<p class="texte" dir="ltr"><strong>VARIA</strong></p> <p class="texte" dir="ltr">Commenter ici, l&rsquo;ouvrage d&rsquo;un auteur class&eacute; dans la cat&eacute;gorie &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature&nbsp;&raquo; est inhabituel&nbsp;; ce sera, pourtant, le cas de &laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo;, publi&eacute; en 1960 et consid&eacute;r&eacute; comme majeur dans l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;Elias Canetti, Prix Nobel de Litt&eacute;rature en 1981. Le titre en anglais est &laquo;&nbsp;Crowds and Power&nbsp;&raquo; alors que &laquo;&nbsp;Masse&nbsp;&raquo; est au singulier en fran&ccedil;ais. Cet ouvrage se distingue de l&rsquo;ensemble des autres &eacute;crits de cet auteur parce qu&rsquo;il se pr&eacute;sente comme un vaste essai, s&rsquo;appuyant implicitement sur l&rsquo;ontologie et l&rsquo;anthropologie, pour &eacute;clairer une observation complexe&nbsp;: la pr&eacute;dilection humaine spontan&eacute;e, r&eacute;flexe, pour la masse, pour &laquo;&nbsp;faire masse&nbsp;&raquo;. Ainsi, au fil des pages, il met &agrave; jour des s&eacute;quences de la vie humaine, en apparence banales, dans le but d&rsquo;attirer l&rsquo;attention sur la propension, se pr&eacute;sentant comme une n&eacute;cessit&eacute; imp&eacute;rieuse, vitale m&ecirc;me bien qu&rsquo;inconsciente, pour l&rsquo;homme, &agrave; se regrouper dans un &laquo;&nbsp;corps &agrave; corps&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;unit&eacute; d&rsquo;un seul corps, en cherchant &agrave; &laquo;&nbsp;faire masse&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Sa probl&eacute;matique reste celle de pointer la fuite de l&rsquo;homme devant le fant&ocirc;me de sa propre mort, par tous les moyens et dans toutes les circonstances, parfois au prix d&rsquo;avoir &agrave; se d&eacute;rober &agrave; toute intelligibilit&eacute; ou rendant toute intelligibilit&eacute; classique, caduque. Dans cette fuite, la course individuelle vers la recherche de l&rsquo;immortalit&eacute; d&eacute;passe la temporalit&eacute; de l&rsquo;homme car en se moulant dans la masse, il rejoint une autre temporalit&eacute;, celle de la masse, qui n&rsquo;est plus accessible &agrave; la m&ecirc;me mesure et peut sembler &laquo;&nbsp;intemporelle&nbsp;&raquo;. De l&agrave;, un parall&eacute;lisme se fait jour entre l&rsquo;approche rationnelle du concept d&rsquo;individu, de soci&eacute;t&eacute; et de peuple et l&rsquo;approche &eacute;motionnelle des humains ainsi r&eacute;unis en masse, des masses et des masses qui &eacute;voluent en meutes. La difficult&eacute; r&eacute;side dans le fait de les faire se rencontrer alors qu&rsquo;elles font l&rsquo;objet de recherche alors qu&rsquo;elles se c&ocirc;toient, voire se superposent dans la vie en train de se vivre puisqu&rsquo;un peuple ou une masse se compose d&rsquo;individus c&rsquo;est-&agrave;-dire d&rsquo;hommes, c&rsquo;est-&agrave;-dire d&rsquo;&ecirc;tres humains vivants.</p> <p class="texte" dir="ltr">Or, les &eacute;motions et les affects restent les parents pauvres, pris en compte par d&eacute;faut puisque dans notre soci&eacute;t&eacute; moderne, nous attendons le triomphe de la raison et du mesurable pour nous exprimer sur tout, et donc &agrave; propos de l&rsquo;homme. Nous feignons d&rsquo;y croire au moins et &oelig;uvrons dans ce sens en fa&ccedil;onnant le profil de l&rsquo;homme tel qu&rsquo;il devrait &ecirc;tre avant de le comparer &agrave; l&rsquo;homme tel qu&rsquo;il est, pour que leurs comparaisons permettent de r&eacute;affirmer les rep&egrave;res n&eacute;cessaires aux certitudes. Pourtant, l&rsquo;&ecirc;tre humain tient sa dimension sensible du fait d&rsquo;&ecirc;tre vivant dans tous les aspects explor&eacute;s et encore inexplor&eacute;s que cet &eacute;tat de fait inclut, ce qui lui permet ensuite de se soumettre &agrave; la raison. En utilisant un exemple trivial, celui d&rsquo;un escalier, nous dirons que lorsque nous empruntons un escalier, la premi&egrave;re marche est non seulement une &eacute;tape dans le processus de monter, mais restera la base pour les autres marches, l&rsquo;ensemble de l&rsquo;&eacute;difice repose sur ce qui le fonde et en re&ccedil;oit les informations &laquo;&nbsp;primordiales&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me invisibles.</p> <p class="texte" dir="ltr">Alors, comment l&rsquo;homme peut-il relever le d&eacute;fi de se confondre avec l&rsquo;incarnation vivante de la raison tout en se sachant mortel, conscient de l&rsquo;&eacute;vidence, de l&rsquo;imp&eacute;ratif et des cons&eacute;quences de cette donn&eacute;e&nbsp;? De plus, c&rsquo;est en solitaire qu&rsquo;il la rencontre et dans la solitude qu&rsquo;il &laquo;&nbsp;traite&nbsp;&raquo; avec elle, dans l&rsquo;isolement de son for int&eacute;rieur, ce qui, en soi, repr&eacute;sente une forme de violence&nbsp;; sauf &agrave; vouloir la fuir, en fuir m&ecirc;me son id&eacute;e, ceci correspond encore &agrave; une autre fa&ccedil;on de traiter avec elle. C&rsquo;est le dilemme de l&rsquo;apparence et de la r&eacute;alit&eacute; que chacun, chaque un, porte en soi.</p> <p class="texte" dir="ltr">Devant cette trag&eacute;die &laquo;&nbsp;communautaire&nbsp;&raquo;, ni la R&eacute;publique, ni la D&eacute;mocratie, ni la Patrie, ni le Peuple, ne peuvent fournir une recette pour juguler les probl&eacute;matiques intimes existentielles auxquelles l&rsquo;homme est confront&eacute; et &agrave; partir desquelles, en fonction de son interpr&eacute;tation de ce drame, il &eacute;labore son quotidien et les d&eacute;cisions et actions de son contenu. E. Canetti remue &laquo;&nbsp;la vase&nbsp;&raquo; qui repose au fond de chacun comme &laquo;&nbsp;archa&iuml;sme&nbsp;&raquo; pour montrer qu&rsquo;elle donne l&rsquo;apparence d&rsquo;une d&eacute;cantation, qu&rsquo;elle peut donner le change alors que sa contribution grave et &eacute;mouvante toutefois, est omnipr&eacute;sente&nbsp;; sauf &agrave; chercher &agrave; l&rsquo;occulter, ce qui ne saurait la faire dispara&icirc;tre comme l&rsquo;auteur le met en lumi&egrave;re dans ses nombreux exemples, la guerre int&eacute;rieure et intime fait rage.</p> <p class="texte" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo; se pr&eacute;sente comme une ressource pr&eacute;cieuse pour la psychologie politique afin que cette derni&egrave;re ne s&rsquo;&eacute;puise pas dans l&rsquo;analyse des faits de socio-politiques mais reste proche de l&rsquo;homme. Cet ouvrage nous d&eacute;montre que la connaissance de l&rsquo;humain, dans sa &laquo;&nbsp;strat&eacute;gie&nbsp;&raquo; personnelle du processus d&rsquo;&ecirc;tre en train de vivre, peut, encore, nous r&eacute;server des surprises pour peu que l&rsquo;on accepte de nous poser des questions sur lui sans le figer pour mieux apposer les &eacute;tiquettes pour le caract&eacute;riser. Une autre approche de l&rsquo;humain serait, peut-&ecirc;tre, int&eacute;ressante &agrave; appr&eacute;hender mais sans normalisation a priori et jugement imm&eacute;diat a posteriori&nbsp;: celle des informations v&eacute;hicul&eacute;es par les relations qu&rsquo;il &eacute;tablit en rapport &agrave; l&rsquo;intensit&eacute; de son engagement. En effet, l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; de nos jugements apr&egrave;s cat&eacute;gorisation syst&eacute;matique sur des crit&egrave;res et param&egrave;tres classiques pour ne pas dire habituels, occultent le fait d&rsquo;&ecirc;tre le produit d&rsquo;une fermeture d&rsquo;un syst&egrave;me sur lui-m&ecirc;me, alors que portes et fen&ecirc;tres sont ferm&eacute;es &eacute;galement.</p> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;originalit&eacute; et la richesse contenue dans cet ouvrage reposent sur plusieurs de ses aspects, en particulier sur la multiplicit&eacute; et la diversit&eacute; des registres dans lesquels il va puiser ses exemples parfaitement connus puisqu&rsquo;ordinaires bien souvent, quotidiens la plupart, m&ecirc;me si d&rsquo;autres convoquent l&rsquo;ethnologie et d&rsquo;autres disciplines pour nous fournir des exemples tout aussi patents. Le but est, toujours, de susciter un regard diff&eacute;rent, des angles de vue originaux afin d&rsquo;avancer des hypoth&egrave;ses nouvelles et de tenter de progresser dans la connaissance en levant les barrages des certitudes, souvent trop bien &eacute;tablies. E. Canetti nous renvoie au constat de nos rep&egrave;res habituels et &agrave; leur solidit&eacute; pour les interroger dans la mesure o&ugrave; simultan&eacute;ment, le monde, observ&eacute; en mouvement, &eacute;branle valeurs et s&eacute;curit&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; faire douter, parfois, de la conscience des responsabilit&eacute;s humaines vis-&agrave;-vis de l&rsquo;humain et de sa dignit&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo; t&eacute;moigne que l&rsquo;homme reste &laquo;&nbsp;individu&nbsp;&raquo; dans la masse et vient s&rsquo;y agr&eacute;ger pour s&rsquo;accomplir individuellement tout en contribuant &agrave; participer &agrave; la vie de la masse comme une entit&eacute; en soi. La puissance devient un vecteur invisible et trouble dans les deux situations, individuelle et collective, et sa particularit&eacute; r&eacute;side dans sa vivacit&eacute; souterraine. L&rsquo;humble condition de l&rsquo;homme mortel se fonde dans l&rsquo;immortalit&eacute; d&rsquo;une instance, la masse, qui se cr&eacute;e pour donner &agrave; vivre l&rsquo;illusion d&rsquo;une immortalit&eacute; par le biais des aiguillons que sont les traces archa&iuml;ques dont chacun est porteur comme signe de son combat pour survivre. Car chaque jour, dans notre vie, est un jour gagn&eacute; en survie puisque &laquo;&nbsp;nul ne sait ni le jour ni l&rsquo;heure&nbsp;&raquo; et ce terreau est un terrain fertile en positivit&eacute; en tous genres mais aussi en d&eacute;rives.</p> <p class="texte" dir="ltr">Tout &agrave; tour, E. Canetti, en chercheur insatiable, soul&egrave;ve des voiles sur ce qui, habituellement, est laiss&eacute; dans l&rsquo;ombre des laboratoires, faute d&rsquo;une possibilit&eacute; d&rsquo;analyse plus subtile, plus ac&eacute;r&eacute;e, en l&rsquo;absence de cat&eacute;gories et sch&eacute;mas pr&eacute;construits pr&ecirc;ts &agrave; accueillir tout en classant a priori. Il souligne combien le risque d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;stabilis&eacute; peut conduire &agrave; renoncer alors m&ecirc;me qu&rsquo;il s&rsquo;agit de scruter ce qui nous fonde. En ce sens, la recherche symbolise le risque de l&rsquo;inconnu, d&rsquo;une d&eacute;stabilisation possible, ce qui peut nous laisser bien d&eacute;sempar&eacute;s d&egrave;s lors qu&rsquo;une n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;avoir &agrave; affirmer des certitudes concernant l&rsquo;homme et l&rsquo;humain qui le qualifie, se profile. La lecture de son ouvrage inciterait m&ecirc;me les blas&eacute;s &agrave; reconsid&eacute;rer la vanit&eacute; d&rsquo;un savoir pr&eacute;tendu bien &eacute;tabli simplement par le t&eacute;moignage des voiles qui recouvrent le souterrain&nbsp;; il d&eacute;montre que c&rsquo;est dans la terre que nous sommes enracin&eacute;s et que la terre fertilise les germes. Au-del&agrave; d&rsquo;une formulation symbolique, ses exemples m&eacute;ritent quelque attention comme invitation &agrave; d&eacute;nicher l&rsquo;impens&eacute; malgr&eacute; les cat&eacute;goriques syst&egrave;mes de d&eacute;fense, qui tendent &agrave; se radicaliser quelquefois, pour &eacute;viter d&rsquo;aller voir... trop loin...</p> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;auteur bouscule les fronti&egrave;res acad&eacute;miques jusqu&rsquo;&agrave; les faire dialoguer entre elle dans &laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo;, v&eacute;ritable somme de consid&eacute;rations et d&rsquo;incitations &agrave; penser de mani&egrave;re transdisciplinaire, en termes de contributions compl&eacute;mentaires &agrave; l&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;un m&ecirc;me &laquo;&nbsp;objet&nbsp;&raquo; d&rsquo;&eacute;tude. Bien simplement, il nous rappelle que le r&eacute;el ne se segmente pas tout en se livrant &agrave; nous dans nos existences alors que nous l&rsquo;exp&eacute;rimentons dans nos exp&eacute;riences de vie&nbsp;; il nous immerge dans sa globalit&eacute;, que nous diss&eacute;quons ensuite lorsque nous voulons le soumettre &agrave; nos m&eacute;thodes de recherche, apr&egrave;s l&rsquo;avoir fa&ccedil;onn&eacute; selon notre perception de la faisabilit&eacute;. E. Canetti souligne combien la complexit&eacute; du r&eacute;el humain rend le chercheur perplexe, combien nous sommes pr&ecirc;ts &agrave; ne pas voir ce qui pourrait &ecirc;tre utile ou important &agrave; voir. Il pointe le fait de nous rendre prompts &agrave; privil&eacute;gier ce qui se pr&ecirc;te &agrave; la logique et &agrave; l&rsquo;explication, ignorant ou n&eacute;gligeant ce qui nous renvoie &agrave; notre propre impuissance et il insiste sur la n&eacute;cessit&eacute; de revisiter, de r&eacute;interroger, d&rsquo;observer &agrave; nouveau. Il n&rsquo;y a aucune arrogance chez E. Canetti mais plut&ocirc;t une forme d&rsquo;humilit&eacute; qui rayonne &agrave; travers les pages, celle du chercheur audacieux et curieux mais conscient de ses limites.</p> <p class="texte" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo; repr&eacute;sente un d&eacute;fi d&egrave;s le d&eacute;part et sait maintenir l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de sa lecture, tant son contenu incite &agrave; une r&eacute;flexion lib&eacute;r&eacute;e des cadres classiques de nos mani&egrave;res de penser, et nous entra&icirc;ne jusqu&rsquo;&agrave; nous &eacute;tonner de penser diff&eacute;remment en le lisant. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de cet ouvrage et sa richesse r&eacute;sident, entre autres, tant dans son apport que dans l&rsquo;incitation &agrave; cheminer &agrave; partir de lui, comme celle de nous conduire &agrave; appr&eacute;hender la notion d&rsquo;&eacute;galit&eacute; dans la masse, ce ressenti, cette sensation dans un corps &agrave; corps v&eacute;cu dans une proximit&eacute; charnelle. Car &laquo;&nbsp;faire masse&nbsp;&raquo; correspond &agrave; participer &agrave; la co-construction inconsciente d&rsquo;une unit&eacute; implicite d&rsquo;un corps jusqu&rsquo;&agrave; devenir indiscernable pour se rendre incontr&ocirc;lable, y compris par soi-m&ecirc;me. Et puis, si la mort intervient dans la masse, lorsque la masse tue ou qu&rsquo;elle est tu&eacute;e, c&rsquo;est la cons&eacute;quence de l&rsquo;ex&eacute;cution de l&rsquo;ordre originel dont l&rsquo;aiguillon est intrins&egrave;que &agrave; l&rsquo;humain&nbsp;: tuer pour ne pas risquer d&rsquo;&ecirc;tre tu&eacute;, mais qui, parfois, n&rsquo;ex&eacute;cute pas sa partition de fa&ccedil;on tr&egrave;s &laquo;&nbsp;orthodoxe&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Nos archa&iuml;smes nous sculptent et impulsent pulsions et impulsions, que nous voulions le cacher ou pas, ce qui nous am&egrave;ne &agrave; mieux comprendre l&rsquo;importance et l&rsquo;utilit&eacute; de l&rsquo;alternative entre nous fuir en fuyant ces traits, ou tendre &agrave; nous accepter en les acceptant pour, ensuite, &laquo;&nbsp;faire avec&nbsp;&raquo; de mani&egrave;re &agrave; rendre intelligible ce qui est qualifi&eacute; de &laquo;&nbsp;monstrueux&nbsp;&raquo;. Le d&eacute;ni, et m&ecirc;me le d&eacute;ni du d&eacute;ni, fournissent l&rsquo;illusion confortable de nous prot&eacute;ger de nous-m&ecirc;mes et de ce qui ne nous est pas conscient, pour ne parler nommer l&rsquo;inconscient. Le m&eacute;rite de ce livre est aussi de nous accompagner au-del&agrave; des querelles de clocher, pour nous rem&eacute;morer l&rsquo;histoire, notre histoire, que nos cris &laquo;&nbsp;plus jamais &ccedil;a&nbsp;&raquo; n&rsquo;ont pas r&eacute;ussi &agrave; nous convaincre. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;il aborde la notion d&rsquo;ordre, l&rsquo;ordre qui est donn&eacute; comme la volont&eacute; que tout soit en ordre, et ce qu&rsquo;il exhume de cette injonction implicite et explicite, scrut&eacute;e au travers du prisme de la psychologie politique par exemple, peut mener &agrave; quelques r&eacute;flexions car dans ce domaine, seuls les penseurs s&rsquo;&eacute;puisent tandis que le sujet ne l&rsquo;est pas.</p> <p class="texte" dir="ltr">E. Canetti d&eacute;veloppe cette th&eacute;matique autour de l&rsquo;ordre, dont nous ne pouvons restituer qu&rsquo;une infime parcelle, renvoyant au texte&nbsp;: &laquo;&nbsp;il est donc vrai que des hommes qui ont agi par ordre, s&rsquo;estiment parfaitement innocents. S&rsquo;ils sont &agrave; m&ecirc;me d&rsquo;affronter leur situation, il se peut qu&rsquo;ils &eacute;prouvent comme de l&rsquo;&eacute;tonnement d&rsquo;avoir si compl&egrave;tement subi la puissance des ordres. Mais ce sentiment &eacute;clair&eacute; est lui-m&ecirc;me sans valeur, arrivant trop tard, quand tout est depuis longtemps, fini. Ce qui est arriv&eacute; peut se reproduire car ils sont incapables d&rsquo;&eacute;laborer une protection intime contre de nouvelles situations identiques &agrave; l&rsquo;ancienne. Ils restent livr&eacute;s &agrave; l&rsquo;ordre, sans d&eacute;fense, avec une conscience tr&egrave;s obscure du danger qu&rsquo;il repr&eacute;sente.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;352).</p> <p class="texte" dir="ltr">Dans un autre de ses livres &laquo;&nbsp;La conscience des mots&nbsp;&raquo;, qui date de 1976, E. Canetti introduit son chapitre &laquo;&nbsp;puissance et survie&nbsp;&raquo; de la mani&egrave;re suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;parmi les ph&eacute;nom&egrave;nes les plus inqui&eacute;tants de l&rsquo;histoire de l&rsquo;esprit humain, il y a l&rsquo;&eacute;vitement du concret. Il existe une tendance frappante &agrave; se pr&eacute;cipiter d&rsquo;abord sur ce qui est le plus &eacute;loign&eacute;, et &agrave; ne pas voir tout ce &agrave; quoi on se heurte constamment dans le voisinage le plus proche. L&rsquo;allure des gestes emport&eacute;s, le c&ocirc;t&eacute; aventureux, audacieux, des exp&eacute;ditions lointaines donnent le change sur leurs motifs. Il n&rsquo;est pas rare qu&rsquo;il s&rsquo;agisse simplement, en l&rsquo;occurrence, d&rsquo;esquiver ce qui est proche, parce que nous ne sommes pas de taille. Nous en sentons le risque et pr&eacute;f&eacute;rons d&rsquo;autres dangers de consistance inconnue.&nbsp;&raquo;, et plus loin, il affirme&nbsp;: &laquo;&nbsp;on ne peut plus s&eacute;parer ce qui est public de ce qui est priv&eacute;&nbsp;; cela s&rsquo;interp&eacute;n&egrave;tre de fa&ccedil;on inou&iuml;e&nbsp;&raquo;. (p.&nbsp;31)</p> <p class="texte" dir="ltr">Avec d&eacute;termination dans ses descriptions et ses analyses, cet essai aborde successivement, la masse, la meute, meute et religion, masse et histoire, les entrailles de la puissance, le survivant, les &eacute;l&eacute;ments de la puissance, l&rsquo;ordre, la m&eacute;tamorphose, aspects de la puissance, dominance et parano&iuml;a, autant de mode d&rsquo;organisation sociale ou d&rsquo;aspects qu&rsquo;il reconsid&egrave;re. Il nous entra&icirc;ne dans moult situations concr&egrave;tes dans lesquelles les manifestations et &eacute;v&egrave;nements collectifs sont appr&eacute;hend&eacute;s simultan&eacute;ment sous l&rsquo;angle individuel, afin de mettre en &eacute;vidence comment l&rsquo;individuel nourrit le collectif et r&eacute;ciproquement, &agrave; l&rsquo;insu l&rsquo;un de l&rsquo;autre. Dans ce but, E. Canetti approfondit les circonstances plut&ocirc;t que les contextes, pour analyser, avec finesse et au-del&agrave; de ce qui semble aller de soi. Il travaille contradictions et paradoxes qui caract&eacute;risent l&rsquo;humain par le biais des signes qui passent inaper&ccedil;us dans les analyses, le plus souvent, faute de pouvoir en discerner le sens.</p> <p class="texte" dir="ltr">Ainsi et progressivement, il rel&egrave;ve un certain nombre de comportements humains qui nous sont familiers pourtant, mais qui sont n&eacute;glig&eacute;s dans de nombreuses &eacute;tudes, sauf anthropologiques pour certains. Incompr&eacute;hensibles directement, inadapt&eacute;s &agrave; une approche causale classique et donc per&ccedil;us comme insignifiants a priori, ces comportements sont soumis tour &agrave; tour &agrave; notre observation, accompagn&eacute;s de suggestions d&rsquo;hypoth&egrave;ses implicites ou explicites nouvelles, issues de registres acad&eacute;miques avec lesquels nous sommes le moins &agrave; l&rsquo;aise. Si l&rsquo;anthropologie est partout pr&eacute;sente et renvoie m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;ontologie, la psychanalyse se profile pour illustrer, implicitement, le rapport entre le souterrain et le terrain, entre l&rsquo;immerg&eacute; et l&rsquo;&eacute;merg&eacute;, laissant le lecteur choisir ses registres de r&eacute;f&eacute;rence pourvu que la lecture conduise &agrave; la r&eacute;flexion et &agrave; l&rsquo;exploration.</p> <p class="texte" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo; n&rsquo;est pas un manuel acad&eacute;mique et pr&eacute;sente l&rsquo;avantage d&rsquo;&ecirc;tre construit selon la progression de la r&eacute;flexion du chercheur, non contraint de circonscrire son objet de recherche selon une m&eacute;thodologie trop rigide pour cet objet. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;il favorise la mise en lumi&egrave;re de l&rsquo;importance de ces m&eacute;moires de notre pass&eacute; enfoui qu&rsquo;il exhume, l&rsquo;hypoth&egrave;se des traces sur lesquelles reposent notre &eacute;volution humaine, min&eacute;rales, v&eacute;g&eacute;tales, animales, pour les interpeler et les illustrer par de nombreux exemples concrets tout en cherchant &agrave; en peser l&rsquo;impact dans notre vie individuelle et sociale et dans nos modes de fonctionnement et d&rsquo;organisation. Avec E. Canetti, des situations complexes de la vie sociale et politique telles que les guerres, les gr&egrave;ves, etc... sont propos&eacute;es &agrave; l&rsquo;examen pour en revisiter le sens apr&egrave;s avoir &eacute;clair&eacute; leurs &eacute;ventuels ancrages archa&iuml;ques, devenus r&eacute;flexes et d&rsquo;autres aspects de l&rsquo;humain en jach&egrave;re de &laquo;&nbsp;scientificit&eacute;&nbsp;&raquo;. R&eacute;fl&eacute;chir autrement pour aller plus loin, tel est le challenge.</p> <p class="texte" dir="ltr">E. Canetti nous tend le miroir en quelque sorte, pour percevoir et voir, autrement, dans une perspective globale que seul le miroir, partial bien s&ucirc;r, mais plus complet, offre au &laquo;&nbsp;regard&nbsp;&raquo; de notre r&eacute;flexion. Il ne cherche pas &agrave; classer o&ugrave; &agrave; expliquer en utilisant, a priori, les cat&eacute;gories requises habituellement pour expliquer puisqu&rsquo;il est un &eacute;crivain et que son &oelig;uvre est litt&eacute;raire. Il pointe la dualit&eacute; probl&eacute;matique en action lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;aborder l&rsquo;homme entre l&rsquo;homme tel qu&rsquo;il serait n&eacute;cessaire qu&rsquo;il soit et celui qui se manifeste, en d&eacute;montrant le &laquo;&nbsp;norm&eacute;&nbsp;&raquo; qui hypertrophie le normal s&eacute;curisant parce qu&rsquo;apparent et connu. C&rsquo;est la source du &laquo;&nbsp;pas vu-pas pris&nbsp;&raquo; et du r&egrave;gne de l&rsquo;image et de l&rsquo;apparence qui taisent les paradoxes et les contradictions qui nous caract&eacute;risent. D&rsquo;ailleurs, l&rsquo;introduction de cet essai d&eacute;bute par la mise en lumi&egrave;re de l&rsquo;un de nos paradoxes, issu d&rsquo;un constat concret&nbsp;: &laquo;&nbsp;il n&rsquo;est rien que l&rsquo;homme ne redoute davantage que le contact de l&rsquo;inconnu. On veut voir ce qui va vous toucher, on veut pouvoir le reconna&icirc;tre, ou, en tout cas, le classer. Partout l&rsquo;homme esquive le contact insolite....&nbsp;Toutes les distances que les hommes ont cr&eacute;&eacute;es autour d&rsquo;eux sont dict&eacute;es par cette phobie du contact...&nbsp;Cette aversion de tout contact ne nous quitte pas m&ecirc;me quand nous nous m&ecirc;lons aux gens. C&rsquo;est cette phobie qui nous dicte notre mani&egrave;re d&rsquo;&eacute;voluer dans la rue.......Quand nous faisons le contraire, c&rsquo;est qu&rsquo;il en r&eacute;sulte pour nous un plaisir et le rapprochement vient, alors, de nous-m&ecirc;mes&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr">La masse lib&egrave;re l&rsquo;homme de cette phobie du contact puisqu&rsquo;il vient, de son plein gr&eacute;, &agrave; la rencontre de la masse pour s&rsquo;y joindre et s&rsquo;y perdre parfois, inversant la phobie en son contraire. Une des raisons, suffisamment puissantes, pr&eacute;siderait donc &agrave; ce renversement jusqu&rsquo;&agrave; &ecirc;tre capable de transformer en plaisir ce qui &eacute;tait aversion. Selon cette perspective adopt&eacute;e dans cet ouvrage, la masse ne repr&eacute;sente pas une rupture, un &eacute;v&egrave;nement qui &eacute;mergerait comme un accident dans le parcours habituel, mais plut&ocirc;t comme une solution r&eacute;pondant &agrave; un besoin profond, impens&eacute; et pourtant pr&eacute;gnant, omnipr&eacute;sent et pr&ecirc;t &agrave; se manifester &agrave; tout moment. Au cours des chapitres, se d&eacute;gage le fonctionnement simultan&eacute; de deux niveaux de r&eacute;alit&eacute;, interd&eacute;pendants&nbsp;: l&rsquo;homme solitaire dans son intimit&eacute; qui va se fondre dans la masse pour se s&eacute;curiser d&rsquo;&ecirc;tre &laquo;&nbsp;normal&nbsp;&raquo; dans la conscience de son paradoxal destin (en survie alors qu&rsquo;il vit). Il sera &laquo;&nbsp;normal&nbsp;&raquo; en quelque sorte, en fonction de la &laquo;&nbsp;norme&nbsp;&raquo; comme mot d&rsquo;ordre pour faire masse, dans des situations aussi diff&eacute;rentes que la gr&egrave;ve, les fun&eacute;railles, la f&ecirc;te, la guerre, etc... La masse &laquo;&nbsp;traite&nbsp;&raquo; les peurs et les fantasmes individuels, ennemi int&eacute;rieur, ces fant&ocirc;mes intimes avec lesquels il a du mal &agrave; cohabiter et que la raison lui donne l&rsquo;impression de ma&icirc;triser. En ce sens, la masse agit comme une th&eacute;rapeutique.</p> <p class="texte" dir="ltr">Ainsi, E. Canetti amorce l&rsquo;implicite question du &laquo;&nbsp;r&eacute;alisme&nbsp;&raquo; du r&eacute;el, soulignant, dans chacun des exemples d&eacute;velopp&eacute;s et ils sont nombreux, que le r&eacute;el ne peut se r&eacute;sumer au &laquo;&nbsp;donn&eacute;&nbsp;&raquo; et implique un approfondissement. C&rsquo;est pourquoi, simultan&eacute;ment, E. Canetti aborde la masse avec un objectif grand angle sans se priver d&rsquo;un zoom, se donnant les moyens d&rsquo;une d&eacute;marche herm&eacute;neutique et analytique du ph&eacute;nom&egrave;ne. La complexit&eacute; de la masse, de la meute, dans toutes leurs manifestations auxquelles il consacre son ouvrage, ouvre toujours sur ces dimensions &laquo;&nbsp;occult&eacute;es&nbsp;&raquo; de l&rsquo;individu &agrave; l&rsquo;origine des pulsions et des impulsions, dans un face &agrave; face toujours fuyant avec sa finitude. La lecture de &laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo; illustre, &agrave; sa mani&egrave;re, tout &agrave; la fois la conception de DURKHEIM&nbsp;: &laquo;&nbsp;en s&rsquo;agr&eacute;geant, en se p&eacute;n&eacute;trant, se fusionnant, les &acirc;mes individuelles donnent naissance &agrave; un &ecirc;tre psychique si l&rsquo;on veut, mais qui constitue une individualit&eacute; psychique d&rsquo;un genre nouveau.&nbsp;&raquo; (Durkheim, 1960, p.&nbsp;103), en rappelant la remarque de Hayek&nbsp;: &laquo;&nbsp;nous ne pouvons directement les observer dans les esprits (donn&eacute;es invisibles telles que croyances, etc...) mais nous pouvons les reconna&icirc;tre dans ce que les gens font et disent, simplement parce que nous avons-nous-m&ecirc;mes, un esprit semblable au leur&nbsp;&raquo; (Hayek, 1953, p.&nbsp;35).</p> <p class="texte" dir="ltr">Dans tout cet ouvrage, E. Canetti souligne successivement l&rsquo;impression et la sensation, les conjuguant comme pour rappeler que ce qui est vu et produit comme manifestation ext&eacute;rieure, est, en m&ecirc;me temps, v&eacute;cu int&eacute;rieurement par ceux qui le produisent. Or, ce v&eacute;cu, ce ressenti, sur lesquels s&rsquo;appesantit Canetti, repr&eacute;sente le n&oelig;ud &agrave; partir duquel l&rsquo;auteur pointe la vie int&eacute;rieure, les possibles pulsions int&eacute;rieures inconscientes qui font sens et en m&ecirc;me temps, divergent d&rsquo;une explication purement rationnelle. Sans le signaler, il pointe les limites de la rationalit&eacute; et soumet l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une superposition de couches, des plus profondes aux plus superficielles, des plus invisibles aux plus visibles, d&eacute;montrant que la rationalit&eacute; ne peut tout aborder dans la mesure o&ugrave; elle ne reconna&icirc;t pas le principe et la r&eacute;alit&eacute; de toutes les couches et leurs interd&eacute;pendances. Avec l&rsquo;auteur se profile l&rsquo;id&eacute;e os&eacute;e d&rsquo;une autre logique, alors que la logique est fille de la rationalit&eacute; mais si ce qui est &eacute;tiquet&eacute; d&rsquo;irrationnel se pr&eacute;sentait sous une autre forme de &laquo;&nbsp;logique interne&nbsp;&raquo;, serait-il justifi&eacute; de rejeter la description d&rsquo;un processus apparent&eacute; sous pr&eacute;texte qu&rsquo;il lance un d&eacute;fi &agrave; sa filiation&nbsp;? O&ugrave; commence l&rsquo;ouverture et o&ugrave; finit-elle par se refermer, en persistant &agrave; exclure sans tenter de d&eacute;passer les propres fronti&egrave;res du &laquo;&nbsp;pr&ecirc;t &agrave; penser&nbsp;&raquo; alors qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;av&eacute;rer mais juste d&rsquo;accepter d&rsquo;en tester l&rsquo;approche&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">Au terme de cette recension, quelques questions majeures &agrave; nos yeux, suscit&eacute;es par cet ouvrage&nbsp;:</p> <p class="paragraphesansretrait" dir="ltr">1) tout d&rsquo;abord, sur le plan g&eacute;n&eacute;ral, &laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo; repose sur des observations et des r&eacute;flexions issues de la r&eacute;alit&eacute; v&eacute;cue et partag&eacute;e, appr&eacute;hend&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;tat brut, sans fa&ccedil;onnage a priori pour devenir compatible &agrave; d&rsquo;&eacute;ventuelles d&eacute;monstrations en s&rsquo;adaptant &agrave; une m&eacute;thode configur&eacute;e. E. Canetti nous fait percevoir toute la difficult&eacute; d&rsquo;appr&eacute;hender la complexit&eacute; du r&eacute;el mais &eacute;galement tout l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;une approche transdisciplinaire. Il est vrai que cette suggestion pr&eacute;sente des difficult&eacute;s op&eacute;rationnelles en l&rsquo;&eacute;tat actuel mais qu&rsquo;un avenir proche viendra estomper. En effet, les &laquo;&nbsp;Big Data&nbsp;&raquo; pratiquent d&eacute;j&agrave; et pratiqueront une transdisciplinarit&eacute; quantitative et par extension, qualitative, orienteront vers des analyses pr&eacute;dictives et des pistes d&rsquo;hypoth&egrave;ses &agrave; travailler. D&egrave;s lors, il restera au chercheur &laquo;&nbsp;plut&ocirc;t monodisciplinaire&nbsp;&raquo; &agrave; trouver sa place &agrave; c&ocirc;t&eacute; des &laquo;&nbsp;Big Data&nbsp;&raquo; et de leur &laquo;&nbsp;intuition&nbsp;&raquo;&nbsp;instrumentale&nbsp;?</p> <p class="paragraphesansretrait" dir="ltr">2) Sur un autre plan, cet ouvrage insiste sur notre constitution et nos r&eacute;flexes archa&iuml;ques, lesquels s&rsquo;expriment dans nos attitudes et nos comportements, spontan&eacute;ment et &agrave; notre insu, avec la difficult&eacute;, parfois, de nous reconna&icirc;tre dans nos faits et gestes lorsque &laquo;&nbsp;faire masse&nbsp;&raquo; devient n&eacute;cessaire au sens philosophique du terme. Ceci induit &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir au &laquo;&nbsp;d&eacute;mos&nbsp;&raquo; de la d&eacute;mocratie qui inclut un peuple qui se cherche et qui est recherch&eacute; tant sa cr&eacute;dibilit&eacute; laisse &agrave; d&eacute;sirer tandis que se d&eacute;ploient des circonstances de masse qui, parfois, d&eacute;g&eacute;n&egrave;rent en meutes. Le peuple serait-il fa&ccedil;onn&eacute; par l&rsquo;intellect alors que la masse en repr&eacute;senterait l&rsquo;expression &eacute;motionnelle&nbsp;? Il deviendrait &eacute;vident, d&egrave;s lors, qu&rsquo;explorant ce qui est la masse avec des &laquo;&nbsp;outils&nbsp;&raquo; compatibles avec le peuple, il est impossible de les faire se rejoindre, d&rsquo;autant plus que la &laquo;&nbsp;noblesse&nbsp;&raquo; de la masse reste discutable.<br /> Notre m&eacute;moire &eacute;motionnelle profonde, archa&iuml;que, v&eacute;hiculerait des germes d&rsquo;attitudes et de comportements int&eacute;rieurs en m&ecirc;me temps que nous les traduisons, sur un mode &laquo;&nbsp;recevable, d&eacute;sirable contextuellement&nbsp;&raquo; en termes de modes visibles propres &agrave; &ecirc;tre enregistr&eacute;s dans un protocole exp&eacute;rimental. Que faire, alors, du souterrain g&ecirc;nant puisqu&rsquo;il n&rsquo;est pas directement accessible tandis qu&rsquo;il pourrait &ecirc;tre rep&eacute;r&eacute;, peut-&ecirc;tre ou pourtant, comme appartenant aux fondations d&rsquo;un &eacute;chafaudage &eacute;labor&eacute; avec lui comme &laquo;&nbsp;intrus&nbsp;&raquo; non identifi&eacute;&nbsp;? Il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;opposer masse et peuple mais de souligner qu&rsquo;ils auraient besoin de dialoguer ensemble pour, par exemple, relire en le revisitant &laquo;&nbsp;le peuple&nbsp;&raquo; de Jules Michelet, laiss&eacute; trop vite dans l&rsquo;ombre sous pr&eacute;texte d&rsquo;&eacute;lans mystiques ou autres. Car si E. Canetti propose des pistes d&rsquo;observation et de r&eacute;flexion, il ne pr&eacute;tend pas les conclure mais plut&ocirc;t les soumettre comme un nouveau champ d&rsquo;exp&eacute;rimentation &agrave; usage plus large et plus contemporain. Un danger se pr&eacute;sente qui serait celui d&rsquo;une lecture &laquo;&nbsp;cat&eacute;gorisante&nbsp;&raquo; a priori de cet essai, laquelle nettoierait toutes les asp&eacute;rit&eacute;s dans une pr&eacute;cipitation &agrave; vouloir &laquo;&nbsp;tout ranger&nbsp;&raquo; &agrave; nouveau plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; y accueillir la &laquo;&nbsp;mise en d&eacute;sordre&nbsp;&raquo; pour en reconsid&eacute;rer les param&egrave;tres d&rsquo;un autre ordre.</p> <p class="paragraphesansretrait" dir="ltr">3) Par ailleurs, &laquo;&nbsp;on ne change pas une soci&eacute;t&eacute; par d&eacute;cret&nbsp;&raquo; affirmait Michel Crozier il y a un demi-si&egrave;cle, mais l&rsquo;humain dans ses vibrations sensibles et vivantes n&rsquo;est-il pas confront&eacute;, aujourd&rsquo;hui, &agrave; devoir se taire pour offrir une repr&eacute;sentation sociale digne de la raison raisonnante&nbsp;? Ce besoin imp&eacute;ratif de n&rsquo;appr&eacute;hender les &eacute;motions qu&rsquo;au travers du filtre ou des filtres de la raison, avec &eacute;valuation apr&egrave;s jugement et sanction d&rsquo;inclusion ou d&rsquo;exclusion, n&rsquo;est-ce pas l&agrave; l&rsquo;expression secr&egrave;te de nos peurs enfouies, archa&iuml;ques&nbsp;? Dans ce cas alors, cette objectivit&eacute; port&eacute;e en &eacute;tendard et parfois en bouclier, n&rsquo;est-elle pas l&agrave; pour prot&eacute;ger a priori d&rsquo;avoir &agrave; prendre en compte des situations du r&eacute;el v&eacute;cu donc complexe, afin d&rsquo;apurer ce qu&rsquo;on ne saurait voir&nbsp;! Or, enrichir la connaissance n&rsquo;est-ce pas l&rsquo;ambition de la recherche m&ecirc;me si cela risque de conduire &agrave; une remise en question de l&rsquo;organisation des savoirs pour faire &eacute;merger les zones en jach&egrave;re, au risque de la peur&nbsp;?</p> <p class="paragraphesansretrait" dir="ltr">4) Enfin, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque o&ugrave; le transhumanisme et l&rsquo;intelligence artificielle se rangent parmi nos pr&eacute;occupations quant au type de &laquo;&nbsp;soci&eacute;t&eacute;-monde&nbsp;&raquo; qu&rsquo;ils vont concourir &agrave; faire advenir, ne sommes-nous pas en train de fa&ccedil;onner, d&eacute;j&agrave;, un peuple de post humains, sculpt&eacute;s tels qu&rsquo;il faudrait qu&rsquo;ils soient, au risque d&rsquo;engendrer un mal-&ecirc;tre d&ucirc; &agrave; une incapacit&eacute; &agrave; &ecirc;tre ce qu&rsquo;ils ne sont pas, puisqu&rsquo;ils sont encore des humains&nbsp;? Car si &ecirc;tre sensible et respirer demeurent les caract&eacute;ristiques du vivant, mettre &agrave; distance la sensibilit&eacute; humaine ou la rendre &laquo;&nbsp;insensible&nbsp;&raquo;, cela ne nous conduit-il pas &agrave; nous m&eacute;tamorphoser&nbsp;? La question qui se posera alors devra porter sur quel type de vivant sommes-nous devenus tout en faisant l&rsquo;inventaire de tous nos renoncements fondamentaux.</p> <p class="texte" dir="ltr">En conclusion, la lecture de &laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo; vient pointer, en insistant, sur la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;accepter de regarder dans le miroir qui nous est tendu et que nous pouvons nous tendre car il s&rsquo;agit de notre existence &agrave; tous et des qualificatifs que nous sommes en train de contribuer &agrave; lui adjoindre. Dans &laquo;&nbsp;la mise en sc&egrave;ne de la vie quotidienne&nbsp;&raquo;, Erwin Goffman focalise sur nos r&ocirc;les sociaux pour nous r&eacute;duire &agrave; ces apparences dans nos apparitions tandis que Georges Simmel avance le principe de l&rsquo;existence d&rsquo;un secret plus secret que tout secret, qui qualifie notre intime. Or, si cet intime constitue la singularit&eacute; individuelle, il repose sur la similarit&eacute; partag&eacute;e de l&rsquo;humaine condition, sans laquelle l&rsquo;intime humain serait impossible&nbsp;: il est n&eacute;cessaire d&rsquo;&ecirc;tre humain pour parler d&rsquo;intime.</p> <p class="texte" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo; illustre notre potentiel individuel &agrave; &laquo;&nbsp;faire masse&nbsp;&raquo; en mettant en relief la puissance des germes en sommeil au fond de nous, de nos racines archa&iuml;ques et du sens qu&rsquo;ils manifestent en se r&eacute;v&eacute;lant selon les uns et les autres. &laquo;&nbsp;Faire masse&nbsp;&raquo; repr&eacute;sente les racines, la dimension profonde, enfouie, de tout rassemblement, groupe, foule, communaut&eacute;, r&eacute;union, etc..., ces derniers &eacute;tant la face &eacute;merg&eacute;e et rationalis&eacute;e, conceptualis&eacute;e, d&rsquo;un niveau intime immerg&eacute;, non directement accessible. Comme les racines donnent &agrave; voir l&rsquo;arbre, nos racines sont le terreau des groupes, peuples, foules, communaut&eacute;s, organisations humaines constitu&eacute;es en vue d&rsquo;un but ou d&rsquo;un objectif &eacute;nonc&eacute; et rationnel. Toutefois, nos racines sont l&agrave;, en fournissent la s&egrave;ve qui nourrit le potentiel de &laquo;&nbsp;faire masse&nbsp;&raquo; de chaque &ecirc;tre humain vivant, donc sensible, vibrant par les &eacute;motions.</p> <p class="texte" dir="ltr">La masse, ainsi appr&eacute;hend&eacute;e, est le v&eacute;hicule par lequel l&rsquo;intime non conscient de l&rsquo;humain, se manifeste ou pas, sans traduire explicitement ce qui l&rsquo;anime alors qu&rsquo;elle est anim&eacute;e. Dans une soci&eacute;t&eacute; rationalis&eacute;e, compos&eacute;e d&rsquo;humains fa&ccedil;onn&eacute;s par la raison raisonnante, ce potentiel &agrave; &laquo;&nbsp;faire masse&nbsp;&raquo; n&rsquo;appara&icirc;t pas, puisque l&rsquo;homme tel qu&rsquo;il doit &ecirc;tre, est &eacute;duqu&eacute; et &laquo;&nbsp;g&egrave;re ses &eacute;motions&nbsp;&raquo;. En cons&eacute;quence, il ignore, est indiff&eacute;rent ou m&ecirc;me combat ce potentiel en lui en luttant contre toute expression excessive de l&rsquo;&eacute;motionnel par un terme impos&eacute; par la &laquo;&nbsp;d&eacute;finition&nbsp;&raquo; implicite de l&rsquo;homme &eacute;duqu&eacute;. En effet, l&rsquo;homme &eacute;duqu&eacute;, tel qu&rsquo;il doit &ecirc;tre, est &laquo;&nbsp;d&eacute;limit&eacute;&nbsp;&raquo; dans sa finitude en se montrant &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur des limites de l&rsquo;homme &laquo;&nbsp;fini&nbsp;&raquo; d&eacute;fini, qui ne peut se r&eacute;aliser qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de sa finitude circonscrite par le pens&eacute; en vigueur de l&rsquo;homme normal dans la soci&eacute;t&eacute; consid&eacute;r&eacute;e.</p> <p class="texte" dir="ltr">Aussi, le devenir de ce qui fait l&rsquo;objet de &laquo;&nbsp;l&rsquo;impens&eacute;&nbsp;&raquo; de l&rsquo;homme ou d&rsquo;aspects minor&eacute;s ou ignor&eacute;s ou refoul&eacute;s, fait l&rsquo;objet d&rsquo;une autocensure ou d&rsquo;un refoulement de bon aloi afin d&rsquo;offrir l&rsquo;image d&rsquo;un fonctionnement &laquo;&nbsp;lisse&nbsp;&raquo;, sans trop d&rsquo;asp&eacute;rit&eacute;s, en surface. Les soci&eacute;t&eacute;s totalitaires nous ont donn&eacute; des t&eacute;moignages &agrave; maintes reprises, de ce type d&rsquo;exemples de cette volont&eacute; de coercition r&eacute;ussie en apparence. Mais le totalitarisme est une modalit&eacute; de gestion des individus qui peut prendre des formes plus discr&egrave;tes, ayant obtenu un consensus de principe eu &eacute;gard &agrave; la d&eacute;sirabilit&eacute; sociale en vigueur.</p> <p class="texte" dir="ltr">Parmi les cons&eacute;quences possibles reste la violence li&eacute;e d&rsquo;une part au fait de ne pas avoir d&rsquo;opportunit&eacute; d&rsquo;expression dans cette soci&eacute;t&eacute; mod&eacute;lis&eacute;e du &laquo;&nbsp;pas vu-pas pris&nbsp;&raquo;, et d&rsquo;autre part au fait que les peurs transport&eacute;es par les racines archa&iuml;ques humaines non r&eacute;v&eacute;l&eacute;es et donc non accept&eacute;es pour &ecirc;tre d&eacute;pass&eacute;es, peuvent exploser &agrave; tout moment pour devenir totalement incontr&ocirc;lables comme un barrage qui c&egrave;de aux violences inou&iuml;es. Dans nos soci&eacute;t&eacute;s occidentales o&ugrave; la mort a &eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;aseptis&eacute;e&nbsp;&raquo; par le progr&egrave;s m&eacute;dical et l&rsquo;esp&eacute;rance dont il est le porteur, vivre est un objectif que la mort ne doit jamais venir troubler alors que la mort est inscrite dans la vie.</p> <p class="texte" dir="ltr">A c&ocirc;t&eacute; de cette option, &laquo;&nbsp;Masse et Puissance&nbsp;&raquo; se pr&eacute;sente comme une &oelig;uvre pertinente pour la psychologie politique dans la mesure o&ugrave; elle ouvre &agrave; une autre voie, &agrave; une soci&eacute;t&eacute; fond&eacute;e sur l&rsquo;homme tel qu&rsquo;il est, avec ses peurs archa&iuml;ques et ses besoins ontologiques, partag&eacute;s par tous. Tout projet politique placerait l&rsquo;homme intime au c&oelig;ur de ses actions, dans l&rsquo;esprit des valeurs r&eacute;publicaines et, en particulier, de la fraternit&eacute; humaine qui en fait le lit. Il ne s&rsquo;agirait plus de chercher &agrave; &eacute;duquer l&rsquo;humain comme les fascismes et autres en ont fait l&rsquo;exp&eacute;rience, mais de responsabiliser l&rsquo;homme sur notre dimension semblable de notre humaine condition c&rsquo;est-&agrave;-dire la puissance de ce que signifie &ecirc;tre un &ecirc;tre humain. D&egrave;s lors, la d&eacute;mocratie se lib&eacute;rerait de ses paradoxes et contradictions endog&egrave;nes n&eacute;s du fait de prendre soin du citoyen, concept vid&eacute; de l&rsquo;&eacute;motion du sensible vivant humain tel qu&rsquo;il est, en rempla&ccedil;ant l&rsquo;individu tel qu&rsquo;il devrait &ecirc;tre pr&eacute;conis&eacute; par la rationalit&eacute; souveraine par l&rsquo;humain dans son advenir d&rsquo;humanit&eacute; infinie, ind&eacute;finiment humaine. La cr&eacute;dibilit&eacute; d&rsquo;une telle proposition est directement li&eacute;e &agrave; nos modes d&rsquo;approches personnelles que nos d&eacute;finitions librement choisies nous imposent comme prismes de lecture du monde qui nous entoure, au sens profond que nous attribuons &agrave; notre existence.</p> <p class="texte" dir="ltr">De plus, la R&eacute;volution Fran&ccedil;aise, qui a institu&eacute; le principe d&rsquo;une insurrection permanente comme expression possible du peuple fran&ccedil;ais, peut se voir transformer en chance pour la R&eacute;publique et pour la d&eacute;mocratie plut&ocirc;t qu&rsquo;en risque permanent de contestation qu&rsquo;il faut, &agrave; tout prix, faire taire&nbsp;! Dans ce cas, il serait n&eacute;cessaire qu&rsquo;un autre &laquo;&nbsp;socialisme&nbsp;&raquo; se dessine pour remplacer le socialisme bourgeois mat&eacute;rialiste qui vise &agrave; ce que chacun puisse consommer en toute libert&eacute; dans une soci&eacute;t&eacute;-monde, jusqu&rsquo;&agrave; se perdre dans la consommation &agrave; outrance puisqu&rsquo;il peut se l&rsquo;offrir. Ce socialisme-l&agrave; ne pourra se rev&ecirc;tir de la panoplie de l&rsquo;id&eacute;ologie puisqu&rsquo;il devra laisser la place pour l&rsquo;expression m&eacute;taphysique &laquo;&nbsp;des signifiances existentielles&nbsp;&raquo; de l&rsquo;humain en voie d&rsquo;accomplissement de son advenir. L&rsquo;humain r&eacute;enchant&eacute; par son humanit&eacute; deviendrait le vecteur majeur de notre avenir collectif parce qu&rsquo;il serait impuls&eacute; par l&rsquo;immense puissance de l&rsquo;esp&eacute;rance individuelle conjugu&eacute;e.</p> <p class="texte" dir="ltr">Alors, les questions se posent &agrave; nous quant &agrave; notre volont&eacute; pour demain&nbsp;: avons-nous renonc&eacute; &agrave; une conscience collective de ce que signifie pour nous &ecirc;tre humain (sup&eacute;rieur &agrave; l&rsquo;animal dans l&rsquo;&eacute;volution) au nom d&rsquo;un orgueil fond&eacute; sur l&rsquo;illusion d&rsquo;avoir r&eacute;fl&eacute;chi sur tous les param&egrave;tres possibles gr&acirc;ce au progr&egrave;s de la science et des techniques&nbsp;? Cet orgueil nous conduit-il, apr&egrave;s avoir effac&eacute; les traces du sacr&eacute; et du divin, &agrave; les r&eacute;inventer pour incarner l&rsquo;homme devenu tout-puissant dans sa ma&icirc;trise&nbsp;? Ne serait-il pas temps d&rsquo;examiner cet orgueil contemporain si puissant qu&rsquo;il en est devenu banal et ni&eacute; alors qu&rsquo;il marque le quotidien de ses certitudes dans tous les aspects de la vie courante, laissant l&rsquo;humain seul avec la conscience des incertitudes immenses abandonn&eacute;es au d&eacute;ni, lequel fait l&rsquo;objet d&rsquo;un d&eacute;ni&nbsp;? En un mot, l&rsquo;humain serait-il devenu soluble dans tous les syst&egrave;mes invent&eacute;s par l&rsquo;homme, ma&icirc;tre du monde social, culturel et politique au point de lui avoir fait perdre sa m&eacute;moire&nbsp;?</p>