> de Frantz Schubert</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"> et, en voix <i>off,</i> la phrase d&rsquo;une &eacute;l&egrave;ve&nbsp;: &laquo;&nbsp;Oublier, c&rsquo;est la pire des choses, parce que si on oublie ce qui s&rsquo;est pass&eacute;, c&rsquo;est le meilleur moyen pour recommencer apr&egrave;s.&nbsp;&raquo; Puis le t&eacute;l&eacute;spectateur voit diff&eacute;rentes photographies de d&eacute;port&eacute;s dans un camp&nbsp;&ndash;&nbsp;corps br&ucirc;l&eacute;s, enfants squelettiques, femmes nues&nbsp;&ndash; avec la musique toujours</span></span></span><i> </i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">pr&eacute;sente. La lyc&eacute;enne parle de nouveau, cette fois face cam&eacute;ra&nbsp;: &laquo;&nbsp;On n&rsquo;a pas &agrave; supprimer l&rsquo;histoire&nbsp;; elle a exist&eacute;, on n&rsquo;a pas le droit de couper comme &ccedil;a. Chaque pays a, plus ou moins, une partie un petit peu sombre, un peu honteuse&nbsp;; c&rsquo;est pas une raison pour la cacher&nbsp;; il faut que cela serve d&rsquo;exemple pour les g&eacute;n&eacute;rations futures.&nbsp;&raquo; D&rsquo;autres photographies de d&eacute;port&eacute;s sont pr&eacute;sent&eacute;es, avant qu&rsquo;une autre lyc&eacute;enne, en gros plan, d&eacute;clare&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il y a une n&eacute;vrose v&eacute;ritablement &agrave; propos de cette &eacute;poque de Vichy, et tout &ccedil;a, et cette affaire Touvier, c&rsquo;est comme un peu une psychanalyse&nbsp;: faire resurgir &agrave; la surface pour pouvoir mettre </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">apr&egrave;s au clair notre histoire.&nbsp;&raquo; La musique s&rsquo;estompe ensuite progressivement, tandis qu&rsquo;une photographie de l&rsquo;entr&eacute;e du camp d&rsquo;Auschwitz avec les rails appara&icirc;t en zoom avant, accompagn&eacute;e du son de plus en plus fort d&rsquo;une locomotive. Le t&eacute;l&eacute;spectateur voit alors une nouvelle image sur fond blanc sur laquelle s&rsquo;imprime en lettres noires capitales&nbsp;: &laquo;&nbsp;DEVOIRS DE M&Eacute;MOIRE&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">On retrouve dans ces prises de parole de lyc&eacute;ens l&rsquo;emprunt de notions psychanalytiques utilis&eacute;es par Henry Rousso</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn24"><sup><span style="color:black">[24]</span></sup></a> qui se sont diffus&eacute;es pour identifier la situation-probl&egrave;me de la France face &agrave; ce pass&eacute;. Une telle s&eacute;quence t&eacute;l&eacute;vis&eacute;e illustre &eacute;galement les r&eacute;flexions du sociologue Patrick P<span style="letter-spacing:.1pt">haro sur les sc&egrave;nes de sollicitation </span><span style="letter-spacing:.4pt">publique dans les m&eacute;dias. Ce n&rsquo;est pas directement la victime du crime pass&eacute; qui sollicite l&rsquo;&eacute;coute, la compassion du destinataire, mais la</span><span style="letter-spacing:.1pt"> pr&eacute;sentation qui est faite du malheur de la </span>victime dans l&rsquo;image et le commentaire. Patrick Pharo insiste ainsi sur le fait que &laquo;&nbsp;dans le spectacle m&eacute;diatique de l&rsquo;injustice et du malheur, le r&ocirc;le des images et des interm&eacute;diaires <span style="letter-spacing:-.1pt">s&eacute;mantiques est en effet crucial, car c&rsquo;est essentiellement le sens des descriptions ou des pr&eacute;sentations qui entra&icirc;ne la compassion du sujet pour les injustices et les mis&egrave;res et influe ainsi sur ses capacit&eacute;s d&rsquo;engagement&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn25"><sup><span style="color:black">[25]</span></sup></a>. En ce sens, la formule <i>devoir de m&eacute;moire</i> fait alors fonction d&rsquo;interm&eacute;diaire s&eacute;mantique cens&eacute;e favoriser la compassion des t&eacute;l&eacute;spectateurs et influer sur leurs capacit&eacute;s d&rsquo;engagement concernant la (re)connaissance du g&eacute;nocide des Juifs en tant que crime commis avec la participation active du r&eacute;gime de Vichy.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Du c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale, la transmission du g&eacute;nocide des Juifs aux &eacute;l&egrave;ves de l&rsquo;&eacute;cole de la R&eacute;publique est alors per&ccedil;ue comme une priorit&eacute; par diff&eacute;rents acteurs. Dominique Borne publie l&rsquo;article &laquo;&nbsp;Faire conna&icirc;tre la Shoah &agrave; l&rsquo;&eacute;cole&nbsp;&raquo; dans <i>Les Cahiers de la Shoah</i> en 1994. Il est alors le doyen du groupe histoire-g&eacute;ographie de l&rsquo;Inspection g&eacute;n&eacute;rale et responsable de la r&eacute;daction des programmes d&rsquo;histoire entre 1994 et 1998. Cette priorit&eacute; se traduit dans les nouveaux programmes scolaires de lyc&eacute;e de 1995</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn26"><sup><span style="color:black">[26]</span></sup></a>. L&rsquo;&eacute;v&eacute;nement d&eacute;nomm&eacute; Shoah est porteur d&rsquo;enjeux civiques d&eacute;passant largement le contenu d&rsquo;un savoir historique. Parmi les outils p&eacute;dagogiques mobilis&eacute;s par les personnels de l&rsquo;institution scolaire pour favoriser la transmission de la Shoah aux &eacute;l&egrave;ves, les visites des camps d&rsquo;extermination se d&eacute;veloppent au cours de ces ann&eacute;es. Ces visites sont per&ccedil;ues &agrave; la fois par les enseignants, les politiques et les m&eacute;dias comme des actions &eacute;ducatives propres &agrave; former l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve comme un citoyen &eacute;clair&eacute;. &Agrave; partir du milieu des ann&eacute;es 1990, ces actions &eacute;ducatives sont r&eacute;guli&egrave;rement d&eacute;nomm&eacute;es &ndash;&nbsp;et justifi&eacute;es&nbsp;&ndash; par la formule <i>devoir de m&eacute;moire</i>. Rappelons que le moment de naissance du <i>devoir de m&eacute;moire</i> en tant que formule s&rsquo;est produit lors d&rsquo;&eacute;missions t&eacute;l&eacute;vis&eacute;es mettant en sc&egrave;ne des rencontres entre des t&eacute;moins d&eacute;port&eacute;s et des jeunes. Le sujet de philosophie du baccalaur&eacute;at donn&eacute; en juin&nbsp;1993, &laquo;&nbsp;Pourquoi y a-t-il un devoir de m&eacute;moire&nbsp;?&nbsp;&raquo;, a &eacute;galement l&eacute;gitim&eacute; a posteriori de telles pratiques p&eacute;dagogiques. Des usages du terme</span></span></span><i> </i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">sont donc venus ensuite prolonger ces sc&egrave;nes inaugurales en qualifiant ces actions &eacute;ducatives en plein essor du nom de <i>devoir de m&eacute;moire</i>. Les visites des camps par les &eacute;l&egrave;ves accompagn&eacute;s des t&eacute;moins ont par cons&eacute;quent &eacute;largi le champ s&eacute;mantique de la formule. Le corpus de l&rsquo;INA mentionne plusieurs occurrences de <i>devoir de m&eacute;moire</i> directement associ&eacute;es &agrave; ces pratiques </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">scolaires &agrave; partir de 1996. Le traitement m&eacute;diatique de la visite du camp d&rsquo;Auschwitz par Jacques Chirac accompagn&eacute; de lyc&eacute;ens, en septembre&nbsp;1996, semble avoir apport&eacute; un cadre r&eacute;f&eacute;rentiel d&rsquo;ordre s&eacute;mantique &agrave; cette pratique </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">sociale. Employ&eacute; par le pr&eacute;sident de la R&eacute;publique lors de son discours &agrave; </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Cracovie </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">le 13&nbsp;septembre 1996, le terme <i>devoir de m&eacute;moire</i> est diffus&eacute; par les r&eacute;dactions des journaux t&eacute;l&eacute;vis&eacute;s le soir </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">m&ecirc;me pour pr&eacute;senter cette visite <span style="letter-spacing:-.1pt">d&rsquo;Auschwitz comme une action &eacute;ducative. En reprenant la formule, les m&eacute;dias audiovisuels semblent avoir ainsi initi&eacute; cette r&eacute;f&eacute;rence en septembre&nbsp;1996. Dans les ann&eacute;es qui suivent, ces usages du terme proviennent souvent des m&eacute;dias eux-m&ecirc;mes. Les visites des camps d&rsquo;extermination qualifi&eacute;es de <i>devoir de m&eacute;moire</i> sont pr&eacute;sent&eacute;es &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision non seulement comme le moment privil&eacute;gi&eacute; pour les &eacute;l&egrave;ves d&rsquo;une &eacute;ducation citoyenne, mais &eacute;galement comme l&rsquo;occasion de leur forger une conscience historique autour d&rsquo;un rituel comm&eacute;moratif au cours duquel on cr&eacute;e une communaut&eacute; &eacute;ducative pour l&rsquo;avenir. Le magazine intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Le devoir de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn27"><sup><span style="color:black">[27]</span></sup></a>, diffus&eacute; au journal t&eacute;l&eacute;vis&eacute; de France 3 Haute-Normandie, le 4&nbsp;octobre 1997, illustre cette dimension. Les journalistes de la cha&icirc;ne, Thierry Bercault et Fr&eacute;d&eacute;ric Gatineau, consacrent un reportage de trente minutes &agrave; une ancienne rescap&eacute;e d&rsquo;Auschwitz, Denise Holstein, accompagnant des &eacute;l&egrave;ves de troisi&egrave;me<sup> </sup>au camp d&rsquo;extermination. Le journaliste commence par indiquer dans son </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">reportage que &laquo;&nbsp;l&rsquo;&Eacute;ducation nationale a longtemps ignor&eacute; cette page sombre de l&rsquo;histoire de France. Il a fallu beaucoup de courage et d&rsquo;obstination aux combattants de la m&eacute;moire pour dire la v&eacute;rit&eacute; sur la Collaboration et <span style="letter-spacing:-.1pt">l&rsquo;Holocauste&nbsp;&raquo;. Le reportage se conclut par une sc&egrave;ne montrant les &eacute;l&egrave;ves et Denise Holstein sur les rails, &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e du camp. On leur distribue des roses alors que l&rsquo;image est diffus&eacute;e au ralenti. Entour&eacute;e des coll&eacute;giens, Denise Holstein prononce gravement ces mots&nbsp;: &laquo;&nbsp;76</span>&thinsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">000 personnes ont &eacute;t&eacute; d&eacute;port&eacute;es de France. Sur les 76</span>&thinsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">000, il y avait 11</span>&thinsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">000 enfants. Sur les 76</span>&thinsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">000, nous sommes revenus &agrave; 2</span>&thinsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">500&nbsp;; et &agrave; l&rsquo;heure actuelle, nous sommes &agrave; peu pr&egrave;s 300 survivants [on voit des coll&eacute;giens en larmes]. Je vais vous demander de vous recueillir quelques instants en pensant &agrave; toutes ces personnes qui ont fini ici. Vous savez que d&rsquo;habitude, quand on a perdu quelqu&rsquo;un, on va au cimeti&egrave;re. Moi, je ne sais pas o&ugrave; aller.&nbsp;&raquo; </span><span style="letter-spacing:-.2pt">L&rsquo;image montre au ralenti les &eacute;l&egrave;ves qui d&eacute;posent leur rose &agrave; tour de r&ocirc;le sur les rails, et <i>en off</i> la voix de Denise Holstein&nbsp;: </span><span style="letter-spacing:-.1pt">&laquo;&nbsp;Je voudrais aussi que chacun d&eacute;pose une rose. Je voudrais que toute votre vie, vous pensiez, que vous en parliez autour de vous. Vous savez que malheureusement, &agrave; l&rsquo;heure actuelle, [findu <i>off,</i> retour gros plan sur Denise Holstein] il y a des gens qui disent que &ccedil;a n&rsquo;a jamais exist&eacute;, que c&rsquo;&eacute;tait de l&rsquo;invention. Je pense que quand on est ici il est difficile de penser que c&rsquo;est de l&rsquo;invention [plan sur les visages graves et tristes des coll&eacute;giens]. Vous lutterez toute votre vie contre ces gens et&hellip; vous </span><span style="letter-spacing:-.2pt">n&rsquo;oublierez pas tous ces gens qui ont disparu. Vous voyez, c&rsquo;est la troisi&egrave;me </span><span style="letter-spacing:-.1pt">fois que je viens, mais c&rsquo;est pas plus </span><span style="letter-spacing:-.2pt">facile.&nbsp;&raquo; Le film se termine sur l&rsquo;image des roses sur les rails au premier plan, </span><span style="letter-spacing:-.1pt">de Denise Holstein entour&eacute;e des coll&eacute;giens debout, t&ecirc;te baiss&eacute;e, le regard port&eacute; vers les roses. Sur cette image pr&eacute;cise, le titre du reportage appara&icirc;t </span><span style="letter-spacing:-.2pt">au centre de l&rsquo;&eacute;cran en surimpres</span>sion&nbsp;: <span style="letter-spacing:-.1pt">&laquo;&nbsp;Le devoir de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;. La formule d&eacute;signe d&rsquo;une part la n&eacute;cessaire connaissance pour les &eacute;l&egrave;ves d&rsquo;une v&eacute;rit&eacute; historique longtemps occult&eacute;e et toujours ni&eacute;e par les n&eacute;gationnistes. Elle est aussi le signe s&eacute;mantique d&rsquo;un &laquo;&nbsp;pacte testimonial&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn28"><sup><span style="color:black">[28]</span></sup></a> contract&eacute; lors de la visite du camp qui cr&eacute;e une communaut&eacute; &eacute;ducative entre le t&eacute;moin oculaire et les &eacute;l&egrave;ves, des &eacute;l&egrave;ves devenus par ce rituel sacr&eacute; effectu&eacute; sous le sceau du serment les &laquo;&nbsp;t&eacute;moins de t&eacute;moins&nbsp;&raquo; &agrave; m&ecirc;me de lutter &agrave; leur tour, &agrave; l&rsquo;avenir, contre le mal.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ces pratiques scolaires re&ccedil;oivent le soutien du minist&egrave;re de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale qui emploie lui aussi <i>devoir de m&eacute;moire</i> &agrave; cette occasion. En 2001, une coop&eacute;ration p&eacute;dagogique entre le minist&egrave;re de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale et le minist&egrave;re de la D&eacute;fense est mise en place pour &laquo;&nbsp;r&eacute;aliser des actions p&eacute;dagogiques li&eacute;es aux conflits contemporains et au devoir de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><a href="#_ftn29"><sup><span style="color:black">[29]</span></sup></a>. Parmi les actions p&eacute;dagogiques promues se trouvent en bonne place les &laquo;&nbsp;voyages&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;sorties scolaires&nbsp;&raquo;. Le pouvoir ex&eacute;cutif s&rsquo;inspire lui aussi de la formule pour mener sa politique &eacute;ducative dans un contexte de mondialisation de la m&eacute;moire de la Shoah. La politique &eacute;ducative relative &agrave; la connaissance de la Shoah prend en effet une dimension internationale &agrave; la fin des ann&eacute;es 1990. En 1998, un <span style="letter-spacing:-.1pt">&laquo;&nbsp;Groupe d&rsquo;action international&nbsp;&raquo; se constitue. Il s&rsquo;agit de la &laquo;&nbsp;Task Force for International Cooperation on Holocaust Education, Remembrance and Research&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Groupe d&rsquo;action pour la coop&eacute;ration sur l&rsquo;&eacute;ducation, la m&eacute;moire et la recherche sur l&rsquo;Holocauste&nbsp;&raquo;), cr&eacute;&eacute; &agrave; l&rsquo;initiative du Premier ministre su&eacute;dois G&ouml;ran Persson. Ce groupe organise en janvier&nbsp;2000 un forum &agrave; Stockholm, </span>r&eacute;unissant les repr&eacute;sentants des <span style="letter-spacing:-.1pt">quarante-cinq&nbsp;pays dont huit chefs d&rsquo;&Eacute;tat et quatorze chefs de gouvernement. Pr&eacute;sent &agrave; ce forum pour repr&eacute;senter la France, le Premier ministre Lionel </span><span style="letter-spacing:-.15pt">Jospin y prononce un discours le 26&nbsp;jan</span><span style="letter-spacing:-.2pt">vier</span><span style="letter-spacing:-.1pt"> 2000. Si les politiques &eacute;ducatives relatives &agrave; la Shoah s&rsquo;inscrivent d&eacute;sormais dans un cadre international, le chef du gouvernement fran&ccedil;ais nomme celle de la France par la formule <i>devoir de m&eacute;moire</i>&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">&laquo;&nbsp;L&rsquo;enseignement de la Shoah, la compr&eacute;hension des causes qui l&rsquo;ont permise, l&rsquo;hommage rendu &agrave; ceux qui l&rsquo;ont combattue, constitue un devoir. En France, nous souscrivons d&eacute;sormais pleinement &agrave; ce devoir de m&eacute;moire et d&rsquo;&eacute;ducation.&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt"><a href="#_ftn30"><sup><span style="color:black">[30]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.05pt">Les &Eacute;tats membres r&eacute;digent lors de ce forum une d&eacute;claration dans laquelle ils s&rsquo;engagent &agrave; promouvoir l&rsquo;enseignement de l&rsquo;Holocauste et &agrave; instituer une Journ&eacute;e internationale de comm&eacute;moration. En France, le minist&egrave;re de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale honore les engagements de Stockholm notamment par l&rsquo;envoi en 2002 d&rsquo;un livre &agrave; destination de tous les &eacute;l&egrave;ves de troisi&egrave;me et de terminale sur l&rsquo;histoire de la Shoah intitul&eacute; <i>Dites-le &agrave; vos enfants</i></span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.05pt"><a href="#_ftn31"><sup><span style="color:black">[31]</span></sup></a>. Le livre est pr&eacute;fac&eacute; par Serge Klarsfeld et l&rsquo;on peut trouver, dans certaines acad&eacute;mies, l&rsquo;ajout d&rsquo;une introduction r&eacute;dig&eacute;e par des repr&eacute;sentants de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale et des &eacute;lus des collectivit&eacute;s territoriales. Dans le livre distribu&eacute; aux &eacute;l&egrave;ves du d&eacute;partement de l&rsquo;Essonne par exemple, l&rsquo;inspecteur d&rsquo;acad&eacute;mie et le pr&eacute;sident du Conseil g&eacute;n&eacute;ral s&rsquo;adressent aux &eacute;l&egrave;ves de troisi&egrave;me en faisant r&eacute;f&eacute;rence au terme <i>devoir de m&eacute;moire</i><a href="#_ftn32"><sup><span style="color:black">[32]</span></sup></a>. L&rsquo;enseignement de la Shoah est ainsi pr&eacute;sent&eacute; comme une prop&eacute;deutique &agrave; la formation du citoyen &eacute;clair&eacute;, ainsi mieux arm&eacute; pour lutter contre l&rsquo;intol&eacute;rance.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Les ministres europ&eacute;ens de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale, r&eacute;unis au Conseil de l&rsquo;Europe &agrave; Strasbourg en octobre&nbsp;2002, adoptent le principe d&rsquo;une journ&eacute;e de comm&eacute;moration de l&rsquo;Holocauste. Celle-ci est mise en place en France par une circulaire de d&eacute;cembre&nbsp;2003 instituant dans les &eacute;coles une &laquo;&nbsp;Journ&eacute;e de la m&eacute;moire </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">de l&rsquo;Holocauste et de la pr&eacute;vention des </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">crimes contre l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn33"><sup><span style="color:black">[33]</span></sup></a>. La date de </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">la journ&eacute;e est fix&eacute;e au 27&nbsp;janvier, <span style="letter-spacing:.1pt">&laquo;&nbsp;anniversaire de la lib&eacute;ration du c</span><span style="letter-spacing:-.1pt">amp d&rsquo;Auschwitz&nbsp;&raquo;. La dimension civique d&rsquo;une telle comm&eacute;moration est clairement affirm&eacute;e dans la circulaire</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn34"><sup><span style="color:black">[34]</span></sup></a>. L&rsquo;occasion offerte par la journ&eacute;e </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">n&rsquo;est pas d&rsquo;apprendre un fait historique, mais de favoriser l&rsquo;adh&eacute;sion aux valeurs des droits de l&rsquo;homme pour mieux les d&eacute;fendre au pr&eacute;sent. Les enseignants partagent alors, depuis plusieurs ann&eacute;es, la m&ecirc;me lecture de ce savoir scolaire per&ccedil;u par eux comme &laquo;&nbsp;l&rsquo;exact envers des droits de l&rsquo;homme&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il faut transmettre pour &laquo;&nbsp;pr&eacute;munir contre une barbarie &agrave; venir et &eacute;duquer les &eacute;l&egrave;ves &agrave; un regard et un esprit critique, citoyen&nbsp;&raquo;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"><a href="#_ftn35"><sup><span style="color:black">[35]</span></sup></a>. Comme les autres acteurs institutionnels, les enseignants font, </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">eux aussi, usage de la formule <i>devoir de m&eacute;moire</i> pour marquer leur adh&eacute;sion aux valeurs des droits de l&rsquo;homme et signifier leur vocation &agrave; les transmettre &agrave; leurs &eacute;l&egrave;ves par ce biais historique</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"><a href="#_ftn36"><sup><span style="color:black">[36]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">Le consensus autour de cette d&eacute;nomination partag&eacute;e <i>devoir de m&eacute;moire</i>, cens&eacute;e favoriser la transmission d&rsquo;une conscience historique r&eacute;f&eacute;r&eacute;e aux valeurs des droits de l&rsquo;homme et l&rsquo;&eacute;vitement de la r&eacute;p&eacute;tition des crimes de masse cesse d&egrave;s la fin des ann&eacute;es 1990. Victime de son succ&egrave;s et de ses usages institutionnels exponentiels, le <i>devoir de m&eacute;moire</i> conna&icirc;t des critiques de plus en plus vives qui entra&icirc;neront sa mise &agrave; distance progressive par les institutions, notamment le minist&egrave;re de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale, au cours des ann&eacute;es 2000. C&rsquo;est sa fonction p&eacute;dagogique et la croyance en ses effets sur la pr&eacute;vention des crimes qui sont mises en cause</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt"><a href="#_ftn37"><sup><span style="color:black">[37]</span></sup></a><span style="color:black">.</span> Cependant, le <i>devoir de m&eacute;moire</i> n&rsquo;est pas seulement qualifi&eacute; d&rsquo;inop&eacute;rant. On lui attribue des effets n&eacute;gatifs. Il est accus&eacute; d&rsquo;opacifier l&rsquo;histoire et son enseignement, d&rsquo;instrumentaliser la parole des victimes, de tomber dans un conformisme moralisant et/ou de g&eacute;n&eacute;rer une concurrence des m&eacute;moires victimaires. Le statut de <i>pharmakon</i> acquis par la formule pour d&eacute;voiler le crime absolu, ses auteurs et ses victimes, et pour se pr&eacute;munir par sa transmission de sa possible r&eacute;p&eacute;tition, se confirme ainsi en recouvrant cette fois l&rsquo;autre sens du terme grec, le poison, renvoyant le <i>devoir de m&eacute;moire</i> &agrave; son ambigu&iuml;t&eacute; irr&eacute;ductible</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt"><a href="#_ftn38"><sup><span style="color:black">[38]</span></sup></a><span style="color:black">.</span></span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref1"><sup><span style="color:blue">[1]</span></sup></a> Pour l&rsquo;histoire du terme <i>devoir de m&eacute;moire</i>, nous renvoyons &agrave; notre &eacute;tude&nbsp;: <i>Le devoir de m&eacute;moire. Une formule et son histoire</i>, Paris, CNRS &Eacute;ditions, 2016.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref2"><sup><span style="color:blue">[2]</span></sup></a> En Gr&egrave;ce ancienne, le terme de <i>pharmakon</i> d&eacute;signe &agrave; la fois le rem&egrave;de et le poison, un danger et ce qui sauve. Voir la lecture qu&rsquo;en fait Derrida &agrave; partir du <i>Ph&egrave;dre</i> de Platon dans <i>La diss&eacute;mination</i> et le commentaire de Paul Ric&oelig;ur dans <i>La m&eacute;moire, l&rsquo;histoire, l&rsquo;oubli</i>, r&eacute;&eacute;d., Paris, Seuil, 2003, pp. 175-180.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref3"><sup><span style="color:blue">[3]</span></sup></a> Pour Luc Boltanski, la d&eacute;nonciation d&rsquo;une injustice s&rsquo;accompagne d&rsquo;une rh&eacute;torique de d&eacute;voilement pour convaincre et mobiliser d&rsquo;autres personnes et les associer &agrave; la protestation, Luc Boltanski, &laquo;&nbsp;La d&eacute;nonciation&nbsp;&raquo;, <i>Actes de la recherche en sciences sociales</i>, n&deg;&nbsp;51, mars 1984, pp. 3-44.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref4"><sup><span style="color:blue">[4]</span></sup></a> Nous renvoyons aux entretiens men&eacute;s avec ces acteurs cit&eacute;s dans <i>Le devoir de m&eacute;moire. Une formule et son histoire</i>, <i>op.cit</i>.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref5"><sup><span style="color:blue">[5]</span></sup></a> Propos cit&eacute; par Alain Rollat, &laquo;&nbsp;La comm&eacute;moration de la rafle du Vel&rsquo; d&rsquo;Hiv&rsquo; sur TF1. &ldquo;Devoir de m&eacute;moire&rdquo;&nbsp;&raquo;, <i>Le Monde</i>, 21 juillet 1992. Voir notre analyse sur la question de l&rsquo;absence de l&rsquo;enseignement de ce fait &agrave; l&rsquo;&eacute;cole comme <i>topos</i> de la rh&eacute;torique de la d&eacute;nonciation dans <i>Le devoir de m&eacute;moire. Une formule et son histoire</i>, <i>op.cit</i>., pp. 106-107.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref6"><sup><span style="color:blue">[6]</span></sup></a> Nous renvoyons aux travaux sur l&rsquo;action collective de Nina Eliasoph qui insiste sur l&rsquo;importance des mots dans toute action recherchant une mobilisation. La forme verbale <i>devoir de m&eacute;moire</i> employ&eacute;e dans l&rsquo;espace public a des cons&eacute;quences sur la d&eacute;finition de la situation et fait &eacute;merger un contexte de sens&nbsp;; Nina Eliasoph, <i>L&rsquo;&eacute;vitement du politique</i>, Paris, Economica, coll. <span style="text-transform:uppercase">&eacute;</span>tudes sociologiques, 2010.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref7"><sup><span style="color:blue">[7]</span></sup></a> Cit&eacute; par le journaliste Alain Rollat dans son article intitul&eacute; &laquo;&nbsp;La comm&eacute;moration de la rafle du Vel&#39; d&rsquo;Hiv&rsquo; sur TF1. &ldquo;Devoir de m&eacute;moire&rdquo;&nbsp;&raquo;, <i>Le Monde</i>, 21 juillet 1992.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref8"><sup><span style="color:blue">[8]</span></sup></a> Hannah Arendt, <i>Condition de l&rsquo;homme moderne</i>, r&eacute;&eacute;d., Paris, Calmann-L&eacute;vy, 1983, p. 256.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref9"><sup><span style="color:blue">[9]</span></sup></a> <span style="letter-spacing:.25pt">Hannah Arendt, &laquo;&nbsp;Sur la violence&nbsp;&raquo;, repris dans <i>Du mensonge &agrave; la violence</i>, Paris, Calmann-L&eacute;vy, coll. &laquo;&nbsp;Agora&nbsp;&raquo;, </span>1972, pp. 105-187.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref10"><sup><span style="color:blue">[10]</span></sup></a> <i>Ibid</i>., p. 138<i>.</i></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref11"><sup><span style="color:blue">[11]</span></sup></a> Pour l&rsquo;apparition du t&eacute;moin dans l&rsquo;espace public, voir Renaud Dulong, <i>Le t&eacute;moin oculaire. Les conditions sociales de l&rsquo;attestation personnelle</i>, Paris, EHESS, 1998.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref12"><sup><span style="color:blue">[12]</span></sup></a> Klaus Barbie est condamn&eacute; pour crimes contre l&rsquo;humanit&eacute; en 1987, Paul Touvier en 1994. Quant &agrave; Ren&eacute; Bousquet, inculp&eacute; pour crimes contre l&rsquo;humanit&eacute; en 1991, il est assassin&eacute; en 1993 avant la tenue d&rsquo;un &eacute;ventuel proc&egrave;s.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref13"><sup><span style="color:blue">[13]</span></sup></a> &laquo;&nbsp;Apr&egrave;s le non-lieu en sa faveur. L&rsquo;affaire Touvier. Une c&eacute;r&eacute;monie &agrave; l&rsquo;&icirc;le de la Cit&eacute;. Le devoir de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;, <i>Le Monde</i> du 16 avril 1992, p. 8&nbsp;; &laquo;&nbsp;La comm&eacute;moration de la rafle du Vel&rsquo;d&rsquo;Hiv&rsquo; sur TF1. Devoir de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;, <i>Le Monde</i>, 21 juillet, p. 8.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref14"><sup><span style="color:blue">[14]</span></sup></a> <i><span style="letter-spacing:-.05pt">Le Monde</span></i><span style="letter-spacing:-.05pt"> : 19 f&eacute;vrier 1993; 29 mars 1993, p. 19; 3 juillet 1993, p.2; 11 juillet 1993; 6&nbsp;septembre, pp.16-17&nbsp;;&nbsp; 10 septembre 1993, p. 28&nbsp;; 18 novembre 1993, p. 61.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref15"><sup><span style="color:blue">[15]</span></sup></a> Il s&rsquo;agit de Rosa Halaumbrenner et de Fortun&eacute;e Benguigui, m&egrave;res d&rsquo;enfants de la maison d&rsquo;Izieu d&eacute;port&eacute;s et gaz&eacute;s &agrave; Auschwitz-Birkenau en 1944.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref16"><sup><span style="color:blue">[16]</span></sup></a> Lors de l&rsquo;extradition de Barbie en France en 1983, ce sont exclusivement les victimes r&eacute;sistantes qui sont &eacute;voqu&eacute;es dans les discours m&eacute;diatiques et universitaires concernant la figure de Jean Moulin. Dix ans plus tard, le proc&egrave;s Barbie porte en priorit&eacute; la m&eacute;moire de la d&eacute;portation des Juifs. Voir S&eacute;bastien Ledoux, &laquo;&nbsp;Les t&eacute;moins du proc&egrave;s Barbie, acteurs de m&eacute;morialisation&nbsp;&raquo;, dans Charles Heimberg, Fr&eacute;d&eacute;ric Rousseau et Yannis Thanassekos (dir.), <i>T&eacute;moins et t&eacute;moignages. Figures et objets dans l&rsquo;histoire du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle</i>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2016, p. 67-75.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref17"><sup><span style="color:blue">[17]</span></sup></a> <i>Le Monde</i>, 5-6 septembre 1993, p. 17.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref18"><sup><span style="color:blue">[18]</span></sup></a> Outre les t&eacute;moins du proc&egrave;s Barbie (Simone Lagrange, Sabine Zlatin, Marcel Stourdze, Genevi&egrave;ve de Gaulle-Anthonioz, <span style="text-transform:uppercase">&eacute;</span>lie Wiesel), Pierre Truche, Alain Jacubowicz et Paul Lef&egrave;vre participent &agrave; l&rsquo;&eacute;mission.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref19"><sup><span style="color:blue">[19]</span></sup></a> Loi &laquo;&nbsp;tendant &agrave; la constitution d&rsquo;archives audiovisuelles de la justice&nbsp;&raquo; promulgu&eacute;e le 11&nbsp;juillet 1985.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref20"><sup><span style="color:blue">[20]</span></sup></a> Cit&eacute; dans <i>Le Monde</i>, 5-6 septembre 1993, p. 17.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref21"><sup><span style="color:blue">[21]</span></sup></a> Interview de Jean-Marie Cavada dans le <i>Journal du dimanche</i>, 5 septembre 1993.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref22"><sup><span style="color:blue">[22]</span></sup></a> Nicole Lapierre, &laquo;&nbsp;&Eacute;chos&nbsp;&raquo;, dans &laquo;&nbsp;&Agrave; propos de &ldquo;Ouvrez-moi seulement les chemins d&rsquo;Arm&eacute;nie. Un g&eacute;nocide aux d&eacute;serts de l&rsquo;inconscient&rdquo; de Janine Altounian&nbsp;&raquo;, <i>Les Papiers du Coll&egrave;ge international de Philosophie, </i>n&deg; 32, p. 28.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref23"><sup><span style="color:blue">[23]</span></sup></a> </span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-size:9.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;</span></span><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Devoirs de m&eacute;moire</span></span><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-size:9.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;&raquo;, </span></span><i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Envoy&eacute; sp&eacute;cial</span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">, France 2, 31 mars 1994, INA.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref24"><sup><span style="color:blue">[24]</span></sup></a> Dans <i>Le syndrome de Vichy,</i> qui para&icirc;t en 1987, l&rsquo;historien pr&eacute;sente l&rsquo;histoire de la m&eacute;moire de Vichy par une grille freudienne&nbsp;: cette m&eacute;moire est diagnostiqu&eacute;e comme relevant d&rsquo;une &laquo;&nbsp;n&eacute;vrose&nbsp;&raquo; qui voit une &laquo;&nbsp;phase de deuil&nbsp;&raquo; (1944-1954), puis une phase de &laquo;&nbsp;refoulement&nbsp;&raquo; (1954-1971) avant de connaitre un &laquo;&nbsp;retour du refoul&eacute;&nbsp;&raquo; (1971-1974) qui conduit, &agrave; partir de 1974, &agrave; l&rsquo;&laquo;&nbsp;obsession&nbsp;&raquo; de ce pass&eacute;. Si Henry Rousso prend bien soin de pr&eacute;ciser que &laquo;&nbsp;les emprunts &agrave; la psychanalyse [n&rsquo;ont] valeur que de m&eacute;taphore, non d&rsquo;explication&nbsp;&raquo;<i> </i>(<i>Le syndrome de Vichy</i>, r&eacute;&eacute;d., Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Points Histoire&nbsp;&raquo;, 1990, p. 19), la th&eacute;orie freudienne appara&icirc;t bien nourrir sa lecture et son analyse des temporalit&eacute;s de la m&eacute;moire.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref25"><sup><span style="color:blue">[25]</span></sup></a> Patrick Pharo, &laquo;&nbsp;Sollicitation et d&eacute;r&eacute;alisation du malheur. Probl&egrave;mes de sensibilisation&nbsp;&raquo;, <i>L&rsquo;ann&eacute;e sociologique</i>, n&deg; 44, 1994, p. 61.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref26"><sup><span style="color:blue">[26]</span></sup></a> Voir Patricia Legris, <i>Qui &eacute;crit les programmes&nbsp;?</i>, Grenoble, PUG, 2014.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref27"><sup><span style="color:blue">[27]</span></sup></a> &laquo;&nbsp;Le devoir de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;, journal t&eacute;l&eacute;vis&eacute; de France 3 Haute-Normandie, 4 octobre 1997, INA.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref28"><sup><span style="color:blue">[28]</span></sup></a> Notion de la psychanalyste R&eacute;gine Waintrater pour qui &laquo;&nbsp;le t&eacute;moignage est une cocr&eacute;ation fond&eacute;e sur un contrat entre le t&eacute;moin et celui qui recueille son t&eacute;moignage, d&eacute;sign&eacute; sous le terme de &ldquo;t&eacute;moignaire&quot;, R&eacute;gine Waintrater, &laquo;&nbsp;Le pacte testimonial, une id&eacute;ologie qui fait lien&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <i>Revue fran&ccedil;aise de psychanalyse</i>, n&deg; 64, janvier-mars 2000, p. 206.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref29"><sup><span style="color:blue">[29]</span></sup></a> <span style="letter-spacing:-.05pt">&laquo;&nbsp;Coop&eacute;ration p&eacute;dagogique entre le minist&egrave;re de l&rsquo;<span style="text-transform:uppercase">&eacute;</span>ducation nationale et le minist&egrave;re de la <span style="text-transform:uppercase">d</span>&eacute;fense&nbsp;&raquo;, 2001, en acc&egrave;s libre sur le site de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale &eacute;duscol, eduscol.education.fr/D0090/memoire.htm</span>., consult&eacute; le 20 f&eacute;vrier 2008.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref30"><sup><span style="color:blue">[30]</span></sup></a> Discours du Premier ministre Lionel Jospin le 26 janvier 2000 au Forum de Stockholm sur la Shoah, l&rsquo;&eacute;ducation et la m&eacute;moire.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref31"><sup><span style="color:blue">[31]</span></sup></a> St&eacute;phane Bruchfeld et Paul Levine, &laquo;&nbsp;<i>Dites-le &agrave; vos enfants</i></span></span><i><span dir="RTL" lang="AR-YE" style="font-size:9.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;&raquo;. </span></span></i><i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Histoire de la Shoah en Europe, 1933-1945</span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">, Paris, Ramsay, 2002.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref32"><sup><span style="color:blue">[32]</span></sup></a> Roger Chudeau, inspecteur d&rsquo;Acad&eacute;mie de l&rsquo;Essonne, et Michel Berson, pr&eacute;sident du Conseil g&eacute;n&eacute;ral de l&rsquo;Essonne, &laquo;&nbsp;Aux &eacute;l&egrave;ves de troisi&egrave;me de l&rsquo;Essonne&nbsp;&raquo;, <i>Ibid</i>., p. 2.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref33"><sup><span style="color:blue">[33]</span></sup></a> Note de service n&deg;&nbsp;2003-211 du minist&egrave;re de l&#39;<span style="text-transform:uppercase">&eacute;</span>ducation nationale, 3 d&eacute;cembre 2003.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref34"><sup><span style="color:blue">[34]</span></sup></a> &laquo;&nbsp;Cette journ&eacute;e n&rsquo;a pas pour but de perp&eacute;tuer la m&eacute;moire de l&rsquo;horreur, mais d&rsquo;apprendre aux &eacute;l&egrave;ves &agrave; &ecirc;tre vigilants, &agrave; d&eacute;fendre les valeurs d&eacute;mocratiques et &agrave; combattre l&lsquo;intol&eacute;rance&nbsp;&raquo;, <i>ibid.</i></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref35"><sup><span style="color:blue">[35]</span></sup></a> Laurence Corbel et Beno&icirc;t Falaize, <i>Entre m&eacute;moire et savoir&nbsp;: l&rsquo;enseignement de la Shoah et des guerres de d&eacute;colonisation, </i>rapport de recherche INRP/IUFM de Versailles,<i> </i>2003, p. 63. Des &eacute;l&eacute;ments du rapport ont fait l&rsquo;objet d&rsquo;une publication par les deux auteurs&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;enseignement de l&rsquo;histoire et les m&eacute;moires douloureuses du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Enqu&ecirc;te sur les repr&eacute;sentations enseignantes&nbsp;&raquo;, <i>Revue fran&ccedil;aise de p&eacute;dagogie</i>, n&deg; 147, 2004, pp. 43-55.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref36"><sup><span style="color:blue">[36]</span></sup></a> Voir le n&deg; 379 de la revue des <i>Cahiers p&eacute;dagogiques</i> de d&eacute;cembre 1999.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref37"><sup><span style="color:blue">[37]</span></sup></a> En 1996, Antoine Prost conclut ses le&ccedil;ons d&rsquo;histoire ainsi&nbsp;: &laquo;&nbsp;On fait valoir sans cesse le devoir de m&eacute;moire&nbsp;: mais rappeler un &eacute;v&eacute;nement ne sert &agrave; rien, m&ecirc;me pas &agrave; &eacute;viter qu&rsquo;il ne se reproduise, si on ne l&rsquo;explique pas [&hellip;]. Si nous voulons &ecirc;tre les acteurs responsables de notre propre avenir, nous avons d&rsquo;abord un devoir d&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;, <i>Douze le&ccedil;ons sur l&rsquo;histoire</i>, r&eacute;&eacute;d., Paris, Seuil, coll. &laquo;&nbsp;Points histoire&nbsp;&raquo;, 2007 [1996], p. 306.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><a href="#_ftnref38"><sup><span style="color:blue">[38]</span></sup></a> <span style="letter-spacing:-.05pt">En ce sens, rappelons que, pour Ric&oelig;ur, &laquo;&nbsp;le devoir de m&eacute;moire constitue &agrave; la fois le comble du bon usage et celui de l&rsquo;abus dans l&rsquo;exercice de la m&eacute;moire&nbsp;&raquo;, Paul Ric&oelig;ur, <i>La m&eacute;moire, l&rsquo;histoire, l&rsquo;oubli</i>, <i>op.cit</i>., p. 106.</span></span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p>