<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Avant d&rsquo;aborder la question pos&eacute;e dans le titre<a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></a>, indiquons d&rsquo;embl&eacute;e que personne ne conteste &eacute;videmment le fait que la Premi&egrave;re Guerre mondiale entra&icirc;na de profonds bouleversements &ndash; g&eacute;opolitiques, politiques, sociaux, &eacute;conomiques, culturels&nbsp;&ndash; tant en Europe que dans le reste du monde, et que son empreinte marqua non moins profond&eacute;ment la suite du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;; il suffira de rappeler les 13&nbsp;millions de morts g&eacute;n&eacute;r&eacute;s par ce conflit, le deuil interminable de leurs veuves, de leurs orphelins et de leurs descendants jusqu&rsquo;&agrave; aujourd&rsquo;hui&nbsp;; le fait aussi que 72&nbsp;&Eacute;tats, r&eacute;partis sur toute la plan&egrave;te, se pr&eacute;occupent des comm&eacute;morations du centenaire de cette guerre t&eacute;moigne encore de ce que, dans nombre de soci&eacute;t&eacute;s, l&rsquo;histoire et les m&eacute;moires de cette guerre tiennent aujourd&rsquo;hui une place centrale. Pour autant, que dit-on exactement quand on soutient que la Grande Guerre fut la matrice du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle monstrueux, quand on affirme&nbsp;qu&rsquo;elle fut la matrice des totalitarismes, du communisme, du nazisme, du syst&egrave;me concentrationnaire, et de la destruction des Juifs d&rsquo;Europe&nbsp;? Et plus encore, que ne dit-on pas&nbsp;?</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Les historiens les plus en vue et, &agrave; leur suite, la plupart des m&eacute;dias diffusent avec tant d&rsquo;insistance cette interpr&eacute;tation du pass&eacute; qu&rsquo;elle finit par prendre les apparences de l&rsquo;&eacute;vidence, de la r&eacute;v&eacute;lation &ndash; au sens quasi-religieux du terme&nbsp;&ndash;, bref, de la v&eacute;rit&eacute; incontestable&nbsp;; en tout &eacute;tat de cause, ce qui caract&eacute;rise celle-ci, c&rsquo;est qu&rsquo;elle s&rsquo;insinue sur tous les supports, dans tous les espaces &ndash;&nbsp;savant, scolaire et public&nbsp;&ndash; et ne souffre aucune discussion. En ce sens, on peut soutenir qu&rsquo;elle est devenue la vulgate de la fin du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et du nouveau mill&eacute;naire. J&rsquo;ajouterai enfin que, comme toute interpr&eacute;tation du pass&eacute;, elle s&rsquo;inscrit dans un pr&eacute;sent charg&eacute; d&rsquo;une certaine conception de l&rsquo;histoire et de l&rsquo;homme ainsi que d&rsquo;une vision du futur&nbsp;; bref, d&rsquo;une certaine id&eacute;ologie.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">Recenser toutes les manifestations de ce ph&eacute;nom&egrave;ne est impossible tant elles sont nombreuses et r&eacute;currentes<a name="_ftnref2"></a><a href="#_ftn2" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a>. Aussi n&rsquo;en rel&egrave;verai-je que quelques-unes parmi les plus r&eacute;centes en France et en Belgique. L&rsquo;une des plus significatives figure sur la toile. En l&rsquo;occurrence, il s&rsquo;agit d&rsquo;un cours de facult&eacute; mis en ligne sur le site de Fun<a name="_ftnref3"></a><a href="#_ftn3" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a> intitul&eacute; &laquo;&nbsp;La Premi&egrave;re Guerre mondiale <i>&eacute;tudi&eacute;e</i> &agrave; travers ses archives&nbsp;&raquo; et dispens&eacute; en partenariat avec la Biblioth&egrave;que de documentation internationale contemporaine (la BDIC)&nbsp;; Annette Becker, professeure d&rsquo;histoire contemporaine &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paris X-Nanterre<a name="_ftnref4"></a><a href="#_ftn4" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a> anime en personne la vid&eacute;o d&rsquo;introduction&nbsp;: sur des images de guerre et une musique de circonstance, les premiers mots donnent imm&eacute;diatement le ton&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;La Grande Guerre est une trag&eacute;die dont est sorti le XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle tout entier&hellip;&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Le site pr&eacute;cise que le cours de l&rsquo;historienne liera les deux g&eacute;nocides du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;: celui des Arm&eacute;niens et celui des Juifs<a name="_ftnref5"></a><a href="#_ftn5" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[5]</span></sup></a>. Sans pr&eacute;juger outre mesure du contenu effectif du cours, clairement, 1914-1945 forme une s&eacute;quence distincte centr&eacute;e sur les violences g&eacute;nocidaires.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Dans l&rsquo;avant-propos d&rsquo;un dossier sp&eacute;cial intitul&eacute; &laquo;&nbsp;14-18, la catastrophe&nbsp;&raquo; propos&eacute; &agrave; l&rsquo;automne 2013 par le magazine <i>L&rsquo;Histoire</i>, on peut lire<i>&nbsp;</i>:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;[&hellip;] les c&eacute;r&eacute;monies du centenaire [&hellip;] redonnent &agrave; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement son ampleur. Car ce conflit fut bien un &eacute;branlement du monde, entra&icirc;nant les empires coloniaux, bouleversant les hi&eacute;rarchies, pr&eacute;cipitant la naissance des totalitarismes&hellip;&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref6"></a><a href="#_ftn6" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[6]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Dans le m&ecirc;me temps, le Mus&eacute;e royal de l&rsquo;arm&eacute;e et d&rsquo;histoire militaire belge, &agrave; Bruxelles, propose aux visiteurs une exposition intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;Belgique 1914-1945, parcours de t&eacute;moins au c&oelig;ur de la tourmente&nbsp;&raquo;. Le panneau introductif pr&eacute;cise&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;[&hellip;] L&rsquo;histoire en est le fonds auquel elle a &eacute;t&eacute; aliment&eacute;e pour, &agrave; grands traits, reconstituer cette sc&egrave;ne qui, de 1914 &agrave; 1945, fait subir &agrave; l&rsquo;Europe deux guerres totales et, sous le signe de la terreur nazie, la destruction des Juifs d&rsquo;Europe&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref7"></a><a href="#_ftn7" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[7]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Une nouvelle fois, les deux guerres sont nou&eacute;es et forment une &laquo;&nbsp;sc&egrave;ne&nbsp;&raquo;, une m&ecirc;me s&eacute;quence de guerre. S&rsquo;agissant de &laquo;&nbsp;l&rsquo;internement des populations pendant la Grande Guerre&nbsp;&raquo;, une phrase &eacute;tablit implicitement un lien g&eacute;n&eacute;alogique entre les violences exerc&eacute;es &agrave; l&rsquo;encontre des populations civiles durant les deux guerres mondiales&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;D&eacute;portations, camps et travail forc&eacute;&nbsp;: les camps d&rsquo;internement de civils, nomm&eacute;s &quot;camps de concentration&quot;, les barbel&eacute;s, parfois &eacute;lectrifi&eacute;s, les miradors, appartiennent au paysage de la Grande Guerre&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ne quittons pas la Belgique. Deux ans plus t&ocirc;t, voici ce qu&rsquo;une historienne belge &eacute;crivait dans une tribune publi&eacute;e dans un grand quotidien du royaume&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&laquo;&nbsp;[&hellip;] les historiens de la Grande Guerre ne cessent de souligner le caract&egrave;re inaugural de ce conflit, v&eacute;ritable matrice du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et de ses violences extr&ecirc;mes. [&hellip;] Le prix attach&eacute; &agrave; la vie humaine s&rsquo;est effondr&eacute; au sein de toutes les soci&eacute;t&eacute;s engag&eacute;es dans le conflit, entra&icirc;nant un processus de &quot;brutalisation&quot; auquel m&ecirc;me les civils n&rsquo;&eacute;chappe</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">ront pas et dont les cons&eacute;quences ont largement d&eacute;pass&eacute; la fin du conflit&hellip;&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref8"></a><a href="#_ftn8" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[8]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Pr&eacute;cisons tout de suite que le mot &laquo;&nbsp;brutalisation&nbsp;&raquo; doit s&rsquo;entendre au sens de &laquo;&nbsp;rendre brutal&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;ensauvag&eacute;&nbsp;&raquo;, violent. Preuve de son installation durable dans le paysage intellectuel et m&eacute;diatique, on retrouve ce terme dans le num&eacute;ro sp&eacute;cial du <i>Nouvel Observateur</i> surfant sur la vague comm&eacute;morative pr&eacute;sente&nbsp;: l&rsquo;hebdomadaire titre l&rsquo;interview d&rsquo;un historien sp&eacute;cialiste de la Grande Guerre&nbsp;: &laquo;&nbsp;La brutalisation du monde&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref9"></a><a href="#_ftn9" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[9]</span></sup></a>. Le terme de &laquo;&nbsp;brutalisation&nbsp;&raquo; est en effet tr&egrave;s important, il est m&ecirc;me au c&oelig;ur de la vulgate consacrant la Grande Guerre &laquo;&nbsp;laboratoire du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo; monstrueux. C&rsquo;est ce que d&eacute;voile la g&eacute;n&eacute;alogie de cette figure matricielle que l&rsquo;on peut essayer de reconstituer &agrave; partir des ouvrages qui ont marqu&eacute; les deux derni&egrave;res d&eacute;cennies et qui forment une communaut&eacute; interpr&eacute;tative h&eacute;g&eacute;monique.</span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Quelques jalons pour une g&eacute;n&eacute;alogie fran&ccedil;aise d&rsquo;une vulgate occidentale</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Partons &agrave; rebours et ouvrons tout d&rsquo;abord le tr&egrave;s embl&eacute;matique <i>Manuel </i></span></span></span><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">d&rsquo;histoire franco-allemand</span></span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"> publi&eacute; en 2008, ce manuel qui fut salu&eacute; en </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">grande pompe par les plus hautes autorit&eacute;s politiques des r&eacute;publiques fran&ccedil;aise et allemande comme le symbole &eacute;clatant de l&rsquo;ach&egrave;vement de la r&eacute;conciliation<a name="_ftnref10"></a><a href="#_ftn10" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[10]</span></sup></a>. Au chapitre&nbsp;11 de ce manuel (intitul&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;1914-1918&nbsp;: de la guerre europ&eacute;enne &agrave; la guerre mondiale&nbsp;&raquo;), une courte introduction mettait en exergue l&rsquo;id&eacute;e structurante de ce chapitre et des suivants&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;[...] le conflit est alors nomm&eacute; &quot;la Grande Guerre&quot;. Sa violence inou&iuml;e est pourtant accept&eacute;e par les soci&eacute;t&eacute;s en guerre et int&eacute;gr&eacute;e dans l&rsquo;exp&eacute;rience individuelle. &Eacute;v&eacute;nement fondateur du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, la Premi&egrave;re Guerre mondiale ouvre ainsi une &egrave;re marqu&eacute;e par la radicalisation des nationalismes et des id&eacute;ologies et le temps des massacres de masse.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref11"></a><a href="#_ftn11" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[11]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ainsi, les &laquo;&nbsp;soci&eacute;t&eacute;s en guerre&nbsp;&raquo; auraient &laquo;&nbsp;accept&eacute;&nbsp;&raquo; sa &laquo;&nbsp;violence inou&iuml;e&nbsp;&raquo;. Bien qu&rsquo;il ne soit aucunement justifi&eacute;, le raisonnement est le suivant&nbsp;: par leur acceptation, ce sont les soci&eacute;t&eacute;s qui sont comptables de l&rsquo;ouverture de cette &laquo;&nbsp;&egrave;re&nbsp;&raquo;&hellip; En fait, on retrouve ici une autre formulation du pr&eacute;tendu &laquo;&nbsp;consentement&nbsp;&raquo; des populations &agrave; la guerre et &agrave; sa violence.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Poursuivons. La deuxi&egrave;me le&ccedil;on du chapitre 12 (intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Sortir de la guerre&nbsp;&raquo;), qui a pour titre &laquo;&nbsp;1917&nbsp;: les r&eacute;volutions russes&nbsp;&raquo;, est abord&eacute;e par la phrase introductive suivante&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Pourquoi la Grande Guerre a-t-elle &eacute;t&eacute; le creuset des deux r&eacute;volutions russes de 1917 et de la guerre civile qui s&rsquo;ensuit&nbsp;?&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref12"></a><a href="#_ftn12" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[12]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Notons ici l&rsquo;artifice rh&eacute;torique&nbsp;: en d&eacute;pit de sa forme interrogative, cette phrase impose clairement aux &eacute;l&egrave;ves un cadre interpr&eacute;tatif. Pourquoi en effet ne <span style="letter-spacing:.2pt">pas demander aux &eacute;l&egrave;ves si la Grande Guerre a &eacute;t&eacute; (et si oui, dans quelle mesure) le &laquo;&nbsp;creuset des deux r&eacute;volutions russes et de la guerre civile qui s&rsquo;ensuit&nbsp;&raquo;&nbsp;? Ouvrons maintenant l&rsquo;ouvrage <i>Europe, Une passion g&eacute;nocidaire, </i>publi&eacute; en 2006 par l&rsquo;historien Georges Bensoussan<a name="_ftnref13"></a><a href="#_ftn13" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[13]</span></sup></a>&nbsp;</span>; dans le chapitre intitul&eacute; &laquo;&nbsp;La Grande Guerre et la mort de masse&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref14"></a><a href="#_ftn14" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[14]</span></sup></a>, on peut y lire&nbsp;ce qui suit&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;La place de la Shoah dans l&rsquo;histoire ne peut s&rsquo;entendre qu&rsquo;&agrave; la condition de souligner l&rsquo;impact de la Premi&egrave;re Guerre mondiale sur deux g&eacute;n&eacute;rations d&rsquo;Europ&eacute;ens au moins, la g&eacute;n&eacute;ration du feu et celle de ses enfants. La Grande Guerre, dit-on, aurait ouvert le chemin du meurtre de masse, voire de la &quot;tuerie industrielle&quot;. &quot;Auschwitz &eacute;tait-il pensable sans Verdun&nbsp;?&quot; s&rsquo;interrogeaient dans un livre r&eacute;cent Antoine Prost et Jay Winter<a name="_ftnref15"></a><a href="#_ftn15" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[15]</span></sup></a>. R&eacute;fl&eacute;chir &agrave; la matrice intellectuelle du crime de masse, c&rsquo;est questionner un conflit dont l&rsquo;importance a longtemps &eacute;t&eacute; recouverte r&eacute;trospectivement par l&rsquo;ombre port&eacute;e de la Seconde Guerre mondiale.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref16"></a><a href="#_ftn16" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[16]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Dans un essai &agrave; peine plus ancien, <i>La Violence nazie. Une g&eacute;n&eacute;alogie europ&eacute;enne</i> d&rsquo;Enzo Traverso, publi&eacute; en 2002, le lecteur retrouve, &agrave; quelques nuances pr&egrave;s, le m&ecirc;me discours&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Premi&egrave;re v&eacute;ritable &quot;guerre totale&quot; de l&rsquo;&acirc;ge d&eacute;mocratique et de la soci&eacute;t&eacute; de masse, dans laquelle trouv&egrave;rent la mort treize millions d&rsquo;hommes, la Grande Guerre fut l&rsquo;acte fondateur du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle. [...] La Premi&egrave;re Guerre mondiale appara&icirc;t donc r&eacute;trospectivement comme le laboratoire des violences totalitaires&hellip; [...] La Premi&egrave;re Guerre mondiale fut donc une &eacute;tape d&eacute;cisive dans l&rsquo;accouchement du fascisme. [...] Essayons de r&eacute;sumer. Tournant historique majeur qui marque l&rsquo;av&egrave;nement du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, la Grande Guerre a &eacute;t&eacute; &agrave; la fois un moment de condensation des m&eacute;tamorphoses de la violence du si&egrave;cle pr&eacute;c&eacute;dent et une ouverture cataclysmique de l&rsquo;&quot;&acirc;ge des extr&ecirc;mes&quot;<a name="_ftnref17"></a><a href="#_ftn17" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[17]</span></sup></a>, avec ses nouvelles pratiques exterminatrices.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref18"></a><a href="#_ftn18" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[18]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ainsi, l&rsquo;affaire semble d&eacute;sormais entendue. Si l&rsquo;on cherche &agrave; identifier les principaux initiateurs et promoteurs de cette th&egrave;se en France, il appara&icirc;t nettement au travers de leurs r&eacute;f&eacute;rences bibliographiques que Traverso et Bensoussan se sont tr&egrave;s largement inspir&eacute;s des travaux des deux historiens culturalistes et sp&eacute;cialistes de la Grande Guerre que sont St&eacute;phane Audoin-Rouzeau et Annette Becker<a name="_ftnref19"></a><a href="#_ftn19" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[19]</span></sup></a>&nbsp;; tous deux reprennent, sans aucune discussion ni prise de distance, les th&egrave;ses notamment d&eacute;velopp&eacute;es dans leur ouvrage <i>14-18, retrouver la guerre</i><a name="_ftnref20"></a><a href="#_ftn20" style="color:blue; text-decoration:underline"><b><sup><span style="color:black">[20]</span></sup></b></a>. Enfin, signe d&rsquo;une large et durable influence exerc&eacute;e par ces deux historiens dans le champ acad&eacute;mique et scolaire, une remarque identique peut &ecirc;tre formul&eacute;e &agrave; l&rsquo;endroit d&rsquo;Anne Dum&eacute;nil<a name="_ftnref21"></a><a href="#_ftn21" style="color:blue; text-decoration:underline"><b><sup><span style="color:black">[21]</span></sup></b></a>, l&rsquo;auteure des chapitres cit&eacute;s du manuel franco-allemand (chapitres 11 et 12) ainsi que de plusieurs dossiers attach&eacute;s &agrave; ces derniers. La confrontation des textes est tout &agrave; fait &eacute;clairante, particuli&egrave;rement pour ce qui concerne la violence de guerre&nbsp;et l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;un seuil d&eacute;cisif aurait &eacute;t&eacute; franchi en cette mati&egrave;re durant la Grande Guerre<a name="_ftnref22"></a><a href="#_ftn22" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[22]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Au total, ces quelques exemples embl&eacute;matiques t&eacute;moignent tous de la tr&egrave;s large domination exerc&eacute;e par ce courant historiographique et donc, fort logiquement, c&rsquo;est de ce c&ocirc;t&eacute;-l&agrave; qu&rsquo;il faut aller voir afin de d&eacute;couvrir le moment et le lieu de cristallisation de ce qui est peu &agrave; peu devenu, au sens historiographique du terme, le &laquo;&nbsp;champ 1914-1945&nbsp;&raquo;. Alors, reprenons <i>14-18, retrouver la guerre</i> en commen&ccedil;ant par retourner le livre, car la quatri&egrave;me de couverture pr&eacute;sente non seulement son objet&nbsp;mais annonce aussi comme une&hellip; filiation&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&laquo;&nbsp;Tandis que disparaissent les derniers combattants, la Grande Guerre nous revient, dans une tout autre lumi&egrave;re, </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">comme la matrice d&rsquo;o&ugrave; sont sortis tous les d&eacute;sastres du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">[...] Il s&rsquo;op&egrave;re aujourd&rsquo;hui sur la guerre de 14 le m&ecirc;me type de subversion du regard que sur la R&eacute;volution fran&ccedil;aise dix ans plus t&ocirc;t. Le ph&eacute;nom&egrave;ne m&eacute;rite attention&nbsp;: en peu d&rsquo;ann&eacute;es, deux des plus gros massifs de l&rsquo;histoire nationale auront connu ainsi un basculement comparable et, dans des conditions diff&eacute;rentes, un renouvellement du m&ecirc;me ordre.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref23"></a><a href="#_ftn23" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[23]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Comme on va le voir ci-dessous, l&rsquo;allusion transparente aux travaux de Fran&ccedil;ois Furet &ndash;&nbsp;l&rsquo;un des historiens les plus renomm&eacute;s de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise&nbsp;&ndash; n&rsquo;a rien d&rsquo;accidentelle. Mais auparavant, entrons au c&oelig;ur du livre pour y retrouver ce que les auteurs &eacute;noncent comme la nouveaut&eacute; radicale de la Grande Guerre, &agrave; savoir&nbsp;: un franchissement de seuil in&eacute;dit en mati&egrave;re de violence, de combattants &agrave; combattants, et plus encore de combattants &agrave; civils. Selon les deux auteurs&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;[&hellip;] jusqu&rsquo;aux &quot;batailles&quot; de la Grande Guerre, la d&eacute;shumanisation de l&rsquo;affrontement n&rsquo;avait jamais &eacute;t&eacute; totale&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref24"></a><a href="#_ftn24" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[24]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&laquo;&nbsp;[...] une longue tradition de &quot;guerre r&eacute;gl&eacute;e&quot; reste encore bien vivante lors de la guerre franco-prussienne de 1870-1871. De m&ecirc;me, plusieurs limitations de la violence sont rest&eacute;es op&eacute;rantes pendant la guerre de S&eacute;cession&hellip; [...] C&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment cette tradition d&rsquo;&quot;autocontention&quot; de la violence de guerre qui s&rsquo;effondre d&rsquo;un coup, et d&eacute;finitivement, en 1914-1918&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref25"></a><a href="#_ftn25" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[25]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Et encore,</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;[...] un tr&egrave;s ancien syst&egrave;me de limitation des violences guerri&egrave;res s&rsquo;est effondr&eacute; d&rsquo;un coup&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref26"></a><a href="#_ftn26" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[26]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Discutable &agrave; bien des &eacute;gards, cette affirmation semble conduire (in&eacute;luctablement&nbsp;?) &agrave; la conclusion suivante, amorc&eacute;e &ndash;&nbsp;encore&nbsp;! &ndash; par une fausse question&nbsp;imm&eacute;diatement et irr&eacute;m&eacute;diablement referm&eacute;e, tout en ouvrant cependant, sur une perspective compl&eacute;mentaire&nbsp;: l&rsquo;interpr&eacute;tation de la r&eacute;volution russe et des violences de la guerre civile&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">&laquo;&nbsp;Il faut ici poser clairement la question&nbsp;: </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">l&rsquo;exp&eacute;rience de la Premi&egrave;re Guerre mondiale a-t-elle &eacute;t&eacute; la matrice des totalitarismes du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;?</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Cette violence de la Grande Guerre, c&rsquo;est en Russie qu&rsquo;elle fut capt&eacute;e tout d&rsquo;abord, tant il est vrai que les atrocit&eacute;s de la r&eacute;volution et de la guerre civile ne peuvent &ecirc;tre comprises sans r&eacute;f&eacute;rence &agrave; elle&nbsp;: la brutalit&eacute; du conflit ouvert en 1914 s&rsquo;est ensuite &quot;r&eacute;fract&eacute;e&quot; &ndash; plus&nbsp;: d&eacute;multipli&eacute;e&nbsp;&ndash; dans une exp&eacute;rience radicale de guerre civile et d&rsquo;oppression politique&nbsp;; l&rsquo;historiographie a trop souvent reli&eacute; 1905 &agrave; 1917 en oubliant ce legs des ann&eacute;es de guerre. Pourtant, la d&eacute;sagr&eacute;gation acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e d&rsquo;une immense arm&eacute;e de paysans brutalis&eacute;s par trois ann&eacute;es de conflit et d&eacute;sertant en masse vers l&rsquo;arri&egrave;re est une des cl&eacute;s de compr&eacute;hension de la r&eacute;volution de 1917 et de ce que fut l&rsquo;&Eacute;tat bolchevique qui en proc&eacute;da.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Pour les nazis, dans une moindre mesure pour les fascistes italiens, la violence politique s&rsquo;inscrivit comme la condition pr&eacute;alable d&rsquo;une nouvelle violence de guerre, plus syst&eacute;matique, plus efficace que celle du conflit pr&eacute;c&eacute;dent. De tout ce qui pouvait faire obstacle &agrave; la surrection de l&rsquo;&eacute;nergie guerri&egrave;re, il fallut tout d&rsquo;abord &eacute;purer la nation. D&egrave;s lors, dans cette escalade vertigineuse, quelle part ont jou&eacute; les arguments biologiques cristallis&eacute;s pendant la Premi&egrave;re Guerre mondiale&nbsp;? Comment s&rsquo;est fait le passage d&rsquo;une violence ouverte, centr&eacute;e d&rsquo;abord sur les champs de bataille, &agrave; la violence cach&eacute;e, &quot;administrative&quot; celle-ci, des fichiers d&rsquo;assassinables&hellip;&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref27"></a><a href="#_ftn27" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[27]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Passons outre le fait que ces historiens paraissent supposer que les soldats-d&eacute;serteurs de 1917 seraient ceux partis en 1914. Le chiffre effroyable des pertes enregistr&eacute;es par l&rsquo;arm&eacute;e tsariste d&eacute;ment cat&eacute;goriquement cette assertion. Visiblement, ce n&rsquo;est pas l&rsquo;exactitude qui importe, mais l&rsquo;image&hellip; Quant au nazisme, d&eacute;j&agrave; dans un livre pr&eacute;c&eacute;dent consacr&eacute; aux populations occup&eacute;es, aux civils d&eacute;port&eacute;s et aux prisonniers de guerre, Annette Becker avait ouvert la voie&nbsp;; dans son introduction tout d&rsquo;abord&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;[...] Au c&oelig;ur de ce livre se trouve la &quot;victimisation&quot; des prisonniers de guerre et des habitants des territoires occup&eacute;s entre&nbsp;1914 et&nbsp;1918. L&rsquo;ensemble de leurs drames permet de placer ces groupes dans le premier cercle de ce si&egrave;cle d&rsquo;assassinats&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref28"></a><a href="#_ftn28" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[28]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">La conclusion sous-titr&eacute;e &laquo;&nbsp;[...] Vers le syst&egrave;me de mise &agrave; mort nazi&hellip;&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref29"></a><a href="#_ftn29" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[29]</span></sup></a> &eacute;tablissait quant &agrave; elle un lien causal direct entre la Grande Guerre et le jud&eacute;ocide, un lien r&eacute;affirm&eacute;, on l&rsquo;a vu, dans <i>14-18, retrouver la guerre</i>. Entre ces deux publications, s&rsquo;est aussi ins&eacute;r&eacute;e l&rsquo;&eacute;dition fran&ccedil;aise d&rsquo;un ouvrage de George L. Mosse pr&eacute;fac&eacute; par St&eacute;phane Audoin-Rouzeau, dont le titre original <i>Fallen Soldiers. Reshaping the Memory of the </i></span></span></span><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">World Wars</span></span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt"> fut fallacieusement traduit, pour les besoins de la cause, en <i>De la Grande Guerre au totalitarisme. La brutalisation des soci&eacute;t&eacute;s europ&eacute;ennes</i>&hellip; Au passage, relevons le fait que cette terminologie non seulement disqualifie la parole politique des anciens combattants mais attribue la responsabilit&eacute; de la guerre de 14 et de ses suites totalitaires aux soci&eacute;t&eacute;s cens&eacute;es y avoir &laquo;&nbsp;consenti&nbsp;&raquo;&nbsp;! Toutefois &ndash; si l&rsquo;on reste dans le cadre fran&ccedil;ais&nbsp;&ndash;, il semble que l&rsquo;on puisse attribuer sinon la paternit&eacute;, au moins l&rsquo;ant&eacute;riorit&eacute; de l&rsquo;invention de cette figure matricielle &agrave; l&rsquo;historien, auquel, on l&rsquo;a vu, les deux sp&eacute;cialistes de la Grande Guerre se comparent et s&rsquo;identifient volontiers&nbsp;: Fran&ccedil;ois Furet. Celui-ci dans son dernier ouvrage &eacute;crivait en effet&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">&laquo;&nbsp;La guerre de 1914 a pour l&rsquo;histoire du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle le m&ecirc;me caract&egrave;re matriciel que la R&eacute;volution fran&ccedil;aise pour le XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle. D&rsquo;elle sont directement sortis les &eacute;v&eacute;nements et les mouvements qui sont &agrave; l&rsquo;origine des trois &quot;tyrannies&quot; dont parle en 1936 &Eacute;lie Hal&eacute;vy. La chronologie le dit &agrave; sa mani&egrave;re, puisque L&eacute;nine prend le pouvoir en 1917, Mussolini en 1922, et que Hitler &eacute;choue en 1923 pour r&eacute;ussir dix ans plus tard. [...] Par l&agrave; s&rsquo;ouvre &agrave; l&rsquo;historien un autre chemin vers la comparaison des dictatures du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&hellip;&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref30"></a><a href="#_ftn30" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[30]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">&Eacute;v&eacute;nement fondateur&nbsp;du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;? Matrice intellectuelle du crime de masse&nbsp;? Laboratoire des violences totalitaires&nbsp;? Premier cercle d&rsquo;un si&egrave;cle d&rsquo;assassinats&nbsp;? Matrice des totalitarismes&nbsp;? Sans doute cette g&eacute;n&eacute;alogie souffre-t-elle d&rsquo;&ecirc;tre encore trop rapide, mais elle situe le contexte intellectuel&nbsp;actuellement dominant en France&nbsp;; progressivement, d&rsquo;ouvrage en ouvrage, de glissement en d&eacute;rapage, la figure de la Grande Guerre en tant qu&rsquo;&eacute;v&eacute;nement matriciel est devenue omnipr&eacute;sente&nbsp;et le fait qu&rsquo;elle soit dor&eacute;navant reprise sans examen par de nombreux historiens<a name="_ftnref31"></a><a href="#_ftn31" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[31]</span></sup></a>, chercheurs, enseignants, et de plus en plus de journalistes, contribue &agrave; asseoir son apparente autorit&eacute;.</span></span></span></span></span></p> <h2><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Les principaux probl&egrave;mes pos&eacute;s par la vulgate</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align: justify; text-indent: 8.5pt;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ils sont nombreux, on va le voir. Mais avant de les &eacute;num&eacute;rer, il convient de noter combien cette pr&eacute;sentation est neuve&nbsp;et intervient en totale rupture avec les r&eacute;cits historiques ant&eacute;rieurs<a name="_ftnref32"></a><a href="#_ftn32" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[32]</span></sup></a>. C&rsquo;est ce que veut d&rsquo;ailleurs signifier le titre &laquo;&nbsp;retrouver la guerre&nbsp;&raquo;. &Agrave; sa mani&egrave;re, cette interpr&eacute;tation signe m&ecirc;me le retour au r&eacute;cit des origines, &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;obsession embryog&eacute;nique&nbsp;&raquo; dont se moquait &agrave; juste titre le regrett&eacute; Marc Bloch, fusill&eacute; pour faits de R&eacute;sistance<a name="_ftnref33"></a><a href="#_ftn33" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[33]</span></sup></a>. <span style="letter-spacing:.1pt">Ajoutons que le r&eacute;cit &laquo;&nbsp;nouveau&nbsp;&raquo; &eacute;merge et s&rsquo;impose, en France et au-del&agrave;, dans un double contexte bien sp&eacute;cifique&nbsp;: politique tout d&rsquo;abord, celui de la fin de la Guerre froide marqu&eacute;e &agrave; la fois par l&rsquo;implosion de</span> l&rsquo;Empire sovi&eacute;tique et ce qui appara&icirc;t &ndash;&nbsp;&agrave; tort&nbsp;? &ndash; comme la conclusion <span style="letter-spacing:.1pt">d&rsquo;une longue lutte id&eacute;ologique &laquo;&nbsp;remport&eacute;e&nbsp;&raquo; par le mod&egrave;le lib&eacute;ral&nbsp;et capitaliste&nbsp;; historiographique&nbsp;d&rsquo;autre part, avec le renouvellement des &eacute;tudes portant sur 14-18 sous l&rsquo;impulsion d&eacute;cisive du Centre international de recherche rattach&eacute; &agrave; </span>l&rsquo;Historial de P&eacute;ronne qui, ainsi qu&rsquo;on l&rsquo;a vu, a su tisser un r&eacute;seau intellectuel aux multiples ramifications tant acad&eacute;miques que m&eacute;diatiques, assurant aujourd&rsquo;hui le succ&egrave;s de la vulgate<span style="letter-spacing:.1pt">.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ceci &eacute;tant rappel&eacute;, voyons quels sont les principaux probl&egrave;mes pos&eacute;s par ce pr&ecirc;t &agrave; (ne plus) penser.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Matrice&nbsp;? Bien s&ucirc;r, tout historien cherche &agrave; comprendre, et donc &agrave; &eacute;tablir des liens de causalit&eacute;, &agrave; d&eacute;voiler des dynamiques parmi des successions d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements. Le probl&egrave;me, c&rsquo;est que, dans la vulgate, le mot matrice ne renvoie nullement aux origines comme un commencement qui explique, mais devient l&rsquo;explication elle-m&ecirc;me. D&rsquo;ailleurs, les historiens culturalistes sont coutumiers de cette pratique puisque, pour eux, la &laquo;&nbsp;culture de guerre&nbsp;&raquo; explique et la dur&eacute;e et la violence du conflit, alors qu&rsquo;il conviendrait d&rsquo;expliquer cette culture cens&eacute;e jaillir et se cristalliser durant les premi&egrave;res semaines de la guerre<a name="_ftnref34"></a><a href="#_ftn34" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[34]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Franchissement de seuil en mati&egrave;re de violence&nbsp;? Evidemment, il serait ridicule de nier qu&rsquo;&agrave; la guerre, il arrive que des soldats tuent leur vis-&agrave;-vis en ayant pleinement conscience de leur geste. Et m&ecirc;me si l&rsquo;on sait que l&rsquo;artillerie est responsable de pr&egrave;s de huit tu&eacute;s sur dix, il arrive qu&rsquo;effectivement les soldats soient des acteurs directs et actifs au sein de la tuerie globale<a name="_ftnref35"></a><a href="#_ftn35" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[35]</span></sup></a>&nbsp;; ils ne sont donc pas tous, ni tout le temps, de pures et simples victimes, c&rsquo;est une &eacute;vidence, et personne ne pr&eacute;tend le contraire. Mais, &agrave; l&rsquo;inverse, rappelons tout de m&ecirc;me que cette guerre produisit environ neuf&nbsp;millions de prisonniers qui ne furent donc pas&hellip; assassin&eacute;s. Faire cette remarque ne revient pas &agrave; nier l&rsquo;existence des nettoyeurs de tranch&eacute;e mais &agrave; souligner qu&rsquo;au cours de leur mission principale consistant &agrave; s&eacute;curiser les arri&egrave;res des troupes d&rsquo;assaut, elles n&rsquo;ont pas syst&eacute;matiquement extermin&eacute; les ennemis leur tombant entre les mains.<i> </i>De m&ecirc;me serait-il tout aussi stupide, tant les preuves du contraire abondent, de n&eacute;gliger l&rsquo;existence de &laquo;<span style="letter-spacing:-.1pt">&nbsp;d&eacute;rapages&nbsp;&raquo;, voire d&rsquo;atrocit&eacute;s, et de crimes de guerre individuels et/ou de masse<a name="_ftnref36"></a><a href="#_ftn36" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[36]</span></sup></a>. Outre la destruction des</span> <span style="letter-spacing:-.1pt">Arm&eacute;niens de l&rsquo;Empire ottoman, de nombreuses populations, de la Belgique</span> aux Balkans, des Balkans &agrave; l&rsquo;Europe orientale, ont connu massacres et atrocit&eacute;s<a name="_ftnref37"></a><a href="#_ftn37" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[37]</span></sup></a>. Mais cela constitue-t-il vraiment une nouveaut&eacute;<a name="_ftnref38"></a><a href="#_ftn38" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[38]</span></sup></a>&nbsp;? Une rupture&nbsp;? Si l&rsquo;on se replace un instant dans le temps long, ne serait-on pas plut&ocirc;t, h&eacute;las, enclin &agrave; reconna&icirc;tre en ce domaine davantage de continuit&eacute;s&nbsp;? Dans le m&ecirc;me ordre d&rsquo;id&eacute;es, pourquoi passer sous silence ou minimiser syst&eacute;matiquement les nombreuses strat&eacute;gies d&rsquo;&eacute;vitement ou de limitations de la violence de guerre mises en &oelig;uvre par les combattants eux-m&ecirc;mes durant la guerre. Fraternisations<a name="_ftnref39"></a><a href="#_ftn39" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[39]</span></sup></a>, tr&ecirc;ves tacites<a name="_ftnref40"></a><a href="#_ftn40" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[40]</span></sup></a>, recueil de prisonniers, soins apport&eacute;s aux bless&eacute;s ennemis, moins exceptionnels que le soutiennent les promoteurs de la vulgate, t&eacute;moignent pourtant de la persistance de pratiques humanistes et de <span style="letter-spacing:-.1pt">paix dans et durant la guerre. Ces pratiques illustrent &eacute;galement le fait que les combattants ne sauraient &ecirc;tre uniquement pens&eacute;s comme &laquo;&nbsp;coupables&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;victimes</span>&nbsp;&raquo;, mais doivent &ecirc;tre reconnus comme des acteurs dou&eacute;s de raison et capables d&rsquo;exploiter toutes les fractions d&rsquo;autonomie passant &agrave; leur port&eacute;e et leur donnant l&rsquo;opportunit&eacute; d&rsquo;abaisser le niveau de violence interpersonnelle (tr&ecirc;ves tacites, ententes locales et ponctuelles, etc.). S&rsquo;il y a franchissement de seuil en mati&egrave;re de violence, il doit avant tout &ecirc;tre recherch&eacute; du c&ocirc;t&eacute; des techniques de destruction de plus en plus perfectionn&eacute;es et puissantes<i>&nbsp;</i>; jamais, avant 14-18, le nombre d&rsquo;hommes engag&eacute;s dans un conflit n&rsquo;avait atteint de tels sommets&nbsp;; jamais la violence n&rsquo;avait &eacute;t&eacute; distribu&eacute;e de fa&ccedil;on aussi massive, aussi industrielle. Et d&rsquo;aussi loin.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Pourtant, en d&eacute;pit des objections effectu&eacute;es par de nombreux historiens<a name="_ftnref41"></a><a href="#_ftn41" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[41]</span></sup></a>, cette id&eacute;e que la Grande Guerre aurait introduit un franchissement de seuil en mati&egrave;re de violence de guerre assure les fondations de la figure matricielle impos&eacute;e. Or, une telle pr&eacute;sentation occulte ou escamote totalement les liens que cette violence de guerre et dans la guerre peut avoir avec les exp&eacute;riences d&rsquo;un pass&eacute; relativement r&eacute;cent par rapport &agrave; 1914. Car &agrave; plus d&rsquo;un titre, la Grande Guerre conna&icirc;t effectivement une transposition de nombres de pratiques anciennes&nbsp;: les agressions contre Louvain, Reims, ont &agrave; juste titre scandalis&eacute; les contemporains&nbsp;; mais pourquoi oublier qu&rsquo;attaques et destructions syst&eacute;matiques de villes sans d&eacute;fense &eacute;taient loin d&rsquo;&ecirc;tre in&eacute;dites&nbsp;?</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ainsi, en 1866, les Espagnols bombard&egrave;rent Valparaiso&nbsp;; en 1882, les Britanniques, Alexandrie&hellip; Peu soup&ccedil;onn&eacute;s d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;brutalis&eacute;s&nbsp;&raquo; par la Premi&egrave;re Guerre mondiale qu&rsquo;ils regard&egrave;rent en spectateurs, les Espagnols ont d&eacute;ploy&eacute; &agrave; bien des &eacute;gards une orgie de violence durant leur guerre civile (1936-1939). Comment l&rsquo;expliquer&nbsp;? D&eacute;j&agrave;, le 17&nbsp;d&eacute;cembre 1913, ces m&ecirc;mes Espagnols utilisaient des bombes &agrave; fragmentation pour &laquo;&nbsp;punir&nbsp;&raquo; des villages &laquo;&nbsp;rebelles&nbsp;&raquo; marocains, une pratique bient&ocirc;t reprise dans la r&eacute;pression de l&rsquo;insurrection du Rif. Et puis, effectivement, l&rsquo;usage de la mitrailleuse et de l&rsquo;artillerie se g&eacute;n&eacute;ralise durant la Premi&egrave;re Guerre mondiale&nbsp;: mais, avant cela, comme le 2&nbsp;septembre 1898 &agrave; Omdurman, par exemple, sous les yeux du jeune reporter Winston Churchill, ces armes avaient d&eacute;j&agrave; &laquo;&nbsp;fait merveille&nbsp;&raquo; dans nombre de batailles asym&eacute;triques de l&rsquo;&egrave;re coloniale. Quant aux atrocit&eacute;s contre les populations civiles, celles perp&eacute;tr&eacute;es contre les populations belges et fran&ccedil;aises lors de l&rsquo;invasion de 1914, celles exerc&eacute;es contre les Serbes ou contre les Grecs et les Arm&eacute;niens de l&rsquo;Empire ottoman sont aujourd&rsquo;hui bien connues. Mais l&agrave; encore, o&ugrave; est la nouveaut&eacute;&nbsp;? La liste est pourtant longue&nbsp;; avant la guerre, les Arm&eacute;niens avaient d&eacute;j&agrave; subi des massacres de masse &agrave; plusieurs reprises. Il suffit aussi de rappeler les crimes perp&eacute;tr&eacute;s en Alg&eacute;rie par la France r&eacute;publicaine depuis 1830, au Congo de Leopold II entre&nbsp;1880 et&nbsp;1890&hellip; L&rsquo;invention des camps de concentration<a name="_ftnref42"></a><a href="#_ftn42" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[42]</span></sup></a>&nbsp;? Si l&rsquo;on veut bien les entendre au sens du premier conflit mondial &ndash;&nbsp;fort diff&eacute;rent de celui qu&rsquo;il prendra apr&egrave;s&nbsp;&ndash;, on peut l&agrave; encore, et sans remonter aux guerres indiennes, renvoyer &agrave; de nombreux pr&eacute;c&eacute;dents dramatiques&nbsp;: espagnol &agrave; Cuba, britannique en Afrique du Sud.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Enfin, la Grande Guerre laboratoire des pratiques g&eacute;nocidaires&nbsp;? On sait que le g&eacute;nocide des Arm&eacute;niens est souvent labellis&eacute; comme le premier g&eacute;nocide du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle<a name="_ftnref43"></a><a href="#_ftn43" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[43]</span></sup></a>. N&rsquo;insistons pas sur le fait que l&rsquo;enjeu du label si recherch&eacute; a bien peu &agrave; voir avec l&rsquo;histoire comme science&hellip; Comparer les deux g&eacute;nocides <span style="letter-spacing:-.1pt">n&rsquo;est pas interdit et peut m&ecirc;me s&rsquo;av&eacute;rer instructif &agrave; condition de v&eacute;ritablement s&rsquo;attacher &agrave; cette t&acirc;che d&rsquo;&eacute;luci</span>dation&nbsp;: on risque alors d&rsquo;y d&eacute;couvrir que la situation des Juifs d&rsquo;Europe est sur nombre de points d&eacute;cisifs radicalement diff&eacute;rente de celle des Arm&eacute;niens de l&rsquo;Empire ottoman&nbsp;; que je sache, les Juifs d&rsquo;Europe n&rsquo;avaient pas le projet de b&acirc;tir leur &Eacute;tat en Europe et ne mena&ccedil;aient donc en rien la s&eacute;curit&eacute; ni de l&rsquo;Allemagne ni d&rsquo;ailleurs des autres pays dans lesquels ils vivaient&nbsp;; que je sache encore, contrairement au r&eacute;gime jeune turc qui a converti de force une fraction de la population arm&eacute;nienne &agrave; l&rsquo;Islam pour en quelque sorte la dissoudre, le r&eacute;gime nazi ne s&rsquo;est jamais donn&eacute; pour objectif de convertir au christianisme une partie notable des Juifs d&rsquo;Europe, ni d&rsquo;en laisser survivre des groupes affaiblis et &eacute;pars en d&eacute;pit de l&rsquo;existence de l&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&egrave;re plan Madagascar<a name="_ftnref44"></a><a href="#_ftn44" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[44]</span></sup></a>. Rappelons encore que les pratiques g&eacute;nocidaires ne sont pas nouvelles en 1915&nbsp;; et ainsi qu&rsquo;en t&eacute;moigne le g&eacute;nocide des Hereros de Namibie (1904-1906)&hellip;<a name="_ftnref45"></a><a href="#_ftn45" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[45]</span></sup></a> il n&rsquo;est nul besoin de remonter au d&eacute;barquement de Christophe Colomb aux Am&eacute;riques pour le d&eacute;montrer&hellip; Si l&rsquo;on cherche un camp de concentration plus annonciateur du syst&egrave;me nazi, c&rsquo;est &eacute;galement vers la Namibie et son fameux camp de Shark Island qu&rsquo;il faut se tourner&hellip;</span></span>&thinsp;<a name="_ftnref46"></a><a href="#_ftn46" style="color:blue; text-decoration:underline"><b><sup><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">[46]</span></span></span></sup></b></a></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&Agrave; mon sens, s&rsquo;il y a franchissement de seuil, il s&rsquo;agit surtout d&rsquo;un franchissement de seuil g&eacute;ographique. La Grande Guerre a &eacute;t&eacute; l&rsquo;occasion d&rsquo;un transfert ou, si l&rsquo;on pr&eacute;f&egrave;re, d&rsquo;un rapatriement en Europe des pratiques violentes inh&eacute;rentes aux entreprises coloniales et imp&eacute;rialistes&nbsp;; pratiques d&eacute;j&agrave; fort anciennes et fort riches en mati&egrave;re de franchissement de seuil qualitatif. &Agrave; tout le moins, outre qu&rsquo;elle permet aux sp&eacute;cialistes autoproclam&eacute;s de l&rsquo;histoire culturelle de la Grande Guerre d&rsquo;empocher un certain capital symbolique &ndash; en apparaissant notamment comme les historiens d&eacute;tenteurs de l&rsquo;explication de <i>toutes</i> les horreurs du si&egrave;cle, ce dont raffolent justement les journalistes press&eacute;s &ndash;, cette id&eacute;e d&rsquo;un franchissement de seuil qualitatif en mati&egrave;re de violence peut appara&icirc;tre comme une &eacute;ni&egrave;me manifestation d&rsquo;un europ&eacute;o-centrisme incurable. Mais il y a plus derri&egrave;re cette figure, car faire de <i>la guerre</i> le seul et unique responsable de tous les malheurs du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, cela permet aussi de ne pas poser une question pourtant essentielle que se posaient pourtant les historiens de l&rsquo;entre-deux-guerres&nbsp;: celle des responsabilit&eacute;s sinon celle des responsables du grand carnage. L&rsquo;histoire culturelle porteuse de cette interpr&eacute;tation ne s&rsquo;int&eacute;resse aucunement &agrave; la vie politique, ni au fonctionnement institutionnel, ni aux mises en guerre des &Eacute;tats et des soci&eacute;t&eacute;s. Les soci&eacute;t&eacute;s bellig&eacute;rantes elles-m&ecirc;mes sont pr&eacute;sent&eacute;es comme autant de corps homog&egrave;nes, sans hi&eacute;rarchie, sans distinction, sans diversit&eacute;, sans classes&nbsp;; ce que contredisent pourtant de nombreux travaux de socio-histoire<a name="_ftnref47"></a><a href="#_ftn47" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[47]</span></sup></a>. En d&eacute;finitive, la Grande Guerre est aujourd&rsquo;hui d&eacute;crite comme une catastrophe&hellip; naturelle, un peu &agrave; la fa&ccedil;on dont le d&eacute;sastre nucl&eacute;aire japonais de Fukushima est r&eacute;duit aux effets malheureux d&rsquo;un tsunami&hellip;</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Accouchement des totalitarismes&nbsp;? Cette affirmation est particuli&egrave;rement s&eacute;duisante en ce qu&rsquo;elle semble, enfin, pouvoir tout expliquer&nbsp;; elle vient d&rsquo;&ecirc;tre &agrave; nouveau consacr&eacute;e dans l&rsquo;entretien accord&eacute; au <i>Nouvel Observateur</i> par St&eacute;phane </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Audoin-Rouzeau&nbsp;; il a &eacute;t&eacute; fait allusion &agrave; ce dernier au commencement de ce papier&nbsp;; &agrave; la question&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pourquoi </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">ces for&ccedil;ats des tranch&eacute;es ont-ils tenu si longtemps, des deux c&ocirc;t&eacute;s, malgr&eacute; quelques trous d&rsquo;air, par exemple en 1917&nbsp;?&nbsp;&raquo;, l&rsquo;historien r&eacute;pond</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;La contrainte de l&rsquo;appareil militaire ne peut expliquer, &agrave; elle seule, que les poilus aient support&eacute; si longtemps de telles souffrances. [&hellip;] Les soldats comprennent et acceptent les objectifs de guerre de leurs gouvernements.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Stop&nbsp;! Saluons comme il se doit ce cas unique&nbsp;dans l&rsquo;histoire, o&ugrave; des &laquo;&nbsp;for&ccedil;ats&nbsp;&raquo; comprirent et accept&egrave;rent les objectifs de ceux qui les asservissent&nbsp;! Autant dire qu&rsquo;avec de tels raisonnements l&rsquo;histoire de la traite, celle de l&rsquo;esclavage, de la colonisation, celle encore de la domination sociale, sexuelle comprise, voient s&rsquo;ouvrir de belles perspectives de r&eacute;vision. Mais poursuivons&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;[&hellip;] l&rsquo;exp&eacute;rience des tranch&eacute;es, avec ses souffrances et ses violences, va en retour durcir les comportements politiques. On a d&eacute;crit ce durcissement des comportements comme un pr<span style="letter-spacing:.1pt">ocessus de &quot;brutalisation&quot;, une forme de transposition dans la vie politique d&rsquo;apr&egrave;s-guerre des repr&eacute;sentations et des pratiques acquises au combat&nbsp;: le culte du chef, de l&rsquo;ob&eacute;issance, de la force et de l&rsquo;action violence, par exemple.&nbsp;Le fascisme, le nazisme et d&rsquo;une certaine mani&egrave;re aussi le bolchevisme, sont autant d&rsquo;h&eacute;ritiers de la violence de guerre&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref48"></a><a href="#_ftn48" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[48]</span></sup></a>&hellip;</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Le raisonnement semble implacable de rigueur&nbsp;: si la Grande Guerre a fait na&icirc;tre une &laquo;&nbsp;violence inou&iuml;e&nbsp;&raquo;, celle-ci aurait accouch&eacute; &agrave; son tour des &laquo;&nbsp;totalitarismes&nbsp;&raquo;, autrement dit &ndash; selon la chronologie impeccable de Furet &ndash; de la r&eacute;volution russe, du fascisme, du nazisme et&hellip; du g&eacute;nocide. Probl&egrave;me encore&nbsp;; car relever une succession chronologique ne suffit pas &agrave; nouer un encha&icirc;nement causal&nbsp;et il est facile de sombrer dans les amalgames douteux, comme l&rsquo;a illustr&eacute; il y a quelques ann&eacute;es la th&egrave;se de l&rsquo;historien allemand Ernst Nolte, soutenant que la violence nazie n&rsquo;&eacute;tait en d&eacute;finitive qu&rsquo;une r&eacute;ponse par anticipation &agrave; la violence stalinienne redout&eacute;e<a name="_ftnref49"></a><a href="#_ftn49" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[49]</span></sup></a>&nbsp;; s&rsquo;int&eacute;resser aux &laquo;&nbsp;victimes&nbsp;&raquo; et aux &laquo;&nbsp;bourreaux&nbsp;&raquo; est l&eacute;gitime&nbsp;; mais l&rsquo;historien ne doit-il pas aussi chercher &ndash; et peut-&ecirc;tre est-elle l&agrave; l&rsquo;urgence &ndash; &agrave; expliquer pourquoi, pr&eacute;cis&eacute;ment, certains deviennent victimes et d&rsquo;autres bourreaux&nbsp;? Il est sans doute plaisant d&rsquo;&eacute;crire des phrases-choc du type de celle-ci&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dachau et les Solovki sont aussi des &quot;enfants&quot; des tranch&eacute;es&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref50"></a><a href="#_ftn50" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[50]</span></sup></a>, cela ne nous apprend h&eacute;las rien sur aucun des deux syst&egrave;mes concentrationnaires, ni sur leurs ressemblances, ni sur leurs diff&eacute;rences fondamentales. Par l&agrave;, la vulgate est un exemple achev&eacute; de ce que les historiens appellent la lecture t&eacute;l&eacute;ologique des faits historiques consistant &agrave; interpr&eacute;ter le pass&eacute; en fonction de ce que nous savons qu&rsquo;il est arriv&eacute; post&eacute;rieurement &agrave; ces faits. </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Mais restons un instant sur le cas de &laquo;&nbsp;la&nbsp;&raquo; r&eacute;volution russe&nbsp;; dans le manuel franco-allemand, la Grande Guerre est pr&eacute;sent&eacute;e, on l&rsquo;a vu, comme le &laquo;&nbsp;creuset des deux r&eacute;volutions russes&nbsp;de 1917&nbsp;&raquo;. Bien s&ucirc;r, il ne s&rsquo;agit pas de minimiser l&rsquo;impact de la guerre mondiale sur l&rsquo;&eacute;volution politique et sociale russe&nbsp;; cependant, ainsi (im)pos&eacute;e, la mobilisation de la figure matricielle d&eacute;connecte, de fait, les r&eacute;volutions russes des r&eacute;alit&eacute;s &eacute;conomiques, politiques et sociales de 1917, d&rsquo;une part, et surtout, d&rsquo;autre part, d&rsquo;un long continuum de mouvements sociaux et politiques tr&egrave;s actifs au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et au d&eacute;but du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;; ce faisant, et en rupture avec l&rsquo;enseignement de l&rsquo;histoire des <i>Annales</i>, ce r&eacute;cit ignore les longues dur&eacute;es, les rythmes lents de l&rsquo;&eacute;conomie, du social et des mentalit&eacute;s. On ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre &eacute;tonn&eacute; d&rsquo;apprendre que &laquo;&nbsp;l&rsquo;historiographie a trop souvent reli&eacute; 1905 &agrave; 1917 en oubliant ce legs des ann&eacute;es de guerre&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref51"></a><a href="#_ftn51" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[51]</span></sup></a>. Ainsi appelle-t-on &agrave; &eacute;vacuer, et la lutte s&eacute;culaire contre l&rsquo;autocratie &ndash; pour la d&eacute;mocratie, le partage des terres et des richesses &ndash;, et le caract&egrave;re polymorphe et pluriel de ce que l&rsquo;on appelle paresseusement &laquo;&nbsp;<i>la</i> r&eacute;volution russe&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref52"></a><a href="#_ftn52" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[52]</span></sup></a>. La question &eacute;minemment complexe du surgissement d&rsquo;un tel mouvement populaire est litt&eacute;ralement escamot&eacute;e&nbsp;; lui est oppos&eacute;e une r&eacute;ponse simple et, disons-le, simpliste, sous forme d&rsquo;une nouvelle cha&icirc;ne explicative con&ccedil;ue pour signifier que la guerre mondiale accouche de la r&eacute;volution bolchevique et de la guerre civile<a name="_ftnref53"></a><a href="#_ftn53" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[53]</span></sup></a>&hellip; De ce point de vue, on peut d&rsquo;ailleurs noter un durcissement, sinon une caricature de la position &ndash; somme toute plus riche&nbsp;&ndash; d&eacute;velopp&eacute;e initialement par Fran&ccedil;ois Furet&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&laquo;&nbsp;Fils de la guerre, bolchevisme et fascisme tiennent d&rsquo;elle ce qu&rsquo;ils ont d&rsquo;&eacute;l&eacute;mentaire. Ils transportent dans la politique l&rsquo;apprentissage re&ccedil;u dans les tranch&eacute;es&nbsp;: l&rsquo;habitude de la violence, la simplicit&eacute; des passions extr&ecirc;mes, la soumission de l&rsquo;individu au collectif, enfin l&rsquo;amertume des sacrifices inutiles ou trahis. Car c&rsquo;est dans les pays vaincus sur le champ de bataille ou frustr&eacute;s par les n&eacute;gociations de paix que ces sentiments trouvent par excellence leur terreau&hellip;&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref54"></a><a href="#_ftn54" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[54]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Qu&rsquo;importe le fait que les chefs bolcheviques n&rsquo;aient pas connu les tran</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">ch&eacute;es</span></span></span>&thinsp;<span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">! De la guerre &agrave; la r&eacute;volution, et de la r&eacute;volution &agrave; la guerre, la boucle est bien boucl&eacute;e&nbsp;; et la violence de la guerre est propos&eacute;e comme la principale cl&eacute; d&rsquo;explication dans une pr&eacute;sentation &eacute;tonnamment et gravement r&eacute;ductrice des r&eacute;volutions russes. Ultime mais sans doute pas le dernier avatar de la vulgate, ce r&eacute;cent article paru dans la <i>J&uuml;dische Allgemeine,</i>&nbsp;qui est l&rsquo;organe du Conseil central des Juifs en Allemagne&nbsp;; sous le titre &laquo;&nbsp;La catastrophe originelle. Histoire&nbsp;&raquo;, on peut lire ce bel exemple d&rsquo;histoire contrefactuelle &agrave; rebours&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.3pt">&laquo;&nbsp;Sans la Premi&egrave;re Guerre mondiale, aucune des horreurs &agrave; venir n&rsquo;aurait &eacute;t&eacute; possible &ndash;&nbsp;et certainement pas la Shoah. [&hellip;] La Premi&egrave;re Guerre fut la catastrophe originelle, la condition sine qua non, sans laquelle rien de ce qui s&rsquo;ensuivit n&rsquo;aurait &eacute;t&eacute; possible. [&hellip;] Cette guerre ne fut pas aussi effroyable que celle qui suivit. Mais c&rsquo;est dans ses tranch&eacute;es que naquirent les nazis et les communistes. [&hellip;] Et il ne faudrait pas l&rsquo;oublier&nbsp;: c&rsquo;est &agrave; l&rsquo;ombre de la Premi&egrave;re Guerre que les Jeunes Turcs commirent le g&eacute;nocide des Arm&eacute;niens.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Avant la Premi&egrave;re Guerre, le marxisme &eacute;tait en bonne voie de s&rsquo;embourgeoiser &ndash; gr&acirc;ce &agrave; quelques grands intellectuels comme &Eacute;douard Bernstein, qui plaidait pour une croissance lente du socialisme, sans effusion de sang, sans r&eacute;volution, sans violence ni terreur&hellip;&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref55"></a><a href="#_ftn55" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[55]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Ces diff&eacute;rents raccourcis litt&eacute;ralement fascinants confirment l&rsquo;emprise croissante de la vulgate dans le monde occidental. Deux mille ans d&rsquo;antis&eacute;mitisme et de pers&eacute;cutions, des si&egrave;cles de luttes sociales sont ainsi balay&eacute;s, &eacute;vacu&eacute;s. Sur le nazisme pr&eacute;tendument n&eacute; dans les tranch&eacute;es, un ouvrage r&eacute;cent vient pourtant d&rsquo;apporter un d&eacute;menti cinglant. Chacun peut s&rsquo;y rapporter<a name="_ftnref56"></a><a href="#_ftn56" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[56]</span></sup></a>. Et pour le fascisme, Giovanna Procacci a r&eacute;v&eacute;l&eacute; &agrave; quel point l&rsquo;&Eacute;tat lib&eacute;ral italien avait, dans les ann&eacute;es pr&eacute;c&eacute;dant la guerre et pendant la guerre elle-m&ecirc;me, fait le lit du fascisme en Italie. Ici, l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception n&rsquo;a pas attendu Mussolini pour &ecirc;tre th&eacute;oris&eacute; (plan de d&eacute;fense de 1904) et fut pratiqu&eacute; &agrave; plusieurs reprises avant la guerre pour m&acirc;ter le p&eacute;ril int&eacute;rieur<a name="_ftnref57"></a><a href="#_ftn57" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[57]</span></sup></a>. Faire ces rappels ne fait pas oublier que bien des faisceaux italiens &eacute;taient effectivement constitu&eacute;s d&rsquo;anciens combattants de 14-18&nbsp;; mais ni plus ni moins que les autres composantes de la soci&eacute;t&eacute; italienne d&rsquo;apr&egrave;s-guerre. </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Mais s&rsquo;agissant du &laquo;&nbsp;communisme&nbsp;&raquo;, cette lecture borgne de l&rsquo;histoire t&eacute;moigne aussi d&rsquo;une r&eacute;gression cognitive pr&eacute;occupante o&ugrave; se m&ecirc;lent inculture historique et pr&eacute;ceptes normatifs valant avertissement pour le pr&eacute;sent et le futur. Quant &agrave; l&rsquo;embourgeoisement du &laquo;&nbsp;marxisme&nbsp;&raquo;, l&rsquo;auteur a de bonnes raisons d&rsquo;esp&eacute;rer&nbsp;; malgr&eacute; les horreurs du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, il est plut&ocirc;t en bonne voie. Pour autant, la naissance de la Troisi&egrave;me Internationale n&rsquo;a-t-elle </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">donc vraiment rien &agrave; voir avec l&rsquo;incapacit&eacute;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> patente des socialistes &laquo;&nbsp;bourgeois&nbsp;&raquo; europ&eacute;ens, type Bernstein, d&rsquo;emp&ecirc;cher l&rsquo;&eacute;clatement de la guerre, pr&eacute;cis&eacute;ment&nbsp;? L&eacute;nine a certes profit&eacute; de l&rsquo;opportunit&eacute; offerte par la guerre&nbsp;et les Allemands&nbsp;; mais il a aussi tir&eacute; les cons&eacute;quences de l&rsquo;&eacute;chec de la Deuxi&egrave;me Internationale. Et s&rsquo;est souvenu du ch&acirc;timent inflig&eacute; aux communards parisiens<a name="_ftnref58"></a><a href="#_ftn58" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[58]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Au total, on peut l&eacute;gitimement douter qu&rsquo;un tel choix narratif s&eacute;lectif nous aide &agrave; comprendre&nbsp;le XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et ce qu&rsquo;il a recel&eacute; de monstruosit&eacute;s. Et pour qui s&rsquo;int&eacute;resse aux liens de causalit&eacute;, il a &eacute;t&eacute; rappel&eacute; que cette interpr&eacute;tation fait son apparition et s&rsquo;impose au moment o&ugrave; s&rsquo;effondre l&rsquo;Empire sovi&eacute;tique, pr&eacute;lude au triomphe du camp &laquo;&nbsp;d&eacute;mocratique&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;lib&eacute;ral&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref59"></a><a href="#_ftn59" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[59]</span></sup></a>&nbsp;; pr&eacute;lude aussi &agrave; l&rsquo;effondrement des partis communistes d&rsquo;Europe occidentale et, plus largement, d&rsquo;une alternative &agrave; gauche. Dans une certaine mesure, l&rsquo;&eacute;tablissement d&rsquo;un tel lien m&eacute;canique entre r&eacute;volution et violence, entre r&eacute;volution et guerre civile, entre r&eacute;volution et totalitarisme, entra&icirc;ne aussi, de facto, la d&eacute;ligitima</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">tion implicite des mouvements politiques et sociaux pour hier, et de tout questionnement de &laquo;&nbsp;l&rsquo;ordre&nbsp;&raquo; lib&eacute;ral et capitaliste pour aujourd&rsquo;hui et demain. Pour le pr&eacute;sent et le futur proche, cela revient &agrave; clore d&eacute;finitivement le champ des possibles. &Agrave; cet &eacute;gard, une autre observation peut d&rsquo;ailleurs &ecirc;tre faite&nbsp;: en r&egrave;gle g&eacute;n&eacute;rale, la violence stigmatis&eacute;e par les historiens de Cour est toujours celle des classes dangereuses, des gens d&rsquo;en bas, des domin&eacute;s, des opprim&eacute;s&hellip; Quelques-uns en sont m&ecirc;me aujourd&rsquo;hui &agrave; &laquo;&nbsp;criminaliser&nbsp;&raquo; la r&eacute;sistance au nazisme<a name="_ftnref60"></a><a href="#_ftn60" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="color:black">[60]</span></sup></a>&hellip;</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:Helvetica"><span style="letter-spacing:-.1pt">Quoi qu&rsquo;il en soit, aujourd&rsquo;hui, ce paradigme matriciel qui structure et cors&egrave;te fermement le r&eacute;cit historique dominant s&eacute;cr&egrave;te une crise de l&rsquo;intelligibilit&eacute;, une crise du sens. Agissant comme un fixateur interpr&eacute;tatif, la vulgate 14-18/39-45 </span></span><span style="font-family:Helvetica">provoque ce que Tony Judt appelait le &laquo;&nbsp;r&eacute;tr&eacute;cissement id&eacute;ologique de notre champ visuel&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref61"></a><a href="#_ftn61" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup>[61]</sup></a>. Nul doute que l&rsquo;on aurait pu esp&eacute;rer autre chose du premier centenaire de la Grande Guerre.</span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn1"></a><a href="#_ftnref1" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[1]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Ce texte constitue une seconde version remani&eacute;e et actualis&eacute;e de mon article&nbsp;: &laquo;&nbsp;&quot;1914-1918, matrice du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle&quot;&nbsp;: une nouvelle figure historique ou un pr&ecirc;t &agrave; ne plus penser&nbsp;?&nbsp;&raquo;, in Fr&eacute;d&eacute;ric Rousseau, Jean-Fran&ccedil;ois Thomas (dir.), <i>La Fabrique de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement</i>, Paris, Michel Houdiard, 2009, pp. 295-310.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn2"></a><a href="#_ftnref2" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[2]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Pour des exemples relev&eacute;s entre 1998 et 2008 dans la presse, <i>Ibid.</i>, p. 296, note 4. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn3"></a><a href="#_ftnref3" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[3]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Fun (www.france-universite-numerique.fr) est une plateforme de MOOCs (Massive Open Online Courses&nbsp;: cours en ligne ouverts &agrave; tous) ouverte par le minist&egrave;re fran&ccedil;ais de l&rsquo;Enseignement sup&eacute;rieur et de la recherche en octobre 2013.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn4"></a><a href="#_ftnref4" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[4]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Annette Becker est aussi vice-pr&eacute;sidente du Centre international de recherche rattach&eacute; &agrave; l&rsquo;Historial de P&eacute;ronne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn5"></a><a href="#_ftnref5" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[5]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.05pt">https://www.france-universite-numerique-mooc.fr/courses/Paris10/10001/Trimestre_1_2014/about, consult&eacute; le 18 janvier 2014.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn6"></a><a href="#_ftnref6" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[6]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <i>Les Collections de l&rsquo;Histoire</i>, &laquo;&nbsp;14-18, la catastrophe&nbsp;&raquo;, n&deg; 61, octobre 2013, p. 3. Dossier coordonn&eacute; par l&rsquo;historien Bruno Cabanes, membre du comit&eacute; scientifique de P&eacute;ronne. C&#39;est moi qui souligne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn7"></a><a href="#_ftnref7" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[7]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Mots soulign&eacute;s par les auteurs de l&rsquo;exposition dont le commissaire n&rsquo;est autre que Philippe Mesnard, actuel directeur de la Fondation Auschwitz de Bruxelles. Annette Becker et Laurence Van Ypersele, toutes deux membres par ailleurs du comit&eacute; directeur du Centre de recherche de l&rsquo;Historial sont membres du comit&eacute; scientifique de l&rsquo;exposition.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn8"></a><a href="#_ftnref8" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[8]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Laurence Van Ypersele, &laquo;&nbsp;La Grande Guerre, laboratoire du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo;, <i>La Libre Belgique</i>, 10&nbsp;novembre&nbsp;2011&nbsp;; consultable en ligne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn9"></a><a href="#_ftnref9" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[9]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <i>Le Nouvel Observateur</i>, &laquo;&nbsp;1914, l&rsquo;ann&eacute;e o&ugrave; tout a bascul&eacute;&nbsp;&raquo;, sp&eacute;cial 52 pages, 19 d&eacute;cembre 2013-1<sup>er</sup> janvier 2014, p. 132. Tous mes remerciements &agrave; Roger Bordage&nbsp;qui m&rsquo;a signal&eacute; ce num&eacute;ro.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn10"></a><a href="#_ftnref10" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[10]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Voir l&rsquo;article de Pierre Monnet, l&rsquo;un des artisans de cet ouvrage, &laquo;&nbsp;Un manuel d&rsquo;histoire &agrave; deux voix. France-Allemagne&nbsp;: un pass&eacute; enfin pass&eacute;&nbsp;?&nbsp;&raquo;, in <i>Le Nouvel Observateur</i>, hors-s&eacute;rie, octobre-novembre 2008, pp. 26-29.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn11"></a><a href="#_ftnref11" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[11]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Peter Geiss, Daniel Henri et Guillaume Le Quintrec (dir.), <i>Manuel d&rsquo;histoire franco-allemand. Premi&egrave;res L/ES/S,</i></span> <i><span style="letter-spacing:-.05pt">L&rsquo;Europe et le monde du Congr&egrave;s de Vienne &agrave; 1945,</span></i><span style="letter-spacing:-.05pt"> Klette/Nathan, 2008, p. 188. C&#39;est moi qui souligne.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn12"></a><a href="#_ftnref12" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[12]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Peter Geiss, Daniel Henri et Guillaume Le Quintrec (dir.), <i>Manuel d&rsquo;histoire franco-allemand, op. cit.</i>, p. 214. C&rsquo;est moi qui souligne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn13"></a><a href="#_ftnref13" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[13]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Cet historien est par ailleurs r&eacute;dacteur en chef de la <i>Revue d&rsquo;histoire de la Shoah&nbsp;</i>et responsable des<span style="text-transform:uppercase"> &eacute;</span>ditions du M&eacute;morial de la Shoah.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn14"></a><a href="#_ftnref14" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[14]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> 2006, Chapitre 2&nbsp;: &laquo;&nbsp;La Grande Guerre et la mort de masse&nbsp;&raquo;, p. 45 et ss. Font aujourd&rsquo;hui partie de cette &laquo;&nbsp;communaut&eacute; interpr&eacute;tative&nbsp;&raquo; les auteurs rassembl&eacute;s dans la <i>Revue d&rsquo;histoire de la Shoah. Violences. Violences de guerre, violences coloniales, violences extr&ecirc;mes avant la Shoah</i>, n&deg; 189, juillet-d&eacute;cembre 2008. Sur la quatri&egrave;me de couverture de cet ouvrage collectif, on peut notamment lire ceci&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] Ainsi, c&rsquo;est dans la guerre de 1914-1918 (en particulier sur le front oriental) comme dans les d&eacute;portations de civils que se sont pr&eacute;par&eacute;es les d&eacute;portations des ann&eacute;es quarante. De m&ecirc;me que les pogromes de 1918-1921 avaient une allure pr&eacute;-g&eacute;nocidaire qui annon&ccedil;ait Babi Yar&nbsp;&raquo;&hellip;</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn15"></a><a href="#_ftnref15" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[15]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Antoine Prost et Jay Winter, <i>Penser la Grande Guerre. Un essai d&rsquo;historiographie</i>, Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Points histoire&nbsp;&raquo;, 2004, pp. 285-286 particuli&egrave;rement. Ce qui est remarquable, c&rsquo;est que l&agrave; o&ugrave; Georges Bensoussan s&rsquo;approprie la formule, les deux historiens se contentaient de relever en tant qu&rsquo;observateurs l&rsquo;une des caract&eacute;ristiques de la troisi&egrave;me configuration historiographique rep&eacute;r&eacute;e.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn16"></a><a href="#_ftnref16" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[16]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Georges Bensoussan, <i>Europe, une passion g&eacute;nocidaire, op.cit.</i>, p. 46. C&rsquo;est moi qui souligne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn17"></a><a href="#_ftnref17" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[17]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Allusion au titre du livre d&rsquo;Eric J. Hobsbawm, <i>L&rsquo;&Acirc;ge des extr&ecirc;mes. Histoire du court XX<sup>e</sup> si&egrave;cle</i>, Bruxelles, Complexe/Le Monde diplomatique, 1999 [1994].</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn18"></a><a href="#_ftnref18" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[18]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Enzo Traverso, <i>La Violence nazie. Une g&eacute;n&eacute;alogie europ&eacute;enne</i>, Paris, La Fabrique, 2002, pp. 87, 102, 108, et 111. </span>C&rsquo;est moi qui souligne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn19"></a><a href="#_ftnref19" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[19]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Annette Becker appartient aussi au comit&eacute; scientifique du M&eacute;morial de la Shoah</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn20"></a><a href="#_ftnref20" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[20]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> St&eacute;phane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, <i>14-18, retrouver la guerre</i>, Paris, Gallimard, 2000. Chez E.&nbsp;Traverso, S. Audoin-Rouzeau est cit&eacute; &agrave; 3 reprises et A. Becker &agrave; 8 reprises. Chez G. Bensoussan, S. Audoin-Rouzeau est cit&eacute; &agrave; 5 reprises, A. Becker &agrave; 22 reprises, notamment pour son ouvrage <i>Oubli&eacute;s de la Grande Guerre</i>, Paris, No&eacute;sis, 1998.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn21"></a><a href="#_ftnref21" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[21]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Anne Dum&eacute;nil a soutenu &agrave; l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;Amiens un doctorat d&rsquo;histoire pr&eacute;par&eacute; sous la direction de St&eacute;phane Audoin-Rouzeau.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn22"></a><a href="#_ftnref22" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[22]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Peter Geiss, Daniel Henri et Guillaume Le Quintrec (dir.), <i>Manuel</i> <i>d&rsquo;histoire franco-allemand, op. cit.,</i> p. 198.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn23"></a><a href="#_ftnref23" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[23]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> C&rsquo;est moi qui souligne.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn24"></a><a href="#_ftnref24" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[24]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> St&eacute;phane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, <i>14-18, retrouver la guerre, op. cit.,</i> p. 38.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn25"></a><a href="#_ftnref25" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[25]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <i>Ibid.</i>, p. 42.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn26"></a><a href="#_ftnref26" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[26]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <i>Ibid.</i>, p. 44.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn27"></a><a href="#_ftnref27" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[27]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> St&eacute;phane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, <i>14-18, retrouver la guerre, op. cit.</i>, p. 269</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn28"></a><a href="#_ftnref28" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[28]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Annette Becker, <i>Oubli&eacute;s de la Grande Guerre, op. cit.,</i> p. 11.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn29"></a><a href="#_ftnref29" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[29]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <i>Ibid.,</i> p. 377.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn30"></a><a href="#_ftnref30" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[30]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Fran&ccedil;ois Furet, <i>Le Pass&eacute; d&rsquo;une illusion, essai sur l&rsquo;id&eacute;e communiste au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle</i>, Paris, Robert Laffont/Calmann-L&eacute;vy, 1995, p. 194. On notera que St&eacute;phane Courtois n&rsquo;adh&egrave;re pas totalement &agrave; cet encha&icirc;nement causal pour la Russie, Voir S. Courtois, &laquo;&nbsp;La guerre et la pens&eacute;e de L&eacute;nine&nbsp;&raquo;, in S. Courtois (dir.), <i>Quand la nuit tombe. Origines et &eacute;mergence des r&eacute;gimes totalitaires en Europe</i>, Lausanne, L&rsquo;&Acirc;ge d&rsquo;Homme, 2001, pp. 89-90&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il est vrai que ces derni&egrave;res ann&eacute;es, plusieurs ouvrages d&rsquo;auteurs reconnus, depuis Mosse jusqu&rsquo;au <i>Pass&eacute; d&rsquo;une illusion</i> de Fran&ccedil;ois Furet ont soulign&eacute; l&rsquo;impact fondamental de la guerre sur l&rsquo;&eacute;volution des mentalit&eacute;s et sur la brutalisation des soci&eacute;t&eacute;s apr&egrave;s 1914. Le constat est incontestable, mais il ne doit &agrave; aucun moment occulter ce fait d&eacute;cisif&nbsp;: la guerre nationale et la guerre civile sont deux ph&eacute;nom&egrave;nes de nature diff&eacute;rente, voire oppos&eacute;e, r&eacute;pondant &agrave; des objectifs et des modes de fonctionnement distincts, et reposant sur des types d&rsquo;hommes contraires&nbsp;&raquo;. Courtois renverse aussi le raisonnement tenu par S. Audoin-Rouzeau et A. Becker&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il est d&rsquo;ailleurs important de souligner que, &agrave; la diff&eacute;rence des mouvements fasciste et nazi post&eacute;rieurs &agrave; l&rsquo;av&egrave;nement du bolchevisme, celui-ci a &eacute;t&eacute; port&eacute; par des chefs dont aucun n&rsquo;a combattu au front, n&rsquo;a connu les r&eacute;alit&eacute;s concr&egrave;tes de la guerre, et dont la perception de la violence n&rsquo;est pas issue d&rsquo;une exp&eacute;rience directe mais demeure th&eacute;orique. Ce qui explique sans doute en partie leur caract&egrave;re impitoyable. Car si la guerre a contribu&eacute; &agrave; une brutalisation g&eacute;n&eacute;rale, elle a aussi &eacute;t&eacute; chez ceux qui l&rsquo;ont exp&eacute;riment&eacute;e un puissant facteur de prise de conscience de la valeur de la vie humaine. R&eacute;action psychologique que les bolcheviks ne connaissaient pas, eux qui &eacute;taient anim&eacute;s par la haine de classe et le ressentiment social.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn31"></a><a href="#_ftnref31" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[31]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Par exemple, Jo&euml;l Kotek, Pierre Rigoulot, <i>Le Si&egrave;cle des camps. D&eacute;tention, concentration, extermination. Cent ans de mal radical</i>, Paris, Jean-Claude Latt&egrave;s, 2000, pp. 31-33. Cependant, dans le chapitre consacr&eacute; au g&eacute;nocide des Hereros, ils nuancent quelque peu leur propos en rappelant&nbsp;: &laquo;&nbsp;La brousse annonce les horreurs de la guerre de 14-18 et du g&eacute;nocide nazi. Hannah Arendt tient &quot;les massacres terribles&quot; et &quot;les meurtres sauvages&quot; des puissances imp&eacute;rialistes europ&eacute;ennes pour responsable de l&rsquo;introduction triomphante de moyens de pacification menant au totalitarisme et au g&eacute;nocide...&nbsp;&raquo;, in <i>Ibid.</i>, p. 91.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn32"></a><a href="#_ftnref32" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[32]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Voir Lucien Genet, Ren&eacute; R&eacute;mond, Pierre Chaunu, Alice Marcet, <i>Le Monde contemporain. Classes terminales</i>, Programme ao&ucirc;t 1965, Paris, Hatier, 1966. Jacques Aldebert, Charles Olivier Carbonell, Bernard Phan, Jean Rives, <i>Histoire. Premi&egrave;re. 1880-1945, naissance du monde contemporain</i>, Paris, Delagrave, 1988. Collection GREGH, <i>Histoire de 1890 &agrave; 1945. Classes de Premi&egrave;res</i>, Paris, Hachette, 1988. Ou encore le livre de Jean-Baptiste Duroselle, <i>Europe&nbsp;: histoire de ses peuples</i>, Paris, Librairie acad&eacute;mique Perrin, 1990. La version allemande, <i>Europa&nbsp;: Eine Geschichte seiner Volker,</i> est parue la m&ecirc;me ann&eacute;e chez Bertelsmann Lexikon Verlag.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn33"></a><a href="#_ftnref33" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[33]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Marc Bloch, <i>Apologie pour l&rsquo;histoire</i>, Paris, Armand Colin, 1974, p. 38. Le retour des origines &eacute;tait d&rsquo;ailleurs d&eacute;j&agrave; perceptible chez Fran&ccedil;ois Furet, <i>Penser la R&eacute;volution fran&ccedil;aise</i>, Paris, Gallimard, 1978, p. 109. Voir Paul Ric&oelig;ur, <i>Temps et r&eacute;cit, </i>t. 1. <i>L&rsquo;intrigue et le r&eacute;cit historique</i>, Paris, Points-Seuil, 1983, p. 394.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn34"></a><a href="#_ftnref34" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[34]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Pour une premi&egrave;re critique de la notion de &laquo;&nbsp;culture de guerre&nbsp;&raquo;, Nicolas Offenstadt, Philippe Olivera, Emmanuelle Picard, Fr&eacute;d&eacute;ric Rousseau, &laquo;&nbsp;&Agrave; propos d&rsquo;une notion r&eacute;cente&nbsp;: &quot;la culture de guerre&quot;&nbsp;&raquo;, in F.&nbsp;Rousseau (dir.),<i> Guerres, paix et soci&eacute;t&eacute;s, 1911-1946</i>, Neuilly, Atlande, 2004, pp. 667-674.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn35"></a><a href="#_ftnref35" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[35]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Antoine Prost, &laquo;&nbsp;Les limites de la brutalisation. Tuer sur le front occidental, 1914-1918&nbsp;&raquo;, <i>Vingti&egrave;me si&egrave;cle. Revue d&rsquo;histoire,</i> n&deg; 81, janvier-mars 2004, pp. 5-20. Fr&eacute;d&eacute;ric Rousseau, &laquo;&nbsp;Abordages. R&eacute;flexions sur la cruaut&eacute; et l&rsquo;humanit&eacute; au c&oelig;ur de la bataille&nbsp;&raquo;, in Nicolas Offenstadt (dir.), <i>Le Chemin des Dames. De l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement&nbsp; &agrave; la m&eacute;moire,</i> Paris, Stock, 2004, pp. 188-193.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn36"></a><a href="#_ftnref36" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[36]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Burghart Schmidt, Fr&eacute;d&eacute;ric Rousseau (dir.), <i>Les D&eacute;rapages de la guerre&nbsp;du XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle &agrave; nos jours</i>, Hambourg, Dobu Verlag, 2009 ; Bruna Bianchi (&eacute;d.), <i>La <b>Violenza</b> contro la popolazione civile nella Grande Guerra. Deportati, profughi, internati</i>, Milan, Edizioni Unicopli, 2006.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn37"></a><a href="#_ftnref37" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[37]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> John Horne, Alan Kramer, <i>1914. Les Atrocit&eacute;s allemandes</i>, traduit de l&rsquo;anglais par Herv&eacute;-Marie Beno&icirc;t, Paris, Tallandier, 2005 [2001].</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn38"></a><a href="#_ftnref38" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[38]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Raymond Aron, <i>Paix et guerre entre les nations</i>, Paris, Calmann-L&eacute;vy, 1962, p. 335.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn39"></a><a href="#_ftnref39" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[39]</span></span></span></sup></a> <span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.05pt">Malcom Brown, Shirley Seaton, <i>Christmas Truce, The Western Front, December 1914</i>, Londres, Pan Books, 2001 [1984]&nbsp;; Stanley Weintraub, <i>Silent Night. The Story of the World War I Christmas Truce,</i> Londres, Simon &amp; Shuster, 2001 [1997]&nbsp;; Marc Ferro, Malcolm Brown, R&eacute;my Cazals, Olaf Mueller, <i>Fr&egrave;res de tranch&eacute;es</i>, Paris, Perrin, 2006.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn40"></a><a href="#_ftnref40" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[40]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Tony Ashworth, </span></span></span><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Trench Warfare. 1914-1918 The Live and Let Live System</span></span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">, Londres, Pan Books, 2000 [1980].</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn41"></a><a href="#_ftnref41" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[41]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Je renvoie ici &agrave; la bibliographie mise en ligne sur le site du CRID 14-18 (Collectif de recherche international et de d&eacute;bat sur la Guerre de 14-18) : www.crid1418.org</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn42"></a><a href="#_ftnref42" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[42]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Jo&euml;l Kotek, Pierre Rigoulot, <i>Le Si&egrave;cle des camps</i>, <i>op. cit. ;</i> Annette Becker, &laquo;&nbsp;La gen&egrave;se des camps de concentration&nbsp;: Cuba, la guerre des Boers, la grande guerre de 1896 aux ann&eacute;es vingt&nbsp;&raquo;, in <i>Revue d&rsquo;histoire de la Shoah. Violences. Violences de guerre, violences coloniales, violences extr&ecirc;mes avant la Shoah</i>, n&deg;&nbsp;189, juillet-d&eacute;cembre 2008, pp. 101-129.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn43"></a><a href="#_ftnref43" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[43]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Peter Geiss, Daniel Henri et Guillaume Le Quintrec (dir.), <i>Manuel d&rsquo;histoire franco-allemand,</i> <i>op. cit.</i>, p. 201.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn44"></a><a href="#_ftnref44" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[44]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Je renvoie notamment aux travaux du grand sp&eacute;cialiste du g&eacute;nocide arm&eacute;nien, Donald Bloxham, &laquo;&nbsp;The Armenian Genocide of 1915-1916&nbsp;: Cumulative Radicalization and the Development of a Destruction Policy&nbsp;&raquo;, in <i>Past and Present</i>, n&deg; 181, novembre 2003, pp. 141-192.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn45"></a><a href="#_ftnref45" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[45]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Se reporter au livre essentiel d&rsquo;Isabel V. Hull, <i>Absolute Destruction. </i></span></span></span><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Military Culture and the Practices of War in Imperial Germany</span></span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 2005.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn46"></a><a href="#_ftnref46" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[46]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> David Olusoga et Casper W. Erichsen, </span></span></span><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">The Kaiser&rsquo;s Holocaust. Germany&rsquo;s Forgotten Genocide and the Colonial Roots of Nazism,</span></span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Londres, Faber &amp; Faber, 2010.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn47"></a><a href="#_ftnref47" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[47]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Andr&eacute; Loez, <i>14-18. Les Refus de guerre. Une histoire des mutins, </i>Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio histoire&nbsp;&raquo;, 2010&nbsp;; Nicolas Mariot<i>, Tous unis dans la tranch&eacute;e? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple,</i> Paris, Seuil, 2013.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn48"></a><a href="#_ftnref48" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[48]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <i>Le Nouvel Observateur, </i>&laquo; La brutalisation du monde &raquo;, art. cit., propos de St&eacute;phane Audoin-Rouzeau recueillis par Andr&eacute; Burgui&egrave;re, p. 134. C&rsquo;est moi qui souligne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn49"></a><a href="#_ftnref49" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[49]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Ernst Nolte, <i>La Guerre civile europ&eacute;enne, 1917-1945</i>, traduit de l&rsquo;allemand par Jean-Marie Argel&egrave;s, pr&eacute;face de St&eacute;phane Courtois, Paris, &Eacute;ditions des Syrtes, 2000 (1997). Citons aussi la correspondance &eacute;chang&eacute;e entre Nolte et Furet qui avait d&rsquo;ailleurs &eacute;t&eacute; initialement pressenti pour pr&eacute;facer cet ouvrage&nbsp;: <i>Fascisme et communisme</i>, Paris, <i>Commentaire</i>/Plon, 1998. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn50"></a><a href="#_ftnref50" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[50]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Jo&euml;l Kotek, Pierre Rigoulot, <i>Le Si&egrave;cle des camps, op.cit.</i>, pp. 31-33.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn51"></a><a href="#_ftnref51" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[51]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> St&eacute;phane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, <i>14-18, retrouver la guerre, op. cit.</i>, p. 269. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn52"></a><a href="#_ftnref52" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[52]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Voir Michel Dreyfus, Bruno Groppo, Claudio Ingerflom, Roland Lew, Claude Pennetier, Bernard Pudal, Serge Wolikow (dir.), <i>Le Si&egrave;cle des communismes</i>, Paris, L&rsquo;Atelier, 2000.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn53"></a><a href="#_ftnref53" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[53]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Reprise de l&rsquo;interpr&eacute;tation de Fran&ccedil;ois Furet pr&eacute;sent&eacute;e dans <i>Le Pass&eacute; d&rsquo;une illusion, op.cit., </i>p. 197.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn54"></a><a href="#_ftnref54" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[54]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Fran&ccedil;ois Furet, <i>Ibid., </i>p. 197. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn55"></a><a href="#_ftnref55" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[55]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Hannes Stein, </span></span></span><i><span lang="DE" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">J&uuml;dische Allgemeine</span></span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">, 2 janvier 2014. Je remercie Jacques Aron pour m&rsquo;avoir signal&eacute; et traduit ce document.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn56"></a><a href="#_ftnref56" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[56]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.15pt">Thomas Weber, <i>La Premi&egrave;re Guerre d&rsquo;Hitler</i>, traduit de l&rsquo;anglais par Michel Bessi&egrave;res, Paris, Perrin, 2012 [2010].</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn57"></a><a href="#_ftnref57" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[57]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Giovanna Procacci, </span></span></span><i><span lang="EN-US" style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Warfare-Welfare. Intervento dello Stato e diritti dei cittadini (1914-18)</span></span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">, Rome, Carocci editore, 2013. Voir ma recension sur le site du CRID 14-18 : www.crid1418.org</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn58"></a><a href="#_ftnref58" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[58]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Si l&rsquo;on cherche v&eacute;ritablement &agrave; comprendre le d&eacute;cha&icirc;nement de la violence en Russie, ne faudrait-il pas, un peu, interroger la tradition de violence politique en terre russe&nbsp;? Par ailleurs, peut-on nier que les dirigeants bolcheviques ont &eacute;galement tir&eacute; les enseignements de la Commune de Paris de 1871&nbsp;? Voir William Serman, <i>La Commune de Paris</i>, Paris, Fayard, 2003 ; Arno J. Mayer, <i>Les Furies, 1789-1917</i>, <i>Violence, vengeance, terreur aux temps de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise et de la R&eacute;volution russe</i>, trad. de l&rsquo;anglais par Odile Demange, Paris, Fayard, 2002 [2000], pp. 318 et 344.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn59"></a><a href="#_ftnref59" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[59]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> Les guillemets sont une invitation &agrave; questionner nos d&eacute;mocraties et leur lib&eacute;ralisme.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn60"></a><a href="#_ftnref60" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[60]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Je renvoie ici au premier num&eacute;ro d&rsquo;<i>En Jeu.</i> Voir aussi la petite entreprise de Claude Barbier concernant la R&eacute;sistance en Haute-Savoie, notamment <i>Le Maquis de Gli&egrave;res. Mythe et r&eacute;alit&eacute;, </i>Paris, Perrin, 2014. Je remercie Charles Heimberg pour avoir attir&eacute; mon attention sur ce ph&eacute;nom&egrave;ne (voir &eacute;galement le compte rendu de deux ouvrages de Claude Barbier en p. 167 de ce num&eacute;ro). </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_ftn61"></a><a href="#_ftnref61" style="color:blue; text-decoration:underline"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">[61]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> J&rsquo;emprunte l&rsquo;expression &agrave; Tony Judt, <i>Retour sur le XX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Une histoire de la pens&eacute;e contemporaine, pour en finir avec l&rsquo;&egrave;re de l&rsquo;oubli</i>, traduit de l&rsquo;anglais par Emmanuel Dauzat et Sylvie Taussig, Paris, H&eacute;lo&iuml;se d&rsquo;Ormesson, 2010 [2008], p. 38.</span></span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p>