<p><strong>VARIA</strong></p> <p><strong>SOMMAIRE</strong></p> <p><strong>1. D&rsquo;Epim&eacute;th&eacute;e &agrave; Prom&eacute;th&eacute;e&nbsp;: n&eacute;ot&eacute;nie et technique</strong></p> <p><strong>2. Des humains sans conscience de la &laquo;&nbsp;supr&eacute;matie&nbsp;&raquo; technique. Avec Cosandey</strong></p> <p><strong>3. L&rsquo;homme f&eacute;ru de fins et l&rsquo;ali&eacute;nation technique&nbsp;: du Golem au &laquo;&nbsp;robot&nbsp;&raquo;</strong></p> <p><strong>4. L&rsquo;homme pl&eacute;onexe&nbsp;: l&rsquo;exacerbation &laquo;&nbsp;&eacute;conomie, science, technique&nbsp;&raquo; sans &eacute;thique</strong></p> <p><strong>5. N&eacute;ot&eacute;nie et m&eacute;dialit&eacute;&nbsp;; &eacute;thique et infini. Poincar&eacute;, Simondon, Levinas, Agamben</strong></p> <h1 dir="ltr" id="heading1">1. D&rsquo;Epim&eacute;th&eacute;e &agrave; Prom&eacute;th&eacute;e&nbsp;: n&eacute;ot&eacute;nie et technique</h1> <p class="texte" dir="ltr">La pr&eacute;sentation mythique de la &laquo;&nbsp;n&eacute;ot&eacute;nie&nbsp;&raquo; est chez Platon. Elle est d&eacute;j&agrave; li&eacute;e &agrave; la technique. Epim&eacute;th&eacute;e a cr&eacute;&eacute; l&rsquo;humain en oubliant de lui donner les moyens de sa survie. Prom&eacute;th&eacute;e va r&eacute;parer cet oubli. Volant le feu aux Dieux, il le donne aux hommes. Tout un univers technique se profile. Les humains &eacute;chappent aux menaces animales. Autour d&rsquo;un &laquo;&nbsp;foyer&nbsp;&raquo; ils inventent la vie commune et ses lois. Gr&acirc;ce au feu, ils fabriquent les ustensiles de la vie quotidienne (le four du potier) et, dans la forge, les outils pour exploiter la nature et les armes pour se d&eacute;fendre. Nous f&ecirc;tons le 130<sup>e</sup> anniversaire du nom savant qu&rsquo;en 1884, J. Kollman donne de la &laquo;&nbsp;bourde&nbsp;&raquo; d&rsquo;Epim&eacute;th&eacute;e&nbsp;: la &laquo;&nbsp;n&eacute;ot&eacute;nie&nbsp;&raquo; (juv&eacute;nilit&eacute; maintenue). &laquo;&nbsp;<em>Connais-toi toi-m&ecirc;me et tu conna&icirc;tras l&rsquo;univers et les dieux&nbsp;&raquo;</em>, l&rsquo;injonction grecque se renouvelle. Elle conduit &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre de L. Bolk (1926), traduite par F. Gantheret et G. Lapassade (1961)&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Le</em> <em>Probl&egrave;me de la gen&egrave;se humaine&nbsp;</em>&raquo;. La n&eacute;ot&eacute;nie devient une r&eacute;f&eacute;rence constance de la recherche. En 1963, A. Gehlen&nbsp;; en 1970, Konrad Lorenz&nbsp;; en 1997, Jay Gould&nbsp;; en 2002&nbsp;: Agamben et Chapouthier&nbsp;; en 2010&nbsp;: Van Lier&nbsp;; en 2012&nbsp;: Besnier, Changeux&nbsp;; et Dufour (2012, apr&egrave;s 1997). On y revient ci-apr&egrave;s 3. Mais aussi, d&egrave;s les ann&eacute;es soixante, G. Simondon (1989, 2012) passe de n&eacute;ot&eacute;nie &agrave; &laquo;&nbsp;n&eacute;ot&eacute;nisation&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il associe &agrave; &laquo;&nbsp;m&eacute;tastabilit&eacute;&nbsp;&raquo; d&eacute;j&agrave; en cristallographie, puis &agrave; &laquo;&nbsp;individuation&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;physico-biologique&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;psychique et collective&nbsp;&raquo;) et &agrave; &laquo;&nbsp;disponibilit&eacute;&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;appuie sur ces concepts pour, dans une synth&egrave;se originale et rigoureuse, rendre ins&eacute;parables&nbsp;: Nature, Technique, Ethique. Nous esquissons cette vision complexe et profonde ci-apr&egrave;s 5.</p> <h1 dir="ltr" id="heading2">2. Des humains sans conscience de la &laquo;&nbsp;supr&eacute;matie&nbsp;&raquo; technique. Avec Cosandey</h1> <p class="texte" dir="ltr">Dans sa th&eacute;orie g&eacute;n&eacute;rale du progr&egrave;s scientifique et technique, Cosandey (2007) indique la source historique de celui-ci. Elle jaillit quand, dans tel lieu et &agrave; telle &eacute;poque, se constitue &laquo;&nbsp;un syst&egrave;me stable d&rsquo;Etats divis&eacute;s, rivaux et prosp&egrave;res&nbsp;&raquo;&nbsp;: c&rsquo;est la &laquo;&nbsp;formule magique&nbsp;&raquo;. En se poursuivant, leur rivalit&eacute; stimulante conditionne la gen&egrave;se et le d&eacute;veloppement de ce qu&rsquo;il identifie comme une &laquo;&nbsp;structure professionnelle&nbsp;&raquo; de chercheurs et d&rsquo;inventeurs. A l&rsquo;oppos&eacute;, un chaos &eacute;conomique et politique, ou un &laquo;&nbsp;Etat Universel&nbsp;&raquo; autoritaire, tarissent le progr&egrave;s scientifique. Dans son histoire plan&eacute;taire globale, Cosandey met en &eacute;vidence, entre autres, les deux grandes p&eacute;riodes -&nbsp;hell&egrave;ne et hell&eacute;nistique&nbsp;- qui, d&rsquo;Ath&egrave;nes &agrave; Alexandrie, par del&agrave; l&rsquo;empire d&rsquo;Alexandre, sont &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;une incroyable f&eacute;condit&eacute; scientifique et technique. En fort contraste, le premier mill&eacute;naire europ&eacute;en apr&egrave;s J.-C. pr&eacute;sente les deux figures st&eacute;rilisantes&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;Etat universel&nbsp;&raquo; (l&rsquo;Empire romain) et &laquo;&nbsp;le chaos politique&nbsp;&raquo; (les royaumes barbares). Le d&eacute;clin des sciences et des techniques y est devenu tel qu&rsquo;il conduisit m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;expression toutefois trop p&eacute;jorative de &laquo;&nbsp;Nuit du Moyen Age&nbsp;&raquo;. A titre d&rsquo;exemples, constatons l&rsquo;indiff&eacute;rence &agrave; trois ressources techniques majeures appuy&eacute;es sur trois forces naturelles&nbsp;: le vent, la vapeur, l&rsquo;eau. Au 1<sup>er</sup> si&egrave;cle, pour H&eacute;ron d&rsquo;Alexandrie, pourtant grand inventeur, la curiosit&eacute; et le divertissement l&rsquo;emportent sur l&rsquo;utilit&eacute; quotidienne. C&rsquo;est &agrave; travers un orgue &agrave; musique qu&rsquo;il invente &laquo;&nbsp;le moulin &agrave; vent&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est avec l&rsquo;&eacute;olipyle, amusant tourniquet &agrave; l&rsquo;invocation d&rsquo;Eole, dieu des vents, qu&rsquo;il met en &eacute;vidence la force de la vapeur qui le fait tourner. A son &eacute;poque, le moulin &agrave; eau est connu. Pourtant les quelques exemplaires en marche ne suscitent pas son d&eacute;veloppement. Les forces animales et humaines s&rsquo;imposent. L&rsquo;empereur Caligula, vainqueur en Gaule, veut transporter son butin et r&eacute;quisitionne les &acirc;nes de Rome. Or, ils font tourner les meules&nbsp;: Rome est sans farine et sans pain. Vespasien, recevant l&rsquo;inventeur d&rsquo;un habile et peu couteux transport de lourdes colonnes, le r&eacute;compense mais d&eacute;daigne l&rsquo;invention. Tib&egrave;re, recevant l&rsquo;inventeur d&rsquo;un verre incassable s&rsquo;assure qu&rsquo;il n&rsquo;en a rien dit et le fait ex&eacute;cuter. Pline l&rsquo;Ancien rapporte qu&rsquo;une moissonneuse, invent&eacute;e au 1<sup>er</sup> si&egrave;cle dans le nord de la Gaule, ne se diffusa pas. Sa grande ing&eacute;niosit&eacute; suscita encore au 19<sup>e</sup> si&egrave;cle une descendante qui fit une incroyable carri&egrave;re en Australie.</p> <h1 dir="ltr" id="heading3">3. L&rsquo;homme f&eacute;ru de fins et l&rsquo;ali&eacute;nation technique&nbsp;: du Golem au &laquo;&nbsp;robot&nbsp;&raquo;</h1> <p class="texte" dir="ltr">Retour &agrave; la &laquo;&nbsp;n&eacute;ot&eacute;nie&nbsp;&raquo;, cette juv&eacute;nilit&eacute; maintenue. Pour &ecirc;tre celui qui peut toujours apprendre et de tout, l&rsquo;humain ne doit pas &ecirc;tre dot&eacute; de conduites d&eacute;j&agrave; programm&eacute;es. Il faut m&ecirc;me qu&rsquo;il n&rsquo;ait pas d&rsquo;arr&ecirc;t dans son devenir. Evolutivement, l&rsquo;organisme d&rsquo;homo est retenu sur le chemin d&eacute;j&agrave; emprunt&eacute;&nbsp;: celui de la programmation des singes. Comment&nbsp;? Par la verticalit&eacute; stricte et par une sous-programmation de ses conduites. Jay Gould (1997&nbsp;: 68) pr&eacute;cise&nbsp;: &laquo;&nbsp;&agrave; la naissance, le cerveau du macaque repr&eacute;sente 65&nbsp;% de sa taille d&eacute;finitive, celui du chimpanz&eacute; 40,5&nbsp;%, le n&ocirc;tre 23&nbsp;% seulement.&nbsp;&raquo;. Alors, l&rsquo;humain pourra devenir cet &ecirc;tre exceptionnel (&agrave; la base en tout cas) qui ne peut pas &ecirc;tre programm&eacute; comme nature. Pour y suppl&eacute;er, il a la possibilit&eacute; de renouveler sans cesse une culture (adaptation &eacute;prouv&eacute;e et s&eacute;lectionn&eacute;e) dont la technique qui nait avec toute op&eacute;rativit&eacute; humaine comme reconnaissance du monde. Pour Agamben (2002), l&rsquo;homme n&eacute;ot&egrave;ne est &laquo;&nbsp;un &eacute;ternel enfant&nbsp;&raquo;. Leroi-Gourhan puis Van Lier (2010) insistent&nbsp;: la verticalit&eacute; lib&egrave;re les membres ant&eacute;rieurs pour des op&eacute;rations techniques, la m&acirc;choire pour la parole&nbsp;; la limitation de taille du cerveau &agrave; la naissance rend le f&oelig;tus portable sur deux jambes qui doivent pouvoir courir<em>.</em> Pourtant la n&eacute;ot&eacute;nie est d&eacute;stabilisatrice. Se vivant handicap&eacute;s par ce manque de d&eacute;termination naturelle, les humains se plient &agrave; des fins et les supplient de faire enfin d&rsquo;eux des &ecirc;tres pleins et d&eacute;finitifs. C&rsquo;est ainsi que, gr&acirc;ce aux ressources exceptionnelles des techniques, ils s&rsquo;imaginent en &laquo;&nbsp;ma&icirc;tres et possesseurs de la nature&nbsp;&raquo;. La technique appara&icirc;t puissante, monstrueuse et mena&ccedil;ant l&rsquo;humain. Tel le Golem. Dans l&rsquo;une des versions du mythe, le ma&icirc;tre, d&eacute;pass&eacute; par sa cr&eacute;ature, n&rsquo;a pas d&rsquo;autre ressource que de renoncer &agrave; son aide en lui &ocirc;tant la vie. Mais alors, le Golem g&eacute;ant (gigantisme technique) se change en une masse de terre qui retombe sur son imprudent inventeur et l&rsquo;engloutit. En fait, c&rsquo;est l&rsquo;homme qui faute de se comprendre lui-m&ecirc;me est cette masse de terre qu&rsquo;il projette en technique toute puissante au lieu de la construire dans son contact avec le monde. Rappelons l&rsquo;&eacute;tonnante pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre &laquo;&nbsp;RUR&nbsp;&raquo; de Karel Čapek. C&rsquo;est &ndash; caract&eacute;risation de l&rsquo;une, et pr&eacute;monition de l&rsquo;autre &ndash; entre les deux Grandes Guerres mondiales, en 1920, qu&rsquo;elle est &eacute;crite et jou&eacute;e &agrave; Prague et &agrave; New York. Au lieu d&rsquo;&laquo;&nbsp;automate&nbsp;&raquo;, elle emploie pour la 1<sup>&egrave;re</sup> fois le terme &laquo;&nbsp;robot&nbsp;&raquo; et imagine une r&eacute;volte des robots contre les humains. Mais, l&agrave; aussi, les robots sont d&eacute;j&agrave; dans les hommes d&egrave;s qu&rsquo;ils se d&eacute;tournent du partage de l&rsquo;exercice de l&rsquo;humain. Cette perte d&rsquo;humanit&eacute;, ils la projettent alors sur leurs ennemis, pour se donner le droit de les tuer. Ils manient pour cela des monstres techniques comme ceux de la d&eacute;multiplication meurtri&egrave;re de 14-18. Ou, encore, en 39-45, ceux de l&rsquo;&laquo;&nbsp;industrialisation&nbsp;&raquo; de camps, de chambres &agrave; gaz, de fours et de charniers. Ce sont toujours des hommes r&eacute;els qui deviennent eux-m&ecirc;mes ces robots maniant les robots techniques dont ils usent et abusent. Ils se donnent comme une preuve de leur existence r&eacute;elle en an&eacute;antissant les autres. Quand les humains auront-il assez d&rsquo;intelligibilit&eacute; de leur condition pour d&eacute;couvrir que leur existence est en eux en &eacute;changes avec le monde, les autres et eux-m&ecirc;mes. Et que l&rsquo;inhumain est dans l&rsquo;humain, non dans la technique. Parfois, ils y arrivent. A preuve, avec la nouvelle robotisation hyper meurtri&egrave;re de l&rsquo;atomisation, et apr&egrave;s deux &eacute;preuves effectives (Hiroshima et Nagasaki), les humains ont pris conscience du danger d&rsquo;an&eacute;antissement collectif et ont &eacute;t&eacute; capables jusqu&rsquo;ici de suspendre l&rsquo;usage de ces techniques.</p> <h1 dir="ltr" id="heading4">4. L&rsquo;homme pl&eacute;onexe&nbsp;: l&rsquo;exacerbation &laquo;&nbsp;&eacute;conomie, science, technique&nbsp;&raquo; sans &eacute;thique</h1> <p class="texte" dir="ltr">Platon avait d&eacute;j&agrave; fait ce diagnostic. Sous les termes d&rsquo;<em>hubris</em> et de <em>pl&eacute;onexie, </em>il d&eacute;nonce lesr&eacute;f&eacute;rences d&eacute;mesur&eacute;es pour un individu, voire pour un groupe, &agrave; son importance propre, &agrave; ses possessions propres. Dufour (2012) &eacute;voque Ren&eacute; Girard et sa th&eacute;orie mim&eacute;tique de la conduite humaine pour indiquer la relation possible entre n&eacute;ot&eacute;nie et pl&eacute;onexie&nbsp;: &laquo;&nbsp;La propension &agrave; convoiter ce que l&rsquo;autre peut avoir -&nbsp;r&eacute;ellement ou pas&nbsp;- d&eacute;coule de cette non finalisation des humains&nbsp;&raquo;. Dans cette vacuit&eacute; originelle, chacun se sent d&eacute;pourvu. Il imagine que l&rsquo;autre peut ne pas l&rsquo;&ecirc;tre et il l&rsquo;imite pour atteindre au m&ecirc;me b&eacute;n&eacute;fice suppos&eacute;. D&rsquo;o&ugrave; une course partag&eacute;e &agrave; la supr&eacute;matie qui conforte les rivaux dans la croyance qu&rsquo;ils vont dans la bonne direction. Les &laquo;&nbsp;grands entrepreneurs&nbsp;&raquo; d&eacute;fient leurs rivaux d&rsquo;entraver leur conqu&ecirc;te de toute puissance. Ils d&eacute;fient la masse des humains jug&eacute;s incapables d&rsquo;entreprendre. Et d&eacute;fient la nature elle-m&ecirc;me. La pl&eacute;onexie moderne se fonde sur certaines observations d&rsquo;Adam Smith, concernant une &laquo;&nbsp;Main invisible&nbsp;&raquo;, toujours &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre. &laquo;&nbsp;Harmonie pr&eacute;&eacute;tablie&nbsp;&raquo; dans la science (Leibniz). Les deux horloges &eacute;tant accord&eacute;es&nbsp;: l&rsquo;homme lit l&rsquo;heure du monde &agrave; son heure &agrave; lui&nbsp;: la physique &agrave; l&rsquo;heure des math&eacute;matiques. Harmonie pr&eacute;&eacute;tablie dans l&rsquo;&eacute;thique (Smith)&nbsp;: les &eacute;go&iuml;smes spontan&eacute;s des hommes concourent au bien commun. L&rsquo;id&eacute;e se fait jour que l&rsquo;&eacute;lite est faite de ceux qui s&rsquo;autorisent &agrave; devenir sup&eacute;rieurs &agrave; tous, &agrave; tout poss&eacute;der, &agrave; tout faire. Ce choix contre les autres s&rsquo;exprime d&eacute;j&agrave; en s&rsquo;appropriant le maximum d&rsquo;argent pour un contr&ocirc;le exacerb&eacute; des sciences, techniques, arts, sports et tous autres m&eacute;dias. La croissance vertigineuse des in&eacute;galit&eacute;s montre bien que ce choix l&rsquo;emporte aujourd&rsquo;hui dans la r&eacute;alit&eacute; sociale. Economie, science, technique et d&eacute;monstration m&eacute;diatique se solidarisent entre s&eacute;duction et contrainte, et elles entra&icirc;nent l&rsquo;obsolescence de l&rsquo;&eacute;thique. Cette sup&eacute;riorit&eacute; factuelle pos&eacute;e comme &laquo;&nbsp;&eacute;vidente&nbsp;&raquo; par les &laquo;&nbsp;gagnants&nbsp;&raquo; fait office de l&eacute;gitimation aux yeux des humains qui se situent dans la m&ecirc;me finalit&eacute;, ne se reprochant que d&rsquo;&eacute;chouer (les perdants).</p> <h1 dir="ltr" id="heading5">5. N&eacute;ot&eacute;nie et m&eacute;dialit&eacute;&nbsp;; &eacute;thique et infini. Poincar&eacute;, Simondon, Levinas, Agamben</h1> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;humanisation ne sera jamais le fruit d&rsquo;un univers de fins pos&eacute;es comme pl&eacute;nitudes par leurs partisans et qui les laissent devenir meurtriers de ceux qui r&eacute;pondent &agrave; d&rsquo;autres fins. S&eacute;par&eacute; et ins&eacute;parable des autres, le n&eacute;ot&egrave;ne ne devient humain que dans la mesure o&ugrave; il &eacute;change regards, gestes et paroles au sein d&rsquo;une communaut&eacute; accueillante. Ensuite, il devient vivant et pensant dans la circulation infinie des langages et des pens&eacute;es de communaut&eacute;s multiples. Tels sont les moyens de l&rsquo;humain -&nbsp;communaut&eacute;, visage, geste, langage et pens&eacute;e&nbsp;- m&eacute;dialit&eacute; nouvelle li&eacute;e &agrave; la n&eacute;ot&eacute;nie. Elle n&rsquo;est jamais programme n&eacute;cessairement suivi. Ou bien cette m&eacute;dialit&eacute; est choisie (&laquo;&nbsp;Bien faire l&rsquo;homme&nbsp;!&nbsp;&raquo; disait Montaigne) ou bien telle finalit&eacute; &eacute;lue la d&eacute;tourne et la pervertit. La communaut&eacute; en sort communautariste&nbsp;; les visages des autres deviennent &eacute;tranges, &eacute;trangers&nbsp;; les gestes se font hostiles. Les langues maudissent et les pens&eacute;es d&eacute;gradent ceux qui ont fait d&rsquo;autres choix au point de leur d&eacute;nier l&rsquo;humanit&eacute; pour avoir un droit de les tuer. Les finalit&eacute;s s&rsquo;imposent en s&rsquo;appropriant la m&eacute;dialit&eacute; apport&eacute;e pourtant par la n&eacute;ot&eacute;nie. Les finalit&eacute;s -&nbsp;de d&eacute;ficit, d&rsquo;imaginaire et d&rsquo;exclusion&nbsp;- devenue totalitaires, d&eacute;truisent la possibilit&eacute; que constitue la vocation humaine d&rsquo;ouverture sur l&rsquo;Infini. C&rsquo;est en ce sens que Levinas, dans un ouvrage d&eacute;cisif, a pris position contre la pr&eacute;tention &agrave; la &laquo;&nbsp;totalit&eacute;&nbsp;&raquo;, pour la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;Infini. On comprend aussi la tautologie existentielle qu&rsquo;&eacute;nonce Agamben (2002)&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;homme est l&rsquo;animal qui doit se reconna&icirc;tre humain pour l&rsquo;&ecirc;tre&nbsp;&raquo;. S&rsquo;il le fait, la technique apparait tout autrement. Au lieu d&rsquo;&ecirc;tre artifice accapar&eacute; par telle finalit&eacute; abusive, la technique est enfin vue comme d&eacute;couverte, compr&eacute;hension, mise en &oelig;uvre d&rsquo;une organisation mobile emprunt&eacute;e aux fonctionnements de l&rsquo;infinie nature. J.H. Barthelemy (2013&nbsp;:145) voit chez Simondon cette &laquo;&nbsp;triple r&eacute;conciliation de la nature, de la culture et de la technique&hellip;S&rsquo;articulant &agrave; la nature, la technique cesse d&rsquo;&ecirc;tre &laquo;&nbsp;simple moyen d&eacute;pourvue de normativit&eacute;&nbsp;&raquo;. Le lien entre technique, &eacute;thique et connaissance se profile. Par les &laquo;&nbsp;ensembles informationnels&nbsp;&raquo; qu&rsquo;elle requiert, la technique, &laquo;&nbsp;r&eacute;gulatrice&nbsp;&raquo;, devient pleinement une &laquo;&nbsp;dimension inh&eacute;rente de la culture&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est pourquoi, selon Simondon (1989&nbsp;: 263), &laquo;&nbsp;la v&eacute;ritable activit&eacute; technique est la recherche scientifique&hellip; orient&eacute;e vers des objets ou des propri&eacute;t&eacute;s d&rsquo;objets encore inconnus&nbsp;&raquo;. De son cot&eacute;, F. D. Sebbah (2010&nbsp;: 131-132) souligne que Simondon a subverti le sens habituel&nbsp;: &laquo;&nbsp;la techno-science est science, culture, invention, accueil de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; et &eacute;panouissement pour les individuations et non pas m&eacute;canisme aveugle, d&eacute;terminisme implacable, &eacute;crasement de toute alt&eacute;rit&eacute; et, corr&eacute;lativement, de toute individualit&eacute; par la Puissance&nbsp;&raquo;. N&eacute;ot&eacute;nie, individuation, infini et technique fondent l&rsquo;&eacute;thique non normative. Toute proc&eacute;dure sociale qui bloque un &ecirc;tre humain sur le chemin de son individuation, est, <em>de facto</em>, pr&eacute;judiciable au d&eacute;veloppement de l&rsquo;humanit&eacute;. Trans-individuelle, celle-ci ne peut l&rsquo;&ecirc;tre qu&rsquo;au travers des individuations de tous les humains. Pour B. Morizot (2011&nbsp;: 109) &laquo;&nbsp;Une &eacute;thique naturaliste non normative est pr&eacute;sente&nbsp;&raquo; dans la mesure o&ugrave; &laquo;&nbsp;le degr&eacute; de m&eacute;tastabilit&eacute; d&rsquo;une individuation&nbsp;&raquo; est &laquo;&nbsp;un crit&egrave;re de valeur.&nbsp;&raquo; Cette m&eacute;tastabilit&eacute; peut se d&eacute;finir comme disponibilit&eacute; &agrave; l&rsquo;ouverture &eacute;volutive. Il cite Andr&eacute; Breton (1988&nbsp;: 697)&nbsp;: &laquo;&nbsp;Aujourd&rsquo;hui encore, je n&rsquo;attends rien que de ma seule disponibilit&eacute;, que de cette soif d&rsquo;errer &agrave; la rencontre de tout, dont je m&rsquo;assure qu&rsquo;elle me maintient en communication myst&eacute;rieuse avec les autres &ecirc;tres, comme si nous &eacute;tions appel&eacute;s &agrave; nous r&eacute;unir demain&nbsp;&raquo;. Certes, ce n&rsquo;est jamais une ouverture sans &eacute;preuve et travail avec les fermetures indispensables aussi. Il faut lier l&rsquo;humanisme -&nbsp;&laquo;&nbsp;n&eacute;ot&eacute;nique&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;technique&nbsp;&raquo;&nbsp;- &agrave; la maximisation de la m&eacute;dialit&eacute;, c&rsquo;est &agrave; dire de l&rsquo;exercice de l&rsquo;humain chez chacun. D&egrave;s lors, la technique perd sa place de moyen de puissance du pl&eacute;onexe qui, se l&rsquo;&eacute;tant appropri&eacute;e, se permet d&rsquo;en menacer les autres. Elle devient la dynamique de &laquo;&nbsp;fermeture, ouverture&nbsp;&raquo; des humains sur les tr&eacute;sors qu&rsquo;ils ne cessent de produire quand ils se &laquo;&nbsp;branchent&nbsp;&raquo; sur la nature infinie. M&eacute;dialit&eacute; redoubl&eacute;e, lucide contre finalit&eacute; imaginaire obstin&eacute;e, aveugle. Henri Poincar&eacute; le dit&nbsp;: Nous ne pensons pas pour fabriquer des machines&nbsp;; nous fabriquons des machines pour penser.&nbsp;&raquo; Les hommes ne deviennent humains que si, sans se laisser submerger, ils restent potentiellement ouverts aux autres, au monde et &agrave; eux-m&ecirc;mes. Les miracles de la technique sont d&rsquo;autant plus au rendez-vous. Ils mettent en &eacute;vidence le seul chemin de l&rsquo;humanisation. Sans doute prometteuse, la notion de crime contre l&rsquo;humanit&eacute;, du moins si elle se fait moins tonitruante, plus soucieuse de ne pas tol&eacute;rer, &agrave; bas bruit, tous ces esclavages modernes qui ne b&eacute;n&eacute;ficient d&rsquo;aucun robot, d&rsquo;aucune technique. Le suicide de Simondon n&rsquo;est sans doute pas sans rapport avec son sentiment d&rsquo;avoir &eacute;chou&eacute; &agrave; faire comprendre tout cela devenu pour lui d&rsquo;une profonde &eacute;vidence.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Agamben G. <em>Moyens sans fins. Notes sur la politique.</em> Paris, Librairie Payot</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Barthelemy J.H. 2013. <em>Quel mode d&rsquo;unit&eacute; pour l&rsquo;&oelig;uvre de Simondon&nbsp;?</em> Cah. Simondon 3. Paris&nbsp;: Editions L&rsquo;Harmattan</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Breton A. 1988. <em>L&rsquo;amour fou</em> in &OElig;uvres compl&egrave;tes II. Paris, Editions Gallimard.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Demorgon J. 2010, D&eacute;jouer l&rsquo;inhumain. Avec E. Morin. Pr&eacute;f. de J. Cort&egrave;s, Editions Economica.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Dufour D-R. 2012. <em>Il &eacute;tait une fois le dernier homme</em>. Paris, Editions Deno&euml;l</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Morizot B. 2011. <em>La n&eacute;ot&eacute;nie dans la pens&eacute;e de G. Simondon</em>. Cahiers Simondon 3. Paris, Editions L&rsquo;Harmattan.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Sebbah F. D. 2010. <em>Qu&rsquo;est-ce que la technoscience&nbsp;?</em> Paris, Les Belles Lettres.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Simondon G. 1989. <em>L&rsquo;individuation psychique et collective, </em>Paris, Editions Aubier.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Simondon G. 1958, 2012. <em>Du mode d&rsquo;existence des objets techniques. </em>Paris, Editions Aubier.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Van Lier H. 2010. <em>Anthropog&eacute;nie. </em>Li&egrave;ge, Les Impressions nouvelles.</p>