<p class="texte" dir="ltr">La red&eacute;couverte de l&#39;Antiquit&eacute; effectu&eacute;e par la Renaissance a eu un impact d&eacute;cisif sur l&rsquo;&eacute;laboration de la politique moderne, d&egrave;s la fin du XV<sup>e</sup> si&egrave;cle. Des Discours sur la premi&egrave;re d&eacute;cade de Tite-Live de Machiavel &agrave; la vogue antiquisante de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise, l&rsquo;Antiquit&eacute; constitue une r&eacute;f&eacute;rence r&eacute;currente en mati&egrave;re politique&nbsp;&ndash; mais cette constante pr&eacute;sente diff&eacute;rents visages selon les contextes et surtout les m&eacute;diations &agrave; travers lesquelles elle est appr&eacute;hend&eacute;e.</p> <p class="texte" dir="ltr">En effet, la repr&eacute;sentation de l&rsquo;Antiquit&eacute; s&rsquo;av&egrave;re instable, car la connaissance que l&rsquo;on en a, aujourd&rsquo;hui comme &agrave; l&rsquo;&eacute;poque moderne, est principalement indirecte, et par d&eacute;finition fragmentaire. Elle conna&icirc;t des variations consid&eacute;rables selon les sources consid&eacute;r&eacute;es&nbsp;&ndash; parfois arch&eacute;ologiques, pour l&rsquo;essentiel textuelles, qu&rsquo;elles soient litt&eacute;raires, historiques ou juridiques. Comment ces diff&eacute;rentes sources sont-elles convoqu&eacute;es&nbsp;? Selon les sources et la perspective adopt&eacute;e, l&rsquo;Antiquit&eacute; permet de penser diff&eacute;rents aspects du politique. C&rsquo;est l&rsquo;&eacute;laboration m&ecirc;me de ce statut complexe que nous souhaiterions &eacute;clairer en examinant le r&ocirc;le, capital, que jouent les diff&eacute;rentes m&eacute;diations par lesquelles s&rsquo;ouvre l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;histoire et aux textes antiques&nbsp;: &eacute;ditions, traductions, citations, transmission indirecte &agrave; travers d&rsquo;autres &oelig;uvres. Ces m&eacute;diations ne vont pas de soi&nbsp;: ainsi, c&#39;est le plus souvent &agrave; travers les &eacute;ditions &eacute;tablies par les humanistes de la Renaissance que les &eacute;crivains politiques des XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles lisent les textes de l&rsquo;Antiquit&eacute;. Certaines notions historiques antiques, par ailleurs, sont essentiellement connues par le biais de relectures et de r&eacute;interpr&eacute;tations modernes&nbsp;&ndash; ainsi, les XVII<sup>e</sup> et le XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles connaissent la th&eacute;orie polybienne de la constitution mixte et de l&rsquo;anakukl&ocirc;sis autant par le biais des relectures qu&rsquo;en a faites l&rsquo;humanisme civique du XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle que par une lecture directe du texte d&rsquo;origine. Il faut &eacute;galement examiner ce qui est consid&eacute;r&eacute; comme une source politique &agrave; l&#39;&eacute;poque moderne&nbsp;: si les sommes de Platon et d&rsquo;Aristote constituent une r&eacute;f&eacute;rence majeure, l&rsquo;&oelig;uvre de Plutarque, aussi bien les Vies parall&egrave;les que les &OElig;uvres morales, est abondamment cit&eacute;e dans plusieurs &eacute;crits politiques au cours de la p&eacute;riode &eacute;tudi&eacute;e.</p> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;appropriation de l&rsquo;h&eacute;ritage politique antique ne se limite cependant pas &agrave; la reprise de th&egrave;mes, d&rsquo;exemples ou de notions&nbsp;: elle se manifeste &eacute;galement dans la pratique. Souvent, les r&eacute;f&eacute;rences antiques servent de catalyseur pour penser de nouvelles formes concr&egrave;tes de la politique, ou d&rsquo;instrument &agrave; l&rsquo;aune duquel mesurer la solidit&eacute; des institutions existantes. Les figures de l&rsquo;histoire antique sont &eacute;rig&eacute;es en exemples ou en repoussoirs, passant parfois de l&rsquo;un &agrave; l&rsquo;autre statut (ainsi, la figure de Tib&egrave;re fait l&#39;objet d&#39;une r&eacute;appropriation complexe au XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle). C&rsquo;est &eacute;galement &agrave; partir de notions emprunt&eacute;es &agrave; l&rsquo;Antiquit&eacute; (au premier chef celle de &laquo;&nbsp;cit&eacute;&nbsp;&raquo;) que s&rsquo;&eacute;labore l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;&Eacute;tat moderne. R&eacute;fl&eacute;chir sur l&rsquo;appropriation politique de l&rsquo;h&eacute;ritage antique &agrave; l&rsquo;&eacute;poque moderne, c&rsquo;est donc aussi, bien souvent, &eacute;clairer le rapport entre th&eacute;orie et pratique politique&nbsp;: le retour &agrave; l&rsquo;Antiquit&eacute; correspond-il toujours &agrave; l&rsquo;intention d&rsquo;influer sur la pratique politique, comme c&rsquo;est le cas chez Machiavel&nbsp;? Comment le pouvoir peut-il mobiliser telle ou telle r&eacute;f&eacute;rence antique comme support de l&eacute;gitimation&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;h&eacute;ritage antique s&rsquo;av&egrave;re prot&eacute;iforme &eacute;galement dans la forme m&ecirc;me &agrave; travers laquelle il est appr&eacute;hend&eacute;. La forme d&rsquo;&eacute;criture choisie conditionne la repr&eacute;sentation politique de l&rsquo;Antiquit&eacute;, qui varie selon qu&rsquo;elle se d&eacute;ploie dans un discours politique, un trait&eacute; juridique, un essai, ou diverses formes litt&eacute;raires (en particulier les textes dramatiques). Ces formes connaissent des succ&egrave;s divers au fil du temps&nbsp;: d&#39;anciennes retrouvent un nouveau souffle &agrave; l&#39;&eacute;poque moderne&nbsp;&ndash; comme, par exemple, le dialogue platonicien au XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;&ndash;, de nouvelles font leur apparition et connaissent une vogue qui leur est toute particuli&egrave;re&nbsp;&ndash; comme les &laquo;&nbsp;miroirs du prince&nbsp;&raquo; du d&eacute;but du XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle. Outre la question de l&rsquo;ad&eacute;quation d&rsquo;une forme &agrave; une r&eacute;flexion d&rsquo;ordre politique (y a-t-il des formes plus fondamentalement et essentiellement politiques, donc plus aptes &agrave; penser le politique, que d&#39;autres&nbsp;?), cette &eacute;volution nous am&egrave;ne &agrave; nous interroger sur leur inscription dans le temps&nbsp;: le contexte historique suffit-il pour expliquer l&rsquo;emprunt &agrave; l&rsquo;Antiquit&eacute; de certaines formes plut&ocirc;t que d&rsquo;autres&nbsp;? L&rsquo;Antiquit&eacute; est-elle plus pr&eacute;sente dans certaines formes que dans d&rsquo;autres&nbsp;?</p>