<p><strong>DOSSIER : QUANTIFICATION ET QUANTITE</strong></p> <p class="texte" dir="ltr">&shy;</p> <blockquote> <p class="citation" dir="ltr">&laquo;&nbsp;Seul l&rsquo;homme scientifique se refuse d&rsquo;admettre que c&rsquo;est au fond une croyance qui anime son id&eacute;e.&nbsp;&raquo;<br /> L. Binswanger<br /> <em>in</em> La conception de l&rsquo;homme chez Freud &agrave; la lumi&egrave;re de l&rsquo;anthropologie philosophique</p> </blockquote> <h2 dir="ltr" id="heading1" style="font-style:italic;">Introduction</h2> <p class="texte" dir="ltr">La quantit&eacute; est un terme de logicien et de math&eacute;maticien. Elle d&eacute;signe la capacit&eacute; de d&eacute;nombrer &agrave; partir d&rsquo;une unit&eacute; en attribuant une valeur &agrave; une grandeur. Elle est une notion de m&eacute;trologie pour qualifier tout ce qui est mesurable. Elle para&icirc;t anodine puisque compter semble &eacute;vident en toute chose. Elle ne suscite donc pas une grande attention. Pourtant, &agrave; y r&eacute;fl&eacute;chir, l&rsquo;action de d&eacute;nombrer privil&eacute;gie ce qui est commun &agrave; ce qui est diff&eacute;rent en faisant fi de ce qui distingue les objets r&eacute;unis dans un ensemble. Elle d&eacute;veloppe aussi un comportement particulier&nbsp;: syncop&eacute;e, r&eacute;p&eacute;titif, m&eacute;canique voire automatique dans l&rsquo;ex&eacute;cution des op&eacute;rations. Cette action aurait des cons&eacute;quences pour les choses ainsi m&eacute;lang&eacute;es et pour celui qui s&rsquo;adonne &agrave; cet exercice. Compter ou mesurer exprimeraient une intention m&ecirc;lant une vision du monde &agrave; une vision de soi. Ce sera notre hypoth&egrave;se.</p> <p class="texte" dir="ltr">Et cette hypoth&egrave;se a quelques raisons. La philosophe politique Arendt donne des indications &agrave; propos de cette tendance &agrave; l&rsquo;universalisation de la quantit&eacute; et de ses op&eacute;rations, dans <span style="text-decoration:underline;">Condition de l&rsquo;homme moderne</span><a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a>. Elle dit que &laquo;&nbsp;l&rsquo;uniformit&eacute; statistique n&rsquo;est en aucune fa&ccedil;on un id&eacute;al scientifique inoffensif&nbsp;; c&rsquo;est l&rsquo;id&eacute;al politique d&eacute;sormais avou&eacute; d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; qui, engloutie dans la routine de la vie quotidienne, accepte la conception scientifique inh&eacute;rente r&eacute;ellement &agrave; son existence.&nbsp;&raquo; (1983, 82). Le d&eacute;nombrement et le calcul statistique sont bien plus que d&rsquo;anodines techniques logico-math&eacute;matiques. Elles projettent sur le monde une r&egrave;gle o&ugrave; chaque &ecirc;tre particulier perd toute sa valeur. Il est tout &agrave; la fois banalis&eacute; et confondu avec tous les autres. Applicable &agrave; des grains de sables ou &agrave; des hommes, la statistique a bien pour intention de r&eacute;duire son objet &agrave; des calculs. Arendt fait le constat que le d&eacute;veloppement de l&rsquo;&eacute;conomie politique induit des normes sociales&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;conomie ne put prendre un caract&egrave;re scientifique que lorsque les hommes furent devenus des &ecirc;tres sociaux et suivirent unanimement certaines normes de comportement, ceux qui &eacute;chappaient &agrave; la r&egrave;gle pouvant passer pour asociaux ou anormaux.&nbsp;&raquo; (1983, 81). Elle &eacute;tudie les march&eacute;s et les comportements humains et elle les r&eacute;duit &agrave; des faits calculables et pr&eacute;visibles. Arendt souligne ici que la m&eacute;thode va au-del&agrave; de la description des ph&eacute;nom&egrave;nes puisqu&rsquo;elle prescrit et construit son objet en vertu de ses hypoth&egrave;ses. La m&eacute;thode contiendrait sa v&eacute;rit&eacute; propre qu&rsquo;elle d&eacute;velopperait jusqu&rsquo;&agrave; devenir l&rsquo;instrument d&rsquo;une mise en conformit&eacute; des comportements qui doivent respecter ses pr&eacute;visions.</p> <p class="texte" dir="ltr">Arendt tire un enseignement majeur de ce comportement r&eacute;p&eacute;titif de la quantification. Elle conclut que &laquo;&nbsp;l&rsquo;application de la loi des grands nombres et des longues dur&eacute;es &agrave; la politique ou &agrave; l&rsquo;Histoire signifie tout simplement que l&rsquo;on a volontairement oubli&eacute; l&rsquo;objet m&ecirc;me de l&rsquo;Histoire et de la politique et il est absolument vain d&rsquo;y chercher une signification, un sens, apr&egrave;s en avoir &eacute;limin&eacute; tout ce qui n&rsquo;est pas comportement quotidien ou tendances automatiques.&nbsp;&raquo; (1983, 81). L&rsquo;intention du calcul serait d&rsquo;&eacute;vacuer la part d&rsquo;incertitude, d&rsquo;impr&eacute;visible et surtout de cr&eacute;ativit&eacute; qui viendrait modifier, perturber et changer l&rsquo;ordre pr&eacute;vu. Elle souligne &agrave; quel point le r&egrave;gne de la quantit&eacute; serait le triomphe de la mesure et de la r&eacute;p&eacute;tition syncop&eacute;e de l&rsquo;acte automatique du d&eacute;nombrement. Il y aurait dans cette absence de pens&eacute;e une faillite de l&rsquo;esprit dont elle dit que &laquo;&nbsp;la pens&eacute;e elle-m&ecirc;me, en devenant &laquo;&nbsp;calcul des cons&eacute;quences&nbsp;&raquo;, est devenue une fonction du cerveau, et logiquement on s&rsquo;aper&ccedil;oit que les machines &eacute;lectroniques remplissent cette fonction beaucoup mieux que nous.&nbsp;&raquo; (1983, 400). La philosophe r&eacute;v&egrave;le que la quantit&eacute; est une sorte de pens&eacute;e automatique, les machines ayant un pouvoir de calcul et de commandement plus puissant. La quantit&eacute; serait donc tr&egrave;s loin d&rsquo;&ecirc;tre neutre<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a>.</p> <p class="texte" dir="ltr">Sur ces bases, initions une psychologie de la quantit&eacute; et interrogeons la pratique du quantificateur lorsqu&rsquo;il affirme l&rsquo;universalit&eacute; de sa d&eacute;marche. Vouloir tout compter, vouloir tout r&eacute;duire &agrave; une calculabilit&eacute; est-il bien raisonnable&nbsp;? Est-ce m&ecirc;me une d&eacute;marche scientifique et exp&eacute;rimentale ou bien une d&eacute;rive quasi-pathologique dans laquelle la construction absorbe son objet, dissolvant la r&eacute;alit&eacute; dans sa repr&eacute;sentation&nbsp;? Cette pratique porterait ses biais comportementaux &agrave; l&rsquo;instar de toute pratique. Mais, se faisant, nous proposons un peu d&rsquo;impertinence, puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;interroger le comportement du quantificateur et les conditions de l&rsquo;exercice de la quantification, voire ses intentions. Or, nous allons devoir affronter deux difficult&eacute;s majeures. La premi&egrave;re est celle de l&rsquo;argument d&rsquo;irrecevabilit&eacute; d&rsquo;une psychologie des actes de pens&eacute;e manipulant les nombres, ceux-ci s&rsquo;affranchissant de toute herm&eacute;neutique avec violence comme nous allons l&rsquo;&eacute;tudier. La seconde tient &agrave; la subordination quasi inconsciente des chercheurs en sciences humaines soumis &agrave; l&rsquo;hypoth&egrave;se de l&rsquo;ordre des sciences dont la pr&eacute;tendue sup&eacute;riorit&eacute; intrins&egrave;que de la logique et des math&eacute;matiques<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a>. Or, la quantit&eacute; est une hypoth&egrave;se de travail, une pratique de la pens&eacute;e, avec ses comportements, pour se repr&eacute;senter les choses sous un certain angle.</p> <h2 dir="ltr" id="heading2" style="font-style:italic;">1. La logique de la quantit&eacute; et de la quantification&nbsp;: symboles et congruence</h2> <p class="texte" dir="ltr">Les psychologues interrogent peu les pratiques des math&eacute;matiques d&rsquo;o&ugrave; de rares travaux sur la psychologie du travail math&eacute;matique dont la quantification. Pourtant, ils ont initi&eacute; une psychologie de la religion d&egrave;s lors que celle-ci a &eacute;t&eacute; jug&eacute;e, par la plupart, relative, voire non-scientifique. Or, les psychologues sont-ils pr&ecirc;ts &agrave; interroger ce qui ressort peut-&ecirc;tre d&rsquo;une sorte de religion de la quantit&eacute;, comme hier &agrave; faire l&rsquo;analyse du fait religieux au risque de sa d&eacute;construction<a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a>&nbsp;? C&rsquo;est pourquoi il convient de commencer par l&rsquo;analyse des conditions dans lesquelles les logiciens et les math&eacute;maticiens ont eux-m&ecirc;mes formalis&eacute; leurs objets de travail, les nombres et quelques lois de la pens&eacute;e. Ces objets d&rsquo;&eacute;tude et de pens&eacute;e sont communs d&rsquo;usage mais en fait peu r&eacute;fl&eacute;chis. Ils paraissent &eacute;vidents&nbsp;; or ils proc&egrave;dent d&rsquo;une perception intellectuelle qui requiert la manipulation d&rsquo;abstractions peu famili&egrave;res. De m&ecirc;me, ces nombres et ces lois ont une histoire. C&rsquo;est pourquoi, il est important de les comprendre en &eacute;tudiant la mani&egrave;re dont ils se sont construits. C&rsquo;est l&rsquo;objet de cette premi&egrave;re partie qui porte sur les <em>symboles</em> et la loi cardinale de la <em>congruence</em>, notion qui est d&rsquo;ailleurs &agrave; l&rsquo;intersection de la psychologie, de la philosophie et de la logique.</p> <p class="texte" dir="ltr">1. Les <em>symboles</em> logiques et math&eacute;matiques sont des signes auxquels sont associ&eacute;s des fonctions et des op&eacute;rations. La question de leur sup&eacute;riorit&eacute; conduit &agrave; les distinguer des signes des autres langages. Nous reconnaissons en effet aux symboles logiques et math&eacute;matiques leur universalit&eacute; ind&eacute;pendamment des variations linguistiques. Ce langage symbolique serait plus v&eacute;ridique parce qu&rsquo;il manifesterait des id&eacute;aux d&rsquo;une autre nature que tous les autres concepts qui eux, varient selon des traditions culturelles et des interpr&eacute;tations. Ils seraient des abstractions vraies<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a>. A cet &eacute;gard, les logiciens et math&eacute;maticiens ont parfaitement compris l&rsquo;enjeu de cette croyance d&rsquo;o&ugrave; leur r&eacute;futation de l&rsquo;analyse ph&eacute;nom&eacute;nologique ou psychologique dans le but de conforter l&rsquo;autorit&eacute; de leur langage, &eacute;vitant toute intrusion qui viendrait subvertir le sens de leurs symboles par une interpr&eacute;tation d&rsquo;un autre ordre. L&rsquo;&eacute;vidente v&eacute;rit&eacute; des id&eacute;alit&eacute;s math&eacute;matiques ne s&rsquo;interpr&egrave;terait pas puisqu&rsquo;elles sont le lieu de la transparence du concept, l&agrave; o&ugrave; le sujet et l&rsquo;objet fusionnent dans l&rsquo;illumination de l&rsquo;&eacute;vidence.<br /> Concentrons-nous sur le nombre et son histoire dans l&rsquo;arithm&eacute;tique, soit la base des math&eacute;matiques. Cet objet de travail et de connaissance doit &agrave; Thal&egrave;s et &agrave; ses th&eacute;or&egrave;mes qui mettent en &oelig;uvre des lois de la pens&eacute;e &agrave; l&rsquo;origine de la th&eacute;orie de la d&eacute;monstration du fait de ses d&eacute;ductions. Pythagore d&eacute;veloppe une science mystique des nombres. Son arithmologie r&eacute;v&egrave;le leur pouvoir all&eacute;gorique et une r&eacute;alit&eacute; harmonique par-del&agrave; le r&eacute;el observable. Platon relie les nombres &agrave; une th&eacute;orie des id&eacute;es o&ugrave; ces objets ont une r&eacute;alit&eacute; propre alors qu&rsquo;Aristote d&eacute;veloppe une logique des rapports des parties au tout, la m&eacute;r&eacute;ologie, se d&eacute;tournant des nombres au profit des classes et des lois de la pens&eacute;e&nbsp;: la logique. Et cette histoire des nombres manifeste deux questions fondamentales&nbsp;; celle de leur nature et celle de leur rapport &agrave; une r&eacute;alit&eacute; dont ils seraient l&rsquo;explication, le mod&egrave;le, voire l&rsquo;essence. Plus encore, l&rsquo;usage des nombres produit d&rsquo;autres nombres dans une sorte de prolif&eacute;ration &agrave; partir des nombres entiers posant quelques questions sur les limites ou l&rsquo;infinit&eacute; des nombres possibles&nbsp;: les entiers, les rationnels, les relatifs, les r&eacute;els, etc.<a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a>. Cette prolif&eacute;ration rend l&rsquo;unit&eacute; du concept de nombre difficile. Par exemple, la d&eacute;finition d&rsquo;un nombre rationnel contredit celle d&rsquo;un nombre entier puisque le rationnel s&rsquo;&eacute;crit par quotient de mille mani&egrave;res. De m&ecirc;me le nombre r&eacute;el introduit les d&eacute;cimales inconcevables dans la s&eacute;rie des entiers naturels. Quant aux nombres relatifs, les n&eacute;gatifs introduisent la fonction d&rsquo;un nombre particulier dont la d&eacute;finition m&ecirc;me pose quelques questions&nbsp;; le z&eacute;ro. Rappelons que celui-ci a par ailleurs des propri&eacute;t&eacute;s in&eacute;dites, exclusives et contradictoires avec les autres nombres d&rsquo;o&ugrave; le terme d&rsquo;absorbant &agrave; son sujet. Une division par z&eacute;ro produit un autre concept tr&egrave;s complexe&nbsp;: l&rsquo;infini. La multiplication par z&eacute;ro produit z&eacute;ro, etc. Cette complexit&eacute; des objets math&eacute;matiques est confirm&eacute;e par le fait que l&rsquo;ensemble des nombres r&eacute;els a &eacute;t&eacute; ordonn&eacute; tardivement &agrave; la fin du 19<sup>e</sup> si&egrave;cle dans les travaux, entre autre, de Cantor et Dedekind. C&rsquo;est &agrave; cette &eacute;poque qu&rsquo;est men&eacute;e une r&eacute;flexion sur leur fondement et sur les lois qui en gouvernent les usages. C&rsquo;est l&agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de la science logique moderne et contemporaine avec entre autre les tentatives de Peano puis de Frege de comprendre et de fonder l&rsquo;arithm&eacute;tique<a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a>.<br /> L&rsquo;objet math&eacute;matique est-il alors &eacute;ternel, universel, objectif, &eacute;vident&nbsp;? Se construit-il dans une histoire&nbsp;? S&rsquo;agit-il d&rsquo;une invention ou d&rsquo;une d&eacute;couverte d&rsquo;un continent d&rsquo;objets cach&eacute;s qui se manifesterait &agrave; la connaissance de l&rsquo;homme&nbsp;? Peut-on dire alors que cette rencontre du math&eacute;maticien avec son objet d&rsquo;&eacute;tude est d&eacute;nu&eacute;e de toute intention&nbsp;? A ce sujet, cette revendication de l&rsquo;absence d&rsquo;intention est bien le pr&eacute;requis du fondement de l&rsquo;objectivit&eacute; et de la v&eacute;rit&eacute; des symboles&nbsp;; ceux-ci &eacute;tant ind&eacute;pendants de la perception et des repr&eacute;sentations psychologiques, sociales ou culturelles. En effet, si le nombre est une &eacute;vidence premi&egrave;re pour tous, il est vrai. Tr&egrave;s conscient de cet enjeu, le math&eacute;maticien Poincar&eacute; cherche &agrave; en faire la d&eacute;monstration. Elle consiste &agrave; &eacute;liminer la sensibilit&eacute; en partant du constat de l&rsquo;incommunicabilit&eacute; des sensations&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Les sensations d&rsquo;autrui seront pour nous un monde &eacute;ternellement ferm&eacute;&hellip; &hellip; Les sensations sont donc intransmissibles, ou plut&ocirc;t tout ce qui est qualit&eacute; pure en elles est intransmissible et &agrave; jamais imp&eacute;n&eacute;trable.&nbsp;&raquo; (1970, 179). Il en conclut que &laquo;&nbsp;tout ce qui est objectif est d&eacute;pourvu de toute qualit&eacute; et n&rsquo;est que relation pure.&nbsp;&raquo; (1970,179). Et l&rsquo;universalit&eacute; des math&eacute;matiques s&rsquo;impose telle une &eacute;vidence&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais ce que nous appelons la r&eacute;alit&eacute; objective, c&rsquo;est, en derni&egrave;re analyse, ce qui est commun &agrave; plusieurs &ecirc;tres pensants, et pourraient &ecirc;tre commun &agrave; tous&nbsp;; cette partie commune, nous le verrons, ce ne peut-&ecirc;tre que l&rsquo;harmonie exprim&eacute;e par les lois math&eacute;matiques.&nbsp;&raquo; (1970, 23). L&rsquo;autorit&eacute; du symbole tient &agrave; cette seule assertion qui le d&eacute;clare hors de port&eacute;e de toute sorte d&rsquo;interpr&eacute;tation&nbsp;: historique, &eacute;pist&eacute;mologique ou psychologique. A cet &eacute;gard, l&rsquo;histoire de la g&eacute;om&eacute;trie lui donne raison comme l&rsquo;explique tr&egrave;s bien le math&eacute;maticien et le philosophe Patras&nbsp;: &laquo;&nbsp;Lorsque, vers 1816, Gauss entrevoit pour la premi&egrave;re fois la possibilit&eacute; de d&eacute;velopper une g&eacute;om&eacute;trie coh&eacute;rente dans lequel le postulat des parall&egrave;les qui gouverne la g&eacute;om&eacute;trie euclidienne, ne serait pas v&eacute;rifi&eacute; (c&rsquo;est la d&eacute;finition d&rsquo;une g&eacute;om&eacute;trie non-euclidienne), la g&eacute;om&eacute;trie ne s&rsquo;est pas encore d&eacute;gag&eacute;e de son ancrage dans le r&eacute;el. D&rsquo;une certaine mani&egrave;re, tout le monde con&ccedil;oit alors la g&eacute;om&eacute;trie comme la science des formes pures de l&rsquo;espace v&eacute;cu.&nbsp;&raquo; (2001,21). Les math&eacute;matiques manipulent donc progressivement des objets qui se d&eacute;tachent de l&rsquo;exp&eacute;rience et des intuitions sensibles.<br /> Ceci l&eacute;gitime alors cette construction des abstractions par ce rejet violent de toute intrusion d&rsquo;une approche psychologique, comme l&rsquo;indique Poincar&eacute;. Celui-ci reste fid&egrave;le &agrave; l&rsquo;antipsychologisme du fondateur de la logique moderne Frege<a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a>. Ce dernier niait que l&rsquo;objet logique puisse d&eacute;pendre d&rsquo;un jugement, parlant des lois de la pens&eacute;e qui la dirige dans ses op&eacute;rations. Il affirme ainsi l&rsquo;existence de normes de pens&eacute;e. Sur ce point, il a &eacute;t&eacute; influenc&eacute; par son professeur, le philosophe Lotze<a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a>, tr&egrave;s admir&eacute; de ses contemporains. Il lui doit ce syst&egrave;me philosophique qui distingue les lois, les faits et les valeurs&nbsp;; et ce,&nbsp;ant&eacute;rieurement &agrave; l&rsquo;expos&eacute; de Weber sur les jugements de valeur et les jugements de fait utiles &agrave; la d&eacute;finition de la position de neutralit&eacute; du savant. Les lois de la logique sont selon Lotze des intuitions premi&egrave;res, des &eacute;vidences primordiales qui structurent les pens&eacute;es. Les faits physiques ou psychologiques sont ensuite les domaines d&rsquo;application des lois. Et les valeurs produisent des jugements &eacute;thiques et esth&eacute;tiques. Chez Lotze, l&rsquo;objectivit&eacute; se distingue alors de la r&eacute;alit&eacute;. Les lois sont objectives sans pour autant &ecirc;tre r&eacute;elles au sens o&ugrave; elles existeraient tels des faits. Frege fait sienne cette distinction de la logique et de la psychologie, consid&eacute;rant que cette derni&egrave;re n&rsquo;a pas sa place pour expliquer ce qui lui est en dignit&eacute; sup&eacute;rieur. Les &eacute;vidences formelles &eacute;chappent au processus de pens&eacute;e car celui-ci r&eacute;v&egrave;le des abstractions qui gouvernent la pens&eacute;e et donc le r&eacute;el, non l&rsquo;inverse. L&rsquo;objet math&eacute;matique a une objectivit&eacute; qui impose son enseignement<a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a>. La psychologie n&rsquo;est donc pas la bienvenue. <em>In fine</em>, cela signifie que le nombre ouvre des horizons de constructions ind&eacute;pendantes de l&rsquo;exp&eacute;rience, la discussion psychologique &eacute;tant close, voire inconvenante. Elle serait m&ecirc;me la preuve de l&rsquo;ignorance de celui qui ne saisit pas l&rsquo;&eacute;vidence objective de la r&eacute;v&eacute;lation des nombres et de leurs prolif&eacute;rations dans des constructions qui ont leurs lois propres. L&rsquo;intrusion du psychologue dans les math&eacute;matiques serait la preuve de son ignorance&nbsp;; voire de son incomp&eacute;tence.</p> <p class="texte" dir="ltr">2. Mais la totalit&eacute; de ces objets math&eacute;matiques r&eacute;pond &agrave; cette loi cardinale&nbsp;: la <em>congruence</em>.Celle-ci agit telle une intuition premi&egrave;re imm&eacute;diatement &eacute;vacu&eacute;e de la r&eacute;flexion d&egrave;s lors qu&rsquo;elle est active. Pourtant, comme nous allons le voir, elle d&eacute;limite un mode de pens&eacute;e particulier<a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a>. En effet, elle caract&eacute;rise l&rsquo;activit&eacute; cognitive du math&eacute;maticien. De quoi s&rsquo;agit-il&nbsp;? La congruence affirme la constance de l&rsquo;unit&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire que l&rsquo;unit&eacute; est &eacute;gale &agrave; elle-m&ecirc;me ind&eacute;pendamment de dimensions comme le temps ou l&rsquo;espace. Or, la constance est contraire &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience des d&eacute;formations de toutes sortes qui alt&egrave;rent inexorablement les objets, m&ecirc;me l&rsquo;&eacute;talon de mesure qui &eacute;volue par variation de temp&eacute;rature, de pression, etc. En g&eacute;om&eacute;trie, la congruence d&rsquo;une figure, un rond par exemple, suppose sa libre mobilit&eacute;, soit l&rsquo;absence de sa d&eacute;formation lors d&rsquo;une translation dans l&rsquo;espace. Pour &ecirc;tre vraie, cette constance n&eacute;cessite l&rsquo;axiome pr&eacute;alable de l&rsquo;unit&eacute; et de la constance de l&rsquo;espace. La figure reste constante si l&rsquo;espace dans lequel elle se d&eacute;place est constant, soit suppos&eacute; homog&egrave;ne et continu. Sinon, la figure serait expos&eacute;e &agrave; ses alt&eacute;rations ou d&eacute;formations. Or, cette hypoth&egrave;se alternative d&rsquo;un espace instable, courbe par exemple, est balay&eacute;e. Pourtant, personne ne peut attester par l&rsquo;exp&eacute;rience qu&rsquo;il en est durablement ainsi de l&rsquo;espace. La question devient encore plus aig&uuml;e en arithm&eacute;tique o&ugrave; il n&rsquo;existe plus la moindre r&eacute;f&eacute;rence physique sur laquelle prendre appui. La seule r&eacute;f&eacute;rence est le symbole lui-m&ecirc;me, l&rsquo;objet abstrait tel que nous l&rsquo;imaginons. La congruence du symbole est alors une simple hypoth&egrave;se, pour ne pas dire une pratique &eacute;l&eacute;mentaire de la pens&eacute;e o&ugrave; l&rsquo;identification de l&rsquo;objet et la constance de sa repr&eacute;sentation produisent un ordre &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un habitus de la pens&eacute;e.<br /> Or, les math&eacute;maticiens ont bien &eacute;videmment compris que la congruence est leur loi cardinale, l&eacute;gitimant les actes de pens&eacute;e. La congruence est alors l&agrave; dans toutes les relations. Le math&eacute;maticien reconna&icirc;t les signes et leur signification se maintenant &agrave; l&rsquo;identique dans la dur&eacute;e. Et cette permanence du langage objectif construit n&eacute;cessairement celle de ce qu&rsquo;il repr&eacute;sentera. L&rsquo;objet repr&eacute;sent&eacute; ne saurait alors &eacute;chapper &agrave; une continuit&eacute; qui est pr&eacute;sente dans ce langage&nbsp;: l&rsquo;identit&eacute; est pos&eacute;e par intuition. Dans un effort de formalisme, pour que la science math&eacute;matique soit pure des scories des perceptions sensibles, les math&eacute;maticiens ont tent&eacute; de formaliser cette congruence. Elle a suscit&eacute; des sp&eacute;culations et des controverses fondamentales entre math&eacute;maticiens dont celle opposant Poincar&eacute; &agrave; Russell. Comment fonder cette congruence <em>in abstracto</em>&nbsp;? D&rsquo;o&ugrave; vient que l&rsquo;unit&eacute; de mesure demeure avec la croyance de son identit&eacute; et de sa permanence dans l&rsquo;esprit du math&eacute;maticien&nbsp;? Pour le justifier, le fondateur de la logique contemporaine et de la th&eacute;orie des ensembles, Russell, renvoie na&iuml;vement &agrave; la nature, &agrave; la r&eacute;alit&eacute;, &agrave; la perception et aux faits observables pour asseoir la l&eacute;gitimit&eacute; de la congruence. Le pragmatisme l&rsquo;emporte mais la coh&eacute;rence n&rsquo;y est pas. Plus math&eacute;maticien, Poincar&eacute; lui objecte l&rsquo;exigence abstractive intrins&egrave;que &agrave; la discipline math&eacute;matique et pour laquelle aucun de ces arguments fond&eacute;s sur les perceptions &laquo;&nbsp;vulgaires&nbsp;&raquo; ne vaut. La pens&eacute;e doit fonder les concepts dans les raisonnements et les calculs, non dans les observations ou des exp&eacute;riences sensibles. L&rsquo;unit&eacute; de mesure ne se justifie pas par des corr&eacute;lations &agrave; des r&eacute;alit&eacute;s dans l&rsquo;usage strictement math&eacute;matique des nombres, surtout si la science math&eacute;matique se veut autonome et universelle. Reste alors une seule issue d&eacute;crite par Poincar&eacute;. La congruence est une pure convention fix&eacute;e par un acte de l&rsquo;intelligence&nbsp;: soit la reconnaissance <em>in abstracto</em>. Or, cet acte-l&agrave; s&rsquo;impose-t-il de lui-m&ecirc;me&nbsp;? Peut-il s&rsquo;&eacute;tendre sans limitation, sauf &agrave; exercer un monopole perceptif&nbsp;?<br /> C&rsquo;est pourquoi la position du math&eacute;maticien face aux symboles et sa certitude de la congruence donnent quelques cr&eacute;dits &agrave; l&rsquo;analyse psychologique de sa pratique intellectuelle. Elle est bien une op&eacute;ration de l&rsquo;intelligence manipulant des symboles o&ugrave; l&rsquo;homme utilise sa m&eacute;moire, soit le pr&eacute;requis de la connaissance se d&eacute;ployant dans une temporalit&eacute;, pour maintenir une relation constante entre des signes et des significations. Poincar&eacute; admet qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un acte de l&rsquo;intelligence, voire de la volont&eacute;, que de fixer et de reconna&icirc;tre la constance. Il s&rsquo;agit bien alors d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne cognitif assurant d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment ce continuum de la valeur de l&rsquo;unit&eacute;, relativement &agrave; elle-m&ecirc;me&nbsp;; l&agrave; o&ugrave; H&eacute;raclite enseignait que nous ne nous baignons jamais deux fois dans le m&ecirc;me fleuve, fusse-t-il apparemment le m&ecirc;me, l&agrave; o&ugrave; les sagesses orientales enseignent l&rsquo;illusion du monde&nbsp;! La culture math&eacute;maticienne est donc bien d&rsquo;origine europ&eacute;enne et li&eacute;e &agrave; la figure de l&rsquo;identit&eacute;<a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a>. Elle affirme cette possibilit&eacute; m&ecirc;me de garantir l&rsquo;identit&eacute; et de r&eacute;p&eacute;ter des signes en postulant leur continuit&eacute; de sens et de repr&eacute;sentation &agrave; la diff&eacute;rence d&rsquo;autres traditions de pens&eacute;e dans le monde. Cette attitude fonde sans doute tout autant la continuit&eacute; psychologique de se savoir soi-m&ecirc;me, que celle des objets, l&rsquo;une supportant l&rsquo;autre et r&eacute;ciproquement, l&rsquo;identit&eacute; n&rsquo;&eacute;tant pas donn&eacute;e mais &eacute;labor&eacute;e. Nous voyons mieux maintenant que l&rsquo;acte de pens&eacute;e qui pose le principe de congruence n&rsquo;est pas d&eacute;nu&eacute; d&rsquo;intention ni de comportements sp&eacute;cifiques. Il y va de cette continuit&eacute; de la perception et de la conscience s&rsquo;&eacute;prouvant dans des actes intellectuels. Si l&rsquo;antipsychologisme de Frege et Poincar&eacute; s&rsquo;entend, il serait d&eacute;raisonnable de r&eacute;futer a priori la possibilit&eacute; d&rsquo;un approfondissement en d&rsquo;autres analyses dont celle de la psychologie&nbsp;; tout simplement parce que leurs choix sont l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;une conscience se fixant des r&egrave;gles de pens&eacute;e, celle-ci d&eacute;limitant la mani&egrave;re de conna&icirc;tre.</p> <h2 dir="ltr" id="heading3" style="font-style:italic;">2. L&rsquo;analyse critique de la quantit&eacute; et de la quantification&nbsp;: reconnaissance et neutralit&eacute;</h2> <p class="texte" dir="ltr">Deux ph&eacute;nom&egrave;nes agissent dans la pratique des logiciens et math&eacute;maticiens pour qu&rsquo;advienne cette congruence&nbsp;: la <em>reconnaissance</em> et la <em>neutralit&eacute;</em>. La premi&egrave;re est li&eacute;e &agrave; l&rsquo;acte de jugement. La seconde est garante de sa v&eacute;rit&eacute; objective.</p> <p class="texte" dir="ltr">A. La <em>reconnaissance </em>qualifie cette relation &agrave; un objet connaissable. Il est appropri&eacute; puis confirm&eacute; dans un processus d&rsquo;identification o&ugrave; il est reconnu. A l&rsquo;inverse, ne pas reconna&icirc;tre, c&rsquo;est ne pas pouvoir r&eacute;concilier l&rsquo;objet, l&rsquo;objet et son nom, le nom, alors que l&rsquo;un des deux, voire les deux sont connus et li&eacute;s. En effet, l&rsquo;absence de reconnaissance renvoie &agrave; des ph&eacute;nom&egrave;nes psychologiques tels l&rsquo;oubli ou l&rsquo;ignorance, voire l&rsquo;amn&eacute;sie et des troubles de la personnalit&eacute; perturb&eacute;e dans sa perception des continuit&eacute;s incluant la construction de soi. A cet &eacute;gard, l&rsquo;identit&eacute; de l&rsquo;objet pose l&rsquo;identit&eacute; du sujet qui lui fait face car l&rsquo;op&eacute;ration de pens&eacute;e n&rsquo;est pas &eacute;trang&egrave;re &agrave; ce qu&rsquo;elle accomplit. La pens&eacute;e adopte une posture qui r&eacute;alise l&rsquo;identification que nous nous proposons de mieux comprendre en la d&eacute;composant. Dans ce mouvement de la pens&eacute;e, trois aspects sont simultan&eacute;ment l&rsquo;objet de cette reconnaissance par leur mise en correspondance. Nous allons montrer que la reconnaissance contient cette s&eacute;rie de mises en correspondance o&ugrave; se joue la permanence des identit&eacute;s qui sont la condition de ces continuums par lesquels &eacute;mergent un soi et un autour de soi constants.</p> <ul> <li> <p class="puces" dir="ltr">a. le rapport du nommant &agrave; lui-m&ecirc;me</p> </li> <li> <p class="puces" dir="ltr">b. le rapport entre le nomm&eacute; et sa repr&eacute;sentation</p> </li> <li> <p class="puces" dir="ltr">c. le rapport interne du symbole</p> </li> </ul> <p class="texte" dir="ltr">a. <em>Le rapport du nommant &agrave; lui-m&ecirc;me</em>&nbsp;: si la reconnaissance est un ph&eacute;nom&egrave;ne logique, elle insinue la constitution de soi par l&rsquo;&eacute;mergence de la conscience. Quoique le math&eacute;maticien s&rsquo;int&eacute;resse peu &agrave; la gen&egrave;se de sa pratique, il faut rappeler avec Winnicott que dans les premiers &acirc;ges de la vie, autrui nous reconna&icirc;t et nous identifie autant que l&rsquo;inverse, contribuant par ces ph&eacute;nom&egrave;nes transitionnels &agrave; l&rsquo;&eacute;tablissement de relations avec des &laquo;&nbsp;autre-que-soi&nbsp;&raquo;, sources de satisfaction et d&rsquo;une &eacute;mergence psychique constitutive d&rsquo;une personnalit&eacute; naissante. Se reconna&icirc;tre soi-m&ecirc;me s&rsquo;accompagne d&rsquo;une reconnaissance d&rsquo;autrui qui pr&eacute;side &agrave; l&rsquo;identification et &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de sa conscience d&rsquo;&ecirc;tre. Reconna&icirc;tre inclut bien des relations avec d&rsquo;autres personnes dans ce r&eacute;seau intersubjectif de reconnaissances mutuelles<a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a>. Le fait d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;nomm&eacute; par autrui avec constance est un fait structurant d&rsquo;une conscience personnelle apprenant &agrave; se distinguer. Rien ne dit qu&rsquo;il en soit n&eacute;cessairement ainsi en tout temps et en tout lieu des soci&eacute;t&eacute;s humaines pass&eacute;es ou futures. Ce processus d&rsquo;identification est peut-&ecirc;tre naturel, mais il est d&eacute;velopp&eacute; ou support&eacute; aussi par un choix civilisationnel m&ecirc;me s&rsquo;il est une &eacute;vidence pour nous ici et maintenant. L&rsquo;interaction sociale produit ainsi des reconnaissances entre les personnes par des repr&eacute;sentations.</p> <p class="texte" dir="ltr">b. <em>le rapport entre le nomm&eacute; et sa repr&eacute;sentation</em>&nbsp;: cette r&eacute;f&eacute;rence a une dimension psychologique et sociale bien pr&eacute;sente chez Poincar&eacute;. Il use d&rsquo;une formule o&ugrave; la connaissance vraie transcende les sentiments personnels impartageables parce que la science est&nbsp;: &laquo;&nbsp;ce qui est commun &agrave; plusieurs &ecirc;tres pensants&nbsp;&raquo;&nbsp;; se distinguant de la perception solitaire et subjective par cette objectivit&eacute; commune. Il explique donc que les math&eacute;matiques se partagent, prouvant aussi leur v&eacute;rit&eacute; dans cette communicabilit&eacute;, soit cette reconnaissance mutuelle des objets qui ont un m&ecirc;me sens dans cette congruence sociale, voire politique. En effet, cette fois-ci, la congruence n&rsquo;est pas l&agrave; au sens math&eacute;matique ou physique, mais au sens psychologique et social. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un accord sur l&rsquo;identit&eacute; des perceptions, les intuitions et les actes qui sont congruents avec un effet instituant pour la communaut&eacute; scientifique. La congruence sociale existe lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit de refaire des raisonnements, de suivre des calculs, de comprendre l&rsquo;expos&eacute; d&rsquo;un tiers, de discerner ses hypoth&egrave;ses, de saisir les conjectures et les probl&eacute;matiques en esp&eacute;rant les r&eacute;soudre. Et cette communaut&eacute; partage une perception de l&rsquo;objet math&eacute;matique, &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;une initiation. En se concentrant sur la loi objective selon les distinctions de Lotze, et &agrave; la suite de Frege, la communaut&eacute; des logiciens et des math&eacute;maticiens reconna&icirc;t un pouvoir prescriptif des symboles logico-math&eacute;matiques sur la pens&eacute;e du fait de leur logique interne. Chacun peut reproduire &agrave; l&rsquo;identique selon les conventions les figures du raisonnement automatiquement et avec exactitude.</p> <p class="texte" dir="ltr">c. <em>le rapport interne du symbole&nbsp;: </em>ce qui est en partage est donc plus encore une croyance, une adh&eacute;sion primordiale, une absolue &eacute;vidence. En effet, l&rsquo;objet math&eacute;matique r&eacute;v&egrave;le et manifeste l&rsquo;ordre inh&eacute;rent et imm&eacute;diat qui lui est intrins&egrave;que<a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a>. L&rsquo;objet math&eacute;matique serait tel un corps &eacute;tranger dont la perception intellectuelle reconna&icirc;trait la v&eacute;rit&eacute; propre et premi&egrave;re&nbsp;: l&rsquo;&eacute;vidence. La science math&eacute;matique et logique met ainsi hors circuit le v&eacute;cu, elle cong&eacute;die l&rsquo;exp&eacute;rience pour dire que son objet r&eacute;v&egrave;le une v&eacute;rit&eacute; formelle dont l&rsquo;intuition intellectuelle dispense de toute autre sorte d&rsquo;investigation. Les sens sont cong&eacute;di&eacute;s au profit de la seule facult&eacute; d&rsquo;abstraction. L&agrave; est le particularisme d&rsquo;une science de la quantit&eacute; qui dit d&rsquo;elle-m&ecirc;me qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas &agrave; se justifier, pas &agrave; s&rsquo;expliquer, pas &agrave; rendre compte d&rsquo;autres usages car celui-l&agrave; est le seul vrai, autonome, suffisant et complet. L&agrave; r&eacute;side l&rsquo;acte de foi des anciens pythagoriciens dont toutes les communaut&eacute;s scientifiques relaient ind&eacute;finiment la foi dans la calculabilit&eacute; du monde. Mais d&rsquo;o&ugrave; tiennent-ils que le monde est nombre ou que les nombres sont le monde ou son architecture cach&eacute;e&nbsp;? C&rsquo;est au mieux une hypoth&egrave;se, une croyance ou une intuition, mais en aucun cas une d&eacute;monstration assortie de ses preuves&nbsp;; sauf &agrave; les construire par une pratique constructiviste. L&agrave; encore, cela motive un examen psychologique parmi d&rsquo;autres &eacute;clairages bien entendu.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le monopole de cette seule reconnaissance de l&rsquo;objet math&eacute;matique est donc un choix effectu&eacute; dans une communaut&eacute;, par une affirmation &laquo;&nbsp;sectaire&nbsp;&raquo;, au sens &eacute;tymologique de la secte des pythagoriciens. Elle est sp&eacute;cifique et d&eacute;limit&eacute;e car elle enjoint de pratiquer la r&eacute;p&eacute;tition pour d&eacute;nombrer des collections, les ajouter, les retrancher, les r&eacute;unir. Elle circonscrit son aire exclusive de pens&eacute;e&nbsp;: ses objets symboliques imaginaires. Et cette pratique est une conduite parmi d&rsquo;autres. En effet, plut&ocirc;t que de compter, on peut d&eacute;crire. Au lieu d&rsquo;ajouter ou de retrancher, on peut construire un autre objet nouveau distinct de ses parties. D&rsquo;ailleurs, l&rsquo;enfant qui ne ferait que compter ses cubes sans jamais les assembler, sans jamais imaginer des formes &agrave; partir d&rsquo;une composition pour en faire un ch&acirc;teau fort ou un bateau para&icirc;trait limit&eacute; &agrave; quelques comportements. Cet enfant pour qui chaque objet deviendrait imm&eacute;diatement par codification un nombre dans une s&eacute;rie sans s&rsquo;extasier des couleurs, s&rsquo;&eacute;tonner des asp&eacute;rit&eacute;s, des textures ou de toutes autres sortes de propri&eacute;t&eacute;s para&icirc;trait l&agrave; encore tr&egrave;s focalis&eacute; par des attitudes exclusives. Cet enfant qui calculerait sans raison &agrave; propos de tout ce qu&rsquo;il manipule pour ne restituer que des nombres &agrave; propos de tout ne s&rsquo;int&eacute;resserait pas &agrave; autrui, ne percevant ni &eacute;motion, ni affection en vertu des conseils de Poincar&eacute; ou de Russell. Par l&rsquo;exemple de l&rsquo;enfant, nous pressentons cette difficult&eacute; d&rsquo;ordre psychologique dans l&rsquo;hypoth&egrave;se o&ugrave; nous accepterions passivement le monopole de la quantification &agrave; l&rsquo;exclusion de tout autre mode de perception et de connaissance. Or, c&rsquo;est bien la prescription commune de Russell et de Poincar&eacute; lorsqu&rsquo;ils veulent faire r&eacute;gner l&rsquo;ordre universel de la quantification, soit un r&eacute;gime unique de l&rsquo;imaginaire&nbsp;de type schizomorphe empruntant &agrave; la schizophr&eacute;nie, ce que nous allons pr&eacute;ciser.</p> <p class="texte" dir="ltr">B. La <em>neutralit&eacute;</em> d&eacute;finit la posture inh&eacute;rente &agrave; la recherche d&rsquo;un jugement scientifique vrai. Seule cette m&eacute;thode suspendant les jugements esth&eacute;tiques et &eacute;thiques serait apte &agrave; engendrer des v&eacute;rit&eacute;s objectives. En cons&eacute;quence, l&rsquo;intention de neutralit&eacute; proc&egrave;derait l&eacute;gitimement par la purification des ph&eacute;nom&egrave;nes r&eacute;put&eacute;s perturbants. A l&rsquo;inverse, l&rsquo;absence de neutralit&eacute; renverrait &agrave; des subjectivit&eacute;s et des jeux de perceptions ou de comportements per&ccedil;us tels des biais cognitifs faussant de purs raisonnements. La distinction de Lotze perdure avec les lois sup&eacute;rieures r&eacute;v&eacute;lant l&rsquo;ordre des choses en manifestant une structure qui conditionne m&ecirc;me la pens&eacute;e. La neutralit&eacute; est alors la condition de l&rsquo;objectivit&eacute; qui correspond &agrave; des objets math&eacute;matiques s&rsquo;imposant d&rsquo;&eacute;vidence &agrave; la pens&eacute;e. La question de l&rsquo;intention para&icirc;t alors incongrue aux logiciens et math&eacute;maticiens, du fait de cette &laquo;&nbsp;illumination&nbsp;&raquo; intuitive o&ugrave; l&rsquo;objet guide la pens&eacute;e dans son &eacute;vidence premi&egrave;re. C&rsquo;est pourquoi la quantification para&icirc;t si indiscutable et objective, les grandeurs n&rsquo;&eacute;tant pas relatives &agrave; des perceptions et les calculs sans alternatives. Or, il n&rsquo;en est rien. Pour s&rsquo;en convaincre, menons une critique &eacute;pist&eacute;mologique en ayant &agrave; l&rsquo;esprit que toute attitude exclusive ampute l&rsquo;humain de quelques-unes de ses facult&eacute;s.</p> <p class="texte" dir="ltr">En quoi la quantification dirait-elle la v&eacute;rit&eacute; ou en quoi est-elle si incompl&egrave;te qu&rsquo;elle en omet d&rsquo;autres v&eacute;rit&eacute;s jusqu&rsquo;&agrave; devenir fragile, voire erron&eacute;e&nbsp;? C&rsquo;est ce qu&rsquo;Arendt souligne et qui tient &agrave; la nature m&ecirc;me de l&rsquo;op&eacute;ration. Elle le dit &agrave; sa mani&egrave;re en des termes &eacute;loquents&nbsp;: &laquo;&nbsp;La tyrannie de la logique commence avec la soumission de l&rsquo;esprit &agrave; la logique comme processus sans fin, sur lequel l&rsquo;homme compte pour engendrer ses pens&eacute;es&hellip; Les r&egrave;gles de l&rsquo;&eacute;vidence incontestable, le truisme que deux et deux font quatre, ne peuvent devenir fausses m&ecirc;me dans l&rsquo;&eacute;tat de d&eacute;solation absolue. C&rsquo;est la seule &laquo;&nbsp;v&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; &agrave; laquelle les &ecirc;tres humains peuvent se raccrocher avec certitude, une fois qu&rsquo;ils ont perdu la mutuelle garantie, le sens commun dont les hommes ont besoin pour &eacute;prouver, pour vivre et pour conna&icirc;tre leur chemin dans le monde commun. Mais, cette &laquo;&nbsp;v&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; est vide, ou plut&ocirc;t elle n&rsquo;est aucunement la v&eacute;rit&eacute; car elle ne r&eacute;v&egrave;le rien. D&eacute;finir comme certains logiciens modernes le font la coh&eacute;rence comme v&eacute;rit&eacute; revient &agrave; nier l&rsquo;existence de la v&eacute;rit&eacute;.&nbsp;&raquo; (1972, 223). Elle conteste ainsi le crit&egrave;re de coh&eacute;rence comme seul constitutif de la v&eacute;rit&eacute; d&rsquo;un langage. Le rapport &agrave; la v&eacute;rit&eacute; masque peut-&ecirc;tre un rapport de domination et de contrainte qu&rsquo;on impose &agrave; l&rsquo;autre.</p> <p class="texte" dir="ltr">En effet, pour d&eacute;nombrer, il faut s&rsquo;abstraire des contingences et nier l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; des objets pour les soumettre &agrave; leur quantification. Chacun devient l&rsquo;&eacute;quivalent de l&rsquo;autre pour ressembler aux nombres eux-m&ecirc;mes. Ils ne d&eacute;finissent plus que des quantit&eacute;s. Cette r&eacute;gression <em>in abstracto </em>&eacute;loigne bien de l&rsquo;&eacute;paisseur des choses au b&eacute;n&eacute;fice de la seule forme d&eacute;nombrable. C&rsquo;est par le truchement du nom d&rsquo;un genre ou d&rsquo;une esp&egrave;ce qu&rsquo;on peut alors d&eacute;compter des &eacute;l&eacute;ments r&eacute;duits &agrave; leur appartenance &agrave; cet ensemble&nbsp;: les hommes, les tables ou les atomes. Pour d&eacute;nombrer, il faut pouvoir indiff&eacute;remment remplacer, substituer selon un principe de fongibilit&eacute; o&ugrave; chaque &eacute;l&eacute;ment est sans alt&eacute;rit&eacute; avec son semblable. Pour cela, il faut d&eacute;finir une identit&eacute; de l&rsquo;atome &eacute;l&eacute;mentaire afin de le compter avec certitude, apr&egrave;s l&rsquo;avoir circonscrit et clairement d&eacute;finit. C&rsquo;est le cas des nombres entiers.</p> <p class="texte" dir="ltr">Mais les &eacute;pist&eacute;mologues ont rapidement pris la mesure de cette impossible neutralit&eacute;. La qu&ecirc;te du mod&egrave;le du spectateur, ainsi nomm&eacute; par le psychologue et philosophe Dewey ou du spectateur absolu pour reprendre l&rsquo;expression de Merleau-Ponty traduit bien qu&rsquo;il n&rsquo;est pas originel mais construit &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un imaginaire. Dewey, Popper, Feyerabend ou Rorty<a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a> sont quelques exemples de ces critiques qui constatent que le quantificateur ne dit pas plus la v&eacute;rit&eacute; que d&rsquo;autres qui s&rsquo;attachent &agrave; quelques aspects de leurs perceptions et des r&eacute;alit&eacute;s. Conscient des limites d&rsquo;une m&eacute;thode rationaliste et positive, Dewey d&eacute;veloppe une approche pragmatique qui le conduit &agrave; formaliser des critiques contre le dualisme occidental (sujet-objet) et &agrave; proposer sa th&eacute;orie de l&rsquo;enqu&ecirc;te o&ugrave; se noue un dialogue de l&rsquo;homme &agrave; son environnement par l&rsquo;engagement et l&rsquo;expression langagi&egrave;re jusqu&rsquo;&agrave; produire ce qu&rsquo;il nomme une assertabilit&eacute; garantie, soit une solution satisfaisante r&eacute;conciliant&nbsp;: aspiration, id&eacute;e et action par l&rsquo;utilit&eacute; de la solution. La v&eacute;rit&eacute; est alors une construction sociale relative &agrave; une succession d&rsquo;accords sur les intentions et les utilit&eacute;s. Popper est connu pour la falsification qui &eacute;prouve une th&eacute;orie, la r&eacute;futant ou en d&eacute;limitant son champ d&rsquo;application pertinent. Il d&eacute;veloppe une th&egrave;se o&ugrave; il souligne la fragilit&eacute; des observations. Et il faut comprendre dans observation, l&rsquo;examen de concepts et la manipulation d&rsquo;objets logiques et math&eacute;matiques qui s&rsquo;observent, s&rsquo;&eacute;tudient, se composent au m&ecirc;me titre que l&rsquo;observation exp&eacute;rimentale dans les sciences physiques et chimiques par exemple<a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a>. De m&ecirc;me, Rorty souligne que les th&eacute;ories sont vraies du fait de leur utilit&eacute; dans un ordre tr&egrave;s pratique qui est celui de la pr&eacute;vision et de la r&eacute;p&eacute;tition. La v&eacute;rit&eacute; est ainsi subordonn&eacute;e &agrave; des consid&eacute;rations dont la domination et la maitrise de la nature avec une intention d&rsquo;instrumentalisation de cette nature en vue de sa transformation. Plus encore, en r&eacute;futant toute ontologie qui renverrait &agrave; une r&eacute;alit&eacute; substantielle et/ou transcendante, Rorty n&rsquo;est pas loin de consid&eacute;rer l&rsquo;objectivit&eacute; et la v&eacute;rit&eacute; telles des chim&egrave;res ou des fantasmes issus d&rsquo;un imaginaire propre &agrave; une &eacute;poque de l&rsquo;histoire humaine. L&rsquo;intensit&eacute; de la controverse contemporaine t&eacute;moigne ici d&rsquo;un tr&egrave;s profond malaise r&eacute;sultant des crises de la science des symboles et des nombres. La quantification ne dit donc pas tout et sa neutralit&eacute; serait trompeuse, tant la controverse &eacute;pist&eacute;mologique conteste ses fondements.</p> <p class="texte" dir="ltr">En fait, c&rsquo;est toute la m&eacute;thode h&eacute;rit&eacute;e de Platon et de Descartes qui devient l&rsquo;objet d&rsquo;une analyse car elle op&egrave;re par divisions successives. Le discours rationnel dont le mod&egrave;le est la math&eacute;matique se construit selon ces divisions analytiques o&ugrave; chaque notion fait l&rsquo;objet d&rsquo;une nouvelle subdivision plus pr&eacute;cise pensant atteindre l&rsquo;atome &eacute;l&eacute;mentaire, exact et clair d&rsquo;une pens&eacute;e qui rend compte de son objet sans confusion aucune. Ces divisions proc&egrave;dent par s&eacute;parations qui purifient le langage ordinaire des scories de ces impr&eacute;cisions, au b&eacute;n&eacute;fice d&rsquo;une d&eacute;finition &eacute;pur&eacute;e, soit la manifestation de la v&eacute;rit&eacute; dans un langage rationnel. Or, le nombre plus que le mot se lib&egrave;re des contingences et la quantification est paroxystique de cette op&eacute;ration puisque les objets sont ramen&eacute;s &agrave; leur pure forme, &agrave; des rapports qui sont les objets les plus purs r&eacute;pondant &agrave; cette qu&ecirc;te d&rsquo;une identit&eacute; exacte. Il y a l&agrave; bien plus qu&rsquo;une certitude de science, un imaginaire &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre de type schizomorphe o&ugrave; les r&eacute;alit&eacute;s sont &eacute;vacu&eacute;es au profit d&rsquo;une puret&eacute; symbolique par id&eacute;alisation dans un mouvement de s&eacute;paration du pur et de l&rsquo;impur, seul un imaginaire pouvant r&eacute;pondre &agrave; cette exigence.</p> <p class="texte" dir="ltr">Dans cette qu&ecirc;te, pourtant, la logique, les math&eacute;matiques et la physique butent sur des ph&eacute;nom&egrave;nes croissants d&rsquo;incompl&eacute;tudes, d&rsquo;incertitudes et ind&eacute;termination, d&rsquo;ind&eacute;finissabilit&eacute;. L&rsquo;atome originel, qu&rsquo;il f&ucirc;t le nombre, le symbole ou le premier &eacute;l&eacute;ment physique &eacute;chappe &agrave; son identification faisant appara&icirc;tre tout &agrave; l&rsquo;inverse toujours un peu plus d&rsquo;ind&eacute;cidabilit&eacute;, ce mouvement r&eacute;v&eacute;lant toujours un peu plus d&rsquo;entropie, l&rsquo;identit&eacute; postul&eacute;e fuyant malgr&eacute; le d&eacute;veloppement coh&eacute;rent des raisonnements de l&rsquo;incompl&eacute;tude des th&eacute;or&egrave;mes de G&ouml;del &agrave; la complexit&eacute; de Kolmogorov, pour ceux qui voudront s&rsquo;y pencher. L&agrave; o&ugrave; la pens&eacute;e cherche &agrave; fixer son objet, son propre mouvement lui fait &eacute;chapper ce qu&rsquo;elle vise. La capture serait impossible, l&rsquo;arr&ecirc;t improbable, l&rsquo;actualisation de la quantification inachevable. L&rsquo;exclusive de cette reconnaissance formelle et l&rsquo;assertion de la neutralit&eacute; combineraient donc deux termes constitutifs d&rsquo;une th&eacute;orie exclusive, et sans doute illusoire, de la connaissance. En effet, en excluant les autres perceptions, la quantification r&eacute;v&eacute;lerait l&agrave; ses traits psychologiques. La reconnaissance proc&egrave;de par un acte de r&eacute;p&eacute;tition. Elle accorde une pr&eacute;f&eacute;rence &agrave; ce qui confirme, r&eacute;p&egrave;te, reconna&icirc;t justement par des op&eacute;rations de d&eacute;nombrements. La neutralit&eacute; esp&egrave;re un acte gratuit, d&eacute;sint&eacute;ress&eacute;, pure, d&eacute;nu&eacute; de motivations, sans cause, priv&eacute; d&rsquo;hommerie &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;un acte &laquo;&nbsp;propre&nbsp;&raquo;. A ce propos, il faut relire le fondateur de la th&eacute;orie des ensembles pour se convaincre des tendances schizophr&eacute;niques de la pens&eacute;e logico-math&eacute;matique. Russell fixe un programme asc&eacute;tique de d&eacute;sengagement psychologique de soi-m&ecirc;me, voire de d&eacute;shumanisation au sens de la suppression de l&rsquo;humain dans l&rsquo;homme. Celui-ci d&eacute;crit son programme asc&eacute;tique dans <span style="text-decoration:underline;">Mysticisme et logique</span>&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;attitude caract&eacute;risant l&rsquo;esprit scientifique implique de balayer tous les autres d&eacute;sirs hors des int&eacute;r&ecirc;ts du d&eacute;sir de savoir. Elle implique la suppression des espoirs et des peurs, des amours et des haines, et de toute vie &eacute;motionnelle subjective jusqu&rsquo;&agrave; ce que nous devenions soumis au fait pertinent, capables de les voir en toute franchise, sans pr&eacute;jug&eacute;s, sans biais, sans aucun autre souhait que de le voir tel qu&rsquo;il est, et sans croire aucunement que ce qu&rsquo;il est doit &ecirc;tre d&eacute;termin&eacute; par quelques relation, positive ou n&eacute;gative, &agrave; ce que nous aimerions qu&rsquo;il soit, ou &agrave; ce que nous pouvons ais&eacute;ment imaginer qu&rsquo;il soit.&nbsp;&raquo; (2007, 63). Le lecteur notera aussi la conclusion se r&eacute;f&eacute;rant &agrave; l&rsquo;imagination. Voil&agrave; qui l&eacute;gitime un examen plus psychologique.</p> <h2 dir="ltr" id="heading4" style="font-style:italic;">3. La psychologie du quantificateur et l&rsquo;avenir de psych&eacute;&nbsp;: schizophr&eacute;nie et pathologies</h2> <p class="texte" dir="ltr">Une derni&egrave;re fois, pr&eacute;cisons que cette analyse psychologique s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; l&rsquo;extension du r&egrave;gne de la quantit&eacute; et du quantificateur soit ce trait de caract&egrave;re psychologique et social probl&eacute;matique du fait de sa domination. Lorsque tout se compte et s&rsquo;&eacute;value en se soumettant &agrave; des m&eacute;triques, s&rsquo;applique en fait le principe que ce qui ne se mesure pas n&rsquo;existe pas&nbsp;! Une derni&egrave;re fois l&agrave; aussi, en aucun cas nous ne contestons l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de compter et de mod&eacute;liser, mais dans tous les cas nous nous interrogeons sur la domination des nombres dont le statut confine &agrave; en faire les substituts d&rsquo;une divinit&eacute;, soit des v&eacute;rit&eacute;s permanentes et exclusives. Nous proposons pour terminer d&rsquo;examiner trois aspects qui se sont manifest&eacute;s tout au long de cet expos&eacute;.</p> <ul> <li> <p class="puces" dir="ltr">A. Le fait que le monopole de cette attitude r&eacute;v&egrave;le des<em> tendances cliniques individuelles et collectives </em>o&ugrave; l&rsquo;obsession des nombres et de l&rsquo;abstraction d&eacute;note une amputation r&eacute;pressive de toutes les autres facult&eacute;s et perceptions, soit une pathologie.</p> </li> <li> <p class="puces" dir="ltr">B. Le fait que la quantification rel&egrave;ve d&rsquo;<em>une logique de l&rsquo;imaginaire </em>en activant l&rsquo;imagination dans des perceptions intellectuelles obs&eacute;dantes.</p> </li> <li> <p class="puces" dir="ltr">C. Le fait que la soumission &agrave; la quantification correspond &agrave; l&rsquo;<em>occultation du d&eacute;sir cr&eacute;atif de la recherche math&eacute;matique</em>, soit une institutionnalisation du savoir math&eacute;matique ainsi constitu&eacute; en une id&eacute;ologie. Celle-ci prescrit ses lois aux autres sciences dont les objets ne sont pourtant pas des nombres.</p> </li> </ul> <p class="texte" dir="ltr"><em>A. Les tendances cliniques individuelles et collectives </em></p> <p class="texte" dir="ltr">Pour ce premier aspect, nous faisons notre l&rsquo;expression des &laquo;&nbsp;grands-individus de l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;&raquo; (1988, 131) o&ugrave; dans cette analyse de la guerre et de la mort de la grande guerre Freud assume un continuum de l&rsquo;homme &agrave; ces organisations toutes humaines que sont les Etats et les peuples. Et nous faisons notre l&rsquo;expression de cet enseignement freudien dont Deniau dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;tude des faits cliniques individuels permet la compr&eacute;hension des faits sociaux, dans la mesure o&ugrave; ces faits sociaux ne sont que le produit de transformations des faits normaux ou pathologiques qui sont au c&oelig;ur de l&rsquo;humain.&nbsp;&raquo; (2011, 13).</p> <p class="texte" dir="ltr">Nous avons vu que le r&egrave;gne de la quantification r&eacute;v&egrave;le quelques traits&nbsp;: la d&eacute;r&eacute;alisation, la d&eacute;personnalisation, la fusion sujet-objet, l&rsquo;obsession, l&rsquo;alt&eacute;ration des perceptions spatio-temporelles. Or, plusieurs analystes font le lien entre des pathologies et ces caract&eacute;ristiques de la pratique logico-math&eacute;matique. Bergeret &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;activit&eacute; synth&eacute;tique du Moi se trouve abolie dans les cas extr&ecirc;mes&nbsp;[&hellip;] ce qui contribue, paradoxalement en apparence, &agrave; lib&eacute;rer des capacit&eacute;s abstraites math&eacute;matiques, sp&eacute;culatives ou d&icirc;tes &laquo;&nbsp;intellectualis&eacute;s dans la mesure ou de tels talents peuvent se donner libre cours justement parce qu&rsquo;ils n&rsquo;ont pas &agrave; &ecirc;tre contr&ocirc;l&eacute;s, ni induits par des fonctions r&eacute;gulatrices du Moi dans son placage aux r&eacute;alit&eacute;s objectales.&nbsp;&raquo; (2013, 73). Le psychopathologue Tousseul &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ainsi, l&rsquo;observation clinique nous place devant ce paradoxe selon lequel les discours et les comportements des patients psychotiques sont incoh&eacute;rents, bien qu&rsquo;ils semblent suivre certaines logiques, ce qui explique d&rsquo;ailleurs que des savants, notamment des math&eacute;maticiens, puissent pr&eacute;senter des sympt&ocirc;mes psychotiques sans que leur facult&eacute;s logiques soient alt&eacute;r&eacute;es. On peut m&ecirc;me imaginer que leur capacit&eacute; d&rsquo;abstraction est parfois tr&egrave;s favorable &agrave; certaines activit&eacute;s intellectuelles. Le probl&egrave;me que nous nous proposons d&rsquo;aborder consiste donc &agrave; comprendre comment un patient psychotique peut &ecirc;tre &agrave; la fois incoh&eacute;rent et logique&nbsp;? En effet, contrairement aux personnes normales ou n&eacute;vros&eacute;es qui raisonnentet r&eacute;fl&eacute;chissentessentiellement selon des logiques empiriques, comme nous l&rsquo;avons d&eacute;velopp&eacute; ailleurs, les personnes psychotiques pensent essentiellement selon des logiques imaginaires, mais qu&rsquo;elles prennent parfois pour r&eacute;elles, d&rsquo;o&ugrave; leurs incoh&eacute;rences.&nbsp;&raquo; (2014)</p> <p class="texte" dir="ltr">Les exigences de Russell et Poincar&eacute; acte le devoir d&rsquo;a-perception n&eacute;cessaire &agrave; la neutralit&eacute;. Les premiers revendiquent ce que les seconds attribuent &agrave; des pathologies. De m&ecirc;me, la plus grande r&eacute;alit&eacute; des nombres contre les autres perceptions trouve des parall&egrave;les saisissant dans les descriptions de certaines pathologies. Bergeret note ces confusions&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;exp&eacute;rience th&eacute;rapeutique nous montre que le schizophr&egrave;ne, par exemple, ne pense pas, au sens habituel du terme, et qu&rsquo;il ne parle pas non plus v&eacute;ritablement. Il agit avec les mots, comme avec les choses, dans une dialectique o&ugrave; l&rsquo;objet ne se trouve pas nettement s&eacute;par&eacute; du sujet.&nbsp;&raquo; (2013, 75). Il rappelle aussi&nbsp;: &laquo;&nbsp;O. Fenichel (1953) s&rsquo;&eacute;tend longuement sur le mode de pens&eacute;e propre au caract&egrave;re obsessionnel [&hellip;] Il en est de m&ecirc;me de l&rsquo;omnipotence des pens&eacute;es&nbsp;; la pens&eacute;e devient abstraite et remplace le d&eacute;sir sexuel dans la mesure o&ugrave; il appara&icirc;t comme difficile &agrave; contr&ocirc;ler&nbsp;; cette abstraction de la pens&eacute;e compulsive, ses syst&eacute;matisations, ses mises en cat&eacute;gories, ses th&eacute;orisations, prot&egrave;gent contre la r&eacute;alit&eacute; angoissante en tenant le r&eacute;el &agrave; distance respectable sans abandonner le contact avec lui pour autant.&nbsp;&raquo; (2013, 203). La rigidit&eacute; schizophr&eacute;nique, le caract&egrave;re th&eacute;orique et l&rsquo;inhumanit&eacute; des conceptions et argumentaires schizophr&eacute;niques semblent prolonger d&rsquo;un petit rien la psychologie du quantificateur en vertu du fait que&nbsp;: &laquo;&nbsp;La diff&eacute;rence entre les malades mentaux et les hommes dits normaux est tr&egrave;s faible, les malades mentaux comme l&rsquo;avait d&eacute;j&agrave; dit Esquirol, ont les m&ecirc;mes id&eacute;es, et les m&ecirc;mes sentiments, c&rsquo;est simplement un peu plus marqu&eacute;, c&rsquo;est dans le degr&eacute;, ils savent moins comprimer et dissimuler leurs pens&eacute;es, c&rsquo;est tout cela mais ce sont les m&ecirc;mes pens&eacute;es, ce sont les m&ecirc;mes hommes.&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a>.</p> <p class="texte" dir="ltr">Ses descriptions des pathologies sont bien adapt&eacute;es &agrave; cette monopolisation de la quantification. Plus encore, l&rsquo;une des caract&eacute;ristiques de la quantification est la r&eacute;versibilit&eacute; temporelle, &agrave; l&rsquo;encontre des physiciens, chimistes et biologistes qui ne d&eacute;r&eacute;alisent pas le monde &agrave; ce point. Or cette a-perception du temps se voit d&eacute;crite &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;une pathologie. Le psychopathologue Tousseul &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pour le patient atteint d&rsquo;une psychose maniaco-d&eacute;pressive ou de troubles bipolaires, il en va tout autrement, puisque lui vit une alt&eacute;ration de sa temporalit&eacute;. Il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;une alt&eacute;ration de la succession au profit d&rsquo;une simultan&eacute;it&eacute; comme dans la schizophr&eacute;nie, mais d&rsquo;une alt&eacute;ration de l&rsquo;irr&eacute;versibilit&eacute; temporelle au profit d&rsquo;une temporalit&eacute; insens&eacute;e, c&rsquo;est-&agrave;-dire d&eacute;pourvue de direction dans le temps&nbsp;: le pass&eacute;, le pr&eacute;sent et le futur se confondent indiff&eacute;remment.&nbsp;&raquo; (2014). Il poursuit &agrave; propos de l&rsquo;atemporalit&eacute; de la science des nombres&nbsp;: &laquo;&nbsp;On constate que pour chaque pathologie de la psychose, il y a une alt&eacute;ration de la perception spatiale ou temporelle de l&rsquo;exp&eacute;rience. Lorsque la discontinuit&eacute; spatiale est per&ccedil;ue comme continue, le processus psychique d&rsquo;indiff&eacute;renciation suit une logique d&rsquo;ind&eacute;termination v&eacute;cue comme r&eacute;elle, ce qui conduit le patient &agrave; des sympt&ocirc;mes autistiques&nbsp;; lorsque la succession temporelle est per&ccedil;ue comme simultan&eacute;e, le processus psychique d&rsquo;hallucination suit une logique hypoth&eacute;tique v&eacute;cue comme r&eacute;elle, ce qui conduit le patient &agrave; des sympt&ocirc;mes schizo&iuml;des&nbsp;; lorsque l&rsquo;espace propre est per&ccedil;u comme une ubiquit&eacute;, le processus psychique de syst&eacute;matisation suit une logique r&eacute;p&eacute;titive v&eacute;cue comme r&eacute;elle, ce qui conduit le patient &agrave; des sympt&ocirc;mes parano&iuml;aques&nbsp;; et lorsque l&rsquo;irr&eacute;versibilit&eacute; temporelle est per&ccedil;ue comme r&eacute;versible, le processus psychique d&rsquo;association suit une logique synth&eacute;tique v&eacute;cue comme r&eacute;elle, ce qui conduit le patient &agrave; des sympt&ocirc;mes bipolaires.&nbsp;&raquo; (2014)</p> <p class="texte" dir="ltr">Plus encore, il faut d&eacute;samorcer la strat&eacute;gie du psychotique dont nous avons mesur&eacute; les r&eacute;sistances au d&eacute;but de cet article. La profondeur de l&rsquo;interpellation du r&egrave;gne de la quantit&eacute; tient &agrave; cette manipulation des imaginaires. Mais, comme l&rsquo;&eacute;nonce Deniau&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le psychotique est logique car il est dans la logique de l&rsquo;inconscient.&nbsp;&raquo; (2011, 78). Comment analyser selon une autre logique, la logique de celui qui se construit le monde&nbsp;? Comment dire sans m&eacute;dire, comme &eacute;noncer sans d&eacute;noncer, comme contribuer sans attribuer&nbsp;? Toute la difficult&eacute; de la constitution d&rsquo;un discours &agrave; propos du monopole de la quantification interpelle la nature de notre propre discours et sa pr&eacute;tention &agrave; dire sa v&eacute;rit&eacute;. Deniau rappelle que l&rsquo;analyste est un observateur qui ne se d&eacute;fait pas de lui-m&ecirc;me en interagissant avec le patient qui se r&eacute;fute comme tel&nbsp;: &laquo;&nbsp;le psychotique invite le sujet n&eacute;vrotique que nous sommes &agrave; se d&eacute;fier de l&rsquo;&eacute;vidence, &eacute;vidence de la r&eacute;alit&eacute;, &eacute;vidence de la langue, &eacute;vidence de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;.&nbsp;&raquo; (2011, 79) Or, r&eacute;alit&eacute;, langage et alt&eacute;rit&eacute; sont au centre de la quantification puisqu&rsquo;ils sont le vrai langage r&eacute;el sans alt&eacute;rit&eacute;-alternative. Comment alors &eacute;chapper &agrave; la contestation du r&eacute;f&eacute;rentiel &laquo;&nbsp;naturel&nbsp;&raquo; du psychologue par le psychotique&nbsp;? En effet, ce r&eacute;f&eacute;rentiel implicite du bon sens du psychologue ne tient pas compte des r&eacute;volutions &eacute;pist&eacute;mologiques contemporaines pour lesquelles, par exemple, la temporalit&eacute; semble r&eacute;versible, la logique causale al&eacute;atoire et l&rsquo;inf&eacute;rence manifestant des suites d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements ind&eacute;pendamment de leurs liens apparents. Comment sauver le monde v&eacute;cu de l&rsquo;invasion de l&rsquo;imaginaire&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">Alors, soit le psychologue &eacute;value &agrave; tort la sant&eacute; mentale de ses patients qui n&rsquo;en sont pas, du fait d&rsquo;un cadre d&rsquo;analyse fond&eacute; sur une &eacute;pist&eacute;mologie traditionnelle &eacute;triqu&eacute;e et limit&eacute;e, soit le psychologue &eacute;value l&rsquo;extension d&rsquo;une pratique dont les effets alt&egrave;rent les relations humaines jusqu&rsquo;au politique. Et c&rsquo;est l&agrave; que nous positionnons notre &eacute;tude, aux confins de la psycho-sociologie&nbsp;; car ce qui est en jeu, c&rsquo;est ce vacillement du grand-individu de l&rsquo;humanit&eacute; lorsqu&rsquo;il d&eacute;rive dans ces pathologies sous l&rsquo;influence du monopole de la quantit&eacute; pratiqu&eacute;e de mani&egrave;re obsessionnelle par quelques-uns jusqu&rsquo;&agrave; s&rsquo;imposer &agrave; tous, devenant alors une pathologie collective<a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a>. Il est l&agrave; question de repr&eacute;sentations sociales &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;un ensemble de structures schizomorphes o&ugrave; l&rsquo;imagination s&rsquo;ordonne selon des pathologies partag&eacute;es &agrave; la mani&egrave;re de m&eacute;thodes et de modes de perception&nbsp;: recul et distanciation, isolement et indiff&eacute;rence aux choses et aux &ecirc;tres, perte de contact avec les r&eacute;alit&eacute;s sensibles, pr&eacute;f&eacute;rence pour les abstractions et leurs g&eacute;n&eacute;ralisations, r&eacute;flexion en marge du monde,&nbsp;; soit la <em>spaltung</em> d&eacute;crite par Bleuler, clivage, division, scission, s&eacute;paration, dissociation, sch&eacute;matisation. Comment ne pas citer alors quelques extraits des troubles essentiels de la schizophr&eacute;nie d&eacute;crits par Minkowska&nbsp;?&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il s&#39;agit de malades qui fuient la r&eacute;alit&eacute; et qui au lieu d&#39;orienter leur activit&eacute; vers des buts r&eacute;els s&#39;int&eacute;riorisent et se cr&eacute;ent un monde imaginaire, dans lequel cependant on parvient &agrave; constater la pr&eacute;sence de facteurs de synth&egrave;se et de dynamisme.&nbsp;&raquo; (1925, 127)&nbsp;; &laquo;&nbsp;Ils s&#39;adressent &agrave; la raison pure, forgent des plans, des syst&egrave;mes et se laissent envahir par des id&eacute;es fixes.&nbsp;&raquo; (128), il est question de musique&nbsp;; il d&eacute;clare que ce n&#39;est pour lui qu&#39;une succession de sons&nbsp;; &laquo;&nbsp;Je ne sais pas sentir, il faut que tout passe par le cerveau.&nbsp;&raquo; (130)&nbsp;; &laquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;Je ne peux pas r&eacute;aliser la perfection absolue. Il faut que je la repr&eacute;sente. Par quoi&nbsp;? Par une sph&egrave;re. La sph&egrave;re est pour moi la forme parfaite.&nbsp;&raquo; Et c&#39;est ainsi que la r&eacute;alisation est remplac&eacute;e par la repr&eacute;sentation. C&#39;est une cons&eacute;quence fatale du comportement de l&#39;individu qui ne sent pas, qui n&#39;agit pas, qui ne se fie pas &agrave; ses impressions, mais qui pense seulement, r&eacute;fl&eacute;chit, analyse, cherche des preuves, n&#39;embrasse jamais l&#39;ensemble, mais d&eacute;compose tout en petits d&eacute;tails, de sorte que tout se r&eacute;duit &agrave; une repr&eacute;sentation mentale.&nbsp;&raquo; (131)&nbsp;; &laquo;&nbsp;Voici ce que nous pouvons constater&nbsp;: la vie chez lui est oppos&eacute;e au plan&nbsp;; l&#39;instinct est oppos&eacute; au cerveau&nbsp;; le senti est oppos&eacute; au pens&eacute;&nbsp;; la facult&eacute; de la p&eacute;n&eacute;tration qui synth&eacute;tise est oppos&eacute;e &agrave; l&#39;analyse des d&eacute;tails infimes&nbsp;; l&agrave; o&ugrave; nous nous fions aux impressions, lui exige des preuves&nbsp;; le mouvement s&#39;oppose chez lui &agrave; l&#39;immobilit&eacute;&nbsp;; les &eacute;v&eacute;nements et personnes s&#39;opposent-aux objets&nbsp;; la r&eacute;alisation s&#39;oppose &agrave; la repr&eacute;sentation&nbsp;; le but s&#39;oppose &agrave; la base&nbsp;; le temps s&#39;oppose &agrave; l&#39;espace&nbsp;; la succession s&#39;oppose &agrave; l&#39;extension. Les facteurs indiqu&eacute;s dans la premi&egrave;re colonne de ce sch&eacute;ma font d&eacute;faut, ceux de la seconde, par contre, sont hypertrophi&eacute;s.&nbsp;&raquo; (135). Que de similitudes entre le r&eacute;gime schizomorphe de la quantification et la schizophr&eacute;nie.</p> <p class="texte" dir="ltr"><em>B. Une logique de l&rsquo;imaginaire</em></p> <p class="texte" dir="ltr">Revenons sur le fait que l&rsquo;objet math&eacute;matique est insaisissable et inqualifiable tant les controverses traversent l&rsquo;histoire des sciences sans jamais conclure le d&eacute;bat. Par contre, ces id&eacute;alit&eacute;s proc&egrave;dent d&rsquo;une perception intellectuelle qui mobilise des facult&eacute;s d&rsquo;imagination o&ugrave; les imaginaires math&eacute;matiques se d&eacute;ploient ind&eacute;pendamment des r&eacute;alit&eacute;s du quotidien. A cet &eacute;gard, les math&eacute;matiques construisent une logique de l&rsquo;imagination en ordonnant des imaginaires. Et c&rsquo;est le math&eacute;maticien, philosophe et inventeur du calcul infinit&eacute;simal Leibniz qui est &agrave; l&rsquo;origine de l&rsquo;expression&nbsp;: logique de l&rsquo;imagination. Selon les termes de Leibniz, tout ce qui tombe sous l&rsquo;imagination en tant que distinctement con&ccedil;u rel&egrave;ve des math&eacute;matiques qui incluent alors de la quantit&eacute; et de l&rsquo;ordre au sens des combinaisons et des relations. Mais cette relation entre l&rsquo;imagination et la pratique des math&eacute;matiques comprenant la quantit&eacute; et la logique, Descartes l&rsquo;&eacute;voque lui aussi dans une lettre &agrave; Elisabeth du 28 juin 1643 o&ugrave; il &eacute;crit&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;tude des math&eacute;matiques qui exercent principalement l&rsquo;imagination en la consid&eacute;ration des figures et des mouvements nous accoutume &agrave; former des notions du corps bien distinctes.&nbsp;&raquo; Et la lign&eacute;e semble conduire jusqu&rsquo;&agrave; Thomas d&rsquo;Aquin pr&eacute;cisant en plusieurs occasion dans son <span style="text-decoration:underline;">De Trinitate</span>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais les math&eacute;matiques tombent sous le sens et sont tributaires de l&rsquo;imagination.&nbsp;&raquo; (Q6, a1, s)</p> <p class="texte" dir="ltr">Cette constance de jugement &agrave; propos de la relation des math&eacute;matiques &agrave; l&rsquo;imaginaire traverse &eacute;tonnamment la pens&eacute;e occidentale, des th&eacute;ologiens du Moyen-&acirc;ge jusqu&rsquo;aux math&eacute;maticiens de l&rsquo;&egrave;re classique. Que l&rsquo;imaginaire impose sa logique au d&eacute;triment des autres logiques revient &agrave; amputer l&rsquo;homme d&rsquo;une partie de ses facult&eacute;s accordant sans raison &agrave; l&rsquo;imaginaire une place, non seulement sup&eacute;rieure, mais invasive. C&rsquo;est l&agrave; le premier signe d&rsquo;une pathologie o&ugrave; l&rsquo;imaginaire rationnelle obs&egrave;de l&rsquo;esprit d&rsquo;un homme, d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; voire d&rsquo;une &eacute;poque jusqu&rsquo;&agrave; occulter les autres perceptions et connaissances. Cette structure particuli&egrave;re de cet imaginaire condamne-t-elle les autres imaginaires&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr"><em>C. L&rsquo;occultation du d&eacute;sir cr&eacute;atif de la recherche math&eacute;matique </em></p> <p class="texte" dir="ltr">Pour ce troisi&egrave;me aspect, nous distinguerons l&agrave; le r&egrave;gne de la quantit&eacute; instituant des r&egrave;gles auxquelles il s&rsquo;agit de se soumettre &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;une manipulation psychotique, de la cr&eacute;ation math&eacute;maticienne qui r&eacute;v&egrave;le un d&eacute;sir de vie. Nous nous r&eacute;f&eacute;rerons &agrave; un math&eacute;maticien, Grothendieck, m&eacute;daille Fields 1966 pour ses travaux en mati&egrave;re de g&eacute;om&eacute;trie alg&eacute;brique. Dans une &oelig;uvre exceptionnelle intitul&eacute;e <span style="text-decoration:underline;">R&eacute;colte et semailles</span>, il d&eacute;crit sa vie de math&eacute;maticien et il y &eacute;tudie ses ressorts personnels cherchant &agrave; comprendre ce qui l&rsquo;animait pendant ces ann&eacute;es f&eacute;condes qui lui valurent la plus grande des reconnaissances. Grothendieck exprime ce d&eacute;sir cr&eacute;atif par trois termes dont le psychologue et le psychanalyste n&rsquo;ignorent pas la profondeur&nbsp;: la <em>pulsion</em>, le <em>passer outre</em>, l&rsquo;<em>&eacute;nigme</em>. La lecture de Pascal donne aussi &agrave; penser entre l&rsquo;homme de qualit&eacute; et celui qui s&rsquo;adonne temporairement aux math&eacute;matiques.</p> <p class="texte" dir="ltr">Pour la <em>pulsion</em>, le math&eacute;maticien fait le parall&egrave;le entre la pulsion, ce d&eacute;sir intellectuel aspirant &agrave; percer quelques myst&egrave;res et celui du d&eacute;sir amoureux&nbsp;: &laquo;&nbsp;Un tel travail est marqu&eacute; par l&rsquo;&eacute;closion et par l&rsquo;&eacute;panouissement d&rsquo;une compr&eacute;hension des choses que nous sommes en train de sonder. Mais, pour prendre un exemple au bout oppos&eacute;, la passion d&rsquo;amour est, elle aussi, pulsion de d&eacute;couverte. Elle nous ouvre &agrave; une connaissance dite &quot;charnelle&quot;, qui elle aussi se renouvelle, s&rsquo;&eacute;panouit, s&rsquo;approfondit. Ces deux pulsions - celle qui anime le math&eacute;maticien au travail, disons, et celle en l&rsquo;amante ou en l&rsquo;amant - sont bien plus proches qu&rsquo;on ne le soup&ccedil;onne g&eacute;n&eacute;ralement, ou qu&rsquo;on n&rsquo;est dispos&eacute; &agrave; se l&rsquo;admettre.&nbsp;&raquo; (27-28).</p> <p class="texte" dir="ltr">Pour le <em>passer outre</em> qui a tout de la transgression, il &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Des consensus muets m&rsquo;avaient dit, au lyc&eacute;e comme &agrave; l&rsquo;universit&eacute;, qu&rsquo;il n&rsquo;y avait pas lieu de se poser de question sur la notion m&ecirc;me de &quot;volume&quot;, pr&eacute;sent&eacute;e comme &quot;bien connue&quot;, &quot;&eacute;vidente&quot;, &quot;sans probl&egrave;me&quot;. J&rsquo;avais pass&eacute; outre, comme chose allant de soi - tout comme Lebesgue, quelques d&eacute;cennies plus t&ocirc;t, avait d&ucirc; passer outre. C&rsquo;est dans cet acte de &quot;passer outre&quot;, d&rsquo;&ecirc;tre soi-m&ecirc;me en somme et non pas simplement l&rsquo;expression des consensus qui font loi, de ne pas rester enferm&eacute; &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du cercle imp&eacute;ratif qu&rsquo;ils nous fixent - c&rsquo;est avant tout dans cet acte solitaire que se trouve &quot;la cr&eacute;ation&quot;. Tout le reste vient par surcro&icirc;t.&nbsp;&raquo; (35)</p> <p class="texte" dir="ltr">Pour l&rsquo;<em>&eacute;nigme</em>, l&rsquo;aspiration transgressive d&eacute;passe la tutelle servile du r&egrave;gne de la quantit&eacute;. Le math&eacute;maticien oppose l&rsquo;aspiration &agrave; l&rsquo;institutionnalisation par crainte, peur et vanit&eacute; et la cr&eacute;ation par attirance vers l&rsquo;accomplissement de ce d&eacute;sir du myst&egrave;re et de l&rsquo;&eacute;nigme&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mon propos dans R&eacute;coltes et Semailles a &eacute;t&eacute; de parler de l&rsquo;un et de l&rsquo;autre aspect - de la pulsion de connaissance, et de la peur et de ses antidotes vaniteux. Je crois &quot;comprendre&quot;, ou du moins conna&icirc;tre la pulsion et sa nature. (Peut-&ecirc;tre un jour d&eacute;couvrirai-je, &eacute;merveill&eacute;, &agrave; quel point je me faisais illusion...) Mais pour ce qui est de la peur et de la vanit&eacute;, et les insidieux blocages de la cr&eacute;ativit&eacute; qui en d&eacute;rivent, je sais bien que je n&rsquo;ai pas &eacute;t&eacute; au fond de cette grande &eacute;nigme. Et j&rsquo;ignore si je ne verrai jamais le fond de ce myst&egrave;re, pendant les ann&eacute;es qui me restent &agrave; vivre..&nbsp;&raquo; (28) La cr&eacute;ativit&eacute; math&eacute;maticienne pr&eacute;sent&eacute;e par Grothendieck confirme &agrave; sa mani&egrave;re la pathologie de la quantit&eacute; des quantificateurs incomparable &agrave; l&rsquo;authentique cr&eacute;ation math&eacute;matique&nbsp;; entre math&eacute;matique institu&eacute;e se faisant id&eacute;ologie et math&eacute;matique cr&eacute;atrice dialoguant avec des imaginaires.</p> <h2 dir="ltr" id="heading5" style="font-style:italic;">Conclusion</h2> <p class="texte" dir="ltr">Il y a donc des pathologies du r&egrave;gne de la quantit&eacute;. Son risque d&rsquo;enfermement monomaniaque se caract&eacute;rise par un refus de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. La monomanie produit des actes instinctifs, de fa&ccedil;on r&eacute;p&eacute;titive et obsessionnelle, l&rsquo;id&eacute;e fixe entra&icirc;nant un mouvement r&eacute;flexif permanent. Il y a de la circularit&eacute;, du rituel et sur le plan intellectuel, la monomanie &eacute;voque le monopole d&rsquo;une seule folie furieuse qui le devient d&rsquo;autant plus qu&rsquo;elle est la pr&eacute;occupation unique, monopolisante, &agrave; l&rsquo;exclusion de tout autre pr&eacute;occupation. Le r&egrave;gne de la quantit&eacute; est bien celui d&rsquo;un imaginaire s&rsquo;&eacute;tendant par destruction des autres imaginaires, des autres perceptions, des autres croyances. Ce d&eacute;lire par la fixation de l&rsquo;esprit sur un unique objet focalise l&rsquo;attention et occulte tout le reste. Or, cette monomanie individuelle devrait se nuancer des relations sociales o&ugrave; chacun peut &eacute;chapper &agrave; ses tendances monomaniaques du fait de la pr&eacute;sence des alt&eacute;rit&eacute;s par la prise en compte de l&rsquo;existence et des perceptions d&rsquo;autrui.</p> <p class="texte" dir="ltr">Or, &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle d&rsquo;un grand-individu de l&rsquo;humanit&eacute;, la monomanie consiste en un refus des alt&eacute;rit&eacute;s qui s&rsquo;imposerait comme le mod&egrave;le unique. C&rsquo;est l&agrave; m&ecirc;me le signe d&rsquo;une pens&eacute;e totalitaire pathologique r&eacute;duisant les perceptions du monde aux seules v&eacute;rit&eacute;s de cette logique de l&rsquo;imaginaire devenue folie rayonnante. Voil&agrave; pourquoi un grand-individu de l&rsquo;humanit&eacute; r&eacute;siste &agrave; l&rsquo;Un en se faisant toujours l&rsquo;apologue de la pluralit&eacute; des biais cognitifs et des comportements, composant des monomanies latentes, utilisant potentiellement chaque biais comme une expertise utile &agrave; l&rsquo;ensemble, en certaines circonstances. Les limites de chacun deviennent alors les atouts du groupe pour autant que ce dernier instaure le respect de la pluralit&eacute; des &laquo;&nbsp;biais&nbsp;&raquo; cognitifs sans jamais reconna&icirc;tre &agrave; l&rsquo;un une sup&eacute;riorit&eacute; permanente. Nous approfondirons ce point dans un prochain article.</p> <p class="texte" dir="ltr">Nous esp&eacute;rons que cette analyse psychologique et sociale de la quantification aura montr&eacute; que la pathologie est bien l&agrave;. D&rsquo;ailleurs, l&rsquo;av&egrave;nement d&rsquo;une &egrave;re de la pluralit&eacute; est pr&eacute;sent&eacute; dans les propos de Grothendieck qui &eacute;crit &agrave; ce sujet&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ainsi, le point de vue f&eacute;cond n&rsquo;est autre que cet &quot;&oelig;il&quot; qui &agrave; la fois nous fait d&eacute;couvrir, et nous fait reconna&icirc;tre l&rsquo;unit&eacute; dans la multiplicit&eacute; de ce qui est d&eacute;couvert. Et cette unit&eacute; est v&eacute;ritablement la vie m&ecirc;me et le souffle qui relie et anime ces choses multiples. Mais comme son nom m&ecirc;me le sugg&egrave;re, un &quot;point de vue&quot; en lui-m&ecirc;me reste parcellaire. Il nous r&eacute;v&egrave;le un des aspects d&rsquo;un paysage ou d&rsquo;un panorama, parmi une multiplicit&eacute; d&rsquo;autres &eacute;galement valables, &eacute;galement &quot;r&eacute;els&quot;. C&rsquo;est dans la mesure o&ugrave; se conjuguent les points de vue compl&eacute;mentaires d&rsquo;une m&ecirc;me r&eacute;alit&eacute;, o&ugrave; se multiplient nos &quot;yeux&quot;, que le regard p&eacute;n&egrave;tre plus avant dans la connaissance des choses. Plus la r&eacute;alit&eacute; que nous d&eacute;sirons conna&icirc;tre est riche et complexe, et plus aussi il est important de disposer de plusieurs &quot;yeux&quot; pour l&rsquo;appr&eacute;hender dans toute son ampleur et dans toute sa finesse.&nbsp;&raquo; (41)</p> <p class="texte" dir="ltr">Une telle r&eacute;volution de la pens&eacute;e occidentale demande de lib&eacute;rer psych&eacute; de l&rsquo;empire de la quantit&eacute;. Cet avenir de psych&eacute; tient pour une part d&rsquo;une th&eacute;rapie des pathologies de la r&eacute;duction cognitive o&ugrave; se joue la pers&eacute;cution des perceptions au nom d&rsquo;une domination bien r&eacute;elle fond&eacute;e sur un imaginaire obs&eacute;dant. Voil&agrave; pourquoi l&rsquo;homme ne se r&eacute;duit pas &agrave; la seule quantit&eacute;. Voil&agrave; pourquoi la psychologie a sa place dans le concert des sciences de l&rsquo;homme pour servir l&rsquo;av&egrave;nement d&rsquo;hommes de qualit&eacute;. Les nombres n&rsquo;auront pas le dernier mot puisqu&rsquo;il faut des mots pour les dire et une intention pour en user.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> &nbsp;Arendt (1906-1975), philosophe politique connue pour ses &oelig;uvres sur les syst&egrave;mes totalitaires. Cet ouvrage sur la condition humaine pose les bases d&rsquo;une r&eacute;flexion sur un nouvel humanisme.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> &nbsp;Le math&eacute;maticien et philosophie Rey (1964) vient de consacrer un ouvrage int&eacute;ressant sur le r&egrave;gne de la statistique dans la pens&eacute;e occidentale moderne et la politique. Cette domination est li&eacute;e au d&eacute;nombrement cons&eacute;cutif de l&rsquo;affirmation d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;&eacute;gaux fongibles en des statistiques. Ceci se conjugue &agrave; une soci&eacute;t&eacute; industrielle productrice de la quantit&eacute; o&ugrave; le politique recherche les instruments statistiques de la pr&eacute;vision et du contr&ocirc;le &eacute;conomique et social au profit de la croissance &eacute;conomique et d&eacute;mographique. La statistique devient &laquo;&nbsp;une conscience de soi collective&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> &nbsp;Le sociologue Caill&eacute; (1944), sp&eacute;cialiste de Mauss, &eacute;crit en introduction d&rsquo;un num&eacute;ro consacr&eacute; &agrave; L&rsquo;impossible neutralit&eacute;&nbsp;?&nbsp;: &laquo;&nbsp;...il est permis de se demander si bien plus que dans leur difficult&eacute; &agrave; mesurer ou &agrave; exp&eacute;rimenter, ou encore dans le caract&egrave;re toujours singulier de l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement historique, ce n&rsquo;est pas dans l&rsquo;impossibilit&eacute; principielle de disjoindre radicalement jugements de faits et jugements de valeur, vis&eacute;es cognitive et vis&eacute;e normative, que s&rsquo;enracine le destin singulier des sciences de l&rsquo;esprit, qui doit leur interdire &agrave; jamais de s&rsquo;identifier pleinement et exclusivement aux sciences exactes&nbsp;&raquo; (1989, 4). Le fantasme de la science exacte est ancr&eacute; et demeure le mod&egrave;le.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> &nbsp;Deniau (1943), psychiatre et psychanalyste, &eacute;crit avec une distance rare&nbsp;: &laquo;&nbsp;A interpr&eacute;ter la religion, l&rsquo;analyste se met dans la m&ecirc;me position qu&rsquo;un d&eacute;lirant qui use d&rsquo;un syst&egrave;me interpr&eacute;tatif et coh&eacute;rent pour donner sens &agrave; une r&eacute;alit&eacute; qui lui &eacute;chappe. La position de l&rsquo;analyste n&rsquo;y est pas assur&eacute;e par le transfert, mais au contraire min&eacute;e par un point aveugle. Qui d&eacute;lire alors&nbsp;? Est-ce l&rsquo;analyste qui porte, tel un d&eacute;lire de grandeur, sa pens&eacute;e th&eacute;orique vers cette r&eacute;alit&eacute; culturelle qui a convaincu les foules depuis des si&egrave;cles&nbsp;? Est-ce l&rsquo;humanit&eacute; elle-m&ecirc;me qui, &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un individu isol&eacute;, a d&eacute;velopp&eacute; des d&eacute;lires inaccessibles &agrave; la critique logique et contredisant la r&eacute;alit&eacute; effective.&nbsp;&raquo; (2011, 152).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> &nbsp;Le math&eacute;maticien Connes (1947), m&eacute;daille Fields en 1982, perp&eacute;tue la croyance pythagoricienne et platonicienne d&rsquo;un monde gouvern&eacute; par les nombres en r&eacute;pondant &agrave; la question du journaliste sur le langage utilis&eacute; avec des hypoth&eacute;tiques intelligences extraterrestres&nbsp;o&ugrave; il use du seul argument d&rsquo;autorit&eacute;. A la question pos&eacute;e&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Cela veut-dire que nous pourrions parler maths avec n&rsquo;importe quelle intelligence extraterrestre&nbsp;?&nbsp;&raquo;, il r&eacute;pond&nbsp;: &laquo;&nbsp;Bien s&ucirc;r&nbsp;! La premi&egrave;re chose que l&rsquo;on peut transmettre, c&rsquo;est le nombre. Un signal, l&rsquo;absence de signal, &agrave; nouveau un signal&nbsp;: c&rsquo;est clair.&nbsp;&raquo; (Lib&eacute;ration, 1<sup>er</sup> d&eacute;cembre 2001).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> &nbsp;Pour m&eacute;moire, les entiers naturels (1, 2, 3,&hellip;), les rationnels sont les quotients de deux entiers (a/b), les relatifs sont les naturels positifs et n&eacute;gatifs (-2, -1, 1, 2), les r&eacute;els s&rsquo;&eacute;crivent (a,bcd..).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> &nbsp;Nous invitons le lecteur &agrave; lire notre article <em>Des limites de l&rsquo;arithm&eacute;tique de Peano &agrave; la pens&eacute;e sp&eacute;culative des objets relationnels </em>dans la revue Argumentum&nbsp;: n&deg;&nbsp;14|2 de juillet 2016.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> &nbsp;Frege (1848-1925), math&eacute;maticien, logicien et philosophe, inventeur des syst&egrave;mes de symboles de la logique des propositions et des pr&eacute;dicats, fondateur de la logique moderne et auteur d&rsquo;une &oelig;uvre majeure&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">Les fondements de l&rsquo;arithm&eacute;tique</span>.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> &nbsp;Lotze (1817-1881), m&eacute;decin, philosophe et logicien allemand, auteur d&rsquo;une &oelig;uvre importante en psychologie m&eacute;dicale dont il fut un des principaux initiateurs. Il &eacute;tudia la philosophie de la connaissance et de l&rsquo;esprit pr&eacute;figurant les sciences cognitives contemporaines.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> &nbsp;Connes prolonge son entretien par ces mots&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais si nous commen&ccedil;ons par transmettre une phrase, nous n&rsquo;avons aucune chance d&rsquo;&ecirc;tre compr&eacute;hensible&nbsp;! Alors que l&rsquo;on peut communiquer la table d&rsquo;addition ou de multiplication de mani&egrave;re non ambigu&euml;&nbsp;&raquo; (2001).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> &nbsp;Si les math&eacute;matiques se fondent sur l&rsquo;identit&eacute; de leurs symboles et de leurs lois de la pens&eacute;e, elles ne peuvent en faire une d&eacute;monstration d&eacute;ductive a priori. En ce sens, elle n&rsquo;&eacute;chappe pas au constat qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un argument d&eacute;ontique comme il est expos&eacute; par le logicien polonais Lukasiewicz. Ce dernier expose l&rsquo;ind&eacute;montrabilit&eacute; du principe de contradiction chez Aristote et en conclut &agrave; son fondement moral induisant la continuit&eacute; de la conscience &agrave; l&rsquo;origine de la responsabilit&eacute;.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> &nbsp;Le philosophe et psychiatre Jaspers (1883-1969) d&eacute;veloppe cette vue de l&rsquo;histoire mondiale des soci&eacute;t&eacute;s o&ugrave; l&rsquo;Occident conquiert le monde par la science moderne&nbsp;: &laquo;&nbsp;La science moderne est un ph&eacute;nom&egrave;ne dont on chercherait en vain l&rsquo;&eacute;quivalent dans toute l&rsquo;histoire de l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;; elle est propre &agrave; l&rsquo;Occident. La Chine et l&rsquo;Inde n&rsquo;en ont connu que de vagues pr&eacute;misses&nbsp;; quant &agrave; la Gr&egrave;ce, nous lui devons nombre d&rsquo;id&eacute;es g&eacute;niales, mais qui sont rest&eacute;es sans rapport entre elles et qui ne sont pas all&eacute;es plus loin. En quelques si&egrave;cles, en revanche, voici que l&rsquo;Occident a donn&eacute; le signal de l&rsquo;essor intellectuel, technique et sociologique, entra&icirc;nant toute l&rsquo;humanit&eacute; dans son sillage. Actuellement, ce mouvement conna&icirc;t une acc&eacute;l&eacute;ration d&eacute;mesur&eacute;e.&nbsp;&raquo; (1970, 70).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> &nbsp;Deniau d&eacute;crit cette construction du sujet dans la civilisation en ces termes&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;humain se construit une figure de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; qui lui est n&eacute;cessaire pour se penser. Il devient d&egrave;s lors solidaire de l&rsquo;autre, comme autrui, en qui il reconna&icirc;t un mouvement psychique identique et comme autre, alter ego, dont il devient de ce fait solidaire puisque cet autre lui est n&eacute;cessaire pour penser, parler et m&ecirc;me se penser, donc pour &ecirc;tre. L&rsquo;acte inverse laisse libre cours &agrave; la pulsion&nbsp;: d&eacute;truire ou &ecirc;tre d&eacute;truit.&nbsp;&raquo; (2011,56).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> &nbsp;Pr&eacute;sentant l&rsquo;&oelig;uvre du philosophe des math&eacute;matiques Desanti (1914-2002) sur les id&eacute;alit&eacute;s math&eacute;matiques, le philosophe Sinacoeur (1941) explicite cette fermeture &agrave; la psychologie des actes math&eacute;matiques dont la nature les dispenserait d&rsquo;un tel examen, consid&eacute;rant que ces approches externes n&rsquo;apportent rien au devenir math&eacute;matique&nbsp;:&laquo;&nbsp;Mais que l&#39;on prenne garde au mot &laquo;&nbsp;conscience&nbsp;&raquo; qui revient souvent sous la plume de Desanti&nbsp;: il ne s&#39;agit ni de conscience empirique naturelle,ni de conscience transcendantale philosophique&nbsp;: il s&#39;agit du sujet dusavoir, intrath&eacute;orique, compl&egrave;tement r&eacute;duit au mode de manifestation de son objet. En aucun cas il n&#39;est question du &laquo;&nbsp;v&eacute;cu&nbsp;&raquo;&nbsp;: celui-ci est mis hors circuit. Non que, par je ne sais quelle parano&iuml;a, on en d&eacute;cide l&#39;inexistence&nbsp;; mais on ne retient pour l&#39;analyse &eacute;pist&eacute;mologique que ce qui est pour elle effectuable, op&eacute;rant, explicatif, ce sans quoi l&#39;objet de l&#39;&eacute;pist&eacute;mologie risque de devenir absurde.&nbsp;&raquo; (1969, 189-190). Les termes &laquo;&nbsp;hors circuit&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;absurde&nbsp;&raquo; sont forts, Sinacoeur faisant sienne l&rsquo;id&eacute;e selon laquelle le math&eacute;maticien reste le juge de la pertinence de l&rsquo;interpr&eacute;tation ou de la distanciation critique &agrave; l&rsquo;aune de sa propre science. En &eacute;voquant la parano&iuml;a plut&ocirc;t que l&rsquo;autisme, plus appropri&eacute;, il partage ce rejet de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; applicable aux math&eacute;matiques.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> &nbsp;Dewey (1859-1952), psychologue et philosophe am&eacute;ricain, auteur de <span style="text-decoration:underline;">Reconstruction en philosophie</span> (1919), Popper (1902-1994), logicien et philosophe des sciences, Feyerabend (1914-1994), philosophe et historien des sciences, Rorty (1931-2007), &eacute;pist&eacute;mologue et philosophe politique, auteur de <span style="text-decoration:underline;">Contingence, ironie et solidarit&eacute;</span> (1989). Nous invitons le lecteur &agrave; prendre connaissance de notre article consacr&eacute; &agrave; Paul Feyerabend dans le n&deg;&nbsp;28 des Cahiers de psychologie politique. Rappelons l&rsquo;une de ses conclusions&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Ce qui reste (apr&egrave;s avoir exclu la possibilit&eacute; de comparer logiquement des th&eacute;ories en comparant des s&eacute;ries de cons&eacute;quences qui s&rsquo;en d&eacute;duisent), ce sont les jugements esth&eacute;tiques, les jugements de go&ucirc;t, les pr&eacute;jug&eacute;s m&eacute;taphysiques, les d&eacute;sirs religieux, bref ce sont nos d&eacute;sirs subjectifs.&nbsp;&raquo; (1979, 320)&nbsp;</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> &nbsp;Popper &eacute;crit dans <span style="text-decoration:underline;">La logique de la d&eacute;couverte scientifique</span>&nbsp;: &laquo;&nbsp;La base empirique de la science objective ne comporte donc rien d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;absolu&nbsp;&raquo;. La science ne repose pas sur une base rocheuse. La structure audacieuse de ses th&eacute;ories s&rsquo;&eacute;difie en quelque sorte sur un mar&eacute;cage. Elle est comme une construction b&acirc;tie sur pilotis.&nbsp;[&hellip;] Nous nous arr&ecirc;tons, tout simplement, parce que nous sommes convaincus qu&rsquo;ils sont assez solides pour supporter l&rsquo;&eacute;difice, du moins provisoirement.&nbsp;&raquo; (1984, 111).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> &nbsp;Entretien de Henri Baruk avec Jacques Chancel, neuropsychiatre sur&nbsp;son livre <span style="text-decoration:underline;">Des Hommes comme</span> <span style="text-decoration:underline;">nous</span>, diffus&eacute; le 13 avril 1976 sur France Inter. Baruk (1897-1999), psychiatre, membre de l&rsquo;acad&eacute;mie de m&eacute;decine, connu pour sa psychiatrie morale d&rsquo;inspiration h&eacute;bra&iuml;que attach&eacute; au respect de l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; de la personne humaine, adversaire de la psychochirurgie et des abus des traitements psychotropes, auteur <span style="text-decoration:underline;">Des hommes comme nous, m&eacute;moires d&#39;un neuropsychiatre</span> (1975).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> &nbsp;Nous invitons le lecteur &agrave; lire notre autre article <em>La raison totalitaire et morbide </em>dans ce pr&eacute;sent num&eacute;ro des Cahiers de psychologie politique n&deg;&nbsp;33.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Arendt, Hannah, Condition de l&rsquo;homme moderne, 1983, Paris, Editions Calmann-L&eacute;vy.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Arendt, Hannah, Les origines du totalitarisme, 1972, Paris, Edition du Seuil.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Baudet, Jean-Claude, Math&eacute;matique et v&eacute;rit&eacute;, une philosophie du nombre, 2005, Paris, Editions L&rsquo;Harmattan.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Baruk, Henri, Des hommes comme nous, m&eacute;moires d&#39;un neuropsychiatre, 1975, Paris, Editions Robert Lafont.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Bergeret, Jean, La personnalit&eacute; normale et pathologique, 2013, Paris, Editions Dunod.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Binswanger, Ludwig, La conception de l&rsquo;homme chez Freud &agrave; la lumi&egrave;re de l&rsquo;anthropologie philosophique, in revue L&rsquo;&eacute;volution psychiatrique, 1938, Paris, fascicule I, p.&nbsp;3-34.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Bleuler, Eugen, Dementia praecox oder gruppe der Schizophrenien, 1911, Leipzig, Editions Deuticke.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Boccaccini, Federico (sous la direction de), Lotze et son h&eacute;ritage, son influence et son impact sur la philosophie du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, 2015, Bruxelles, Editions Peter Lang.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Caille, Alain, L&rsquo;impossible objectivit&eacute;&nbsp;? V&eacute;rit&eacute; et normativit&eacute; dans les sciences sociales, 1989, in La revue du MAUSS, n&deg;&nbsp;4.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Cassirer, Ernst, Individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance, 1983, Paris, Editions de Minuit.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Connes, Alain, L&rsquo;imagination joue un r&ocirc;le crucial en math&eacute;matique (entretien), 1<sup>er</sup> d&eacute;cembre 2001, Paris, journal Lib&eacute;ration.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Deniau, Alain, Vacillement de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, 2011, Paris, Editions L&rsquo;Harmattan.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Desanti, Jean-Toussaint, Les id&eacute;alit&eacute;s math&eacute;matiques, 1968, Paris, Editions du Seuil.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Dewey, John, Reconstruction en philosophie, 2014, Paris, Edition Folio.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Durand, Gilbert, Les structures anthropologiques de l&rsquo;imaginaire, 1992, Paris, Editions Dunod.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Feyerabend, Paul, Contre la m&eacute;thode, 1979, Paris, Editions du Seuil.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Frege, Gottlob, Les fondements de l&rsquo;arithm&eacute;tique, 1970, Paris, Editions du Seuil.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Freud, Sigmund, Actuelles sur la guerre et la mort 1915, 1988, Paris, PUF.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Gadamer, Hans-Georg, V&eacute;rit&eacute; &amp; M&eacute;thode, 1976, Paris, Edition du Seuil.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Habermas, J&uuml;rgen, V&eacute;rit&eacute; et justification, 2001, Paris, Editions Gallimard.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Granger, Gilles-Gaston, Formes op&eacute;ration objets, 1994, Paris, Librairie Vrin.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Grothendieck, Alexandre, R&eacute;coltes et semailles&nbsp;: r&eacute;flexions et t&eacute;moignage sur un pass&eacute; de math&eacute;maticien, Paris, Universit&eacute; Paris 13 en ligne.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Hegel, Georg Wilhelm Friedrich, Syst&egrave;me de la vie &eacute;thique, 1992, Paris, Librairie Vrin.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Hottois, Gilbert, Pour une m&eacute;taphilosophie du langage, 1981, Paris, Librairie Vrin.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Husserl, Edmond, Quantit&eacute;s et vari&eacute;t&eacute;s, in Etudes sur l&rsquo;arithm&eacute;tique et la g&eacute;om&eacute;trie, 1983, La Haye, Edition Strohmeyer.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Jaspers, Karl, Essais philosophiques &ndash; science et v&eacute;rit&eacute;, 1970, Paris, Editions Payot.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Legrand, Pierre, La facticit&eacute; du monde chez le schizophr&egrave;ne, 2010 Paris, L&rsquo;information psychiatrique n&deg;&nbsp;3, volume 86.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Lotze, Rudolf Hermann, Principes g&eacute;n&eacute;raux de psychologie physiologique, 2009, Paris, BiblioLife.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Mead, George Herbert, L&rsquo;esprit, le soi et la soci&eacute;t&eacute;, 1963, Paris, PUF.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Minkowski, Eug&egrave;ne, Le temps v&eacute;cu, &eacute;tudes ph&eacute;nom&eacute;nologiques et psychopathologiques, 2005, Paris, PUF.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Minkowska, Fran&ccedil;oise, Troubles essentiels de la schizophr&eacute;nie in L&rsquo;&eacute;volution psychiatrique, 1925, Paris, Editions Payot.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Nasar, Sylvia, Un cerveau d&rsquo;exception&nbsp;: de la schizophr&eacute;nie au prix Nobel, la vie singuli&egrave;re de John Forbes Nash, 2000, Paris, Editions Calmann-L&eacute;vy.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Patras, Fr&eacute;d&eacute;ric, La pens&eacute;e math&eacute;matique contemporaine, 2001, Paris, PUF.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Patras, Fr&eacute;d&eacute;ric, La possibilit&eacute; des nombres, 2014, Paris, PUF.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Patras, Fr&eacute;d&eacute;ric, Objets et id&eacute;alit&eacute;s dans les math&eacute;matiques contemporaines, 2012, Etudes platoniciennes, n&deg;&nbsp;9, p.&nbsp;47-61.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Poincar&eacute;, Henri, La valeur de la science, 1970, Paris, Editions Flammarion.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Popper, Karl, La logique de la d&eacute;couverte scientifique, 1984, Paris, Editions Payot.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Pontoizeau, Pierre-Antoine, Penser au-del&agrave; des math&eacute;matiques, 2012, Paris, Editions Embrasure.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Putnam, Hilary, Fait/valeur&nbsp;: la fin d&rsquo;un dogme, 2004, Editions de l&rsquo;Eclat.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Quine, Willard Von, Les voies du paradoxe, 2011, Paris, Librairie Vrin.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Rabouin, David, Les math&eacute;matiques comme logique de l&rsquo;imagination&nbsp;: une proposition leibnizienne et son actualit&eacute;, 2017, Bulletin d&rsquo;analyse ph&eacute;nom&eacute;nologique, XIII 2, p.&nbsp;222-251.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Rey, Olivier, Quand le monde s&rsquo;est fait nombre, 2016, Paris, Editions Stock.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Ronze, Bernard, L&rsquo;homme de quantit&eacute;, 1977, Paris, Editions Gallimard.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Rorty, Richard, Contingence, ironie et solidarit&eacute;, 1993, Paris, Editions Armand Colin.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Rorty, Richard, Objectivisme, relativisme et v&eacute;rit&eacute;, 1994, Paris, PUF.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Russell, Bertrand, Mysticisme et logique, 2007, Paris, Librairie Vrin.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Sinacoeur, Mohammed-Allal, Les id&eacute;alit&eacute;s math&eacute;matiques de Desanti, 1969, Paris, L&rsquo;homme et la soci&eacute;t&eacute; n&deg;&nbsp;13.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Souriau, Etienne, Pens&eacute;e vivante et perfection formelle, 1925, Paris, Editions Hachette.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Supiot, Alain, La gouvernance par les nombres, 2015, Paris, Editions Fayard.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Smullyan, Raymond, Les th&eacute;or&egrave;mes d&rsquo;incompl&eacute;tude de G&ouml;del, 2000, Paris, Dunod.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Thom, Ren&eacute;, Pr&eacute;dire n&rsquo;est pas expliquer, 1991, Paris, Editions Eshel.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Thomas D&rsquo;Aquin, De Trinitate, 1857, Paris, Edition Louis Vivi&egrave;s.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Tousseul, Sylvain, Les principes de la pens&eacute;e. La philosophie immanentale, 2010, Paris, Editions L&rsquo;Harmattan.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Tousseul, Sylvain, Les logiques de la psychose, 2014, Revue Psychiatrie, Psychanalyse et Soci&eacute;t&eacute;s, volume 1, 2014.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Weber, Max, Le savant et le politique, 1959, Paris, Librairie Plon.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Weber, Max, Le sens de la &laquo;&nbsp;neutralit&eacute; axiologique&nbsp;&raquo; dans les sciences sociologiques et &eacute;conomiques in Essais sur la th&eacute;orie de la science, 1992, Paris, Editions Plon Pocket Agora.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Weber, Max, La science, profession et vocation, 2005, Paris, Editions Agone.</p>