<blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Les peuples n&#39;ont jamais que le degr&eacute; de libert&eacute; que leur audace conquiert sur la peur.&nbsp;&raquo;<br /> Stendhal</p> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;Pour reconstruire une France s&ucirc;re,&nbsp;une France aussi dans un&nbsp;monde&nbsp;menac&eacute;&nbsp;&raquo;<br /> Jean-Pierre Raffarin, Premier Ministre Fran&ccedil;ais</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">Nous avons &eacute;mis l&#39;hypoth&egrave;se que la menace &eacute;tait une dimension politique importante, &agrave; la fois dans l&#39;exercice du pouvoir mais &eacute;galement dans son impact sur le sentiment d&#39;identit&eacute; nationale. A cet effet, nous avons analys&eacute; les discours des plus hautes instances gouvernantes &agrave; deux moments diff&eacute;rents pour faire ressortir certains traits particuliers de l&#39;exploitation de th&egrave;mes mena&ccedil;ants. Les &eacute;tudes pr&eacute;c&eacute;dentes montraient que l&#39;individu recherche des informations particuli&egrave;res pour s&#39;adapter &agrave; une information mena&ccedil;ante. Notre &eacute;tude a pour objectif de montrer quelles solutions sont propos&eacute;es par les hommes politiques pour nous assurer que la menace est sous contr&ocirc;le. Celle-ci est g&eacute;n&eacute;ralement plut&ocirc;t exprim&eacute;e dans les &eacute;tudes politiques par son pendant &eacute;motionnel&nbsp;: la peur (Chomsky, 1997). La peur ainsi employ&eacute;e ne se r&eacute;f&egrave;re pas &agrave; une r&eacute;action &eacute;motionnelle brutale et adaptative (avec des cons&eacute;quences physiologiques et comportementales) mais &agrave; un &eacute;tat &eacute;motionnel dans lequel priment l&#39;incertitude et l&#39;angoisse. Nous pensons que cet &eacute;tat &eacute;motionnel fait partie int&eacute;grante de la perception de la menace et pour cette raison, nous n&#39;utiliserons que ce dernier terme.</p> <p class="texte" dir="ltr">Ainsi, nous revenons &agrave; notre d&eacute;finition de la menace&nbsp;en tant que signe de danger : peur d&#39;une perte, incertitude sur les causes et les cons&eacute;quences de l&#39;&eacute;v&egrave;nement et&nbsp; n&eacute;cessit&eacute; de r&eacute;gulation. L&#39;environnement mondial contemporain, s&#39;il est statistiquement plus &laquo;&nbsp;s&ucirc;r&nbsp;&raquo;, tend &agrave; augmenter l&#39;intol&eacute;rance &agrave; la menace et &agrave; l&#39;ins&eacute;curit&eacute;. De telles tendances sont renforc&eacute;es par le sentiment des citoyens d&#39;&ecirc;tre dissoci&eacute;s des structures de pouvoir et de d&eacute;cision, donc des possibilit&eacute;s de r&eacute;gulation, souvent inaccessibles et herm&eacute;tiques (une discussion plus approfondie de la notion de citoyennet&eacute; dans cette orientation pourrait &ecirc;tre pertinente pour l&#39;explication de la perception d&#39;un monde mena&ccedil;ant). Les d&eacute;clarations de politique g&eacute;n&eacute;rale constituent un moment particulier pour d&eacute;finir l&#39;impact du choix des citoyens (&agrave; travers les &eacute;lections) sur la politique par l&#39;exposition de l&#39;orientation choisie par le gouvernement en accord avec le Pr&eacute;sident de la R&eacute;publique pour le temps de sa pr&eacute;sence au pouvoir. Elles sont &agrave; la fois un &eacute;tat des lieux et une pr&eacute;sentation des options souhait&eacute;es pour l&#39;am&eacute;liorer. A ce titre, les d&eacute;clarations de politique g&eacute;n&eacute;rale sont r&eacute;v&eacute;latrices des circonstances dans lesquelles elles ont &eacute;t&eacute; produites. Nous nous sommes donc int&eacute;ress&eacute;s &agrave; deux de ces d&eacute;clarations r&eacute;centes, issue des deux derniers chefs de gouvernement, Lionel Jospin et Jean-Pierre Raffarin, car elles sont s&eacute;par&eacute;es par un ensemble d&#39;&eacute;v&egrave;nements qui sont &agrave; l&#39;origine de grands remous &agrave; la fois en politique nationale et en politique internationale (&agrave; la fois li&eacute;s &agrave; des revendications sociales, s&eacute;curitaires, au terrorisme et aux &eacute;lections pr&eacute;sidentielles fran&ccedil;aises).</p> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;analyse se partage en deux parties. Nous &eacute;tudierons d&#39;abord l&#39;utilisation des termes li&eacute;s &agrave; la peur et &agrave; la menace et nous verrons ensuite de quelle mani&egrave;re les hommes politiques ont r&eacute;pondu aux probl&egrave;mes pos&eacute;s. Nous avons voulu montrer &agrave; travers cette analyse que les leaders politiques utilisaient la menace comme base de leur argumentation. Nous avons &eacute;tudi&eacute; cette argumentation &agrave; travers un mod&egrave;le th&eacute;orique particulier, celui du leadership et de l&#39;identit&eacute; nationale d&eacute;velopp&eacute; par Stephen Reicher et ses coll&egrave;gues. Conform&eacute;ment &agrave; l&#39;analyse &eacute;largie (donc non limit&eacute;e &agrave; l&#39;id&eacute;e de mort) de la th&eacute;orie de la gestion de la terreur (TMT) de Pyszczynski, les conditions qui donnent aux informations disponibles leur pertinence face &agrave; la menace, la vision idiosyncrasique du monde et l&#39;estime de soi, jouent un r&ocirc;le majeur. Les leaders politiques, pour employer un terme de Reicher, sont des &laquo;&nbsp;entrepreneurs d&#39;identit&eacute;&nbsp;&raquo; et, &agrave; ce titre, on peut s&#39;attendre qu&#39;ils contribuent fortement &agrave; la constitution des deux dimensions &eacute;voqu&eacute;es (vision du monde et estime de soi).</p> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;analyse est destin&eacute;e &agrave; montrer que deux leaders &agrave; deux moments politiques diff&eacute;rents vont r&eacute;guler diff&eacute;remment la menace et, que Jean-Pierre Raffarin, mis au pouvoir dans un contexte particulier de saillance des probl&egrave;mes s&eacute;curitaires (ann&eacute;e qui a suivi le 11 Septembre, &eacute;lection mouvement&eacute;e de l&#39;actuel Pr&eacute;sident de la R&eacute;publique Jacques Chirac face au repr&eacute;sentant de l&#39;extr&ecirc;me droite, Jean-Marie Le Pen, surm&eacute;diatisation de l&#39;ins&eacute;curit&eacute;), sera amen&eacute; &agrave; d&eacute;velopper ces dimensions lors de son discours de politique g&eacute;n&eacute;ral. Cette analyse a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e au moyen du logiciel Lexico 3 de l&#39;&eacute;quipe de l&#39;Universit&eacute; de la Sorbonne Nouvelle (Paris 3)<a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a>. Ce logiciel permet l&#39;analyse lexicale d&#39;un corpus, avec entre autre un comptage des occurrences, une analyse des diff&eacute;rences entre les lexiques de deux corpus, les groupements de th&egrave;mes lexicaux, leurs poids relatifs et la visualisation des concordances.</p> <h1 dir="ltr" id="heading1">1.1.Mat&eacute;riel</h1> <p class="texte" dir="ltr">Les discours de politique g&eacute;n&eacute;rale sont propos&eacute;s en annexe. Ils ont &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute;s dans leur int&eacute;gralit&eacute;. L&#39;analyse qui en est faite ici ne retient que les points qui appuient notre argumentation en laissant de c&ocirc;t&eacute; les propositions, les r&eacute;formes et les &eacute;nonc&eacute;s factuels. Le logiciel utilis&eacute; permet de compter les occurrences du vocabulaire mais &eacute;galement de faire ressortir les sp&eacute;cificit&eacute;s lexicographiques d&#39;un corpus par rapport &agrave; un autre. Il regroupe par cat&eacute;gorie d&eacute;finie par l&#39;utilisateur les mots d&#39;un registre particulier et calcule de la m&ecirc;me mani&egrave;re les diff&eacute;rences sur ces regroupements. Il donne pour chaque mot &eacute;tudi&eacute; sa vrai place dans le texte afin d&#39;en v&eacute;rifier la signification et l&#39;utilisation. Nous analysons dans une premi&egrave;re partie la polarit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale des discours puis, dans une deuxi&egrave;me partie, nous nous attacherons tout particuli&egrave;rement aux menaces et aux solutions identitaires propos&eacute;es.</p> <h1 dir="ltr" id="heading2">1.2.Mondes discursifs et champs lexicaux principaux</h1> <p class="texte" dir="ltr">En premi&egrave;re analyse, nous &eacute;tudions les sp&eacute;cificit&eacute;s lexicales des deux discours. Celles-ci correspondent aux mots significativement plus employ&eacute;s par l&#39;un que par l&#39;autre. Nous constatons que Jean-Pierre Raffarin se r&eacute;f&egrave;re avant tout autre chose &agrave; la France tandis que Lionel Jospin se r&eacute;f&egrave;re au gouvernement. Conform&eacute;ment aux travaux de Reicher, notre hypoth&egrave;se concerne la mise en avant des caract&eacute;ristiques et valeurs nationales dans une situation de saillance de la menace, c&#39;est-&agrave;-dire dans notre cas, dans le discours de Jean-Pierre Raffarin. Cette recherche de l&#39;&eacute;tiquette nationale est conforme &agrave; cette hypoth&egrave;se. Lionel Jospin fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des concepts comme &laquo;&nbsp;national&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;publique&nbsp;&raquo; ou encore &laquo;&nbsp;solidarit&eacute;&nbsp;&raquo; alors que Jean-Pierre Raffarin utilise un ensemble d&#39;&eacute;l&eacute;ments plus concret &laquo;&nbsp;monde&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;proximit&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;besoins&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;locale&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;contre&nbsp;&raquo;. Jean-Pierre Raffarin utilise &eacute;galement un champ lexical plus actif, qui apporte plus de r&eacute;gulation, entre autres par la pr&eacute;sence dans les verbes employ&eacute;s &laquo;&nbsp;voulons&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;souhaitons&nbsp;&raquo;. Aucun verbe d&#39;action significativement plus utilis&eacute; n&#39;appara&icirc;t dans le discours de Lionel Jospin.</p> <p class="texte" dir="ltr"><img alt="Image1" src="https://numerev.com/images/cpp/docannexe/image/1230/img-1.png" style="width:5.3854inch;height:3.3752inch;margin-left:0.0in;margin-right:0.0in;margin-top:0mm;margin-bottom:0mm;padding-top:0.0602in;padding-bottom:0.0602in;padding-left:0.1102in;padding-right:0.1102in;border:none" /></p> <p class="titreillustration" dir="ltr"><a id="Image17Cgraphics"></a>Figure 1 : Sp&eacute;cificit&eacute;s significatives (&agrave; p&lt;.05) dans l&#39;univers lexical de Jean-Pierre Raffarin par rapport &agrave; celui de Lionel Jospin</p> <p class="texte" dir="ltr"><img alt="Image2" src="https://numerev.com/images/cpp/docannexe/image/1230/img-2.png" style="width:5.2709inch;height:2.8854inch;margin-left:0.0in;margin-right:0.0in;margin-top:0mm;margin-bottom:0mm;padding-top:0.0602in;padding-bottom:0.0602in;padding-left:0.1102in;padding-right:0.1102in;border:none" /></p> <p class="titreillustration" dir="ltr"><a id="Image27Cgraphics"></a>Figure 2 : Sp&eacute;cificit&eacute;s significatives (&agrave; p&lt;.05) dans l&#39;univers lexical de Lionel Jospin par rapport &agrave; Jean-Pierre Raffarin</p> <p class="texte" dir="ltr">Ces deux &eacute;l&eacute;ments, utilisation des verbes et de substantifs concrets, ancre sans surprise le discours de Jean-Pierre Raffarin dans l&#39;action (puisqu&#39;il a &eacute;t&eacute; mis au gouvernement sous la banni&egrave;re d&#39;homme d&#39;action et sous les promesses &eacute;lectorales de mise en place rapide de projets) mais &eacute;galement dans la d&eacute;finition du &laquo;&nbsp;<em>vous</em>&nbsp;&raquo; dans la &laquo;&nbsp;<em>France</em>&nbsp;&raquo; et par rapport au&nbsp;&laquo;&nbsp;monde&nbsp;&raquo;. Par ailleurs, le discours de Jean-Pierre Raffarin utilise le plus souvent le nom &laquo;&nbsp;France&nbsp;&raquo; en indiquant &laquo;&nbsp;<em>une France&nbsp;&raquo; </em>et non &laquo;&nbsp;<em>la France&nbsp;&raquo; </em>(dans pr&egrave;s de 30% des occurrences)<em>,</em> identification jamais utilis&eacute;e par Lionel Jospin et qui affirme d&#39;autant plus sa volont&eacute; de d&eacute;finir la &laquo;&nbsp;France qui doit &ecirc;tre&nbsp;&raquo;<em>.</em> Il est int&eacute;ressant de noter que le seul homme politique qui a produit plus de r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la France pendant la campagne est Jean-Marie Le Pen qui appuie sans ambigu&iuml;t&eacute; ses discours sur les menaces et les peurs des individus.</p> <p class="texte" dir="ltr">D&#39;autre part, une autre des caract&eacute;ristiques dans ces visions du monde est la pr&eacute;sentation de l&#39;image de l&#39;Etat. Nous avons &eacute;crit plus haut que parmi les moyens de regagner le contr&ocirc;le sur le monde, l&#39;affirmation forte de l&#39;institution &eacute;tatique &eacute;tait n&eacute;cessaire. Nous constatons dans cette simple analyse lexicale le changement de cap (li&eacute; &eacute;galement &agrave; des imp&eacute;ratifs de partis politiques, liens dont l&#39;&eacute;tendu m&eacute;riterait une discussion hors propos ici). Nous passons d&#39;un Etat qui propose un &laquo;&nbsp;pacte&nbsp;&raquo;, fait preuve de &laquo;&nbsp;solidarit&eacute;&nbsp;&raquo;dans l&#39;&nbsp;&laquo;&nbsp;union&nbsp;&raquo; et la chose &laquo;&nbsp;publique&nbsp;&raquo;, la &laquo;&nbsp;r&eacute;publique&nbsp;&raquo; (res publica&nbsp;!) &agrave; un &eacute;tat, chez Jean-Pierre Raffarin, qui reprend le contr&ocirc;le de la situation, n&#39;a pas &agrave; se justifier de ses actions puisqu&#39;elles d&eacute;coulent tout naturellement (principe TINA, there is no alternative, du &agrave; Margaret Tatcher) de la situation et surtout ne se met pas sur le m&ecirc;me plan que ses citoyens. Raffarin reprend donc l&#39;image d&#39;un Etat fort qui peut assurer la s&eacute;curit&eacute; de ces citoyens. Nous remarquons ici la similitude entre ces remarques, l&#39;analyse de Richer et les &eacute;tudes sur les relations entre la menace et l&#39;autoritarisme (Altemeyer, 1988) qui font &eacute;tat en situation de menace d&#39;un renforcement de l&#39;identit&eacute; du groupe par rapport aux autres groupes dans un registre autoritaire (Doty, Peterson, &amp; Winter, 1991; Duckitt, 1992; Feldman &amp; Stenner, 1997; Lavine et al., 1999). La cons&eacute;quence autoritaire ne serait donc qu&#39;un &eacute;l&eacute;ment possible dans des processus plus g&eacute;n&eacute;raux de mise en place de r&eacute;gulations sociales.</p> <h1 dir="ltr" id="heading3">1.3.La menace dans les discours</h1> <p class="texte" dir="ltr">La premi&egrave;re analyse concerne la mise en avant des facteurs qui stigmatisent la situation de menace dans le discours et la mise en place d&#39;un monde interlocutoire particulier. Le contexte de mise en place de ce monde doit &ecirc;tre rapport&eacute; au moment des discours &eacute;voqu&eacute;s en introduction. Le champ lexicographique d&eacute;velopp&eacute; par Jean-Pierre Raffarin &eacute;tait intimement li&eacute; &agrave; l&#39;actualit&eacute;, nous en sommes conscients, mais la mani&egrave;re dont il dessine et conforme le monde sous-jacent rel&egrave;ve en revanche d&#39;une volont&eacute; particuli&egrave;re de r&eacute;guler la menace per&ccedil;ue par les individus.</p> <p class="texte" dir="ltr">Deux mondes diff&eacute;rents sont d&eacute;crits dans les discours&nbsp;: pour Lionel Jospin un monde ferm&eacute; li&eacute; &agrave; la s&eacute;curit&eacute; et &agrave; la dur&eacute;e, pour Jean-Pierre Raffarin, un monde en mouvement qui ne s&#39;attache plus directement aux valeurs nationales mais &agrave; une dimension mondiale et qui g&eacute;n&egrave;re intrins&egrave;quement et par essence de l&#39;ins&eacute;curit&eacute;. Cette dimension mondiale est particuli&egrave;rement li&eacute;e &agrave; la s&eacute;curit&eacute; dans le cas de J.-P. Raffarin, alors que pour L. Jospin, le terme monde n&#39;est qu&#39;un descriptif spatial (voir annexes, les occurrences en situation).</p> <p class="texte" dir="ltr">Raffarin affirme globalement</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Cette &eacute;volution du monde nous pr&eacute;occupe&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">Nous voyons dans la Figure 15 que les deux mondes lexicaux (dangereux, menace, ins&eacute;curit&eacute;) sont effectivement diff&eacute;rents m&ecirc;me si ce type d&#39;analyse laisse de c&ocirc;t&eacute; la signification en contexte du terme.</p> <p class="texte" dir="ltr"><a id="Ref34468339"></a><a id="bkmRef34468339"></a><img alt="Image3" src="https://numerev.com/images/cpp/docannexe/image/1230/img-3.jpg" style="width:4.1146inch;height:2.75inch;margin-left:0.0in;margin-right:0.0in;margin-top:0mm;margin-bottom:0mm;padding-top:0.0602in;padding-bottom:0.0602in;padding-left:0.1102in;padding-right:0.1102in;border:none" /></p> <p class="titreillustration" dir="ltr"><a id="Image37Cgraphics"></a><a id="Ref34468361"></a><a id="bkmRef34468361"></a>Figure 3: <a id="Ref34468350"></a><a id="bkmRef34468350"></a>Nombre d&#39;occurrences dans les discours des termes s&eacute;curit&eacute; et ins&eacute;curit&eacute;</p> <p class="texte" dir="ltr">J.-P. Raffarin pose d&#39;embl&eacute;e les bases de la menace instituant de cette mani&egrave;re sa r&eacute;alit&eacute; et la n&eacute;cessit&eacute; de ce qui suivra&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Ils y regardent avec inqui&eacute;tude leur avenir. Ils sont inquiets du terrorisme. Ce terrorisme qui a frapp&eacute; les Etats-Unis le 11 septembre et plus r&eacute;cemment la France, &agrave; Karachi. Cette &eacute;volution du monde nous pr&eacute;occupe et nous concerne. Les probl&egrave;mes aujourd&#39;hui se pensent &agrave; l&#39;&eacute;chelle mondiale. Ces changements se sont accompagn&eacute;s de la multiplication des ins&eacute;curit&eacute;s.&nbsp;&raquo;</p> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Elle ne peut plus se concevoir en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un monde fig&eacute;.&nbsp;Elle doit se d&eacute;ployer vers un monde multipolaire, mouvant et instable.&nbsp;Un monde o&ugrave; le terrorisme, dans ses nouvelles dimensions, s&#39;ajoute aux facteurs de risques d&eacute;j&agrave; connus, tels que la prolif&eacute;ration d&#39;armes de destruction massive ou les tensions r&eacute;gionales.&nbsp;Il nous faut dessiner un paysage strat&eacute;gique dans un monde incertain.&nbsp;&raquo;</p> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Ins&eacute;curit&eacute; physique d&#39; abord.&nbsp;La violence est de plus en plus pr&eacute;sente dans notre soci&eacute;t&eacute;.&nbsp;Mais l&#39;ins&eacute;curit&eacute; est aussi sociale : nombre de nos concitoyens &eacute;tant confront&eacute;s au ch&ocirc;mage et &agrave; la pr&eacute;carit&eacute;.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">Nous retrouvons dans ces extraits les principaux &eacute;l&eacute;ments de notre r&eacute;flexion sur la menace&nbsp;&agrave; savoir l&#39;incertitude et la r&eacute;gulation. Lionel Jospin, certes dans un tout autre contexte, n&#39;&eacute;voque le terme ins&eacute;curit&eacute; que pour indiquer une information factuelle et illustre le reste de son propos sur ce th&egrave;me avec le substantif inverse, la s&eacute;curit&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Jean-Pierre Raffarin fait donc non seulement l&#39;inverse, mais donne &agrave; l&#39;ins&eacute;curit&eacute; une dimension qui d&eacute;passe largement son identification sociale et les donn&eacute;es d&#39;actualit&eacute;s qui lui ont donn&eacute;es corps.</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;multiplication des ins&eacute;curit&eacute;s&nbsp;&raquo;</p> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;l&#39;ins&eacute;curit&eacute; du monde&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">et elle va jusqu&#39;&agrave;</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;menacer la coh&eacute;sion de la nation&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">Cette derni&egrave;re affirmation est illustrative du propos que nous souhaitons d&eacute;gager de cette &eacute;tude. Il dira dans autre un discours que &laquo;&nbsp;l&#39;ins&eacute;curit&eacute; interne et externe&quot; restait &quot;tr&egrave;s mena&ccedil;ante&quot; et que la &quot;bataille pour la s&eacute;curit&eacute;&quot; &eacute;tait &quot;une bataille de justice sociale&quot;. &quot;Partout dans le monde, tous les jours, des informations nous viennent comme quoi les risques de terrorisme sont forts&nbsp;&raquo; (d&eacute;claration du Premier ministre apr&egrave;s avoir pos&eacute; la premi&egrave;re pierre d&#39;une nouvelle gendarmerie &agrave; Jaunay-Clan (Vienne), interrog&eacute; par l&#39;AFP). Ce rappel incessant montre la puissance de l&#39;argumentation qu&#39;elle g&eacute;n&egrave;re.</p> <p class="texte" dir="ltr">Les probl&egrave;mes sont donc inh&eacute;rents &agrave; la croissance mondiale et la mont&eacute;e de l&#39;ins&eacute;curit&eacute; est in&eacute;luctable.</p> <h1 dir="ltr" id="heading4">1.4<span style="font-size:7.0pt;"><strong>. </strong></span>Logique identitaire</h1> <p class="texte" dir="ltr">Cette deuxi&egrave;me analyse montre quelles strat&eacute;gies discursives sont employ&eacute;es pour donner une r&eacute;ponse &agrave; un monde mena&ccedil;ant envisag&eacute; dans la partie pr&eacute;c&eacute;dente.</p> <p class="texte" dir="ltr">En conformit&eacute; donc avec les &eacute;tudes de Reicher&nbsp;sur les &laquo;&nbsp;entrepreneurs d&#39;identit&eacute;&nbsp;&raquo;, nous nous placerons dans une logique de production identitaire. Nous pensons cependant que cette d&eacute;marche n&#39;est pas n&eacute;cessaire, et au-del&agrave; de l&#39;identit&eacute; produite il est n&eacute;cessaire pour un leader politique de produire des artefacts r&eacute;ducteurs d&#39;incertitudes, et que ces artefacts sont seulement li&eacute;s &agrave; l&#39;identit&eacute; sociale et nationale mais que celle-ci en est la partie la plus visible et la plus atteignable dans un discours de masse.</p> <p class="texte" dir="ltr">Les &eacute;tudes men&eacute;es par Reicher&nbsp;montrent que le r&ocirc;le du leader est donc de construire l&#39;identit&eacute; des groupes auxquels il s&#39;adresse. Le leader dispose de trois grands types d&#39;argumentations de r&eacute;ification destin&eacute;es &agrave; structurer ou &agrave; restructurer les composantes id&eacute;ologique et identitaire d&#39;un groupe ou d&#39;un peuple&nbsp;(Reicher, in press; Thompson, 1990): la <em>nominalisation et passivisation</em> (outils linguistiques qui transforment les hommes en objets ind&eacute;pendamment du sujet qui les cr&eacute;e)<em>, </em>la <em>naturalisation </em>(les cr&eacute;ations sociales sont consid&eacute;r&eacute;es naturelles)<em>, l&#39;&eacute;ternalisation</em> (les ph&eacute;nom&egrave;nes sociaux historiques sont d&eacute;crits comme immobiles dans le temps). De m&ecirc;me il d&eacute;crit des processus linguistiques et l&#39;utilisation de l&#39;histoire, des mythes culturels et des ic&ocirc;nes culturelles dans la cr&eacute;ation de l&#39;identit&eacute;. La m&eacute;tamorphose du fait social et de ses acteurs dans la rh&eacute;torique politique est la dimension principale de ces m&eacute;ta-arguments. Ajoutons que pour la bonne mise en place de cette identit&eacute;, il faut la <em>l&eacute;gitimer</em> donc expliquer pourquoi il serait catastrophique de la perdre.</p> <p class="texte" dir="ltr">Dans cette logique de production d&#39;identit&eacute;, la dimension nationale et en particulier la mise en avant de valeurs qui ne peuvent &ecirc;tre que partag&eacute;es par le plus grand nombre, est caract&eacute;ristique de cette rh&eacute;torique. Jean-Pierre Raffarin comme son pr&eacute;d&eacute;cesseur ont dans l&#39;obligation de mettre en avant d&egrave;s l&#39;introduction du discours l&#39;identit&eacute; de la France qu&#39;ils vont nous demander de partager. Cette pr&eacute;sentation des valeurs que nous devons partager pour constituer notre identit&eacute; nationale est quasiment identique autour des &laquo;&nbsp;valeurs r&eacute;publicaines&nbsp;&raquo;. Mais l&agrave; o&ugrave; Lionel Jospin reste vague et affiche des &laquo;&nbsp;valeurs universelles&nbsp;&raquo;, Jean-Pierre Raffarin est plus pr&eacute;cis et pr&eacute;sente des valeurs sp&eacute;cifiques, constitutives naturellement de notre histoire et de notre pens&eacute;e. Le m&eacute;canisme, s&#39;il est diff&eacute;rent dans les termes, est identique sur le plan des processus mis en ouvre. Dans tous les cas, l&#39;homme politique se pose comme le d&eacute;fenseur de l&#39;identit&eacute; nationale.</p> <p class="texte" dir="ltr">Pour L. Jospin&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Un sens, c&#39;est-&agrave;-dire une signification - la France doit conforter son identit&eacute;, mise &agrave; mal-&nbsp;;[.] La France ce n&#39;est pas seulement le bonheur des paysages, une langue enrichie des ouvres de l&#39;esprit&nbsp;; c&#39;est d&#39;abord une histoire. Une histoire o&ugrave; s&#39;est forg&eacute;e le &laquo;&nbsp;mod&egrave;le r&eacute;publicain&nbsp;&raquo;&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">mais pour J.P. Raffarin, l&#39;enjeu devient plus complexe et plus profond:&nbsp;</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Seuls l&#39;unit&eacute; nationale et le v&eacute;ritable partage de la r&eacute;publique nous permettront de surmonter individualisme et communautarisme, &eacute;go&iuml;smes et f&eacute;odalit&eacute;s.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">et un peu plus loin</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;la politique a trop d&eacute;riv&eacute;, d&eacute;riv&eacute; vers son aval, la technique, en m&eacute;sestimant son amont, la pens&eacute;e, pour rassurer les citoyens expos&eacute;s aux angoisses de l&#39;avenir.&nbsp;Dans la mondialisation que nous vivons, les r&eacute;ponses de la France ne sont pas celles du gigantisme ou de la concentration, ce ne sont celles de la standardisation ou de la banalisation.&nbsp;Notre r&eacute;ponse, celle de la France, est celle de la cr&eacute;ation, celle de l&#39;intelligence et du talent, celle de la solidarit&eacute;, de la g&eacute;n&eacute;rosit&eacute;, de l&#39;innovation et de la qualit&eacute;.&nbsp;&raquo;.</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">Dans les deux cas et sans surprise, la volont&eacute; de rassembler utilise une dimension de l&#39;identit&eacute; nationale. J.-P. Raffarin ne manque pas le rapport &agrave; la &laquo;&nbsp;survie&nbsp;&raquo; et aux r&eacute;ponses aux &laquo;&nbsp;angoisses de l&#39;avenir&nbsp;&raquo;. La grande diff&eacute;rence est la mise en avant par J.-P. Raffarin de valeurs qui ne sont pas directement li&eacute;es &agrave; l&#39;Etat et surtout &agrave; la r&eacute;publique mais &agrave; la nation et &agrave; son peuple. Ces deux valeurs mises en avant dans le discours de J.-P. Raffarin sont l<em>&#39;humanisme </em>et la <em>cr&eacute;ativit&eacute;</em> a travers une optique claire&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;le poids de la France sur le monde a toujours &eacute;t&eacute; li&eacute; &agrave; la force de ses id&eacute;es.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;humanisme est un concept philosophique qui met l&#39;&ecirc;tre humain au centre de toutes les autres probl&eacute;matiques. Le premier ministre en fait le motif r&eacute;current de son argumentation mais aussi et surtout un &eacute;l&eacute;ment central de l&#39;identit&eacute; fran&ccedil;aise et annonce qu&#39;il faut</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;faire respecter notre patrimoine humaniste&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">&nbsp;et que la</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;France, porteuse d&#39;un nouvel humanisme, quand la France doute de sa place dans le monde&nbsp;&raquo;.</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">et plus encore parce que</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;la France propose au monde une certaine id&eacute;e de l&#39;humanisme&nbsp;&raquo;.</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">Il s&#39;agit donc d&#39;un double mouvement de r&eacute;appropriation du patrimoine et de le placer en nouvelle arme contre le doute en n&#39;h&eacute;sitant pas &agrave; invoquer une France mod&egrave;le pour le monde.</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Notre projet est celui d&#39;une France porteuse d&#39;un nouvel humanisme&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">dit le premier ministre actuel en guise d&#39;objectif.</p> <p class="texte" dir="ltr">La deuxi&egrave;me valeur mise en avant de mani&egrave;re syst&eacute;matique est la cr&eacute;ativit&eacute;&nbsp;:&nbsp;</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Une France cr&eacute;ative&nbsp;&raquo;</p> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;La valeur de cr&eacute;ation dont nous voulons promouvoir notre pays&nbsp;&raquo;</p> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Une France cr&eacute;ative, la valeur de cr&eacute;ation dont nous voulons promouvoir&nbsp;notre pays&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">La mise en place de valeurs positives sur lesquelles l&#39;accord peut se faire avec facilit&eacute; est la base d&#39;une identit&eacute; nationale renforc&eacute;e et plus coh&eacute;sive.</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;elle est dans l&#39;unit&eacute; nationale, je ne souhaite pas faire de la division un principe gouvernemental; je ne souhaite pas opposer les fran&ccedil;ais les uns aux autres.&nbsp;&raquo;</p> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;seuls l&#39;unit&eacute; nationale et le v&eacute;ritable partage de la r&eacute;publique nous permettront de surmonter individualisme et communautarisme, &eacute;go&iuml;smes et f&eacute;odalit&eacute;s.&nbsp;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;id&eacute;e donc de conforter l&#39;id&eacute;e d&#39;&nbsp;&laquo;&nbsp;une France&nbsp;&raquo; (voir la premi&egrave;re partie de l&#39;analyse) permet en filligrane d&#39;envisager la possibilit&eacute; que la menace est si grande que le temps n&#39;est plus &agrave; la confrontation ni &agrave; la discussion. Et conscient de la possibilit&eacute; d&#39;attaque sur ce point il ajoute&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Cet appel &agrave; la coh&eacute;sion nationale ne nie pas l&#39;exigence du d&eacute;bat.&nbsp;Au contraire,&nbsp; j&#39; y attache une grande importance.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">D&#39;autre part, nous avons vu que Jean-Pierre Raffarin a un discours plus ancr&eacute; dans une logique internationale que celui produit par Lionel Jospin cinq ann&eacute;es auparavant. Cette diff&eacute;rence appara&icirc;t surtout dans les r&eacute;f&eacute;rences &agrave; la mondialisation sur laquelle il applique &eacute;galement son humanisme</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Une mondialisation humanis&eacute;e&nbsp;&raquo;</p> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;.&agrave; humaniser la mondialisation&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte" dir="ltr">Le rapport au monde devient alors complexe puisque nous trouvons &agrave; la fois un champ lexical li&eacute; au monde comme totalit&eacute; g&eacute;opolitique, &agrave; la mondialisation et un contre champ lexical li&eacute; aux r&eacute;gions, &agrave; la proximit&eacute; et aux localit&eacute;s (de 10 occurrences pour Jospin &agrave; 39 pour Raffarin pour ce dernier champ). Sur le m&ecirc;me plan, nous trouvons une hausse de la complexit&eacute; du monde et une hausse de la simplification des solutions. L&#39;id&eacute;e qui se dessine est simple&nbsp;: le monde est mena&ccedil;ant mais nous avons la possibilit&eacute; de le r&eacute;guler directement dans notre pays &agrave; la fois par l&#39;expression de moyens symboliques (valeurs) et par des modifications concr&egrave;tes de notre espace national en le r&eacute;duisant (r&eacute;gionalisation) et en le simplifiant (essentiellement par les simplifications de proc&eacute;dures) pour le rendre moins angoissant.</p> <h1 dir="ltr" id="heading5">1.5<span style="font-size:7.0pt;"><strong>. </strong></span>Conclusion</h1> <p class="texte" dir="ltr">Nous avons vu que dans un monde d&eacute;crit comme incertain et mena&ccedil;ant un certain nombre de strat&eacute;gies psychologiques, discursives et politiques se mettent en place afin d&#39;affirmer la r&eacute;gulation de cette menace&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr">1. r&eacute;affirmation d&#39;un pouvoir fort</p> <p class="texte" dir="ltr">2. mise en place d&#39;une identit&eacute; nationale &agrave; travers des valeurs pr&eacute;cises trouv&eacute;es dans l&#39;histoire et les symboles collectifs</p> <p class="texte" dir="ltr">3.mise en relation de la nation et du monde pour affirmer notre sp&eacute;cificit&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Une des possibilit&eacute;s largement utilis&eacute;es par les hommes politiques face &agrave; des situations de menace et de non contr&ocirc;le est de reformer une identit&eacute; sociale coh&eacute;sive et de la mettre &agrave; la disposition de la population. Deux probl&egrave;mes sont pourtant &agrave; &eacute;voquer. D&#39;abord nous n&#39;avons &eacute;tudi&eacute; que deux discours. Ceux-ci nous semblaient suffisamment significatifs par les contextes dans lesquels ils ont &eacute;t&eacute; produits. Ensuite nous n&#39;avons pas montr&eacute; que ce discours &eacute;tait compl&egrave;tement diff&eacute;rent en situation de menace affirm&eacute;e et en situation de paix sociale. Notre principal argument est que la menace est constitutive de ces discours politiques puisqu&#39;elle reste une des mani&egrave;res les plus s&ucirc;rs d&#39;affirmer que nos solutions sont les plus efficaces, donc d&#39;&ecirc;tre &eacute;lu, enjeu important du fonctionnement d&eacute;mocratique.</p> <p class="texte" dir="ltr">D&#39;autre part un discours qui met en jeu une menace n&#39;est jamais uniquement rassurant. Dans chacun de ces discours est pr&eacute;sent le rappel de la cause de la menace&nbsp;: voil&agrave; pourquoi vous devez avoir peur, pour votre identit&eacute;, pour votre vie, pour votre avenir &eacute;conomique, pour votre patrimoine culturel. Ce va-et-vient est central dans une logique politique de crise. Si la population ne sait pas bien ce qu&#39;elle risque de perdre, elle n&#39;a pas besoin d&#39;une r&eacute;gulation suppl&eacute;mentaire. R&eacute;cemment, Jean-Pierre Raffarin, lors d&#39;un voyage officiel en Russie en septembre 2003, a renouvel&eacute; le recours &agrave; l&#39;identit&eacute; nationale dans un contexte de &laquo;&nbsp;pessimisme&nbsp;&raquo; ambiant. Il a d&eacute;clar&eacute; &laquo;A tous ceux que le d&eacute;clin obs&egrave;de, nous pouvons ensemble jeter les mots de Martin Luther King: &#39;Faisons en sorte qu&#39;une nouvelle lumi&egrave;re se jette sur les t&eacute;n&egrave;bres du pessimisme&#39;&nbsp;&raquo;, puis &laquo;Les Fran&ccedil;ais sont courageux et pas paresseux. Les Fran&ccedil;ais aiment le travail (...) et sont innovants&raquo; et ils &laquo;aiment &ecirc;tre fiers d&#39;une France d&#39;ouverture, d&#39;une France qui ne se replie pas sur elle-m&ecirc;me, d&#39;une France qui croit &agrave; l&#39;avenir, qui veut vivre &agrave; l&#39;aise dans le nouveau si&egrave;cle, une France moderne, une France qui sait engager des partenariats, qui sait tenir compte de ses engagements, une France qui croit &agrave; la croissance mondiale&raquo; exaltant ainsi des valeurs nationales face &agrave; de nombreux conflits nationaux sociaux et id&eacute;ologiques.</p> <p class="texte" dir="ltr">La politique de George Bush est, pour prendre un autre exemple, assez significative de ce type de gestion. Nous avons vu dans le discours produit par George Bush apr&egrave;s le 11 septembre, que cette perspective pouvait &ecirc;tre tr&egrave;s nette dans ces cons&eacute;quences et qu&#39;elle pouvait &ecirc;tre dirig&eacute;e vers des objectif encore plus g&eacute;n&eacute;raux&nbsp;: &laquo;&nbsp;nous sommes tous am&eacute;ricains&nbsp;&raquo; proclamaient &agrave; ce moment les slogans officiels. Une identit&eacute; plus profonde a donc &eacute;t&eacute; mise en place qui permettait la justification d&#39;une politique particuli&egrave;re. Les lois vot&eacute;es permettent en effet un contr&ocirc;le exhaustif des ressortissants am&eacute;ricains ou &eacute;trangers pr&eacute;sents sur le sol am&eacute;ricain, acceptation de diminution des libert&eacute;s individuelles &eacute;galement remarqu&eacute;e par Pyszczynski. D&#39;autre part, la majorit&eacute; de ses discours, continuent &agrave; stigmatiser la menace que doit inspirer Saddam Hussein alors m&ecirc;me que nombre de doutes planent sur les preuves produites et que r&eacute;cemment ces doutes sont devenus certitudes (juin/juillet 2003 jusqu&#39;au suicide d&#39;un ancien inspecteur anglais en d&eacute;sarmement et aux d&eacute;clarations officielles de la Maison Blanche). Il est &agrave; noter que ce type de strat&eacute;gies n&#39;est pas nouveau dans l&#39;histoire des Etats-Unis puisque d&egrave;s les ann&eacute;es 1898, l&#39;explosion d&#39;un navire permet la d&eacute;claration de guerre &agrave; l&#39;Espagne cens&eacute;e avoir attaqu&eacute;e le navire, explosion reconnue plusieurs ann&eacute;es apr&egrave;s comme accidentelle. En 1964, la guerre du Vietnam est lanc&eacute;e &agrave; l&#39;opinion publique comme r&eacute;action &agrave; l&#39;attaque, en fait inexistante, de deux destroyers de la flotte am&eacute;ricaine, en 1985. L&#39;exemple am&eacute;ricain n&#39;est certes pas isol&eacute; et m&ecirc;me s&#39;il est important par l&#39;ampleur des cons&eacute;quences li&eacute;es &agrave; sa puissance &eacute;conomique et financi&egrave;re, il n&#39;est pas unique dans les strat&eacute;gies qui le sous-tendent.</p> <p class="texte" dir="ltr">Dans une autre optique, un r&eacute;cent sondage, l&#39;Eurobarom&egrave;tre 2003<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a>, montre que les fran&ccedil;ais se disent menac&eacute;s par le terrorisme, puis la pollution, la criminalit&eacute;, les accidents nucl&eacute;aires et les &eacute;pid&eacute;mies. Cependant lorsque les gens sont interrog&eacute;s sur les priorit&eacute;s gouvernementales, le ch&ocirc;mage et l&#39;ins&eacute;curit&eacute; viennent en premier suivis par la situation &eacute;conomique, le terrorisme n&#39;&eacute;tant qu&#39;en quatri&egrave;me position. Les individus ne superposent donc pas leurs craintes et les attitudes concernant le fonctionnement politique, ce qui est conforme aux &eacute;tudes montrant le peu de lien existant entre ces deux p&ocirc;les (Sears &amp; Funk, 1991). Nous voyons dans cette distinction que les individus s&eacute;parent des menaces globales et durables de menaces pr&eacute;cises et qui les touchent directement. Les hommes politiques peuvent alors axer leur discours sur l&#39;une ou l&#39;autre des menaces, sur les premi&egrave;res par exemple, pour &eacute;viter la pol&eacute;mique sur les secondes (voir Albouy, 2002).</p> <p class="texte" dir="ltr">Autre point, dans ces discours, la mondialisation (dans son sens le plus neutre, c&#39;est-&agrave;-dire de plan&eacute;tarisation des rapports humains, culturels et &eacute;conomiques) semble &ecirc;tre la source de nombreuses menaces, hypoth&egrave;se relay&eacute;e par d&#39;autres recherches (Duckitt &amp; Fisher, 2003). Cela sugg&egrave;re toute l&#39;incertitude qu&#39;il est possible d&#39;avoir pour le futur. Sans l&#39;avoir sp&eacute;cifiquement &eacute;tudi&eacute;e, il semble que l&#39;id&eacute;e de la mondialisation permet tout particuli&egrave;rement de rendre saillante les menaces pour l&#39;avenir et donc de diriger le discours vers des l&#39;identit&eacute;s nationales. Cette hypoth&egrave;se fera l&#39;objet de recherches plus cibl&eacute;es.</p> <p class="texte" dir="ltr">Pour conclure, nous utiliserons deux phrases significatives des deux discours. Pour L. Jospin, il faut &laquo;&nbsp;prendre part &agrave; l&#39;avenir du monde&nbsp;&raquo; tandis que pour J.-P. Raffarin, &laquo;&nbsp;le monde ne nous attendra pas&nbsp;&raquo;. Ces deux phrases r&eacute;sument assez bien notre propos et stigmatisent deux fa&ccedil;ons de montrer le monde. La premi&egrave;re montre un environnement qui &eacute;volue dans lequel nous nous inscrivons de mani&egrave;re assez positive, tandis que la deuxi&egrave;me, sugg&eacute;rant la m&ecirc;me id&eacute;e de fond, s&#39;appuie sur la menace que nous ne seront pas forc&eacute;ment en mesure de nous assurer le meilleur avenir possible dans cet environnement.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> &nbsp;Nous les remercions de laisser les &eacute;tudiants se servir gratuitement du logiciel disponible &agrave; l&#39;adresse suivante&nbsp;: http://www.cavi.univ-paris3.fr/ilpga/ilpga/tal/lexicoWWW/ . L&#39;analyse lexicom&eacute;trique compare les d&eacute;comptes r&eacute;alis&eacute;s &agrave; partir du rep&eacute;rage des occurrences d&#39;unit&eacute;s lexicales (formes, segments, types g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;s, etc.) dans les diff&eacute;rentes parties d&#39;un corpus de textes. Le logiciel r&eacute;alise automatiquement certaines op&eacute;rations sur ces corpus&nbsp;: segmentation, concordances, d&eacute;comptes portant sur les formes graphiques (ensemble lexical), sp&eacute;cificit&eacute;s (par analyse des diff&eacute;rence d&#39;utilisation lexicale), analyses factorielles portant sur les formes et les segments r&eacute;p&eacute;t&eacute;s, constitution de groupe de formes (de m&ecirc;me nature s&eacute;mantique ou portant sur le m&ecirc;me th&egrave;me, choisis par l&#39;utilisateur) et affichage graphique des particularit&eacute;s lexicales. Il permet &eacute;galement de comparer plusieurs corpus par la mise en place pr&eacute;alable de variables lors de la pr&eacute;paration du texte.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> &nbsp;Eurobarom&egrave;tre Standard 59 disponible sur www.eurobarometre.fr</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Albouy, F. X. (2002). <em>Le temps de catastrophes</em>.Paris: Descartes&amp;Cie.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Altemeyer, B. (1988). <em>Enemies of freedom: Understanding right-wing authoritarianism</em>.San Francisco: Jossey-Bass.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Chomsky, N. (1997). Media Control: <em>The spectacular achievements of propaganda</em>.New York: Seven Stories Press.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Doty, R. M., Peterson, B. E., &amp; Winter, D. G. (1991). Threat and authoritarianism in the United States, 1978-1987. <em>Journal of Personality and Social Psychology, 61</em>(4), 629-640.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Duckitt, J. (1992). Threat and authoritarianism: Another look. <em>Journal of Social Psychology, 132</em>(5), 697-698.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Duckitt, J., &amp; Fisher, K. (2003). The impact of social threat on worldview and ideological attitudes. <em>Journal of Political Psychology, 24</em>(1), 199-222.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Feldman, S., &amp; Stenner, K. (1997). Perceived threat and authoritarianism. <em>Political Psychology, 18</em>(4), 741-770.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Lavine, H., Burgess, D., Snyder, M., Transue, J., Sullivan, J. L., Haney, B., et al. (1999). Threat, authoritarianism, and voting: An investigation of personality and persuasion. <em>Personality and Social Psychology Bulletin, 25</em>(3), 337-347.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Reicher, S. (in press). On the science of the art of the leadership. In D. van Knippenberg &amp; M. Hogg (Eds.), <em>Identity, Leadership, Power</em>.London: Sage.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Sears, D. O., &amp; Funk, C. L. (1991). The role of self-interest in social and political attitudes. <em>Advances in Experimental Social Psychology, 24</em>, 1-91.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Thompson, J. (1990). <em>Ideology and modern culture</em>.Oxford: Policy.</p>