<p align="right" style="text-align:right"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><i><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo; L&rsquo;erreur n&rsquo;est pas pour [l&rsquo;historien] seulement un corps &eacute;tranger qu&rsquo;il s&rsquo;efforce</span></span></span></i><br /> <i><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">d&rsquo;&eacute;liminer [&hellip;], il la consid&egrave;re comme un objet d&rsquo;&eacute;tude sur lequel</span></span></span></i><br /> <i><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">il se penche lorsqu&rsquo;il s&rsquo;efforce de comprendre l&rsquo;encha&icirc;nement des actions humaines. &raquo;</span></span></span></i></span></span></p> <p align="right" style="text-align:right"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Marc Bloch, <i>R&eacute;flexions d&rsquo;un historien sur les fausses nouvelles de la guerre [1921]</i><a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1"><sup><span style="color:blue">[1]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">En tant que discipline &agrave; pr&eacute;tention scientifique, l&rsquo;histoire progresse-t-elle par &laquo;&nbsp;essais&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;erreurs&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;correction d&rsquo;erreurs&nbsp;&raquo; &ndash; selon l&rsquo;un des sch&eacute;mas classiques de l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie, c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;&eacute;tude, des sciences&nbsp;? Dans ce cas, cette d&eacute;marche serait d&rsquo;autant plus significative pour elle que ses erreurs pourraient affecter tour &agrave; tour le niveau factuel, le traitement des sources et ses dispositifs d&rsquo;explication et d&rsquo;interpr&eacute;tation des faits, des &eacute;v&eacute;nements et des processus. En histoire, les notions d&rsquo;erreur et de v&eacute;rit&eacute; ont-elles le m&ecirc;me statut et s&rsquo;opposent-elles de la m&ecirc;me fa&ccedil;on que dans les sciences dites &laquo;&nbsp;dures&nbsp;&raquo;&nbsp;? Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;une erreur historiographique&nbsp;? Quelles peuvent en &ecirc;tre les sources&nbsp;? Dans la formulation de probl&egrave;mes&nbsp;? Dans la m&eacute;thode de constitution des corpus&nbsp;? Dans le traitement des sources&nbsp;? Dans la m&eacute;thodologie g&eacute;n&eacute;rale qui pr&eacute;side aux interpr&eacute;tations&nbsp;? Dans l&rsquo;&eacute;tablissement des cha&icirc;nes de causalit&eacute;&nbsp;? Dans l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;? Ces erreurs ont-elles le m&ecirc;me statut &eacute;pist&eacute;mologique&nbsp;? Certes, une application d&eacute;fectueuse ou peu scrupuleuse des r&egrave;gles de la critique historique peut &ecirc;tre plus ou moins facilement d&eacute;tectable, de m&ecirc;me que des anachronismes ou des a priori t&eacute;l&eacute;ologiques, mais cette liste d&rsquo;erreurs flagrantes et classiques &eacute;puise-t-elle le probl&egrave;me&nbsp;? Ce champ de mines qu&rsquo;est la critique historique des mat&eacute;riaux, des documents et des traces que nous a l&eacute;gu&eacute;s le pass&eacute; ne devient-il pas hautement inflammable d&egrave;s lors que, comme de nos jours, t&eacute;moins et t&eacute;moignages revendiquent leur statut de sources historiques &agrave; part enti&egrave;re &ndash;&nbsp;faisant ainsi signe &agrave; l&rsquo;id&eacute;e antique d&rsquo;apr&egrave;s laquelle la m&eacute;moire serait la matrice de l&rsquo;histoire&nbsp;?</span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Un objet d&rsquo;&eacute;tude d&eacute;laiss&eacute;</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">On pourrait multiplier ces questions. Constatons pour le moment que les sciences humaines, l&rsquo;histoire en particulier, souvent oublieuse</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue"><span style="letter-spacing:-.1pt">s</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> de leur pass&eacute;, se sont montr&eacute;es fort peu dis</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">pos&eacute;es &agrave; se pencher sur leurs erreurs et par cons&eacute;quent sur les processus de leur production et de leur rectification. Pourtant, une telle &eacute;tude pourrait s&rsquo;av&eacute;rer riche et f&eacute;conde en le&ccedil;ons multiples, non seulement pour identifier les sources des erreurs et donc pour nous en pr&eacute;server dans les travaux &agrave; venir, mais aussi pour mieux comprendre la complexit&eacute;, la fragilit&eacute;, les al&eacute;as, les incertitudes, les apories voire l&rsquo;&eacute;trang&eacute;it&eacute; du travail historique &ndash; et par l&agrave; m&ecirc;me pour mieux comprendre le m&eacute;tier d&rsquo;historien et la vuln&eacute;rabilit&eacute; de l&rsquo;historien.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Il y a donc lieu de s&rsquo;interroger sur le <i>pourquoi</i> de l&rsquo;absence de ce type de pr&eacute;occupations dans le questionnaire de l&rsquo;historiographie et de l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie de l&rsquo;histoire alors m&ecirc;me que, depuis longtemps, l&rsquo;histoire et la sociologie des sciences physico-math&eacute;matiques ou naturelles se sont pench&eacute;es sur la production, la r&eacute;ception et la possible contribution des erreurs &agrave; la dynamique de ces disciplines, notamment dans le cadre des <i>science studies. </i>Pourquoi<i> </i>une telle approche est-elle exceptionnelle en histoire des sciences humaines, et notamment en historiographie&nbsp;? Dans ce dernier domaine, les erreurs ne sont g&eacute;n&eacute;ralement envisag&eacute;es qu&rsquo;en contrepoint de la th&egrave;se rectificatrice, mais <span style="letter-spacing:-.1pt">elles ne font pas en elles-m&ecirc;mes l&rsquo;objet</span> de l&rsquo;&eacute;tude. Sous r&eacute;serve d&rsquo;erreurs ou <span style="letter-spacing:-.1pt">d&rsquo;omissions, la bibliographie sur le sujet</span> est &eacute;tique<a name="_ftnref2"></a><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Plusieurs hypoth&egrave;ses peuvent &ecirc;tre invoqu&eacute;es pour comprendre cette situation. D&rsquo;une part, l&rsquo;histoire de l&rsquo;historiographie telle qu&rsquo;elle s&rsquo;&eacute;crit n&rsquo;&eacute;chappe pas toujours &agrave; une tendance &agrave; construire des palmar&egrave;s mettant en valeur les travaux les plus repr&eacute;sentatifs des avanc&eacute;es de la recherche historique. Une telle approche n&rsquo;invite certes pas &agrave; s&rsquo;interroger sur le probl&egrave;me des erreurs dans l&rsquo;historiographie, et comme l&rsquo;&eacute;crit G&eacute;rard Noiriel, &laquo;&nbsp;on serait plus convaincu du caract&egrave;re &ldquo;d&eacute;sint&eacute;ress&eacute;&rdquo; de ces &eacute;tudes si elles abordaient <i>aussi </i>le probl&egrave;me de savoir comment en &eacute;tant juge et partie, il est n&eacute;anmoins possible de rester &ldquo;objectif&rdquo;&nbsp;&raquo;</span></span></span>&thinsp;<a name="_ftnref3"></a><a href="#_ftn3"><sup><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">[3]</span></span></span></sup></a><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">.</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> D&rsquo;autre part, le caract&egrave;re iconoclaste voire d&eacute;sobligeant d&rsquo;une telle <span style="letter-spacing:-.1pt">d&eacute;marche, qui conduit &agrave; pointer et &agrave; &eacute;tudier les erreurs des autres, n&rsquo;est peut-&ecirc;tre pas &eacute;tranger &agrave; cette position de repli sur le sujet. Affronter le probl&egrave;me de l&rsquo;erreur historiographique conduit en effet &agrave; prendre en compte les m&eacute;moires parfois conflictuelles de la discipline historique et de ses repr&eacute;sentants. On objectera que des &eacute;l&eacute;ments comparables auraient pu dissuader les chercheurs en histoire des sciences naturelles et physico-math&eacute;matiques de s&rsquo;int&eacute;resser aux erreurs. Il n&rsquo;en est pourtant rien&nbsp;; peut-&ecirc;tre doit-on d&egrave;s lors formuler l&rsquo;hypoth&egrave;se que la raison de ce retrait tient &agrave; une difficult&eacute; sp&eacute;cifique de l&rsquo;&eacute;tude des erreurs historiographiques, qui est le caract&egrave;re incertain et r&eacute;vocable de leur &laquo;&nbsp;statut&nbsp;&raquo; d&rsquo;erreur. Probablement discutera-t-on d&rsquo;ailleurs le fait de savoir si certaines des erreurs &eacute;tudi&eacute;es dans ce dossier</span> <span style="letter-spacing:-.1pt">constituent effectivement des erreurs&hellip;</span></span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Axes de recherches</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Nous estimons n&eacute;anmoins que l&rsquo;erreur historiographique vaut d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;tudi&eacute;e selon des perspectives comparables &agrave; celles qui sont au c&oelig;ur des <i>science studies&nbsp;</i>: nous avons fait l&rsquo;hypoth&egrave;se que l&rsquo;erreur constitue un excellent angle d&rsquo;observation des m&eacute;canismes</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> de perception et de r&eacute;ception, des structures et des dynamiques du champ de la recherche historique et des rapports entre la discipline historique et la soci&eacute;t&eacute;. On pourra certes s&rsquo;interroger sur la pertinence de ce transfert des r&eacute;flexions propres aux sciences physico-math&eacute;matiques et naturelles au cas des sciences humaines, mais il nous semble qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une orientation fructueuse.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Pour aborder cette <i>terra incognita </i>ou <i>terra nullius, </i>il convenait, pr&eacute;alablement aux &eacute;tudes empiriques, d&rsquo;interroger la notion d&rsquo;erreur dans une perspective interdisciplinaire. C&rsquo;est l&rsquo;objet des deux premi&egrave;res contributions du philosophe Stefan Goltzberg et de l&rsquo;historien Olivier L&eacute;vy-Dumoulin. Le premier montre la vari&eacute;t&eacute; des acceptions de la notion selon les champs disciplinaires et montre la richesse scientifique de l&rsquo;&eacute;tude de l&rsquo;erreur en sciences humaines. Le second, sp&eacute;cialiste d&rsquo;historiographie, propose une &eacute;tude de cas, la place des erreurs dans le travail critique de Lucien Febvre, qui lui permet de pr&eacute;senter la pluralit&eacute; de l&rsquo;erreur en histoire et de montrer comment la perception de l&rsquo;erreur est un &eacute;l&eacute;ment majeur de l&rsquo;affirmation et de l&rsquo;identit&eacute; du cofondateur des <i>Annales.</i></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Notre objectif &eacute;tait, parall&egrave;lement &agrave; ces indispensables propositions th&eacute;oriques, de fournir plusieurs &eacute;tudes empiriques sur le probl&egrave;me des erreurs dans l&rsquo;historiographie singuli&egrave;re des grands conflits contemporains, de la r&eacute;pression et des massacres de masse, sujets de cette revue.&nbsp;C&rsquo;est l&agrave; la fonction des quatre &eacute;tudes qui suivent <span style="letter-spacing:-.2pt">les articles de Stefan Goltzberg et Olivier</span> L&eacute;vy-Dumoulin. Comme toujours lorsqu&rsquo;on est en face d&rsquo;un champ de r&eacute;flexion peu exp&eacute;riment&eacute; et d&eacute;pourvu de tradition, nous avions choisi un <i>pattern</i> d&rsquo;erreurs dont l&rsquo;&eacute;tude pouvait s&rsquo;av&eacute;rer f&eacute;conde. Aussi, parmi les erreurs qui ont marqu&eacute; l&rsquo;historiographie de la Seconde Guerre mondiale et, singuli&egrave;rem<span style="letter-spacing:-.1pt">ent, l&rsquo;histoire de la D&eacute;portation, nous en avions retenu une qui nous semble paradigmatique, celle de l&rsquo;historienne Olga Wormser-Migot (1912-2002) sur les chambres &agrave; gaz de Ravensbr&uuml;ck et de Mauthausen. L&rsquo;erreur d&rsquo;Olga Wormser</span>-Migot ayant d&eacute;j&agrave; fait l&rsquo;objet d&rsquo;&eacute;vocations et d&rsquo;&eacute;tudes dans des travaux d&rsquo;historiographie de la D&eacute;portation, il a &eacute;t&eacute; possible d&rsquo;&eacute;laborer un questionnement g&eacute;n&eacute;ral dans lequel se sont inscrits les auteurs de ce dossier.</span></span></span></span></p> <h3><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La production de l&rsquo;erreur</span></span></i></b></span></span></h3> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Il s&rsquo;agit l&agrave; probablement de la question la plus difficile &agrave; aborder, mais plusieurs auteurs se penchent dans ce dossier sur le m&eacute;canisme et les conditions de la production de quelques notables erreurs historiographiques. Ainsi, S&eacute;bastien </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Ledoux montre comment s&rsquo;est fix&eacute;e dans l&rsquo;historiographie l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un oubli du g&eacute;nocide juif, en revenant notamment sur le r&ocirc;le de l&rsquo;Association des anciens d&eacute;port&eacute;s juifs de France dans la comm&eacute;moration du Vel&rsquo; d&rsquo;Hiv&rsquo; d&egrave;s les ann&eacute;es 1950. Muriel Guittat-Naudin montre quant &agrave; elle le poids d&rsquo;une &oelig;uvre non proprement historique, en l&rsquo;occurrence la c&eacute;l&egrave;bre pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre de Rolf Hochhuth, <i>Le Vicaire, </i></span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">dans la formation de la repr&eacute;sentation collective de la position du pape Pie XII face au</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:.2pt">g&eacute;nocide des Juifs. Il est en revanche impossible de se prononcer sur la formation de l&rsquo;erreur d&rsquo;Olga Wormser-</span><span style="letter-spacing:-.2pt">Migot sur l&rsquo;existence </span><span style="letter-spacing:-.1pt">des chambres &agrave; gaz de Ravensbr&uuml;ck et Mauthausen. Pas plus que les autres auteurs s&rsquo;&eacute;tant pench&eacute;s sur le probl&egrave;me, Thomas Fontaine et Bertrand Hamelin n&rsquo;ont pas d&rsquo;explication convaincante &agrave; produire sur ce point. Ils remarquent cependant que cette erreur, qui est due &agrave; </span><span style="letter-spacing:-.2pt">une volont&eacute; d&rsquo;&eacute;carter le t&eacute;moignage des d&eacute;port&eacute;s, constituait peut-&ecirc;tre pour l&rsquo;historienne un mode d&rsquo;affirmation aupr&egrave;s de ses pairs, &agrave; une &eacute;poque o&ugrave; l&rsquo;utilisation du t&eacute;moignage dans les sciences humaines n&rsquo;&eacute;tait pas encore l&rsquo;objet d&rsquo;une r&eacute;flexion approfondie.</span></span></span></span></span></p> <h3><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La r&eacute;ception de l&rsquo;erreur et sa diffusion &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur et hors du champ historiographique</span></span></i></b></span></span></h3> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Ce probl&egrave;me est en revanche au c&oelig;ur de la contribution sur l&rsquo;erreur d&rsquo;Olga Wormser-Migot, ses auteurs s&rsquo;int&eacute;ressant tant &agrave; la r&eacute;ception de l&rsquo;erreur dans le champ scientifique qu&rsquo;&agrave; la r&eacute;ception hors-champ, dans ce cas pr&eacute;cis au sein du milieu d&eacute;port&eacute;. Bertrand Hamelin et Thomas Fontaine mettent ainsi en &eacute;vidence le caract&egrave;re contrast&eacute; et l&rsquo;&eacute;volution dans le temps de cette r&eacute;ception. Muriel Guittat-Naudin suit la m&ecirc;me d&eacute;marche en s&rsquo;int&eacute;ressant &agrave; la diffusion de la conception de Rolf Hochhuth dans la soci&eacute;t&eacute;. Val&eacute;rie Igounet s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; une r&eacute;ception particuli&egrave;re, &agrave; savoir la mani&egrave;re dont le n&eacute;gationniste Robert Faurisson s&rsquo;empare des erreurs des historiens pour nourrir ses assertions. S&eacute;bastien Ledoux &eacute;tudie la mani&egrave;re dont l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un oubli du g&eacute;nocide s&rsquo;est fix&eacute;e au sein de la communaut&eacute; des historiens, au point de devenir un <i>topos </i>de l&rsquo;historiographie. Le point commun des contributions propos&eacute;es est de montrer que l&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;une erreur historiographique permet d&rsquo;aborder selon un angle renouvel&eacute; le fonctionnement du champ scientifique, en &eacute;tudiant les conditions intellectuelles, sociales et politiques de la r&eacute;ception ou de la diffusion de l&rsquo;erreur. L&rsquo;interview de Fran&ccedil;ois Azouvi, l&rsquo;auteur du <i>Mythe du grand silence, </i>qui relit totalement la question de la m&eacute;moire du g&eacute;nocide en France, revient beaucoup sur cette dimension de la r&eacute;ception et de la diffusion d&rsquo;une &laquo;&nbsp;doxa&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <h3><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Erreur historiographique </span></span></span></i></b><b><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">et perspectives nouvelles de r&eacute;flexion et de recherche</span></span></i></b></span></span></h3> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L&rsquo;id&eacute;e est pour nous acquise&nbsp;: l&rsquo;erreur est susceptible de jouer un r&ocirc;le positif dans le d&eacute;veloppement de la connaissance scientifique, car elle oblige &agrave; la r&eacute;futation d&eacute;montr&eacute;e. L&rsquo;erreur traqu&eacute;e et d&eacute;cel&eacute;e est m&ecirc;me, comme le montre l&rsquo;analyse d&rsquo;Olivier L&eacute;vy-Dumoulin &agrave; propos de la conception de l&rsquo;erreur historiographique chez Lucien Febvre, un &eacute;l&eacute;ment-cl&eacute; de la d&eacute;finition d&rsquo;un projet intellectuel et scientifique, ici celui des <i>Annales. </i>En quelque sorte, c&rsquo;est parce qu&rsquo;il existe des formes erron&eacute;es de la recherche en histoire et de l&rsquo;&eacute;criture historiographique qu&rsquo;il est possible de pr&eacute;senter et d&rsquo;illustrer une conception autre de la discipline.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La perception de l&rsquo;erreur am&egrave;ne par ailleurs les chercheurs &agrave; proposer d&rsquo;autres analyses, en forme de r&eacute;ponse&nbsp;critique&nbsp;: c&rsquo;est le sens m&ecirc;me des contributions ici pr&eacute;sent&eacute;es par S&eacute;bastien Ledoux et Muriel Guittat-Naudin, dont le propos ne se limite pas &agrave; l&rsquo;analyse de l&rsquo;erreur, mais inclut sa r&eacute;futation. Cependant, il arrive qu&rsquo;une erreur historiographique ne soit gu&egrave;re fructueuse&nbsp;: c&rsquo;est ce que concluent Thomas Fontaine et Bertrand Hamelin de leur recherche sur l&rsquo;erreur d&rsquo;OlgaWormser-Migot, st&eacute;rilis&eacute;e par la pol&eacute;-mique et dont la r&eacute;futation a longtemps &eacute;t&eacute; consid&eacute;r&eacute;e, paradoxalement, comme un r&eacute;sultat non scientifique &ndash;&nbsp;et ce fait m&ecirc;me en dit long sur certains habitus des historiens professionnels.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Si partiels soient les r&eacute;sultats de ces recherches, nous esp&eacute;rons que les contributions publi&eacute;es participeront d&rsquo;une r&eacute;flexion sur les mani&egrave;res de renouveler les approches de l&rsquo;histoire <span style="letter-spacing:-.2pt">de l&rsquo;historiographie. En effet, il ne suffit pas d&rsquo;adopter en apparence ce qu&rsquo;Antoine</span> Prost caract&eacute;risait comme les &laquo;&nbsp;<span style="letter-spacing:.2pt">postures valorisantes&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref4"></a><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a> de l&rsquo;historien, &agrave; savoir &ecirc;tre novateur et d&eacute;mystificateur, encore faut-il qu&rsquo;une proposition novatrice et d&eacute;mystificatrice soit suivie de recherches validant ou r&eacute;futant les hypoth&egrave;ses &eacute;mises.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica">Soucieuse de s&rsquo;adresser aussi aux enseignants d&rsquo;histoire du secondaire ainsi qu&rsquo;aux didacticiens, la revue inaugure dans ce num&eacute;ro une chronique des enjeux d&rsquo;histoire scolaire, sous la responsabilit&eacute; de Laurence de Cock et Charles Heimberg. La premi&egrave;re chronique est consacr&eacute;e &agrave; l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;aborder en classe ce probl&egrave;me des erreurs historiographiques.</span></span></span></p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn1"></a><a href="#_ftnref1"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[1]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Paris, Allia, 1999, p. 14.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn2"></a><a href="#_ftnref2"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[2]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Des &eacute;l&eacute;ments de r&eacute;flexion dans : Christiane Chauvir&eacute; (dir.), <i>Dynamique de l&rsquo;erreur,</i> Paris, EHESS, 2009</span></span></span>&thinsp;<span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">;<i> </i>&laquo;</span></span></span>&thinsp;<span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L&rsquo;erreur</span></span></span>&thinsp;<span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&raquo;, <i>Le Temps des Savoirs, </i>n&deg;</span></span></span>&thinsp;<span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">2, 2000.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn3"></a><a href="#_ftnref3"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[3]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> G&eacute;rard Noiriel, <i>Sur la &laquo; crise &raquo; de l&rsquo;histoire, </i>Paris, Belin, 1996, p. 327. </span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn4"></a><a href="#_ftnref4"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[4]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Antoine Prost, <i>Douze le&ccedil;ons sur l&rsquo;histoire,</i> Paris, Points Seuil, 1996, p. 283.</span></span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p>