<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Le r&ocirc;le de l&rsquo;historien est r&eacute;put&eacute; consister, pour partie essentielle, &agrave; &eacute;tablir les faits historiques, &agrave; &eacute;laborer des r&eacute;seaux de causalit&eacute; entre les &eacute;v&eacute;nements, &agrave; d&eacute;m&ecirc;ler les parts de contingence et de n&eacute;cessit&eacute;, &agrave; construire des temps courts et des temps longs, oscillant entre les fameuses &laquo;&nbsp;ruptures&nbsp;&raquo; et les non moins notoires &laquo;&nbsp;continuit&eacute;s&nbsp;&raquo; de l&rsquo;histoire. Pour des raisons de m&eacute;thode ou de facilit&eacute;, les questions essentielles li&eacute;es &agrave; la p&eacute;riodisation des ph&eacute;nom&egrave;nes &eacute;tudi&eacute;s se r&eacute;duisent souvent &agrave; l&rsquo;isolement de &laquo;&nbsp;s&eacute;quences historiques&nbsp;&raquo;, dont la construction est pr&eacute;cis&eacute;ment l&rsquo;un des enjeux les plus sensibles du m&eacute;tier contemporain d&rsquo;historien. Le probl&egrave;me est que, quittant le champ de l&rsquo;histoire empirique, construite par croisement analytique d&rsquo;archives et autres traces du pass&eacute;, pour celui d&rsquo;une pens&eacute;e conceptuelle en surplomb, &agrave; la fois plus globale et s&eacute;lective, la mise en rapport des s&eacute;quences ainsi isol&eacute;es op&egrave;re n&eacute;cessairement une mont&eacute;e en g&eacute;n&eacute;ralit&eacute; tendant &agrave; masquer la complexit&eacute; des ph&eacute;nom&egrave;nes &eacute;tudi&eacute;s. Donnant fr&eacute;quemment l&rsquo;illusion de &laquo;&nbsp;blocs&nbsp;&raquo;, ces choix pr&eacute;sidant aux s&eacute;quen&ccedil;ages et autres constructions causales de l&rsquo;histoire sont singuli&egrave;rement contestables du point de vue &eacute;pist&eacute;mologique. Du point de vue de la morale politique et des usages publics de l&rsquo;histoire, ils v&eacute;hiculent et alimentent &eacute;galement des repr&eacute;sentations sociales, politiques, &eacute;conomiques, symboliques et culturelles, difficilement d&eacute;chiffrables par les lecteurs, et qui s&rsquo;inscrivent souvent dans des airs du temps, des effets de mode et des contextes id&eacute;ologiques plus larges &ndash; y compris sur le plan historiographique &ndash;, dont l&rsquo;historien ne peut se d&eacute;faire compl&egrave;tement.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Ces op&eacute;rations de s&eacute;quen&ccedil;age paraissent cependant n&eacute;cessaires pour pouvoir saisir, par &laquo;&nbsp;petits bouts&nbsp;&raquo;, les <i>rythmes</i> du temps et les <i>reliefs</i> de l&rsquo;espace historique&nbsp;: c&rsquo;est bien l&agrave; toute la difficult&eacute; de l&rsquo;exercice du m&eacute;tier d&rsquo;historien. Le probl&egrave;me est autrement plus sensible quand ces constructions deviennent des obstacles &agrave; l&rsquo;exercice de la pens&eacute;e critique et autocritique, quand elles privil&eacute;gient certains faits imm&eacute;diatement exploitables, en minorent d&rsquo;autres r&eacute;cus&eacute;s comme moins utiles &agrave; la d&eacute;monstration, voire occultent ou disqualifient d&rsquo;autorit&eacute; les &eacute;l&eacute;ments allant &agrave; l&rsquo;encontre de la th&egrave;se soutenue. Consciente ou pas, une telle d&eacute;marche constitue alors un abus caract&eacute;ris&eacute; de l&rsquo;autorit&eacute; dont se drape l&rsquo;historien&nbsp;; un abus d&rsquo;autant plus ravageur pour la conscience historique que les espaces de d&eacute;bat, de confrontation critique, de conflits d&rsquo;interpr&eacute;tation, semblent de moins en moins pr&eacute;sents dans l&rsquo;espace social et scientifique.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Il est ainsi des s&eacute;quences historiques dont la fortune scientifique et publique, et la complexit&eacute; des enjeux qu&rsquo;elles engagent dans la construction d&rsquo;un <i>sens de l&rsquo;histoire</i>, d&eacute;passent de loin la simple corporation historienne et les d&eacute;bats pouvant parfois l&rsquo;agiter. Tel est le cas de la s&eacute;quence 1914-1945 qui, depuis des d&eacute;cennies, tend &agrave; occuper une place de choix dans la recherche historique contemporaine et les rayonnages de librairie<a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1"><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></a>, mais aussi dans les programmes scolaires et les mus&eacute;es, et plus largement dans l&rsquo;espace social et politique. Les enjeux d&rsquo;un tel cadrage sont loin d&rsquo;&ecirc;tre anodins. Quelles sont les conditions de possibilit&eacute; et les logiques d&rsquo;un tel recoupement chronologique, non seulement en termes scientifiques, mais aussi en termes d&rsquo;effets de mode, de r&eacute;sonance m&eacute;diatique, de projets p&eacute;dagogiques, de coups &eacute;ditoriaux et de logiques politico-m&eacute;morielles&nbsp;? En raison de la concomitance, en 2014, de comm&eacute;morations li&eacute;es aux deux guerres mondiales, interpr&eacute;tations et comparaisons ne manqueront pas d&rsquo;&ecirc;tre &agrave; l&rsquo;ordre du jour, aussi bien dans l&rsquo;espace &eacute;ditorial que m&eacute;diatique et comm&eacute;moratif&nbsp;: il y a l&agrave; incontestablement une fen&ecirc;tre d&rsquo;opportunit&eacute; &agrave; saisir pour s&rsquo;interroger sur les questions matricielles.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Quels sont les <i>moules</i> de compr&eacute;hension et d&rsquo;interpr&eacute;tation aujourd&rsquo;hui propos&eacute;s aux publics de ces deux grands &eacute;v&eacute;nements du &laquo;&nbsp;court XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo;, souvent consid&eacute;r&eacute;s comme <i>sur-signifiants</i>&nbsp;? La Grande Guerre&nbsp;: une guerre moderne et totale entre nations rivales, fruit de l&rsquo;irruption de nationalismes agressifs et de patriotismes exacerb&eacute;s&nbsp;? Une guerre proclam&eacute;e &laquo;&nbsp;juste&nbsp;&raquo; par chacune des parties bellig&eacute;rantes&nbsp;? Une guerre &laquo;&nbsp;absurde&nbsp;&raquo; si l&rsquo;on en juge aujourd&rsquo;hui par son coup en vies humaines&nbsp;? La Seconde Guerre mondiale&nbsp;: une guerre tout aussi totale, mais mettant aux prises cette fois des conceptions du monde et des id&eacute;ologies irr&eacute;ductibles&nbsp;? Une guerre d&rsquo;an&eacute;antissement o&ugrave; se joua le sort m&ecirc;me de la &laquo;&nbsp;civilisation&nbsp;&raquo;&nbsp;? Selon une th&egrave;se tr&egrave;s en vue, la Grande Guerre serait au fondement d&rsquo;une lecture matricielle tout &agrave; la fois de la r&eacute;volution bolchevique, de la mont&eacute;e des p&eacute;rils de l&rsquo;entre-deux-guerres, de la Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide, voire m&ecirc;me des guerres de lib&eacute;ration nationale. Pour faire bref, Hitler serait d&eacute;j&agrave; en germe dans le petit caporal de 14-18, et son r&eacute;giment d&rsquo;alors pr&ecirc;t &agrave; d&eacute;coudre avec la R&eacute;publique de Weimar pour un Reich de mille ans. Si l&rsquo;hypoth&egrave;se peut para&icirc;tre s&eacute;duisante, elle n&rsquo;en est pas moins probl&eacute;matique, entach&eacute;e d&rsquo;anachronisme et singuli&egrave;rement r&eacute;ductrice des complexit&eacute;s historiques. Toute une s&eacute;rie de notions et de cat&eacute;gories sont produites &agrave; l&rsquo;appui de cette hypoth&egrave;se&nbsp;: &laquo;&nbsp;culture de guerre&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;brutalisation&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;d&eacute;shumanisation de l&rsquo;adversaire&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;criminalisation de l&rsquo;ennemi&nbsp;&raquo;, etc. &ndash;, des concepts dont on voit par ailleurs la port&eacute;e actuelle. Or, si les concepts sont n&eacute;cessaires &agrave; la recherche historique, ils ne sont utiles que dans la mesure o&ugrave; ils sont mis en discussion critique. Chacune des contributions pr&eacute;sent&eacute;es dans ce dossier apporte ainsi, &agrave; sa fa&ccedil;on, des &eacute;clairages critiques sur ces notions qui ont d&eacute;j&agrave; fait l&rsquo;objet de discussions stimulantes<a name="_ftnref2"></a><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L&rsquo;historiographie contemporaine a particuli&egrave;rement insist&eacute; ces derni&egrave;res ann&eacute;es, tout particuli&egrave;rement depuis la fin de la Guerre froide, sur la dimension id&eacute;ologique de la Premi&egrave;re Guerre mondiale, &laquo;&nbsp;croisade&nbsp;&raquo; du bien contre le mal (entrant notamment en r&eacute;sonance, dans les ann&eacute;es 2000, avec les discours n&eacute;oconservateurs am&eacute;ricains), de la civilisation contre la barbarie, en un appel du pied tout &agrave; la fois aux champs de la Deuxi&egrave;me Guerre mondiale et de la Guerre froide. Depuis les ann&eacute;es 1990 en effet, la (re)naissance<span style="letter-spacing:.1pt"> de</span> <span style="letter-spacing:.1pt">l&rsquo;id&eacute;e de Premi&egrave;re Guerre mondiale comme <i>matrice</i> du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle &ndash;&nbsp;rappelant en creux celle de l&rsquo;entre-deux-guerres, d&rsquo;un conflit achevant le XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle du triomphe europ&eacute;en&nbsp;&ndash; est &agrave; replacer dans son contexte. C&rsquo;est d&rsquo;abord l&rsquo;heure de la disparition des derniers grands contingents de t&eacute;moins et celle o&ugrave; l&rsquo;histoire, la m&eacute;moire et les questions de patrimoine prennent une importance nouvelle, &eacute;clair&eacute;es par une lecture souvent traumatique des pass&eacute;s douloureux de l&rsquo;humanit&eacute; sur le mode paradigmatique des crimes et g&eacute;nocides nazis<a name="_ftnref3"></a><a href="#_ftn3"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a>. </span>C&rsquo;est aussi celle, en Europe occiden<span style="letter-spacing:.1pt">tale et tout particuli&egrave;rement en France, d&rsquo;une soi-disant crise du national, sous les effets conjugu&eacute;s de la d&eacute;centralisation et de l&rsquo;&laquo;&nbsp;approfondissement&nbsp;&raquo; de la construction europ&eacute;enne. C&rsquo;est enfin celle de la chute du mur de Berlin et de l&rsquo;URSS, de la fin de la Guerre froide et de la &laquo;&nbsp;r&eacute;unification&nbsp;&raquo; europ&eacute;enne consacrant en apparence la victoire du mod&egrave;le de la d&eacute;mocratie lib&eacute;rale, et l&rsquo;illusion d&rsquo;une certaine &laquo;&nbsp;fin de l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref4"></a><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a> &eacute;clair&eacute;e par une &laquo;&nbsp;paix d&eacute;mocratique&nbsp;&raquo; se voulant p&eacute;renne. Dans cette lecture tr&egrave;s marqu&eacute;e par la Guerre froide, 1914-1918 annoncerait ainsi tout &agrave; la fois une premi&egrave;re victoire des d&eacute;mocraties occidentales, en l&rsquo;occurrence sur l&rsquo;ancien r&eacute;gime, et la g&eacute;n&eacute;ration de ses nouveaux ennemis au travers de la r&eacute;volution bolchevique et du nazisme d&eacute;j&agrave; en germe dans l&rsquo;exp&eacute;rience et la d&eacute;faite allemande de 1914-1918. Ainsi la Premi&egrave;re Guerre mondiale formerait-elle la situation initiale du roman de ce XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle d&rsquo;horreurs<a name="_ftnref5"></a><a href="#_ftn5"><sup><span style="color:black">[5]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Personne ne conteste bien &eacute;videmment que la Grande Guerre ait g&eacute;n&eacute;r&eacute; de profondes mutations dans tous les secteurs&nbsp;: &eacute;conomie, rapports sociaux, structures politiques, droit, mentalit&eacute;s, rapports &agrave; la guerre et &agrave; la paix, etc.</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&nbsp;<span style="letter-spacing:-.1pt">Toutefois, pour n&rsquo;&eacute;voquer ici que quelques r&eacute;ductions notoires, la r&eacute;volution russe, par exemple, ne peut &ecirc;tre expliqu&eacute;e uniquement par son contexte imm&eacute;diat, la Grande Guerre&nbsp;; ce serait faire abstraction de toutes les &eacute;paisseurs historiques de la soci&eacute;t&eacute; russe dans le temps long, des sp&eacute;cificit&eacute;s de ses structures sociales et politiques, des nombreuses vagues insurrectionnelles l&rsquo;ayant travers&eacute;e au cours des si&egrave;cles, sans parler des graves tensions que traverse le r&eacute;gime tsariste au tournant du si&egrave;cle. De m&ecirc;me, pr&eacute;senter les ann&eacute;es 1920 comme &laquo;&nbsp;plomb&eacute;es&nbsp;&raquo; par la violence et la brutalit&eacute; de la Grande Guerre ne peut &ecirc;tre que fonci&egrave;rement r&eacute;ducteur. C&rsquo;est oublier que ces ann&eacute;es sont aussi marqu&eacute;es par la chute des empires europ&eacute;ens, par la lib&eacute;ration de forces nouvelles, lib&eacute;rales et d&eacute;mocratiques, par un r&eacute;el apaisement des tensions europ&eacute;ennes, par l&rsquo;amorce d&rsquo;un droit international, ainsi que par une notable reprise de la croissance &eacute;conomique (avant qu&rsquo;elle ne se brise sur les ondes de choc de la crise de 1929). L&rsquo;on ne peut enfin &eacute;tudier l&rsquo;av&egrave;nement </span>du nazisme au seul prisme de la th&eacute;orie du &laquo;&nbsp;coup de poignard dans le dos&nbsp;&raquo; et des sanctions tr&egrave;s dures impos&eacute;es &agrave; l&rsquo;Allemagne par le trait&eacute; de Versailles, etc. D&rsquo;autres facteurs, infiniment plus complexes, qui trouvent leurs racines dans le long terme de l&rsquo;histoire, allemande en particulier, doivent entrer en ligne de compte pour comprendre le fascisme et le nazisme comme ph&eacute;nom&egrave;nes in&eacute;dits<span style="letter-spacing:-.1pt">.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Au final, les ann&eacute;es 1918-1939 ne sont-elles qu&rsquo;un <i>entre-deux-guerres</i>&nbsp;? Se r&eacute;sument-elles &agrave; ce seul et anachronique m&eacute;tonyme&nbsp;? La notion de Premi&egrave;re Guerre mondiale &laquo;&nbsp;matrice&nbsp;&raquo; de la Seconde op&egrave;re en effet une mont&eacute;e en g&eacute;n&eacute;ralit&eacute; qui tend d&rsquo;autant plus &agrave; obturer la complexit&eacute; des situations historiques et &agrave; oblit&eacute;rer les chances de leur compr&eacute;hension que sa capacit&eacute; d&rsquo;attraction est forte (elle permet notamment de passer outre le probl&egrave;me du &laquo;&nbsp;jaillissement&nbsp;&raquo; et de la sp&eacute;cificit&eacute; de la criminalit&eacute; nazie), sa doxa institutionnellement bien relay&eacute;e (&agrave; l&rsquo;universit&eacute;, mais aussi dans le syst&egrave;me &eacute;ducatif, la presse, etc.) et son contexte global de production &eacute;minemment favorable &agrave; son plus large &eacute;panouissement (importance des paradigmes de la Shoah et du goulag, etc.).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Doit-on pour autant d&eacute;placer le curseur en amont, et chercher la matrice des d&eacute;cha&icirc;nements de violence de 1939-1945 dans les guerres coloniales, comme le sugg&egrave;rent un certain nombre d&rsquo;&eacute;tudes<a name="_ftnref6"></a><a href="#_ftn6"><sup><span style="color:black">[6]</span></sup></a>&nbsp;? Ou bien dans la crise &eacute;conomique de 1929, aujourd&rsquo;hui &agrave; nouveau convoqu&eacute;e, soit pour d&eacute;noncer les graves d&eacute;rives d&rsquo;un lib&eacute;ralisme non contenu, soit au contraire pour disqualifier les mesures keyn&eacute;siennes prises dans les ann&eacute;es 1930 pour juguler la crise et qui auraient acc&eacute;l&eacute;r&eacute; &ndash; sinon provoqu&eacute; &ndash; l&rsquo;av&egrave;nement des fascismes et du nazisme&nbsp;? Ou bien encore dans la &laquo;&nbsp;r&eacute;p&eacute;tition g&eacute;n&eacute;rale&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref7"></a><a href="#_ftn7"><sup><span style="color:black">[7]</span></sup></a> de la guerre d&rsquo;Espagne&nbsp;?</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Isol&eacute;es, ces questions ont peu de sens, aussi le pr&eacute;sent dossier s&rsquo;efforce-t-il de se pencher sur leurs conditions d&rsquo;&eacute;mergence et les grandes logiques et strates organisant leur production et leur diffusion. L&rsquo;id&eacute;e de Premi&egrave;re Guerre mondiale <i>matrice</i> de la Seconde n&rsquo;est en effet pas neuve&nbsp;: elle est d&eacute;j&agrave; en germe dans certains milieux pacifistes de l&rsquo;entre-deux-guerres appelant au &laquo;&nbsp;<i>plus jamais &ccedil;a</i>&nbsp;&raquo;&nbsp;; on la retrouve &agrave; nouveau apr&egrave;s la Seconde Guerre mondiale, par exemple dans le discours du g&eacute;n&eacute;ral de Gaulle, &agrave; Bar-le-Duc le 28&nbsp;juillet 1946, pour lequel le s&eacute;quen&ccedil;age 1914-1945 permet d&rsquo;&eacute;tablir tangiblement la France dans les rangs des vainqueurs d&rsquo;une guerre&hellip; de &laquo;&nbsp;<i>trente ans</i>&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref8"></a><a href="#_ftn8"><sup><span style="color:black">[8]</span></sup></a>. On la retrouve &agrave; nouveau depuis la fin des ann&eacute;es 1980, rev&ecirc;tue d&rsquo;autres sens, sous la plume de certains historiens qui, dans le contexte de la fin de la Guerre froide, de la diffusion du paradigme de la Shoah, etc., tendent &agrave; chercher dans 1914-1918 l&rsquo;une des matrices &ndash; sinon la principale &ndash; non seulement de 1939-1945, mais aussi, paradoxalement, de la <i>pax europeana</i> post-1945 et -1989. En France notamment, les usages politiques de la Grande Guerre permettent en effet, d&egrave;s l&rsquo;imm&eacute;diat apr&egrave;s-guerre, l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une m&eacute;moire positive servant tout &agrave; la fois d&rsquo;assise au pacte national fran&ccedil;ais &ndash; la grande communaut&eacute; nationale renouvel&eacute;e dans le sacrifice des tranch&eacute;es &ndash; et, depuis la chute du mur de Berlin, &agrave; la construction politique d&rsquo;une Europe d&eacute;sormais &eacute;largie aux pays de l&rsquo;ex-bloc sovi&eacute;tique. Dans les m&eacute;moires politiques fran&ccedil;aises (et d&eacute;j&agrave; dans le briandisme de l&rsquo;entre-deux-guerres), l&rsquo;Union europ&eacute;enne s&rsquo;inscrit en effet comme la (seule) cons&eacute;quence &laquo;&nbsp;positive&nbsp;&raquo; du &laquo;&nbsp;<i>plus jamais &ccedil;a</i>&nbsp;&raquo;, tout &agrave; la fois de la Premi&egrave;re Guerre mondiale, du nazisme, des g&eacute;nocides perp&eacute;tr&eacute;s durant la Seconde Guerre mondiale et plus r&eacute;cemment du sovi&eacute;tisme. L&rsquo;&laquo;&nbsp;avantage&nbsp;&raquo; de la Premi&egrave;re Guerre mondiale est qu&rsquo;elle offre une matrice politico-m&eacute;morielle de l&rsquo;Union europ&eacute;enne nettement moins clivante que les deux grands conflits lui ayant succ&eacute;d&eacute;, 1939-1945 et la Guerre froide. &laquo;&nbsp;D&eacute;lest&eacute;e&nbsp;&raquo; de ses derniers t&eacute;moins, d&eacute;sormais con&ccedil;ue comme <i>absurde</i>, <i>fratricide</i> et <i>suicidaire</i>, lue au prisme d&rsquo;une histoire toujours plus sociale et culturelle (et de moins en moins politique et diplomatique), la Premi&egrave;re Guerre mondiale semble d&eacute;sormais n&rsquo;avoir d&rsquo;autre responsable, d&rsquo;autre cause, que la folie nationale europ&eacute;enne. En partie prise dans cet air du temps, l&rsquo;historiographie actuelle semble avoir d&eacute;laiss&eacute; les questions des causes profondes de la guerre et les buts de guerre &eacute;conomiques des bellig&eacute;rants, pourtant labour&eacute;es d&egrave;s la fin du conflit et dans les ann&eacute;es 1960-1970.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">On le voit, l&rsquo;id&eacute;e de <i>matrice</i> peut conduire &agrave; gommer la complexit&eacute; des situations historiques&nbsp;; elle est aussi porteuse d&rsquo;une multitude d&rsquo;enjeux &eacute;pist&eacute;mologiques, sociopolitiques (criminalisation du sovi&eacute;tisme &agrave; parit&eacute; avec le nazisme, constructions nationales et europ&eacute;enne, promotion d&rsquo;un mod&egrave;le socio-&eacute;conomique, etc.), voire &eacute;conomiques (&eacute;dition, &laquo;&nbsp;tourisme de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;, etc.). C&rsquo;est ainsi toute la question des usages publics, scolaires, politiques&hellip; des <i>matrices </i>du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle guerrier, de la Premi&egrave;re Guerre mondiale &agrave; nos jours, voire en amont, en Europe et ailleurs, que nous souhaitions voir mise &agrave; l&rsquo;&eacute;tude dans ce num&eacute;ro de la revue <i>En Jeu</i>, &agrave; travers une s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;clairages propos&eacute;s dans divers espaces, diverses temporalit&eacute;s, et au travers de diverses disciplines.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">En France, une part importante des ambitions des &eacute;quipes charg&eacute;es d&rsquo;organiser les comm&eacute;morations du centenaire de 1914-1918 est ainsi de faire de cette guerre la source d&rsquo;une m&eacute;moire &laquo;&nbsp;partag&eacute;e&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref9"></a><a href="#_ftn9"><sup><span style="color:black">[9]</span></sup></a>, positive et <i>solidarisante</i>, aussi bien &agrave; la micro-&eacute;chelle d&eacute;partementale et communale qu&rsquo;&agrave; la macro-&eacute;chelle europ&eacute;enne. &laquo;&nbsp;<i>&Agrave; l&rsquo;heure o&ugrave; des tensions p&egrave;sent sur l&rsquo;Union europ&eacute;enne qui se cherche un nouveau projet politique commun</i>&nbsp;&raquo;, dit la mission interminist&eacute;rielle fran&ccedil;aise du centenaire, &laquo;&nbsp;<i>o&ugrave; la France se cherche un nouveau pacte social et politique face aux transformations du monde qui l&rsquo;affecte, se souvenir de la Grande Guerre ne peut se d&eacute;connecter des pr&eacute;occupations actuelles. Il s&rsquo;agit de mettre l&rsquo;accent sur la notion d&rsquo;histoire dramatique partag&eacute;e.</i>&nbsp;&raquo; En 2014, on c&eacute;l&eacute;brera ainsi, dans la comm&eacute;moration du grand brassage des tranch&eacute;es, tout autant le sacrifice et la t&eacute;nacit&eacute; de la nation fran&ccedil;aise solidaire, que l&rsquo;acte de naissance de l&rsquo;Europe sociale et politique du &laquo;&nbsp;<i>plus jamais &ccedil;a&nbsp;&raquo;</i>. Le probl&egrave;me est que </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">l&rsquo;Europe port&eacute;e par ce projet demeure essentiellement franco-allemande. Quid des m&eacute;moires de la guerre dans les Balkans, &agrave;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> feu et &agrave; sang d&egrave;s avant 1914 et jusqu&rsquo;&agrave; hier encore&nbsp;? Quid des m&eacute;moires de la guerre dans les pays d&rsquo;Europe de l&rsquo;Est, n&eacute;s de la guerre elle-m&ecirc;me&nbsp;? Les m&eacute;moires nationales tch&egrave;ques ou polonaises de 14-18 sont bien moins li&eacute;es &agrave; l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;Europe qu&rsquo;&agrave; celle d&rsquo;un nationalisme finissant par triompher de l&rsquo;imp&eacute;rialisme des puissances centrales, nationalisme &agrave; nouveau mis &agrave; mal par la Guerre froide. Quant &agrave; l&rsquo;Allemagne elle-m&ecirc;me, la m&eacute;moire de 1914-1918 y est largement recouverte par celle de 1939-1945&nbsp;: les comm&eacute;morations de 2014 auront certainement moins d&rsquo;&eacute;cho qu&rsquo;en France<a name="_ftnref10"></a><a href="#_ftn10"><sup><span style="color:black">[10]</span></sup></a>. Nul doute en revanche qu&rsquo;en Angleterre et dans le Commonwealth, 2014 sera comm&eacute;mor&eacute; en grandes pompes et que cette comm&eacute;moration constituera un enjeu touristique important pour la France qui attend nombre de visiteurs anglo-saxons&nbsp;; mais l&rsquo;une des questions qui se posent est de savoir si les Anglais s&rsquo;associeront &agrave; cette c&eacute;l&eacute;bration de la Premi&egrave;re Guerre mondiale comme acte de naissance de l&rsquo;Europe sociale et politique qu&rsquo;ils refusent ou s&rsquo;ils l&rsquo;utiliseront pour souder l&rsquo;unit&eacute; nationale autour du valeureux sacrifice de leurs combattants. En d&eacute;finitive, avec qui partager cette m&eacute;moire europ&eacute;enne de </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">la guerre&nbsp;? Pour l&rsquo;essentiel, tout laisse &agrave; penser que, comme le sugg&egrave;re l&rsquo;entretien que nous ont accord&eacute; Andr&eacute; Loez et Nicolas Mariot, ou la contribution d&rsquo;Helena Trnkova pour le cas tch&egrave;que, cette c&eacute;l&eacute;bration se fera dans l&rsquo;entre-soi des communaut&eacute;s nationales.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">En filigrane, c&rsquo;est aussi la question de la circulation, d&rsquo;un espace &agrave; l&rsquo;autre, d&rsquo;une guerre &agrave; l&rsquo;autre, des cat&eacute;gories, termes de l&rsquo;analyse et autres paradigmes interpr&eacute;tatifs &ndash;&nbsp;le &laquo;&nbsp;g&eacute;nocide&nbsp;&raquo;, la &laquo;&nbsp;brutalisation&nbsp;&raquo;, les &laquo;&nbsp;victimes&nbsp;&raquo;&hellip;&nbsp;&ndash;, ainsi que celle des affinit&eacute;s historiographiques et des rapprochements institutionnels d&rsquo;un champ &agrave; l&rsquo;autre que nous avons voulu soulever &agrave; l&rsquo;aide de la s&eacute;rie de contributions pr&eacute;sentes dans ce dossier. Peut-on par exemple tisser des ponts intellectuels, institutionnels, etc., entre les d&eacute;bats historiographiques sur la Premi&egrave;re Guerre mondiale &ndash;&nbsp;&laquo;&nbsp;&eacute;cole de la contrainte&nbsp;&raquo; <i>versus</i> &laquo;&nbsp;&eacute;cole du consentement&nbsp;&raquo; pour reprendre la fausse alternative souvent &eacute;nonc&eacute;e&nbsp;&ndash; et ceux qui agitent l&rsquo;historiographie de la Seconde, entre fonctionnalistes et intentionnalistes&nbsp;? L&rsquo;effet &laquo;&nbsp;bloc&nbsp;&raquo; de la s&eacute;quence historique 1914-1945 r&eacute;side-t-il finalement d&rsquo;abord dans une simple affinit&eacute; d&rsquo;approche entre sp&eacute;cialistes des deux champs&nbsp;? Tire-t-il sa source de l<span style="letter-spacing:-.2pt">&rsquo;air du temps et des contextes d&rsquo;&eacute;nonciation<a name="_ftnref11"></a><a href="#_ftn11"><sup><span style="color:black">[11]</span></sup></a></span>&nbsp;<span style="letter-spacing:-.2pt">? Faut-il avoir &eacute;t&eacute; <i>brutalis&eacute;</i> (Premi&egrave;re Guerre mondiale) ou avoir <i>brutalis&eacute;</i> (guerres coloniales) pour infli</span>ger &agrave; nouveau la violence&nbsp;? <span style="letter-spacing:.2pt">Autre question d&rsquo;importance, au c&oelig;ur des contributions d&eacute;paysant notre probl&eacute;matique vers d&rsquo;autres terrains que la s&eacute;quence europ&eacute;enne 1914-1945&nbsp;: pourquoi est-il si difficile de faire valoir, face &agrave; une situation historique d&eacute;termin&eacute;e, une multiplicit&eacute; de facteurs causaux&nbsp;? Pourquoi les explications monocausales occupent-elles souvent le haut du pav&eacute;&nbsp;? Bref, comment naissent ces s&eacute;quen&ccedil;ages et d&eacute;coupages causaux de l&rsquo;histoire du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle guerrier&nbsp;? Quelles en sont les logiques&nbsp;? Les strates d&rsquo;&eacute;dification&nbsp;?</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ainsi, si la focale de ce volume &ndash;&nbsp;comm&eacute;morations de 2014 obligent&nbsp;&ndash; est centr&eacute;e sur la s&eacute;quence 1914-1945, certaines contributions offrent un &eacute;clairage diff&eacute;rent, proposant une r&eacute;flexion sur les enjeux du s&eacute;quen&ccedil;age chronologique de la guerre de Cor&eacute;e, sur les constructions causales des conflits &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans la r&eacute;gion des Grands Lacs, en Afrique, de 1986 &agrave; 2000, sur les aspects t&eacute;l&eacute;ologiques au c&oelig;ur de la question de l&rsquo;expulsion des Allemands, apr&egrave;s 1945, en R&eacute;publique tch&egrave;que. Nous voulions en effet inciter les contributeurs &agrave; prendre en consid&eacute;ration les temps longs de l&rsquo;histoire et de l&rsquo;historiographie, mais aussi des m&eacute;moires sociales et politiques, et ainsi favoriser l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une sociohistoire de ces questions, v&eacute;ritable chantier pour l&rsquo;avenir de ces pass&eacute;s douloureux.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Une premi&egrave;re partie de ce num&eacute;ro est ainsi consacr&eacute;e &agrave; la s&eacute;quence europ&eacute;enne 1914-1945. Donnant un cadre &agrave; l&rsquo;&eacute;tude de la mise en histoire et en m&eacute;moire du &laquo;&nbsp;premier XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo; guerrier europ&eacute;en, l&rsquo;entretien crois&eacute; accord&eacute; &agrave; la revue par Andr&eacute; Loez et Nicolas Mariot revient sur le mouvement social et politique, particuli&egrave;rement sensible dans le contexte actuel du centenaire, de retour sur les exp&eacute;riences de guerre en 1914-1918&nbsp;; un mouvement qui est aussi historiographique, en atteste notamment l&rsquo;accroissement sensible des publications ayant recours aux t&eacute;moignages &ndash;&nbsp;et les d&eacute;bats suscit&eacute;s par la question dans la &laquo;&nbsp;communaut&eacute; historienne&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash; dans l&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;histoire des deux guerres mondiales. En creux, la concentration du champ 14-18 contemporain sur une histoire essentiellement sociale <i>ou</i> culturelle de la guerre invite &agrave; poser la question du d&eacute;ficit historiographique actuel sur les causes de la Premi&egrave;re Guerre mondiale, et celle de la polarisation de ses cons&eacute;quences autour d&rsquo;une lecture du conflit en termes matriciels. C&rsquo;est ainsi tout un ensemble de questions sur les liens des histoire<i>s</i> et m&eacute;moires de la Grande Guerre avec les t&eacute;l&eacute;ologies politiques europ&eacute;ennes, leurs rapports avec la nation, mais aussi avec l&rsquo;Union europ&eacute;enne, sur lesquelles Andr&eacute; Loez et Nicolas Mariot proposent quelques &eacute;clairages&nbsp;; r&eacute;flexions tout particuli&egrave;rement focalis&eacute;es sur les multiples probl&egrave;mes &eacute;pist&eacute;mologiques et enjeux sociopolitiques que posent les grandes cl&eacute;s d&rsquo;interpr&eacute;tation du conflit aujourd&rsquo;hui propos&eacute;es aux soci&eacute;t&eacute;s europ&eacute;ennes pour comprendre la Grande Guerre.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Donner &agrave; comprendre le pass&eacute;, tel est bien l&rsquo;un des objectifs principaux assign&eacute;s &agrave; l&rsquo;histoire-discipline, dont Fr&eacute;d&eacute;ric</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Rousseau montre ici que, s&rsquo;agissant de la Premi&egrave;re Guerre mondiale, elle semble aujourd&rsquo;hui devenue le vecteur d&rsquo;une sorte de &laquo;&nbsp;vulgate du troisi&egrave;me mill&eacute;naire&nbsp;&raquo; particuli&egrave;rement probl&eacute;matique. Proposant une approche sociohistorique de la configuration des champs 14-18 et 39-45 et de leurs liens, l&rsquo;auteur insiste sur l&rsquo;importance du contexte, celui notamment de la fin de la Guerre froide et de la construction europ&eacute;enne&nbsp;: l&rsquo;historiographie contemporaine de la Grande Guerre est en effet loin d&rsquo;&ecirc;tre atemporelle et d&eacute;sid&eacute;ologis&eacute;e. Elle est &eacute;galement lourde de <i>sens&nbsp;</i>; Fr&eacute;d&eacute;ric Rousseau montre ainsi comment cette lecture matricielle de la Grande Guerre tend t&eacute;l&eacute;ologiquement &agrave; r&eacute;duire l&rsquo;espace des possibles de l&rsquo;entre-deux-guerres au seul av&egrave;nement des id&eacute;ologies et r&eacute;gimes &laquo;&nbsp;totalitaires&nbsp;&raquo;&nbsp;; ce faisant, il montre combien l&rsquo;insistance sur la violence exerc&eacute;e <i>sur</i> et <i>par</i> les peuples, pendant la Grande Guerre, concourt de fait &agrave; masquer, sur le temps long, les processus de politisation des soci&eacute;t&eacute;s, dont on ne parle ainsi apr&egrave;s-guerre qu&rsquo;&agrave; leurs marges les plus extr&ecirc;mes (sovi&eacute;tisme, fascismes, nazisme). Dans un mouvement identique &agrave; celui aujourd&rsquo;hui rep&eacute;rable dans l&rsquo;histoire de la R&eacute;sistance, ce prisme contribue ainsi &agrave; confisquer, &agrave; disqualifier, voire &agrave; criminaliser l&rsquo;action politique dans tout l&rsquo;entre-deux-guerres, voire &agrave; nier m&ecirc;me l&rsquo;existence d&rsquo;un entre-deux-guerres. Plus encore, la cha&icirc;ne de raisonnement causal sur laquelle repose la notion de Premi&egrave;re Guerre mondiale matrice de la Seconde est sans piti&eacute; pour les combattants&nbsp;: leur &laquo;&nbsp;consentement&nbsp;&raquo; &agrave; la guerre de 14-18 les rend en effet partiellement <i>responsables</i> de la Premi&egrave;re Guerre mondiale&nbsp;; leur &laquo;&nbsp;brutalisation&nbsp;&raquo; contribue par la suite &agrave; les rendre en partie <i>coupables</i> des horreurs de la Deuxi&egrave;me. Au total, l&rsquo;on mesure &agrave; quel point cette vulgate nous conduit &agrave; nous <i>m&eacute;prendre</i> sur les pass&eacute;s donn&eacute;s &agrave; <i>comprendre</i>, et &agrave; s&rsquo;<i>&eacute;prendre</i> d&rsquo;un pr&eacute;sent &eacute;litiste et lib&eacute;ral, d&eacute;sert&eacute; par la pens&eacute;e sociale.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Pour &eacute;largir cette premi&egrave;re partie du num&eacute;ro consacr&eacute;e aux mises en s&eacute;quence de la Premi&egrave;re Guerre mondiale, Helena Trnkova nous propose d&rsquo;examiner la question &agrave; l&rsquo;aune d&rsquo;un terrain souvent n&eacute;glig&eacute; par l&rsquo;historiographie occidentale de la Grande Guerre&nbsp;: l&rsquo;est de l&rsquo;Europe, en l&rsquo;occurrence la R&eacute;publique tch&egrave;que. Sont ainsi boulevers&eacute;es nos chronologies &laquo;&nbsp;classiques&nbsp;&raquo; de la Grande Guerre, que cette derni&egrave;re soit reli&eacute;e &agrave; la guerre de 1870 ou &agrave; celle de 1939-1945&nbsp;; en R&eacute;publique tch&egrave;que en effet, les m&eacute;moires et l&rsquo;historiographie de la Premi&egrave;re Guerre mondiale rattachent cette derni&egrave;re, en amont, &agrave; l&rsquo;histoire beaucoup plus longue de la construction de l&rsquo;&Eacute;tat-nation tch&egrave;que. En France aussi la Grande Guerre ach&egrave;ve la construction de l&rsquo;&Eacute;tat-nation r&eacute;publicain&nbsp;; mais ce que l&rsquo;on en retient pour l&rsquo;avenir est fonci&egrave;rement diff&eacute;rent. En Europe occidentale, la Grande Guerre est aujourd&rsquo;hui bien souvent per&ccedil;ue, <i>n&eacute;gativement</i>, comme une sorte de suicide collectif, celui de l&rsquo;Europe des nationalismes, absurde et fratricide &ndash; avec l&rsquo;anachronisme consistant &agrave; voir dans <span style="letter-spacing:.2pt">cette Europe &agrave; feu et &agrave; sang la pr&eacute;figuration d&rsquo;une Union europ&eacute;enne du <i>plus jamais &ccedil;a</i> &ndash;&nbsp;; &agrave; l&rsquo;est et au centre de l&rsquo;Europe</span> au contraire, la Grande Guerre correspond au glorieux acte de naissance d&rsquo;&Eacute;tats-nations jusque-l&agrave; &eacute;touff&eacute;s par les empires centraux, et bient&ocirc;t &agrave; nouveau b&acirc;illonn&eacute;s par l&rsquo;URSS. <span style="letter-spacing:-.1pt">Autrement dit, &agrave; l&rsquo;ouest, la Grande Guerre correspondrait au moment o&ugrave; l&rsquo;Europe des nations puissantes et industrielles perd prise sur son destin&nbsp;; &agrave; l&rsquo;est, au moment o&ugrave; elle prendrait, sur le mode national, son destin collectif en mains. Ce qui est &eacute;galement int&eacute;ressant, dans l&rsquo;analyse propos&eacute;e par Helena Trnkova au regard des autres &eacute;l&eacute;ments du dossier, c&rsquo;est que la jeune d&eacute;mocratie tch&egrave;que a <i>tenu</i> durant tout l&rsquo;entre-deux-guerres, alors que l&rsquo;interpr&eacute;tation historiographique dominante en Occident pr&eacute;tend au contraire que la d&eacute;mocratie ne se serait maintenue que dans les &Eacute;tats o&ugrave; elle &eacute;tait solidement install&eacute;e depuis des d&eacute;cennies. Une invitation l&agrave; encore &agrave; prendre en compte le temps long&nbsp;: la soci&eacute;t&eacute; tch&egrave;que aurait-elle d&eacute;velopp&eacute;, en amont, des caract&eacute;ristiques propres &agrave; adopter un &laquo;&nbsp;r&eacute;gime d&eacute;mocratique&nbsp;&raquo;, et surtout &agrave; en p&eacute;renniser l&rsquo;existence&nbsp;?</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">Pour finir cette premi&egrave;re partie, &agrave; l&rsquo;heure o&ugrave; le d&eacute;bat entre &laquo;&nbsp;histoire&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature&nbsp;&raquo;, entre &laquo;&nbsp;v&eacute;rit&eacute; historique&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;v&eacute;rit&eacute; romanesque&nbsp;&raquo;, bat &agrave; nouveau son plein &ndash;&nbsp;et o&ugrave; l&rsquo;on trouve le meilleur et le pire&nbsp;&ndash;, la contribution d&rsquo;Aurore </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Peyroles vient d&eacute;placer le centre de gravit&eacute; de notre dossier de l&rsquo;historiographie vers la litt&eacute;rature, op&eacute;rant ainsi une int&eacute;ressante ouverture disciplinaire. Au-del&agrave; de l&rsquo;analyse approfondie des &oelig;uvres d&rsquo;Aragon et de D&ouml;blin qu&rsquo;elle nous propose &ndash;&nbsp;et qui nous donne envie de lire ou de relire ces &oelig;uvres m&eacute;morables&nbsp;&ndash;, l&rsquo;auteure nous donne aussi &agrave; saisir la port&eacute;e substantielle du roman engag&eacute;, et singuli&egrave;rement du <i>roman historique engag&eacute;</i>, port&eacute;e non seulement sur le plan <i>politique</i> (la politique face &agrave; la guerre) et <i>&eacute;thique</i> (l&rsquo;&eacute;thique face &agrave; la guerre), mais aussi sur le plan proprement historiographique&nbsp;: sorte de sentinelle pour les historiens, les invitant &agrave; &oelig;uvrer pour une historiographie r&eacute;solument critique. <i>Aux armes, historiens, </i>tel est le titre de l&rsquo;ouvrage que le regrett&eacute; Eric J.&nbsp;Hobsbawm<a name="_ftnref12"></a><a href="#_ftn12"><sup><span style="color:black">[12]</span></sup></a> consacra au d&eacute;montage ravageur des d&eacute;rives interpr&eacute;tatives de deux si&egrave;cles d&rsquo;histoire de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise &ndash;&nbsp;notamment sous la plume de Fran&ccedil;ois Furet. Pour Aurore Peyroles, les romans historiques engag&eacute;s, comme ceux d&rsquo;Aragon et de D&ouml;blin, peuvent pr&eacute;cis&eacute;ment jouer ce r&ocirc;le &laquo;&nbsp;d&rsquo;appel&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.3pt">Avec la contribution de Laurent Quisefit, </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.15pt">nous ouvrons l&rsquo;espace g&eacute;opolitique des p&eacute;riodisations &laquo;&nbsp;canoniques&nbsp;&raquo; (1914-1918/1940-1945) du &laquo;&nbsp;XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle guerrier&nbsp;&raquo; par une analyse s&eacute;quentielle serr&eacute;e de la guerre de Cor&eacute;e. L&rsquo;auteur montre comment la p&eacute;riodisation conventionnelle du conflit sous le seul prisme de son internationalisation, &agrave; savoir une guerre cens&eacute;e commencer en 1950 pour se clore en 1953, occulte en fait, et de fa&ccedil;on radicale, les enjeux fondamentaux sur le plan domestique&nbsp;: ceux pr&eacute;cis&eacute;ment d&rsquo;une guerre civile <i>et </i>inter&eacute;tatique, dont les racines se situent en amont et les cons&eacute;quences bien au-del&agrave; des</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.15pt">dates &laquo;&nbsp;officielles&nbsp;&raquo; impos&eacute;es par l&rsquo;internationalisation du conflit. Par l&agrave; m&ecirc;me se trouve &eacute;largie et affin&eacute;e notre compr&eacute;hension de la guerre de Cor&eacute;e, ce &laquo;&nbsp;conflit chaud&nbsp;&raquo; de la &laquo;&nbsp;guerre froide&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Cet &eacute;largissement de l&rsquo;&egrave;re g&eacute;opolitique et chronologique des p&eacute;riodisations conventionnelles du &laquo;&nbsp;XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle guerrier&nbsp;&raquo;, nous le poursuivons, bien qu&rsquo;&agrave; une tout autre &eacute;chelle, avec la contribution d&rsquo;Agathe Plauchut, qui nous propose une analyse des conflits des Grands Lacs qui ont secou&eacute; le continent africain de 1986 &agrave; 2000. Souvent trait&eacute;s s&eacute;par&eacute;ment, ces conflits sont rarement abord&eacute;s dans leur ensemble afin d&rsquo;en saisir leurs logiques internes, leurs liens et leurs r&eacute;seaux inextricables de causalit&eacute;s. Agathe Plauchut nous en propose ici une approche holistique &eacute;clairante, &agrave; partir du s&eacute;quen&ccedil;age, de l&rsquo;empilement et de l&rsquo;&eacute;toilement d&rsquo;une longue conflictualit&eacute; qui a fini par rev&ecirc;tir, de nos jours, les traits d&rsquo;un &laquo;&nbsp;v&eacute;ritable syst&egrave;me r&eacute;gional de guerre&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref13"></a><a href="#_ftn13"><sup><span style="color:black">[13]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Revenant en Europe et au cas tch&egrave;que, Fran&ccedil;oise Mayer montre combien le transfert des Allemands, &agrave; la fin de la Deuxi&egrave;me Guerre mondiale, est encore une question sensible dans l&rsquo;historiographie et les m&eacute;moires nationales, &ocirc; combien li&eacute;e &agrave; l&rsquo;identit&eacute; d&eacute;mocratique m&ecirc;me des Tch&egrave;ques. D&eacute;senclavant la s&eacute;quence 1945-1948, reliant la guerre, la troisi&egrave;me R&eacute;publique et la p&eacute;riode communiste, cette exp&eacute;rience remet en effet en cause les cadres nationaux et temporels dans lesquels est traditionnellement pens&eacute;e l&rsquo;histoire tch&egrave;que apr&egrave;s-guerre. Elle d&eacute;stabilise l&rsquo;image de la victoire et des vainqueurs, brouille les fronti&egrave;res entre bourreaux et victimes&nbsp;; bref, elle perturbe le roman national tch&egrave;que lui-m&ecirc;me. Pour autant, des historiens tch&egrave;ques ont relev&eacute; le d&eacute;fi de cette mise en histoire, dont l&rsquo;auteure nous propose ici une v&eacute;ritable arch&eacute;ologie des contextes, des pratiques et des enjeux.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">Comme lors de notre pr&eacute;c&eacute;dent dossier sur les &laquo;&nbsp;Erreurs historiographiques&nbsp;&raquo;, la revue <i>En Jeu</i> t&eacute;moigne enfin de son souci d&rsquo;aborder avec rigueur les questions p&eacute;dagogiques et didactiques que soul&egrave;vent l&rsquo;histoire et la m&eacute;moire des grands conflits contemporains, notamment la question des conditions de transformation des savoirs scientifiques en des savoirs &agrave; enseigner<a name="_ftnref14"></a><a href="#_ftn14"><sup><span style="color:blue">[14]</span></sup></a>. Dans cette deuxi&egrave;me livraison de leur &laquo;&nbsp;Chronique des enjeux d&#39;histoire scolaire&nbsp;&raquo;, Laurence de Cock et Charles Heimberg s&rsquo;attachent &agrave; analyser la confusion des deux guerres mondiales comme obstacle &agrave; l&rsquo;intelligibilit&eacute; de XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle. Ils d&eacute;montrent comment, faisant fi de la f&eacute;condit&eacute; des d&eacute;bats historiographiques sur les causes et cons&eacute;quences des grands conflits du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, certains courants interpr&eacute;tatifs (ceux de l&rsquo;histoire culturelle qui &eacute;rige la Grande Guerre en matrice du XX<sup>e&nbsp;</sup>si&egrave;cle, ceux aussi de la vulgate &laquo;&nbsp;totalitaire&nbsp;&raquo;) parviennent non seulement &agrave; dominer l&rsquo;espace public et m&eacute;diatique, mais &agrave; s&rsquo;installer durablement comme des &eacute;vidences dans l&rsquo;enseignement et les outils p&eacute;dagogiques. Caract&eacute;ristique est &agrave; cet &eacute;gard l&rsquo;absence de tout d&eacute;bat au sein des commissions d&rsquo;experts charg&eacute;es de l&rsquo;&eacute;tablissement des programmes scolaires.</span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn1"></a><a href="#_ftnref1"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[1]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Quelques exemples les plus significatifs&nbsp;: Ernst Nolte, <i>La Guerre civile europ&eacute;enne 1917-1945&nbsp;: national-socialisme et bolchevisme</i>, Paris, <span style="text-transform:uppercase">&eacute;</span>d. des Syrthes, 2000 (1987)&nbsp;; George L. Mosse, <i>Fallen Soldiers. Reshaping the Memory of the World Wars</i>, New-York, Oxford University Press, 1990 (traduit en fran&ccedil;ais sous le titre&nbsp;: <i>De la Grande Guerre au totalitarisme&nbsp;: la brutalisation des soci&eacute;t&eacute;s europ&eacute;ennes</i>, 1999)&nbsp;; Eric J. Hobsbawm, <i>L&rsquo;<span style="text-transform:uppercase">&acirc;</span>ge des extr&ecirc;mes. Histoire du court XX<sup>e</sup> si&egrave;cle</i>, Bruxelles, Complexe/Le Monde diplomatique, 1999&nbsp;; St&eacute;phane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, <i>14-18, retrouver la Guerre</i>, Paris, Gallimard, 2000&nbsp;; Christophe Charle, <i>La Crise des soci&eacute;t&eacute;s imp&eacute;riales&nbsp;: Allemagne, France, Grande-Bretagne, 1900-1940. Essai d&rsquo;histoire sociale compar&eacute;e</i>, Paris, Seuil, 2001&nbsp;; St&eacute;phane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, Christian Ingrao et Henry Rousso (dir.), <i>La Violence de guerre, 1914-1945</i>, Paris/Bruxelles, IHTP-CNRS/Complexe, &laquo; Histoire du temps pr&eacute;sent &raquo;, 2002&nbsp;; Bruno Tho&szlig; et Hans-Erich Volkmann (&eacute;ds), <i>Erster Weltkrieg &ndash; Zweiter Weltkrieg: Ein Vergleich. Krieg, Kriegserlebnis, Kriegserfahrung in Deutschland</i>, Paderborn, Sch&ouml;ningh, 2002 ; Anne Dum&eacute;nil, Nicolas Beaupr&eacute; et Christian Ingrao, <i>1914-1945&nbsp;: l&rsquo;&egrave;re de la guerre</i>, t.&nbsp;1. <i>1914-1918, Violence, mobilisations, deuils</i>, t. 2. <i>1939-1945, Nazisme, occupations, pratiques g&eacute;nocides</i>, Paris, Agn&egrave;s Vi&eacute;not, 2004&nbsp;; Enzo Traverso, <i>&Agrave; feu et &agrave; sang. De la guerre civile europ&eacute;enne 1914-1945</i>, Paris, Stock, 2007&nbsp;; Nicolas Beaupr&eacute;, <i>Les Grandes Guerres (1914-1945)</i>, Paris, Belin, &laquo;&nbsp;Histoire de France&nbsp;&raquo;, 2012.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn2"></a><a href="#_ftnref2"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[2]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Pour une approche globale, voir notamment Antoine Prost et Jay Winter, <i>Penser la Grande Guerre. Un essai d&rsquo;historiographie</i>, Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Points histoire&nbsp;&raquo;, 2004. Quelques exemples, c&ocirc;t&eacute; fran&ccedil;ais&nbsp;: R&eacute;my Cazals, <i>Les Mots de 14-18</i>, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2003&nbsp;; Andr&eacute; Loez (avec la collaboration de Nicolas Offenstadt),<i> Petit r&eacute;pertoire critique des concepts de la Grande Guerre</i>, CRID 14-18, [En ligne], URL&nbsp;: crid1418.org/espace_scientifique/textes/conceptsgg_01.ht, mis en ligne en d&eacute;cembre 2005&nbsp;; Christophe Prochasson, <i>1914-1918, Retours d&rsquo;exp&eacute;riences</i>, Paris, Tallandier, &laquo;&nbsp;Texto&nbsp;&raquo;, 2008, pp. 123-159&nbsp;; CRID 14-18, &laquo;&nbsp;Les Fran&ccedil;ais dans la Grande Guerre&nbsp;: nouvelles approches, nouvelles questions&nbsp;&raquo;, <i>Mat&eacute;riaux pour l&rsquo;histoire de notre temps</i>, n&deg;&nbsp;91, juillet-septembre&nbsp;2008&nbsp;; Fran&ccedil;ois Buton, Andr&eacute; Loez, Nicolas Mariot et Philippe Olivera, &laquo;&nbsp;14-18&nbsp;: retrouver la controverse&nbsp;&raquo;, <i>La Vie des id&eacute;es</i>, [En ligne], URL&nbsp;: http://www.laviedesidees.fr/1914-1918-retrouver-la-controverse.html&nbsp;; etc. </span></span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.05pt">C&ocirc;t&eacute; allemand&nbsp;: Richard Bessel, <i>Violence and the Rise of Nazism, The Storm Troopers in Eastern Germany, 1925-1934</i>, New Haven et Londres, Yale University Press, 1984&nbsp;; Andreas Wirsching, <i>Vom Weltkrieg zum B&uuml;rgerkrieg? Politischer Extremismus in Deutschland und Frankreich, 1918-1933/39</i>, Munich, Oldenbourg, 1999&nbsp;; Dirk Schumann, <i>Politische Gewalt in der Weimarer Republik, 1918-1933, Kampf um die Strasse und Furcht vor dem B&uuml;rgerkrieg</i>, Essen, Klartext, 2001&nbsp;; Andreas Wirsching et Dirk Schumann (&eacute;ds), <i>Violence and Society after the First World War</i>, <i>Journal of Modern European History</i>, vol. 1, 2003/1&nbsp;; Arndt Weinrich, <i>Der Weltkrieg als Erzieher. </i></span></span></span></span><i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.05pt">Jugend zwischen Weimarer Republik und Nationalsocialismus</span></span></span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.05pt">, Essen, Klartext, 2012&nbsp;; etc.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn3"></a><a href="#_ftnref3"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[3]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Voir Didier Fassin et Richard Rechtman, <i>L&rsquo;Empire du traumatisme. Enqu&ecirc;te sur la condition de victime, </i>Paris, Flammarion, &laquo;&nbsp;Champs essais&nbsp;&raquo;, 2011 [2007]. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn4"></a><a href="#_ftnref4"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[4]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Pour reprendre les termes du c&eacute;l&egrave;bre ouvrage de Francis Fukuyama, <i>La Fin de l&rsquo;histoire et le dernier homme</i>, Paris, Flammarion, 1992.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn5"></a><a href="#_ftnref5"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[5]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Une position parfois disput&eacute;e par certains sp&eacute;cialistes du champ colonial voyant dans les id&eacute;ologies colonialistes et les guerres de conqu&ecirc;te et de pacification coloniales d&rsquo;autres matrices du racisme contemporain, jusqu&rsquo;&agrave; son expression la plus radicale dans le nazisme.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn6"></a><a href="#_ftnref6"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[6]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Pour un exemple radical, voir l&rsquo;ouvrage d&rsquo;Olivier Le Cour Grandmaison, <i>Coloniser, exterminer&nbsp;: sur la guerre et l&rsquo;&Eacute;tat colonial</i>, Paris, Fayard, 2005, et les d&eacute;bats autour de sa r&eacute;ception.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn7"></a><a href="#_ftnref7"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[7]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Voir par exemple le t&eacute;moignage de L&eacute;o Palacio, <i>1936, La Maldonne espagnole, ou la guerre d&rsquo;Espagne comme r&eacute;p&eacute;tition g&eacute;n&eacute;rale du deuxi&egrave;me conflit mondial</i>, Paris, Privat, 1986, etc. Pour une vision critique, voir Fran&ccedil;ois Godicheau, &laquo;&nbsp;&quot;Guerre civile&quot;, &quot;r&eacute;volution&quot;, &quot;r&eacute;p&eacute;tition g&eacute;n&eacute;rale&quot;&nbsp;: les aspects de la guerre d&rsquo;Espagne&nbsp;&raquo;, in Roger Bourderon (dir.), <i>La Guerre d&rsquo;Espagne&nbsp;: l&rsquo;histoire, les lendemains, la m&eacute;moire</i>, Paris, Tallandier, 2007, pp.&nbsp;89-105&nbsp;; Maud Joly, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Espagne franquiste et ses voisins europ&eacute;ens&nbsp;: des repr&eacute;sentations entre h&eacute;ritages de la guerre d&rsquo;Espagne et enjeux de la construction nationale, 1939-1957&nbsp;&raquo;, <i>Mat&eacute;riaux pour l&rsquo;histoire de notre temps,</i> 2010/1-2, n<sup>os</sup> 97-98, pp. 11-16.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn8"></a><a href="#_ftnref8"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[8]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Extrait du discours du g&eacute;n&eacute;ral de Gaulle, &agrave; Bar-le-Duc, le 28 juillet 1946&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Le drame de la guerre de trente ans, que nous venons de gagner, a comport&eacute; maintes p&eacute;rip&eacute;ties et vu entrer et sortir maints acteurs. Nous autres, Fran&ccedil;ais, sommes de ceux qui rest&egrave;rent toujours sur la sc&egrave;ne et ne chang&egrave;rent jamais de camp.</i>&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn9"></a><a href="#_ftnref9"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[9]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Charte de la Mission du centenaire de la Premi&egrave;re Guerre mondiale 1914-2014.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn10"></a><a href="#_ftnref10"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[10]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> &laquo;&nbsp;Le paradoxe de l&rsquo;attention l&eacute;gitime [envers le III<sup>e</sup> Reich et ses crimes] a abouti &agrave; ce que les citoyens de cette r&eacute;publique soient s&eacute;par&eacute;s de leurs pr&eacute;c&eacute;dentes p&eacute;riodes historiques, les bonnes comme les mauvaises.&nbsp;&raquo; C&rsquo;est par cet argument que le journaliste Thomas Schmid, dans le journal <i>Die Welt,</i> r&eacute;pondait r&eacute;cemment &agrave; la question&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pourquoi l&rsquo;Allemagne a oubli&eacute; la Premi&egrave;re Guerre mondiale&nbsp;&raquo;, Thomas Schmid, &laquo;&nbsp;Warum Deutschland den Ersten Weltkrieg vergass&nbsp;&raquo;, <i>Die Welt</i>, 8 janvier 2013.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn11"></a><a href="#_ftnref11"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[11]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Ainsi, dans les ann&eacute;es 1920, la Premi&egrave;re Guerre mondiale &eacute;tait-elle naturellement rattach&eacute;e &agrave; la guerre de 1870, couronnant la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle &laquo;&nbsp;national&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn12"></a><a href="#_ftnref12"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[12]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Eric J. Hobsbawm, <i>Aux armes, historiens. Deux si&egrave;cles d&rsquo;histoire de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise</i>, Paris, La D&eacute;couverte, 2007.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn13"></a><a href="#_ftnref13"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[13]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Roland Pourtier, &laquo; L&#39;Afrique centrale dans la tourmente. Les enjeux de la guerre et de la paix au Congo et alentour &raquo;, <i>H&eacute;rodote</i>, n&deg; 111, 2003/4, p. 13.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn14"></a><a href="#_ftnref14"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[14]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Laurence de Cock et Charles Heimberg, &laquo;&nbsp;Chronique des enjeux d&rsquo;histoire scolaire&nbsp;: &agrave; propos des erreurs historiographiques&nbsp;&raquo;, in Thomas Fontaine, Bertrand Hamelin et Yannis Thanassekos (dir.), &laquo;&nbsp;Des erreurs historiographiques&nbsp;&raquo;, <i>En Jeu</i>. <i>Histoire et m&eacute;moires vivantes</i>, n&deg; 2, d&eacute;cembre 2013, pp. 116-123.</span></span></span></span></span></p>