<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Certaines p&eacute;riodes s&rsquo;ins&egrave;rent plus difficilement que d&rsquo;autres dans les r&eacute;cits nationaux. La s&eacute;quence 1945-1948 est de celles-l&agrave; concernant la Tch&eacute;coslovaquie. En 1945, la R&eacute;publique reconstitu&eacute;e a retrouv&eacute; &agrave; peu pr&egrave;s ses fronti&egrave;res d&rsquo;avant-guerre (&agrave; l&rsquo;exception de la Russie subcarpathique qui revient &agrave; l&rsquo;URSS). Tch&egrave;ques et Slovaques ont renou&eacute; avec une d&eacute;mocratie parlementaire pr&eacute;sid&eacute;e par Eduard&nbsp;Bene&scaron; et gouvern&eacute;e par les forces coalis&eacute;es au sein du Front national. En f&eacute;vrier&nbsp;1948, les ministres non communistes d&eacute;missionnent, les milices sont &agrave; Prague, les communistes, d&eacute;j&agrave; tr&egrave;s pr&eacute;sents dans les structures du r&eacute;gime, prennent le pouvoir. En juin, Gottwald remplace Bene&scaron; &agrave; la pr&eacute;sidence. Ainsi s&rsquo;ach&egrave;ve la troisi&egrave;me R&eacute;publique. Dans l&rsquo;histoire des Tch&egrave;ques et des Slovaques, elle constitue un espace incertain entre la guerre et le coup de Prague. Certains y voient un interm&egrave;de d&eacute;mocratique, d&rsquo;autres le pr&eacute;lude de la dictature socialiste. Elle est surtout le th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;expulsion des Allemands sud&egrave;tes, ce qui complique beaucoup la t&acirc;che des historiens.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Outre une &eacute;puration qui compte parmi les plus s&eacute;v&egrave;res d&rsquo;Europe<a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1"><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></a>, environ trois millions d&rsquo;Allemands sont expuls&eacute;s de leurs foyers hors des fronti&egrave;res tch&eacute;coslovaques entre&nbsp;1945 et&nbsp;1947. Ces expulsions, comme celles qui touch&egrave;rent la </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Pologne ou la Hongrie, furent ex&eacute;cut&eacute;es sous l&rsquo;autorit&eacute; nationale, avec l&rsquo;aide des </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">Alli&eacute;s dans le contexte de la reconstruction</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> europ&eacute;enne. Avant d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;plac&eacute;s, ces Allemands furent souvent intern&eacute;s dans d&rsquo;anciens camps de concentration, selon des modalit&eacute;s qui furent fatales &agrave; beaucoup d&rsquo;entre eux. D&rsquo;autres p&eacute;rirent dans les transports. On estime ainsi &agrave; plusieurs centaines de milliers le nombre des &laquo;&nbsp;d&eacute;plac&eacute;s&nbsp;&raquo; d&rsquo;Europe centrale qui n&rsquo;atteignirent pas l&rsquo;Allemagne. Quant &agrave; leur nombre total, il oscille selon les auteurs entre 12 et 14&nbsp;millions de personnes, parmi lesquelles une majorit&eacute; de femmes et d&rsquo;enfants. Programm&eacute;s d&egrave;s 1943 par les Alli&eacute;s, ces d&eacute;placements forc&eacute;s furent alors, en Tch&eacute;coslovaquie comme ailleurs, pr&eacute;sent&eacute;s comme un mode de r&eacute;solution des questions nationales et des conflits qui avaient men&eacute; &agrave; l</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">a guerre. Ce cadre d&rsquo;interpr&eacute;tation, assez largement partag&eacute; au d&eacute;part, a &eacute;t&eacute; de plus en plus contest&eacute; par la suite. Ces derni&egrave;res ann&eacute;es, certains auteurs, souvent anglo-saxons, n&rsquo;ont pas h&eacute;sit&eacute; &agrave; relire l&rsquo;exp&eacute;rience de ces </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">d&eacute;portations d&rsquo;apr&egrave;s-guerre &agrave; la lumi&egrave;re des &eacute;purations ethniques des ann&eacute;es</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"> 1990 dans l&rsquo;ex-Yougoslavie, sugg&eacute;rant de surcro&icirc;t que leurs travaux levaient ainsi le voile sur une question rest&eacute;e longtemps taboue<a name="_ftnref2"></a><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Le transfert des Allemands est la page de l&rsquo;histoire r&eacute;cente qui d&eacute;cha&icirc;ne le plus de passions contradictoires parmi les Tch&egrave;ques. Il en va de leur identit&eacute; d&eacute;mocratique, ou plus exactement de la fa&ccedil;on dont ils la con&ccedil;oivent. Ce n&rsquo;est pas simplement l&rsquo;interpr&eacute;tation qui varie selon les &eacute;poques et les auteurs, mais la place m&ecirc;me qu&rsquo;on lui accorde dans l&rsquo;analyse </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">du pass&eacute;. L&rsquo;attention qu&rsquo;on lui porte remet</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> effectivement en question un grand nombre de rep&egrave;res selon lesquels est g&eacute;n&eacute;ralement pens&eacute;e l&rsquo;exp&eacute;rience tch&eacute;coslovaque apr&egrave;s la guerre. Elle peut brouiller l&rsquo;image de la victoire, celle des valeurs associ&eacute;es aux vainqueurs, des fronti&egrave;res entre les responsables de violences de masse et leurs victimes. Elle peut saper les fondements sur lesquels repose la plupart des histoires </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">des Tch&egrave;ques, qu&rsquo;elles soient produites <span style="letter-spacing:.1pt">avant ou apr&egrave;s la chute du communisme. Cela n&rsquo;a pas emp&ecirc;ch&eacute; des historiens tch&egrave;ques, &agrave; des &eacute;poques tr&egrave;s diff&eacute;rentes</span> de l&rsquo;histoire de leur discipline, de s&rsquo;engager dans l&rsquo;&eacute;criture de cette page controvers&eacute;e du pass&eacute; national, de fa&ccedil;on plus ou moins critique, depuis la fin des ann&eacute;es 1950. Ils ont ainsi contribu&eacute; &agrave; d&eacute;senclaver la<span style="letter-spacing:-.1pt"> s&eacute;quence 1945-1948, r&eacute;ins&eacute;rant une continuit&eacute; entre la guerre, l&rsquo;apr&egrave;s-guerre et la p&eacute;riode communiste. L&rsquo;objectif de cette contribution est de revenir sur </span></span></span><span lang="IT" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">la fa</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&ccedil;on dont ils ont relev&eacute; ce d&eacute;fi historiographique en fonction des contextes de leur pratique.</span></span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">L&rsquo;historiographie de parti face &agrave; la question du transfert</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Avant de voir comment les historiens ont pris en compte le transfert des Allemands</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> dans leurs travaux, il n&rsquo;est pas inutile de comprendre comment les contemporains des &eacute;v&eacute;nements en ont rendu compte. L&rsquo;historien Pavel Zeman s&rsquo;est pos&eacute; cette question &agrave; partir des actualit&eacute;s cin&eacute;matographiques et des documentaires de l&rsquo;&eacute;poque<a name="_ftnref3"></a><a href="#_ftn3"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a>. La production documentaire fut nationalis&eacute;e et centralis&eacute;e d&egrave;s juin&nbsp;1945 en vertu des d&eacute;crets Bene&scaron;. Deux services d&rsquo;actualit&eacute;, un tch&egrave;que et un slovaque, furent cr&eacute;&eacute;s. La question du transfert reste relativement absente de ces programmes d&rsquo;information. Seulement six s&eacute;quences sur 412, entre 1945 et novembre&nbsp;1946. L&rsquo;ensemble de la production (tch&egrave;que </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">et slovaque), nous explique Zeman, t&eacute;<span style="letter-spacing:-.1pt">moigne de la priorit&eacute; donn&eacute;e &agrave; la reconstruction &eacute;conomique du pays. Lorsque le transfert est trait&eacute;, l&rsquo;accent est mis sur le calme et la s&eacute;r&eacute;nit&eacute; dans lequel il se d&eacute;roule. Le commentaire pr&eacute;sente la politique de d&eacute;portation comme &laquo;&nbsp;une juste r&eacute;ponse aux crimes des Allemands&nbsp;&raquo; et souligne la dangerosit&eacute; des Allemands.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Cette vision bien lisse de l&rsquo;expulsion contraste avec la violence des faits, mais elle est en parfaite harmonie avec la violence des discours politiques de l&rsquo;&eacute;poque, r&eacute;solument antiallemands, et dont la presse &eacute;crite porte la trace. Lorsque Bene&scaron;, apr&egrave;s six ans d&rsquo;exil, revient en Tch&eacute;coslovaquie via Moscou et la Slovaquie et proclame, le 12&nbsp;mai 1945, devant la foule venue l&rsquo;&eacute;couter &agrave; l&rsquo;h&ocirc;tel de ville de Brno, &laquo;&nbsp;mon programme est de liquider le probl&egrave;me allemand&nbsp;&raquo;, ses plus proches collaborateurs du parti socialiste national ne sont pas en reste<a name="_ftnref4"></a><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a>. L&rsquo;expulsion, comme le note aujourd&rsquo;hui la plupart des historiens (tch&egrave;ques ou autres), a &eacute;t&eacute; soutenue par un spectre politique quasi unanime. Les rares voix qui s&rsquo;&eacute;l&egrave;vent contre le transfert apr&egrave;s la guerre proviennent g&eacute;n&eacute;ralement des rangs du parti populaire <i>(Lidov&aacute; strana</i></span></span><i><span lang="PT" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">),</span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> mais m&ecirc;me l&agrave;, les critiques visent plus les modalit&eacute;s de ce transfert que le transfert lui-m&ecirc;me. Les communistes se sont ralli&eacute;s &agrave; cette politique depuis 1943, le programme du gouvernement de Ko&scaron;ice a confirm&eacute; cette orientation. Ils s&rsquo;engagent sans ambigu&iuml;t&eacute; dans la r&eacute;alisation du transfert, et aux postes clefs de l&rsquo;information et de la propagande qu&rsquo;ils occupent d&egrave;s 1945, ils forgent les cadres officiels d&rsquo;interpr&eacute;tation de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">On sait que le contr&ocirc;le de la m&eacute;moire a &eacute;t&eacute; une des pr&eacute;occupations majeures des communistes d&egrave;s les tout premiers temps de l&rsquo;apr&egrave;s-guerre. En atteste par exemple l&rsquo;attention farouche qu&rsquo;ils portent aux comm&eacute;morations de la Lib&eacute;ration, que ce soit &agrave; Prague ou dans tout autre ville de la R&eacute;publique<a name="_ftnref5"></a><a href="#_ftn5"><sup><span style="color:black">[5]</span></sup></a>. Gommer le r&ocirc;le des Am&eacute;ricains au profit de celui des Sovi&eacute;tiques, valoriser au maximum la part communiste de la r&eacute;sistance tch&eacute;coslovaque font partie de leurs priorit&eacute;s. Pour le reste, ils &oelig;uvrent &agrave; la promotion d&rsquo;une histoire ax&eacute;e sur l&rsquo;&eacute;volution du mouvement ouvrier. Une histoire qui sacrifie volontiers &agrave; l&rsquo;exaltation d&rsquo;un socialisme tch&eacute;coslovaque, les canons de l&rsquo;internationalisme prol&eacute;tarien. Une histoire qui, &agrave; l&rsquo;instar des actualit&eacute;s cin&eacute;matographiques, ne s&rsquo;attarde pas sur le transfert, et oublie les Allemands de Boh&ecirc;me. De ce point de vue, la m&eacute;moire que cherchent &agrave; imposer les communistes se trouve au diapason du discours d&rsquo;&eacute;dification nationale cultiv&eacute; par leurs partenaires politiques du Front national depuis 1945. Lorsqu&rsquo;&agrave; partir de 1948, ils fondent les bases institutionnelles d&rsquo;une historiographie scientifique li&eacute;e aux objectifs du parti, elle servira cette m&ecirc;me vision nationale exclusive. C&rsquo;est pourtant de l&agrave; qu&rsquo;&eacute;mergera dix ans plus tard un courant r&eacute;formiste qui contribuera, entre autres, &agrave; une r&eacute;insertion timide de la dimension allemande dans l&rsquo;histoire tch&eacute;coslovaque.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Pour comprendre comment les artisans de cette historiographie de parti parviennent &agrave; renouveler le questionnement sur le pass&eacute; et prendre de la distance par rapport aux dogmes initiaux, il faut cesser de consid&eacute;rer leur activit&eacute; comme un pur exercice de propagande et essayer d&rsquo;&eacute;clairer leur pratique au sein des institutions cr&eacute;&eacute;es &agrave; cet effet. C&rsquo;est ce qu&rsquo;a tent&eacute; de faire V&iacute;t</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">ě</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">zslav Sommer<a name="_ftnref6"></a><a href="#_ftn6"><sup><span style="color:black">[6]</span></sup></a>. En &eacute;tudiant la fa&ccedil;on dont s&rsquo;est forg&eacute;e l&rsquo;historiographie de parti entre&nbsp;1948 et&nbsp;1960, il a mis &agrave; jour l&rsquo;&eacute;volution complexe de ses modalit&eacute;s de fabrication. Au d&eacute;but, il s&rsquo;est surtout agi d&rsquo;organiser des expositions ou de cr&eacute;er des mus&eacute;es du mouvement ouvrier, afin d&rsquo;imposer l&rsquo;image d&rsquo;une continuit&eacute; r&eacute;volutionnaire du peuple tch&egrave;que depuis le Moyen-&Acirc;ge. Ensuite, l&rsquo;objectif fut de constituer un corpus de textes codifiant <span style="letter-spacing:-.2pt">l&rsquo;histoire du socialisme r&eacute;volutionnaire en Tch&eacute;coslovaquie autour de deux h&eacute;ros</span>&nbsp;: l&rsquo;&Eacute;tat et le peuple. Et puis, il fallut &eacute;crire l&rsquo;histoire du parti, en vue de l&rsquo;anniversaire de sa naissance en 1961&nbsp;; l&rsquo;entreprise engagea des centaines d&rsquo;historiens plusieurs ann&eacute;es. Au sein de ces &laquo;&nbsp;institutions de recherche&nbsp;&raquo;, la part des id&eacute;ologues purs et durs, primordiale les premi&egrave;res ann&eacute;es, a d&eacute;clin&eacute; avec le temps, au profit d&rsquo;une rel&egrave;ve (parfois &agrave; peine plus jeune), soucieuse d&rsquo;une pratique historienne respectueuse des m&eacute;thodes propres &agrave; la discipline, notamment dans son rapport aux archives. De plus en plus, ces historiens vont travailler dans des comit&eacute;s th&eacute;matiques et s&rsquo;affranchir un peu de la tutelle doctrinaire du parti. Parmi eux, un groupe va jouer un r&ocirc;le important dans cette &eacute;volution, le Comit&eacute; pour l&rsquo;histoire de la r&eacute;sistance antifasciste.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Ce comit&eacute; regroupe des historiens de toute la R&eacute;publique qui reviennent sur l&rsquo;histoire de la r&eacute;sistance et celle de la collaboration. Les historiens comme Jan K</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">ř</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">en, V&aacute;clav Kural, Karel Barto&scaron;ek ou Karel Kaplan, qui incarneront le r&eacute;formisme historiographique quelques ann&eacute;es plus tard, y jouent un r&ocirc;le moteur. &Agrave; cette &eacute;poque, sur l&rsquo;initiative de l&rsquo;historien Henri Michel, un vaste programme de coop&eacute;ration international entre historiens de la Deuxi&egrave;me Guerre mondiale voit le jour. Dans ce contexte, les chercheurs tch&egrave;ques reviennent sur certains mythes r&eacute;sistantialistes, communistes, nationalistes. Leur critique des dogmes initiaux ne fait pas d&rsquo;eux des anticommunistes, ils cherchent toujours &agrave; &eacute;difier le socialisme sous la houlette du parti, mais en le d&eacute;barrassant des oripeaux du bureaucratisme stalinien. Il leur importe de montrer que le socialisme tch&egrave;que, n&eacute; dans la guerre, conduit &agrave; une r&eacute;volution sp&eacute;cifique, non violente, engendr&eacute;e par un vaste front de gauche soud&eacute; par la lutte antifasciste. Dans ce processus </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">de r&eacute;interpr&eacute;tation de la r&eacute;sistance, les composantes non communistes sont r&eacute;ins&eacute;r&eacute;es dans le tableau, &agrave; condition toutefois d&rsquo;en souligner l&rsquo;identit&eacute; socialiste. D&rsquo;autres composantes, assimil&eacute;es &agrave; un h&eacute;ritage nationaliste bourgeois,<span style="letter-spacing:.1pt"> restent disqualifi&eacute;es.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La r&eacute;appropriation, m&ecirc;me partielle, <span style="letter-spacing:-.1pt">de l&rsquo;h&eacute;ritage de Bene&scaron;, et du parti socialiste-national conduit &agrave; repenser la sortie de guerre, le rapport aux Allemands</span> vis-&agrave;-vis du transfert. Des historiens tels que Milan H&uuml;bl, V&aacute;clav Kural, Bed</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">ř</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">ich Loewenstein, Bohum&iacute;l </span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Č</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">ern&yacute;, Jan K</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">ř</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">en amorcent une r&eacute;&eacute;valuation de ce pass&eacute;. Leur critique du transfert reste dans les limites conceptuelles du r&eacute;formisme historiographique des ann&eacute;es&nbsp;1960. Ces auteurs s&rsquo;interrogent sur l&rsquo;id&eacute;e de transfert plut&ocirc;t que son ex&eacute;cution. Reconnaissant le caract&egrave;re cruel de la d&eacute;portation, ils concluent &agrave; l&rsquo;in&eacute;vitabilit&eacute; d&rsquo;une telle politique. Contre une vision qui attribue une responsabilit&eacute; exag&eacute;r&eacute;e aux Tch&egrave;ques ou &agrave; leur pr&eacute;sident, Bene&scaron;, ils rappellent celle des Alli&eacute;s dans l&rsquo;&eacute;laboration des politiques de d&eacute;placements forc&eacute;s et pr&eacute;conisent de prendre sur ces th&egrave;mes le recul (international) n&eacute;cessaire.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Dans cette d&eacute;cennie, le rapport aux Allemands &eacute;volue. Le cin&eacute;ma, la litt&eacute;rature, des revues t&eacute;moignent de cette transformation. Le sens du transfert est discut&eacute;, dans les milieux de l&rsquo;exil, mais en Tch&eacute;coslovaquie aussi. La r&eacute;f&eacute;rence aux th&egrave;ses de Karl Jaspers </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">sur la responsabilit&eacute; collective est pr&eacute;sente dans les d&eacute;bats. La m&eacute;moire du transfert y est clairement d&eacute;sign&eacute;e comme un enjeu majeur de l&rsquo;identit&eacute; des Tch&egrave;ques. Le Printemps de Prague et son &eacute;chec mettront un frein &agrave; cette &eacute;volution. Les historiens cit&eacute;s perdent alors leurs positions dans les structures de l&rsquo;historiographie communiste. C&rsquo;est de leur exil, ou en tant que d&eacute;class&eacute;s, travailleurs manuels, pompeurs d&rsquo;eau, laveurs de carreaux, chauffagistes, que dans les ann&eacute;es 1970 ils reprennent certaines questions d&eacute;battues avant l&rsquo;instauration de la normalisation, dans les institutions acad&eacute;miques, culturelles ou politiques du r&eacute;gime<span style="letter-spacing:.1pt">.</span></span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Le transfert revu par les dissidents</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Apr&egrave;s l&rsquo;&eacute;chec du Printemps de Prague, le th&egrave;me du transfert ne s&rsquo;impose pas imm&eacute;diatement dans les milieux dissidents. On doit &agrave; un historien slovaque, Jan Mlyn&aacute;rik, de relancer le <span style="letter-spacing:-.1pt">d&eacute;bat dans la deuxi&egrave;me partie des ann&eacute;es 1970&nbsp;; et</span> &agrave; un exil&eacute;, Pavel Tigrid, de donner un &eacute;cho international au d&eacute;bat que provoque la publication de ses th&egrave;ses dans une des plus importantes revues de l&rsquo;exil qu&rsquo;il dirige &agrave; Paris&nbsp;: <i>Sv</i></span></span><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">ě</span></span></i><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">dectv&iacute; (T&eacute;moignage)</span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">. L&rsquo;engagement de Tigrid n&rsquo;a rien de fortuit. Avant de quitter la Tch&eacute;coslovaquie, il avait &eacute;t&eacute; un des tr&egrave;s rares politiques &agrave; protester contre le transfert.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Mlyn&aacute;rik porte sur le transfert un jugement sans appel. Il le rapproche des violences de masses des ann&eacute;es 1940, engendr&eacute;es par les syst&egrave;mes dictatoriaux nazi et communiste (le g&eacute;nocide des Juifs, les d&eacute;portations &agrave; l&rsquo;Est), et d&eacute;nonce </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">le principe de la culpabilit&eacute; collective sur lequel elles s&rsquo;appuient. L&agrave; o&ugrave; ses coll&egrave;gues ne voyaient qu&rsquo;un &laquo;&nbsp;mal incontournable&nbsp;&raquo;,<span style="letter-spacing:-.2pt"> Mlyn&aacute;rik voit la faillite de la d&eacute;mocratie, une perte des valeurs morales et mat&eacute;rielles. Les &eacute;preuves inflig&eacute;es par la normalisation aux historiens devraient selon lui les sensibiliser aux souffrances perp&eacute;tr&eacute;es et les amener &agrave; comprendre l&rsquo;urgence d&rsquo;un devoir de m&eacute;moire. Slovaque, Mlyn&aacute;rik est issu du m&ecirc;me milieu que les historiens r&eacute;formistes cit&eacute;s plus haut. D&eacute;class&eacute; comme eux apr&egrave;s 1969, membre de la Charte 77 comme eux, il s&rsquo;attaque &agrave; des cadres d&rsquo;interpr&eacute;tation que ces coll&egrave;gues n&rsquo;avaient jamais song&eacute; &agrave; remettre en question. Ses th&egrave;ses suscitent aupr&egrave;s d&rsquo;eux des r&eacute;actions n&eacute;</span></span></span><span lang="PT" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">gatives mais mitig</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&eacute;es. Certains comme H&uuml;bl, K</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">ř</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">en ou Kural, d&eacute;noncent ce qu&rsquo;ils consid&egrave;rent comme un amateurisme historien. Tous trois mettent en avant l&rsquo;autorit&eacute; de leur discipline et r&eacute;cusent toute r&eacute;&eacute;valuation anachronique du pass&eacute; &agrave; l&rsquo;aune de crit&egrave;res moraux. Au sein de la Charte&nbsp;77, leur autorit&eacute; se frotte &agrave; celle d&rsquo;un large spectre d&rsquo;intellectuels (comme le juriste Petr Pithart, l&rsquo;</span></span></span><span lang="DE" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">historien Milan Ot</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&aacute;hal, le psychologue Petr P</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">ř</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">ihoda) soucieux de s&rsquo;exprimer sur ce qui, &agrave; leurs yeux, rel&egrave;vent surtout de l&rsquo;identit&eacute; et peut par cons&eacute;quent &ecirc;tre remis en question. D&rsquo;autres critiques vont se d&eacute;velopper, en marge de la Charte, &agrave; partir d&rsquo;autres foyers culturels.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Dans les ann&eacute;es 1980, on constate par exemple en Tch&eacute;coslovaquie, comme en Hongrie ou en Pologne, un regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;Europe centrale. En 1984 sort &agrave; Prague le premier num&eacute;ro de <i>St</i></span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">ř</span></span></span><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">edn&iacute; Evropa, </span></span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">une revue samizdat. Elle rassemble, autour de l&rsquo;</span></span></span><span lang="DE" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">historien R</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">udolf Ku</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">č</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">era, des auteurs qui partagent la m&ecirc;me curiosit&eacute; intellectuelle pour ce qu&rsquo;ils per&ccedil;oivent comme un espace d&rsquo;exp&eacute;riences communes. Les d&eacute;portations des ann&eacute;es 1940 sont l&rsquo;une d&rsquo;entre elles, ils s&rsquo;y int&eacute;ressent, comme ils s&rsquo;int&eacute;ressent &agrave; la Shoah, aux minorit&eacute;s, et &agrave; tout ce qui constitue l&rsquo;identit&eacute; d&#39;une Europe centrale, la religion, le baroque, les nobles, tous ces th&egrave;mes tabous ou n&eacute;glig&eacute;s par l&rsquo;historiographie officielle selon eux. Leur engagement pour une r&eacute;vision de l&rsquo;histoire a des racines tr&egrave;s diff&eacute;rentes de celui <span style="letter-spacing:-.1pt">des historiens r&eacute;formistes. Ce sont des conservateurs, pour qui l&rsquo;ancienne Autriche</span>-Hongrie reste une r&eacute;f&eacute;rence, au plan politique comme au plan culturel, un antidote en tous les cas aux nationalismes de tout poil, dont les communistes ont su si bien tirer parti &agrave; partir de 1945. Ils repr&eacute;sentent une alternative nouvelle, qui rentre en concurrence avec celle que les historiens marxistes proposent depuis les ann&eacute;es 1960. Ces clivages id&eacute;ologiques s&rsquo;av&egrave;rent plus significatifs que celui qui distinguerait une histoire &laquo;&nbsp;institutionnelle&nbsp;&raquo; d&rsquo;une &laquo;&nbsp;histoire dissidente&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;alternative&nbsp;&raquo; et qui, dans les ann&eacute;es 1980, ne correspond plus que tr&egrave;s imparfaitement &agrave; la r&eacute;alit&eacute; acad&eacute;mique.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Le d&eacute;bat provoqu&eacute; par les th&egrave;ses de Mlyn&aacute;rik a profit&eacute; &agrave; la recherche sur les relations tch&eacute;co-allemandes. Certaines &eacute;tudes significatives naissent &agrave; cette p&eacute;riode : celles de K</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">ř</span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">en (qui se consacre enti&egrave;rement &agrave; l&rsquo;histoire de ces rapports depuis le XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle) et de Kural (qui &eacute;tudie ces rapports sous la premi&egrave;re R&eacute;publique, puis le Protectorat). Tous deux cherchent &agrave; reconstituer une cha&icirc;ne de causalit&eacute;s pour expliquer comment Allemands et Tch&egrave;ques sont pass&eacute;s d&rsquo;une coexistence pacifique au conflit ouvert, avec pour cons&eacute;quence la guerre et l&rsquo;expulsion. &Agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque, le discours national est en profonde mutation en RFA, en qu&ecirc;te d&rsquo;une &laquo;&nbsp;normalit&eacute;&nbsp;&raquo; historique. Le r&eacute;cit qu&rsquo;ils &eacute;laborent va dans le sens d&rsquo;une &laquo;&nbsp;normalisation&nbsp;&raquo; des liens avec l&rsquo;Allemagne, que les dirigeants communistes appellent alors de plus en plus nettement de leurs v&oelig;ux. Bien que signataires de la Charte 77, ces deux auteurs sont alors autoris&eacute;s &agrave; accepter l&rsquo;invitation de l&rsquo;universit&eacute; de Br&ecirc;me en 1983-1984. Mlyn&aacute;rik ne jouit pas des m&ecirc;mes faveurs. Lorsqu&rsquo;il se rend en Allemagne f&eacute;d&eacute;rale, en 1982, c&rsquo;est au terme d&rsquo;une garde &agrave; vue de treize mois, accus&eacute; de diffuser de la litt&eacute;rature interdite. &Agrave; l&rsquo;issue de son proc&egrave;s, les autorit&eacute;s du r&eacute;gime de Hus&aacute;k lui donn&egrave;rent le choix de rester en prison ou de s&rsquo;exiler.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">S&rsquo;il est vrai que les ann&eacute;es 1980 ont constitu&eacute; une &eacute;tape d&eacute;cisive dans la prise de conscience de la n&eacute;</span></span></span><span lang="IT" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">cessit</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&eacute; d&rsquo;&eacute;crire l&rsquo;histoire du transfert et que l&rsquo;esprit dissident a jou&eacute; </span></span></span><span lang="IT" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">ici un r</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&ocirc;le primordial, la dynamique n&eacute;e &agrave; cette &eacute;poque va dans des sens diff&eacute;rents, selon des traditions et des projets politiques diff&eacute;rents. L&rsquo;apr&egrave;s 1989 apporta des conditions nouvelles qui transformeront radicalement ce champ de recherche.</span></span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Apr&egrave;s 1989, le transfert entre politique et histoire</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">En novembre&nbsp;1989, V&aacute;clav Havel, &agrave; titre personnel en tant que dissident et avant m&ecirc;me la chute du Mur, exprime des excuses aux Allemands des Sud&egrave;tes pour les expulsions d&rsquo;apr&egrave;s-guerre. Dans un entretien accord&eacute; au journal <i>Stern</i>, lors de sa premi&egrave;re visite en Allemagne de l&rsquo;Ouest en tant que pr&eacute;sident, au d&eacute;but de l&rsquo;ann&eacute;e 1990, il condamne de nouveau l&rsquo;expulsion des Allemands, et le principe de la culpabilit&eacute; collective<a name="_ftnref7"></a><a href="#_ftn7"><sup><span style="color:black">[7]</span></sup></a>. Si son geste &eacute;tait embl&eacute;matique de l&rsquo;ouverture des dissidents &agrave; cette question, la r&eacute;action de l&rsquo;opinion tch&egrave;que montra &agrave; quel point elle &eacute;tait peu pr&eacute;par&eacute;e &agrave; une r&eacute;&eacute;valuation du pass&eacute;. Quelques ann&eacute;es plus tard, l&rsquo;affaire Dreithaler, un entrepreneur allemand qui r&eacute;clamait que lui soient restitu&eacute;es des propri&eacute;t&eacute;s confisqu&eacute;es en vertu des d&eacute;crets Bene&scaron;, t&eacute;moigna de la peur qu&rsquo;inspirait aupr&egrave;s d&rsquo;une partie de l&rsquo;opinion tch&egrave;que toute tentative de reconnaissance des droits des expuls&eacute;s<a name="_ftnref8"></a><a href="#_ftn8"><sup><span style="color:black">[8]</span></sup></a>. &Agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque, la voix de ceux qui critiquent le transfert, et veulent &oelig;uvrer &agrave; sa m&eacute;moire se fait plus entendre. En 1997, une d&eacute;claration de r&eacute;conciliation germano-tch&egrave;que, qui exprime les excuses des Allemands envers les Tch&egrave;ques et des Tch&egrave;ques envers les Allemands, est sign&eacute;e entre les deux gouvernements et ratifi&eacute;e par </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">les parlements. Pour autant, quelles que soient les avanc&eacute;es de la politique de r&eacute;conciliation, la question allemande<span style="letter-spacing:.1pt"> n&rsquo;en finit pas de faire d&eacute;bat, clivant l&rsquo;opinion tch&egrave;que entre ceux qui trouvent le transfert l&eacute;gitime et ceux qui le d&eacute;plorent ou le condamnent. Dans ce d&eacute;bat, certains historiens s&rsquo;efforcent de jouer un r&ocirc;le mod&eacute;rateur, sans avoir forc&eacute;ment voix au chapitre. D&rsquo;autres poursuivent leur travail sur le transfert, en marge du d&eacute;bat. Parmi les premiers, on retrouve souvent ceux qui avaient investi cette th&eacute;matique avant 1989. Dans la premi&egrave;re moiti&eacute; des ann&eacute;es 1990, ce sont eux qui dominent ce champ historiographique.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">En 1994, V.&nbsp;Kural estime que l&rsquo;historiographie tch&egrave;que a produit depuis 1989 plus qu&rsquo;au cours des quarante derni&egrave;res ann&eacute;es. Les ann&eacute;es 1990 repr&eacute;sentent assur&eacute;ment un tournant sur le plan &eacute;ditorial, mais les publications de cette &eacute;poque rendent surtout compte du travail accompli avant 1989. &Agrave; c&ocirc;t&eacute; des ouvrages qui rappellent les d&eacute;bats provoqu&eacute;s par les th&egrave;ses de Mlyn&aacute;rik, les Tch&egrave;ques </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">disposent dor&eacute;navant, gr&acirc;ce aux livres de Kural</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt"> et K</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">ř</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">en, d&rsquo;une imposante fresque de la coexistence des Tch&egrave;ques et des Allemands depuis l&rsquo;empire des Habsbourg. Des travaux sur l&rsquo;apr&egrave;s-guerre compl&egrave;tent ces &oelig;uvres. Koural se f&eacute;licite&nbsp;: les historiens tch&egrave;ques ne sont plus en reste par rapport aux historiens allemands </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">dans ce domaine<a name="_ftnref9"></a><a href="#_ftn9"><sup><span style="color:black">[9]</span></sup></a>. Ce que ne dit pas Kural, </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">c&rsquo;est que les titres concernant l&rsquo;apr&egrave;s-guerre, donc le transfert lui-m&ecirc;me, sont d&rsquo;un auteur qui appartient &agrave; une toute autre exp&eacute;rience que celle de V.&nbsp;Kural.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">N&eacute; &agrave; Ostrava en 1952, Tom&aacute;&scaron; Stan</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">ě</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">k reconna&icirc;t avoir &eacute;t&eacute; influenc&eacute; par les d&eacute;bats dissidents sur la question allemande dans les ann&eacute;</span></span></span><span lang="PT" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">es 1970, mais c</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">&rsquo;est dans les structures acad&eacute;miques de la Tch&eacute;coslovaquie des ann&eacute;es 1980, &agrave; l&rsquo;instar d&rsquo;autres historiens comme Jaroslav Ku</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">č</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">era, qu&rsquo;il commence &agrave; travailler sur les Allemands expuls&eacute;s de Boh&ecirc;me. Dans un entretien donn&eacute; r&eacute;cemment &agrave; un journal historien, il rappelle comment, enfant, il avait &eacute;t&eacute; confront&eacute; au spectacle de ces espaces frontaliers o&ugrave; avaient v&eacute;cu les Allemands avant d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; expuls&eacute;s, et combien l&rsquo;atmosph&egrave;re &eacute;trange de ces lieux l&rsquo;avait alors interpell&eacute;. Devenu jeune historien, il avait cherch&eacute; des r&eacute;ponses &agrave; ces questions dans la litt&eacute;rature disponible. En poste &agrave; Opava (dans le nord de la Moravie), il avait eu acc&egrave;s &agrave; ce que les Allemands &eacute;crivaient sur la question. Des travaux d&rsquo;ethnographes locaux, malgr&eacute; certaines formulations id&eacute;ologiques, lui avaient fourni d&rsquo;autres pistes. L&rsquo;</span></span></span><span lang="IT" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">acc</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">&egrave;s aux archives r&eacute;gionales </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">l&rsquo;avait rapproch&eacute; de la r&eacute;alit&eacute; de la politique</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt"> men&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des Allemands apr&egrave;s la guerre. Il avait alors r&eacute;dig&eacute; ses premi&egrave;res &eacute;tudes sur le transfert, qui ne pourront &ecirc;tre publi&eacute;es qu&rsquo;apr&egrave;s 1989<a name="_ftnref10"></a><a href="#_ftn10"><sup><span style="color:black">[10]</span></sup></a>. Dans les ann&eacute;es 1990, il est un des premiers &agrave; profiter de l&rsquo;</span></span></span><span lang="IT" style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">acc</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">&egrave;s </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">&eacute;largi aux fonds du minist&egrave;re de l&rsquo;int&eacute;rieur sur l&rsquo;expulsion. Il peut ainsi documenter</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt"> plus syst&eacute;matiquement ce qu&rsquo;il avait per&ccedil;u par bribes dans les archives d&rsquo;Opava. Il apporte notamment une vision nouvelle des reponsabilit&eacute;s politiques et administratives tch&egrave;ques dans l&rsquo;ex&eacute;cution de la premi&egrave;re phase du transfert. Les premiers mois du transfert, en 1945, constituent ce qu&rsquo;on appelle la phase &quot;sauvage&quot; du transfert, celle &agrave; laquelle sont associ&eacute;s les pires exc&egrave;s. Stan</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">ě</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">k, contrairement &agrave; beaucoup d&rsquo;auteurs avant et apr&egrave;s lui, montre qu&rsquo;on ne peut imputer la responsabilit&eacute; de cette &eacute;tape du transfert &agrave; une pr&eacute;tendue pulsion de la population. Stan</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">ě</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">k, tout comme son homologue J.&nbsp;Ku</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">č</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">era, deviennent des sp&eacute;cialistes incontournables du transfert. Leur exp&eacute;rience de recherche est diff&eacute;rente de celle qu&rsquo;ont connue les historiens-r&eacute;formistes-dissidents. De ces deux exp&eacute;riences d&eacute;coulent deux mani&egrave;res d&rsquo;envisager l&rsquo;historiographie du transfert apr&egrave;s 1989.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">Ceux qui, hors institution, ont pendant plus de vingt ans &oelig;uvr&eacute; &agrave; la transformation de la m&eacute;moire du transfert des Allemands veulent poursuivre leur &oelig;uvre apr&egrave;s 1989. Ils se sentent investis du devoir de combler les pages blanches de l&rsquo;histoire tch&egrave;que. Une partie d&rsquo;entre eux pense pouvoir mettre le savoir-faire historien au service d&rsquo;une politique de r&eacute;conciliation germano-tch&egrave;que. Ils sont &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;une institution qui deviendra le foyer de cette orientation : la commission mixte d&rsquo;historiens, dirig&eacute;e jusqu&rsquo;en 2000 par J.&nbsp;K</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">ř</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">en. Au sein de cette commission, des historiens tch&egrave;ques, </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">slovaques et allemands s&rsquo;efforcent de s&rsquo;entendre sur les cadres d&rsquo;une histoire partag&eacute;e. Dans la continuit&eacute; des visions forg&eacute;es hors institution avant 1989, ils &eacute;laborent les bases d&rsquo;un r&eacute;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">cit acceptable pour chacune des parties impliqu&eacute;es (allemande, tch&egrave;que et slovaque) et nourrissent l&rsquo;espoir de produire une histoire &laquo;&nbsp;r&eacute;paratrice&nbsp;&raquo; appuy&eacute;e sur le rapprochement des narrations nationales des uns et des autres. Un ouvrage collectif intitul&eacute; <i>Pour comprendre l&rsquo;histoire. Les relations tch&eacute;co-allemandes entre 1848 et 1948</i> rend compte de ce travail<a name="_ftnref11"></a><a href="#_ftn11"><sup><span style="color:black">[11]</span></sup></a>. L&rsquo;objectif des auteurs est d&rsquo;expliquer l&rsquo;&eacute;chec d&rsquo;une cohabitation de plus de huit si&egrave;cles et son d&eacute;nouement, de montrer les &laquo; raisons historiques &raquo; de la politique de d&eacute;portation (qui occupe un tiers de l&rsquo;ouvrage). Tout est fait dans le r&eacute;cit pour pr&eacute;senter le transfert comme une cons&eacute;quence in&eacute;luctable de l&rsquo;exp&eacute;rience nazie, et comme la seule solution envisageable apr&egrave;s la guerre. Sur les quatre chapitres consacr&eacute;s au transfert (pp. 190-292), une vingtaine de pages seulement (pp.&nbsp;208-228) concernent sa r&eacute;alisation. Le dernier chapitre consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;interpr&eacute;tation des d&eacute;crets Bene&scaron; aujourd&rsquo;hui ach&egrave;ve d&rsquo;inscrire l&rsquo;ouvrage dans l&rsquo;actualit&eacute; du d&eacute;bat public. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.15pt">De l&rsquo;avis g&eacute;n&eacute;ral, la commission constitue une plate-forme int&eacute;ressante qui contribue &agrave; une certaine valorisation de la recherche, encourage le dialogue entre historiens tch&egrave;ques, </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">slovaques et allemands. Elle n&rsquo;est ce<span style="letter-spacing:-.2pt">pendant que tr&egrave;s partiellement repr&eacute;sentative</span><span style="letter-spacing:.15pt"> des avanc&eacute;es de l&rsquo;historiographie tch&egrave;que sur la question du transfert. Une autre &eacute;cole, d&eacute;velopp&eacute;e apr&egrave;s 1989 dans le sillage d&rsquo;auteurs tels que T.&nbsp;Stan</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.15pt">ě</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.15pt">k ou J.&nbsp;Ku</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.15pt">č</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.15pt">era, d&eacute;laisse la question des &laquo;&nbsp;racines historiques du transfert&nbsp;&raquo; au profit d&rsquo;une l&rsquo;analyse minutieuse des op&eacute;rations concr&egrave;tes de d&eacute;placements forc&eacute;s. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">&Agrave; partir des ann&eacute;es 2000, le nombre des auteurs travaillant sur la question des Allemands de Boh&ecirc;me en tirant profit des fonds d&rsquo;archives augmente. Ils privil&eacute;gient souvent les perspectives locales, comme autant de sondes </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">qui permettent de complexifier la fa&ccedil;on<span style="letter-spacing:.1pt"> d&rsquo;interroger les politiques migratoires pendant et apr&egrave;s la guerre, leur conception, leur r&eacute;alisation, leur impact. Les recherches de ces auteurs, tr&egrave;s proches des territoires, des faits et des acteurs, s&rsquo;ins&egrave;rent dans des th&eacute;matiques plus larges que le transfert des Allemands vers l&rsquo;Allemagne ou l&rsquo;Autriche. Elles concernent par exemple le repeuplement des espaces vid&eacute;s par les expulsions, le d&eacute;placement d&rsquo;Allemands vers le centre de la Boh&ecirc;me, le retour de certaines cat&eacute;gories d&rsquo;expuls&eacute;s, les d&eacute;placements d&rsquo;autres minorit&eacute;s<a name="_ftnref12"></a><a href="#_ftn12"><sup><span style="color:black">[12]</span></sup></a>. Soucieux d&rsquo;&eacute;clairer les ph&eacute;nom&egrave;nes migratoires, ces chercheurs sont amen&eacute;s &agrave; relier ce que les traditions historiographiques pr&eacute;c&eacute;dentes avaient artificiellement s&eacute;par&eacute;. Le transfert des Allemands des Sud&egrave;tes est en effet inextricablement li&eacute; &agrave; d&rsquo;autres migrations plus ou moins contraintes. Selon Adrian von Arburg, entre 1945 et 1950, un quart de Tch&egrave;ques tente de commencer une vie </span><span style="letter-spacing:.2pt">nouvelle dans les r&eacute;gions frontali&egrave;res habit&eacute;es jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;expulsion par les Allemands<a name="_ftnref13"></a><a href="#_ftn13"><sup><span style="color:black">[13]</span></sup></a>. </span><span style="letter-spacing:.1pt">La politique de repeuplement des r&eacute;gions d&eacute;sert&eacute;es co&iuml;ncide avec l&rsquo;instauration d&rsquo;un nouveau mod&egrave;le social (sovi&eacute;tis&eacute; et &laquo;&nbsp;sans classes&nbsp;&raquo;) et la programmation de cette politique de repeuplement commence d&egrave;s 1945. Les chercheurs questionnent le lien entre ces diff&eacute;rentes politiques. Comprendre ce lien implique de sonder le terrain non seulement d&rsquo;un point de vue politique et social, mais aussi </span><span style="letter-spacing:-.1pt">&eacute;conomique (en observant notamment les mutations de l&rsquo;industrie et de l&rsquo;artisanat), juridique, d&eacute;mographique et ethnologique. Dans ces domaines, un travail consid&eacute;rable a &eacute;t&eacute; accompli, mais c&rsquo;est une historiographie qui a les d&eacute;fauts de ses qualit&eacute;s&nbsp;: innovante, tr&egrave;s fouill&eacute;e, elle reste pour le moment assez &eacute;clat&eacute;e, on peut lui reprocher de ne pas proposer de synth&egrave;se ou de rester encore trop en retrait d&rsquo;un d&eacute;bat public sur le transfert des Allemands sud&egrave;tes qui n&rsquo;en finit pas d&rsquo;agiter l&rsquo;opinion tch&egrave;que.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica">L&rsquo;&eacute;poque o&ugrave; le transfert s&rsquo;effa&ccedil;ait des actualit&eacute;s et disparaissait de l&rsquo;histoire nationale des Tch&egrave;ques et des Slovaques est aujourd&rsquo;hui bien r&eacute;volue, pour autant, les passions autour de son interpr&eacute;tation montrent qu&rsquo;on a toujours affaire &agrave; un pass&eacute; qui ne <span style="letter-spacing:-.3pt">passe pas. En 2010, un documentaire de </span><span style="letter-spacing:-.2pt">David Vondr&aacute;ček diffus&eacute; par la t&eacute;l&eacute;vision </span><span style="letter-spacing:.1pt">tch&egrave;que cr&eacute;a ainsi la pol&eacute;mique. Sous le titre provocateur de <i>Tuerie &agrave; la tch&egrave;que</i> (&laquo;&nbsp;Zabijen&iacute; po česku&nbsp;&raquo;), le cin&eacute;aste revenait sur un &eacute;pisode de l&rsquo;expulsion des Allemands sud&egrave;tes &agrave; l&rsquo;aide, entre autres, d&rsquo;images tourn&eacute;es &agrave; l&rsquo;&eacute;poque par un amateur. Son tableau ne m&eacute;nageait pas la m&eacute;moire des autorit&eacute;s locales et nationales impliqu&eacute;es dans l&rsquo;op&eacute;ration &eacute;voqu&eacute;e. Dans la m&ecirc;me veine, des journalistes reviennent r&eacute;guli&egrave;rement sur les violences &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des expuls&eacute;s sud&egrave;tes, au grand dam des historiens. Contre ces rappels intempestifs du pass&eacute;, qu&rsquo;ils consid&egrave;rent comme des ing&eacute;rences dans leur domaine, certains d&rsquo;entre eux cherchent &agrave; d&eacute;fendre bon an mal an les fronti&egrave;res de leur discipline<a name="_ftnref14"></a><a href="#_ftn14"><sup><span style="color:blue">[14]</span></sup></a>. D&rsquo;autres, nous l&rsquo;avons vu, acceptent de facto le d&eacute;bat dans lequel ils s&rsquo;engagent en tant qu&rsquo;experts. Ce sont souvent les m&ecirc;mes qui, avant 1989, ont &oelig;uvr&eacute; &agrave; sortir le transfert du silence o&ugrave; l&rsquo;avait rel&eacute;gu&eacute; la propagande d&rsquo;apr&egrave;s-guerre. La vision du transfert qu&rsquo;ils d&eacute;fendent doit aussi constituer une alternative &agrave; la litt&eacute;rature plus ou moins savante qui interpr&egrave;te les d&eacute;portations d&rsquo;Allemands apr&egrave;s-guerre dans les grilles de l&rsquo;&eacute;puration ethnique (Voir note&nbsp;2). C&rsquo;est en marge de ces deux modes d&rsquo;engagements historiens que se cultive actuellement la recherche la plus f&eacute;conde et la plus prometteuse concernant le transfert des Allemands sud&egrave;tes. En partant des sources, plut&ocirc;t que de sch&eacute;mas pr&eacute;&eacute;tablis, cette nouvelle historiographie tch&egrave;que bat en br&egrave;che un certain nombre de st&eacute;r&eacute;otypes durables, comme celui concernant la phase dite &laquo;&nbsp;sauvage&nbsp;&raquo; du transfert, celle o&ugrave; l&rsquo;on compte le plus d&rsquo;exc&egrave;s et que la litt&eacute;rature ant&eacute;rieure attribuait &agrave; une &laquo;&nbsp;vindicte populaire incontr&ocirc;l&eacute;e&nbsp;&raquo;. Ce faisant, elle dresse un bilan tr&egrave;s s&eacute;v&egrave;re sur les responsabilit&eacute;s individuelles et collectives (politiques, sociales, militaires) des Tch&egrave;ques dans la politique de d&eacute;portation, bilan qui va parfois bien au-del&agrave; des condamnations que v&eacute;hiculent certains m&eacute;dias avides de sensationnel. Cette recherche, encore un peu isol&eacute;e au sein de l&rsquo;historiographie de l&rsquo;apr&egrave;s-guerre et du communisme, remet de plus en plus en cause les cadres nationaux et temporels dans lesquels est traditionnellement pens&eacute;e et &eacute;crite l&rsquo;exp&eacute;rience tch&egrave;que apr&egrave;s 1945.</span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn1"></a><a href="#_ftnref1"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[1]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">Benjamin Frommer, <i>National Cleansing. Retribution against Nazi Collaborators in Postwar Czechoslovakia, </i>Cambridge, Cambridge University Press, 2005.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn2"></a><a href="#_ftnref2"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[2]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Ray M. Douglas, <i>Les Expuls&eacute;s, </i>Paris, Flammarion, 2012 ; Norman M. Naimark, <i>Fires of Hatred, Ethnic Cleansing in Twentieth Century, </i>Harvard, 2001, traduit en tch&egrave;que en 2006 ; Alfred Maurice de Zayas, <i>Die Deutschen Vertriebenen &laquo;&nbsp; Keine T&auml;ter sonder Opfer&nbsp;&raquo;, </i>Graz, Aresverlag, 2006.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn3"></a><a href="#_ftnref3"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[3]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Pavel Zeman, &laquo;&nbsp;My se nemst&iacute;me... Československ&yacute; zpravodajsk&yacute; a dokument&aacute;rn&iacute; film 1945-1947 a odsun Němců&nbsp;&raquo;, in <i>Pamět&lsquo; a dějiny , </i>2013/2, pp. 16-23.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn4"></a><a href="#_ftnref4"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[4]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Tom&aacute;&scaron; Staněk &ndash; </span></span><span lang="DE" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Adrian von Arburg</span></span><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">, &laquo;&nbsp;Organizovan&eacute; divok&eacute; odsuny? &Uacute;loha &uacute;středn&iacute;ch st&aacute;tn&iacute;ch org&aacute;nů při prov&aacute;děn&iacute; &quot;evakuace&quot; německ&eacute;ho obyvatelstva (květen až z&aacute;ř&iacute; 1945)&nbsp;&raquo;, <i>Soudob&eacute; dějiny, </i>2005/3-4, Prague, pp.&nbsp;433-465,&nbsp;p. 499.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn5"></a><a href="#_ftnref5"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[5]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:-.05pt">Michal K<i>&scaron;</i>inan a kol.</span></span></span>
<span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:-.05pt"> : <i>Communists and Uprisings. Ritualisation of Remembrance of the Anti-Nazi Uprisings in Central Europe (1945&ndash;1960),</i> Krak&oacute;w, Towarzystwo Słowak&oacute;w w Polsce, 2012.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn6"></a><a href="#_ftnref6"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[6]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">V&iacute;tězslav Sommer, <i>Angažovan&eacute; dějepisectv&iacute;, </i>Prague, Lidov&eacute; Noviny, 2011.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn7"></a><a href="#_ftnref7"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[7]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir Anne Bazin, &laquo;&nbsp;Excuses et gestes symboliques dans le rapprochement de l&rsquo;Allemagne avec ses voisins &agrave; l&rsquo;est&nbsp;&raquo;, <i>Raison publique</i>,<i> </i>n&deg;&nbsp;10, mai 2009. [En ligne], URL&nbsp;: <u><span style="color:blue">http://www.raison-publique.fr/article563.html</span></u></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn8"></a><a href="#_ftnref8"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[8]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir Dastakian Anne, &laquo;&nbsp;Tch&eacute;coslovaquie : pas d&rsquo;abolition du d&eacute;cret de 1945 sur les Tch&egrave;ques d&rsquo;origine allemande&nbsp;&raquo;, <i>Lib&eacute;ration</i>, 10 mars 1995. [En ligne], URL&nbsp;: http://www.liberation.fr/monde/1995/03/10/tchecoslovaquie-pas-d-abolition-du-decret-de-1945-sur-les-tcheques-d-origine-allemande_127591</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn9"></a><a href="#_ftnref9"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[9]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">V&aacute;clav Kural, <i>M&iacute;sto společenstv&iacute;, konflikt. Če&scaron;i a Němci ve velkon</i>ě<i>meck&eacute; ř&iacute;&scaron;i a cesta k&nbsp;odsunu (1938-1945), </i>Prague, &Uacute;stav mezin&aacute;rodn&iacute;ch vztahů, 1994, pp. 3-4.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn10"></a><a href="#_ftnref10"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[10]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica">Petr Blažek, Pavel Zeman, &laquo;&nbsp;Nechat mluvit fakta&nbsp;&raquo;, <i>Pamět&lsquo; a dějiny , </i>2013/2, pp. 63-74.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn11"></a><a href="#_ftnref11"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[11]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">Bene&scaron; et al., <i>Rozum</i></span></span></span><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.05pt">ě</span></span></span></i><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">t d</span></span></span></i><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.05pt">ě</span></span></span></i><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">jin&aacute;m V&yacute;voj </span></span></span></i><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.05pt">č</span></span></span></i><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">esko-n</span></span></span></i><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.05pt">ě</span></span></span></i><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">meck&yacute;ch vztahů na na&scaron;em &uacute;zem&iacute; v&nbsp;letech 1848-1948, </span></span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">Prague, Gallery, 2002. </span></span></span><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:.1pt">La version allemande originale&nbsp;: <u><span style="color:blue">www.collegium-carolinum.de/doku/vdok/hiko-benes.htm</span></u></span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn12"></a><a href="#_ftnref12"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[12]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Parmi ces auteurs, citons&nbsp;Adrian von Arburg, Tom&aacute;&scaron; Dvoř&aacute;k, Matěj Spurn&yacute;.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn13"></a><a href="#_ftnref13"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[13]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Adrian von Arburg, &laquo;&nbsp;Tak či onak. Nucen&eacute; přes&iacute;dlen&iacute; v&nbsp;komplexn&iacute;m pojet&iacute; pov&aacute;lečn&eacute; s&iacute;deln&iacute; politiky v&nbsp;česk&yacute;ch zem&iacute;ch&nbsp;&raquo;, <i>Soudob&eacute; dějiny, </i>2003/3, pp. 253-292. A. v. Arburg est suisse, mais a fait son doctorat &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Charles de Prague. Il publie abondamment en tch&egrave;que dans des revues tch&egrave;ques, et a coop&eacute;r&eacute;&nbsp; avec T. Staněk depuis la fin des ann&eacute;es 1990.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn14"></a><a href="#_ftnref14"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[14]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> En 2002, un collectif d&rsquo;historiens signe une d&eacute;claration contre la politisation de l&rsquo;histoire (&laquo;&nbsp;Les historiens contre le viol de l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;).</span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p>