<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Note de lecture</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">David Lodge,&nbsp; </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><i><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Jeux de maux</span></i></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Rivages poche/ Biblioth&egrave;que &eacute;trang&egrave;re</span></span></span></p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nous connaissons et admirons David Lodge (<i>Un tout petit monde</i>, <i>Changement de d&eacute;cor</i>, <i>Jeu de soci&eacute;t&eacute;</i>, <i>La vie en sourdine</i>) Cet &eacute;tonnant s&eacute;miologue, s&eacute;rieux et dr&ocirc;le, grand observateur de la soci&eacute;t&eacute;, quitte ici son domaine de pr&eacute;dilection (les universitaires et leurs manies) pour un objet beaucoup plus pol&eacute;mique. Au tournant de la r&eacute;volution sexuelle des ann&eacute;es 60, il analyse l&#39;incidence de la contraception sur pratiques et croyances religieuses, et leurs manifestations sociales.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le roman (c&#39;est ainsi que Lodge le pr&eacute;sente) paru il y a 40 ans, n&#39;a pas re&ccedil;u l&#39;excellent accueil de ses &oelig;uvres les plus connues. Son titre original : <i>How far can you go?<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></b></span></span></a> </i>Annonce beaucoup mieux l&#39;ouvrage<i> </i>que le jeu de mots (&quot;<i>jeux de maux</i>&quot;) assez banal de la traduction fran&ccedil;aise et explique pourquoi s&#39;y int&eacute;resser aujourd&#39;hui: l&#39;analyse de Lodge &eacute;claire le d&eacute;bat actuel sur la place des religions dans une soci&eacute;t&eacute; d&eacute;mocratique.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nous partons d&#39;une situation volontairement sch&eacute;matis&eacute;e. Dans d&#39;autres romans, l&#39;auteur sait parfaitement donner de &quot;l&#39;&eacute;paisseur&quot; &agrave; ses personnages, les faire exister comme &quot;personnes&quot; aux yeux du lecteur. S&#39;il se contente ici de dresser les portraits typiques de cinq jeunes gens et jeunes filles, catholiques fervents, de les montrer dans leurs d&eacute;m&ecirc;l&eacute;s avec la foi et la d&eacute;couverte de la sexualit&eacute;, c&#39;est qu&#39;il ne s&#39;agit pas de cr&eacute;er une fiction mais de montrer, par l&#39;exemple, les difficiles rapports entre religion et vie civile.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nous sommes dans les ann&eacute;es 50-60, la contraception &eacute;tait interdite, comment les jeunes catholiques se d&eacute;brouillaient-ils&nbsp;? Ces jeunes gens avaient &eacute;t&eacute; &eacute;lev&eacute;s dans un syst&egrave;me d&#39;ob&eacute;issance stricte &agrave; l&#39;autorit&eacute; religieuse, syst&egrave;me qui ins&eacute;rait les membres de l&#39;&Eacute;glise dans une pyramide dont le pape constituait le sommet, la base les la&iuml;cs, le tout reposant sur la crainte de l&#39;enfer. La disparition de l&#39;enfer est un &eacute;l&eacute;ment important dans les changements de cette &eacute;poque. Lodge note qu&#39;&agrave; un certain moment, dans les ann&eacute;es 60, l&#39;enfer a disparu, l&#39;enfer de l&#39;&eacute;glise catholique romaine, o&ugrave; l&#39;on br&ucirc;le pour l&#39;&eacute;ternit&eacute; si l&#39;on est mort en &eacute;tat de p&eacute;ch&eacute; mortel.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans l&#39;ambiance d&eacute;mocratique qu&#39;avait ouverte le Concile de Vatican II, &agrave; l&#39;initiative de Jean XXIII<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></a>, les catholiques &eacute;taient convaincus que morale et contraception n&#39;&eacute;taient pas incompatibles. Mais l&#39;ann&eacute;e 1968, (riche en &eacute;v&eacute;nements de toutes sortes), fut pour eux celle de la lettre adress&eacute;e par Paul VI <i>&quot;Humanae Vitae&quot;, &quot;Lettre encyclique sur le mariage et la r&eacute;gulation des naissances&quot;</i>, d&#39;autant plus d&eacute;cevante qu&#39;elle &eacute;tait attendue par beaucoup : elle interdisait la contraception quels que fussent les moyens employ&eacute;s<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></a>. Le pape Paul VI, son auteur, fut dit-on, constern&eacute; par les r&eacute;actions qu&#39;elle provoqua.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Du coup, la premi&egrave;re controverse apr&egrave;s Vatican II, o&ugrave; conservateurs et progressistes purent &eacute;valuer leur influence, ne porta pas sur un dogme fondamental, comme la nature du Christ ou la R&eacute;v&eacute;lation, mais sur les conditions qui&nbsp;autorisent ou interdisent telle ou telle pratique sexuelle. La contraception entra&icirc;nait dans son sillage des questions importantes comme la place du plaisir dans la recherche du salut pour un chr&eacute;tien. Lodge est trop pr&eacute;cis sur ces points pour que je puisse le citer ici.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les conservateurs pr&eacute;disaient que l&#39;autorisation accord&eacute;e aux couples mari&eacute;s d&#39;utiliser la contraception conduirait t&ocirc;t ou tard &agrave; l&#39;infid&eacute;lit&eacute; conjugale, &agrave; des exp&eacute;riences et &quot;d&eacute;viations&quot; sexuelles vari&eacute;es mais ils avaient d&eacute;j&agrave; eux-m&ecirc;mes accept&eacute; la &quot;d&eacute;faite&quot; en approuvant la &quot;m&eacute;thode des temp&eacute;ratures&quot;. L&#39;&Eacute;glise commen&ccedil;a en effet &agrave; enseigner que les &eacute;poux pouvaient restreindre leurs rapports aux jours du mois non f&eacute;conds pour la femme, jours d&eacute;termin&eacute;s par sa temp&eacute;rature ; l&#39;essentiel &eacute;tait admis : le plaisir &eacute;tait bon en soi. Ainsi l&#39;obligation de faire en sorte que chaque rapport sexuel reste, (au moins th&eacute;oriquement) ouvert &agrave; la conception, &eacute;tait la derni&egrave;re barri&egrave;re qui interdisait aux catholiques de participer &agrave; la poursuite du plaisir qui a &eacute;t&eacute; une obsession pour la soci&eacute;t&eacute; occidentale des ann&eacute;es 60. Mais les arguments avanc&eacute;s pour cette interdiction s&#39;affaiblissent d&egrave;s qu&#39;on admet que les rapports sexuels entre &eacute;poux peuvent avoir lieu dans la p&eacute;riode dite &quot;sans danger&quot;, dans l&#39;intention d&eacute;lib&eacute;r&eacute;e d&#39;&eacute;viter une grossesse. La m&eacute;thode des temp&eacute;ratures en effet, &eacute;tait si peu fiable, qu&#39;elle s&#39;imposait aux catholiques comme l&#39;obligation d&#39;avoir &agrave; payer un prix pour leur plaisir. D&#39;ailleurs, quand bien m&ecirc;me elle se f&ucirc;t perfectionn&eacute;e, quelle raison aurait-on pu invoquer pour choisir telle m&eacute;thode plut&ocirc;t que telle autre ?</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pendant que la soci&eacute;t&eacute; enti&egrave;re s&#39;interrogeait sur la valeur de la monogamie, que des adolescentes se voyaient intimer l&#39;ordre de prendre la pilule, il peut sembler &eacute;trange que les catholiques en fussent &agrave; d&eacute;battre du droit, pour les couples mari&eacute;s, d&#39;utiliser une m&eacute;thode contraceptive s&ucirc;re. Cette possibilit&eacute; &eacute;tait pourtant le coin que l&#39;h&eacute;donisme moderne enfon&ccedil;ait dans la l&eacute;gitimit&eacute; de la civilisation catholique romaine, et les &eacute;tapes de la d&eacute;christianisation sont alors tr&egrave;s pr&eacute;cis&eacute;ment associ&eacute;es &agrave; l&#39;&eacute;volution des pratiques sexuelles.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il devient difficile alors d&#39;imposer des limitations autres que g&eacute;n&eacute;rales, comme ne pas blesser son/sa partenaire. L&#39;interdiction de l&#39;adult&egrave;re avait pour justification d&#39;&eacute;tablir une famille stable et l&#39;argument perdait sa force avec l&#39;arriv&eacute;e des moyens contraceptifs modernes. Pourquoi aurait-il fallu &ecirc;tre mari&eacute; pour faire quelque chose qui est bon en soi ? Pourquoi telle pratique serait-elle condamn&eacute;e au m&ecirc;me titre que &quot;le meurtre pr&eacute;m&eacute;dit&eacute;, l&#39;oppression du pauvre, le refus de donner son salaire au travailleur&quot; (trois autres p&eacute;ch&eacute;s que l&#39;&Eacute;glise anglicane condamnait avec la m&ecirc;me s&eacute;v&eacute;rit&eacute; ?</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bref, si le plaisir ne vise plus la procr&eacute;ation, quelle importance peut-il y avoir &agrave; savoir comment il a &eacute;t&eacute; obtenu ?</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Des millions de catholiques prirent donc la d&eacute;cision d&#39;utiliser des moyens artificiels sans abandonner l&#39;&Eacute;glise, ce qui leur parut si &eacute;vident qu&#39;ils ne comprenaient pas pourquoi ils avaient si longtemps h&eacute;sit&eacute;. Et, dit Lodge, la litt&eacute;rature catholique, pastorale, s&#39;enthousiasma, les tristes jours de peine, de honte furent oubli&eacute;s ; tout &eacute;tait la faute de Saint-Paul, de Saint-Augustin ; et les couples &eacute;taient invit&eacute;s &agrave; faire l&#39;amour lumi&egrave;re allum&eacute;e.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Si le choix de conduite &eacute;tait priv&eacute; pour les la&iuml;ques, pour le clerg&eacute; il &eacute;tait r&eacute;gi par la doctrine et l&#39;ob&eacute;issance, quelle que f&ucirc;t leur opinion personnelle sur la question. Certains craignaient que l&#39;intransigeance conduise &agrave; une d&eacute;saffection massive ; pour d&#39;autres, rejeter l&#39;Encyclique m&egrave;nerait in&eacute;vitablement &agrave; un schisme. Cette double difficult&eacute; conduisit &agrave; une interpr&eacute;tation minimale d&#39;<i>Humanae Vitae</i>, avec, me semble-t-il, des observations assez proches des casuistes du XVII&egrave;me si&egrave;cle : si la contraception &eacute;tait mauvaise, certaines circonstances subjectives en faisaient un p&eacute;ch&eacute; si v&eacute;niel qu&#39;il ne fallait pas s&#39;en inqui&eacute;ter et que ce n&#39;&eacute;tait pas une raison pour cesser de fr&eacute;quenter l&#39;&eacute;glise et de pratiquer son culte.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Compromis qui entra&icirc;nait des contradictions internes dont les pr&ecirc;tres &eacute;taient conscients. Tant que le plaisir avait &eacute;t&eacute; regard&eacute; avec suspicion comme contraire &agrave; la spiritualit&eacute;, qu&#39;il n&#39;&eacute;tait licite que comme partie de la fonction procr&eacute;atrice, le v&oelig;u de c&eacute;libat &eacute;tait coh&eacute;rent. Mais la nouvelle th&eacute;ologie en r&eacute;habilitant l&#39;amour sexuel abolissait la valeur du c&eacute;libat. Bien s&ucirc;r, on pouvait arguer que sans famille &agrave; &eacute;lever, les pr&ecirc;tres et les religieuses pouvaient se consacrer au service des autres. Mais cet argument ne tient que si l&#39;on interdit une contraception efficace. Pourquoi autrement n&#39;auraient-ils pas pu se marier ? Pourquoi les femmes ne pourraient-elles d&egrave;s lors devenir pr&ecirc;tres ? etc.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La crise provoqu&eacute;e par le contr&ocirc;le des naissances ne fut donc pas une diversion destin&eacute;e &agrave; masquer des probl&egrave;mes plus importants, car elle imposait aux catholiques de red&eacute;finir leur approche de questions fondamentales.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">C&#39;est donc gr&acirc;ce &agrave; la contraception que beaucoup de catholiques atteignirent une autonomie morale et, dit Lodge, &quot;cess&egrave;rent de regarder leur religion comme un manuel encyclop&eacute;dique dans lequel une claire r&eacute;ponse &eacute;taient donn&eacute;e &agrave; tous les questions concernant leur conduite dans la vie&quot;. C&#39;est par ce clivage o&ugrave; chaque domaine de la vie est renvoy&eacute; &agrave; sa sph&egrave;re propre, que ce texte d&eacute;j&agrave; ancien, pointe une grande difficult&eacute; des soci&eacute;t&eacute;s occidentales actuelles : comment conserver une soci&eacute;t&eacute; globalement d&eacute;mocratique si un nombre important de vos concitoyens consid&egrave;re que les lois de la R&eacute;publique doivent s&#39;adapter &agrave; leur culte ?</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Je laisse de c&ocirc;t&eacute; dans cette note de lecture infid&egrave;le, d&#39;autres aspects passionnants du livre de Lodge, comme le sentiment d&#39;injustice violent qui frappe un couple catholique parents d&#39;une petite fille handicap&eacute;e et dont un autre enfant meurt &eacute;cras&eacute; ; mais aussi une r&eacute;flexion sur les rapports entre romancier, personnages et personnes du monde r&eacute;el. L&#39;analyse de Lodge, aussi profonde soit-elle, int&eacute;resse surtout les probl&eacute;matiques litt&eacute;raires. C&#39;est la question du deuil qui en fournit le pr&eacute;texte ; car si les personnages de roman ne peuvent ni saigner ni pleurer, ils repr&eacute;sentent des personnes auxquelles de tels d&eacute;sastres arrivent sans raison ni justice. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans le livre de Lodge, c&#39;est un des personnages, Adrian qui personnifie l&#39;&eacute;cart le plus important vis &agrave; vis des interdictions de l&#39;encyclique : il entre bruyamment dans une pharmacie pour r&eacute;clamer des pr&eacute;servatifs, puis reprenant contact avec ses anciens amis leur fait part de ses nouveaux choix. Catholique convaincu, il cr&eacute;e un &quot;Mouvement pour une &Eacute;glise Lib&eacute;rale&quot; destin&eacute; &agrave; aider les pr&ecirc;tres contestataires, et invite ses amis &agrave; le suivre, d&#39;autant plus que le p&egrave;re qui les a enseign&eacute;s dans leur jeunesse, a choisi lui-m&ecirc;me la contestation. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Leurs r&eacute;unions chaotiques montrent la diversit&eacute; des motivations de ceux qui y participent : dame pr&eacute;occup&eacute;e par &quot;l&#39;explosion d&eacute;mographique&quot;, jeune couple pr&eacute;f&eacute;rant la m&eacute;thode &quot;sans danger&quot; (traditionnelle) et aussi ceux qui pr&ocirc;nent l&#39;&eacute;rotisme oriental. Ici la satire de Lodge s&#39;exerce avec une certaine jubilation, mais reste bienveillante &agrave; l&#39;&eacute;gard de ces personnes qui cherchent, qui osent, alors que leur &Eacute;glise leur ordonne l&#39;immobilit&eacute;. &Eacute;videmment, la r&eacute;union, comme toutes les assembl&eacute;es de ce genre aboutit &agrave; un affrontement avec amendements et contre amendements mat&eacute;rialis&eacute; par le proverbe de guingois d&#39;un africain jovial &quot;quand le chat n&#39;est pas l&agrave; la caravane passe&quot;; mais l&#39;essentiel reste l&#39;affirmation heureuse d&#39;une compatibilit&eacute; entre l&#39;<i>&eacute;ros</i> et l&#39;<i>agape</i>.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour caract&eacute;riser les rapports &eacute;rotiques de deux de ses personnages, Lodge se sert d&#39;une typologie narrative et assure ainsi leur caract&egrave;re exemplaire : ils ne font qu&#39;illustrer une id&eacute;e centrale mais plus complexe que je ne l&#39;ai mis en &eacute;vidence jusqu&#39;ici. C&#39;est que cette lib&eacute;ration sexuelle, cette facilit&eacute; de l&#39;acte, rend leurs rapports, si ce n&#39;est ennuyeux, au moins routiniers, et le d&eacute;sir se d&eacute;tourne alors vers d&#39;autres objets : c&#39;est l&#39;&eacute;mergence d&#39;une soci&eacute;t&eacute; de consommation, et on les voit, enviant la belle maison, les chevaux de leurs amis, mais aussi la sophistication de l&#39;&eacute;ducation offerte &agrave; leurs enfants leur sens &quot;inn&eacute;&quot; de l&#39;&eacute;l&eacute;gance etc. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le roman se termine dans une soci&eacute;t&eacute; domin&eacute;e par le spectacle et le march&eacute;, quand ils se demandent si leur association catholique lib&eacute;rale peut faire payer pour autoriser un reportage, ou encore quand se pose la question de prendre ensemble un sauna, o&ugrave; Lodge pointe l&#39;absurdit&eacute; de la soci&eacute;t&eacute; de consommation : le sauna est d&eacute;crit comme l&#39;op&eacute;ration de se donner chaud pour se rafra&icirc;chir ensuite, et cela, ind&eacute;finiment.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce bric &agrave; brac de pratiques modernes se voit alors d&eacute;nonc&eacute; par son incoh&eacute;rence, ce qui se traduit formellement dans le texte par l&#39;arbitraire, et l&#39;&eacute;clectisme des rituels<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[4]</span></span></span></span></a>, mais le rituel traditionnel est lui aussi d&eacute;nonc&eacute;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[5]</span></span></span></span></a> d&#39;o&ugrave; le sentiment de duplicit&eacute; et d&#39;alt&eacute;rit&eacute; qui submerge Michael comme tous ceux qui naviguent dans un va et vient entre deux mondes<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[6]</span></span></span></span></a>.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">M&ecirc;me les couvents s&#39;adaptent &agrave; ces bouleversements ; les changements sociaux y sont importants. Aux &Eacute;tats-Unis par exemple, une communaut&eacute; qui subvenait &agrave; ses besoins en brodant des chasubles pour les pr&ecirc;tres, choisit une activit&eacute; plus rentable en se transformant en une clinique du pied. Dans le Michigan, une bonne s&oelig;ur en cuissardes et minijupe dirige une &eacute;cole priv&eacute;e pour jeunes d&eacute;linquants ; certaines adh&egrave;rent &agrave; des mouvements contre l&#39;autorit&eacute; m&acirc;le dans l&#39;&Eacute;glise, disent des gros mots, et associent Mo&iuml;se &agrave; leur lutte contre le racisme. Lodge ponctue le r&eacute;cit de cette &eacute;volution lib&eacute;rale de d&eacute;tails qui exhibent les habitus de ces diff&eacute;rents groupes catholiques. Sans multiplier les exemples, voici Michael, d&eacute;sapprouv&eacute; par le conseil de son Universit&eacute; catholique pour avoir adh&eacute;r&eacute; aux lib&eacute;raux et qui trouve un poste dans une universit&eacute; lib&eacute;rale. Aussit&ocirc;t, sa femme et lui laissent pousser leurs cheveux, signe de lib&eacute;ration sans doute, mais qui les conduit &agrave; un autre conformisme en lien avec leur nouvel environnement. Lodge ajoute que l&#39;&eacute;pouse se met &agrave; fabriquer son pain (comme une hippie qui se respecte).</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Mais, et ici on atteint la limite du symbole, la lib&eacute;ralisation entra&icirc;ne d&#39;autres maladresses. Le calice n&#39;est plus pr&eacute;sent&eacute; par le pr&ecirc;tre, mais par n&#39;importe quel participant ; et voici qu&#39;un enfant le renverse (ce qui symboliquement &eacute;quivaut &agrave; verser le sang du Christ). Les r&eacute;actions diff&eacute;rentes du public manifestent l&#39;affaiblissement voire l&#39;&eacute;vanouissement du dogme ; depuis le pr&ecirc;tre qui essuie le liquide avec une vieille serpilli&egrave;re, jusqu&#39;au p&egrave;re de Michael, boulevers&eacute; par l&#39;incident et qui y voit une profanation insupportable. Le dogme essentiel de la transsubstantiation vole en &eacute;clats quand Michael interroge son p&egrave;re :&quot; Tu ne penses pas que le Christ est &#39;pi&eacute;g&eacute;&#39; dans le vin n&#39;est-ce pas ?&quot;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">M&ecirc;me si les questions ont chang&eacute; et que dans les soci&eacute;t&eacute;s occidentales actuelles, ce n&#39;est plus dans le domaine de la contraception, ni m&ecirc;me des pratiques sexuelles que l&#39;on observe les principaux clivages entre int&eacute;grisme religieux et d&eacute;mocratie, la difficult&eacute; n&#39;est pas moindre. Bien s&ucirc;r, Lodge nous propose des r&eacute;ponses en demi-teinte ; on voit cependant comment l&#39;analyse des interf&eacute;rences entre religion et vie sociale, des doutes aussi qu&#39;elles entra&icirc;nent, nous offre un jour plus clair ; reste enti&egrave;re la question qui impose de pr&eacute;ciser les limites des cultes en R&eacute;publique. </span></span></span></p> <p align="right" style="text-align:right"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Gis&egrave;le Valency</span></span></span></p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></a> <span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1980. Premi&egrave;re traduction fran&ccedil;aise 1993.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Convoqu&eacute; par Jean XXIII en 1961, ce concile s&#39;est d&eacute;roul&eacute; de 1962 &agrave; 1965 sous les pontificats de Jean XXIII puis de Paul VI. Il se conclut par l&#39;encyclique <i>&quot;Pacem in Terris&quot;. </i></span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></a> <span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Extrait de l&#39;encyclique : </span></span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&quot;</span><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">12. Cette doctrine, plusieurs fois expos&eacute;e par le Magist&egrave;re, est fond&eacute;e sur le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l&#39;homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l&#39;acte conjugal : union et procr&eacute;ation&quot;.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span cambria="" style="font-family:">[4]</span></span></span></span></a> <span style="font-size:10.0pt">La lecture du jour peut porter sur la discrimination raciale, la promiscuit&eacute; des adolescents ou encore des &quot;effusions lyriques en vers &quot;. On y trouve arrangements du &quot;Notre P&egrave;re&quot; sur un rythme de calypso, hymnes protestants, chansons des Beatles.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span cambria="" style="font-family:">[5]</span></span></span></span></a> <span style="font-size:10.0pt">O&ugrave; ils sont contraints &quot;de s&#39;asseoir, de se lever, de s&#39;agenouiller comme des soldats &agrave; l&#39;exercice&quot;.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span cambria="" style="font-family:">[6]</span></span></span></span></a> <span style="font-size:10.0pt">Il &quot;avait l&#39;impression d&#39;&ecirc;tre un agent double de la liturgie&quot;.</span></span></span></p> </div> </div>