<p class="texte" dir="ltr"><em>La Soci&eacute;t&eacute; d&eacute;fensive</em>, ouvrage apparemment simple et doux, entra&icirc;ne&nbsp; lentement le lecteur dans l&#39;&oelig;il du cyclone de la crise de l&#39;homme moderne. Rien (ou presque) ne rappelle que M. Monroy est psychiatre. Et si les id&eacute;es coulent de source et que l&#39;expos&eacute; est clair, ici et l&agrave;, les &eacute;l&eacute;ments psychologiques se cumulent pour faire place &agrave; un diagnostic redoutable sur le syndrome de l&#39;inqui&eacute;tude-panique et de la grande peur subjective de la societ&eacute; occidentale et son corollaire inavouable&nbsp;: la recherche d&#39;un bouc &eacute;missaire.</p> <p class="texte" dir="ltr">Ce constat rejoint d&#39;autres approches&nbsp;: la &quot;soci&eacute;t&eacute; du risque&quot; d&#39;U. Beck, la soci&eacute;t&eacute; vuln&eacute;rable de J. Theys et &quot;l&#39;archipel du danger&quot; de Kerven et Rubise. Mais ce qui caract&eacute;rise la r&eacute;flexion de Monroy est la tentative de saisir la subtile r&eacute;alit&eacute; d&#39;une soci&eacute;t&eacute; dont la charge psychologique p&egrave;se de plus en plus sur la d&eacute;marche d&eacute;fensive des individus en d&eacute;perdition de liens.&nbsp;&nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">En effet, il y a d&#39;un c&ocirc;t&eacute; le retour au manich&eacute;isme, et de l&#39;autre la m&eacute;fiance visc&eacute;rale de l&#39;inconnu. Ainsi le &quot;dedans&quot; menac&eacute; fait-il du &quot;dehors&quot; mena&ccedil;ant une maladie affective avec un ingr&eacute;dient fort nouveau par rapport &agrave; d&#39;autres p&eacute;riodes historiques o&ugrave; la menace a rendu l&rsquo;homme vuln&eacute;rable &agrave; ses propres exc&egrave;s&nbsp;; aujourd&#39;hui, la menace condamne au silence. L&agrave; se trouve &quot;l&#39;effet d&#39;impasse&quot;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le monde construit par les hommes se montre plein de menaces diffuses. Comment ne pas s&#39;inqui&eacute;ter de l&#39;avenir de l&#39;homme et de la plan&egrave;te avec les d&eacute;chets radioactifs, ou de la mont&eacute;e d&#39;un terrorisme qui montre un visage pervers, et de la nourriture sur laquelle les manipulations g&eacute;n&eacute;tiques font peser un doute. Force est de constater que l&#39;imbrication de ces menaces augmente l&#39;impression de boule de neige et le sentiment d&#39;&ecirc;tre accul&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Tout est devenu plus complexe. Et c&rsquo;est l&#39;inconnu de cette complexit&eacute;, tellement examin&eacute;e et m&ecirc;me c&eacute;l&eacute;br&eacute;e par les scientifiques, qui sert de relais &agrave; l&#39;inconnu ancestral de la pens&eacute;e sp&eacute;culative et aux cercles myst&eacute;rieux des hypoth&egrave;ses virtuelles.&nbsp;&nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">C&#39;est l&agrave; que les querelles d&#39;experts, m&eacute;lange inqui&eacute;tant de z&egrave;le t&acirc;tillon et de fuite politique devant les responsabilit&eacute;s, d&eacute;veloppent le besoin d&eacute;fensif de se couvrir &agrave; tout prix avec un syst&egrave;me de normes et de r&egrave;gles juridiques.</p> <p class="texte" dir="ltr">Enjeux d&eacute;fensifs o&ugrave; tout est dangereux. &Eacute;tat d&#39;urgence permanent. Attitude d&#39;isolement vis &agrave; vis de soi-m&ecirc;me. Programmes de pr&eacute;vention devant des risques r&eacute;els et virtuels; d&#39;intrusion et d&#39;envahissement, dont les choix rationnels s&#39;av&egrave;rent de plus en plus &quot;complexes&quot;, tant la lourde r&eacute;alit&eacute; financi&egrave;re s&#39;impose.</p> <p class="texte" dir="ltr">Comment pr&eacute;voir la vuln&eacute;rabilit&eacute; &agrave; des situations elles-m&ecirc;mes impr&eacute;visibles&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;erreur hante la soci&eacute;t&eacute; d&eacute;fensive, peupl&eacute;e d&#39;experts de tout poil, dont le facteur humain r&eacute;siste &agrave; contre c&oelig;ur aux &eacute;valuations.</p> <p class="texte" dir="ltr">Les menaces objectives ne sont que la partie visible des chocs ressentis subjectivement. Elles sont l&agrave; depuis l&#39;aube du temps humain, mais ce que les amplifie et les transforme en sentiment aigu d&#39;un risque majeur est la distance entre la perception de vuln&eacute;rabilit&eacute; (s&eacute;lective, sociale et construite) et la r&eacute;alit&eacute; quotidienne. Bref, toutes les craintes ne sont pas quantifiables, et les menaces imaginaires ont un effet sur la vie sociale encore plus grand. Et, si la psychologie individuelle ne suffit pas, semble nous dire M. Monroy, pour expliquer les attitudes d&eacute;fensives, la psychologie collective non plus.</p> <p class="texte" dir="ltr">C&#39;est alors que la d&eacute;ambulation sereine de M. Monroy s&#39;approche, tranquillement, de la probl&eacute;matique de la psychologie politique. L&#39;auteur nous d&eacute;crit deux contextes&nbsp;: le Front national, et le conflit USA-Irak. Il ressort du premier que la focalisation des menaces ressenties par les partisans du F.N. (ind&eacute;pendemment de l&#39;id&eacute;ologie sous-jacente) se focalise sur l&#39;immigration. C&#39;est le syndrome du bouc &eacute;missaire. Avec les phantasmes de l&#39;&eacute;clatement de l&#39;identit&eacute; (individuelle) nationale. Le repli identitaire est caract&eacute;ristique des groupes sectaires, dont la m&eacute;fiance d&eacute;fensive depasse la r&eacute;alit&eacute; mena&ccedil;ante. D&#39;autre part, les menaces bellicistes et celle du fanatisme religieux avec leurs l&eacute;gions de certitudes mena&ccedil;antes se sont install&eacute;es dans la r&eacute;alit&eacute; quotidienne et l&#39;imaginaire du monde. Bush et Ben Laden, chacun dans son r&ocirc;le et avec chacun sa conviction, se r&eacute;clament d&#39;une farouche volont&eacute; de puissance. L&#39;attaque est devenue une nouvelle fois la meilleure d&eacute;fense et, comme dans l&#39;Ancien Testament, la devise est: dent pour dent et oeil pour oeil.</p> <p class="texte" dir="ltr">Les oscillations entre un sentiment maximal de menace et l&#39;id&eacute;e d&#39;une minimisation du danger, sont en train de rendre les d&eacute;cisions politiques fort difficiles, voire inconsistantes. Car la menace ressentie provoque une perte potentielle de la ma&icirc;trise de la situation, sous la pression d&#39;un amalgame d&eacute;fensif int&eacute;grale&nbsp;: l&#39;homme invuln&eacute;rable &agrave; l&#39;abri de tous les dangers. Crise de civilisation donc&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr" style="font-family:Times,serif;"><strong>A.D.</strong></p>