<p class="texte" dir="ltr">Avertissement</p> <p class="texte" dir="ltr">Les deux premiers textes qui suivent sont des articles de circonstance dont les auteurs sont &agrave; la fois chercheurs et engag&eacute;s politiquement, puis l&rsquo;amorce d&rsquo;un troisi&egrave;me texte qui devrait &ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute; ult&eacute;rieurement. Nous les avons &eacute;chang&eacute;s, chacun a r&eacute;agi, annot&eacute;, le premier auteur a r&eacute;pondu. C&rsquo;est le r&eacute;sultat de ce&nbsp; &laquo;&nbsp;dialogue &eacute;crit&nbsp;&raquo; que nous pr&eacute;sentons ici. En noir, on pourra lire les articles initiaux, puis dans des couleurs diff&eacute;rentes&nbsp;: les premiers commentaires en rouge et les r&eacute;ponses en bleu.</p> <h1 dir="ltr" id="heading1">I.- &Ecirc;tre de gauche aujourd&rsquo;hui</h1> <p class="texte" dir="ltr"><img alt="Image1" src="https://numerev.com/images/cpp/docannexe/image/1244/img-1.jpg" style="width:1.5626inch;height:0.6984inch;margin-left:0.0in;margin-right:0.0in;margin-top:0mm;margin-bottom:0mm;padding-top:0.0602in;padding-bottom:0.0602in;padding-left:0.1102in;padding-right:0.1102in;border:none" /><em>A gauche A. Dorna, &agrave; droite B. Matalon </em></p> <p class="texte" dir="ltr"><a id="Image17Cgraphics"></a>Texte de Benjamin Matalon <img alt="Image2" src="https://numerev.com/images/cpp/docannexe/image/1244/img-2.jpg" style="width:0.4165inch;height:0.4583inch;margin-left:0.0in;margin-right:0.0in;margin-top:0mm;margin-bottom:0mm;padding-top:0.0602in;padding-bottom:0.0602in;padding-left:0.1102in;padding-right:0.1102in;border:none" />, commentaires d&#39;Alexandre Dorna <span style="color:#ff0000;"><img alt="Image3" src="https://numerev.com/images/cpp/docannexe/image/1244/img-3.jpg" style="width:0.4165inch;height:0.4583inch;margin-left:0.0in;margin-right:0.0in;margin-top:0mm;margin-bottom:0mm;padding-top:0.0602in;padding-bottom:0.0602in;padding-left:0.1102in;padding-right:0.1102in;border:none" /></span></p> <p class="texte" dir="ltr"><a id="Image37Cgraphics"></a>Benjamin Matalon (BM). Il y a encore vingt ou vingt-cinq ans, en France et &agrave; l&rsquo;&eacute;poque du Programme commun, d&eacute;finir ce qu&rsquo;&eacute;tait &ecirc;tre de gauche n&rsquo;aurait gu&egrave;re &eacute;t&eacute; difficile&nbsp;: c&rsquo;&eacute;tait &ecirc;tre contre le capitalisme et pour la classe ouvri&egrave;re, et s&rsquo;employer &agrave; construire une soci&eacute;t&eacute; nouvelle, plus juste, par l&rsquo;appropriation collective des moyens de production. Celle-ci pouvait prendre deux formes&nbsp;: la propri&eacute;t&eacute; &eacute;tatique, celle retenue par le Programme commun, ou l&rsquo;autogestion, vite abandonn&eacute;e sans grandes discussions, et qui laissait ouverte la question du r&ocirc;le du march&eacute;. En attendant, concession non reconnue &agrave; la social-d&eacute;mocratie, on s&rsquo;effor&ccedil;ait, souvent efficacement, d&rsquo;am&eacute;liorer la situation des classes laborieuses.</p> <p class="texte" dir="ltr">On en est loin. La plupart des entreprises nationalis&eacute;es en 81, et un certain nombre d&rsquo;entreprises qui &eacute;taient publiques depuis beaucoup plus longtemps, ont &eacute;t&eacute; privatis&eacute;es, y compris par des gouvernements de gauche. Certains crient &agrave; la trahison, &agrave; l&rsquo;abandon des id&eacute;es fondamentales, alors que d&rsquo;autres invoquent l&rsquo;efficacit&eacute; &eacute;conomique, mais personne ne peut se dispenser d&rsquo;une r&eacute;flexion sur la place &agrave; accorder au march&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Quant &agrave; la classe ouvri&egrave;re, si elle n&rsquo;est pas en train de dispara&icirc;tre comme l&rsquo;affirment certains, elle perd une partie de sa sp&eacute;cificit&eacute;, et les diff&eacute;rences entre ouvriers et employ&eacute;s s&rsquo;att&eacute;nuent. De nombreux cadres se situent &agrave; gauche, et jouent un r&ocirc;le important dans ses organisations, ce qui fait que celles-ci ne peuvent plus &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;es seulement comme repr&eacute;sentant et d&eacute;fendant les int&eacute;r&ecirc;ts des plus d&eacute;munis. Et l&rsquo;augmentation du nombre d&rsquo;exclus, du Lumpenprol&eacute;tariat si m&eacute;pris&eacute; par Marx, vient encore brouiller les rep&egrave;res li&eacute;s &agrave; la notion de classe. Actuellement, la base sociale de la gauche, ce sont les salari&eacute;s, et pas sp&eacute;cifiquement les ouvriers. On voit m&ecirc;me appara&icirc;tre des &laquo;&nbsp;patrons de gauche&nbsp;&raquo;, ce qui aurait &eacute;t&eacute; consid&eacute;r&eacute; il n&rsquo;y a pas si longtemps comme une contradiction dans les termes. On se demande souvent s&rsquo;il y a encore aujourd&rsquo;hui une gauche vraiment distincte de la droite, alors que personne ne doute qu&rsquo;il y ait encore une droite. La gauche aurait-elle disparu&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">On ne r&ecirc;ve plus &agrave; la disparition du capitalisme. Il faut maintenant admettre que la rupture avec celui-ci, l&rsquo;appropriation collective des moyens de production, ne sont que des moyens, pas un but &agrave; poursuivre pour lui-m&ecirc;me, et ce sont des moyens auxquels il est difficile de continuer &agrave; croire. Le but, l&rsquo;essentiel, c&rsquo;est une soci&eacute;t&eacute; de plus en plus juste. Or ce moyen, qui a tant fait r&ecirc;ver et se battre, s&rsquo;est r&eacute;v&eacute;l&eacute; soit inatteignable, soit contraire au but poursuivi. Il faut donc chercher de nouveaux moyens, en admettant qu&rsquo;une rupture radicale avec la soci&eacute;t&eacute; actuelle est peu probable dans un avenir envisageable. Dans le champ &eacute;conomique, un probl&egrave;me central pour la gauche est maintenant celui de la place &agrave; accorder au march&eacute;, et la fa&ccedil;on de le r&eacute;guler, pas de le supprimer.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">Alexandre Dorna (AD)&nbsp;: Alors donc, si je comprends l&rsquo;embarras, c&rsquo;est curieux et contradictoire &eacute;voquer l&rsquo;explication marxiste et ne pas tirer les conclusions qui s&rsquo;imposent compte tenu de son &eacute;chec politique. C&rsquo;est d&rsquo;un projet alternatif de soci&eacute;t&eacute; &ndash; qui n&rsquo;existe plus &ndash; dont il &eacute;tait question dans le clivage droite-gauche du pass&eacute;. Il y a avait-l&agrave; du b&eacute;ton, aujourd&rsquo;hui c&rsquo;est du carton-p&acirc;te.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">BM. Je ne comprends pas cette critique. Il ne me semble pas avoir &eacute;voqu&eacute; d&rsquo;explication marxiste. C&rsquo;est justement la constatation de son &eacute;chec qui me guide. Je suis tout &agrave; fait d&rsquo;accord que les projets actuels de soci&eacute;t&eacute; alternative n&rsquo;ont aucune consistance, ou sont des v&oelig;ux pieux, comme le slogan alter mondialiste &laquo;&nbsp;un autre monde est possible&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: En bref, ce qui est en question dans la &laquo;&nbsp;post-modernit&eacute;&nbsp;&raquo; au sens politique et intellectuel, c&rsquo;est ni plus ni moins le cadre culturel de la modernit&eacute; d&rsquo;o&ugrave; sortent la droite et la gauche.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le march&eacute; est &eacute;conomiquement efficace, mais aussi destructeur. En m&ecirc;me temps qu&rsquo;il permet le d&eacute;veloppement &eacute;conomique et l&rsquo;&eacute;l&eacute;vation du niveau de vie, il&nbsp;cr&eacute;e du ch&ocirc;mage et engendre des in&eacute;galit&eacute;s. Est-il possible d&rsquo;avoir les avantages du capitalisme sans en avoir les inconv&eacute;nients&nbsp;? N&rsquo;est-ce pas vouloir le beurre et l&rsquo;argent du beurre&nbsp;? Pourtant, faute d&rsquo;avoir un autre objectif &agrave; proposer, c&rsquo;est le probl&egrave;me qu&rsquo;il faut r&eacute;soudre, en conservant l&rsquo;objectif d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; plus juste.</p> <p class="texte" dir="ltr">Contrairement &agrave; la droite, la gauche ne s&rsquo;accommode donc pas de toutes les cons&eacute;quences du libre fonctionnement du march&eacute;, et particuli&egrave;rement pas des in&eacute;galit&eacute;s qu&rsquo;il engendre. On touche l&agrave; &agrave; ce qui me semble une diff&eacute;rence fondamentale entre la gauche et la droite. Pour celle-ci, dans toutes ses vari&eacute;t&eacute;s, il y a un ordre in&eacute;vitable, et il faut l&rsquo;accepter<a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a>. Au cours de l&rsquo;histoire, les justifications en ont &eacute;t&eacute; tr&egrave;s diverses&nbsp;: l&rsquo;ordre existant &eacute;tant selon les &eacute;poques pr&eacute;sent&eacute; comme voulu par Dieu, ou fond&eacute; sur des in&eacute;galit&eacute;s et des hi&eacute;rarchies naturelles, ou valid&eacute; par la tradition, ou justifi&eacute; par l&rsquo;h&eacute;r&eacute;dit&eacute;, ou encore le produit de la s&eacute;lection des plus aptes. Maintenant, c&rsquo;est le march&eacute; qui joue ce r&ocirc;le de justification et de contrainte&nbsp;: il faudrait le laisser fonctionner librement, car la &laquo;&nbsp;main invisible&nbsp;&raquo; l&rsquo;am&egrave;ne n&eacute;cessairement &agrave; l&rsquo;optimum. L&rsquo;argumentation est dans son essence toujours la m&ecirc;me&nbsp;: les choses ne peuvent pas &ecirc;tre autrement, et m&ecirc;me si certaines cons&eacute;quences peuvent sembler regrettables, il est inutile d&rsquo;essayer de s&rsquo;y opposer&nbsp;: les mesures qu&rsquo;on prendrait pour cela entra&icirc;neraient des effets pervers qui iraient &agrave; l&rsquo;encontre du but recherch&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:justify;">A gauche on a toujours refus&eacute; ces arguments, et mis en avant des <em>valeurs</em>, l&rsquo;&eacute;galit&eacute; surtout, et lutt&eacute; pour les r&eacute;aliser. En un mot, la gauche a toujours &eacute;t&eacute; <em>volontariste</em>, reconnaissant l&rsquo;importance de la politique, avec le danger de se perdre dans l&rsquo;irr&eacute;alisme et l&rsquo;utopie. Si l&rsquo;acquisition d&rsquo;une &laquo;&nbsp;culture de gouvernement&nbsp;&raquo; a amen&eacute; &agrave; reconna&icirc;tre l&rsquo;existence de contraintes auxquelles se heurtent les politiques, le d&eacute;bat se poursuit quant &agrave; la nature de ces contraintes et des moyens de les surmonter, et quant &agrave; celles qu&rsquo;il faut accepter.</p> <p class="texte" dir="ltr">Certes, la diff&eacute;rence entre la gauche et la droite ne se limite pas &agrave; cela. Il est habituel de dire que la gauche d&eacute;fend les droits, et que la droite insiste sur les devoirs. Ou que la droite met en avant la responsabilit&eacute; et la gauche la protection. Grossi&egrave;rement, on peut r&eacute;sumer ces diff&eacute;rences en disant que la droite d&eacute;fend la libert&eacute; et la gauche l&rsquo;&eacute;galit&eacute;. C&rsquo;est &agrave; peu pr&egrave;s vrai en &eacute;conomie, mais les priorit&eacute;s s&nbsp;&lsquo;inversent lorsqu&rsquo;on passe &agrave; d&rsquo;autres domaines. C&rsquo;est la droite qui a toujours d&eacute;fendu l&rsquo;ordre moral.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: J&rsquo;ai bien peur que la &laquo;&nbsp;gauche&nbsp;&raquo; soit arriv&eacute;e non seulement &agrave; avaler toutes les couleuvres lib&eacute;rales, mais &agrave; en fabriquer. Le destin &laquo;&nbsp;libre-march&eacute;&nbsp;&raquo; du PS post-mitterrandien me semble inexorable, sauf une crise de parcours. Il y a une chose claire&nbsp;: le PS (il ne faut pas l&rsquo;identifier avec toute la gauche) a fonctionn&eacute; comme le pompier qui am&egrave;ne du travail &agrave; la maison&nbsp;; on ne joue pas avec du feu sans risque d&rsquo;incendie.</p> <p class="texte" dir="ltr">Mais si ce qui caract&eacute;rise la gauche, ce sont ses valeurs (en premier lieu l&rsquo;&eacute;galit&eacute; et la solidarit&eacute;, secondairement la libert&eacute;, j&rsquo;y reviendrai) et la volont&eacute; de lutter pour elles, de quels moyens disposons-nous maintenant&nbsp;?<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: de mani&egrave;re abstraite c&rsquo;est pensable, mais dans la pratique la lourdeur de l&rsquo;appareil la rendra utopique dans le sens p&eacute;joratif du terme.</p> <p class="texte" dir="ltr">Accepter le march&eacute; en cherchant &agrave; &eacute;viter toutes les cons&eacute;quences de son libre fonctionnement suppose que, &agrave; gauche, on se pose autrement que par l&rsquo;invocation de grands principes, et qu&rsquo;on r&eacute;solve, car c&rsquo;est urgent, plusieurs probl&egrave;mes pratiques imm&eacute;diats. J&rsquo;en citerai deux, il y en a d&rsquo;autres&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr">-Si on admet que les entreprises cr&eacute;ent les emplois et contribuent au d&eacute;veloppement &eacute;conomique, jusqu&rsquo;o&ugrave; peut-on aller dans le soutien &agrave; leur accorder&nbsp;? Cela suppose de ne pas condamner syst&eacute;matiquement la recherche du profit, qu&rsquo;on aborde de front, par exemple le probl&egrave;me de la politique fiscale et celui des aides de l&rsquo;Etat et, inversement, celui des limitations au droit de licencier ou &agrave; celui de polluer. En d&rsquo;autres termes, comment assurer une redistribution suffisante et juste, lutter contre le ch&ocirc;mage, pr&eacute;server l&rsquo;environnement, sans nuire &agrave; l&rsquo;efficacit&eacute; &eacute;conomique&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">-Quels sont les domaines qui ne doivent pas &ecirc;tre r&eacute;gis par le march&eacute;, les activit&eacute;s non rentables, mais indispensables? En d&rsquo;autres termes, qu&rsquo;est-ce qui rel&egrave;ve des services publics et comment doivent-ils &ecirc;tre organis&eacute;s pour &ecirc;tre efficace tout en atteignant leurs objectifs&nbsp;sans &ecirc;tre guid&eacute;s par le march&eacute;? Cela am&egrave;ne &agrave; une comparaison des statuts public et priv&eacute;, une r&eacute;flexion sur le r&ocirc;le et l&rsquo;efficacit&eacute; de la concurrence, et sur les interventions possibles et souhaitables de la puissance publique.</p> <p class="texte" dir="ltr">Nous nous trouvons devant un programme paradoxal&nbsp;: lutter quotidiennement contre les effets du capitalisme sans chercher &agrave; l&rsquo;abattre, en lui laissant la possibilit&eacute; de fonctionner, mais en limitant &agrave; la fois son emprise et ses cons&eacute;quences. C&rsquo;est le r&eacute;formisme de gauche, certainement moins exaltant que de r&ecirc;ver aux lendemains qui chantent succ&eacute;dant au grand soir, &agrave; une soci&eacute;t&eacute; enfin id&eacute;ale, mais au moins on peut esp&eacute;rer, pas &agrave; pas, am&eacute;liorer l&rsquo;&eacute;tat des choses, comme la gauche l&rsquo;a toujours fait, au pouvoir ou dans l&rsquo;opposition. Car on ne peut pas compter sur le seul exercice du pouvoir gouvernemental pour atteindre ces objectifs. A c&ocirc;t&eacute; des partis, l&rsquo;action des syndicats, des associations, des mouvements peut &ecirc;tre tout aussi efficace, m&ecirc;me quand c&rsquo;est la droite qui est aux affaires. Sisyphe ne croit plus qu&rsquo;il pourra mener son rocher tout en haut de la montagne, l&agrave; o&ugrave; il sera parfaitement en &eacute;quilibre, mais il peut esp&eacute;rer l&rsquo;amener chaque fois plus haut. Ses efforts ne seront alors pas inutiles.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: L&rsquo;espoir d&rsquo;arriver pas &agrave; pas quelque part est devenu purement rh&eacute;torique du moment que le but n&rsquo;est plus d&eacute;fini&nbsp;: quelle soci&eacute;t&eacute;&nbsp;? Quant au moyens&nbsp;: les &eacute;lections&nbsp;? C&rsquo;est une profession de foi. Une na&iuml;vet&eacute; ou un cynisme, ou les deux &agrave; la fois.</p> <p class="texte" dir="ltr">Tout ceci concerne l&rsquo;&eacute;conomie. Pendant longtemps la gauche s&rsquo;y est cantonn&eacute;e, et ses revendications n&rsquo;en d&eacute;passaient gu&egrave;re le champ. Toutefois, peut-&ecirc;tre depuis 68, on a commenc&eacute;, timidement et avec beaucoup de r&eacute;ticences, &agrave; intervenir sur les &laquo;&nbsp;probl&egrave;mes de soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;, et &agrave; s&rsquo;int&eacute;resser &agrave; de nouvelles revendications qu&rsquo;on ne pouvait pas ramener &agrave; l&rsquo;&eacute;conomie, comme celles des f&eacute;ministes, des homosexuels ou, dans un tout autre domaine, celles des &eacute;cologistes<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a>. La tradition marxiste amenait soit &agrave; les consid&eacute;rer comme mineures, soit &agrave; estimer qu&rsquo;elles masquaient des probl&egrave;mes &eacute;conomiques et en d&eacute;tournait, ce que venait renforcer un puritanisme fr&eacute;quent chez les ouvriers. La critique marxiste des &laquo;&nbsp;libert&eacute;s formelles&nbsp;&raquo; et l&rsquo;image du &laquo;&nbsp;renard libre dans un poulailler libre&nbsp;&raquo; ont fait que la libert&eacute; n&rsquo;apparaissait pas comme une valeur essentielle &agrave; d&eacute;fendre. Mais il faut maintenant prendre conscience qu&rsquo;il y a des dominations et des injustices qui ne sont pas seulement &eacute;conomiques, et que tous les conflits ne se ram&egrave;nent &agrave; la lutte des classes, m&ecirc;me si celle-ci n&rsquo;a pas disparu comme on voudrait nous le faire croire.</p> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; subsiste. Il est significatif que pendant les derni&egrave;res campagnes &eacute;lectorales on n&rsquo;ait mis en &eacute;vidence ni le PACS ni la parit&eacute; parmi les r&eacute;alisations du gouvernement Jospin, pas plus que Giscard, d&rsquo;ailleurs n&rsquo;avait insist&eacute; &agrave; &nbsp;l&rsquo;&eacute;poque sur la loi sur l&rsquo;IVG dans son bilan. Sur ces points, on pense que les &eacute;lecteurs sont plus conservateurs que les politiques. L&rsquo;attitude &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la d&eacute;linquance, longtemps consid&eacute;r&eacute;e uniquement comme une cons&eacute;quence des conditions &eacute;conomiques, et donc devant dispara&icirc;tre si celles-ci s&rsquo;am&eacute;liorent est aussi &agrave; cet &eacute;gard significative. La &laquo;&nbsp;na&iuml;vet&eacute;&nbsp;&raquo; avou&eacute;e par Jospin sur ce point a &eacute;t&eacute; celle de toute la gauche, qui croit souvent encore que l&rsquo;&eacute;conomique d&eacute;termine tout.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: Je pense qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas &laquo;&nbsp;na&iuml;vet&eacute;&nbsp;&raquo;, mais le sentiment de ne pas pouvoir faire rien d&rsquo;autre ou de faire le moindre mal. C&rsquo;est un calcul politique qui est entra&icirc;n&eacute; par l&rsquo;&eacute;conomique. Par ailleurs, il est n&eacute;cessaire de ne plus &eacute;luder une id&eacute;e (d&eacute;j&agrave; ancienne) qui montre que le socialisme est la variante mod&eacute;r&eacute;e du lib&eacute;ralisme. Voil&agrave; la vraie question sur les valeurs socialistes. &nbsp;&nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">BM. C&rsquo;est en effet une vraie question. Le lib&eacute;ralisme est-il &agrave; rejeter en bloc, se r&eacute;duit-il au &laquo;&nbsp;renard libre dans un poulailler libre&nbsp;&raquo;, ou comporte-t-il aussi des aspects positifs&nbsp;? Depuis Marx, il a montr&eacute; sa capacit&eacute; &agrave; surmonter ses contradictions, ou du moins &agrave; se d&eacute;velopper malgr&eacute; elles. Le niveau de vie s&rsquo;est am&eacute;lior&eacute;, gr&acirc;ce &nbsp;&agrave; l&rsquo;efficacit&eacute; de l&rsquo;&eacute;conomie et &agrave; son d&eacute;veloppement, mais gr&acirc;ce aussi aux pressions de la gauche politique et syndicale. De nouvelles contradictions apparaissent toutefois&nbsp;: le ralentissement de la croissance ne permet plus au compromis social-d&eacute;mocrate&nbsp;(qui a fonctionn&eacute; aussi en France, gr&acirc;ce au Parti Communiste, en grande partie malgr&eacute; lui, comme l&rsquo;a montr&eacute; une publication rocardienne il y a une vingtaine d&rsquo;ann&eacute;es) de continuer de la m&ecirc;me fa&ccedil;on. Apr&egrave;s avoir fortement diminu&eacute;, les in&eacute;galit&eacute;s se perp&eacute;tuent, voire s&rsquo;accroissent. Le capitalisme n&rsquo;a plus sa brutalit&eacute; du XIX&egrave;me. Si&egrave;cle, mais de nouvelles formes d&rsquo;ali&eacute;nation (un concept marxiste qui garde toute sa valeur), plus subtiles, s&rsquo;imposent. Le ch&ocirc;mage, la pr&eacute;carit&eacute;, l&rsquo;exclusion, se d&eacute;veloppent. Les probl&egrave;mes ne manquent pas. Un nouveau compromis est-il envisageable&nbsp;? Dans quel sens&nbsp;? Port&eacute; par quelles forces&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: Je me vois dans l&rsquo;obligation d&rsquo;enfoncer des portes ouvertes, sous peine de passer &agrave; c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;essentiel&nbsp;: le post-capitalisme est dans une phase de re-organisation financi&egrave;re et morale, d&rsquo;o&ugrave; les incertitudes. Or, il reste renard. C&rsquo;est un syst&egrave;me d&rsquo;exploitation et d&rsquo;ali&eacute;nation qui ne peut pas s&rsquo;arr&ecirc;ter, comme une bicyclette s&rsquo;il s&rsquo;arr&ecirc;te, il tombe. La question sur un nouveau compromis me semble quelque peu na&iuml;ve ou d&eacute;fensive. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">Dans le domaine dit des &laquo;&nbsp;questions de soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;, h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne, aux contours impr&eacute;cis et qui n&rsquo;a pas d&rsquo;unit&eacute; v&eacute;ritable, l&rsquo;opposition entre la droite et la gauche n&rsquo;est pas claire, les deux sont divis&eacute;es. La droite, si attach&eacute;e au lib&eacute;ralisme &eacute;conomique, si soucieuse de la libert&eacute; d&rsquo;entreprendre, devient le plus souvent autoritaire d&egrave;s qu&rsquo;on quitte le champ de l&rsquo;&eacute;conomie. La politique du gouvernement actuel en est un exemple particuli&egrave;rement clair&nbsp;: lib&eacute;ralisme &eacute;conomique et ordre moral. Mais la gauche, tout en ayant s&eacute;rieusement &eacute;volu&eacute;, reste embarrass&eacute;e. Le clivage sur ce point &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la gauche est profond, et refl&egrave;te une coupure identique dans la population. Le r&ecirc;ve d&rsquo;une &laquo;&nbsp;autre soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo; reste pr&eacute;sent et vivant. Mais ce n&rsquo;est gu&egrave;re d&eacute;battu. Devrait-on y consacrer une partie plus grande de notre attention&nbsp;? &Ecirc;tre de gauche aujourd&rsquo;hui, ce devrait &ecirc;tre viser aussi &agrave; trouver un &eacute;quilibre satisfaisant entre ces deux valeurs, entre &eacute;galit&eacute; et libert&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:right;"><em>Benjamin MATALON</em></p> <h1 dir="ltr" id="heading2">Discussion finale&nbsp;de la premi&egrave;re partie.</h1> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: En somme, j&rsquo;ai l&rsquo;impression de lire un expos&eacute; qui montre l&rsquo;apostasie de la gauche (PS en particulier)&nbsp;: l&rsquo;abandon de la recherche de la soci&eacute;t&eacute; alternative au capitalisme, la faiblesse des valeurs, l&rsquo;opportunisme des dirigeants, etc., mais sans tirer une conclusion claire de la le&ccedil;on esquiss&eacute;e. C&rsquo;est l&agrave; que le besoin de d&eacute;passement du clivage droite-gauche doit &ecirc;tre approfondi. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="margin-left:0.0555in; margin-right:0.0in; text-indent:0.0in; text-align:justify;"><span style="color:#0000ff;">BM. En effet, la gauche, telle que je la con&ccedil;ois et la per&ccedil;ois en ce moment, n&rsquo;a pas de projet de soci&eacute;t&eacute; alternative, pas plus l&rsquo;extr&ecirc;me-gauche que le &nbsp;PS. Il faut le reconna&icirc;tre et le dire, et dire ce qui oriente son action. C&rsquo;est peut-&ecirc;tre de l&rsquo;apostasie (L&eacute;nine aurait certainement &eacute;t&eacute; de cet avis), mais que faire d&rsquo;autre, &agrave; moins de faire r&ecirc;ver avec des promesses exaltantes qu&rsquo;on ne tiendra pas&nbsp;? Ce serait peut-&ecirc;tre bon pour gagner des &eacute;lections, mais apr&egrave;s&nbsp;? Je crois qu&rsquo;il y a des am&eacute;liorations possibles, certes &agrave; la marge, mais affectant la vie concr&egrave;te, et il est important que des forces politiques les reconnaissent et agissent pour elles. Bien s&ucirc;r, ce n&rsquo;est pas un id&eacute;al pour lequel qui que ce soit sera pr&ecirc;t &agrave; sacrifier sa vie, comme beaucoup l&rsquo;ont fait pour la d&eacute;mocratie, le communisme, l&rsquo;anarchisme&hellip; ou le fascisme, ou encore une religion. Dans le pass&eacute;, les causes auxquelles se consacrer jusqu&rsquo;au sacrifice n&rsquo;ont pas manqu&eacute;. Aucune ne survit, du moins en Occident. Et ce n&rsquo;est peut-&ecirc;tre pas un mal&nbsp;: les causes pour lesquelles on est pr&ecirc;t &agrave; se faire tuer sont aussi celles pour lesquelles on est pr&ecirc;t &agrave; tuer. Mais g&eacute;rer la soci&eacute;t&eacute; au jour le jour, s&rsquo;efforcer progresser &agrave; petits pas n&rsquo;est pas n&eacute;gligeable. Apr&egrave;s tout, la vie est aussi quotidienne.</span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">&Agrave; part &ccedil;a, il est certainement souhaitable que certains prennent le risque de l&rsquo;utopie et tentent d&rsquo;imaginer et de proposer une alternative. Ce ne peut pas &ecirc;tre ceux qui se consacrent &agrave; la gestion quotidienne&nbsp;: ils sont trop occup&eacute;s, le nez sur les probl&egrave;mes imm&eacute;diats. Mais je ne crois gu&egrave;re&nbsp;&agrave; ce qui pourra &ecirc;tre ainsi produit: le contexte actuel n&rsquo;est pas favorable aux grandes id&eacute;es, et elles ne surgissent pas sur commande.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: Cette r&eacute;flexion finale me semble presque d&eacute;tach&eacute;e, voire &eacute;vasive. C&rsquo;est un constat, nullement un reproche. Disons le clairement&nbsp;: si la gauche n&rsquo;est plus la gauche, alors &agrave; quoi bon continuer &agrave; y adh&eacute;rer. Et si la droite est la droite que la gauche imaginait, alors il n&rsquo;y a aucune raison d&rsquo;esp&eacute;rer de la droite ni par cons&eacute;quence du syst&egrave;me qui se fond sur ce clivage&hellip; Le suivisme et l&rsquo;inertie sont la raison sans c&oelig;ur, la logique sans &acirc;me. Et se le propre de la dialectique des ma&icirc;tres du syst&egrave;me politique en place. C&rsquo;est l&agrave; et pour quoi que le d&eacute;passement des clivages nous est pos&eacute; d&rsquo;embl&eacute; comme une totalit&eacute; et sous une forme morale. Question psycho politique donc, afin de devenir un d&eacute;bat, une d&eacute;lib&eacute;ration collective entre &eacute;gaux et un projet commun. C&rsquo;est &agrave; cela qu&rsquo;une refondation du cadre r&eacute;publicain peut contribuer.</p> <h1 dir="ltr" id="heading3">II.- D&eacute;passer le clivage croite-gauche, voil&agrave; le nouveau devoir des r&eacute;publicains</h1> <p class="texte" dir="ltr">Alexandre Dorna (AD).&nbsp;: D&rsquo;abord, un constat s&rsquo;impose, la permanence fig&eacute;e d&rsquo;un ordre de gauche et d&rsquo;un ordre de droite est un facteur d&rsquo;hypocrisie et d&rsquo;opacit&eacute; du syst&egrave;me politique dans les d&eacute;mocraties dites repr&eacute;sentatives. Ce maintien du vieux clivage par les membres du personnel politique exprime leur peur de perdre leurs assises et leurs privil&egrave;ges sous pr&eacute;texte que la rupture du statu quo entra&icirc;nerait le chaos et&hellip; l&rsquo;arriv&eacute;e des populistes&nbsp;!</p> <p class="texte" dir="ltr">Aujourd&rsquo;hui, nous sommes loin de l&rsquo;appr&eacute;ciation d&rsquo;Alain qui affirmait au d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle que l&rsquo;homme qui niait les diff&eacute;rences entre la &nbsp;droite et la gauche &eacute;tait forcement de droite</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">Benjamin Matalon (BM).&nbsp;: Il n&rsquo;avait pas tort &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, o&ugrave; on ne se disait pas facilement de droite. On employait plut&ocirc;t des mots comme mod&eacute;r&eacute; ou national. Et les fascistes refusaient de se dire de droite. Tout cela a chang&eacute;.</span></p> <p class="texte" dir="ltr">Oui, mais certains (g&eacute;n&eacute;ralement des ex-gauchistes, aujourd&rsquo;hui au PS, l&rsquo;utilisent encore comme argument. Il est presque dr&ocirc;le d&rsquo;entendre ce rappel dans la bouche d&rsquo;intellectuels de gauche qui n&rsquo;ont pas &laquo;&nbsp;communi&eacute;&nbsp;&raquo; avec ce philosophe atypique, tant&ocirc;t radical tant&ocirc;t libre penseur, sans jamais avoir adh&eacute;r&eacute; &agrave; un parti ou &agrave; la ma&ccedil;onnerie<span style="text-decoration:underline;">. </span></p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Mais il &eacute;tait &agrave; la direction du Comit&eacute; de Vigilance des Intellectuels Antifascistes (je ne suis pas s&ucirc;r du nom exact) o&ugrave; il repr&eacute;sentait les radicaux, l&rsquo;anthropologue Paul Rivet repr&eacute;sentant les socialistes et Langevin les communistes. </span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Je doute fort qu&rsquo;il ait assum&eacute; une repr&eacute;sentation en tant que radical. Mais, de tout fa&ccedil;on cela ne change pas le fond. .. Il a du assister s&ucirc;rement &agrave; quelques r&eacute;unions&nbsp;!!! &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Il y a &eacute;t&eacute; actif et tr&egrave;s visible. &nbsp;</span></p> <p class="texte" dir="ltr">A l&rsquo;&eacute;poque, d&eacute;finir la gauche &eacute;tait s&rsquo;opposer &agrave; la droite. Il y avait des id&eacute;es et des valeurs qui les distinguaient. C&rsquo;&eacute;tait bien plus simple&nbsp;: la droite incarnait l&rsquo;immobilisme et la gauche le mouvement. L&rsquo;une d&eacute;fendait le capitalisme, tandis que l&rsquo;autre brandissait des slogans favorables au socialisme. Il avait l&agrave; deux projets&nbsp;: d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, le maintien du statu quo social et, de l&rsquo;autre, la construction d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; nouvelle. La gauche voulait supprimer &nbsp;la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e par l&rsquo;appropriation des moyens de production, faire de la classe ouvri&egrave;re le mod&egrave;le d&rsquo;un monde fraternel et liquider la bourgeoisie et sa culture, imposer la science &agrave; la place de la religion, la raison &agrave; l&rsquo;endroit de l&rsquo;&acirc;me. Bref, la droite &eacute;tait pour la tradition et contre le changement, et la gauche pour la r&eacute;volution.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">BM</span><span style="color:#ff0000;"><strong>.&nbsp;: </strong></span><span style="color:#ff0000;">C&rsquo;est vrai au XIX&egrave;me si&egrave;cle, mais &agrave; partir des ann&eacute;es 20 l&rsquo;extr&ecirc;me-droite n&rsquo;est plus conservatrice, m&ecirc;me si par son anti-socialisme elle contribue en fait au maintien de l&rsquo;ordre social. Sternhell a pu intituler un de ses livres sur le fascisme des ann&eacute;es 30 &laquo;&nbsp;Ni droite, ni gauche&nbsp;&raquo;. </span></p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#0000ff;">AD.&nbsp;: Le livre de Sternhell est une r&eacute;f&eacute;rence tr&egrave;s contest&eacute;e par les historiens. Mais, je parle de la droite, &nbsp;non de l&rsquo;extr&ecirc;me droite, dont l&rsquo;attitude anti-socialiste est une affaire &agrave; prendre avec des pincettes, d&rsquo;autant qu&rsquo;elle n&rsquo;&eacute;tait pas pour l&rsquo;ordre &eacute;tabli. </span></p> <p class="texte" dir="ltr">Si la gauche s&rsquo;est scind&eacute;e en deux ailes fratricides&nbsp;(les socialistes et les communistes) pour des consid&eacute;rations tactiques, de son c&ocirc;t&eacute; la droite &agrave; entretenu une vieille dualit&eacute;&nbsp;: le bonapartisme et l&rsquo;orl&eacute;anisme. Dans la classification de Ren&eacute; R&eacute;mond, il y avait encore le l&eacute;gitimisme, les royalistes appuy&eacute;s sur l&rsquo;&Eacute;glise. Cette droite a &eacute;t&eacute; importante jusqu&rsquo;&agrave; Vichy, dont elle a &eacute;t&eacute; une des inspirations. Il en reste des traces, entre autres au FN. Ce clivage permettait que l&rsquo;entre-deux&nbsp;soit occup&eacute; par le grand marais&nbsp;de la tentation centriste, tant&ocirc;t plus &agrave; gauche, tant&ocirc;t plus &agrave; droite. Or, si la politique de la g&eacute;om&eacute;trie variable et les t&acirc;ches qu&rsquo;elle entra&icirc;ne restent toujours souhaitables, personne &agrave; gauche ou &agrave; droite n&rsquo;y a cru, pas m&ecirc;me les centristes. Historiquement, le centrisme n&rsquo;a pas pris en France. Triangle des Bermudes pour certains, marais pour d&rsquo;autres, tout se passe comme si l&rsquo;id&eacute;e &eacute;tait bonne, mais si bonne que personne ne s&rsquo;y identifie vraiment. C&rsquo;est un positionnement &laquo;&nbsp;transparent&nbsp;&raquo; aux autres. Les radicaux ont voulu le faire, les gaullistes aussi&nbsp;: le r&eacute;sultat reste d&eacute;cevant.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">BM&nbsp;</span>: <span style="color:#ff0000;">On ne peut pas dire que le gaullisme ait &eacute;t&eacute; d&eacute;cevant. Il a quand m&ecirc;me gouvern&eacute; 10 ans, attirant une part importante de la droite, mais ha&iuml; par une autre partie, s&lsquo;alliant de fait avec les communistes non seulement en politique &eacute;trang&egrave;re, mais aussi pour sa politique industrielle.</span> <span style="color:#ff0000;">Et il est arriv&eacute; que le puritanisme gaulliste se rencontre avec le puritanisme communiste, par exemple dans leur opposition &agrave; la contraception. </span></p> <p class="texte" dir="ltr">D&rsquo;o&ugrave; la r&eacute;affirmation par d&eacute;faut d&rsquo;un clivage droite-gauche qui fait abstraction &agrave; la fois de l&rsquo;usure et de l&rsquo;existence d&rsquo;une myriade d&rsquo;autres positionnements r&eacute;els et potentiels. C&rsquo;est jouer avec les mots. Je dis le &laquo; r&eacute;sultat&nbsp;&raquo; reste d&eacute;cevant&nbsp;&raquo; pas que le gaullisme fut d&eacute;cevant, cela est aussi valable pour le radicalisme<span style="color:#ff0000;">.</span> &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Je ne suis pas d&rsquo;accord que r&eacute;sultat ait &eacute;t&eacute; si d&eacute;cevant&nbsp;: le gaullisme a quand m&ecirc;me r&eacute;alis&eacute; sur bien des points la modernisation de l&rsquo;&eacute;conomie et l&rsquo;industrialisation, servi, il est vrai, par une conjoncture exceptionnelle. Mais on peut le dire d&eacute;cevant, en ce sens qu&rsquo;il n&rsquo;a pas eu de v&eacute;ritables continuateurs, &agrave; part quelques personnalit&eacute;s isol&eacute;es. &nbsp;</span></p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>L&rsquo;&eacute;trange rapprochement de la gauche et de la droite gouvernementale</strong></p> <p class="texte" dir="ltr">Il a fallu la destruction pratique du r&ecirc;ve de la gauche et la d&eacute;ception des masses populaires pour que les choses deviennent moins manich&eacute;ennes. Mais, curieusement, jamais les &eacute;lites politiques ne se sont autant battues pour maintenir la fiction d&rsquo;un clivage devenu un rideau de fum&eacute;e. L&rsquo;histoire de la France contemporaine illustre bien qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;heure des &eacute;preuves du pouvoir les oppositions id&eacute;ologiques de la gauche et de la droite s&rsquo;amoindrissent jusqu&rsquo;&agrave; devenir pratiquement inexistantes. Un premier ministre de gauche vaut bien un premier ministre de droite, d&rsquo;autant que le personnel technique reste le m&ecirc;me. Cela n&rsquo;est plus un secret. De plus, les disputes oratoires ont c&eacute;d&eacute; la place &agrave; la discussion feutr&eacute;e entre experts, lesquels ont remplac&eacute; subtilement les hommes politiques, car les chiffres ont tu&eacute; les mots. Ainsi, l&rsquo;affrontement entre la gauche et la droite n&rsquo;est plus qu&rsquo;un archa&iuml;sme, et un reflet &eacute;lectoral&nbsp;: on gagne &agrave; gauche et on gouverne &agrave; droite, ou on gagne &agrave; droite et on gouverne au centre. La bipolarisation existe donc, sauf qu&rsquo;elle n&rsquo;est plus que virtuelle, pleine d&rsquo;apostasies motiv&eacute;es par le retour &agrave; la pratique gouvernementale, voire aux affaires. L&agrave;, &agrave; l&rsquo;abri des regards indiscrets, rappelons une le&ccedil;on de sociologique&nbsp;classique&nbsp;: il n&rsquo;y a jamais eu ni gauche ni droite, mais uniquement des chefs habiles et des cours dociles. &Agrave; mon avis, il y a eu une gauche et une droite, mais cette diff&eacute;rence s&rsquo;est estomp&eacute;e. Voil&agrave; la r&egrave;gle de tout pouvoir politique, au sein de laquelle r&eacute;sident la perversion psychologique et toute la force de ce truisme bien connu des initi&eacute;s et des professionnels de la politique. Si, c&rsquo;est la r&egrave;gle de tout pouvoir politique, que faire&nbsp;? Les visages changent, les fonctions restent.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:justify;"><span style="color:#ff0000;">BM</span><span style="color:#ff0000;">Ce n&rsquo;est que partiellement vrai&nbsp;: les lib&eacute;raux ont un v&eacute;ritable projet politique, et font des efforts pour l&rsquo;appliquer, plus ou moins contrari&eacute;s par le reste de la droite, et par les r&eacute;actions que provoquent certaines de leurs mesures. Et il y a encore de nettes oppositions entre conservateurs et progressistes dans ce qu&rsquo;on appelle les &laquo;&nbsp;probl&egrave;mes de soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;. En 1974, la loi sur l&rsquo;avortement a suscit&eacute; une opposition violente de la droite, et n&rsquo;a pu &ecirc;tre adopt&eacute;e que gr&acirc;ce aux voix de la gauche. Plus r&eacute;cemment, Le Pacs a rencontr&eacute; l&rsquo;hostilit&eacute; de la droite, cette fois unanime, au moins parmi les d&eacute;put&eacute;s. Mais les socialistes, officiellement favorables, avaient aussi leurs r&eacute;ticences (rappelons-nous l&rsquo;absence prudente d&rsquo;un grand nombre de d&eacute;put&eacute;s socialistes lors du premier d&eacute;bat &agrave; l&rsquo;Assembl&eacute;e Nationale). Sur ces probl&egrave;mes, il y a des conservateurs et des progressistes, distinction qui ne co&iuml;ncide que tr&egrave;s partiellement ni avec le clivage droite-gauche, ni avec l&rsquo;opposition lib&eacute;ralisme-dirigisme en &eacute;conomie. Au cours des derni&egrave;res &eacute;lections am&eacute;ricaines, L&rsquo;opposition entre Bush et Kerry s&rsquo;est faite sur ce th&egrave;me, nettement, agressivement chez Bush, moins nettement chez Kerry. Il est difficile de dire si c&rsquo;est cette prudence qui a caus&eacute; sa d&eacute;faite.</span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">Je crois qu&rsquo;il est important de distinguer l&rsquo;&eacute;conomie des autres champs dont s&rsquo;occupent les politiques. Il est vrai que, en &eacute;conomie, les politiques de gauche ou de droite ne sont vraiment diff&eacute;rentes que dans l&rsquo;opposition. Dans les autres domaines, des clivages relativement stables existent, mais ne recouvrent qua partiellement les distinctions entre partis qui, eux, sont organis&eacute;s en fonction de l&rsquo;opposition gauche-droite. Mais de toutes fa&ccedil;ons, celle-ci, quel que soit le contenu qu&rsquo;on lui donne, est loin d&rsquo;&eacute;puiser la diversit&eacute; des positions politiques.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">Il faut prendre en consid&eacute;ration que cette opposition existe pour la population, et qu&rsquo;elle structure les repr&eacute;sentations su champ politique. Lorsque, au cours d&rsquo;enqu&ecirc;tes, on demande aux sujets interrog&eacute;s de se situer sur un axe gauche-droite, presque aucun ne refuse, et ils ne semblent pas avoir de peine &agrave; le faire. De m&ecirc;me, on situe sans difficult&eacute;s les diff&eacute;rents partis sur la m&ecirc;me dimension. M&ecirc;me les abstentionnistes l&rsquo;acceptent, ils croient &agrave; une &laquo;&nbsp;vraie gauche&nbsp;&raquo; ou &agrave; une &laquo;&nbsp;vraie droite&nbsp;&raquo; qu&rsquo;ils ne retrouvent pas dans les partis actuels, Cette distinction ne peut donc pas &ecirc;tre n&eacute;glig&eacute;e, m&ecirc;me si on peut &ndash;et doit- s&rsquo;interroger sur son contenu et ses fonctions.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:justify;"><span style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: De ce long commentaire il faut tirer une impression. C&rsquo;est une justification &ndash; faible &agrave; mon sens &ndash; d&rsquo;un constat&nbsp;: nous ne savons plus qu&rsquo;est ce que c&rsquo;est la gauche, et de la droite, mais nous rep&eacute;rons des oscillations tactiques inconsistantes, lesquelles int&eacute;ressent de moins en moins les gens. Mais, revenons aux points avanc&eacute;s&nbsp;: </span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">a) les lib&eacute;raux ont-il un projet&nbsp;?. Sans doute, mais quels lib&eacute;raux&nbsp;? En France le seul &agrave; se proclamer lib&eacute;ral est Madelin, dont le projet ne me semble pas tout &agrave; fait clair. Quant aux autres&nbsp;: Chirac&nbsp;? Sarkozy&nbsp;? &nbsp;Ils sont un m&eacute;lange pragmatico-opportuniste d&rsquo;autoritarisme, r&eacute;publicanisme et &eacute;conomie de march&eacute;. Et les chefs socialistes ne sont pas si loin dans leur attitude. Bref&nbsp;: social lib&eacute;ralisme et lib&eacute;ralisme social. Voil&agrave; le projet lib&eacute;ral en France. D&rsquo;accord, Madelin est seul de son esp&egrave;ce, et il est frein&eacute; par son &eacute;lectorat qui ne le suit pas toujours, et l&rsquo;am&egrave;ne, prudemment, &agrave; ne pas d&eacute;fendre jusqu&rsquo;au bout ses convictions. Mais le lib&eacute;ralisme influence d&rsquo;autres que lui.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">Par ailleurs, je ne vois pas tr&egrave;s bien &agrave; quoi rime &nbsp;&ndash; dans cette discussion &ndash; d&rsquo;introduire la distinction &laquo;&nbsp;conservateurs vs progressistes&nbsp;&raquo;&nbsp;: proc&eacute;dure s&eacute;mantique utilis&eacute;e jadis par le PC et ses compagnons intellos de route pour favoriser une politique d&rsquo;alliances ouverte &agrave; la bourgeoisie &laquo;&nbsp;progressiste&nbsp;&raquo;. Question tr&egrave;s int&eacute;ressante sur les &laquo;&nbsp;tactiques&nbsp;&raquo; qui m&eacute;rite une autre discussion&nbsp;!) &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:justify;"><span style="color:#ff0000;">BM</span><span style="font-family:'Times New Roman',serif; color:#ff0000;">&nbsp;:</span><span style="color:#ff0000;">Cette distinction est pour moi tr&egrave;s importante, et ne co&iuml;ncide pas du tout avec celle qu&rsquo;utilisaient les communistes. Il s&rsquo;agit de la diff&eacute;rence dans les mani&egrave;res de traiter les &laquo;&nbsp;probl&egrave;mes de soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;, dont les liens avec l&rsquo;&eacute;conomie ne sont pas &eacute;vidents, ce que les marxistes, et toute la gauche, ont eu de la peine &agrave; accepter. Cette distinction entre les probl&egrave;mes &eacute;conomiques et les autres (une infrastructure et une superstructure qui en est moins d&eacute;pendante, m&ecirc;me en &laquo;&nbsp;derni&egrave;re instance&nbsp;&raquo; que ne le disaient les marxistes) me semble correspondre &agrave; une r&eacute;alit&eacute;. L&rsquo;association de l&rsquo;ordre moral et du lib&eacute;ralisme est fr&eacute;quente.</span></p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Il est encore moins justifi&eacute; de l&rsquo;illustrer avec les repr&eacute;sentants des formations am&eacute;ricaines. Etrange parall&eacute;lisme pour sauver le clivage gauche-droite. L&rsquo;histoire nous a montr&eacute; que les diff&eacute;rences entre le progressiste Kennedy et le conservateur Nixon n&rsquo;&eacute;taient pas plus grandes que celles de Coca_cola et Pepsi-cola. &nbsp;Les partis &laquo;&nbsp;gringos&nbsp;&raquo; R et D se font valoir des &laquo;&nbsp;positions&nbsp;&raquo; (voire des &laquo;&nbsp;valeurs&nbsp;&raquo;) dont les nuances sont trop fines pour faire la diff&eacute;rence &laquo;&nbsp;programmatique&nbsp;&raquo;. Il y a trop d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts sonnants et tr&eacute;buchants pour rendre cr&eacute;dit &agrave; leur discours. Machiavel, au moins, nous a appris &agrave; observer les comportement, et faire moins attention aux paroles. </span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">b) Une autre observation au commentaire&nbsp;: Situer les diff&eacute;rences hors l&rsquo;&eacute;conomie est tr&egrave;s subtil, mais la politique n&rsquo;est pas un cours de philosophie politique ni de grands principes. L&rsquo;&eacute;conomie est trop centrale, pour nous amener &agrave; &laquo;&nbsp;voir&nbsp;&raquo; les nuances philosophiques. Ce ne sont pas des nuances philosophiques. Les probl&egrave;mes de l&rsquo;avortement, de l&rsquo;homosexualit&eacute;, de la censure, de la peine de mort, de l&rsquo;autorit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;cole, etc, ne sont pas n&eacute;gligeables et ont des cons&eacute;quences tr&egrave;s pratiques. Or, je pense que m&ecirc;me &agrave; ce niveau elles ne sont que des postures &eacute;lectorales. Je parle de l&rsquo;attitude des formations politiques et de leurs chefs. Quant aux &eacute;lecteurs et aux &laquo;&nbsp;intellos&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est une autre chose. Les intellos ont aussi int&eacute;r&ecirc;t &agrave; voir les diff&eacute;rences (&eacute;quilibre rationnel oblige&nbsp;!) et les electeurs-hommes-de-la-rue ne s&rsquo;y int&eacute;ressent que peu &agrave; ses nuances. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:justify;"><span style="color:#ff0000;">BM</span><span style="font-family:'Times New Roman',serif; color:#ff0000;">&nbsp;: </span><span style="color:#ff0000;">La distinction en question est loin d&rsquo;&ecirc;tre philosophique, Quoi qu&rsquo;on en pense, les lois sur l&rsquo;avortement, le PACS ou la parit&eacute; ont des effets tr&egrave;s concrets. Toute la vie &nbsp;ne se ram&egrave;ne pas &agrave; l&rsquo;&eacute;conomie, m&ecirc;me &laquo;&nbsp;en derni&egrave;re instance&nbsp;&raquo;.</span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:justify;"><span style="color:#0000ff;">AD&nbsp;:</span> <span style="color:#0000ff;">Et cela me m&ecirc;me &agrave; la troisi&egrave;me observation. c) Faire allusion aux enqu&ecirc;tes est sauter de niveau de discussion. Je ne peux que l&rsquo;avouer&nbsp;: je ne pourrais plus appuyer une argumentation sur les &laquo;&nbsp;r&eacute;sultats&nbsp;&raquo; des enqu&ecirc;tes. La r&eacute;ponse &agrave; une question n&rsquo;est pas forcement le comportement. On peut se situer sur la dimension, mais ne pas adh&eacute;rer. Et la tendance actuelle est m&ecirc;me d&rsquo;y adh&eacute;rer de moins en moins. L&rsquo;opinion que consiste &agrave; dire je suis de gauche, mais je n&rsquo;y crois plus, je ne vois pas o&ugrave; la situer. &nbsp;La question, &agrave; mon sens, est l&agrave;. &nbsp;&nbsp;</span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Je suis enti&egrave;rement d&rsquo;accord que les r&eacute;ponses &agrave; des questions ne sont pas les comportements. Mais elles ne sont pas non plus sans signification.</p> <p class="texte" dir="ltr">Rien d&rsquo;&eacute;tonnant alors que dans les p&eacute;riodes de longue paix civile, &agrave; quelques nuances pr&egrave;s, les &eacute;lites se ressemblent et se rapprochent. Personne ne devrait en &ecirc;tre dupe. La <em>doxa</em> ne se trompe pas, la masse des &eacute;lecteurs abstentionnistes non plus, sans parler d&rsquo;un tiers des votants qui se prononcent contre l&rsquo;establishment d&rsquo;une mani&egrave;re plus r&eacute;active que rationnelle. Enfin, pensent-ils tous : c&rsquo;est du pareil au m&ecirc;me&nbsp;! En revanche, les Importants (encore Alain), les appareils politiques et leurs scribes crient au mensonge, au loup populiste... &agrave; la trahison id&eacute;ologique. Philippe Seguin, autant que Jean-Pierre Chev&egrave;nement a fait l&rsquo;am&egrave;re exp&eacute;rience de vouloir d&eacute;passer le clivage.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">BM La similitude entre ces deux hommes aide &agrave; voir ce que signifie d&eacute;passer la gauche et le droite&nbsp;: ils sont tous deux nationalistes, partisans d&rsquo;un &eacute;tat fort, ayant &agrave; la fois une politique industrielle et une politique sociale. Ils croient &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; de l&rsquo;autorit&eacute; et d&eacute;testent ce qui leur appara&icirc;t comme du laxisme. Ce sont des gaullistes. Leur d&eacute;passement consiste &agrave; prendre des &eacute;l&eacute;ments &agrave; la fois &agrave; gauche et &agrave; droite. </span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Rien ne permet de classer ces deux hommes comme des nationalistes. Le mot est trop charg&eacute; &eacute;motionnellement</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Ils ne sont peut-&ecirc;tre pas nationalistes, mais l&rsquo;id&eacute;e de nation est centrale pour eux&nbsp;: ils estiment essentiel et urgent de pr&eacute;server son unit&eacute; &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur contre les tendances centrifuges des r&eacute;gionalismes et de la d&eacute;centralisation, et son ind&eacute;pendance &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur contre la supra-nationalit&eacute;. Et pour eux un &Eacute;tat fort est fondamental. </span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Si leur attitude est effectivement celle de prendre des &eacute;l&eacute;ments utiles de partout, &nbsp;je ne dirai pas qu&rsquo;ils sont des &laquo;&nbsp;gaullistes&nbsp;&raquo;. Pourquoi pas Gambettistes&nbsp;? Ou Mendesistes&nbsp;? Alors, voil&agrave; qu&rsquo;il existe un fil conducteur historique et politique pour d&eacute;finir le d&eacute;passement. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">Car la force du conformisme et la pression du pouvoir sont puissants, aller &agrave; contre courant rel&egrave;ve du mythe de Sisyphe.</p> <p class="texte" dir="ltr">Il y a l&agrave;, en quelque sorte, dans la pratique&nbsp;gouvernementale des alternances, un effet pervers, dont la droite sait tirer mieux son &eacute;pingle du jeu. D&rsquo;autant qu&rsquo;&eacute;trangement la gauche s&rsquo;est r&eacute;v&eacute;l&eacute;e tr&egrave;s utile pour assurer la survie du capitalisme, en endossant les habits des imp&eacute;ratifs de la modernisation (aucune parent&eacute; avec la modernit&eacute;&nbsp;?) et le discours de la gouvernance (mot barbare qui cache mal son pedigree technocratique), qui d&eacute;finit la politique comme une gestion d&rsquo;entreprise.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM L&rsquo;historien marxiste anglais Hobsbawm soutient que le communisme et l&rsquo;URSS ont sauv&eacute; le capitalisme en le for&ccedil;ant &agrave; s&rsquo;humaniser. En fait, l&agrave; o&ugrave; ils &eacute;taient puissants, en France et en Italie, les communistes ont, dans l&rsquo;opposition, obtenu ce que les partis social-d&eacute;mocraties ont r&eacute;alis&eacute; au pouvoir. Mais c&rsquo;est du pass&eacute;&hellip;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Il y a l&agrave; une observation curieuse. A approfondir en tant qu&rsquo;effet pervers. Peut-&ecirc;tre.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: C&rsquo;est &eacute;videmment un effet non voulu (terme que je pr&eacute;f&egrave;re &agrave; celui d&rsquo;effet pervers. De tels effets ne sont pas toujours n&eacute;gatifs)</p> <p class="texte" dir="ltr">Aucun besoin d&rsquo;&ecirc;tre de droite pour savoir que la plupart des entreprises nationalis&eacute;es, et un certain nombre d&rsquo;entreprises l&rsquo;&eacute;taient depuis fort longtemps, ont &eacute;t&eacute; privatis&eacute;es par des gouvernements de gauche. Et si certains (pas seulement &agrave; gauche) crient &agrave; la trahison, &agrave; l&rsquo;abandon des principes, (ceux qui dirent &agrave; la trahison sont rest&eacute;s attach&eacute;s &agrave; une d&eacute;finition de la gauche par le projet de propri&eacute;t&eacute; collective des moyens de production. Or sa mise en &oelig;uvre int&eacute;grale s&rsquo;est r&eacute;v&eacute;l&eacute;e catastrophique) d&rsquo;autres parlent de l&rsquo;efficacit&eacute; &eacute;conomique, de la force inexorable des lois du march&eacute; (si semblables &agrave; celles de l&rsquo;histoire) et l&acirc;chent la phrase fatale&nbsp;: on n&rsquo;a pas le choix. La droite &eacute;conomique ne peut que s&rsquo;y retrouver.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Comme je l&rsquo;ai dit dans mon article sur la gauche, qui pr&eacute;c&egrave;de, affirmer &laquo;&nbsp;on n&rsquo;a pas le choix&nbsp;&raquo; me semble une caract&eacute;ristique essentielle la droite, la gauche &eacute;tant volontariste, au risque de tomber dans l&rsquo;irr&eacute;alisme et l&rsquo;utopie. Au gouvernement, tout change. Mais quoi qu&rsquo;on en pense, il faut admettre que concilier projet volontaire et r&eacute;alisme n&rsquo;est jamais facile.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: D&rsquo;accord&nbsp;; Or, h&eacute;las, sont g&eacute;n&eacute;ralement des hommes de gauche, en particulier PS (techniciens de la politique) qui le disent, lorsqu&rsquo;ils sont &agrave; court d&rsquo;argument devant des militants quelque peu &eacute;c&oelig;ur&eacute;s. Les politiques de droite n&rsquo;ont pas ce probl&egrave;me, il est accept&eacute; d&rsquo;embl&eacute;e par leurs &eacute;lecteurs.</p> <p class="texte" dir="ltr">Quant aux discours&nbsp;des politiques, la gauche et la droite trempent leur langue dans la m&ecirc;me s&eacute;mantique&nbsp;: la mondialisation, le lib&eacute;ralisme, le libre commerce, les lois du march&eacute;, la concurrence, les droits de l&rsquo;homme. Ici modernit&eacute; rime avec modernisation, nullement avec changement de soci&eacute;t&eacute;, encore moins avec perfectionnement spirituel de l&rsquo;homme et de la soci&eacute;t&eacute;. Cette derni&egrave;re proposition me fait peur&nbsp;: vouloir changer l&rsquo;homme est le type-m&ecirc;me du projet totalitaire. Ils osent parler de progr&egrave;s et de nation, de raison et de peuple, de modernit&eacute; et &nbsp;de travail et d&eacute;mocratie, tout en les vidant de leur signification d&rsquo;origine. Mais ces significations peuvent &eacute;voluer. Bizarrement, aujourd&rsquo;hui, ce discours incons&eacute;quent et grotesque (au sens donn&eacute; par V. Hugo) est rebaptis&eacute; &laquo;moderne et r&eacute;publicain&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>Le grand quiproquo id&eacute;ologique d&rsquo;une petite histoire banale.</strong></p> <p class="texte" dir="ltr">La place occup&eacute;e dans une salle a chang&eacute; la nature des rapports &nbsp;politiques par un &eacute;tonnant tour de passe-passe de magie id&eacute;ologique. &nbsp;C&rsquo;est &agrave; Versailles, le 28 ao&ucirc;t 1789, lors de la r&eacute;union des &Eacute;tats g&eacute;n&eacute;raux que les &nbsp;d&eacute;put&eacute;s de la constituante, afin de faciliter le vote, par analogie avec la Chambre anglaise des communes, se s&eacute;par&egrave;rent en deux groupes; les partisans d&rsquo;un droit de veto absolu pour le roi se plac&egrave;rent &agrave; droite du pr&eacute;sident, les tenants d&rsquo;un r&eacute;gime constitutionnel dans lequel le roi ne jouerait qu&rsquo;un r&ocirc;le amoindri, &agrave; gauche. Or, surprise, le centre l&rsquo;emporta. L&rsquo;exub&eacute;rant Mirabeau parle d&rsquo;une &laquo;g&eacute;ographie&raquo; de l&rsquo;Assembl&eacute;e. Vision topographique du politique, elle se transforme sous la Convention&nbsp;: les partisans de Robespierre si&eacute;geant sur les gradins sup&eacute;rieurs (la Montagne), les autres forment &nbsp;la Plaine. Droite et gauche sont rest&eacute;es dans l&rsquo;imaginaire politique comme deux positions antagonistes, ayant chacune sa &laquo;&nbsp;place&nbsp;&raquo;. Plus id&eacute;ologiquement, on a parl&eacute; d&rsquo;ordre &eacute;tabli et de mouvement. La &nbsp;r&eacute;alit&eacute; a des lunettes, mais se montre nue aux initi&eacute;s. Gauche et droite se sont affront&eacute;es pour le m&ecirc;me os&nbsp;: le pouvoir. L&rsquo;une d&eacute;fend tant&ocirc;t l&rsquo;ordre (le sien), tant&ocirc;t le mouvement (le sien). Si le terme de droite n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; pas tr&egrave;s populaire, nonobstant plusieurs mouvements qui t&eacute;moignent du contraire, autrefois le terme de gauche l&rsquo;&eacute;tait mais ne l&rsquo;est plus aujourd&rsquo;hui apr&egrave;s de nombreuses promesses jamais tenues.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Par rapport &agrave; ce qui s&rsquo;est pass&eacute; aux Etats G&eacute;n&eacute;raux, il s&rsquo;est produit progressivement au cours du XIX&egrave;me si&egrave;cle, une att&eacute;nuation de la distinction entre droite et gauche, sans qu&rsquo;elle disparaisse. Au lieu d&rsquo;opposer deux positions, deux groupes, c&rsquo;est devenu en axe continu, avec tous les interm&eacute;diaires, bien que l&rsquo;id&eacute;e de bipolarit&eacute; subsiste dans les repr&eacute;sentations.</p> <p class="texte" dir="ltr">Et les id&eacute;es alors&nbsp;? Soyons clairs&nbsp;: elles ne sont l&agrave; que pour couvrir la nudit&eacute; de la politique des professionnels. Certes, la droite et la gauche ont toujours tra&icirc;n&eacute; une sorte d&rsquo;empreinte psychologique, une m&eacute;thode de reconnaissance et des gestes. Plusieurs experts ont voulu caract&eacute;riser les attitudes et les comportements de gauche et de droite. L&rsquo;homme de gauche croit au progr&egrave;s, &agrave; la transformation de l&rsquo;homme et de la soci&eacute;t&eacute;, &agrave; la justice plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;ordre; l&rsquo;homme de droite croit, pour sa part, &agrave; l&rsquo;autorit&eacute;. &nbsp;C&rsquo;est la c&eacute;l&egrave;bre dimension droite-gauche et tradition -modernit&eacute;. Or, les mod&egrave;les types ne correspondent pas forcement &agrave; la r&eacute;alit&eacute;. Plus encore, si la masse s&rsquo;identifie (ou s&rsquo;identifiait) aux mod&egrave;les, les dirigeants, eux, ne le font gu&egrave;re. Ils ne s&rsquo;identifient qu&rsquo;au pouvoir&nbsp;: le conqu&eacute;rir ou s&rsquo;y maintenir. Machiavel est le premier &agrave; l&rsquo;avoir th&eacute;oris&eacute; au risque de sa vie. Car il ne faut pas montrer la corde dans la maison du pendu. &nbsp;D&rsquo;ailleurs, toute tentative de trouver la gauche pure ou la droite pure se heurte &agrave; un obstacle&nbsp;: il existe plusieurs gauches et plusieurs droites. (Pourquoi vouloir chercher du &laquo;&nbsp;pur&nbsp;&raquo;&nbsp;? contentons-nous de la r&eacute;alit&eacute;) Leur histoire et leur psychologie sont &nbsp;diverses. Il y a eu par intermittences et parfois en m&ecirc;me temps des gauches r&eacute;volutionnaires et parlementaires, d&eacute;mocratiques et anticl&eacute;ricales, r&eacute;publicaines et gauchistes, De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute;, &agrave; droite, les tendances qui survivent sont contre-r&eacute;volutionnaires, lib&eacute;rales, orl&eacute;anistes, nationalistes, r&eacute;formatrices, et autoritaires. Entre les deux extr&ecirc;mes apparaissent des deux c&ocirc;t&eacute;s des positions mod&eacute;r&eacute;es et parfois populistes. La sociologie politique est aussi riche en nuances que la classification psychologique. &nbsp;En derni&egrave;re analyse, juste un rappel&nbsp;: l&rsquo;existence de la gauche et de la droite est rest&eacute;e ins&eacute;parable de celle de classes sociales bien identifi&eacute;es. Aujourd&rsquo;hui, cela n&rsquo;est plus le cas. La sociologie peut &eacute;galement le montrer et la psychologie politique l&rsquo;expliquer.</p> <p class="texte" dir="ltr">Cette petite histoire resterait bien sage si le vote &agrave; droite ou &agrave; gauche gardait une quelconque signification dans les r&ecirc;ves des Fran&ccedil;ais. Or, les sympt&ocirc;mes de fatigue sont devenus inqui&eacute;tants&nbsp;: le vote est volatil et le sentiment d&rsquo;&ecirc;tre dupe de plus en plus aigu.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Mais on continue &agrave; organiser sa perception du champ politique en fonction de cette distinction.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Il est vrai&nbsp;: c&rsquo;est la face &laquo;&nbsp;ratio-cognitive&nbsp;&raquo; de la perception mais que dire de la face &laquo;&nbsp;affective&nbsp;&raquo;&nbsp;? Je suis presque tent&eacute; de dire que la majorit&eacute; des &laquo;&nbsp;non impliqu&eacute;e&nbsp;&raquo; &nbsp;dans les affaires politiques le per&ccedil;oivent &eacute;motionnellement sans le rationaliser.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>La crise est &agrave; gauche autant qu&rsquo;&agrave; droite </strong></p> <p class="texte" dir="ltr">Sur ce fond de crise politique : ni panique ni pessimisme. &nbsp;Certes, la crise &eacute;conomique actuelle a quelque chose de plus sournois&nbsp;: l&rsquo;angoisse de millions d&rsquo;&acirc;mes fait son nid dans l&rsquo;attente. &nbsp;Loin des couloirs de l&rsquo;Assembl&eacute;e nationale ou des minist&egrave;res, au c&oelig;ur de la Nation, le cr&eacute;dit du politique se trouve &eacute;puis&eacute;. Le syst&egrave;me ne tient que gr&acirc;ce aux appareils et aux structures institutionnelles, et le d&eacute;calage entre gouvernants et gouvern&eacute;s est &agrave; son apog&eacute;e. L&rsquo;apolitisme fait rage, car &nbsp;<strong>est</strong> devenu un geste massif de rejet. Le besoin d&rsquo;un homme fort et providentiel se fait sentir. Certes, l&rsquo;&eacute;lite politique tient bon, mais elle se fragilise et devient immobile, calculatrice et sans &acirc;me. Trop confortablement install&eacute;e. Assise sur un volcan. Paralys&eacute;e. Probl&egrave;me g&eacute;n&eacute;ral&nbsp;: peut-on gouverner sans d&eacute;cevoir au moins une partie de ses &eacute;lecteurs&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">Le diagnostic n&rsquo;est pas nouveau. La crise s&rsquo;aggrave, mais ce n&rsquo;est pas tout, il lui faut une issue. Le besoin de changement est d&#39;autant plus profond qu&#39;il r&eacute;sulte d&#39;un t&eacute;lescopage de crises pr&eacute;alables. C&#39;est une des raisons qui expliquent en partie l&#39;impuissance du discours politique contemporain et le r&eacute;tr&eacute;cissement de la conscience citoyenne.</p> <p class="texte" dir="ltr">Faut-il rappeler que les crises sont des p&eacute;riodes critiques (l&#39;&eacute;tymologie est la m&ecirc;me&nbsp;: discerner, d&eacute;cider, juger) entre deux &eacute;quilibres. C&#39;est le moment d&eacute;cisif pour envisager les formes du passage et pour &eacute;viter des cons&eacute;quences incontr&ocirc;l&eacute;es. La crise n&rsquo;est pas &nbsp;qu&rsquo;une conjoncture accoucheuse d&#39;id&eacute;es novatrices et de comportements extr&ecirc;mes, elle peut engendrer l&rsquo;apathie et la d&eacute;cadence de cultures jadis puissantes.</p> <p class="texte" dir="ltr">La dynamique et l&#39;&eacute;nergie des crises sont en relation directe avec l&#39;id&eacute;e que les hommes se font des cons&eacute;quences de leurs actions. Surtout, il ne faut pas oublier que les changements issus des crises sont associ&eacute;s, dans le v&eacute;cu des sujets, &agrave; des sentiments d&#39;incompr&eacute;hension, d&#39;ins&eacute;curit&eacute;, d&#39;anxi&eacute;t&eacute;, de souffrance, d&#39;espoir et de d&eacute;ception.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le sympt&ocirc;me majeur d&#39;une crise sociale aigu&euml; est la d&eacute;structuration de l&#39;identit&eacute; collective et individuelle. Dans des situations critiques, les hommes sont confront&eacute;s &agrave; un cadre flou et souvent chaotique, ils n&#39;arrivent pas &agrave; se faire une id&eacute;e d&#39;ensemble ni &agrave; trouver un fil conducteur, ils &eacute;prouvent le sentiment d&#39;&ecirc;tre dans un d&eacute;dale incompr&eacute;hensible o&ugrave; personne ne semble capable de mettre l&#39;ordre du monde &agrave; la port&eacute;e de tous.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: D&rsquo;o&ugrave; le succ&egrave;s des populistes qui pr&eacute;sentent des conceptions simples, de bon sens, que tout le monde peut comprendre. Que &ccedil;a n&rsquo;ait qu&rsquo;un rapport lointain avec la r&eacute;alit&eacute; ne les d&eacute;range pas.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Simplistes, peut-&ecirc;tre. Mais, nullement lointain&nbsp;!</p> <p class="texte" dir="ltr">Observ&eacute; de mani&egrave;re (quasi) clinique, l&#39;homme qui cherche du sens au c&oelig;ur d&#39;une crise sociale profonde est une masse qui s&#39;ignore, une force qui se pense faible, un questionnement multiple dans l&#39;attente d&#39;un &eacute;clairage qui ordonne le monde confus d&#39;une mani&egrave;re simple. Cet &eacute;tat psychologique est un processus social total, mais avec un mouvement au rythme asynchrone. Une acc&eacute;l&eacute;ration peut se d&eacute;clencher &agrave; tout instant, car les forces politiques et sociales se mettent en marche g&eacute;n&eacute;ralement &agrave; la suite d&#39;&eacute;v&eacute;nements mineurs.</p> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;histoire montre que les grandes crises sont le r&eacute;sultat d&#39;une interruption (plus ou moins aigu&euml;) des liens entre le v&eacute;cu imm&eacute;diat et les explications fournies par le milieu social. L&#39;homme a besoin, pour se coordonner avec les autres hommes, d&#39;une image coh&eacute;rente du monde. Aussi la crise est-elle une &eacute;mergence, c&#39;est une coupure du sens et de la continuit&eacute; temporelle de l&#39;unicit&eacute;. C&rsquo;est l&agrave; que la raison est devanc&eacute;e par l&rsquo;&eacute;motion. Le d&eacute;bordement &eacute;motionnel affaiblit la conscience; la personne ne r&eacute;ussit pas &agrave; &eacute;chapper &agrave; l&#39;exp&eacute;rience imm&eacute;diate du danger; le cadre perceptible (le degr&eacute; de conscience) se r&eacute;tr&eacute;cit; le processus d&#39;int&eacute;gration des perceptions (nouvelles) et les m&eacute;canismes de la coh&eacute;rence se font plus rigides.</p> <p class="texte" dir="ltr">Devant la crise, la gauche et la droite ont adopt&eacute; une posture d&rsquo;ordre avec la logique machiav&eacute;lique classique de la conqu&ecirc;te du pouvoir, et l&rsquo;utilisation d&rsquo;un discours pragmatique, afin de s&rsquo;y maintenir aussi longtemps que possible. Or, le peuple s&rsquo;en accommode mal. Le statu quo est la froideur des gouvernants. Cela augmente la d&eacute;ch&eacute;ance du peuple. Le probl&egrave;me r&eacute;side dans les in&eacute;galit&eacute;s que le syst&egrave;me &eacute;conomique engendre et que la politique maintient. Hier, la justice sociale &eacute;tait la pierre de touche pour d&eacute;finir la&nbsp;ligne de d&eacute;marcation entre la droite et la gauche. Ce n&rsquo;est plus le cas. Et, si le discours officiel de la gauche ne reprend pas tout &agrave; fait celui de la droite, la <em>doxa</em> l&rsquo;entend bien ainsi&nbsp;: il y a pour le moment un ordre in&eacute;vitable et il faut l&rsquo;accepter et chercher des palliatifs. Les justifications en sont tr&egrave;s diverses. Ce n&rsquo;est pas Dieu ni la nature, mais le march&eacute; qui le veut. Et le march&eacute; est le seul &agrave; fonctionner et &agrave; accumuler de la richesse L&rsquo;argumentation est simple&nbsp;: il n&rsquo;y a pas d&rsquo;alternative viable. Le temps de l&rsquo;utopie est r&eacute;volu. Il faut laisser travailler les experts et s&rsquo;adapter.</p> <p class="texte" dir="ltr">La droite n&rsquo;a pas eu besoin de faire ce cheminement&nbsp;ni de tenir ce discours, elle n&rsquo;a jamais cru en l&rsquo;utopie. Or, elle sait, maintenant, aussi, que le syst&egrave;me est mortel, que la tradition est tu&eacute;e par la modernit&eacute; dans une curieuse alliance entre &nbsp;de gauche et experts de droite. Les plus lucides le savent, mais se taisent, tandis que les cyniques et les imb&eacute;ciles font semblant.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>La question r&eacute;publicaine&nbsp;: d&eacute;passer le clivage en temps de crise&nbsp; </strong></p> <p class="texte" dir="ltr">Les incantations &agrave; la R&eacute;publique sont devenues la derni&egrave;re planche de salut &agrave; droite et &agrave; gauche. Il y a &agrave; peine vingt ans, peu de monde se disait r&eacute;publicain. Pour la gauche&nbsp;: trop bourgeoise et vieillie. Pour la droite&nbsp;: trop de cadavres dans les placards. Id&eacute;e d&eacute;su&egrave;te. Ringarde. Il a fallu&nbsp;la d&eacute;b&acirc;cle id&eacute;ologique &agrave; gauche et l&rsquo;irruption du n&eacute;olib&eacute;ralisme &agrave; droite, la mar&eacute;e mondialiste avec ses effets pervers, dont le racisme et la forte mont&eacute;e des extr&ecirc;mes droite, l&rsquo;islamisme radical, avant d&rsquo;envisager la R&eacute;publique sortant de son sommeil et le drapeau &nbsp;transform&eacute; en cache-sexe politique. Les &eacute;lections de 2002 sont encore impr&eacute;gn&eacute;es d&rsquo;images d&eacute;tonantes. Le 21 avril, devant la surprise Le Pen, le r&eacute;flexe r&eacute;publicain fait son retour. Mais, une fois la peur pass&eacute;e, les m&ecirc;mes reprennent les m&ecirc;mes habitudes. Force est de croire que ni la gauche ni la droite ne savent se comporter en r&eacute;publicains. Qu&#39;est-ce que &ccedil;a serait&nbsp;? Mais, soyons plus clairs&nbsp;: l&rsquo;ont-ils jamais &eacute;t&eacute;&nbsp;? Il y a l&agrave; mati&egrave;re &agrave; une recherche&nbsp;psycho-socio-politique. Mais aussi &agrave; une constatation politique&nbsp;: le poids des appareils et le fonctionnement des machines partisanes sont tout sauf des &eacute;coles de r&eacute;publicanisme. Ne parlons m&ecirc;me pas des ateliers de d&eacute;mocratisme. Le principe s&eacute;lectif des oligarchies r&egrave;gne, la puissance de l&rsquo;argent et des m&eacute;dias fait le reste. La politique est devenue une affaire priv&eacute;e&nbsp;et &nbsp;le Parlement un club d&rsquo;initi&eacute;s.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>Que penser alors de cette situation ?</strong></p> <p class="texte" dir="ltr">Les institutions politiques sont touch&eacute;es de plein fouet par la crise. L&#39;acceptation passive d&#39;un consensus mou qui renforce le <em>statu quo</em> et le glissement vers un monde o&ugrave; la volont&eacute; citoyenne est remplac&eacute;e par la volont&eacute; d&#39;une nouvelle caste d&#39;experts et de technocrates solidement incrust&eacute;s dans toutes les sph&egrave;res d&eacute;cisionnelles, marquant ainsi la subordination du politique (l&#39;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral) au corporatisme des int&eacute;r&ecirc;ts particuliers. C&rsquo;est l&agrave; l&rsquo;entorse fondamentale &agrave; l&rsquo;id&eacute;e r&eacute;publicaine de la R&eacute;publique.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le consensus l&eacute;gal d&eacute;mocratique ronge de l&#39;int&eacute;rieur le r&eacute;gime r&eacute;publicain lui-m&ecirc;me. A la diff&eacute;rence de celui d&#39;hier, le monde d&#39;aujourd&#39;hui se pr&eacute;cipite vers l&#39;avenir sans se donner le temps de saisir le pr&eacute;sent ni de se souvenir du pass&eacute;. Les points de rep&egrave;re &agrave; l&#39;&eacute;chelle individuelle diff&egrave;rent de ceux de l&#39;&eacute;chelle collective. La perception en est proche, mais de plus en plus virtuelle. Vouloir percevoir le monde dans sa globalit&eacute; contradictoire est une charge psychologique trop lourde pour des citoyens ali&eacute;n&eacute;s par une surexposition &agrave; des informations fragment&eacute;es. D&#39;o&ugrave; son caract&egrave;re s&eacute;lectif, dont une des cons&eacute;quences est l&#39;effritement des valeurs communes. Ainsi, morale et politique se cherchent-elles dans un jeu de cache-cache pol&eacute;mique aboutissant &agrave; des impasses, o&ugrave; l&#39;id&eacute;al grec de <em>virtus </em>s&#39;est transform&eacute; en simple repr&eacute;sentation au sens sc&eacute;nique du terme et la volont&eacute; collective en r&eacute;signation.</p> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;affaiblissement des valeurs r&eacute;publicaines et l&#39;affaissement des institutions d&eacute;mocratiques rendent de plus en plus l&eacute;gitimes les pratiques de manipulation et la d&eacute;magogie. Aussi l&#39;ambigu&iuml;t&eacute; est-elle de retour en d&eacute;mocratie, mais avec un &eacute;l&eacute;ment suppl&eacute;mentaire et auto-mutilatoire&nbsp;: la stagnation. C&#39;est une telle d&eacute;mocratie qui est en train de produire une R&eacute;publique sans r&eacute;publicains et une &eacute;lite machiav&eacute;lique et technicienne, charg&eacute;e de la gestion pragmatique des affaires publiques, dont la mentalit&eacute; est de plus en plus auto-suffissante sur laquelle s&rsquo;appuient autant les &eacute;lites de gauche que de droite.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>O&ugrave; est pass&eacute;e la vertu r&eacute;publicaine&nbsp;? </strong></p> <p class="texte" dir="ltr">Il y a dans la France d&#39;aujourd&#39;hui un d&eacute;ficit de R&eacute;publique. Le projet r&eacute;publicain s&rsquo;est effrit&eacute; lentement de renoncements en mensonges, de manque de courage en tricheries, de turpitudes en corruptions. Ce processus est le r&eacute;sultat de l&#39;usure du pouvoir des &eacute;lites politiques qui, abandonnant l&#39;attitude r&eacute;publicaine originelle, se sont compromises avec son contraire&nbsp;: l&rsquo;esprit oligarchique.</p> <p class="texte" dir="ltr">Si l&#39;id&eacute;e r&eacute;publicaine de gouvernement est exigeante, sa l&eacute;gitimit&eacute; n&rsquo;est pas fond&eacute;e seulement sur la volont&eacute; populaire. Au contraire de la m&eacute;thode d&eacute;mocratique, le principe r&eacute;publicain sait que la majorit&eacute; peut se tromper. La R&eacute;publique postule donc un dispositif d&eacute;lib&eacute;ratif qui rend possible la multiplicit&eacute; des prises de parole et, en interdisant la domination d&#39;un seul discours, renvoie le jugement &agrave; la confrontation des opinions de l&rsquo;ensemble des citoyens.</p> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;id&eacute;al r&eacute;publicain de la politique refuse toute tentative h&eacute;g&eacute;monique par &nbsp;le respect strict des opinions et des citoyens. Ce ne sont pas les volont&eacute;s de quelques-uns qui peuvent l&eacute;gitimer des pratiques d&#39;hommes libres, mais le contrat toujours renouvel&eacute; entre hommes et femmes raisonnables li&eacute;s par une commune croyance dans les institutions r&eacute;publicaines.</p> <p class="texte" dir="ltr">&nbsp;Voila pourquoi les racines &eacute;tymologiques du mot R&eacute;publique rendent bien compte du postulat de base : le bien commun, la chose publique, l&#39;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Cette notion me semble dangereuse&nbsp;: que devient l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral lorsque coexistent des int&eacute;r&ecirc;ts divergents&nbsp;? Personne ne peut se pr&eacute;tendre le porte-parole de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral, qui se transforme facilement en dictateur. La d&eacute;mocratie, c&rsquo;est l&rsquo;acceptation des conflits et des proc&eacute;dures pour les r&eacute;gler autrement que par la force, donc par des compromis. </span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: C&rsquo;est mal conna&icirc;tre la posture r&eacute;publicaine. La d&eacute;mocratie est une m&eacute;thode (peut-&ecirc;tre la moins mauvaise, quoique&hellip;), mais rester dans la vision incantatoire n&rsquo;est plus une r&eacute;flexion vraiment politique, encore moins une pens&eacute;e de d&eacute;passement. La d&eacute;mocratie moderne est apparemment faite des compromis, mais en r&eacute;alit&eacute; de mani&egrave;re dr&ocirc;lement d&eacute;s&eacute;quilibr&eacute;e. Par ailleurs, en r&eacute;publique (Ath&egrave;nes et Rome) le terme de dictature avait une toute autre signification que celle &nbsp;la &laquo;&nbsp;d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative&nbsp;&raquo; donne au mot. Le c&ocirc;t&eacute; pervers de la d&eacute;mocratie est justement la compromission. Elle ne se fait jamais de mani&egrave;re publique, mais suite &agrave; des transactions des &eacute;lites, groupes, ou personnes au pouvoir. Il y a l&agrave; une dimension du secret d&rsquo;Etat qui dit long sur les pratiques des pouvoirs. Peut-on agir sans compromissions&nbsp;? Si la limite entre compromis et compromission n&rsquo;est pas &eacute;vidente, ce n&rsquo;est pas la d&eacute;mocratie qui en est garante.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le citoyen doit faire un effort conscient pour le devenir. La volont&eacute; de chacun et de tous sous-tend l&#39;id&eacute;e et conf&egrave;re un sens au projet r&eacute;publicain.</p> <p class="texte" dir="ltr">C&rsquo;est par le syst&egrave;me d&eacute;lib&eacute;ratif mis en place par la R&eacute;publique qu&rsquo;est possible l&#39;exercice de la parole libre d&rsquo;entraves. Ainsi, la politique est-elle l&#39;ensemble des discours pos&eacute;s par tous et pour tous au sein des institutions. Ces questions sont en permanence politiques, et non m&eacute;taphysiques. Ce n&#39;est pas le comment &nbsp;&laquo;&nbsp;bien penser&nbsp;&raquo;, mais le comment &laquo;&nbsp;bien vivre&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Je ne crois pas aux discours &laquo;&nbsp;pos&eacute;s par tous&nbsp;&raquo;. La d&eacute;mocratie directe, si c&rsquo;est de &ccedil;a qu&rsquo;il s&rsquo;agit, ne me semble pas pratiquement possible. Quant au &laquo;&nbsp;pour tous&nbsp;&raquo;, qui va s&rsquo;en charger&nbsp;? Est-ce que cela a un sens dans une soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; coexistent des int&eacute;r&ecirc;ts et des objectifs diff&eacute;rents&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">La premi&egrave;re question r&eacute;publicaine n&rsquo;est pas ce que nous voulons, mais ce que nous devons &ecirc;tre en tant que nation et citoyens : riches ? &Eacute;gaux ? Puissants ? Justes&nbsp;? Cette distinction suppose-t-elle que nous puissions ne pas vouloir ce que nous devons &ecirc;tre&nbsp;? Qui va d&eacute;terminer ce que nous devons &ecirc;tre&nbsp;? Et comment le devenir,</p> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;imp&eacute;ratif r&eacute;publicain n&#39;est donc pas de faire, mais d&#39;&ecirc;tre en tant que groupe humain. Car la politique exige un projet collectif rationnel pour faire des choix. N&nbsp;?nous avons des objectifs, des valeurs diff&eacute;rents. Un projet collectif ne peut &ecirc;tre qu&rsquo;un compromis. C&rsquo;est l&agrave; le contrat implicite qui nous lie &agrave; d&#39;autres. Et cela demande de la discussion et du dialogue dans des termes interchangeables. Ainsi &eacute;tablit-on la r&eacute;alit&eacute; des accords. L&#39;analyse de la situation est fondamentale : on observe les faits, on les classe, on les comprend, on &eacute;tablit un raisonnement, on prend des d&eacute;cisions et on &eacute;value.</p> <p class="texte" dir="ltr">Voil&agrave; pourquoi la raison est l&#39;horizon de la politique r&eacute;publicaine. Le citoyen est essentiellement un &ecirc;tre raisonnable, m&ecirc;me si la politique ne l&rsquo;est pas, car elle r&eacute;pond &agrave; une logique de situations.</p> <p class="texte" dir="ltr">En r&eacute;alit&eacute;, ce que la R&eacute;publique met en jeu et publiquement, c&#39;est un dispositif o&ugrave; les d&eacute;lib&eacute;rations &eacute;noncent la question politique par excellence : qu&#39;est-ce qui est possible ? C&#39;est la production de possibles, de sc&eacute;narios pour mieux b&acirc;tir des strat&eacute;gies d&#39;action collective. Ce travail cognitif est en R&eacute;publique un &eacute;norme effort d&#39;imagination commun. Car il faut choisir, apr&egrave;s avoir d&eacute;fini ce qu&#39;on veut, celui (ou ceux) qui peuvent r&eacute;pondre le moins mal au moment pr&eacute;sent aux exigences imp&eacute;ratives.</p> <p class="texte" dir="ltr">La l&eacute;gitimit&eacute; de la R&eacute;publique se trouve alors dans ce dispositif de dialogue et d&eacute;lib&eacute;ration complexe et collectif. Mais la raison ne suffit pas, &nbsp;il faut un &eacute;l&eacute;ment psychologique&nbsp;: la vertu.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Ne faut-il pas au contraire un syst&egrave;me qui fonctionne m&ecirc;me sans vertu&nbsp;? L&rsquo;invocation de la vertu peut &ecirc;tre dangereuse, on cherche vite &agrave; l&rsquo;imposer. La Terreur s&rsquo;est faite au nom de la vertu&hellip;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Certes, c&rsquo;est le triste cas de Robespierre. Mais, ce ne pas de la vertu malade dont parlent les r&eacute;publicains. Mais celle de la &laquo;&nbsp;femme de C&eacute;sar&nbsp;&raquo;&nbsp;: non seulement para&icirc;tre, mais l&rsquo;&ecirc;tre. Il ne suffit pas de l&rsquo;invoquer, mais de la faire. C&rsquo;est le crit&egrave;re pour d&eacute;partager les discours. Encore, je renvoie &agrave; Gambetta. Enfin, accepter un r&eacute;gime sans vertu, c&rsquo;est accepter toutes les d&eacute;rives&nbsp;: la corruption, voire un r&eacute;gime mafieux. L&agrave;, nous sommes dans la n&eacute;gation de tous les principes moraux&nbsp;!</p> <p class="texte" dir="ltr">Savoir fixer bornes et limites &agrave; ses d&eacute;sirs, et tenir compte des int&eacute;r&ecirc;ts des autres citoyens et de la patrie, en peu de mots&nbsp;: savoir distinguer le juste et l&rsquo;utile, le bien et le mal. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">La gauche et la droite sont-elles vertueuses&nbsp;? Les appareils ne le sont certainement pas. En cons&eacute;quence, le renouveau ne peut pas venir d&rsquo;eux. Mais, le peuple de gauche et celui de droite peuvent y contribuer. Il faut une force r&eacute;publicaine capable d&rsquo;effectuer le d&eacute;passement. Non seulement rappeler les valeurs r&eacute;publicaines, mais les pratiquer. Que sont-elles&nbsp;? Tous peuvent y adh&eacute;rer. Toutefois, tous ne s&rsquo;attellent pas &agrave; cette t&acirc;che. Certains attendent par cupidit&eacute;, &eacute;go&iuml;sme et manque de courage, d&rsquo;autres par aveuglement, enfin, il y a ceux qui le font par cynisme et mauvais calcul.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>Revenir &agrave; la R&eacute;publique, rien qu&rsquo;&agrave; la R&eacute;publique, mais &agrave; toute la R&eacute;publique</strong></p> <p class="texte" dir="ltr">La figure de L&eacute;on Gambetta (1838-1882) montre la route. Tant pis si cela g&ecirc;ne la droite et la gauche. C&rsquo;est sans surprise. C&rsquo;est une question de trempe r&eacute;publicaine&nbsp;: vouloir d&eacute;passer les querelles subalternes et situer la politique par del&agrave; les clivages partisans, en d&eacute;fense de la R&eacute;publique et de la nation en danger. &nbsp;Gambetta est un des rares hommes politiques, probablement le seul avec De Gaulle, &agrave; l&rsquo;avoir compris &agrave; un moment de crise nationale profonde.</p> <p class="texte" dir="ltr">Actuellement, ce ne sont pas, &agrave; mon avis, la R&eacute;publique ni la nation qui sont en danger. Les probl&egrave;mes urgents sont ceux du ch&ocirc;mage, des difficult&eacute;s de l&rsquo;int&eacute;gration, de l&rsquo;exclusion, des in&eacute;galit&eacute;s. Si on me dit que tous ces probl&egrave;mes touchent &agrave; la R&eacute;publique, alors c&rsquo;est donner &agrave; ce terme une extension qui le vide de sa signification.</p> <p class="texte" dir="ltr">Alors l&agrave;, il y a deux choses. La premi&egrave;re est la recontextualisation&nbsp;: je parlais de Gambetta et son &eacute;poque. La France &eacute;tait dans une situation forte d&eacute;licate&nbsp;: elle sortait de la guerre de 70 (L&rsquo;alsace et la Lorraine &eacute;taient annex&eacute;es par les prussiens) et la d&eacute;faite de la commune de Paris avait plongeait le pays dans une impasse. Quant &agrave; une extrapolation actuelle, je pense que le danger est latent. Le diagnostic de la crise que j&rsquo;essaye de faire par ailleurs (De l&rsquo;&acirc;me et de la cit&eacute;. L&rsquo;Harmattan 2004) pourrait facilement alimenter cette id&eacute;e. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>Que dit-il sur la politique ?</strong></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&quot;Il viendra certainement un jour o&ugrave; la politique, ramen&eacute;e &agrave; son v&eacute;ritable r&ocirc;le, ayant cess&eacute; d&#39;&ecirc;tre la ressource des habiles et des intrigants, renon&ccedil;ant aux man&oelig;uvres d&eacute;loyales et perfides, &agrave; l&#39;esprit de corruption, &agrave; toute cette strat&eacute;gie de dissimulation et de subterfuges, deviendra ce qu&#39;elle doit &ecirc;tre, une science morale, expression de tous les rapports, des int&eacute;r&ecirc;ts, des faits et des m&oelig;urs, o&ugrave; elle s&#39;imposera aussi bien aux consciences qu&#39;aux esprits et dictera les r&egrave;gles du droit des soci&eacute;t&eacute;s humaines.&quot; </em></p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>Faut-il une profession de foi pour faire la R&eacute;publique ?</strong></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&laquo;&nbsp;Tu consacreras ta vie &agrave; soutirer l&rsquo;esprit de violence qui a tant de fois &eacute;gar&eacute; la d&eacute;mocratie, &agrave; lui interdire le culte de l&rsquo;absolu, &agrave; la diriger vers l&rsquo;&eacute;tude des faits, des r&eacute;alit&eacute;s concr&egrave;tes, &agrave; lui apprendre &agrave; tenir compte des traditions, des m&oelig;urs, des pr&eacute;jug&eacute;s, car les pr&eacute;jug&eacute;s sont une force, on ne les brise pas, il faut les dissiper par la persuasion et la raison.</em></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&laquo;&nbsp;Tu apprendras &agrave; ton parti &agrave; abdiquer, &agrave; d&eacute;tester l&rsquo;esprit de violence.</em></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&laquo;&nbsp;Tu t&rsquo;efforceras d&rsquo;arracher l&rsquo;aiguillon de la peur qui pousse &agrave; prendre des mesures de r&eacute;action.</em></p> <p class="texte" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Tu te pr&eacute;senteras, et c&rsquo;est par-l&agrave; que nous avons vu le succ&egrave;s couronner nos premiers efforts, tu te pr&eacute;senteras comme une sorte de conciliateur entre les int&eacute;r&ecirc;ts des uns et des autres, et si tu pouvais arriver &agrave; r&eacute;aliser cette alliance du peuple et de la bourgeoisie, tu aurais fond&eacute; sur une assise in&eacute;branlable l&rsquo;ordre r&eacute;publicain&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>O&ugrave; est la vraie question la&iuml;que ?</strong></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&nbsp;&quot;Il y a une chose qui, &agrave; l&#39;&eacute;gard de l&#39;ancien r&eacute;gime, r&eacute;pugne &agrave; ce pays, c&#39;est la domination du cl&eacute;ricalisme. Je ne fais que traduire les sentiments du peuple de France en disant : le cl&eacute;ricalisme, voil&agrave; l&#39;ennemi. </em></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&quot;Quant &agrave; la religion, je n&#39;en parle pas. Cela est un domaine en dehors de la politique... Allez dans vos temples, priez, je ne vous connais pas. Ce que je demande, c&#39;est la libert&eacute;, une libert&eacute; &eacute;gale pour vous et pour moi, pour ma philosophie comme pour votre religion, pour ma libert&eacute; de penser comme pour votre libert&eacute; de pratiquer. Ne dites donc pas que nous sommes les ennemis de la religion, puisque nous la voulons assur&eacute;e, libre et inviolable.&quot; &nbsp;</em></p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>La d&eacute;mocratie a-t-elle un sens r&eacute;publicain ?</strong></p> <p class="texte" dir="ltr">&quot;La d&eacute;mocratie radicale ne d&eacute;sire, n&#39;ambitionne que le d&eacute;veloppement, dans la justice et la libert&eacute;, de la solidarit&eacute; parmi les hommes&hellip; Son droit r&eacute;side dans la raison, sa force dans le peuple. Elle affirme son droit &agrave; conqu&eacute;rir la majorit&eacute; &agrave; ses doctrines, convaincue que le jour de son av&egrave;nement est proche et que, une fois scientifiquement organis&eacute;e... elle nous rendra tous politiquement libres, intellectuellement plus savants, &eacute;conomiquement plus ais&eacute;s, moralement plus justes, socialement plus &eacute;gaux et elle &eacute;tablira l&#39;ordre sur l&#39;&eacute;quilibre et l&#39;harmonie des droits et des int&eacute;r&ecirc;ts&quot;.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>Qu&#39;est que ce l&#39;esprit r&eacute;publicain? </strong></p> <p class="texte" dir="ltr">R : &quot;Quand je dis que la R&eacute;publique est chose auguste entre toutes, je m&#39;explique. Ce n&#39;est pas seulement parce que c&#39;est la forme du gouvernement pour laquelle nous avons toujours lutt&eacute; et qui repr&eacute;sente, pour notre raison, comme pour notre c&oelig;ur, ce qu&#39;il y a de plus noble, de plus juste, de plus grand dans les relations humaines; mais, c&#39;est surtout parce qu&#39;il y a dans cette forme de gouvernement plus d&#39;avenir pour la France&quot;.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>Y a&ndash;t-il une m&eacute;thode pour r&eacute;former l&rsquo;action gouvernementale</strong></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&quot; Ce que je veux, c&#39;est qu&#39;une fois que le parti r&eacute;publicain a entrepris une r&eacute;forme, il ne la laisse pas inachev&eacute;e, incompl&egrave;te, mal con&ccedil;ue, mal nourrie, pour courir vers une autre, pour faire une tentative sur un autre point, brouillant tout, n&#39;achevant rien et ne laissant en d&eacute;finitive que le mis&eacute;rable spectacle d&#39;un parti qui a touch&eacute; &agrave; tout et n&#39;a rien fait.&quot; </em></p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>La pratique de la doctrine r&eacute;publicaine est-elle exp&eacute;rimentale?</strong></p> <p class="texte" dir="ltr">&quot;Ce qu&#39;il faut donc emporter ici, mes amis, c&#39;est la r&eacute;solution &eacute;nergique de pratiquer nos doctrines, de les pratiquer, non seulement dans notre for int&eacute;rieur qu&#39;on appelle la conscience, mais aussi en dehors, d&#39;une fa&ccedil;on exp&eacute;rimentale, par des actes... et pour cela il faut vous associer, dans un but commun d&#39;instruction et de propagande.&quot;</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>Quel est le projet r&eacute;publicain pour la France?</strong></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&nbsp;&quot;Nous avons pris l&#39;engagement de nous vouer n&eacute;cessairement &agrave; l&#39;&eacute;mancipation de ceux qui n&rsquo;ont pas joui du m&ecirc;me b&eacute;n&eacute;fice de la fortune, de les attirer vers nous et de travailler &agrave; leur assurer tous les jours plus de lumi&egrave;re et plus de bien-&ecirc;tre.&quot; </em></p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>Enfin, quel est le premier devoir pour un r&eacute;publicain ?</strong></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&quot;Ce &nbsp;n&#39;est pas seulement de reconna&icirc;tre les &eacute;gaux, c&#39;est d&#39;en faire !&quot;</em></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: On ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre d&rsquo;accord avec toutes ces affirmations, mais pour moi ce sont des v&oelig;ux pieux. On ne devient pas vertueux par volont&eacute; ni par d&eacute;cret, et une soci&eacute;t&eacute; doit pouvoir fonctionner avec les humains tels qu&rsquo;ils sont.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">Un interm&egrave;de, un petit plaisir que je m&rsquo;accorde&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;"><em>&Ecirc;tre bon, qui ne le voudrait&nbsp;?<br /> Donner son bien aux pauvres, pourquoi pas&nbsp;?<br /> Si nous &eacute;tions tous bons, Son R&egrave;gne s&rsquo;accomplirait.<br /> Et qui ne voudrait marcher sur Ses pas&nbsp;?<br /> Mais h&eacute;las sur cette triste plan&egrave;te,<br /> Les moyens sont restreints, l&rsquo;homme est dur.<br /> Qui ne voudrait vivre dans la paix et la concorde&nbsp;?<br /> Mais les circonstances ne s&rsquo;y pr&ecirc;tent pas&nbsp;!<br /> &hellip;<br /> Nous serions volontiers bons, et pas f&eacute;roces,<br /> Mais les circonstances ne s&lsquo;y pr&ecirc;tent pas&nbsp;!</em></span><br /> <br /> <span style="font-family:'Times New Roman',serif; color:#ff0000;"><em>B. Brecht, &nbsp;</em></span><span style="color:#ff0000;"><em>L&rsquo;Op&eacute;ra de Quatre sous.</em></span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Voil&agrave;, un argumentaire paradoxal et h&eacute;las r&eacute;v&eacute;lateur&nbsp;de l&rsquo;attitude de &laquo;&nbsp;gauche&nbsp;&raquo;: D&rsquo;abord&nbsp;: qu&rsquo;est ce qu&rsquo;un v&oelig;u pieux&nbsp;? C&rsquo;est l&rsquo;&eacute;vocation hypocrite de quelque chose qui restera sans changement. C&rsquo;est mal conna&icirc;tre la pens&eacute;e et l&rsquo;&oelig;uvre de Gambetta, et d&rsquo;une certaine mani&egrave;re des fonctions &nbsp;r&eacute;publicaines. Il y a eu une grande incompr&eacute;hension dans la critique &laquo;&nbsp;mat&eacute;rialiste&nbsp;&raquo; des communistes et socialistes contre les r&eacute;publicains, accus&eacute;s d&rsquo;id&eacute;alisme, ou d&rsquo;utopisme bourgeois&hellip; Et citer Brecht est ici r&eacute;v&eacute;lateur d&rsquo;un &eacute;tat d&rsquo;esprit &agrave; une &eacute;poque pas encore compl&egrave;tement r&eacute;volue. Faut-il rappeler que Brecht fut un communiste fid&egrave;le au credo de la lutte de classe autant qu&rsquo;&agrave; Staline. Mais, si l&rsquo;histoire id&eacute;ologique nous joue de tours, la r&eacute;alit&eacute; montre que la question n&rsquo;est certainement pas l&agrave;. Il ne faut pas nier la r&eacute;alit&eacute;, ni en inventer une autre, mais la changer de sens. Que la nature de l&rsquo;homme soit bonne (Rousseau et les socialistes de c&oelig;ur) ou mauvais (la vulgate qui met dans le m&ecirc;me sac Machiavel, Hobbes et le socialisme r&eacute;el) ne changera rien. Chacun sait (si la bonne fois le permet) que l&rsquo;homme est bon et mauvais mais selon les circonstances. C&rsquo;est pourquoi la R&eacute;publique est l&agrave;&nbsp;: il faut rendre la vie commune juste et &eacute;quilibr&eacute;e sans parier sur la nature profonde de l&rsquo;homme. Il s&rsquo;agit l&agrave;, &agrave; la fois, de l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une approche commune et de l&rsquo;application des lois communes sans une morale partisane ou m&eacute;taphysique. C&rsquo;est probablement ainsi que l&rsquo;acte de d&eacute;passer la &laquo;&nbsp;dialectique&nbsp;&raquo; des discours de droite et de gauche se transforme en lucidit&eacute; la&iuml;que&nbsp;et r&eacute;publicaine: ni dogmes ni actes de foi. &nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">C&#39;est l&agrave;, du fond de discours de Gambetta, je le pense, que le r&eacute;publicanisme rena&icirc;t de ses cendres, pour r&eacute;pondre &agrave; la question qui nous taraude&nbsp;: que faire&nbsp;aujourd&rsquo;hui? La &nbsp;question est politique, la r&eacute;ponse doit l&rsquo;&ecirc;tre aussi, car certains se limitent &agrave; dire&nbsp;: de quels moyens disposons-nous maintenant&nbsp;? Il ne s&rsquo;agit s&ucirc;rement pas l&agrave; de r&eacute;publicains. Cette interrogation est issue de la logique du rapport de forces et de la strat&eacute;gie militaire. Elle peut m&ecirc;me &ecirc;tre vraie, mais &agrave; la longue se r&eacute;v&egrave;le inutile. A y r&eacute;fl&eacute;chir, la r&eacute;ponse ne peut pas &ecirc;tre individuelle, mais collective, et surtout engendr&eacute;e dans une longue attente. Toute crise est un acc&eacute;l&eacute;rateur et un moment o&ugrave; le d&eacute;passement de l&rsquo;opposition se r&eacute;alise avec plus ou moins de bonheur. L&rsquo;actuelle n&rsquo;est pas tr&egrave;s diff&eacute;rente. Or, il serait erron&eacute; de penser que la sortie de crise appelle une coalition centriste, ou une sorte de troisi&egrave;me force (voire d&rsquo;un troisi&egrave;me homme) ou un centrisme d&rsquo;allure nouvelle, dont toutes les exp&eacute;riences ont fait naufrage. Si les conditions objectives sont l&agrave;, probablement les conditions subjectives ne le sont-elles pas. Seule une exp&eacute;rience (forte) peut y contribuer et nous y conduire. Mais, cette fois-ci, la question est ailleurs, elle est r&eacute;publicaine. Auparavant, plusieurs actions sont possibles&nbsp;: diffuser l&rsquo;id&eacute;e r&eacute;publicaine, re-grouper les familles r&eacute;publicaines (celles qui sont pour un vrai d&eacute;passement), approfondir le dialogue et les &eacute;changes, ouvrir les perspectives pour des assises r&eacute;publicaines. Voil&agrave; une strat&eacute;gie de retrouvailles avec la force de la volont&eacute; et la conviction des id&eacute;es qui ont d&eacute;j&agrave; d&eacute;pass&eacute; la tradition et la modernit&eacute;. Si l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; subsiste, raison de plus pour clarifier la position r&eacute;publicaine avec conviction et politesse. La forme entra&icirc;ne le fond, se plaisait &agrave; r&eacute;p&eacute;ter Gambetta.</p> <p class="texte" dir="ltr">Finalement, l&rsquo;id&eacute;e de clarifier la port&eacute;e et les limites du clivage droite-gauche s&rsquo;impose non seulement par des raisons pratiques, mais egalement par un souci d&rsquo;intelligence psychologique si nous suivons le raisonnement d&rsquo;un de grands philosophes espagnol (aussi politique radical &agrave; l&rsquo;aube de la R&eacute;publique de son temps) Jos&eacute; Ortega y Gasset lorsqu&rsquo;il dit&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>&laquo;&nbsp;Etre de gauche ou de droite, c&rsquo;est choisir l&rsquo;une d&rsquo;innombrables mani&egrave;res qui s&rsquo;offrent &agrave; l&rsquo;homme de devenir imbecile&nbsp;&raquo;</strong></p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:right;"><em>Alexandre Dorna</em></p> <h1 dir="ltr" id="heading4">Discussion finale:</h1> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: En fait, ce texte ne d&eacute;passe pas le clivage droite-gauche, puisqu&rsquo;il reconna&icirc;t l&rsquo;existence qu&rsquo;un people de gauche et d&rsquo;un people de droite, dont il attend une r&eacute;g&eacute;n&eacute;ration de la politique contre les politiciens professionnels. Populisme?</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Je ne suis pas d&rsquo;accord avec un tel raccourci. Je ne pense pas invoquer deux peuples distincts, mais un seul. Certes, id&eacute;ologiquement surd&eacute;termin&eacute; par une histoire et un positionnement politique. Or, la classe politique (voire les appareils) est de moins en moins &nbsp;&nbsp;diff&eacute;renti&eacute;e. Et affirmer cela n&rsquo;est pas du populisme. Ce sont &nbsp;toujours les &eacute;lites qui agitent &nbsp;l&rsquo;&eacute;pouvantail pour justifier le statu-quo et le conformisme. Le populisme est un moment de &laquo;&nbsp;purge&nbsp;&raquo;, toujours plus ou moins d&eacute;sagr&eacute;able. Mais je ne pense pas qu&rsquo;il soit une bonne solution durable. Et cela l&agrave; que le vrai &nbsp;dialogue pour d&eacute;passer le statu-quo peut commencer. Je crois plut&ocirc;t &agrave; une politique r&eacute;publicaine populaire. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Le texte qui pr&eacute;c&egrave;de s&rsquo;appuie sur un diagnostic s&eacute;v&egrave;re de la situation politique actuelle pour appeler &agrave; un &laquo;&nbsp;d&eacute;passement &nbsp;du clivage gauche / droite&nbsp;&raquo;. Cela demande &agrave; &ecirc;tre pr&eacute;cis&eacute;, car cette injonction peut se comprendre de diff&eacute;rentes fa&ccedil;ons, et elle a &eacute;t&eacute; d&eacute;j&agrave; pr&eacute;conis&eacute;e dans des contextes et avec des pr&eacute;suppos&eacute;s tr&egrave;s diff&eacute;rents. Essayons de clarifier.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:justify; color:#ff0000;">La question est p&eacute;riodiquement pos&eacute;e, de diff&eacute;rentes mani&egrave;res. Mais remarquons d&rsquo;abord que s&rsquo;il y a depuis longtemps eu des politiciens et des citoyens s&rsquo;affirmant de gauche, il n&rsquo;y a que trois ou quatre d&eacute;cennies au plus qu&rsquo;on s&rsquo;affirme de droite, ce qui, auparavant, justifiait la remarque d&rsquo;Alain. On se disait mod&eacute;r&eacute;, national, parfois centriste, parfois m&ecirc;me de gauche comme, au d&eacute;but de la Troisi&egrave;me R&eacute;publique, quand des r&eacute;publicains conservateurs voulaient se d&eacute;marquer des monarchistes. Giscard affirmait que la France veut &ecirc;tre gouvern&eacute;e au centre. Au d&eacute;but de son septennat, Giscard a en effet, en dehors du champ &eacute;conomique, pris des positions qu&rsquo;on peut consid&eacute;rer de gauche&nbsp;: loi sur l&rsquo;avortement (qui n&rsquo;est pass&eacute;e qu&rsquo;avec les voix de la gauche), majorit&eacute; &agrave; 18 ans, quasi-suppression de la censure, coll&egrave;ge unique&hellip; Il a choqu&eacute; ses partisans en serrant la main d&rsquo;un d&eacute;tenu lors de la visite d&rsquo;une prison. &nbsp;Mais il a vite &eacute;t&eacute; rappel&eacute; &agrave; l&rsquo;ordre par son &eacute;lectorat. En France, personne ne s&rsquo;est dit conservateur, comme en Grande-Bretagne.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Cela se discute, mais avan&ccedil;ons, car je ne vois pas bien la port&eacute;e de l&rsquo;argument&hellip;</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Paradoxalement, c&rsquo;est au moment o&ugrave; la droite s&rsquo;affirme comme telle que ressurgit l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il fut d&eacute;pass&eacute; cette opposition.</span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Moi, je dirais&nbsp;au contraire: c&rsquo;est au moment o&ugrave; la gauche a d&eacute;&ccedil;u que la question se pose fortement. La droite avait d&eacute;j&agrave; d&eacute;&ccedil;u. Voil&agrave; le sens du contretemps actuel et le pi&egrave;ge de l&rsquo;alternance. Alternance qui n&rsquo;est pas r&eacute;publicaine, mais oligarchique. &nbsp;&nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">BM&nbsp;:Mais ce qu&rsquo;on entend par l&agrave; n&rsquo;est pas clair, ou, plus exactement, ceux qui le pr&eacute;conisent ne veulent pas tous dire la m&ecirc;me chose. Examinons diff&eacute;rents sens possibles de cette injonction. Ils sont nombreux.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">-Les centristes ne nient pas la pertinence de la distinction gauche / droite, mais voudraient prendre des id&eacute;es des deux c&ocirc;t&eacute;s, en excluant les id&eacute;es extr&ecirc;mes. C&rsquo;est le cas des lib&eacute;raux d&eacute;mocrates anglais, que le syst&egrave;me &eacute;lectoral exclut du pouvoir. Mais dans d&rsquo;autres pays, ils s&rsquo;allient tant&ocirc;t &agrave; la gauche, tant&ocirc;t &agrave; la droite, selon leur int&eacute;r&ecirc;t. C&rsquo;est le cas en Allemagne avec les lib&eacute;raux, et en Italie, o&ugrave; ils sont divis&eacute;s. En France, ils se sont toujours alli&eacute;s &agrave; la droite, de fa&ccedil;on plus ou moins critique, et n&rsquo;ont jamais conclu d&rsquo;alliance avec la gauche, peut-&ecirc;tre rejet&eacute;s par celle-ci. On ne peut pas pr&eacute;tendre que le centrisme d&eacute;passe le clivage gauche / droite, il se situe au centre de la m&ecirc;me dimension. Il faut mettre &agrave; part le cas du gaullisme, qui a lui aussi pris des &eacute;l&eacute;ments de programme de la droite et de la gauche, mais sans la volont&eacute; de mod&eacute;ration qui caract&eacute;rise le centrisme.</span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">-Une mani&egrave;re de d&eacute;passer la droite et la gauche est d&rsquo;insister sur une unit&eacute; ou une valeur sup&eacute;rieures, plus importantes que cette distinction. Ainsi, certains nationalistes ont voulu d&eacute;passer cette opposition, pr&eacute;cis&eacute;ment parce que c&rsquo;est une opposition, qui doit s&rsquo;effacer, comme toutes les autres, devant l&rsquo;unit&eacute; de la nation et la n&eacute;cessit&eacute; de la d&eacute;fendre. Un des slogans de Le Pen a &eacute;t&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ni droite, ni gauche, Fran&ccedil;ais&nbsp;!&nbsp;&raquo;, ce qui ne l&rsquo;a d&rsquo;ailleurs pas emp&ecirc;ch&eacute; &agrave; d&rsquo;autres moments de se dire &laquo;&nbsp;droite nationale&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">-Dans d&rsquo;autres cas, sans nier cette opposition, on se r&eacute;f&egrave;re &agrave; des valeurs suppos&eacute;es communes, par exemple les Droits de l&rsquo;Homme ou l&rsquo;action humanitaire. Certaines organisations qui ont pour but de les d&eacute;fendre ne nient pas la r&eacute;alit&eacute; ni l&rsquo;importance de cette distinction, mais s&rsquo;en veulent ind&eacute;pendantes et se situer &agrave; un autre niveau. Elles &nbsp;affirment alors que des personnes par ailleurs engag&eacute;es &agrave; gauche comme &agrave; droite peuvent agir avec elles.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">-Il faut aussi tenir compte du fait que, quel que soit le contenu qu&rsquo;on donne &agrave; la dimension gauche / droite, elle est loin d&rsquo;&ecirc;tre la seule qui structure le champ des attitudes politiques. La preuve est dans les clivages qui traversent tous les partis en principe construits en fonction d&rsquo;elle. Il est classique d&rsquo;y ajouter l&rsquo;axe lib&eacute;ralisme / autoritarisme, on peut aussi &eacute;voquer la valorisation de l&rsquo;unit&eacute; ou de la diversit&eacute;, qui recouvre &agrave; peu pr&egrave;s la dimension universalisme / relativisme. D&eacute;passer le clivage gauche / droite peut consister &agrave; se pr&eacute;occuper principalement de d&eacute;fendre des positions li&eacute;es &agrave; un point sur un de ces autres axes, par exemple le r&eacute;gionalisme, ou &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; la supra-nationalit&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">-Les anarchistes ont eux aussi toujours pr&eacute;tendu se situer en &nbsp;dehors aussi bien de la gauche que de la droite. En fait, ils refusent un jeu politique qui vise &agrave; s&rsquo;emparer de l&rsquo;&eacute;tat, alors que ce qu&rsquo;ils veulent, c&rsquo;est le faire dispara&icirc;tre. M&eacute;prisant la d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative au nom d&rsquo;une d&eacute;mocratie directe, ils ne veulent rien avoir &agrave; faire avec des partis qui participent &agrave; une comp&eacute;tition &eacute;lectorale. Mais par leur refus de la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e et leur participation aux syndicats, ils sont en g&eacute;n&eacute;ral per&ccedil;us comme une composante de la gauche, d&rsquo;o&ugrave; leur acharnement &agrave; s&rsquo;en d&eacute;marquer et leur hostilit&eacute; permanente &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des socialistes et dans une moindre mesure, des communistes, hostilit&eacute; constante depuis plus d&rsquo;un si&egrave;cle.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">-Enfin, on peut nier la pertinence de la distinction lorsqu&rsquo;on estime que les politiques men&eacute;es en fait par les gouvernants des deux bords ne diff&egrave;rent que peu ou pas du tout. Il faut remarquer que ce point de vue est soutenu par des d&eacute;&ccedil;us de la gauche, jamais par des personnes originellement de droite. En fait, c&rsquo;est une critique de gauche adress&eacute;e &agrave; la gauche de gouvernement, &agrave; qui il est reproch&eacute; de pactiser avec le lib&eacute;ralisme. Constatant sa &laquo;&nbsp;trahison&nbsp;&raquo;, plut&ocirc;t que de d&eacute;river vers l&rsquo;extr&ecirc;me gauche, ils cherchent autre chose, &laquo;&nbsp;ailleurs&nbsp;&raquo;, peut-&ecirc;tre parce qu&rsquo;ils ne voient pas ce que leurs repr&eacute;sentants au gouvernement pourraient faire d&rsquo;autre en restant dans le m&ecirc;me cadre. Le mouvement alter mondialiste est constitu&eacute; &agrave; la fois de militants d&rsquo;extr&ecirc;me gauche et de certains de ces d&eacute;&ccedil;us de la gauche. Leur cohabitation montre leur parent&eacute;. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: Encore une fois, c&rsquo;est m&eacute;conna&icirc;tre l&rsquo;existence autant que l&rsquo;&eacute;tendue des d&eacute;ceptions et le sentiment de &laquo;&nbsp;petite vie&nbsp;&raquo; qui fissurent la coh&eacute;sion nationale! Il y a aussi des d&eacute;&ccedil;us de droite et du centre, tout autant que des ex-gauchistes, des ex-radicaux, des ex-socialistes, qui manifestent leur d&eacute;senchantement de diverses mani&egrave;res&nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="text-align:justify;"><span style="color:#ff0000;">BM&nbsp;: Mis &agrave; part le centrisme et l&rsquo;anarchisme, dont les positions sont en principe relativement claires, les autres propositions de d&eacute;passement &eacute;num&eacute;r&eacute;es laissent ouvertes (ce n&rsquo;est pas n&eacute;cessairement un d&eacute;faut&nbsp;: ce peut &ecirc;tre une incitation &agrave; la r&eacute;flexion et &agrave; la discussion) deux questions. Premi&egrave;rement, si on ne se situa pas par rapport &agrave; la gauche et &agrave; la droite, o&ugrave; se place-t-on&nbsp;? Que vise-t-on&nbsp;? Deuxi&egrave;mement, que fait-on des probl&egrave;mes qui sont actuellement formul&eacute;s en termes de gauche ou droite, par exemple celui de la place du march&eacute;&nbsp;? En d&rsquo;autres termes, si Dorna nous explique </span><span style="font-family:'Times New Roman',serif; color:#ff0000;"><em>pourquoi</em></span><span style="color:#ff0000;"> il faut d&eacute;passer le clivage gauche / droite, il reste &agrave; dire pour quoi.</span></p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#0000ff;">AD&nbsp;: C&rsquo;est bien le fond de la divergence que ce dialogue ne doit pas masquer. La question du pour quoi se traduit en langage politique par un &laquo;&nbsp;contre qui&nbsp;&raquo;&nbsp;!&nbsp; Or, c&rsquo;est le discours d&eacute;magogique de Dupont et de Dupond. La droite dit &ecirc;tre contre le socialisme, bien que sans vouloir &ecirc;tre une mauvaise langue, je ne vois plus des socialistes. La gauche dit &ecirc;tre contre la droite&nbsp;! Mais, jamais une politique gouvernementale n&rsquo;a autant favoris&eacute; le d&eacute;veloppement du capital que pendant les gouvernements de &laquo;&nbsp;gauche&nbsp;&raquo; ces derni&egrave;res ann&eacute;es. Parall&egrave;lement, la droite fran&ccedil;aise ne se reconna&icirc;t pas elle-m&ecirc;me, jusqu&rsquo;au point de chercher ailleurs (USA) une justification de ses principes.. Ainsi, ni la gauche ni la droite ont une identit&eacute; claire. Tous baignent dans la plus grande ambigu&iuml;t&eacute;. Et, l&rsquo;histoire montre que justement c&rsquo;est au milieu de l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; que les machiav&eacute;liques font leur miel. Voil&agrave; le c&oelig;ur de l&rsquo;urgence d&rsquo;une clarification id&eacute;ologique. C&rsquo;est le sens premier de la volont&eacute; de d&eacute;passement. Ainsi, le pour quoi&nbsp; n&rsquo;est pas simplement le r&eacute;sultat d&rsquo;un diagnostic rationnel de la r&eacute;alit&eacute; socio-&eacute;conomique, mais l&rsquo;&eacute;valuation (encore confuse, voire trop compr&eacute;hensive) de la d&eacute;ception psychologique des masses, autant que de la d&eacute;composition morale des &eacute;lites (politiques et autres). Bref, le &laquo;&nbsp;pour quoi&nbsp;&raquo; est la partie volitive du &laquo;&nbsp;pourquoi&nbsp;&raquo;&nbsp;: c&rsquo;est la volont&eacute; de refonder la R&eacute;publique au sens le plus visc&eacute;ral du terme, afin que cesse la &laquo;&nbsp;gestion&nbsp;&raquo; de l&rsquo;&eacute;lite techno politique de droite et de gauche. Certes, le sentiment de &laquo;&nbsp;d&eacute;go&ucirc;t&nbsp;&raquo; est plus facile &agrave; exprimer qu&rsquo;un projet &nbsp;&laquo;&nbsp;correct&nbsp;&raquo; clef en main, suffisamment incolore et inodore pour rassurer les habitudes mentales d&rsquo;une technocratie politique et financi&egrave;re et d&rsquo;une couche des amateurs de rationalisme politique. &nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#0000ff;">Le discr&eacute;dit de la classe politique et le rejet des appareils ne sont pas l&rsquo;invention des Cassandre, mais le r&eacute;sultat banal de l&rsquo;impuissance des &laquo;&nbsp;majorit&eacute;s silencieuses&nbsp;&raquo;. La raison se trouve dans les m&eacute;canismes mis en place par un syst&egrave;me oligarchique d&rsquo;auto-reproduction gouvernementale et institutionnelle. D&rsquo;o&ugrave; le sentiment que nous sommes dans l&rsquo;attente de l&rsquo;&eacute;clatement d&rsquo;une bombe sociale &agrave; retardement. Par cons&eacute;quent, c&rsquo;est pour &eacute;viter le pire qu&rsquo;il faut d&eacute;passer les mentalit&eacute;s conformistes &agrave; droite et &agrave; gauche.</p> <h1 dir="ltr" id="heading5">III.- Que peut signifier &laquo;&nbsp;d&eacute;passer le clivage gauche / droite&nbsp;&raquo;&nbsp;?</h1> <p class="texte" dir="ltr">Benjamin Matalon (BM). La question est p&eacute;riodiquement pos&eacute;e, de diff&eacute;rentes mani&egrave;res. Mais remarquons d&rsquo;abord que s&rsquo;il y a depuis longtemps eu des politiciens et des citoyens s&rsquo;affirmant de gauche, il n&rsquo;y a que trois ou quatre d&eacute;cennies au plus qu&rsquo;on s&rsquo;affirme de droite, ce qui, auparavant, justifiait la remarque d&rsquo;Alain. On se disait mod&eacute;r&eacute;, national, parfois centriste, parfois m&ecirc;me de gauche comme, au d&eacute;but de la Troisi&egrave;me R&eacute;publique des r&eacute;publicains conservateurs qui voulaient se d&eacute;marquer des monarchistes. Giscard affirmait que la France veut &ecirc;tre gouvern&eacute;e au centre<a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a>. En France, personne ne s&rsquo;est dit conservateur, comme en Grande-Bretagne.</p> <p class="texte" dir="ltr">Paradoxalement, c&rsquo;est au moment o&ugrave; la droite s&rsquo;affirme comme telle que ressurgit l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il fut d&eacute;pass&eacute; cette opposition.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span style="color:#ff0000;">Alexandre Dorna (AD)&nbsp;: il est vrai que le terme &laquo;&nbsp;conservateur&nbsp;&raquo; a disparu des epitetes et auto-classifications, mais pour prendre un nouveau habit&nbsp;: droite liberale. &nbsp;Mais, en fait, o&ugrave; tu veux en venir&nbsp;? </span></p> <p class="texte" dir="ltr">Mais ce qu&rsquo;on entend par l&agrave; n&rsquo;est pas clair, ou, plus exactement, ceux qui le pr&eacute;conisent ne veulent pas tous dire la m&ecirc;me chose. Examinons diff&eacute;rents sens possibles de cette injonction. Ils sont nombreux.</p> <p class="texte" dir="ltr">-Les centristes ne nient pas la pertinence de la distinction gauche / droite, mais voudraient prendre des id&eacute;es des deux c&ocirc;t&eacute;s, en excluant les id&eacute;es extr&ecirc;mes. C&rsquo;est le cas des lib&eacute;raux-d&eacute;mocrates anglais, que le syst&egrave;me &eacute;lectoral exclut du pouvoir. &nbsp;Mais dans d&rsquo;autres pays, ils s&rsquo;allient tant&ocirc;t &agrave; la gauche, tant&ocirc;t &agrave; la droite, selon leur int&eacute;r&ecirc;t. C&rsquo;est le cas en Allemagne avec les lib&eacute;raux, et en Italie. En France, ils se sont toujours alli&eacute;s &agrave; la droite, de fa&ccedil;on plus ou moins critique, et n&rsquo;ont jamais conclu d&rsquo;alliance avec la gauche, peut-&ecirc;tre rejet&eacute;s par celle-ci. On ne peut pas pr&eacute;tendre que le centrisme d&eacute;passe le clivage gauche / droite, il se situe au centre de la m&ecirc;me dimension. Il faut mettre &agrave; part le cas du gaullisme, qui a lui aussi pris des &eacute;l&eacute;ments de programme de la droite et des le gauche, mais sans la volont&eacute; de mod&eacute;ration qui caract&eacute;rise le centrisme.</p> <p class="texte" dir="ltr">-Une des mani&egrave;res de d&eacute;passer la droite et la gauche est d&rsquo;insister sur une unit&eacute; ou une valeur sup&eacute;rieures, plus importantes que cette distinction. Ainsi, certains nationalistes ont voulu d&eacute;passer cette opposition, pr&eacute;cis&eacute;ment parce que c&rsquo;est une opposition, qui doit s&rsquo;effacer, comme toutes les autres, devant l&rsquo;unit&eacute; de la nation et le n&eacute;cessit&eacute; de la d&eacute;fendre. Un des slogans de Le Pen a &eacute;t&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ni droite, ni gauche, Fran&ccedil;ais&nbsp;!&nbsp;&raquo;, ce qui ne l&rsquo;a d&rsquo;ailleurs emp&ecirc;ch&eacute; &agrave; d&rsquo;autres moments de se dire &laquo;&nbsp;droite nationale&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: vu la finesse descriptive de l&rsquo;analyse, je ne crois pas qu&rsquo;il soit permis de glisser sur une telle amalgame. On peut &ecirc;tre patriote sans &ecirc;tre fasciste. L&rsquo;histoire l&rsquo;a prouv&eacute; &agrave; plusieurs reprises. Que dire alors de l&rsquo;amalgame national et socialiste&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">-Dans d&rsquo;autres cas, sans nier cette opposition, on se r&eacute;f&egrave;re &agrave; des valeurs suppos&eacute;es communes, par exemple les Droits de l&rsquo;Homme. Certaines organisations qui ont pour but de les d&eacute;fendre ne nient pas la r&eacute;alit&eacute; ni l&rsquo;importance de cette distinction, mais s&rsquo;en veulent ind&eacute;pendantes et se situer &agrave; un autre niveau. Elles &nbsp;affirment alors que des personnes par ailleurs engag&eacute;es &agrave; gauche comme &agrave; droite peuvent agir avec elles.</p> <p class="texte" dir="ltr">-Il faut aussi tenir compte du fait que, quel que soit le contenu qu&rsquo;on donne &agrave; la dimension gauche / droite, elle est loin d&rsquo;&ecirc;tre la seule qui structure le champ des attitudes politiques.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: d&rsquo;accord, mais le clivage &agrave; cela de f&acirc;cheux&nbsp;: il se veut globalisant. Et autant la gauche que la droite le veut ainsi, bien que force est de constater que cette derni&egrave;re se montre dans des moments graves moins rigide id&eacute;ologiquement. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">Il est facile de voir la r&eacute;alit&eacute; de ces autres attitudes dans les clivages qui traversent tous les partis en principe construits en fonction d&rsquo;elle. Il est classique d&rsquo;y ajouter l&rsquo;axe lib&eacute;ralisme / autoritarisme, on peut aussi &eacute;voquer la valorisation de l&rsquo;unit&eacute; ou de la diversit&eacute;, qui recouvre &agrave; peu pr&egrave;s la dimension relativisme / universalisme. D&eacute;passer le clivage gauche / droite peut consister &agrave; se pr&eacute;occuper principalement de d&eacute;fendre des positions li&eacute;es &agrave; un point sur un de ces autres axes, par exemple le r&eacute;gionalisme, ou &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; la supra-nationalit&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: je ne suis pas si s&ucirc;r de cela. Le r&eacute;gionalisme ne me semble plus s&rsquo;opposer &agrave; la supranationalit&eacute;. Voir les positions des &eacute;cologistes pro-europ&eacute;ens, notamment Cohn-Bendit. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">-Les anarchistes ont eux aussi pr&eacute;tendu se situer en &nbsp;dehors aussi bien de la gauche que de la droite&nbsp;? en fait, il refusent un jeu politique qui vise &agrave; s&rsquo;emparer de l&rsquo;&eacute;tat, alors que ce qu&rsquo;il veulent, c&rsquo;est la faire dispara&icirc;tre. M&eacute;prisant la d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative au nom d&rsquo;une d&eacute;mocratie directe, ils ne veulent rien avoir &agrave; faire avec des partis qui participent &agrave; une comp&eacute;tition &eacute;lectorale. Mais par leur refus de la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e et leur participation aux syndicats, ils sont per&ccedil;us comme une composante de la gauche, d&rsquo;o&ugrave; leur acharnement &agrave; s&rsquo;en d&eacute;marquer et leur hostilit&eacute; permanente &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des socialistes et dans une moindre mesure, des communistes.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;; Sur l&rsquo;anarchisme, je mettrais plusieurs b&eacute;mols. Certes, il est contre le clivage droite gauche, contre la d&eacute;mocratie &laquo;&nbsp;repr&eacute;sentative&nbsp;&raquo; et contre l&rsquo;Etat (n&rsquo;emporte lequel), mais dans sa version &laquo;&nbsp;pastorale&nbsp;&raquo; le terme &laquo;&nbsp;contre&nbsp;&raquo; se traduit par un &laquo;&nbsp;&agrave; c&ocirc;t&eacute; de&hellip;&nbsp;&raquo;. Et, effectivement de ce point de vue les &laquo;&nbsp;appareils&nbsp;&raquo; (principe autoritaire) de gauche ou de droite sont &nbsp;per&ccedil;us comme des les &laquo;&nbsp;Dupont-Dupont&nbsp;&raquo; de la politique.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">&nbsp;Ce qui explique leur implantation syndicale et leur m&eacute;fiance &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de tous les partis &laquo;&nbsp;parlementaristes&nbsp;&raquo;. Sauf, que les anarchistes restent sur des positions (partag&eacute;es jusqu&rsquo;&agrave; une certaine &eacute;poque par socialistes et communistes) qui affirment un projet de soci&eacute;t&eacute; alternative&nbsp;&eacute;galitaire: sans gouvernement ( a-narchie) de classe. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">-Enfin, on peut nier la pertinence de la distinction en affirmant que les politiques men&eacute;es en fait par les gouvernants des deux bords ne diff&egrave;rent que peu ou pas du tout. Il faut remarquer que ce point de vue est soutenu par des d&eacute;&ccedil;us de la gauche, jamais par des personnes originellement de droite. En fait, c&rsquo;est une critique de gauche adress&eacute;e &agrave; la gauche de gouvernement, &agrave; qui ils reprochent de pactiser avec le lib&eacute;ralisme. Constatant sa &laquo;&nbsp;trahison&nbsp;&raquo;, plut&ocirc;t que de d&eacute;river vers l&rsquo;extr&ecirc;me-gauche, ils cherchent autre chose, peut-&ecirc;tre parce qu&rsquo;ils ne voient pas ce que leurs repr&eacute;sentants au gouvernement pourraient faire d&rsquo;autre en restant dans le m&ecirc;me cadre.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">AD&nbsp;: c&rsquo;est une interpr&eacute;tation que les faits ont tendance &agrave; contradire. Il y a aussi une critique de droite. Deux points&nbsp;&agrave; ce sujet:</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">a) Il y a depuis plusieurs ann&eacute;es &agrave; droite une r&eacute;action contre le n&eacute;o-lib&eacute;ralisme ( gaullistes de gauche, et souverainistes)&nbsp;;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">b) que certains critiques de gauche se fondent sur le &laquo;&nbsp;pacte&nbsp;&raquo; de l&rsquo;id&eacute;e sociale avec le lib&eacute;ralisme est une &eacute;vidence. Or, il n&rsquo;y a pas que cela. Au fond, c&rsquo;est une sensibilit&eacute; plus grande &agrave; propos du diagnostic de la crise de la soci&eacute;t&eacute; contemporan&eacute;it&eacute;&nbsp;avec deux versions&nbsp;: la pessimiste qui pense que nous allons droit au mur&nbsp;; l&rsquo;autre volontariste qui voit dans l&rsquo;&eacute;clatement une mani&egrave;re de reprendre les fondements r&eacute;publicains pour proc&eacute;der au d&eacute;passement des clivages g&eacute;r&eacute;s par les &eacute;lites politiques. Et l&agrave;, il ne s&rsquo;agit pas de &laquo;&nbsp;rester dans le m&ecirc;me cadre&nbsp;&raquo; &nbsp;&nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">Enfin, je pense &agrave; ce moment du dialogue que peut-&ecirc;tre nous sommes en train de discuter de choses diff&eacute;rentes. Voil&agrave; que nous devrions red&eacute;finir l&rsquo;enjeu de la controverse&nbsp;: s&rsquo;agit-il de l&rsquo;existence ou pas d&rsquo;un gauche ou d&rsquo;une droite&nbsp;? Ou plut&ocirc;t d&rsquo;un besoin de d&eacute;passement du clivage droite-gauche&nbsp;? Certes, une question risque de se trouver embo&icirc;t&eacute;e dans l&rsquo;autre. Ainsi, je repose les premisses de mon argumentation dans les termes suivantes&nbsp;: c&rsquo;est un truisme d&rsquo;affirmer que la gauche et la droite existent id&eacute;ologiquement et historiquement. Aussi que pour les &laquo;&nbsp;&eacute;lecteurs&nbsp;&raquo; la gauche et la droite ne sont pas la m&ecirc;me chose (quoique depuis 10 ans les sondages semblent l&rsquo;affirmer) puisqu&rsquo;ils votent pour les ans et pour les autres. Certes, le vote est plus volatil.</p> <p class="texte" dir="ltr" style="color:#ff0000;">Peu importe. La question par laquelle je commence est grosso modo un &nbsp;constat empirique&nbsp;: ni la gauche ni la droite actuelle correspondent &agrave; l&rsquo;id&eacute;e historique qui les a fond&eacute;e id&eacute;ologiquement au 19eme si&egrave;cle. Le pragmatisme des uns et des autres a brouill&eacute; les pistes du vrai clivage. Et si la vision de la politique &eacute;conomique est devenu tr&egrave;s semblable, c&rsquo;est parce que les id&eacute;es oppos&eacute;es d&rsquo;origine (conservatrices pour la droite, progressistes pour la gauche) se retrouvent aujourd&rsquo;hui entre parenth&egrave;se, voire une convergence. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;absence de debat id&eacute;ologique de fond et l&rsquo;installation progressive d&rsquo;un dialogue marqu&eacute; par les observations techniques sous la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un faux r&eacute;publicanisme et &agrave; la bonne parole d&eacute;mocratique. C&rsquo;est dans ce terrain o&ugrave; l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; r&egrave;gne que le besoin de d&eacute;passement de la pens&eacute;e unique s&rsquo;impose comme une alternative. &nbsp;&nbsp;</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> &nbsp;Pour certains, &agrave; droite, la soci&eacute;t&eacute; telle qu&rsquo;elle est ne r&eacute;alise pas compl&egrave;tement cet ordre, il faut donc lutter pour l&rsquo;&eacute;tablir. C&rsquo;est pourquoi on peut &ecirc;tre de droite et se dire sinc&egrave;rement r&eacute;formiste ou m&ecirc;me r&eacute;volutionnaire.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> &nbsp;Il est significatif que le Parti Communiste Italien, lorsqu&rsquo;il a d&eacute;cid&eacute; de se transformer, non seulement n&rsquo;a pas conserv&eacute; l&rsquo;&eacute;tiquette communiste, mais n&rsquo;a pas adopt&eacute; les d&eacute;nominations socialiste ou social-d&eacute;mocrate, pour s&rsquo;appeler simplement D&eacute;mocrates de Gauche. D&eacute;mission ou repli sur l&rsquo;essentiel&nbsp;?</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> &nbsp;Il faut reconna&icirc;tre que c&rsquo;est la LCR qui a &eacute;t&eacute; la premi&egrave;re, &agrave; gauche, &agrave; comprendre l&rsquo;importance de ces nouveaux mouvements, mais quitte &agrave; soutenir n&rsquo;importe quoi qui semble protestataire.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> &nbsp;Au d&eacute;but de son septennat, Giscard a en effet, en dehors du champ &eacute;conomique, pris des positions qu&rsquo;on peut consid&eacute;rer de gauche&nbsp;: loi sur l&rsquo;avortement (qui n&rsquo;est pass&eacute;e qu&rsquo;avec les voix de la gauche), majorit&eacute; &agrave; 18 ans, quasi-suppression de la censure, coll&egrave;ge unique&hellip; Il a choqu&eacute; ses partisans en serrant la main d&rsquo;un d&eacute;tenu lors de la visite d&rsquo;une prison. &nbsp;Mais il a vite &eacute;t&eacute; rappel&eacute; &agrave; l&rsquo;ordre par son &eacute;lectorat.</p>