<p class="texte" dir="ltr">&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Aucune m&eacute;thode d&rsquo;&eacute;valuation n&rsquo;est enti&egrave;rement objective, ni ne pr&eacute;sente de valeur universelle. Il est &agrave; la fois illusoire et dangereux de vouloir valider une m&eacute;thode d&rsquo;&eacute;valuation au nom de pr&eacute;tendues &laquo;&nbsp;normes&nbsp;&raquo; qui ne sont dans la plupart des cas que des concepts arbitraires ou des crit&egrave;res en fait autovalid&eacute;s&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a></p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;&eacute;valuation de la production scientifique des chercheurs et des laboratoires d&eacute;termine &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; l&rsquo;habilitation des dipl&ocirc;mes, l&rsquo;accr&eacute;ditation des &eacute;quipes et la carri&egrave;re comme la promotion des enseignants-chercheurs.</p> <p class="texte" dir="ltr">Cette &eacute;valuation se fondait en toute l&eacute;gitimit&eacute; sur l&rsquo;&eacute;valuation des travaux de recherche par les pairs et pouvait donner lieu &agrave; de larges d&eacute;bats tant en ce qui concerne la qualit&eacute; de la recherche que les supports de publication (revues, livres etc.). Cette &eacute;poque &quot;pr&eacute;historique&quot; est termin&eacute;e. A l&rsquo;&eacute;poque de l&rsquo;homme num&eacute;rique et &agrave; l&rsquo;heure de la google-civilisation on tend &agrave; lui pr&eacute;f&eacute;rer aujourd&rsquo;hui l&rsquo;&eacute;valuation bibliom&eacute;trique qui &eacute;vite aux &eacute;valuateurs d&rsquo;avoir &agrave; lire les travaux qu&rsquo;ils expertisent en ne fondant leur jugement que, par exemple pour l&rsquo;Impact factor, sur le niveau de citation des revues pour l&rsquo;essentiel nord-am&eacute;ricaines. Dans ce changement de civilisation, nous voici tous astreints &agrave; une forme d&rsquo;&laquo;&nbsp;addiction&nbsp;&raquo;, au sens &eacute;tymologique, autrement dit &laquo;&nbsp;cet &eacute;tat de d&eacute;pendance et d&rsquo;esclavage, de contrainte par corps sanctionnant un sujet qui n&rsquo;avait pu payer ses dettes&nbsp;&raquo;. Nous voil&agrave; donc transform&eacute;s en esclaves par une soci&eacute;t&eacute; gestionnaire et bureaucratique qui nous fait payer fort cher le fait de ne pas avoir su payer nos dettes &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la politique &agrave; laquelle depuis 30 ans nous renon&ccedil;ons au profit des experts, des coachs et autres petits ma&icirc;tres de la revanche technocratique et administrative.</p> <h1 dir="ltr" id="heading1">Le pourquoi et le comment de la bibliom&eacute;trie scientifique</h1> <p class="texte" dir="ltr">La production scientifique <em>se mesure</em> par la publication des r&eacute;sultats scientifiques. Les m&eacute;thodes d&rsquo;&eacute;valuation des publications utilisent habituellement les crit&egrave;res d&rsquo;&eacute;valuation des revues scientifiques. Or pour de nombreux scientifiques, le temps serait venu &laquo;&nbsp;de d&eacute;passer l&rsquo;utilisation simple des facteurs d&rsquo;impact des revues et de pr&eacute;f&eacute;rer des indices bas&eacute;s sur les vraies citations des articles comme les indices H et M introduits&nbsp;&raquo; en 2005<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a>. La bibliom&eacute;trie scientifique se d&eacute;finit comme &laquo;&nbsp;l&rsquo;application des math&eacute;matiques et des m&eacute;thodes statistiques&nbsp;&raquo; (Pritchard, 1969) aux publications scientifiques. Cette analyse est cens&eacute;e rendre compte de l&rsquo;activit&eacute; des producteurs (chercheur, laboratoire, institut, facult&eacute;, etc.) ou des diffuseurs (p&eacute;riodique, &eacute;diteur, etc.) de l&rsquo;information scientifique, tant d&rsquo;un point de vue quantitatif que <em>qualitatif</em>. La bibliom&eacute;trie scientifique permet d&rsquo;&eacute;valuer par exemple la qualit&eacute; d&rsquo;une revue par son impact.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le facteur d&rsquo;impact est l&rsquo;indicateur bibliom&eacute;trique le plus connu. Le terme et la fonction ont &eacute;t&eacute; invent&eacute;s par Eug&egrave;ne Garfield, Consultant en information et conseiller de documentation pour une entreprise pharmaceutique avant la mise en &oelig;uvre de son projet de bases de donn&eacute;es scientifiques. C&rsquo;est en 1958 qu&rsquo;Eug&egrave;ne Garfield cr&eacute;e l&rsquo;ISI, <em>Institute for Scientific information</em>, avec le soutien de l&rsquo;administration am&eacute;ricaine de la recherche et celui de sociologues comme Robert King Merton. Le premier volume de Science Citation Index voit le jour en 1963. Pour les sciences sociales, le <em>Social Science Citation Index</em> para&icirc;t en 1972 et le <em>Citation index</em> en1975 pour les arts et les humanit&eacute;s.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le facteur d&rsquo;impact correspond au rapport entre le nombre de citations obtenues par une revue pendant deux ans et le nombre d&rsquo;articles publi&eacute;s par ce p&eacute;riodique pendant la m&ecirc;me p&eacute;riode. Il mesure donc la fr&eacute;quence moyenne avec laquelle l&rsquo;ensemble des articles de ce journal est cit&eacute; pendant une dur&eacute;e d&eacute;finie. C&rsquo;est un indice de mesure r&eacute;trospective de l&rsquo;impact d&rsquo;une revue &agrave; relativement court terme. Cet indicateur, tout comme les autres indicateurs d&rsquo;ailleurs et en tant que <em>mesures</em>, caract&eacute;rise le contenant, la structure formelle, et non le contenu, la valeur. Par exemple, l&rsquo;impact factor (IF) de <em>Science</em> (21,911 en 1995) a &eacute;t&eacute; calcul&eacute; de la mani&egrave;re suivante&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr">citations en 1995 d&rsquo;articles publi&eacute;s en 1993&nbsp;: 24 979&nbsp;; 1994 = 20 684&nbsp;; total = 45 663.</p> <p class="texte" dir="ltr">nombres d&rsquo;articles publi&eacute;s en 1993&nbsp;: 1 030&nbsp;; 1994 = 1 054&nbsp;; total = 2 084-</p> <p class="texte" dir="ltr">IF = nombre de citations/nombre articles (45 663/2 084)&nbsp;: 21,911</p> <p class="texte" dir="ltr">On peut donc dire que les articles de <em>Science</em> publi&eacute;s en 1993 et 1994 ont &eacute;t&eacute; cit&eacute;s un peu moins de 22 fois en moyenne.</p> <p class="texte" dir="ltr">On rel&egrave;ve les critiques suivantes &agrave; l&rsquo;encontre du facteur d&rsquo;impact&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr">Le nombre de citations ne mesure pas r&eacute;ellement la qualit&eacute; de la publication. La fen&ecirc;tre temporelle est trop courte. Les articles classiques sont cit&eacute;s fr&eacute;quemment m&ecirc;me apr&egrave;s plusieurs d&eacute;cennies.</p> <p class="texte" dir="ltr">La nature des r&eacute;sultats dans les diff&eacute;rents domaines scientifiques implique une quantit&eacute; de publication diff&eacute;rente &agrave; un rythme diff&eacute;rent. Ceci a un effet direct sur le facteur d&rsquo;impact. Par exemple, les revues m&eacute;dicales ont des facteurs d&rsquo;impact bien sup&eacute;rieurs aux revues de math&eacute;matiques. Relevant la fr&eacute;quence de citation par article et n&eacute;gligeant le prestige de la revue, le facteur d&rsquo;impact est une <em>mesure de popularit&eacute;</em>, non de prestige.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le facteur d&rsquo;impact peut &ecirc;tre artificiellement augment&eacute; par une politique &eacute;ditoriale ad&eacute;quate<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a>. Le facteur d&rsquo;impact est li&eacute; &agrave; la revue et non &agrave; l&rsquo;article. Un article publi&eacute; dans une revue &agrave; fort impact peut avoir un nombre de citation tr&egrave;s bas, voire nul. Bien que le facteur d&rsquo;impact ait &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; &agrave; l&rsquo;origine comme mesure de la r&eacute;putation d&rsquo;une revue, il est de plus en plus employ&eacute; comme mesure de la productivit&eacute; des chercheurs. Si bien que pour certains comme Etienne Hirsch, Pr&eacute;sident de la Commission des &laquo;&nbsp;Neurosciences et organe des sens&nbsp;&raquo; &agrave; l&rsquo;Inserm en 2006, &laquo;&nbsp;il semble important de ne pas utiliser l&rsquo;IF lors de l&rsquo;&eacute;valuation mais plut&ocirc;t [pour] le choix du support de publication de nos travaux car il est gage d&rsquo;un nombre &eacute;lev&eacute; de lecteurs potentiels&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a>. Dans la recherche d&rsquo;indices fiables d&rsquo;&eacute;valuation des publications elles-m&ecirc;mes, de nouveaux indices de citations voient le jour. Les indices H et M peuvent &ecirc;tre attribu&eacute;s individuellement &agrave; chaque scientifique et sont simples &agrave; calculer &agrave; condition d&rsquo;avoir acc&egrave;s au nombre de citations de chaque publication dudit scientifique via, pr&eacute;cise-t-on<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a>, <em>ISI Web of Science</em> (acc&egrave;s via BiblioVie et BiblioInserm). Il suffit alors de classer les publications en fonction du nombre de citations. <strong>L&rsquo;indice H</strong> fait glisser deux curseurs en sens inverse&nbsp;: l&rsquo;un sur une &eacute;chelle du nombre de publications, l&rsquo;autre sur une &eacute;chelle du nombre de citations, et il les fait co&iuml;ncider. Cet indice individuel de Hirsch (indice H) &eacute;tablit une relation entre un nombre total de publications et leurs citations. C&rsquo;est en novembre 2005 que Jorge E. Hirsch<a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a> a publi&eacute; dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America un article intitul&eacute; An index to quantify an individual&rsquo;s scientific research output dans lequel il propose le concept d&rsquo;&laquo;&nbsp;indice h&nbsp;&raquo; ainsi que des algorithmes de pond&eacute;ration. Pour calculer <strong>l&rsquo;indice M</strong>, il suffit de diviser H par le nombre d&rsquo;ann&eacute;es depuis la premi&egrave;re publication.</p> <p class="texte" dir="ltr">Si l&rsquo;usage des indicateurs bibliom&eacute;triques n&rsquo;est plus contest&eacute; dans le domaine des sciences dures, les choses sont plus compliqu&eacute;es en sciences humaines et sociales. En 2002, Johan Heilbron<a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a> fait &eacute;tat d&rsquo;un rapport ayant fait scandale aux Pays-Bas et dont les auteurs rattach&eacute;s &agrave; un centre de scientom&eacute;trie (Leyde) avaient simplement &eacute;limin&eacute; les livres des listes de publication et avaient par cons&eacute;quent d&eacute;class&eacute; certains laboratoires au profit d&rsquo;autres. Or un indice mesurant la productivit&eacute; d&rsquo;un chercheur et d&rsquo;une &eacute;quipe doit lui-m&ecirc;me &ecirc;tre &eacute;valu&eacute; en fonction du dispositif qui le produit pour d&eacute;terminer sa fiabilit&eacute; et sa validit&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr">De mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, toute &eacute;valuation doit ob&eacute;ir aux trois qualit&eacute;s suivantes&nbsp;: validit&eacute;, commodit&eacute; et robustesse<a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a>.</p> <p class="texte" dir="ltr">La validit&eacute; reste la notion la plus d&eacute;licate &agrave; pr&eacute;ciser alors m&ecirc;me qu&rsquo;elle devrait &ecirc;tre la qualit&eacute; premi&egrave;re de toute &eacute;valuation. Une &eacute;valuation est d&rsquo;autant plus valide qu&rsquo;elle traduit bien ce qu&rsquo;il importe d&rsquo;analyser, en l&rsquo;occurrence que l&rsquo;indicateur bibliom&eacute;trique &eacute;value bien la qualit&eacute; d&rsquo;une publication. On se situe tr&egrave;s loin de cet objectif en la mati&egrave;re. Dans le champ de l&rsquo;&eacute;valuation, Jean-Michel Chabot observe qu&rsquo;il &laquo;&nbsp;est pr&eacute;f&eacute;rable de renoncer &agrave; une &eacute;valuation dont la validit&eacute; serait trop faible ou m&ecirc;me incertaine&nbsp;&raquo;, et il consid&egrave;re que cette d&eacute;marche se justifie d&rsquo;autant plus que &laquo;&nbsp;la commodit&eacute; [de l&rsquo;&eacute;valuation] serait elle-m&ecirc;me m&eacute;diocre&nbsp;&raquo;. Or dans le domaine qui nous int&eacute;resse, celui de la bibliom&eacute;trie, la commodit&eacute; autrement dit la faisabilit&eacute; de l&rsquo;&eacute;valuation et son acceptabilit&eacute; (du point de vue des experts), sont des plus ais&eacute;es. Johan Heilbron encore, observe que &laquo;&nbsp;Dans les ann&eacute;es &agrave; venir, il sera plus simple et bien moins co&ucirc;teux de calculer le facteur d&rsquo;impact d&rsquo;une revue ou de construire un classement des laboratoires en fonction du nombre de publications et de citations&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a> On voit que ce faisant, on passe, comme le souligne encore Jean-Michel Chabot, d&rsquo;une &eacute;valuation <em>crit&eacute;ri&eacute;e</em> &agrave; une &eacute;valuation <em>norm&eacute;e</em>, on &laquo;&nbsp;&eacute;tablit un classement, (une hi&eacute;rarchie) sans se soucier de la valeur intrins&egrave;que de chacun des objets &eacute;valu&eacute;s.&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte" dir="ltr">Ces d&eacute;rives portent atteinte aussi bien &agrave; l&rsquo;&eacute;valuation en elle-m&ecirc;me qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de toute bibliom&eacute;trie dont on finit par ne rep&eacute;rer que ses d&eacute;fauts. Pour Nicole Haeffner-Cavaillon, responsable de la cellule bibliom&eacute;trie &agrave; l&rsquo;Inserm, &laquo;&nbsp;Il est important d&rsquo;indiquer que la bibliom&eacute;trie ne remplace pas l&rsquo;avis des pairs mais contribue &agrave; enrichir le d&eacute;bat et apporte une vision &laquo;&nbsp;objective&nbsp;&raquo; sur la visibilit&eacute; des recherches&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a>. Aujourd&rsquo;hui force est de constater que nous allons dans le sens d&rsquo;un appauvrissement, m&ecirc;me si les scientifiques tiennent &agrave; d&eacute;clarer le s&eacute;rieux et l&rsquo;ind&eacute;pendance de leurs &eacute;valuations vis-&agrave;-vis des contraintes gestionnaires et bureaucratiques. Jean-Ren&eacute; Cazalets, Pr&eacute;sident de la section 27 du CNRS &laquo;&nbsp;Comportement cognition cerveau&nbsp;&raquo;, par exemple, fait &eacute;tat de la souverainet&eacute; des diff&eacute;rentes disciplines dans l&rsquo;&eacute;valuation des revues&nbsp;: &laquo;&nbsp;nous nous appuyons dans chaque discipline sur les comp&eacute;tences des membres de la section qui connaissent dans leur domaine la valeur des diff&eacute;rentes revues&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a> Jean-Marc Monteil, actuel conseiller aupr&egrave;s du premier ministre fran&ccedil;ais, directeur de l&rsquo;enseignement sup&eacute;rieur entre 2002 et 2007 et nomm&eacute; en mars 2007 Pr&eacute;sident du conseil de l&rsquo;AERES<a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a> concluait un &laquo;&nbsp;s&eacute;minaire sur les indicateurs de production scientifique des &eacute;tablissements&nbsp;&raquo; le 22 novembre 2006 sur ces mots &laquo;&nbsp;il conviendrait, c&rsquo;est bien le moins, que dans l&rsquo;&eacute;valuation par les pairs, on n&rsquo;oublie pas que l&rsquo;&eacute;valuation la plus scientifique, la plus s&eacute;rieuse, et la plus objective r&eacute;clame que l&rsquo;on lise les papiers &agrave; partir desquels on porte un jugement&nbsp;&raquo;.</p> <h2 dir="ltr" id="heading2">L&rsquo;&eacute;valuation bibliom&eacute;trique&nbsp;: un dispositif de servitude</h2> <p class="texte" dir="ltr">Alors quels que soient les biais m&eacute;thodologiques de l&rsquo;Impact factor, la normalisation des recherches et des chercheurs qu&rsquo;il produit en les conformant aux int&eacute;r&ecirc;ts scientifico-&eacute;conomiques am&eacute;ricains, le quasi monopole qu&rsquo;il conf&egrave;re aux organismes scientifiques et &eacute;ditoriaux am&eacute;ricains sur le &quot;march&eacute;&quot; scientifique, le pouvoir de domination id&eacute;ologique, linguistique et culturel qu&rsquo;il apporte au &quot;r&ecirc;ve am&eacute;ricain&quot;<a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a>, il est sans doute des disciplines scientifiques o&ugrave; sa commodit&eacute; l&rsquo;impose sans compromettre le devenir des recherches et des chercheurs. Mais il en est d&rsquo;autres o&ugrave; ce syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;valuation constitue une normalisation id&eacute;ologique &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur m&ecirc;me de la discipline en favorisant certains courants de pens&eacute;e (soluble dans le mod&egrave;le anglo-saxon) et en en stigmatisant d&rsquo;autres (les plus europ&eacute;ens). Apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; longtemps r&eacute;tive au &quot;r&ecirc;ve am&eacute;ricain&quot;, l&rsquo;establishment de la psychologie &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; s&rsquo;engouffre dans l&rsquo;&eacute;valuation bibliom&eacute;trique, dispositif par lequel la Nomenklatura de la psychologie pourra assurer &agrave; terme la promotion des id&eacute;ologies cognitivo-comportementales de l&rsquo;homme performant et l&rsquo;exclusion d&eacute;finitive de la psychanalyse de l&rsquo;universit&eacute;. Une commission dite AERES/CNRS/CNU a consacr&eacute; au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;t&eacute; ce formidable pouvoir de normalisation et de destruction massive, non sans devoir m&eacute;nager quelques susceptibilit&eacute;s &quot;fran&ccedil;aises&quot;. Conscient de la gravit&eacute; de la situation, le SIUEERPP<a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a> a adress&eacute; une lettre &agrave; Ewa Drozda, Pr&eacute;sidente de la 16e section du CNU et &agrave; Elisabeth Demont, Vice-Pr&eacute;sidente, seules &eacute;lues syndicales de cette commission.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le principal op&eacute;rateur de ce dispositif pour normer, contr&ocirc;ler et conformer les comportements des praticiens et des universitaires c&rsquo;est d&rsquo;abord et avant tout <em>une mani&egrave;re de parler, une mani&egrave;re de dire, une novlangue</em>. Comment ici ne pas penser &agrave; ce qu&rsquo;&eacute;crivait Victor Klemperer &agrave; propos de la langue du IIIe Reich&nbsp;: &laquo;&nbsp;Et qu&rsquo;arrive-t-il si cette langue cultiv&eacute;e est constitu&eacute;e d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments toxiques ou si l&rsquo;on en a fait le vecteur de substances toxiques&nbsp;? Les mots peuvent &ecirc;tre comme de minuscules doses d&rsquo;arsenic&nbsp;: on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voil&agrave; qu&rsquo;apr&egrave;s quelque temps l&rsquo;effet toxique se fait sentir.&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a></p> <p class="texte" dir="ltr">La psychologie constitue &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; une discipline rhapsodique rassemblant des esp&egrave;ces th&eacute;oriques et m&eacute;thodologiques tr&egrave;s h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes. En particulier, deux de ses composantes, la psychologie exp&eacute;rimentale et la psychologie clinique, n&eacute;gocient depuis 1947, date de la cr&eacute;ation de la licence de psychologie, chacune &agrave; leur fa&ccedil;on des parts de cotation en bourse sur le march&eacute; universitaire. Jusqu&rsquo;&agrave; une date r&eacute;cente, cette partie se menait avec d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; pour la psychologie &laquo;&nbsp;scientifique&nbsp;&raquo; les atouts d&rsquo;une m&eacute;thode imitant celle des sciences de la vie et de l&rsquo;autre pour la psychologie clinique les atouts de la demande sociale &eacute;tudiante. Au niveau de cette partie de cartes entre les courants de la psychologie, sch&eacute;matiquement r&eacute;f&eacute;r&eacute;s pour l&rsquo;un aux sciences du comportement et pour l&rsquo;autre aux cliniques de l&rsquo;intersubjectivit&eacute;, les atouts se distribuaient avec plus ou moins de bonheur au moment de la donne selon que les exigences sociales et professionnelles pr&eacute;valaient sur les r&eacute;quisitions scientifiques et inversement. Alors selon les moments historiques, ces deux moments tendaient plus ou moins &agrave; l&rsquo;unit&eacute; centrip&egrave;te ou &agrave; la s&eacute;cession centrifuge. Mais <em>grosso modo</em>, comme le dit notre ami <a href="http://liberalisme-democraties-debat-public.com/spip.php?article6">Jean-L&eacute;on Beauvois</a>, il y avait un accord tacite pour que les cliniciens fournissent les gros bataillons des effectifs &eacute;tudiants susceptibles de peser dans la dotation de postes universitaires et qu&rsquo;en &eacute;change, les exp&eacute;rimentalistes habillent la discipline d&rsquo;un label de scientificit&eacute; qui puisse la voir doter en cr&eacute;dits de recherche et en reconnaissance institutionnelle ( type CNRS).</p> <p class="texte" dir="ltr">Cet &eacute;quilibre, fragile il est vrai mais en m&ecirc;me temps suffisamment consistant lorsque les personnes et les institutions se respectent, a commenc&eacute; &agrave; se rompre &agrave; la fin des ann&eacute;es 1980 lorsque certains &laquo;&nbsp;experts&nbsp;&raquo;, nourris de la &laquo;&nbsp;pens&eacute;e-mammouth&nbsp;&raquo; de Claude All&egrave;gre, ont essay&eacute; de normaliser le mod&egrave;le fran&ccedil;ais de la psychologie (en particulier la psychologie clinique et la psychologie sociale) en l&rsquo;alignant sur le mod&egrave;le anglosaxon. Or, il faut savoir que si aux Etats-Unis la psychanalyse a pu constituer une r&eacute;f&eacute;rence majeure en psychiatrie, elle n&rsquo;est quasiment jamais parvenue &agrave; infiltrer le champ de la psychologie universitaire am&eacute;ricaine qui lui est toujours rest&eacute; fortement r&eacute;tif. Bien au contraire, c&rsquo;est en se servant de la psychologie, en particulier de la psychologie diff&eacute;rentielle que la psychiatrie am&eacute;ricaine a fabriqu&eacute; le fameux DSM III dont la publication et la r&eacute;f&eacute;rence d&rsquo;autorit&eacute; en 1980 ont sign&eacute; l&rsquo;acte de d&eacute;c&egrave;s de la psychopathologie classique.</p> <p class="texte" dir="ltr">A suivre cette analyse, il faut bien comprendre que lorsque les experts nous demandent de nous soumettre aux crit&egrave;res internationaux, c&rsquo;est-&agrave;-dire &eacute;tats-uniens et au mod&egrave;le anglosaxon en g&eacute;n&eacute;ral, cela veut dire qu&rsquo;ils nous invitent purement et simplement &agrave; dispara&icirc;tre&hellip; Nous demander d&rsquo;adh&eacute;rer &agrave; une &laquo;&nbsp;&eacute;valuation&nbsp;&raquo; de nos recherches &agrave; partir des crit&egrave;res des soci&eacute;t&eacute;s et des publications &laquo;&nbsp;nord-am&eacute;ricaines&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est purement et simplement nous inciter <em>&agrave; consentir &agrave; notre extermination</em>.</p> <p class="texte" dir="ltr">C&rsquo;est justement ce dispositif de l&rsquo;&eacute;valuation, dans le champ qui est le n&ocirc;tre, qui a permis de transformer un rapport de forces entre les diff&eacute;rentes th&eacute;ories et les diff&eacute;rentes pratiques en rapports de l&eacute;gitimit&eacute;. Prenons un exemple des plus r&eacute;cents. Depuis le d&eacute;but des ann&eacute;es 1990, l&rsquo;&eacute;valuation des &eacute;quipes de recherche et des dossiers de candidature &agrave; des qualifications ou &agrave; des nominations s&rsquo;est toujours davantage fond&eacute;e sur le taux num&eacute;rique de productivit&eacute; d&rsquo;articles dans des revues dites &laquo;&nbsp;qualifiantes&nbsp;&raquo; de la psychologie. Et au fur et &agrave; mesure des ann&eacute;es, les experts qui souhaitaient &eacute;liminer la psychanalyse du champ universitaire ont tent&eacute; de ne retenir comme revues qualifiantes, par exemple en psychopathologie, que les revues a minima index&eacute;es dans PsycINFO, banque de donn&eacute;es de l&rsquo;<em>American Psychological Association</em>. Un d&eacute;bat v&eacute;ritablement d&eacute;mocratique au sein de certaines commissions d&rsquo;&eacute;valuation, comme celle de la 16e section du CNU a permis jusqu&rsquo;&agrave; une &eacute;poque r&eacute;cente de faire reconna&icirc;tre d&rsquo;autres revues &laquo;&nbsp;actives&nbsp;&raquo; en psychopathologie. Mais la pression institutionnelle s&rsquo;est sans cesse accrue au cours de ces derni&egrave;res ann&eacute;es jusqu&rsquo;&agrave; tout r&eacute;cemment exiger l&rsquo;indexation des revues dans ISI<a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a>, Medline ou PsycINFO. Manifestement pour les &laquo;&nbsp;ex&eacute;cuteurs&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a> de la psychanalyse et de la psychopathologie clinique, il fallait aller plus loin. Dernier acte en date du d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;t&eacute;&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr">Une commission conjointe AERES/CNRS/CNU a &eacute;tabli &laquo;&nbsp;une premi&egrave;re classification des revues de psychologie dont l&rsquo;objectif explicite &eacute;tait de proposer aux comit&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation de l&rsquo;AERES, aux responsables des unit&eacute;s de recherche (UMR et EA) et &agrave; la communaut&eacute; des enseignants-chercheurs et chercheurs en psychologie un outil commun d&rsquo;&eacute;valuation et d&rsquo;auto-&eacute;valuation des publications sous forme d&rsquo;articles scientifiques.&nbsp;&raquo; On aura compris l&rsquo;importance de cet &laquo;&nbsp;outil&nbsp;&raquo; d&rsquo;&eacute;valuation qui vise &agrave; d&eacute;finir la taille des mailles du filet du contr&ocirc;le social par lesquelles peuvent passer les laboratoires, les chercheurs et les enseignants en psychologie pour pouvoir continuer &agrave; travailler dans une &eacute;quipe de recherche universitaire reconnue, donc valid&eacute;e pour recevoir des doctorants. <em>Premi&egrave;re &eacute;tape</em>, nous citons, &laquo;&nbsp;la couverture du champ disciplinaire a &eacute;t&eacute; assur&eacute;e &agrave; partir d&rsquo;une liste des revues la plus exhaustive de l&rsquo;APA<a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a>&nbsp;&raquo;. L&agrave; rien de nouveau sous le soleil puisque cet &eacute;nonc&eacute; r&eacute;affirme &mdash; sans jamais &ecirc;tre interrog&eacute; &mdash; le principe selon lequel seules les revues index&eacute;es dans PsycINFO, c&rsquo;est-&agrave;-dire la banque de donn&eacute;es de l&rsquo;APA, ont une existence institutionnelle pour la communaut&eacute; fran&ccedil;aise de psychologie. Ce qui d&rsquo;entr&eacute;e de jeu exclut la majorit&eacute; des revues fran&ccedil;aises de psychanalyse et de psychopathologie clinique. <em>Deuxi&egrave;me &eacute;tape</em>, ladite commission d&eacute;cide un classement des revues en fonction de son impact factor. Apr&egrave;s &laquo;&nbsp;le pied dans la porte<a class="footnotecall" href="#ftn19" id="bodyftn19">19</a>&nbsp;&raquo; de l&rsquo;exigence d&rsquo;une indexation, c&rsquo;est l&agrave; le coup de pied dans la porte pour ouvrir d&eacute;finitivement le contr&ocirc;le institutionnel des formations et des recherches en psychologie au magister des scientistes et la claquer d&eacute;finitivement au nez des cliniciens. <em>R&eacute;sultat des courses</em>&nbsp;: avec le classement A, B, C et D, toutes les revues francophones se trouvent rel&eacute;gu&eacute;es au plus bas de l&rsquo;&eacute;chelle C et D, &agrave; l&rsquo;exception de <em>L&rsquo;&Eacute;volution psychiatrique</em> qui avec un faible <em>Impact factor</em> de 0,57 maintient de justesse sa position en B. Tr&egrave;s peu de revues anglosaxonnes sont class&eacute;es A en psychologie clinique et en psychopathologie et quelques unes se retrouvent en B.</p> <p class="texte" dir="ltr">Adopter un tel classement des revues par <em>Impact factor</em>, c&rsquo;est &agrave; terme non seulement la psychanalyse et la psychopathologie clinique qui dispara&icirc;traient mais sans doute la plupart des publications situ&eacute;es dans le champ des humanit&eacute;s. Sauf &agrave; ce que les universitaires de ces diff&eacute;rentes disciplines ne d&eacute;veloppent des strat&eacute;gies pragmatiques et cyniques, consistant par exemple &agrave; &laquo;&nbsp;g&eacute;rer&nbsp;&raquo; les citations mutuelles. La pi&egrave;ce n&rsquo;est pas termin&eacute;e et nous ignorons encore quel sera le d&eacute;nouement de cette farce aux cons&eacute;quences potentiellement tragiques. On retiendra pour l&rsquo;instant que la pr&eacute;valence du mod&egrave;le &eacute;tats-unien, le handicap de la langue fran&ccedil;aise, les traditions de notre communaut&eacute; peu habitu&eacute;e &agrave; d&eacute;velopper des &laquo;&nbsp;strat&eacute;gies&nbsp;&raquo; de &laquo;&nbsp;marques&nbsp;&raquo; issues directement de la logique du march&eacute;, conduisent avec une &eacute;valuation par <em>Impact factor</em> &agrave; notre pure et simple extinction &agrave; l&rsquo;universit&eacute; et dans les institutions de soin.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le d&eacute;bat a, semble-t-il, &eacute;t&eacute; rude et la pression de l&rsquo;AERES aurait &eacute;t&eacute; dirig&eacute;e par certains bureaucrates du CNRS qui, eux-m&ecirc;mes plac&eacute;s sous la menace d&rsquo;une politique de d&eacute;mant&egrave;lement, auraient tent&eacute; de justifier la sup&eacute;riorit&eacute; de leurs &eacute;quipes de recherche (EPR et UMR) sur les laboratoires de l&rsquo;Universit&eacute;. Pour pouvoir faire la preuve de cette sup&eacute;riorit&eacute;, il convenait d&rsquo;appliquer aux laboratoires et aux chercheurs universitaires les grilles d&rsquo;&eacute;valuation du CNRS afin de mettre en &eacute;vidence que si ces chercheurs &eacute;taient &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; c&rsquo;&eacute;tait bien parce qu&rsquo;ils &eacute;taient incapables d&rsquo;&ecirc;tre au CNRS&hellip; Dans cette commission, la r&eacute;sistance de certains universitaires &agrave; cette nouvelle OPA scientiste a permis que <em>provisoirement</em> soit &eacute;tablie une liste B&rsquo; incluant, pour chaque sous-discipline des revues, francophones, index&eacute;es, psycINFO en g&eacute;n&eacute;ral, class&eacute;es C autrement dit sans <em>Impact factor</em>. Ce qui exclut de fait les revues non francophones (par exemple sud-am&eacute;ricaines) ou encore les revues francophones reconnues dans notre communaut&eacute; mais non index&eacute;es dans psycINFO.</p> <p class="texte" dir="ltr">Cette r&eacute;cente et sinistre tentative de mise au pas de la psychanalyse, de la psychopathologie, de la psychologie et d&rsquo;une mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale des humanit&eacute;s, r&eacute;v&egrave;le une fois encore que c&rsquo;est le rapport de force politique qui d&eacute;termine un classement dont la forme quantitative et commensurable n&rsquo;est que le pr&eacute;texte, l&rsquo;alibi et le f&eacute;tiche<a class="footnotecall" href="#ftn20" id="bodyftn20">20</a>. On appr&eacute;ciera au passage qu&rsquo;&agrave; propos de la concession conduisant &agrave; classer en B&rsquo; des revues initialement class&eacute;es en C, la formulation des &laquo;&nbsp;censeurs&nbsp;&raquo; fut qu&rsquo;elles ont &eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;relev&eacute;es par la commission&nbsp;&raquo;&hellip;</p> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;ironie de l&rsquo;histoire veut que les gestionnaires de la recherche ne sauraient b&eacute;n&eacute;ficier de cette excuse de minorit&eacute; que l&rsquo;on pourrait g&eacute;n&eacute;reusement accorder &agrave; ces &laquo;&nbsp;fra&icirc;chement convertis&nbsp;&raquo; que sont nos &laquo;&nbsp;nouveaux psys&nbsp;&raquo; des instances de recherches. Les gestionnaires de la recherche ne peuvent ignorer qu&rsquo;au sein m&ecirc;me des sciences dures, la place de la bibliom&eacute;trie dans l&rsquo;&eacute;valuation fait l&rsquo;objet d&rsquo;&eacute;tudes et de critiques s&eacute;rieuses. Tout en reconnaissant la commodit&eacute; de l&rsquo;&eacute;valuation bibliom&eacute;trique, les scientifiques se montrent beaucoup plus prudents que leurs &laquo;&nbsp;administrateurs&nbsp;&raquo;. Donc ces &laquo;&nbsp;bureaucrates&nbsp;&raquo; de la Recherche sont inexcusables, il faut le r&eacute;p&eacute;ter, ils se comportent comme des &laquo;&nbsp;ex&eacute;cuteurs&nbsp;&raquo; capables de &laquo;&nbsp;modaliser&nbsp;&raquo; des crit&egrave;res par un syst&egrave;me d&rsquo;exclusion de certaines disciplines pour maintenir le fonctionnement d&rsquo;un appareil ou la consistance d&rsquo;une id&eacute;ologie. Ce qui ne pr&eacute;juge en rien de leurs convictions &eacute;thiques personnelles ou de leur dignit&eacute; politique. Cela veut dire simplement qu&rsquo;adopter, pour une communaut&eacute;, une standardisation technique d&rsquo;allure professionnelle la conduisant &agrave; exclure une partie d&rsquo;elle m&ecirc;me m&eacute;rite que l&rsquo;on s&rsquo;interroge au del&agrave; des profits personnels ou id&eacute;ologiques que l&rsquo;on peut en tirer. Ce qui exige un effort suppl&eacute;mentaire dans la culture du nouveau capitalisme<a class="footnotecall" href="#ftn21" id="bodyftn21">21</a>.</p> <p class="texte" dir="ltr"><em>A contrario</em> de ce cynisme de cette rationalit&eacute; technique, nous pouvons saluer la prudence et l&rsquo;humour d&rsquo;un Philippe Vernier, Pr&eacute;sident de la section 24 du CNRS &laquo;&nbsp;Interactions cellulaires&nbsp;&raquo;, &eacute;crivant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pour l&rsquo;&eacute;valuation, la bibliom&eacute;trie est un peu comme le sel dans la soupe. Sans lui on a du mal &agrave; savoir si elle est bonne ou mauvaise. Mais il ne fait pas le plat pour autant, et point trop n&rsquo;en faut.&nbsp;&raquo;, ou encore &laquo;&nbsp;il faut bien s&ucirc;r de la vertu pour vraiment lire ces articles (et pas seulement le titre) [&hellip;]. C&rsquo;est pourtant la d&eacute;marche qui est de loin la plus utile &agrave; une &eacute;valuation efficace et juste<a class="footnotecall" href="#ftn22" id="bodyftn22">22</a>&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte" dir="ltr">Non sans devoir rajouter avec de Tocqueville que le despotisme qui est venu s&rsquo;&eacute;tablir de nos jours dans nos r&eacute;gimes d&eacute;mocratiques poss&egrave;de d&rsquo;autres caract&egrave;res que ceux que l&rsquo;on accordait traditionnellement aux r&eacute;gimes autoritaires&nbsp;: &laquo;&nbsp;il serait plus &eacute;tendu et plus doux, et il d&eacute;graderait les hommes sans les tourmenter<a class="footnotecall" href="#ftn23" id="bodyftn23">23</a>&nbsp;&raquo;. D&rsquo;ailleurs ce despotisme qui asservit nos contemporains concerne moins les grandes affaires, les grandes choses, que les petits d&eacute;tails de leur existence quotidienne. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs, ce despotisme -l&agrave; qu&rsquo;avait &eacute;galement anticip&eacute; de Tocqueville en d&eacute;non&ccedil;ant son plus puissant, son plus dangereux et son plus secret ressort&nbsp;: &laquo;&nbsp;La suj&eacute;tion dans les petites affaires se manifeste tous les jours et se fait sentir indistinctement &agrave; tous les citoyens. Elle ne les d&eacute;sesp&egrave;re point&nbsp;; mais elle les contrarie sans cesse et elle les porte &agrave; renoncer &agrave; l&rsquo;usage de leur volont&eacute;. Elle &eacute;teint peu &agrave; peu leur esprit et &eacute;nerve leur &acirc;me<a class="footnotecall" href="#ftn24" id="bodyftn24">24</a>&raquo;. Ce que n&rsquo;avait pas anticip&eacute; de Tocqueville, C&rsquo;est que les illusions lib&eacute;rales puissent nous rendre <em>heureux</em> dans cette suj&eacute;tion<a class="footnotecall" href="#ftn25" id="bodyftn25">25</a>.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> &nbsp;AVIS 101 du CCNE pour les sciences de la vie et de la sant&eacute; &laquo;&nbsp;Sant&eacute;, &eacute;thique et argent&nbsp;: les enjeux &eacute;thiques de la contrainte budg&eacute;taire sur les d&eacute;penses de sant&eacute; en milieu hospitalier&nbsp;&raquo;. p. 16</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> &nbsp;Luc Bu&eacute;e, Jacques Brocard, Francis Castets, Thierry Galli, 2006, &laquo;&nbsp;La bibliom&eacute;trie est une science&nbsp;?&nbsp;&raquo; La Lettre des Neurosciences, n&deg;30, p. 7</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> &nbsp;voir l&rsquo;analyse des pratiques par Beauvois et Pansu (2008). Facteur d&rsquo;impact et mondialisation culturelle. Psychologie Fran&ccedil;aise, 53, 211-222</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> &nbsp;Etienne Hirsch, 2006, &laquo;&nbsp;Bibliom&eacute;trie&nbsp;: l&rsquo;avis des Pr&eacute;sidents de section&nbsp;&raquo;. La Lettre des Neurosciences, n&deg;30, p. 14</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> &nbsp;Luc Bu&eacute;e, Jacques Brocard, Francis Castets, Thierry Galli, 2006, &laquo;&nbsp;La bibliom&eacute;trie est une science&nbsp;?</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> &nbsp;www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.0507655102</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> &nbsp;Johan Heilbron, 2002, &laquo;&nbsp;La bibliom&eacute;trie, gen&egrave;se et usages&nbsp;&raquo;. Actes de la recherche en sciences sociales, 2, 141, p. 78-79</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> &nbsp;Cf. Jean-Michel Chabot, 2007, &laquo;&nbsp;&Eacute;valuation&nbsp;: vademecum&nbsp;&raquo;. Communication personnelle. Jean-Michel Chabot est Professeur de sant&eacute; publique et conseiller m&eacute;dical aupr&egrave;s du directeur de la Haute Autorit&eacute; de Sant&eacute; (HAS).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> &nbsp;Johan Heilbron, op. cit., p. 79, soulign&eacute; par nous</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> &nbsp;Nicole Haeffner-Cavaillon, 2006, &laquo;&nbsp;Les indicateurs bibliom&eacute;triques &agrave; l&rsquo;Inserm&nbsp;&raquo;. In&nbsp;: La Lettre des Neurosciences, n&deg;&nbsp;30, p. 12, soulign&eacute; par nous.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> &nbsp;Jean-Ren&eacute; Cazalets, 2006, &laquo;&nbsp;Bibliom&eacute;trie&nbsp;: l&rsquo;avis des Pr&eacute;sidents de section&nbsp;&raquo;. La Lettre des Neurosciences, n&deg;&nbsp;30, p. 15</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> &nbsp;AERES&nbsp;: Agence d&rsquo;&Eacute;valuation de la Recherche et de l&rsquo;Enseignement</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> &nbsp;voir Tiberghien et Beauvois (2008). Domination et imp&eacute;rialisme en psychologie. Psychologie Fran&ccedil;aise, 53, 135-155</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> &nbsp;SIUEERPP&nbsp;: S&eacute;minaire Inter-Universitaire Europ&eacute;en d&rsquo;Enseignement et de Recherche en Psychopathologie Clinique</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> &nbsp;Victor Klemperer, 1975, LTI La langue du IIIe Reich. Paris&nbsp;; Albin Michel, 1996, p. 40</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> &nbsp;Information Sciences Institute</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> &nbsp;Harald Welzer, 2005, Les Ex&eacute;cuteurs Des hommes normaux aux meurtriers de masse. Paris&nbsp;: Gallimard, 2007</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> &nbsp;American Psychological Association</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn19" id="ftn19">19</a> &nbsp;Robert-Vincent Joule, Jean-L&eacute;on Beauvois, 1998, La soumission librement consentie, Paris, puf</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn20" id="ftn20">20</a> &nbsp;Alain Abelhauser, 2008, &laquo;&nbsp;le chiffrage de la clinique&nbsp;&raquo;. LNA, N&deg;&nbsp;8, p. 52</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn21" id="ftn21">21</a> &nbsp;Cf. Roland Gori et Marie-Jos&eacute; Del Volgo, 2008, Exil&eacute;s de l&rsquo;intime. Paris&nbsp;: Deno&euml;l</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn22" id="ftn22">22</a> &nbsp;Philippe Vernier, 2006, &laquo;&nbsp;Bibliom&eacute;trie&nbsp;: l&rsquo;avis des Pr&eacute;sidents de section&nbsp;&raquo;. La Lettre des Neurosciences, n&deg;&nbsp;30, p. 17</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn23" id="ftn23">23</a> &nbsp;Alexis de Tocqueville, De la D&eacute;mocratie en Am&eacute;rique. Paris&nbsp;: Garnier-Flammarion, 1981, p. 384</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn24" id="ftn24">24</a> &nbsp;Alexis de Tocqueville p. 387</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn25" id="ftn25">25</a> &nbsp;Beauvois, Les illusions lib&eacute;rales, individualisme et pouvoir social, Presses Universitaires de Grenoble</p>