<p><em>Professeur (retrait&eacute;) en Sciences du Comportement et ancien membre de l&rsquo;Association Fran&ccedil;aise de Psychologie Politique</em></p> <p class="texte"><strong>SOMMAIRE</strong></p> <p><strong>Historique de la Nation Catalane</strong></p> <p>Les d&eacute;buts</p> <p>La naissance d&rsquo;une nation et d&rsquo;un &Eacute;tat</p> <p>L&rsquo;&eacute;poque de l&rsquo;expansion</p> <p>Les Rois Catholiques</p> <p>Le d&eacute;but du d&eacute;clin</p> <p>Le d&eacute;but de la renaissance</p> <p>La consolidation du catalanisme r&eacute;cent</p> <p>La r&eacute;cup&eacute;ration des institutions</p> <p>La transition d&eacute;mocratique et le r&eacute;gime de 1978</p> <p><strong>Les origines r&eacute;centes de la situation actuelle</strong></p> <p>La rupture unilat&eacute;rale du compromis</p> <p>Le r&eacute;f&eacute;rendum du 9&nbsp;novembre&nbsp;2014</p> <p>Les &eacute;lections &laquo;&nbsp;r&eacute;f&eacute;rendaires&nbsp;&raquo; du 27&nbsp;septembre&nbsp;2015</p> <p>Le r&eacute;f&eacute;rendum du 1<sup>er</sup>&nbsp;octobre&nbsp;2017 et la proclamation de la VI<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;R&eacute;publique Catalane</p> <p>L&rsquo;article 155</p> <p>L&rsquo;emprisonnement et l&rsquo;exile du Gouvernement catalan</p> <p>Les &eacute;lections du 21&nbsp;d&eacute;cembre&nbsp;2017</p> <p>&Eacute;pilogue (provisoire)</p> <p class="texte">On peut affirmer que l&rsquo;Europe en g&eacute;n&eacute;ral (et la France en particulier) ont d&eacute;couvert la r&eacute;alit&eacute; de l&rsquo;ind&eacute;pendantisme catalan le 1<sup>er</sup>&nbsp;octobre dernier, lorsque les insoutenables images de la brutalit&eacute; des forces de l&rsquo;ordre espagnoles en train de tabasser sans m&eacute;nagement de pacifiques citoyens de tous &acirc;ges et conditions (dont le seul crime &eacute;tait de vouloir mettre une enveloppe dans une urne) ont fait la une des <em>JT</em> du monde entier. Ce r&eacute;f&eacute;rendum, interdit et r&eacute;prim&eacute; par le gouvernement de Madrid (mais qui a malgr&eacute; tout mobilis&eacute; pratiquement autant d&rsquo;&eacute;lecteurs que lors du r&eacute;f&eacute;rendum l&eacute;gal de 2006&nbsp;pour approuver l&rsquo;actuel <em>Estatut d&rsquo;Autonomia </em>ou un pourcentage sup&eacute;rieur &agrave; celui qui, en Grande Bretagne, s&rsquo;est prononc&eacute; pour le <em>Brexit</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a></em></sup>), n&rsquo;est que l&rsquo;aboutissement d&rsquo;un tr&egrave;s long processus<sup><a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a></sup> dont se sont curieusement d&eacute;sint&eacute;ress&eacute;s les m&eacute;dias europ&eacute;ens bien que se d&eacute;roulant au sein de l&rsquo;Union Europ&eacute;enne.</p> <p class="texte">Rien d&rsquo;&eacute;tonnant donc, dans ces conditions, que les journalistes, ayant pris (comme trop souvent) le train en marche et sans presque aucune information sur la longue s&eacute;rie de faits qui l&rsquo;ont pr&eacute;c&eacute;d&eacute;, en aient rendu compte de fa&ccedil;on tr&egrave;s caricaturale, non seulement partielle mais &eacute;galement partiale, se contentant d&rsquo;invoquer les classiques lieux communs &agrave; propos de &laquo;&nbsp;nationalismes&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;s&eacute;paratismes&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;respects de la l&eacute;galit&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;intangibilit&eacute; des fronti&egrave;res&nbsp;&raquo; etc. lorsqu&rsquo;ils ne tombaient pas dans les poncifs de &laquo;&nbsp;combats d&rsquo;ego&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;lutte de drapeaux&nbsp;&raquo; ou le trait injurieux &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de &laquo;&nbsp;la riche et &eacute;go&iuml;ste Catalogne qui ne veut plus &ecirc;tre solidaire des r&eacute;gions pauvres d&rsquo;Espagne&nbsp;&raquo;. Dans le cas concret de la France, se sont ajout&eacute;s &agrave; ces &laquo;&nbsp;classiques&nbsp;&raquo; la grille de lecture et le prisme jacobin dominant et consubstantiel &agrave; notre R&eacute;publique &laquo;&nbsp;une et indivisible<sup><a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a></sup>&nbsp;&raquo;, rendant la compr&eacute;hension du processus catalan encore plus difficile aux yeux de ceux, les plus nombreux, qui en ignorent &agrave; la fois les origines, les &eacute;tapes, l&rsquo;&eacute;volution et les circonstances actuelles.</p> <p class="texte">Le but de cet article est donc de fournir au lecteur un ensemble factuel de connaissances lui permettant une approche plus document&eacute;e d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne historique, complexe et multi-d&eacute;termin&eacute;, qui ne peut en aucun cas &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute; d&rsquo;une mani&egrave;re superficielle, biais&eacute;e et simpliste.</p> <p class="texte">Se pose alors, comme souvent devant un tel projet, le probl&egrave;me des origines. En effet, l&rsquo;histoire r&eacute;cente du <em>Proc&egrave;s</em> co&iuml;ncide avec le d&eacute;but de notre si&egrave;cle (2006&nbsp;et 2010)<sup><a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a></sup>&nbsp;; mais il faut &eacute;galement faire mention de la r&eacute;volution et de la guerre d&rsquo;Espagne (1936‑1939), ainsi que de la dictature franquiste qui s&rsquo;en est suivie et de la Constitution de 1978&nbsp;qui a restaur&eacute; la d&eacute;mocratie. Qui plus est, cette histoire (plus ou moins) r&eacute;cente s&rsquo;enracinant dans des p&eacute;riodes bien plus anciennes mais pas moins d&eacute;terminantes pour autant, il semble impossible de faire l&rsquo;impasse sur les &eacute;v&eacute;nements incontournables de 1714&nbsp;qui mirent fin &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat catalan, un &Eacute;tat presque mill&eacute;naire, donc aussi ancien que la plupart des &Eacute;tats europ&eacute;ens actuels. Un survol chronologique, depuis le tout d&eacute;but, semble donc s&rsquo;imposer &agrave; fin d&rsquo;&eacute;clairer convenablement ce pr&eacute;sent si controvers&eacute;.</p> <p class="texte">Mais avant d&rsquo;aller plus loin, et tout sp&eacute;cialement pour le lecteur fran&ccedil;ais, &laquo;&nbsp;victime&nbsp;&raquo; du prisme jacobin pr&eacute;c&eacute;demment &eacute;voqu&eacute;, il convient de faire une petite clarification terminologique (et, surtout, conceptuelle) autour de deux notions souvent tr&egrave;s mal ma&icirc;tris&eacute;es et source de graves malentendus&nbsp;: les vocables &laquo;&nbsp;Nation&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;&Eacute;tat&nbsp;&raquo;, constamment confondus ou consid&eacute;r&eacute;s comme synonymes.</p> <p class="texte">Une Nation est d&eacute;finie comme &eacute;tant&nbsp;: &laquo;&nbsp;un groupe humain, g&eacute;n&eacute;ralement assez vaste, dont les membres sont li&eacute;s par des affinit&eacute;s tenant &agrave; un ensemble d&#39;&eacute;l&eacute;ments communs ethniques, sociaux (langue, religion, etc.) et subjectifs (traditions historiques, culturelles, etc.) dont la coh&eacute;rence repose sur une aspiration &agrave; former ou &agrave; maintenir une communaut&eacute;.&nbsp;&raquo;. De son cot&eacute;, un &Eacute;tat est d&eacute;fini comme &eacute;tant&nbsp;: &laquo;&nbsp;une entit&eacute; politique constitu&eacute;e d&rsquo;un territoire d&eacute;limit&eacute; par des fronti&egrave;res, d&rsquo;une population et d&rsquo;un pouvoir institutionnalis&eacute;. Titulaire de la souverainet&eacute;, il personnifie juridiquement la Nation.&nbsp;&raquo; Par ailleurs, les dictionnaires nous pr&eacute;viennent qu&rsquo;il &laquo;&nbsp;convient de distinguer en ce sens nation et &eacute;tat. Nation implique une id&eacute;e de spontan&eacute;it&eacute;, de communaut&eacute; d&#39;origine. &Eacute;tat implique une id&eacute;e d&#39;organisation politique et administrative. Une Nation peut &ecirc;tre partag&eacute;e, appartenir &agrave; plusieurs Etats, un Etat peut comprendre plusieurs nations.&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte">Il r&eacute;sulte de ces d&eacute;finitions que la Nation est une entit&eacute; naturelle, forg&eacute;e au long des si&egrave;cles (qui ne peut donc pas &ecirc;tre cr&eacute;e ou d&eacute;truite du jour au lendemain d&rsquo;un simple trait de plume), constitu&eacute;e d&rsquo;une s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments objectifs (langue, histoire, culture et traditions) et subjectifs (le plus important de ces derniers &eacute;tant le sentiment d&rsquo;appartenance &agrave; cette communaut&eacute; et sa revendication affich&eacute;e). On notera qu&rsquo;aucune de ces caract&eacute;ristiques n&rsquo;est strictement indispensable si les autres sont pr&eacute;sentes (il n&rsquo;existe, par exemple, pratiquement pas de litt&eacute;rature basque) et que certains de ces &eacute;l&eacute;ments peuvent ne pas &ecirc;tre exclusifs d&rsquo;une nation (la langue fran&ccedil;aise, par exemple, est commune &agrave; plusieurs nations). Tout comme une esp&egrave;ce naturelle, elle est le fruit d&rsquo;une lente &eacute;volution, de transformations graduelles, de croisements multiples qui peuvent la d&eacute;velopper consid&eacute;rablement ou, au contraire, la conduire &agrave; une lente mais inexorable extinction. Bref, elle s&rsquo;inscrit dans la dur&eacute;e et ne d&eacute;pend pas de la reconnaissance (ou non) d&rsquo;un tiers&nbsp;: elle est ou elle n&rsquo;est pas (ou plus).</p> <p class="texte">Un &Eacute;tat, en revanche, est, par d&eacute;finition, artificiel. Voire arbitraire. Et peut &ecirc;tre cr&eacute;&eacute; ou dispara&icirc;tre<sup><a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a></sup> par la magie d&rsquo;un trait&eacute;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a></sup>, d&rsquo;une conqu&ecirc;te militaire<sup><a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a></sup>, un mariage entre princes h&eacute;ritiers<sup><a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a></sup>, voire une transaction &eacute;conomique (achat-vente<sup><a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a></sup>). C&rsquo;est, en langage marxiste, une pure supra-structure. C&rsquo;est la traduction organisationnelle d&rsquo;un territoire et de ses habitants (d&rsquo;o&ugrave; la notion de fronti&egrave;res), qui peut ou non co&iuml;ncider avec une Nation.</p> <p class="texte">Dans la configuration id&eacute;ale, celle de l&rsquo;&Eacute;tat-Nation, il y a une correspondance stricte et parfaite entre ces deux r&eacute;alit&eacute;s&nbsp;: une Nation qui se dote d&rsquo;un &Eacute;tat &laquo;&nbsp;qui la personnifie juridiquement&nbsp;&raquo;, ses fronti&egrave;res recouvrant exactement, se superposant, &eacute;pousant les limites de son territoire naturel. L&rsquo;Islande ou le Japon<sup><a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a></sup>, mais aussi la Slov&eacute;nie, la Croatie ou l&rsquo;actuel Danemark, pourraient en constituer de bons exemples. Mais cet ajustement id&eacute;al est loin d&rsquo;&ecirc;tre le cas le plus fr&eacute;quent. Il existe, en effet, un grand nombre d&rsquo;&Eacute;tats multinationaux, qu&rsquo;ils le reconnaissent officiellement (comme, par exemple, la Conf&eacute;d&eacute;ration Helv&eacute;tique, la Belgique ou le Royaume Uni, qui englobe trois<sup><a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a></sup> Nations&nbsp;: l&rsquo;Angleterre, le Pays de Galles et l&rsquo;&Eacute;cosse<sup><a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a></sup>), ou qu&rsquo;ils le nient tout aussi officiellement, comme l&rsquo;Italie ou la France, qui pr&eacute;f&egrave;rent appeler &laquo;&nbsp;r&eacute;gions&nbsp;&raquo; les diff&eacute;rentes nations, plus ou moins encore vivantes, que ces &Eacute;tats englobent. Sans compter &eacute;galement avec les tr&egrave;s nombreuses Nations sans un &Eacute;tat propre qui se trouvent partag&eacute;es entre deux ou plusieurs &Eacute;tats diff&eacute;rents, comme c&rsquo;est le cas de la Catalogne et du Pays Basque, de part et d&rsquo;autre des Pyr&eacute;n&eacute;es qui s&eacute;parent l&rsquo;Espagne de la France, ou encore des Kurdes, &eacute;cartel&eacute;s entre l&rsquo;Irak, l&rsquo;Iran, la Turquie et la Syrie.</p> <p class="texte">Ainsi, la France n&rsquo;est pas une Nation mais un &Eacute;tat compos&eacute; d&rsquo;une s&eacute;rie de Nations (au moins&nbsp;: la Bretagne, le Pays Basque, la Catalogne, l&rsquo;Alsace, la Corse, la Savoie) et de r&eacute;gions (la Picardie, l&rsquo;Auvergne, le Berry, etc.). Il en est de m&ecirc;me pour l&rsquo;Italie, qui n&rsquo;existe en tant qu&rsquo;&Eacute;tat que depuis 1861, et qui regroupe plusieurs Nations (au moins&nbsp;: les R&eacute;publiques de Venise et de G&ecirc;nes, les Royaumes de Sicile, Sardaigne, Naples et Lombardie) et des r&eacute;gions (Le Latium, la Ligurie, les Marches, la Toscane, etc.). Et, bien s&ucirc;r, c&rsquo;est aussi le cas de l&rsquo;Espagne, qui ne constitue pas non plus une Nation mais un &Eacute;tat compos&eacute; de quatre Nations (la Castille, la Galice (peuple celte mais de langue romane), le Pays Basque et la Catalogne) et de r&eacute;gions (Murcie, Estr&eacute;madure, Andalousie, etc.)<sup><a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a></sup>.</p> <p class="texte">Une partie d&rsquo;un &Eacute;tat n&rsquo;est donc pas forc&eacute;ment une r&eacute;gion&nbsp;et peut rev&ecirc;tir tous les attributs de Nation. Ce n&rsquo;est nullement l&rsquo;existence d&rsquo;un &Eacute;tat (supra-structure arbitraire et modifiable du jour au lendemain) qui d&eacute;finit une Nation (structure naturelle et stable), pas plus que l&rsquo;absence d&rsquo;&Eacute;tat n&rsquo;emp&ecirc;che pas une Nation d&rsquo;exister. De fait, il reste encore beaucoup de Nations sans &Eacute;tat, comme le Qu&eacute;bec, l&rsquo;&Eacute;cosse, le Pays de Galles, la Nation Kurde, le Pays Basque, le peuple Sahraoui ou la Catalogne, pour n&rsquo;en citer que quelques-unes des plus connues.</p> <h1 class="texte">Historique de la Nation Catalane</h1> <p class="texte">Ceux qui ne souhaiteraient pas proc&eacute;der &agrave; ce rappel historique peuvent s&rsquo;avancer directement &agrave; la derni&egrave;re partie: &laquo;&nbsp;Origines r&eacute;centes de la situation actuelle&nbsp;&raquo;.</p> <h2 class="texte">Les d&eacute;buts</h2> <p class="texte">Les premiers habitants connus du territoire catalan sont les peuples ib&egrave;res, tels les <em>Laietans, Ceretans, Ausetans, Indigets, Andosins, </em>etc. Vers 575&nbsp;avant notre &egrave;re, suivant les voies ouvertes par les Ph&eacute;niciens plusieurs si&egrave;cles auparavant, des civilisations de la M&eacute;diterran&eacute;e, essentiellement les Grecs, y ouvrent des colonies commerciales. Plus tard, vers 300&nbsp;avant notre &egrave;re, l&rsquo;ensemble de la p&eacute;ninsule ib&eacute;rique (ainsi que la France et une bonne partie de l&rsquo;Europe) devient une &laquo;&nbsp;province&nbsp;&raquo; de l&rsquo;Empire Romain et le reste pendant sept si&egrave;cles avant de devenir terre de conqu&ecirc;te pour les Visigoths (tout au long du V<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle) et les arabes qui s&rsquo;y installent durablement &agrave; partir de l&rsquo;an&nbsp;711, allant m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; traverser les Pyr&eacute;n&eacute;es. L&rsquo;arr&ecirc;t de leur progression par le franc Charles Martel &agrave; Poitiers&nbsp;(732) marque non seulement le terme de l&rsquo;expansion musulmane mais permet au vainqueur de succ&eacute;der &agrave; la dynastie m&eacute;rovingienne. Son fils, P&eacute;pin le Bref, et le fils de celui-ci, Charlemagne, devront pourtant continuer &agrave; guerroyer contre les musulmans tout au long de leurs r&egrave;gnes.</p> <p class="texte">C&rsquo;est pour se prot&eacute;ger de ces attaques constantes au sud de ses possessions que Charlemagne, devenu entretemps Empereur, &eacute;tablit sur les territoires de part et d&rsquo;autre des Pyr&eacute;n&eacute;es, &agrave; l&rsquo;emplacement approximatif de la future Catalogne, une sorte de fronti&egrave;re, de zone tampon, entre son Empire et le Califat de Cordoue&nbsp;: la <em>Marca Hispanica. </em>Celle-ci est organis&eacute;e en Comt&eacute;s qui jouissent d&rsquo;une notable autonomie et d&rsquo;une organisation administrative largement autog&eacute;r&eacute;e. Certes, les premiers Comtes d&eacute;pendent enti&egrave;rement des carolingiens et sont d&eacute;sign&eacute;s, tels des fonctionnaires interchangeables, ind&eacute;pendamment de leurs origines g&eacute;ographiques, pouvant ainsi provenir de n&rsquo;importe quel coin de l&rsquo;Empire<sup><a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a></sup>&nbsp;; mais, avec le temps, ils seront choisis exclusivement parmi les autochtones.</p> <p class="texte"><em>Guifr&eacute; el Pil&oacute;s</em> (840‑897), douzi&egrave;me (et dernier) Comte nomm&eacute; par les Francs, est sans doute le premier dans ce cas. Comte de Barcelone, il r&eacute;ussit &agrave; unifier les autres comt&eacute;s catalans (<em>Urgell, Ausona, Conflent, Cerdanya, Girona</em>, etc.) et devient, de fait, le Seigneur de ces territoires dans la mesure o&ugrave; il peut les transmettre en h&eacute;ritage, initiant ainsi la dynastie comtale de Barcelone<sup><a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a></sup>, tout en maintenant le serment de fid&eacute;lit&eacute; &agrave; son suzerain, le Roi des Francs, au secours duquel il accourt lorsque celui-ci (Charles&nbsp;II &laquo;&nbsp;le Chauve&nbsp;&raquo;) l&rsquo;appelle &agrave; la rescousse. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;en 988&nbsp;que <em>Borrell&nbsp;II</em>, un descendent de <em>Guifr&eacute;</em>, arguant d&rsquo;une part que son suzerain n&rsquo;&eacute;tait pas venu &agrave; son secours lors de l&rsquo;attaque de Barcelone perp&eacute;tr&eacute;e par le musulman <em>Al-Mansur </em>(la protection et soutien r&eacute;ciproques &eacute;taient au c&oelig;ur des rapports vassal-suzerain) et, d&rsquo;autre part, l&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;une nouvelle dynastie en France, celle des cap&eacute;tiens,<sup><a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a></sup> d&eacute;cide de rompre tout lien de soumission et proclamer l&rsquo;ind&eacute;pendance des Comt&eacute;s catalans.</p> <h2 class="texte">La naissance d&rsquo;une nation et d&rsquo;un &Eacute;tat</h2> <p class="texte">&Agrave; l&rsquo;aube donc du premier mill&eacute;naire, une entit&eacute; d&eacute;j&agrave; existante prend son destin en main et commence &agrave; se comporter en sujet politique autonome, c&rsquo;est-&agrave;-dire, en &Eacute;tat ind&eacute;pendant, sans pour autant prendre la forme d&rsquo;un royaume, comme ce fut en revanche le cas de ses proches voisins, les royaumes d&rsquo;Aragon, de Castille, de Navarre ou de L&eacute;on. Au XII<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle, les arabes commencent &agrave; perdre du terrain sur la p&eacute;ninsule ib&eacute;rique chass&eacute;s par <em>la Reconquista</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a></sup><em> </em>men&eacute;e par ces petits royaumes dits chr&eacute;tiens qui, chacun de son cot&eacute;, &eacute;largit son territoire vers le sud aux d&eacute;pens des &laquo;&nbsp;infid&egrave;les&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">En 1137, le comte de Barcelone <em>Ram&oacute;n Berenguer&nbsp;IV</em> &eacute;pouse <em>Petronila</em>, princesse h&eacute;riti&egrave;re de la couronne d&rsquo;Aragon. D&eacute;sormais, le comte de Barcelone, ainsi que ses successeurs, est &eacute;galement roi d&rsquo;Aragon. Mais les deux &Eacute;tats ne fusionnent pas en un seul&nbsp;; ils forment la Conf&eacute;d&eacute;ration catalano-aragonaise, au sein de laquelle chaque entit&eacute; conserve ses institutions, ses lois, ses us et coutumes, sa langue et, plus tard, son Parlement<sup><a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a></sup>. Ainsi, lorsque le chef de l&rsquo;&Eacute;tat gouverne le royaume d&rsquo;Aragon en tant que Roi il doit le faire en respectant scrupuleusement le droit aragonais&nbsp;; et lorsqu&rsquo;il gouverne le Comt&eacute; de Barcelone, il doit se soumettre au droit catalan. Une seule t&ecirc;te pour deux couronnes&nbsp;: une royale et une comtale.</p> <p class="texte">N&eacute;anmoins, au niveau international, le comte de Barcelone s&rsquo;aper&ccedil;oit bient&ocirc;t qu&rsquo;il est plus respect&eacute; et a plus d&rsquo;influence s&rsquo;il se pr&eacute;sente comme Roi d&rsquo;Aragon que comme Comte de Barcelone. Et, tout au long du Moyen &Acirc;ge, on conna&icirc;tra la Conf&eacute;d&eacute;ration catalano-aragonaise sous le nom de Royaume d&rsquo;Aragon et le Comte de Barcelone sous le nom de Roi d&rsquo;Aragon. Malgr&eacute; cela, le palais royal se trouvait &agrave; Barcelone (il en reste encore la salle du tr&ocirc;ne (<em>Sal&oacute; del Tinell</em>) et la chapelle royale adjacente (<em>capella de Santa &Agrave;gata</em>), formant la Place du Roi (<em>Pla&ccedil;a del Rei</em>) &agrave; deux pas de la cath&eacute;drale, au c&oelig;ur de la vieille ville), mitoyen de l&rsquo;imposant &eacute;difice des Archives de la couronne d&rsquo;Aragon<sup><a class="footnotecall" href="#ftn19" id="bodyftn19">19</a></sup>, ce qui prouve bien que la capitale de la Conf&eacute;d&eacute;ration se trouvait &agrave; Barcelone. Le drapeau catalan devient &eacute;galement le drapeau aragonais.</p> <h2 class="texte">L&rsquo;&eacute;poque de l&rsquo;expansion</h2> <p class="texte">Tout comme ses voisins castillans, les Comtes-Rois catalans poursuivent la Reconqu&ecirc;te vers le sud, faisant reculer les arabes jusqu&rsquo;en Andalousie<sup><a class="footnotecall" href="#ftn20" id="bodyftn20">20</a></sup>. Le point culminant de l&rsquo;expansion catalano-aragonaise est atteint sous le r&egrave;gne de <em>Jaume I</em><sup><em>er </em></sup><em>el Conqueridor</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn21" id="bodyftn21">21</a></sup><em> </em>qui prend aux Sarrazins les Bal&eacute;ares et le royaume de Valence notamment<sup><a class="footnotecall" href="#ftn22" id="bodyftn22">22</a></sup>. Avant lui, son p&egrave;re, le Roi <em>P&egrave;re&nbsp;I</em><sup><em>er</em></sup><em>, </em>avait obtenu qu&rsquo;un certain nombre de Seigneurs occitans le reconnaissent comme Suzerain, &eacute;largissant ainsi ses domaines de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; des Pyr&eacute;n&eacute;es, o&ugrave; un certain nombre de territoires lui appartenaient d&eacute;j&agrave;, comme Montpelier (<em>Mon Paller</em>), par exemple. Mais cette expansion vers le Languedoc se voit brutalement frein&eacute;e par la d&eacute;faite des troupes catalano-aragonaises &agrave; la bataille de Muret&nbsp;(1213) o&ugrave; Simon de Monfort, sous couvert d&rsquo;une croisade contre les Albigeois, conquiert ces terres pour le compte du Roy de France.</p> <p class="texte">Un autre volet de cette expansion est constitu&eacute; par les incursions en M&eacute;diterran&eacute;e, arrivant &agrave; installer des Duch&eacute;s m&ecirc;me en Gr&egrave;ce, &eacute;largissant ainsi les possessions de la couronne d&rsquo;Aragon qu&rsquo;&eacute;taient Malte, la Sicile et la Sardaigne, auxquelles s&rsquo;ajouteront, au temps d&rsquo;<em>Alfons&nbsp;IV el Magn&agrave;nim</em>, le Royaume de Naples et une partie des Balkans. On peut voir dans la carte ci-dessous l&rsquo;&eacute;tendue de ces domaines au moment de leur apog&eacute;e, entre le XIII<sup>&egrave;me</sup> et le XV<sup>&egrave;me&nbsp;</sup>si&egrave;cles&nbsp;:</p> <p class="texte"><img alt="Image 10000000000004210000028BC2081A7B.jpg" src="docannexe/image/3826/img-1.jpg" /></p> <p class="legendeillustration">En rouge, les territoires propres de la couronne catalano-aragonaise&nbsp;; en orange, les &eacute;ph&eacute;m&egrave;res possessions en Languedoc&nbsp;; en jaune, les domaines ajout&eacute;s par <em>Alfons el Magn&agrave;nim</em>.</p> <p class="texte">C&rsquo;est &agrave; cette &eacute;poque que na&icirc;t la l&eacute;gende selon laquelle &laquo;&nbsp;aucun poisson n&rsquo;osait nager en M&eacute;diterran&eacute;e sans porter les 4&nbsp;barres rouges<sup><a class="footnotecall" href="#ftn23" id="bodyftn23">23</a></sup> marqu&eacute;s sur le dos&nbsp;&raquo;. Dans le bas Moyen-&acirc;ge donc, les Comtes-Rois catalans se trouvent &agrave; la t&ecirc;te d&rsquo;un vaste &Eacute;tat dont la superficie est &eacute;gale, voire sup&eacute;rieure, &agrave; celle de ses deux voisins (et rivaux), la France et la Castille<sup><a class="footnotecall" href="#ftn24" id="bodyftn24">24</a></sup>, et constitue une puissance de premier ordre, incontournable dans la M&eacute;diterran&eacute;e. T&eacute;moin de cette h&eacute;g&eacute;monie, le fait que plus d&rsquo;un Pape de Rome est issu de la Conf&eacute;d&eacute;ration, le plus connu &eacute;tant le Alexandre VI, n&eacute; Rodrigo Borgia<sup><a class="footnotecall" href="#ftn25" id="bodyftn25">25</a></sup>, natif du Royaume de Valence.</p> <p class="texte">Sur le plan institutionnel, lors de la transition du r&eacute;gime f&eacute;odal &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat monarchique, s&rsquo;est progressivement dessin&eacute; un syst&egrave;me politique bas&eacute; sur le &laquo;&nbsp;pactisme&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire, la limitation du pouvoir royal par les <em>corts, </em>assembl&eacute;e o&ugrave; sont repr&eacute;sent&eacute;s les nobles, le clerg&eacute; et la naissante bourgeoisie urbaine. Cette configuration constitutionnelle g&eacute;n&egrave;re des organes de gouvernement qui &eacute;closent dans le courant du XIII<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle et qui acqui&egrave;rent de plus en plus de poids politique, le plus important &eacute;tant <em>La diputaci&oacute; del General</em>, qui, &agrave; partir de 1359, est &eacute;galement connue sous le nom de <em>Generalitat de Catalunya</em>, appellation qui a travers&eacute; les si&egrave;cles et qui est encore, dans l&rsquo;actualit&eacute;, celle du gouvernement Catalan (en fait, Carles Puigdemont<sup><a class="footnotecall" href="#ftn26" id="bodyftn26">26</a></sup> est le 130<sup>&egrave;me </sup>Pr&eacute;sident de la <em>Generalitat</em>). Le contr&ocirc;le du pouvoir royal s&rsquo;exerce essentiellement &agrave; travers les <em>Corts Generals</em> (Parlement) qui voient le jour d&egrave;s 1214, soit un an avant la fameuse <em>Magna Carta (Grande Charte)</em> des anglais<sup><a class="footnotecall" href="#ftn27" id="bodyftn27">27</a></sup>, pourtant consid&eacute;r&eacute;e souvent comme &eacute;tant le premier texte constitutionnel en Europe, comme la naissance de la monarchie parlementaire, l&rsquo;&eacute;closion du premier Parlement.</p> <h2 class="texte">Les Rois Catholiques</h2> <p class="texte">En 1410, le Comte-Roi <em>Mart&iacute; l&rsquo;Hum&agrave;</em> meurt sans descendance masculine l&eacute;gitime. La logique des institutions voulait que ce soit le fr&egrave;re du d&eacute;funt, <em>Jaume d&rsquo;Urgell</em>, qui h&eacute;rite de la couronne. Mais dans le tr&egrave;s controvers&eacute; <em>Compromis de Casp</em>&nbsp;(1412), un noble castillan, Ferdinand&nbsp;1<sup>er</sup>, de la famille des <em>Trastamara</em>, est finalement d&eacute;sign&eacute; parmi les pr&eacute;tendants &agrave; la succession suite &agrave; une forte intimidation militaire de la part de celui-ci et des intrigues de <em>Sant Vicent Ferrer</em>.<em> </em>C&rsquo;est ainsi que s&rsquo;&eacute;teint la dynastie barcelonaise.</p> <p class="texte">Mais, bien que issu de la maison des <em>Trastamara</em> qui r&eacute;gnait depuis 1369&nbsp;sur la Castille voisine, Ferdinand se comporte en v&eacute;ritable roi de la Conf&eacute;d&eacute;ration catalano-aragonaise, dont il d&eacute;fend les int&eacute;r&ecirc;ts et respecte les institutions, allant m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; des guerres ponctuelles contre ses cousins, les rois de Castille.</p> <p class="texte">En 1479, a lieu le mariage d&rsquo;Isabelle de Castille et Ferdinand II d&rsquo;Aragon (connus sous le nom des &laquo;&nbsp;Rois Catholiques&nbsp;&raquo;), tous les deux issus donc de la maison des <em>Trastamara</em>. Cette union pacifie les rapports entre les deux royaumes et permet la mise en chantier de deux grandes entreprises&nbsp;: l&rsquo;expulsion totale des Sarrazins de la P&eacute;ninsule<sup><a class="footnotecall" href="#ftn28" id="bodyftn28">28</a></sup> par la prise de Grenade&nbsp;(2&nbsp;janvier&nbsp;1492) et la d&eacute;couverte des Am&eacute;riques par Christophe Colomb&nbsp;(12&nbsp;octobre&nbsp;1492), suivie de leur progressive colonisation.</p> <p class="texte">Certains historiens &laquo;&nbsp;espagnolistes&nbsp;&raquo; ont voulu voir dans les Rois Catholiques la naissance de l&rsquo;&Eacute;tat espagnol, et c&rsquo;est d&rsquo;ailleurs ce qui &eacute;tait enseign&eacute; dans les manuels scolaires de l&rsquo;&eacute;poque franquiste. Rien de tel en r&eacute;alit&eacute;. Les deux &Eacute;tats sont rest&eacute;s compl&egrave;tement ind&eacute;pendants, chacun r&eacute;gi par ses institutions propres (Parlements, us et coutumes, etc.). Processus identique &agrave; celui qui s&rsquo;&eacute;tait produit lors du mariage du Comte de Barcelone avec la princesse d&rsquo;Aragon. Comme les poup&eacute;es russes, de nouveaux ensembles se cr&eacute;ent se superposant aux ant&eacute;rieurs&nbsp;; mais en aucun cas en les d&eacute;truisant&nbsp;: ils continuent &agrave; avoir leur propre existence autonome. Il est donc impropre de parler, suite &agrave; ce mariage, d&rsquo;Espagne ou de nation espagnole, constructions bien plus r&eacute;centes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn29" id="bodyftn29">29</a></sup>. &Agrave; cette &eacute;poque, on continuait de parler du Royaume de Castille, d&rsquo;Aragon, etc. Ainsi, lorsqu&rsquo;Isabelle de Castille d&eacute;c&egrave;de (1504), son &eacute;poux Ferdinand, qui assume alors la R&eacute;gence du Royaume castillan (en plus de r&eacute;gner de plein droit sur son Royaume aragonais), convole en nouvelles noces avec <em>Germana de Foix</em>, ni&egrave;ce du Roi fran&ccedil;ais Louis XII, dont il a un fils. Cet enfant, s&rsquo;il avait surv&eacute;cu, aurait h&eacute;rit&eacute; de la Couronne d&rsquo;Aragon, revenant ainsi &agrave; la situation ant&eacute;rieure &agrave; celle du mariage des Rois Catholiques, &agrave; savoir&nbsp;: deux couronnes et deux &Eacute;tats s&eacute;par&eacute;s. D&rsquo;ailleurs, les partisans de l&rsquo;unit&eacute; de la Couronne reprochent s&eacute;v&egrave;rement &agrave; Ferdinand<sup><a class="footnotecall" href="#ftn30" id="bodyftn30">30</a></sup> de l&rsquo;avoir mise en danger par son remariage.</p> <p class="texte">Lorsque la fille des Rois Catholiques, Jeanne la Folle, re&ccedil;oit en h&eacute;ritage les deux royaumes, on assiste &agrave; la r&eacute;unification de la couronne, et non des &Eacute;tats. Une seule et m&ecirc;me couronne, transmise &agrave; travers les g&eacute;n&eacute;rations, pour deux &Eacute;tats diff&eacute;rents et autonomes. Situation analogue &agrave; celle de la <em>Commonwealth, </em>o&ugrave; des &Eacute;tats tout &agrave; fait ind&eacute;pendants (Canada, Australie, Nouvelle Z&eacute;lande, etc.) ont une couronne commune&nbsp;: la Reine d&rsquo;Angleterre.</p> <p class="texte">Mais, en r&eacute;alit&eacute;, Jeanne la Folle n&rsquo;arrive pas vraiment &agrave; r&eacute;gner, son p&egrave;re Ferdinand assurant la R&eacute;gence de Castille &agrave; la mort d&rsquo;Isabelle. Mari&eacute;e &agrave; Philipe le Beau, de la maison des Habsbourg, leur fils Charles (I&nbsp;d&rsquo;Espagne, V&nbsp;du Saint Empire Germanique) h&eacute;rite de ces deux couronnes (la royale et l&rsquo;imp&eacute;riale, toujours suivant le principe des poup&eacute;es russes) et s&rsquo;installe &agrave; Madrid, d&rsquo;o&ugrave; lui-m&ecirc;me et ses descendants (notamment son fils, <em>Felipe&nbsp;II, </em>qui annexa le Portugal et toutes ses colonies) gouverneront un des plus vastes Empires de l&rsquo;histoire. La maison des <em>Trastamara</em> c&egrave;de donc la place &agrave; une des plus puissantes maisons royales d&rsquo;Europe, celle des Habsbourg.</p> <p class="texte">Voici la carte de l&rsquo;&eacute;tendue de ces domaines au moment de leur apog&eacute;e (XVI<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle)&nbsp;:</p> <p class="texte"><img alt="Image 10000000000002800000019331D82F57.jpg" src="docannexe/image/3826/img-2.jpg" /></p> <p class="legendeillustration">En marron, les possessions espagnoles&nbsp;; en vert, celles apport&eacute;es par l&rsquo;annexion du Portugal.</p> <h2 class="texte">Le d&eacute;but du d&eacute;clin</h2> <p class="texte">Isabelle la Catholique avait obtenu l&rsquo;exclusion de la Couronne d&rsquo;Aragon du commerce avec le Nouveau Monde bien que l&rsquo;exp&eacute;dition de Christophe Colomb fut enti&egrave;rement financ&eacute;e par la communaut&eacute; juive catalano-aragonaise<sup><a class="footnotecall" href="#ftn31" id="bodyftn31">31</a></sup>. Cette flagrante discrimination<sup><a class="footnotecall" href="#ftn32" id="bodyftn32">32</a></sup> signe le d&eacute;but du d&eacute;clin de la Conf&eacute;d&eacute;ration catalano-aragonaise et de sa toute-puissance sur la M&eacute;diterran&eacute;e. L&rsquo;or des Am&eacute;riques n&rsquo;enrichit que la Couronne castillane<sup><a class="footnotecall" href="#ftn33" id="bodyftn33">33</a></sup>, qui le dilapide en grande partie en finan&ccedil;ant les constantes guerres pour maintenir sous son contr&ocirc;le les Flandres insoumises (r&eacute;elles b&eacute;n&eacute;ficiaires, <em>in fine</em>, de cette immense manne).</p> <p class="texte">Le fabuleux march&eacute; ouvert par la d&eacute;couverte de la nouvelle route commerciale d&eacute;place l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie de la M&eacute;diterran&eacute;e vers l&rsquo;Atlantique (tout comme, quelques si&egrave;cles plus tard, le Pacifique, avec la Chine, le Japon et l&rsquo;&eacute;mergence des &laquo;&nbsp;Dragons asiatiques&nbsp;&raquo;, viendra se substituer &agrave; la puissance atlantique). Priv&eacute;s donc du juteux commerce avec &laquo;&nbsp;les Indes&nbsp;&raquo;, l&rsquo;&eacute;conomie de la Couronne d&rsquo;Aragon entre dans une longue phase de d&eacute;pression, avec la perte d&rsquo;influence politique que cela implique toujours. La soci&eacute;t&eacute; catalane (et tout sp&eacute;cialement les nobles) se r&eacute;signe donc &agrave; se &laquo;&nbsp;castillaniser&nbsp;&raquo; pour essayer de garder ne serait-ce qu&rsquo;un reste de son influence.</p> <p class="texte">L&rsquo;ult&eacute;rieure arriv&eacute;e sur le tr&ocirc;ne des Habsbourgs, de tradition r&eacute;solument absolutiste et centraliste, diam&eacute;tralement oppos&eacute;e aux conceptions &laquo;&nbsp;pactistes&nbsp;&raquo; et parlementaristes des Rois de la maison de Barcelone (et m&ecirc;me des <em>Trastamara</em>) g&eacute;n&egrave;re une constante tension. Cette tension trouve son apog&eacute;e, sous le r&egrave;gne de <em>Felipe IV</em>, dans la guerre dite <em>dels Segadors</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn34" id="bodyftn34">34</a></em></sup> (1640‑1652, en pleine Guerre de Trente Ans<sup><a class="footnotecall" href="#ftn35" id="bodyftn35">35</a></sup>), provoqu&eacute;e par la pr&eacute;tention tout &agrave; fait anticonstitutionnelle du <em>Conde-Duque de Olivares</em> (bras droit du Roi et partisan r&eacute;solu du centralisme<sup><a class="footnotecall" href="#ftn36" id="bodyftn36">36</a></sup>) d&rsquo;unifier les deux royaumes, nivelant par le bas les contre-pouvoirs des institutions<sup><a class="footnotecall" href="#ftn37" id="bodyftn37">37</a></sup> et instaurant de nombreux nouveaux imp&ocirc;ts.</p> <p class="texte">Ainsi, le jeudi 6&nbsp;juin&nbsp;1640, f&ecirc;te du <em>Corpus Christi</em>, les paysans, arm&eacute;s de leurs faucilles, entrent dans Barcelone et de sanglants tumultes en r&eacute;sultent<sup><a class="footnotecall" href="#ftn38" id="bodyftn38">38</a></sup>. Ce qui avait d&eacute;marr&eacute; comme &eacute;tant une r&eacute;volte paysanne contre les troupes du Roi, contre la noblesse et la bourgeoisie, se transforme bient&ocirc;t en une guerre civile entre catalans royalistes et catalans ind&eacute;pendantistes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn39" id="bodyftn39">39</a></sup>. Ces derniers l&rsquo;emportent dans un premier temps et obtiennent la chute du tr&egrave;s ha&iuml; <em>Conde-Duque</em>.</p> <p class="texte"><em>Pau Claris</em>, le Pr&eacute;sident de la <em>Generalitat</em> de l&rsquo;&eacute;poque, se r&eacute;unit alors avec l&rsquo;ambassadeur de France, Bernard Du Plessis Besan&ccedil;on<sup><a class="footnotecall" href="#ftn40" id="bodyftn40">40</a></sup> et lui demande son appui pour transformer la Catalogne en une R&eacute;publique ind&eacute;pendante sous la protection du Roi Louis&nbsp;XIII. L&rsquo;accord est sign&eacute; le 16&nbsp;d&eacute;cembre&nbsp;1640&nbsp;et la Catalogne proclame la I<sup>&egrave;re</sup>&nbsp;R&eacute;publique, th&eacute;oriquement sous la protection de Louis&nbsp;XIII, le 17&nbsp;janvier&nbsp;1641. Mais la puissance des arm&eacute;es des Hausbourg et la faible contribution des soldats fran&ccedil;ais rendent l&rsquo;ind&eacute;pendance insoutenable. <em>Claris</em> se voit donc contraint, pour se lib&eacute;rer du joug castillan, de reconnaitre Louis XIII comme Comte de Barcelone et Suzerain le 23&nbsp;janvier de la m&ecirc;me ann&eacute;e<sup><a class="footnotecall" href="#ftn41" id="bodyftn41">41</a></sup>. La I&egrave;re R&eacute;publique catalane avait donc dur&eacute; moins d&rsquo;une semaine.</p> <p class="texte">Par la suite, les Fran&ccedil;ais, une fois le Roussillon<sup><a class="footnotecall" href="#ftn42" id="bodyftn42">42</a></sup> sous leur contr&ocirc;le (ce qui &eacute;tait le but principal de l&rsquo;aide propos&eacute;e aux Catalans par Louis XIII sous les conseils de son bras droit, le cardinal Richelieu), se d&eacute;sengagent progressivement du conflit permettant aux troupes castillanes une reconqu&ecirc;te, tout aussi progressive, du territoire catalan. Barcelone, apr&egrave;s plus d&rsquo;un an de si&egrave;ge, tombe en 1652. Le trait&eacute; des Pyr&eacute;n&eacute;es (1659) met d&eacute;finitivement fin aux hostilit&eacute;s&nbsp;: l&rsquo;Espagne renonce d&eacute;finitivement au Roussillon<sup><a class="footnotecall" href="#ftn43" id="bodyftn43">43</a></sup> tandis que Louis XIV renonce au titre de Comte de Barcelone. Parall&egrave;lement, au niveau interne, les Catalans retournent sous le giron du Roi Philipe&nbsp;IV auquel ils se soumettent, celui-ci de son c&ocirc;t&eacute; jurant (par &eacute;crit) de respecter les lois et les institutions catalanes.</p> <p class="texte">Apr&egrave;s toutes ces sanglantes p&eacute;rip&eacute;ties, la situation reste donc &agrave; peu pr&egrave;s la m&ecirc;me (perte du Roussillon mise &agrave; part) qu&rsquo;avant le d&eacute;but des hostilit&eacute;s, &agrave; savoir&nbsp;: une seule et m&ecirc;me Couronne pour deux &Eacute;tats ind&eacute;pendants, pourvus de Constitutions, institutions, us et coutumes, langues et traditions bien diff&eacute;rentes. Cette situation perdurera jusqu&rsquo;au d&eacute;but de la Guerre de Succession &agrave; la Couronne d&rsquo;Espagne, conflit au d&eacute;but purement interne mais qui finit par embraser toute l&rsquo;Europe devenant une v&eacute;ritable guerre internationale.</p> <p class="texte">Les origines lointaines de la situation actuelle&nbsp;: le Decreto de Nueva Planta.</p> <p class="texte">La Guerre de Succession d&rsquo;Espagne (1701‑1715) est un conflit arm&eacute; international qui, en plus de toucher l&rsquo;ensemble de l&rsquo;Europe, a m&ecirc;me des r&eacute;percussions en Am&eacute;rique du Nord dans la mesure o&ugrave; elle inclut la Guerre de la Reine Anne<sup><a class="footnotecall" href="#ftn44" id="bodyftn44">44</a></sup>. Lors de cette confrontation, outre la question de la succession &agrave; la Couronne espagnole, se joue la redistribution des cartes et l&rsquo;&eacute;quilibre des pouvoirs entre les diff&eacute;rentes puissances europ&eacute;ennes&nbsp;; c&rsquo;est pourquoi on la consid&egrave;re comme &eacute;tant l&rsquo;un des premiers, sinon le premier, conflit global.</p> <p class="texte">En essayant de r&eacute;sumer une affaire particuli&egrave;rement complexe, on peut affirmer que tout d&eacute;bute avec la mort, le 1<sup>er</sup>&nbsp;novembre&nbsp;1700, du Roi Charles II, qui n&rsquo;avait pas eu de descendance. Deux candidats &laquo;&nbsp;naturels&nbsp;&raquo; pr&eacute;tendent alors &agrave; la Couronne espagnole&nbsp;: le Duc Louis d&rsquo;Anjou, petit-fils de Louis&nbsp;XIV (un Bourbon, donc) et cousin du d&eacute;funt, et l&rsquo;Archiduc Charles, l&rsquo;autrichien, deuxi&egrave;me fils de l&rsquo;Empereur L&eacute;opold qui &eacute;tait aussi cousin du Roi d&eacute;c&eacute;d&eacute;. Conform&eacute;ment &agrave; la l&eacute;galit&eacute; de chacun des deux &Eacute;tats que comprenait la Couronne, c&rsquo;est &agrave; leurs Parlements respectifs de choisir le nouveau Roi. Et il se trouve que la Castille d&eacute;signe le Bourbon, de tradition centraliste et unificatrice, tandis que l&rsquo;Aragon penche pour le candidat autrichien (un Hausbourg, comme le Roi qui venait de mourir), qui promet de respecter les Constitutions catalanes.</p> <p class="texte">Et il n&rsquo;y aurait pas eu de conflit si chacun avait accept&eacute; de devenir le Roi de l&rsquo;&Eacute;tat qui lui offrait sa Couronne, ce qui signifiait la fin de la Couronne unique pour deux &Eacute;tats et le retour aux deux Couronnes pour deux &Eacute;tats. Mais aucun des deux pr&eacute;tendants n&rsquo;&eacute;tait dispos&eacute; &agrave; se restreindre &agrave; la moiti&eacute; d&rsquo;un aussi vaste Empire qui depuis un peu plus de deux si&egrave;cles &eacute;tait gouvern&eacute; par un seul et unique monarque.</p> <p class="texte">La guerre civile &eacute;clate donc in&eacute;vitablement. Le conflit devient presque imm&eacute;diatement europ&eacute;en dans la mesure o&ugrave;, tout naturellement, les alliances de famille entrent en jeu&nbsp;: l&rsquo;Empire autrichien soutient donc son candidat tout comme la France soutient le sien. Quant &agrave; l&rsquo;Angleterre, (&eacute;ternelle rivale de la France), elle se rallie aux autrichiens de peur de voir s&rsquo;instaurer un puissant axe Paris-Madrid, trop dangereux pour ses int&eacute;r&ecirc;ts. Enfin, le Portugal et la Maison de Savoie int&egrave;grent &eacute;galement la coalition anti-bourbonienne.</p> <p class="texte">Au d&eacute;but, chaque pr&eacute;tendant prend n&eacute;anmoins possession du royaume qui lui &eacute;tait offert et s&rsquo;installe, avec sa cour, pour diriger les affaires du pays tout en guerroyant contre son rival. Charles<sup><a class="footnotecall" href="#ftn45" id="bodyftn45">45</a></sup> se marie m&ecirc;me &agrave; Barcelone en 1708&nbsp;et y r&egrave;gne avec son &eacute;pouse.</p> <p class="texte">Le sort des armes s&rsquo;av&egrave;re, apr&egrave;s moult rebondissements, plut&ocirc;t favorable &agrave; l&rsquo;autrichien, qui parvient m&ecirc;me (de fa&ccedil;on &eacute;ph&eacute;m&egrave;re) &agrave; s&rsquo;asseoir sur le tr&ocirc;ne &agrave; Madrid en 1710. Mais il se produit alors un &eacute;v&egrave;nement qui change radicalement le cours de l&rsquo;histoire et dont les cons&eacute;quences seront on ne peut plus funestes pour les Catalans. L&rsquo;Empereur autrichien<sup><a class="footnotecall" href="#ftn46" id="bodyftn46">46</a></sup> tr&eacute;passe en 1711, lui aussi sans descendance masculine. Les Grands &Eacute;lecteurs de l&rsquo;Empire d&eacute;signent alors son fr&egrave;re, l&rsquo;Archiduc d&rsquo;Autriche et Roi de Catalogne, comme Empereur du Sacre Empire Roman Germanique sous le nom de Charles VI.</p> <p class="texte">Ses nouvelles et prenantes obligations, la disproportion entre une Couronne Imp&eacute;riale qui lui est offerte sur un plateau d&rsquo;argent et une Couronne Royale qui lui est belliqueusement contest&eacute;e et qu&rsquo;il doit d&eacute;fendre par les armes, sans compter l&rsquo;&eacute;loignement g&eacute;ographique de Barcelone<sup><a class="footnotecall" href="#ftn47" id="bodyftn47">47</a></sup>, l&rsquo;am&egrave;nent &agrave; se d&eacute;sint&eacute;resser progressivement de la bataille pour la Couronne d&rsquo;Espagne et &agrave; abandonner &agrave; leur sort ses fid&egrave;les sujets catalans. Par ailleurs, une &eacute;ventuelle Espagne &agrave; nouveau autrichienne (comme au temps h&eacute;g&eacute;moniques de l&rsquo;Empereur Charles&nbsp;I deux si&egrave;cles plus t&ocirc;t) risque de menacer la puissance de l&rsquo;Angleterre qui opte (sans aller jusqu&rsquo;&agrave; renverser les alliances et &agrave; ts&rsquo;unir &agrave; la France, son ennemie h&eacute;r&eacute;ditaire) pour se retirer tout simplement du conflit, tout en se payant de sa contribution &agrave; l&rsquo;effort de guerre en conservant la place forte de Gibraltar<sup><a class="footnotecall" href="#ftn48" id="bodyftn48">48</a></sup>, hautement strat&eacute;gique de par le contr&ocirc;le de la M&eacute;diterran&eacute;e qu&rsquo;elle conf&egrave;re.</p> <p class="texte">L&acirc;ch&eacute;e par les Autrichiens, les Anglais<sup><a class="footnotecall" href="#ftn49" id="bodyftn49">49</a></sup> et le reste des alli&eacute;s, qui signent avec les Bourbons le Trait&eacute; d&rsquo;Utrech (11&nbsp;avril&nbsp;1713), la Catalogne se trouve seule face &agrave; la puissance militaire conjugu&eacute;e de la Castille et de la France, prise en tenaille par ces deux &Eacute;tats gouvern&eacute;s par des monarchies r&eacute;solument absolutistes et centralisatrices. L&rsquo;issue du combat ne fait, d&egrave;s lors, aucun doute. C&rsquo;est juste une question de temps. Mais la r&eacute;sistance catalane, malgr&eacute; le d&eacute;s&eacute;quilibre des forces en pr&eacute;sence, est surprenante et inesp&eacute;r&eacute;e. Le si&egrave;ge de Barcelone en est l&rsquo;exemple paradigmatique. La ville (et, avec elle, l&rsquo;&Eacute;tat catalan ind&eacute;pendant, l&rsquo;un des plus anciens d&rsquo;Europe, au pass&eacute; glorieux) finit par tomber le 11&nbsp;septembre&nbsp;1714<sup><a class="footnotecall" href="#ftn50" id="bodyftn50">50</a></sup>.</p> <p class="texte">La cons&eacute;quence imm&eacute;diate de cette d&eacute;faite est une r&eacute;pression, des personnes comme des institutions, sans pr&eacute;c&eacute;dent<sup><a class="footnotecall" href="#ftn51" id="bodyftn51">51</a></sup>. De nombreux historiens s&rsquo;accordent &agrave; signaler l&rsquo;obsession quasi-maladive du Bourbon (qui devient Roi sous le nom de <em>Felipe&nbsp;V</em>) contre la Catalogne. D&egrave;s 1707, lors de la prise du Royaume de Valence, Philippe promulgue le tristement c&eacute;l&egrave;bre <em>Decreto de Nueva Planta</em>, qu&rsquo;il &eacute;tend ensuite, au fur et &agrave; mesure de ses conqu&ecirc;tes militaires, aux Royaumes d&rsquo;Aragon, de Catalogne et des Bal&eacute;ares, en vertu duquel toutes les lib&eacute;ralit&eacute;s que le &laquo;&nbsp;pactisme&nbsp;&raquo; d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute; avait obtenu des Rois, toutes les institutions et lois propres, toutes les structures d&rsquo;&Eacute;tat, sontt an&eacute;anties et remplac&eacute;es par le nouvel ordre que le nouveau Roi voudra bien imposer.</p> <p class="texte">Un seul exemple du niveau de cette r&eacute;pression&nbsp;: la loi interdit aux foyers catalans d&rsquo;avoir le moindre objet tranchant pouvant &ecirc;tre utilis&eacute; comme une arme&nbsp;; seul un couteau par famille, attach&eacute; &agrave; la table de la cuisine par une cha&icirc;ne dont m&ecirc;me la longueur est r&egrave;glement&eacute;e, reste autoris&eacute;. Et pour s&rsquo;assurer du contr&ocirc;le total et permanent de la population, une forteresse, la <em>Ciutadella</em>, est construite en plein quartier populaire de <em>La Ribera</em>. Les habitants dont la maison devait &ecirc;tre d&eacute;molie pour &eacute;riger cette forteresse non seulement ne recevront aucune indemnisation d&rsquo;aucune sorte mais seront, qui plus est, oblig&eacute;s &agrave; participer (gratuitement) &agrave; la destruction de leur foyer et &agrave; la construction de la <em>Ciutadella</em>.</p> <p class="texte">Ainsi donc, pour la premi&egrave;re fois de son histoire, la Catalogne devient une Nation sans &Eacute;tat. Le <em>Proc&egrave;s</em> actuel a pour but de r&eacute;cup&eacute;rer ce qui lui fut &ocirc;t&eacute; par les armes de deux forces d&rsquo;occupation &eacute;trang&egrave;res. Et le fait que trois si&egrave;cles se soient &eacute;coul&eacute;s depuis n&rsquo;enl&egrave;ve rien la l&eacute;gitimit&eacute; de cette aspiration. Mais, comme il va &ecirc;tre montr&eacute; par la suite, l&rsquo;ind&eacute;pendantisme catalan actuel ne repose pas que sur cette revendication historique et l&eacute;galiste&nbsp;: il s&rsquo;appuie &eacute;galement sur des facteurs &eacute;conomiques, sur une exigence de d&eacute;mocratie (qui fait cruellement d&eacute;faut au r&eacute;gime actuel de l&rsquo;Espagne, issu d&rsquo;un compromis avec le franquisme), sur une volont&eacute; r&eacute;elle de gouvernement de proximit&eacute;, sur une aspiration profonde &agrave; la prise en main du destin collectif pour b&acirc;tir une R&eacute;publique moderne. Cette aspiration n&rsquo;a cess&eacute; de se maintenir vivante, avec plus ou moins d&rsquo;intensit&eacute;, depuis. En fait, la r&eacute;cente proclamation d&rsquo;une R&eacute;publique Catalane ind&eacute;pendante repr&eacute;sente la cinqui&egrave;me tentative depuis celle de <em>Pau Claris</em>. L&eacute;galement parlant, <em>Carles Puigdemont</em>, depuis son exile gaullien &agrave; Bruxelles, est le Pr&eacute;sident de la VI<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;R&eacute;publique<sup><a class="footnotecall" href="#ftn52" id="bodyftn52">52</a></sup> Catalane.</p> <h2 class="texte">Le d&eacute;but de la renaissance</h2> <p class="texte">Vers la fin du XVIII<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle d&eacute;marre, port&eacute;e par le dynamisme de la soci&eacute;t&eacute; catalane, la renaissance &eacute;conomique du pays, pr&eacute;lude &agrave; la puissante R&eacute;volution industrielle du si&egrave;cle suivant, elle-m&ecirc;me berceau d&rsquo;un vaste mouvement artistique (<em>La Renaixen&ccedil;a</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn53" id="bodyftn53">53</a></em></sup>). L&rsquo;ensemble de ces facteurs est &agrave; la base de l&rsquo;essor du catalanisme politique moderne (1898).</p> <p class="texte">Le catalanisme du XIX<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle se vert&egrave;bre autour de trois secteurs diff&eacute;rents mais convergents&nbsp;: le r&eacute;publicanisme f&eacute;d&eacute;ral, dont le leader fut <em>Valent&iacute; Almirall</em>&nbsp;; l&rsquo;&Eacute;glise, &agrave; travers le mouvement impuls&eacute; par le cardinal <em>Torres i Bages</em> et l&rsquo;&oelig;uvre de <em>Moss&egrave;n Jacint Verdaguer</em>&nbsp;; les intellectuels, regroup&eacute;s autour de la figure d&rsquo;<em>&Agrave;ngel Guimer&agrave;</em> et la revue <em>La Renaixen&ccedil;a</em>.</p> <p class="texte">Au niveau proprement politique, le XIX&egrave;me si&egrave;cle d&eacute;bute avec la &laquo;&nbsp;Guerre du Fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo; (1808‑1814), c&rsquo;est-&agrave;-dire, la r&eacute;sistance &agrave; l&rsquo;invasion napol&eacute;onienne. Entre 1810&nbsp;et 1812, Napol&eacute;on conc&egrave;de l&rsquo;ind&eacute;pendance (sous tutelle fran&ccedil;aise) &agrave; la Catalogne, qui conna&icirc;t alors sa II<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;R&eacute;publique. Mais en 1812, l&rsquo;Empereur d&eacute;cide de l&rsquo;annexer, purement et simplement, &agrave; la France<sup><a class="footnotecall" href="#ftn54" id="bodyftn54">54</a></sup>, qui s&rsquo;agrandit ainsi de quatre nouveaux d&eacute;partements jusqu&rsquo;en 1814, date de la fin de la Guerre, o&ugrave; la Catalogne retourne sous le giron de la Couronne d&rsquo;Espagne, repr&eacute;sent&eacute;e alors par Ferdinand&nbsp;VII.</p> <p class="texte">&Agrave; la mort de ce monarque sans successeur m&acirc;le (1833), s&rsquo;ouvre une p&eacute;riode de guerres civiles, connues sous le nom de <em>Guerres Carlistes</em>, entre les partisans de <em>Carlos</em>, fr&egrave;re du d&eacute;funt, et ceux de sa fille, Isabelle, cons&eacute;quence de l&rsquo;acceptation ou pas de la loi salique, interdisant la couronne aux femmes. Les Catalans, ainsi que les Basques, se rangent du c&ocirc;t&eacute; <em>carliste</em> car le pr&eacute;tendant Charles, aux orientations plus &laquo;&nbsp;girondines&nbsp;&raquo;, promet (et r&eacute;alise pendant les courtes p&eacute;riodes o&ugrave; il parvient &agrave; contr&ocirc;ler ces territoires) le retour des Institutions propres &agrave; ces deux nations historiques. Les <em>isabellins</em>, en revanche, partisans farouches de la centralisation et de l&rsquo;unit&eacute; &laquo;&nbsp;jacobines&nbsp;&raquo; et finissent par s&rsquo;imposer.</p> <p class="texte">En 1868, suite &agrave; l&rsquo;impopularit&eacute; croissante de la Reine Isabelle II, d&eacute;bute dans toute l&rsquo;Espagne une p&eacute;riode r&eacute;volutionnaire &agrave; laquelle les Catalans contribuent tr&egrave;s activement et qui culmine par l&rsquo;exil de la Reine et, apr&egrave;s avoir offert la Couronne &agrave; un parfait &eacute;tranger (Amadeus&nbsp;I<sup>er</sup> de Savoie<sup><a class="footnotecall" href="#ftn55" id="bodyftn55">55</a></sup>) par la proclamation de la I<sup>&egrave;re</sup>&nbsp;R&eacute;publique Espagnole (1873‑1874). Les propres r&eacute;publicains &eacute;tant eux aussi divis&eacute;s entre unionistes et f&eacute;d&eacute;ralistes, la R&eacute;publique, bien qu&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&egrave;re, se veut tant&ocirc;t centraliste tant&ocirc;t f&eacute;d&eacute;raliste. Dans ce contexte, la Catalogne proclame sa III<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;R&eacute;publique (&Eacute;tat Catalan), au sein de la R&eacute;publique F&eacute;d&eacute;rale Espagnole. Mais un <em>pronunciamiento</em> militaire<sup><a class="footnotecall" href="#ftn56" id="bodyftn56">56</a></sup>, dans la plus pure tradition putschiste espagnole, met fin &agrave; cette parenth&egrave;se et proc&egrave;de &agrave; la Restauration des Bourbons en la figure d&rsquo;<em>Alfonso XII</em>, fils d&rsquo;Isabelle&nbsp;II qui, depuis son exile parisien, avait abdiqu&eacute; en sa faveur. Il ne r&egrave;gne que dix ans 1875‑1885), victime de la tuberculose, et la Couronne passe &agrave; son fils, <em>Alfonso&nbsp;XIII</em>.</p> <p class="texte">Comme cons&eacute;quence de l&rsquo;industrialisation acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e de la Catalogne, la nouvelle classe sociale qu&rsquo;elle engendre (la classe ouvri&egrave;re) prend un essor consid&eacute;rable et tr&egrave;s vite s&rsquo;organise en puissants syndicats, d&rsquo;orientation majoritairement anarchiste. Les sanglants &eacute;v&eacute;nements produits lors de ce qui est connu sous le nom de <em>La SetmanaTr&agrave;gica</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn57" id="bodyftn57">57</a></sup> (25&nbsp;juillet-2&nbsp;ao&ucirc;t&nbsp;1909) montrent &agrave; toute l&rsquo;Europe aussi bien la force du mouvement prol&eacute;taire que la f&eacute;roce et atavique<sup><a class="footnotecall" href="#ftn58" id="bodyftn58">58</a></sup> r&eacute;pression de l&rsquo;&Eacute;tat espagnol.</p> <h2 class="texte">La consolidation du catalanisme r&eacute;cent</h2> <p class="texte">L&rsquo;embryon de la r&eacute;cup&eacute;ration des institutions pi&eacute;tin&eacute;es par la d&eacute;faite de 1714 se trouve, sans aucun doute, dans l&rsquo;obtention d&rsquo;une nouvelle structure f&eacute;d&eacute;rant les quatre provinces<sup><a class="footnotecall" href="#ftn59" id="bodyftn59">59</a></sup>catalanes (<em>Barcelona, Tarragona, Lleida et Girona</em>) sous une autorit&eacute; politique unique, <em>La Mancomunitat</em>, qui voit le jour le 6&nbsp;avril&nbsp;1914. Certes, il ne s&rsquo;agit pas de la restauration de l&rsquo;ancienne <em>Generalitat</em> ni de l&rsquo;ancien Parlement, mais cela repr&eacute;sente n&eacute;anmoins un certain retour de la capacit&eacute; de gestion administrative autonome et une premi&egrave;re reconnaissance, de la part de l&rsquo;&Eacute;tat espagnol, de la personnalit&eacute; propre et de l&rsquo;unit&eacute; territoriale de la Catalogne. Les deux premiers Pr&eacute;sidents de cette nouvelle institution, qui r&eacute;pond enfin &agrave; une longue demande et aspiration historique des Catalans, sont les charismatiques <em>Enric Prat de la Riba</em> (depuis sa cr&eacute;ation jusqu&rsquo;&agrave; en 1917) et <em>Josep Puig i Cadafalch</em> (entre 1917&nbsp;et 1923).</p> <p class="texte">Les tensions sociales ne cessant de s&rsquo;accroitre, le g&eacute;n&eacute;ral Primo de Rivera, tr&egrave;s influenc&eacute; par le fascisme italien (sans pour autant s&rsquo;en r&eacute;clamer ouvertement), ex&eacute;cute, le 13&nbsp;septembre&nbsp;1923, un coup d&rsquo;&Eacute;tat avec la b&eacute;n&eacute;diction d&rsquo;<em>Alfonso&nbsp;XIII</em>, le soutien inconditionnel des militaires et les applaudissements de la bourgeoisie d&rsquo;affaires, les propri&eacute;taires terriens et, bien entendu, comme d&rsquo;habitude, les milieux eccl&eacute;siastiques. D&egrave;s 1924, Primo de Rivera dissout <em>La Mancomunitat</em> et interdit &agrave; nouveau l&rsquo;usage de la langue et du drapeau dans l&rsquo;administration et la vie publique. La Catalogne devient alors l&rsquo;un des foyers les plus actifs d&rsquo;opposition et de r&eacute;sistance &agrave; la dictature<sup><a class="footnotecall" href="#ftn60" id="bodyftn60">60</a></sup>, ce qui contribue au d&eacute;veloppement d&rsquo;un catalanisme r&eacute;publicain qui trouve dans le parti (clandestin) <em>Estat Catal&agrave;</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn61" id="bodyftn61">61</a></em></sup> et son leader <em>Francesc Maci&agrave;</em> son expression la plus achev&eacute;e.</p> <p class="texte">Au vue du m&eacute;contentement croissant et de l&rsquo;inefficacit&eacute; de la politique men&eacute;e par la dictature de Primo de Rivera, <em>Alfonso&nbsp;XIII</em> exige sa d&eacute;mission le 28&nbsp;janvier&nbsp;1930. Mais le mal est fait et l&rsquo;animosit&eacute; envers le dictateur s&rsquo;est &eacute;galement &eacute;tendue &agrave; la monarchie qui l&rsquo;a plus que tol&eacute;r&eacute;. Ses jours sont donc compt&eacute;s. Par le Pacte de San S&eacute;bastien (17&nbsp;ao&ucirc;t&nbsp;1930), l&rsquo;ensemble des forces r&eacute;publicaines d&rsquo;Espagne se conjuguent afin d&rsquo;assumer le pouvoir &agrave; la premi&egrave;re occasion et &eacute;tablissent un mod&egrave;le global de gouvernement f&eacute;d&eacute;ral &agrave; appliquer lors d&rsquo;un changement de r&eacute;gime, devenu imminent et in&eacute;vitable.</p> <h2 class="texte">La r&eacute;cup&eacute;ration des institutions</h2> <p class="texte">Lors des &eacute;lections municipales du 12&nbsp;avril&nbsp;1931, les r&eacute;publicains l&rsquo;emportent largement<sup><a class="footnotecall" href="#ftn62" id="bodyftn62">62</a></sup> et le Roi, sans abdiquer pour autant, part en exile &agrave; Rome. D&egrave;s le 14&nbsp;avril, <em>Francesc Maci&agrave;</em>, leader du nouveau parti <em>Esquerra Republicana de </em>Catalunya<sup><a class="footnotecall" href="#ftn63" id="bodyftn63">63</a></sup> proclame unilat&eacute;ralement, depuis le symbolique balcon du Palais de l&rsquo;ancienne <em>Generalitat</em>, &laquo;&nbsp;la r&eacute;publique catalane, en attente que les autres peuples d&rsquo;Espagne se constituent en R&eacute;publique afin de former la Conf&eacute;d&eacute;ration Ib&eacute;rique&nbsp;&raquo;, quelques heures avant qu&rsquo;&agrave; Madrid on ne proclame la II<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;R&eacute;publique Espagnole. Mais le gouvernement provisoire central, soucieux de pr&eacute;server la R&eacute;publique issue presque de fa&ccedil;on inesp&eacute;r&eacute;e d&rsquo;une simple &eacute;lection municipale qui n&rsquo;avait nullement vocation &agrave; changer de r&eacute;gime et que les monarchistes contestaient, impose &agrave; <em>Maci&agrave;</em>, en violation flagrante du Pacte de San S&eacute;bastien, de revenir sur sa d&eacute;claration et de se contenter de ressusciter la vielle institution de <em>La Generalitat</em>, qu&rsquo;il pr&eacute;sidera. Ce que <em>Maci&agrave;</em> fait le 17&nbsp;avril. La IV<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;R&eacute;publique catalane n&rsquo;a donc dur&eacute; que trois jours.</p> <p class="texte">Malgr&eacute; cette imposition, la Catalogne r&eacute;cup&egrave;re une large autonomie, bien sup&eacute;rieure &agrave; celle de la <em>Mancumunitat</em>, dans la mesure o&ugrave; elle dispose d&rsquo;un Gouvernement et d&rsquo;un Parlement propres, ainsi que d&rsquo;un Statut d&rsquo;Autonomie<sup><a class="footnotecall" href="#ftn64" id="bodyftn64">64</a></sup>, vot&eacute; en r&eacute;f&eacute;rendum par les Catalans d&egrave;s le 2&nbsp;ao&ucirc;t&nbsp;1931, puis vot&eacute; par le Parlement espagnol, apr&egrave;s l&rsquo;avoir retouch&eacute;, le 12&nbsp;septembre&nbsp;1932.</p> <p class="texte">Le jour de No&euml;l de 1933, <em>Maci&agrave;</em> d&eacute;c&egrave;de et le Parlement &eacute;lit <em>Llu&iacute;s Companys</em> comme nouveau Pr&eacute;sident.</p> <p class="texte">Lors des &eacute;lections l&eacute;gislatives espagnoles de novembre&nbsp;1933, apr&egrave;s deux ans marqu&eacute;s par une politique plut&ocirc;t progressiste (r&eacute;forme agraire) mais &eacute;galement tr&egrave;s ouvertement anticl&eacute;ricale, les monarchistes et la nouvelle droite fascisante de <em>Gil-Robles</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn65" id="bodyftn65">65</a></sup> l&rsquo;emportent et prennent leur revanche en appliquant un programme d&rsquo;extr&ecirc;me de droite. En r&eacute;action, les mineurs asturiens se r&eacute;voltent<sup><a class="footnotecall" href="#ftn66" id="bodyftn66">66</a></sup> et la Catalogne proclame &agrave; nouveau son Ind&eacute;pendance le 6&nbsp;octobre&nbsp;1933. En effet, <em>Companys</em>, toujours depuis le balcon du Palais de la <em>Generalitat</em>, d&eacute;clare, encore une fois unilat&eacute;ralement, &laquo;&nbsp;un &Eacute;tat Catalan de la R&eacute;publique F&eacute;d&eacute;rale Espagnole&nbsp;&raquo;. Le jour m&ecirc;me, apr&egrave;s quelques escarmouches avec les <em>Mossos d&rsquo;Esquadra</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn67" id="bodyftn67">67</a></sup>, le gouverneur militaire de Catalogne &eacute;touffe le mouvement et emprisonne <em>Companys</em> et tout le gouvernement. Le Statut d&rsquo;autonomie est suspendu et la Pr&eacute;sidence de la <em>Generalitat </em>est d&eacute;sormais exerc&eacute;e, sous le nom de &laquo;&nbsp;gouverneur g&eacute;n&eacute;ral&nbsp;&raquo;, par des fonctionnaires d&eacute;sign&eacute;s par Madrid. La V<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;R&eacute;publique catalane est donc la plus &eacute;ph&eacute;m&egrave;re de toutes, car elle n&rsquo;aura tenu m&ecirc;me pas 24&nbsp;heures.</p> <p class="texte">En f&eacute;vrier&nbsp;1936, de nouvelles &eacute;lections l&eacute;gislatives sont convoqu&eacute;es. Un Front Populaire, analogue &agrave; celui qui s&rsquo;est form&eacute; en France, se constitue avec, au programme, la lib&eacute;ration des prisonniers politiques et la restauration de la <em>Generalitat</em>. Pour la premi&egrave;re fois de l&rsquo;histoire, les anarchistes appellent &agrave; voter et le Front Populaire remporte les &eacute;lections. <em>Companys</em> reprend alors son poste de Pr&eacute;sident, revenant ainsi &agrave; la situation pr&eacute;c&eacute;dant les &eacute;v&egrave;nements d&rsquo;octobre, &agrave; savoir, une Catalogne autonome mais pas ind&eacute;pendante.</p> <p class="texte">Cette fois-ci, ce sont les droites qui n&rsquo;acceptent pas les r&eacute;sultats des urnes et, le 18&nbsp;juillet de la m&ecirc;me ann&eacute;e, Franco et un quarteron de g&eacute;n&eacute;raux sanguinaires<sup><a class="footnotecall" href="#ftn68" id="bodyftn68">68</a></sup> se soul&egrave;vent contre la R&eacute;publique avec l&rsquo;appui des monarchistes, des fascistes, des grands propri&eacute;taires terriens, des banquiers et avec la b&eacute;n&eacute;diction inconditionnelle de l&rsquo;&Eacute;glise. Dans certaines villes ils l&rsquo;emportent. Dans d&rsquo;autres, ils &eacute;chouent. C&rsquo;est le cas &agrave; Barcelone, o&ugrave; les milices populaires, constitu&eacute;es essentiellement d&rsquo;anarchistes, trotskistes et socialistes, avec une d&eacute;monstration exemplaire de courage et de d&eacute;termination et au prix de beaucoup de pertes, &eacute;touffe le soul&egrave;vement dans des combats de rue avec l&rsquo;aide d&eacute;cisive de la <em>Guardia Civil</em>, qui la veille encore les pourchassait et qui reste fid&egrave;le &agrave; la l&eacute;galit&eacute;. La Guerre d&rsquo;Espagne<sup><a class="footnotecall" href="#ftn69" id="bodyftn69">69</a></sup> (18&nbsp;juillet&nbsp;1936, Ier&nbsp;avril&nbsp;1939), pr&eacute;lude et champ de man&oelig;uvres<sup><a class="footnotecall" href="#ftn70" id="bodyftn70">70</a></sup> de l&rsquo;imminente deuxi&egrave;me Guerre Mondiale, vient de commencer.</p> <p class="texte">Au d&eacute;but de cette p&eacute;riode, les anarchistes, qui tout en conservant formellement la <em>Generalitat</em> et son Pr&eacute;sident, d&eacute;tiennent en fait le pouvoir r&eacute;el, mettent en &oelig;uvre, pour la premi&egrave;re et unique fois dans l&rsquo;histoire, leur programme r&eacute;volutionnaire, avec leur mesure phare&nbsp;: la collectivisation des terres et des entreprises. Ce fut le Premier Ministre<sup><a class="footnotecall" href="#ftn71" id="bodyftn71">71</a></sup> de <em>Companys</em>, Josep Tarradellas, qui, &agrave; la t&ecirc;te d&rsquo;un gouvernement d&rsquo;union des gauches, signe, d&egrave;s le 24&nbsp;octobre, le d&eacute;cret dans ce sens. Mais, progressivement, la rivalit&eacute; historique entre anarchistes et trotskistes d&rsquo;une part et communistes de l&rsquo;autre, vire &agrave; une lutte intestine pour le pouvoir et, en mai 1937, une v&eacute;ritable guerre civile &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la guerre civile &eacute;clate<sup><a class="footnotecall" href="#ftn72" id="bodyftn72">72</a></sup>. Les communistes, forts de l&rsquo;appui de Staline<sup><a class="footnotecall" href="#ftn73" id="bodyftn73">73</a></sup>, finissent par avoir le dessus.</p> <p class="texte">Sur le plan militaire, l&rsquo;efficacit&eacute; d&rsquo;une arm&eacute;e de m&eacute;tier, avec la L&eacute;gion &eacute;trang&egrave;re en t&ecirc;te, des milliers de combattants africains des colonies espagnoles dans le Maroc et l&rsquo;aide massive, en hommes et en mat&eacute;riel, des Allemands et des Italiens, l&rsquo;emporte face &agrave; des milices mal arm&eacute;es, sans formation et autog&eacute;r&eacute;es, malgr&eacute; leur ult&eacute;rieure int&eacute;gration dans &laquo;&nbsp;l&rsquo;Arm&eacute;e Populaire&nbsp;&raquo; voulue par les communistes qui en prennent le contr&ocirc;le. Le 26&nbsp;janvier&nbsp;1939, les franquistes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn74" id="bodyftn74">74</a></sup> entrent dans une Barcelone bombard&eacute;e et affam&eacute;e. Le gouvernement de la R&eacute;publique et celui de la <em>Generalitat</em>, ainsi que plusieurs centaines de milliers d&rsquo;ex-combattants et de civiles partent en exile vers la France<sup><a class="footnotecall" href="#ftn75" id="bodyftn75">75</a></sup>. Une f&eacute;roce r&eacute;pression est exerc&eacute;e par les vainqueurs, qui d&eacute;mant&egrave;lent &agrave; nouveaux les institutions catalanes et s&rsquo;acharnent sur son identit&eacute; avec autant de violence que Philipe&nbsp;V l&rsquo;avait fait en 1714. La langue et la sardane sont interdites<sup><a class="footnotecall" href="#ftn76" id="bodyftn76">76</a></sup>, ainsi que tous les partis politiques et les syndicats<sup><a class="footnotecall" href="#ftn77" id="bodyftn77">77</a></sup>, remplac&eacute;s, respectivement, par la <em>Falange</em>, le mouvement fasciste espagnol fond&eacute; par Jos&eacute;-Antonio Primo&nbsp;de&nbsp;Rivera, fils du dictateur de la p&eacute;riode 1923‑1930 d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute;e, et des syndicats &laquo;&nbsp;verticaux&nbsp;&raquo;, corporatistes, d&rsquo;id&eacute;ologie phalangiste.</p> <p class="texte">L&rsquo;ex&eacute;cution du Pr&eacute;sident <em>Llu&iacute;s Companys</em> constitue un &eacute;l&eacute;ment paradigmatique de cette r&eacute;pression. Lors de l&rsquo;exode r&eacute;publicain vers la France, <em>Companys</em> traverse la fronti&egrave;re comme tout le Gouvernement de la <em>G&eacute;n&eacute;ralitat</em> et celui de la R&eacute;publique<sup><a class="footnotecall" href="#ftn78" id="bodyftn78">78</a></sup>. Arriv&eacute;s &agrave; Paris, la plupart de ses membres r&eacute;ussissent &agrave; s&rsquo;embarquer vers l&rsquo;Am&eacute;rique Latine, notamment vers le Mexique<sup><a class="footnotecall" href="#ftn79" id="bodyftn79">79</a></sup> et le Chili<sup><a class="footnotecall" href="#ftn80" id="bodyftn80">80</a></sup>. <em>Companys</em>, qui a un fils handicap&eacute; mental qu&rsquo;il a perdu de vue dans la cohue de l&rsquo;exode, ne veut pas quitter l&rsquo;Europe sans l&rsquo;avoir retrouv&eacute;. Il se trouve donc encore &agrave; Paris lorsque les Allemands occupent la France et, &agrave; la demande de Franco, la Gestapo l&rsquo;arr&ecirc;te et le remet au dictateur qui, apr&egrave;s une parodie de proc&egrave;s en Cour Martiale, le fait fusiller dans les douves de la forteresse militaire qui domine Barcelone depuis la colline de <em>Montjuich</em>, le 15&nbsp;octobre&nbsp;1940<sup><a class="footnotecall" href="#ftn81" id="bodyftn81">81</a></sup>.</p> <p class="texte">Dans les ann&eacute;es 50 et 60, l&rsquo;immigration massive de familles enti&egrave;res en provenance d&rsquo;Andalousie, Murcie, Estr&eacute;madure, Galicie, etc., est fortement encourag&eacute;e par le r&eacute;gime<sup><a class="footnotecall" href="#ftn82" id="bodyftn82">82</a></sup> afin de diluer l&rsquo;identit&eacute; catalane sans jamais r&eacute;ussir, toutefois, &agrave; l&rsquo;&eacute;radiquer compl&egrave;tement. Cette strat&eacute;gie va, au contraire, g&eacute;n&eacute;rer un mouvement de r&eacute;sistance qui va prendre progressivement de l&rsquo;ampleur au fur et &agrave; mesure que le franquisme vieillit. Sur le plan culturel, cette r&eacute;sistance est incarn&eacute;e par une organisation civile&nbsp;: <em>Omnium Cultural</em>.</p> <p class="texte">Comme pour toute dictature issue d&rsquo;un coup d&rsquo;&Eacute;tat contre un r&eacute;gime l&eacute;gitime, la question de la succession finit par se poser. Franco, qui s&rsquo;&eacute;tait soulev&eacute; en faisant croire aux monarchistes que son but &eacute;tait de r&eacute;tablir au tr&ocirc;ne le Roi Alfonse&nbsp;XIII en exile, aux carlistes et leur organisation paramilitaire <em>los requet&eacute;s</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn83" id="bodyftn83">83</a></em></sup>,<em> </em>qu&rsquo;il allait introniser leur pr&eacute;tendant et, aux phalangistes, qu&rsquo;il allait faire r&eacute;alit&eacute; la &laquo;&nbsp;r&eacute;volution&nbsp;&raquo; fasciste de leur programme<sup><a class="footnotecall" href="#ftn84" id="bodyftn84">84</a></sup>, les trompa tous une fois la guerre gagn&eacute;e avec leur soutien commun, en restant au pouvoir pendant presque 40&nbsp;ans. Jouant sur le chantage du &laquo;&nbsp;moi ou le chaos&nbsp;&raquo;, sur la peur d&rsquo;une nouvelle guerre civile de la part des gens qui l&rsquo;avaient connue et sur l&rsquo;efficacit&eacute; de son appareil r&eacute;pressif<sup><a class="footnotecall" href="#ftn85" id="bodyftn85">85</a></sup>, il se maintient malgr&eacute; l&rsquo;animosit&eacute; de ces diff&eacute;rentes sensibilit&eacute;s politiques. Il tente m&ecirc;me de prolonger son r&eacute;gime apr&egrave;s sa mort en instaurant une tr&egrave;s habile loi de succession.</p> <p class="texte">En effet, d&egrave;s 1947 il fait acter que l&rsquo;Espagne reste une monarchie (il contente ainsi partiellement les monarchistes) mais dont le tr&ocirc;ne ne sera occup&eacute; qu&rsquo;&agrave; sa mort. Et l&#39;ann&eacute;e suivante, il se r&eacute;unit avec le Roi (toujours en exile et toujours r&eacute;clamant que le dictateur lui restitue la Couronne) <em>Juan de Borb&oacute;n</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn86" id="bodyftn86">86</a></em></sup>, fils d&rsquo;<em>Alfonso&nbsp;XIII</em> mort en exile en 1941, et lui propose d&rsquo;&eacute;lever en Espagne son fils le Prince <em>Juan-Carlos</em>, alors &acirc;g&eacute; de 10&nbsp;ans, le confiant &agrave; une s&eacute;rie de mentors, civils et militaires, franquistes inconditionnels.</p> <p class="texte">En 1969, se sentant vieillir, il d&eacute;signe le Prince comme son futur successeur, en contrevenant ainsi au rang h&eacute;r&eacute;ditaire puisque son p&egrave;re est toujours en vie et n&rsquo;a pas abdiqu&eacute; en faveur de son fils. Franco justifie cette anomalie protocolaire en insistant sur le fait qu&rsquo;il ne r&eacute;tablit en aucun cas l&rsquo;ancienne monarchie mais qu&rsquo;il en instaure une de nouvelle, dont la l&eacute;gitimit&eacute; r&eacute;side dans les principes du r&eacute;gime n&eacute; du soul&egrave;vement militaire du 18&nbsp;juillet (1936), couramment appel&eacute; &laquo;&nbsp;<em>Movimiento Nacional</em>&nbsp;&raquo;, et que le fait que son choix se porte sur un descendant de l&rsquo;ancien r&eacute;gime n&rsquo;est qu&rsquo;un gage de bonne volont&eacute; pour r&eacute;concilier tous les espagnols. Le 22&nbsp;juillet&nbsp;1969, &agrave; presque 30&nbsp;ans, jour pour jour du soul&egrave;vement franquiste, <em>Juan Carlos</em> jure solennellement &laquo;&nbsp;fid&eacute;lit&eacute; aux principes du Mouvement National&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Ce plan de franquisme apr&egrave;s Franco<sup><a class="footnotecall" href="#ftn87" id="bodyftn87">87</a></sup> repose, en fait, sur une pi&egrave;ce maitresse&nbsp;: son <em>alter ego</em> l&rsquo;Amiral <em>Carrero Blanco</em>, le fid&egrave;le parmi les fid&egrave;les de la premi&egrave;re heure. En effet, la loi de succession conc&egrave;de au monarque uniquement le titre de Roi (donc, de Chef de l&rsquo;&Eacute;tat) sans aucune attribution de pouvoir r&eacute;el. Le pouvoir se concentre enti&egrave;rement sur les &eacute;paules du Chef du Gouvernement, poste d&eacute;volu &agrave; l&rsquo;Amiral. La royaut&eacute; n&rsquo;est donc pr&eacute;vue que comme pure fa&ccedil;ade diplomatique, les anciens du R&eacute;gime restant, de fait, aux commandes pour le faire perdurer<sup><a class="footnotecall" href="#ftn88" id="bodyftn88">88</a></sup>. C&rsquo;est pourquoi le spectaculaire attentat<sup><a class="footnotecall" href="#ftn89" id="bodyftn89">89</a></sup> perp&eacute;tr&eacute; par les s&eacute;paratistes basques de l&rsquo;ETA le 20&nbsp;d&eacute;cembre&nbsp;1973, o&ugrave; le dauphin trouve la mort, change radicalement la donne.</p> <h2 class="texte">La transition d&eacute;mocratique et le r&eacute;gime de 1978</h2> <p class="texte">Franco d&eacute;c&egrave;de le 20&nbsp;novembre&nbsp;1975. S&rsquo;ouvre alors une p&eacute;riode de transition qui culmine avec la Constitution de 1978. L&rsquo;opposition d&eacute;mocratique, qui timidement commence &agrave; sortir de la clandestinit&eacute;, est partisane de refermer la parenth&egrave;se de la dictature pour revenir &agrave; la l&eacute;galit&eacute; pr&eacute;c&eacute;dente, &agrave; savoir&nbsp;: la R&eacute;publique. Le r&eacute;gime, quant &agrave; lui, est divis&eacute; entre les purs et durs<sup><a class="footnotecall" href="#ftn90" id="bodyftn90">90</a></sup>, d&eacute;fenseurs intraitables des &laquo;&nbsp;Principes du Mouvement National&nbsp;&raquo;, et les r&eacute;formistes, convaincus que pour s&rsquo;int&eacute;grer &agrave; l&rsquo;Europe (et donc, pour que la bourgeoisie d&rsquo;affaires puisse se d&eacute;velopper dans le march&eacute; europ&eacute;en) il &eacute;tait indispensable d&rsquo;&eacute;voluer vers un syst&egrave;me d&eacute;mocratique dont ils conserveraient la ma&icirc;trise. Ces derniers l&rsquo;emportent et Juan Carlos, devenu Roi, se d&eacute;tourne de son serment et impose, avec la complicit&eacute; de son vieil ami <em>Adolfo Su&aacute;rez</em>, ex-haut grad&eacute; de la Phalange devenu Premier Ministre, une transition d&eacute;mocratique (sous son &eacute;gide) &agrave; la vieille garde et l&rsquo;abandon de la revendication r&eacute;publicaine &agrave; l&rsquo;opposition. Le march&eacute; fut&nbsp;donc&nbsp;: la d&eacute;mocratie en &eacute;change de la monarchie<sup><a class="footnotecall" href="#ftn91" id="bodyftn91">91</a></sup>. Et, contrairement &agrave; ce qui arriva en Allemagne &agrave; la fin de la Guerre, il n&rsquo;y e&ucirc;t aucun nettoyage id&eacute;ologique dans l&rsquo;administration, la plupart de dignitaires et de hauts fonctionnaires franquistes restant, de fa&ccedil;on tout &agrave; fait opportuniste, en place. Une amnistie g&eacute;n&eacute;rale met sur le m&ecirc;me plan les bourreaux et les victimes et emp&ecirc;che toute ult&eacute;rieure recherche de responsabilit&eacute;s pour les innombrables crimes du franquisme, aujourd&rsquo;hui encore impunis et dont les victimes n&rsquo;ont toujours pas &eacute;t&eacute; r&eacute;habilit&eacute;es.</p> <p class="texte">Suite aux &eacute;lections g&eacute;n&eacute;rales du 15&nbsp;juin&nbsp;1977, la <em>G&eacute;n&eacute;ralitat</em> est r&eacute;tablie et pr&eacute;sid&eacute;e par <em>Josep Tarradellas</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn92" id="bodyftn92">92</a></em></sup>, ancien membre du gouvernement de <em>Llu&iacute;s Companys</em>, qui avait assur&eacute; la continuit&eacute; de l&rsquo;institution depuis son exil dans le sud de la France et qui revient triomphalement &agrave; Barcelone le 23&nbsp;octobre. La restauration de la <em>Generalitat</em> est donc ant&eacute;rieure &agrave; la promulgation de la nouvelle Constitution et n&rsquo;en d&eacute;coule pas, &laquo;&nbsp;d&eacute;tail&nbsp;&raquo; &agrave; retenir pour comprendre la situation actuelle.</p> <p class="texte">La r&eacute;daction de la Constitution devient une suite de compromis entre toutes les forces en pr&eacute;sence, mais se fait sous la tutelle de l&rsquo;arm&eacute;e. Certains &laquo;&nbsp;P&egrave;res de la Constitution&nbsp;&raquo; raconteront par la suite que le fameux article 2, sacralisant l&rsquo;unit&eacute; de l&rsquo;Espagne<sup><a class="footnotecall" href="#ftn93" id="bodyftn93">93</a></sup>, fut directement apport&eacute;, enti&egrave;rement r&eacute;dig&eacute;, par les militaires qui conditionnaient leur acceptation de la transition d&eacute;mocratique &agrave; son adoption&nbsp;&agrave; la virgule pr&egrave;s. Mais elle reconna&icirc;t &eacute;galement l&rsquo;autonomie des trois nations historiques (Catalogne, Pays Basque et Galice) tout en les noyant dans une organisation territoriale de 17 &laquo;&nbsp;Communaut&eacute;s Autonomes&nbsp;&raquo;, politique connue sous le sobriquet de &laquo;&nbsp;<em>caf&eacute; para todos</em>&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn94" id="bodyftn94">94</a></sup>.</p> <p class="texte">Malgr&eacute; cela, un parti ne vote pas la Constitution. En effet, <em>Alianza Popular</em>, fond&eacute; et dirig&eacute; par <em>Manuel Fraga-Iribarne</em>, un ex-ministre de Franco, parti devenu ensuite le Partido Popular (PP) dont le leader actuel est le Premier Ministre <em>Mariano Rajoj</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn95" id="bodyftn95">95</a></sup>, estimant que la Constitution est trop laxiste face &agrave; la question des nationalismes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn96" id="bodyftn96">96</a></sup>, ne la vote pas et n&rsquo;aura de cesse, comme nous allons le voir, que de r&eacute;duire les comp&eacute;tences des gouvernements autonomes.</p> <p class="texte">Conform&eacute;ment donc &agrave; cette Constitution, promulgu&eacute;e le 6&nbsp;d&eacute;cembre&nbsp;1978, les Catalans r&eacute;digent leur Statut d&rsquo;Autonomie, qui entre en vigueur fin 1979. Ce statut conf&egrave;re au Parlement et au Gouvernement catalans plus de comp&eacute;tences, en fait, que n&rsquo;en poss&egrave;dent, par exemple, les <em>Lands</em> en Allemagne (qui est pourtant un &Eacute;tat f&eacute;d&eacute;ral), puisqu&rsquo;ils g&egrave;rent pleinement la Sant&eacute; Publique, l&rsquo;&Eacute;ducation, la Police autonome, etc. dans les limites du financement que lui accorde l&rsquo;&Eacute;tat. Et c&rsquo;est l&agrave; l&rsquo;une des principales pierres d&rsquo;achoppement. En effet, contrairement aux Basques, qui g&egrave;rent enti&egrave;rement l&rsquo;ensemble des imp&ocirc;ts et versent &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat leur contribution de solidarit&eacute;, les Catalans sont d&eacute;pendants de la somme que l&rsquo;&Eacute;tat veut bien leur r&eacute;troc&eacute;der, allant m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; devoir payer des int&eacute;r&ecirc;ts pour les sommes qu&rsquo;on lui &laquo;&nbsp;avance&nbsp;&raquo; sur ce qu&rsquo;on lui a pris. Il a &eacute;t&eacute; reconnu par des dirigeants m&ecirc;me du PP que si Catalogne b&eacute;n&eacute;ficiait du m&ecirc;me r&eacute;gime fiscal que le Pays Basque, le manque &agrave; gagner pour l&rsquo;&Eacute;tat serait de 16&nbsp;milliards d&rsquo;euros annuels.</p> <p class="texte">Malgr&eacute; ces limitations, le soulagement et le progr&egrave;s que repr&eacute;sente la sortie de la dictature rendent la situation globalement, sinon satisfaisante, du moins acceptable pour la majorit&eacute; des Catalans. La langue catalane a un statut de co-officialit&eacute; avec la castillane&nbsp;; l&rsquo;&eacute;cole se fait en catalan<sup><a class="footnotecall" href="#ftn97" id="bodyftn97">97</a></sup>&nbsp;; des journaux, des radios et des t&eacute;l&eacute;visions en catalan se d&eacute;veloppent, contribuant ainsi &agrave; une r&eacute;cup&eacute;ration et normalisation linguistique et &agrave; une r&eacute;elle int&eacute;gration des populations immigr&eacute;es, socle de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des chances entre les autochtones &laquo;&nbsp;de souche&nbsp;&raquo; et les &laquo;&nbsp;nouveaux catalans&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Tout cet ensemble contribue &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;un fort renouveau du sentiment national et du souhait d&rsquo;une autonomie accrue, sans pour autant, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, se traduire par une demande d&rsquo;ind&eacute;pendance. Et c&rsquo;est ainsi qu&rsquo;en 2005, alors que l&rsquo;Espagne est dirig&eacute;e par le gouvernement socialiste de <em>Zapatero</em>, les Catalans n&eacute;gocient avec Madrid la r&eacute;daction d&rsquo;un nouvel Statut d&rsquo;Autonomie, avec davantage de comp&eacute;tences. L&rsquo;ex&eacute;cutif espagnol s&rsquo;engage &agrave; faire voter par <em>Las Cortes</em>, (le Parlement espagnol), le Statut tel qu&rsquo;il aura &eacute;t&eacute; vot&eacute; par les Catalans. Le Parlement catalan le vote le 30&nbsp;septembre&nbsp;2005, le Parlement espagnol l&rsquo;adopte, apr&egrave;s un premier coup de rabot, le 30&nbsp;mars&nbsp;2006. Le Senat espagnol le ratifie, apr&egrave;s une deuxi&egrave;me s&eacute;rie de coupes, le 10&nbsp;mai et le Catalans l&rsquo;approuvent par r&eacute;f&eacute;rendum le 18&nbsp;juin de la m&ecirc;me ann&eacute;e malgr&eacute; la promesse non tenue de Madrid de le voter &laquo;&nbsp;tel que&nbsp;&raquo; avec un taux de participation de seulement 48,85&nbsp;%.</p> <p class="texte">Cet ensemble de navettes, pr&eacute;vues par le &laquo;&nbsp;pacte d&eacute;mocratique&nbsp;&raquo; de la transition, a pour but de s&rsquo;assurer que rien ne puisse &ecirc;tre fait sans l&rsquo;aval de Madrid mais que rien ne puisse non plus &ecirc;tre impos&eacute; sans le consentement des Catalans, le Statut d&rsquo;Autonomie ayant rang, conform&eacute;ment au titre VIII de la Constitution espagnole, de Loi Organique de l&rsquo;&Eacute;tat, c&rsquo;est-&agrave;-dire, faisant partie du corps constitutionnel lui-m&ecirc;me.</p> <h1 class="texte">Les origines r&eacute;centes de la situation actuelle</h1> <h2 class="texte">La rupture unilat&eacute;rale du compromis</h2> <p class="texte">Le &laquo;&nbsp;pacte d&eacute;mocratique&nbsp;&raquo;, le compromis &eacute;voqu&eacute; il y a un instant, vole en &eacute;clats en 2010 et ne fait qu&rsquo;augmenter consid&eacute;rablement la d&eacute;saffection croissante des Catalans envers une Espagne qui la traite de plus en plus comme une colonie. Voyons la chronologie des &eacute;v&eacute;nements.</p> <p class="texte">D&egrave;s le 31&nbsp;janvier&nbsp;2006, le PP, alors dans l&rsquo;opposition, avec <em>Rajoy</em> en personne en t&ecirc;te, se lance dans une vaste campagne de recueil de signatures<sup><a class="footnotecall" href="#ftn98" id="bodyftn98">98</a></sup> pour pr&eacute;senter devant le Tribunal Constitutionnel (TC) un recours d&rsquo;anticonstitutionalit&eacute; &agrave; l&rsquo;encontre du nouvel Statut. En 2010, le PP, qui dispose alors de la majorit&eacute; absolue au Parlement et au S&eacute;nat, nomme au TC des magistrats proches de sa famille politique (certains poss&egrave;dent m&ecirc;me la carte du Parti) et obtient enfin (28&nbsp;juin&nbsp;2010) que celui-ci vide de toute sa substance le Statut vot&eacute; par les &eacute;lus aussi bien catalans qu&rsquo;espagnols et approuv&eacute; par r&eacute;f&eacute;rendum par le peuple de Catalogne, le ramenant m&ecirc;me, sur certains points, &agrave; un niveau moindre de comp&eacute;tences qu&rsquo;auparavant et r&eacute;futant m&ecirc;me le caract&egrave;re de Nation, pourtant inscrit, en toutes lettres, dans la Constitution espagnole<sup><a class="footnotecall" href="#ftn99" id="bodyftn99">99</a></sup>.</p> <p class="texte">Le recours, qui par la suite s&rsquo;av&egrave;rera syst&eacute;matique, &agrave; la &laquo;&nbsp;judiciairisation&nbsp;&raquo; d&rsquo;un probl&egrave;me qui de toute &eacute;vidence demandait une solution politique, marque le d&eacute;but d&rsquo;une mont&eacute;e inexorable et ininterrompue de l&rsquo;aspiration ind&eacute;pendantiste, jusqu&rsquo;alors minoritaire<sup><a class="footnotecall" href="#ftn100" id="bodyftn100">100</a></sup>, canalis&eacute;e essentiellement, outre par les partis politiques, par la soci&eacute;t&eacute; civile, transversale et trans-g&eacute;n&eacute;rationnelle, regroup&eacute;e autour de la d&eacute;j&agrave; cit&eacute;e et bien rod&eacute;e association <em>Omnium Cultural</em>, et d&rsquo;une nouvelle mais encore plus puissante association, l&rsquo;<em>Assamblea Nacional Catalana</em> (ANC). Ce sont elles, &eacute;paul&eacute;es par plus de 1 600 entit&eacute;s de la soci&eacute;t&eacute; civile, qui organisent le 10&nbsp;juillet suivant une gigantesque manifestation &agrave; Barcelone sous le slogan <em>Som una naci&oacute;</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn101" id="bodyftn101">101</a></em></sup><em> </em>et qui r&eacute;unit environ 1&nbsp;million et demi de personnes (pour une population totale d&rsquo;environ 7,5&nbsp;millions, ce qui repr&eacute;sente tr&egrave;s exactement 20&nbsp;%<sup><a class="footnotecall" href="#ftn102" id="bodyftn102">102</a></sup>). Depuis, tous les 11&nbsp;septembre (F&ecirc;te nationale catalane), une manifestation de cette ampleur, compl&egrave;tement pacifique, festive et familiale, tr&egrave;s bon enfant mais tr&egrave;s d&eacute;termin&eacute;e, a lieu &agrave; Barcelone, montrant ainsi &agrave; l&rsquo;Espagne et au monde entier le profond attachement bien enracin&eacute; des Catalans au droit de d&eacute;cider de leur destin.</p> <p class="texte">Pendant ces derni&egrave;res sept ann&eacute;es, pas moins d&rsquo;une bonne douzaine de demandes de r&eacute;f&eacute;rendum d&rsquo;autod&eacute;termination ont &eacute;t&eacute;, formellement et officiellement adress&eacute;es au pouvoir central<em> </em>qui, au mieux, a oppos&eacute; une fin de non-recevoir (retranch&eacute; derri&egrave;re cette m&ecirc;me Constitution<sup><a class="footnotecall" href="#ftn103" id="bodyftn103">103</a></sup> qu&rsquo;en son temps son parti refusa d&rsquo;approuver) et, au pire, les a tout bonnement ignor&eacute;es. Pourtant, pendant cette p&eacute;riode, l&rsquo;&Eacute;cosse, tout comme le Qu&eacute;bec avant elle, ont pu se prononcer sur leur ind&eacute;pendance alors que les Constitutions respectives du Royaume Uni et du Canada ne le pr&eacute;voyaient pas non plus<sup><a class="footnotecall" href="#ftn104" id="bodyftn104">104</a></sup>. Et si <em>Rajoy</em> n&rsquo;avait pas fait de son intransigeance un point d&rsquo;honneur<sup><a class="footnotecall" href="#ftn105" id="bodyftn105">105</a></sup>, il aurait lui aussi sans aucun doute remport&eacute; la consultation, profitant du fait que l&rsquo;ind&eacute;pendantisme n&rsquo;&eacute;tait pas encore majoritaire. Et, dans cette hypoth&egrave;se, personne n&rsquo;aurait pu y trouver &agrave; redire.</p> <p class="texte">Mais le sens du dialogue, de la n&eacute;gociation et du compromis, si chers &agrave; la commer&ccedil;ante Catalogne, ne font malheureusement pas partie de la tradition castillane, plut&ocirc;t inflexible et &laquo;&nbsp;jusqu&rsquo;au-boutiste&nbsp;&raquo;. Et au lieu de c&eacute;der sur certaines revendications plus ou moins symboliques, qui auraient content&eacute; une partie de l&rsquo;&eacute;lectorat catalan, <em>Rajoy,</em> en s&rsquo;obstinant dans son refus de n&eacute;gocier<sup><a class="footnotecall" href="#ftn106" id="bodyftn106">106</a></sup>, n&rsquo;a fait que le braquer et augmenter de ce fait le nombre des ind&eacute;pendantistes,<em> </em>comme nous allons le montrer dans les paragraphes qui suivent.</p> <p class="texte">Au niveau du financement, l&rsquo;&Eacute;tat a r&eacute;guli&egrave;rement sous-dot&eacute; la Catalogne, allant souvent jusqu&rsquo;&agrave; ne pas verser la totalit&eacute; de ce qu&rsquo;elle avait promis et vot&eacute;, le d&eacute;ficit de la <em>Generalitat </em>ne cessant alors de se creuser<sup><a class="footnotecall" href="#ftn107" id="bodyftn107">107</a></sup> et obligeant le gouvernement catalan &agrave; emprunter, avec int&eacute;r&ecirc;ts&nbsp;!) aupr&egrave;s du m&ecirc;me &Eacute;tat qui l&rsquo;asphyxiait. Du coup, les TER, faute de personnel et de maintenance des installations, g&eacute;n&egrave;rent des retards quotidiens monstres&nbsp;; les queues &agrave; l&rsquo;a&eacute;roport s&rsquo;allongent interminablement&nbsp;; les autoroutes deviennent toutes payantes (tandis qu&rsquo;elles sont compl&egrave;tement gratuites dans beaucoup d&rsquo;endroits de la P&eacute;ninsule)&nbsp;; les d&eacute;lais d&rsquo;attente pour la prise en charge dans les h&ocirc;pitaux publiques deviennent critiques<sup><a class="footnotecall" href="#ftn108" id="bodyftn108">108</a></sup> et mettent en danger la sant&eacute; et parfois la vie des usagers<sup><a class="footnotecall" href="#ftn109" id="bodyftn109">109</a></sup>, etc&hellip; Le <em>summum</em> &eacute;tant atteint avec l&rsquo;affaire du fameux &laquo;&nbsp;Corridor de la M&eacute;diterran&eacute;e&nbsp;&raquo;, cet axe routier qui devrait relier l&rsquo;Europe et le Maghreb pour le transport de marchandises et que Madrid s&rsquo;ent&ecirc;te &agrave; boycotter tant qu&rsquo;il ne pr&eacute;voit pas un d&eacute;tour par la capitale espagnole qui, comme chacun sait, se trouve au centre du pays et non sur les rives de la M&eacute;diterran&eacute;e.</p> <p class="texte">Ainsi, la Catalogne, qui repr&eacute;sente &agrave;-peu-pr&egrave;s 16&nbsp;% de la population espagnole, contribue pour approximativement 19&nbsp;% au PIB de l&rsquo;&Eacute;tat et ne re&ccedil;oit de celui-ci qu&rsquo;un peu plus de 8&nbsp;%. Le diff&eacute;rentiel, le d&eacute;ficit, est donc d&rsquo;environ 10&nbsp;% par an. Le r&eacute;sultat est donc incroyable&nbsp;: alors que la Catalogne figure parmi les Communaut&eacute;s Autonomes les plus riches du pays en consid&eacute;rant sa production &laquo;&nbsp;brute&nbsp;&raquo;, une fois amput&eacute;e de ces ressources, en &laquo;&nbsp;net&nbsp;&raquo;, elle se trouve parmi les derni&egrave;res positions. Le syst&egrave;me dit de solidarit&eacute; entre Autonomies est tellement injuste qu&rsquo;il aboutit &agrave; une inversion de l&rsquo;ordinalit&eacute;&nbsp;: il ne s&rsquo;agit pas seulement de r&eacute;duire les &eacute;carts, les Communaut&eacute;s les plus riches contribuant au d&eacute;veloppement des plus pauvres, principe l&eacute;gitime s&rsquo;il en est auquel souscrivent sans r&eacute;serve les Catalans, il s&rsquo;agit de faire que les plus riches deviennent les plus pauvres et vice-versa. Du jamais vu nulle part. Les Catalans ressentent cela comme une v&eacute;ritable spoliation, politique classique d&rsquo;une m&eacute;tropole envers ses colonies. Loin donc du reproche r&eacute;current d&rsquo;une Catalogne riche<sup><a class="footnotecall" href="#ftn110" id="bodyftn110">110</a></sup> et &eacute;go&iuml;ste qui ne veut plus payer pour les pauvres, nous sommes face &agrave; une toute autre r&eacute;alit&eacute;, tr&egrave;s diff&eacute;rente, d&rsquo;exasp&eacute;ration devant son impossibilit&eacute; d&rsquo;apporter &agrave; ses concitoyens le niveau de vie digne auquel ils ont droit. Cette spoliation sert ainsi, par exemple, &agrave; ouvrir ailleurs des lignes de TGV sans passagers, des gares fant&ocirc;mes et des a&eacute;roports d&eacute;serts juste pour la gloire (et la r&eacute;&eacute;lection) d&rsquo;un cacique local quelque part dans la P&eacute;ninsule<sup><a class="footnotecall" href="#ftn111" id="bodyftn111">111</a></sup>.</p> <p class="texte">Mais les raisons financi&egrave;res sont loin d&rsquo;&ecirc;tre le seul moteur de l&rsquo;ind&eacute;pendantisme. L&rsquo;impossibilit&eacute; progressive de la <em>Generalitat</em> &agrave; l&eacute;gif&eacute;rer dans les domaines pour lesquels elle b&eacute;n&eacute;ficie de comp&eacute;tences propres est devenue criante&nbsp;; et ce, au d&eacute;triment de la population toute enti&egrave;re, qu&rsquo;elle soit pro ou anti ind&eacute;pendance. En effet, suivant la strat&eacute;gie de judiairisation de la politique (et de la politisation de la Justice qu&rsquo;elle suppose) dans un &Eacute;tat o&ugrave; la Justice est tout sauf ind&eacute;pendante de l&rsquo;Ex&eacute;cutif, le PP, via son bras arm&eacute;, le TC, s&rsquo;est employ&eacute; &agrave; invalider syst&eacute;matiquement les lois vot&eacute;es par le Parlement catalan, y compris celles qui n&rsquo;avaient rien de &laquo;&nbsp;s&eacute;cessionnistes&nbsp;&raquo; mais qui visaient simplement &agrave; r&eacute;guler le bien-&ecirc;tre social de ses administr&eacute;s.</p> <p class="texte">Ainsi, pas moins de 34<sup><a class="footnotecall" href="#ftn112" id="bodyftn112">112</a></sup> recours d&rsquo;anti-constitutionalit&eacute; ont &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute;s depuis 2012&nbsp;contre des lois catalanes sous le pr&eacute;texte fallacieux qu&rsquo;elles rompaient l&rsquo;&eacute;galit&eacute; entre tous les espagnols<sup><a class="footnotecall" href="#ftn113" id="bodyftn113">113</a></sup>. En voici quelques-unes, toutes &agrave; net caract&egrave;re social ou environnemental&nbsp;: loi sur l&rsquo;imposition des transactions bancaires<sup><a class="footnotecall" href="#ftn114" id="bodyftn114">114</a></sup>&nbsp;; loi contre la pauvret&eacute; &eacute;nerg&eacute;tique garantissant les fluides &agrave; ceux qui ne peuvent pas payer les factures<sup><a class="footnotecall" href="#ftn115" id="bodyftn115">115</a></sup>&nbsp;; loi d&rsquo;imposition de l&rsquo;&eacute;nergie nucl&eacute;aire&nbsp;; loi sur la taxation des op&eacute;rateurs d&rsquo;Internet&nbsp;; loi de taxation des logements non occup&eacute;s, loi de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; hommes-femmes&nbsp;; loi d&rsquo;interdiction du <em>fracking</em> dans la recherche du gaz de schiste&nbsp;; loi d&rsquo;interdiction des grandes surfaces en dehors des agglom&eacute;rations&nbsp;; loi d&rsquo;urgence d&rsquo;h&eacute;bergement interdisant les expulsions&nbsp;; loi de mesures contre le changement climatique&nbsp;; loi interdisant les corridas sur le territoire catalan&nbsp;; loi r&eacute;gulant les horaires d&rsquo;ouverture des commerces&hellip; faut-il continuer&nbsp;?</p> <p class="texte">Cette impossibilit&eacute; de fait &agrave; s&rsquo;autogouverner et &agrave; construire un pays meilleur, conform&eacute;ment &agrave; la volont&eacute; des citoyens via ses repr&eacute;sentants &eacute;lus, est l&rsquo;autre facteur essentiel de la mont&eacute;e de l&rsquo;ind&eacute;pendantisme. Beaucoup de Catalans, qui n&rsquo;appartenaient pas &agrave; la mouvance ind&eacute;pendantiste, l&rsquo;ont rejointe non pas pour des raisons historiques ou id&eacute;ologiques mais simplement sociales, convaincus d&eacute;sormais que le seul moyen de construire l&rsquo;avenir qu&rsquo;ils souhaitent pour eux et leurs enfants est de b&acirc;tir une R&eacute;publique ind&eacute;pendante. Et c&rsquo;est un projet tr&egrave;s motivant que celui de tout recommencer &agrave; z&eacute;ro, sans contraintes ext&eacute;rieures. Pour cette partie de la population, l&rsquo;ind&eacute;pendance n&rsquo;est pas essentiellement un but mais un moyen, le seul &agrave; l&rsquo;heure actuelle &agrave; leurs yeux, pour atteindre ces buts. Pour y parvenir, deux possibilit&eacute;s (qui ne s&rsquo;excluent pas l&rsquo;une l&rsquo;autre, d&rsquo;ailleurs)&nbsp;: un vote du Parlement catalan ou un r&eacute;f&eacute;rendum.</p> <h2 class="texte">Le r&eacute;f&eacute;rendum du 9&nbsp;novembre&nbsp;2014</h2> <p class="texte">L&rsquo;id&eacute;e du r&eacute;f&eacute;rendum na&icirc;t avec une consultation organis&eacute;e par la municipalit&eacute; de la petite localit&eacute; d&rsquo;<em>Arenys de Munt</em> (une commune de moins de 10.000&nbsp;habitants) le 13&nbsp;septembre&nbsp;2009&nbsp;sur la question de l&rsquo;ind&eacute;pendance. Cette initiative spontan&eacute;e fait vite t&acirc;che d&rsquo;huile et bient&ocirc;t un grand nombre de villes proc&eacute;d&egrave;rent de m&ecirc;me. En d&eacute;cembre&nbsp;2011&nbsp;se constitue l&rsquo;Association des Municipalit&eacute;s pour l&rsquo;Ind&eacute;pendance (AMI) qui regroupe les communes dont le Conseil Municipal a vot&eacute; une motion favorable &agrave; l&rsquo;exercice du droit d&rsquo;autod&eacute;termination&nbsp;; &agrave; l&rsquo;heure actuelle elle regroupe 83&nbsp;% de municipalit&eacute;s catalanes.</p> <p class="texte">Apr&egrave;s l&rsquo;historique d&eacute;monstration de force des ind&eacute;pendantistes du 11&nbsp;septembre&nbsp;2012, qui fr&ocirc;la les 2&nbsp;millions de manifestants, et aussi comme cons&eacute;quence du refus de <em>Rajoy</em> d&rsquo;ouvrir des n&eacute;gociations sur la proposition du nouveau pacte fiscal<sup><a class="footnotecall" href="#ftn116" id="bodyftn116">116</a></sup> vot&eacute;e par le Parlement catalan, le Pr&eacute;sident de la <em>Generalitat</em> &agrave; ce moment-l&agrave;, <em>Artur Mas</em>, jusqu&rsquo;alors simplement autonomiste, se convertit &agrave; l&rsquo;ind&eacute;pendantisme et convoque des &eacute;lections anticip&eacute;es en novembre, avec la question du droit &agrave; d&eacute;cider et de l&rsquo;autod&eacute;termination au centre de la campagne, &eacute;lections qu&rsquo;il remporte.</p> <p class="texte">Conform&eacute;ment &agrave; ses engagements, il d&eacute;cide d&rsquo;organiser un R&eacute;f&eacute;rendum le 9&nbsp;novembre&nbsp;2014. L&rsquo;Espagne s&rsquo;y oppose et frappe d&rsquo;anticonstitutionnalit&eacute; cette initiative. <em>Artur Mas</em> la transforme alors en simple &laquo;&nbsp;consultation populaire&nbsp;&raquo; &agrave; valeur indicative mais non-contraignante. L&rsquo;Espagne la d&eacute;clare tout aussi ill&eacute;gale mais, malgr&eacute; cette interdiction et les risques encourus, plus de 2,3&nbsp;millions de citoyens bravent le danger<sup><a class="footnotecall" href="#ftn117" id="bodyftn117">117</a></sup> et se rendent aux urnes, 80,91&nbsp;% d&rsquo;entre eux se pronon&ccedil;ant en faveur de l&rsquo;ind&eacute;pendance. L&rsquo;&Eacute;tat espagnol, fou de rage, met par la suite en examen le Pr&eacute;sident <em>Artur Mas</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn118" id="bodyftn118">118</a></sup>et le condamne, ainsi que trois autres membres de l&rsquo;ex&eacute;cutif catalan, &agrave; des amendes et des peines d&rsquo;in&eacute;ligibilit&eacute;.</p> <h2 class="texte">Les &eacute;lections &laquo;&nbsp;r&eacute;f&eacute;rendaires&nbsp;&raquo; du 27&nbsp;septembre&nbsp;2015</h2> <p class="texte">N&rsquo;ayant pu r&eacute;aliser un r&eacute;f&eacute;rendum dans des conditions normales<sup><a class="footnotecall" href="#ftn119" id="bodyftn119">119</a></sup>, <em>Mas</em> d&eacute;cide alors de convoquer de nouvelles &eacute;lections anticip&eacute;es avec un caract&egrave;re r&eacute;f&eacute;rendaire<sup><a class="footnotecall" href="#ftn120" id="bodyftn120">120</a></sup>. Ce subterfuge a pour but de permettre aux &eacute;lecteurs de s&rsquo;exprimer dans une &eacute;lection tout &agrave; fait l&eacute;gale et juridiquement inattaquable et de savoir, sans contestation possible, si les ind&eacute;pendantistes sont ou non majoritaires dans le pays.</p> <p class="texte">Elles ont lieu le 27&nbsp;septembre&nbsp;2015. Deux des trois partis ind&eacute;pendantistes (l&rsquo;historique ERC, de centre gauche, et le parti du Pr&eacute;sident<sup><a class="footnotecall" href="#ftn121" id="bodyftn121">121</a></sup>, de centre-droit), ainsi qu&rsquo;un bon nombre de personnalit&eacute;s de la soci&eacute;t&eacute; civile tr&egrave;s estim&eacute;s par la population<sup><a class="footnotecall" href="#ftn122" id="bodyftn122">122</a></sup> s&rsquo;y pr&eacute;sentent ensemble sous une coalition dont le nom est explicite&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ensemble pour le Oui<sup><a class="footnotecall" href="#ftn123" id="bodyftn123">123</a></sup>&nbsp;&raquo;&nbsp;; la troisi&egrave;me force favorable &agrave; la R&eacute;publique ind&eacute;pendante, la CUP<sup><a class="footnotecall" href="#ftn124" id="bodyftn124">124</a></sup>, d&rsquo;extr&ecirc;me gauche altermondialiste et anticapitaliste, se pr&eacute;sente sous ses propres couleurs. Mais, tandis qu&rsquo;un r&eacute;f&eacute;rendum v&eacute;ritable est forc&eacute;ment binaire et d&eacute;gage donc math&eacute;matiquement (une fois les bulletins blancs ou nuls ignor&eacute;s) une majorit&eacute; et une minorit&eacute;, une &eacute;lection &agrave; un Parlement consiste en un vote pour des d&eacute;put&eacute;s appartenant &agrave; des partis. Et s&rsquo;il est vrai qu&rsquo;il &eacute;tait ais&eacute; de d&eacute;limiter parfaitement un camp du &laquo;&nbsp;oui&nbsp;&raquo; (les trois partis explicitement ind&eacute;pendantistes) et un camp du &laquo;&nbsp;non&nbsp;&raquo; (les trois partis explicitement unionistes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn125" id="bodyftn125">125</a></sup>), il fallait compter avec une troisi&egrave;me formation, nouvelle, les &laquo;&nbsp;Communs&nbsp;&raquo;, issue du Mouvement des Indign&eacute;s et sa traduction politique sous la forme du parti &laquo;&nbsp;<em>Podemos</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn126" id="bodyftn126">126</a></em></sup>&nbsp;&raquo;, avec un discours socialement progressiste mais ambivalent quant &agrave; l&rsquo;ind&eacute;pendance. En effet, partisans r&eacute;solus du droit &agrave; d&eacute;cider (contrairement aux partis unionistes, qui la rejettent car non conforme &agrave; la Constitution), ils sont divis&eacute;s quant &agrave; la question de l&rsquo;ind&eacute;pendance, avec une majorit&eacute; contre et une minorit&eacute; pour. En d&rsquo;autres termes, ils r&eacute;clament eux aussi un r&eacute;f&eacute;rendum d&rsquo;autod&eacute;termination, n&eacute;goci&eacute; avec Madrid (&agrave; l&rsquo;&eacute;cossaise ou &agrave; la qu&eacute;b&eacute;coise), mais plut&ocirc;t pour y appeler &agrave; voter non, au profit d&rsquo;une hypoth&eacute;tique modification de la Constitution instaurant une Espagne f&eacute;d&eacute;rale, faisant semblant d&rsquo;oublier qu&rsquo;un pacte ne peut s&rsquo;&eacute;tablir si l&rsquo;une des deux parties (L&rsquo;Espagne, en l&rsquo;occurrence) refuse obstin&eacute;ment de n&eacute;gocier.</p> <p class="texte">La pr&eacute;sence de cette troisi&egrave;me force, de type f&eacute;d&eacute;raliste, incarnant un &eacute;vasif &laquo;&nbsp;ni-ni&nbsp;&raquo; &agrave; un moment o&ugrave; l&rsquo;esquive n&rsquo;aurait pas d&ucirc; &ecirc;tre de mise<sup><a class="footnotecall" href="#ftn127" id="bodyftn127">127</a></sup>, rendra, on va le voir, l&rsquo;interpr&eacute;tation des r&eacute;sultats sujette &agrave; pol&eacute;mique. En effet, au soir des &eacute;lections, le camp du &laquo;&nbsp;Oui&nbsp;&raquo; obtient la majorit&eacute; absolue &agrave; la Chambre (72&nbsp;d&eacute;put&eacute;s sur 135), le camp du &laquo;&nbsp;non&nbsp;&raquo; en cumula 52 (dont seulement 11&nbsp;pour le PP) et les &laquo;&nbsp;ni-ni&nbsp;&raquo; les 11&nbsp;restants. La victoire des ind&eacute;pendantistes est donc claire et incontestable en termes de si&egrave;ges, d&rsquo;autant plus que le taux de participation fut extr&ecirc;mement &eacute;lev&eacute;, l&rsquo;un des plus forts pour des &eacute;lections &laquo;&nbsp;r&eacute;gionales&nbsp;&raquo;&nbsp;: 77,4&nbsp;%, l&eacute;gitimant ainsi les r&eacute;sultats. Mais, en termes de voix, ils ne franchissent pas la barre symbolique des 50&nbsp;%, restant &agrave; 47,74&nbsp;%<sup><a class="footnotecall" href="#ftn128" id="bodyftn128">128</a></sup>&nbsp;; ce qui permet aux unionistes et au gouvernement de Madrid<sup><a class="footnotecall" href="#ftn129" id="bodyftn129">129</a></sup> de proclamer que les ind&eacute;pendantistes ont perdu le pl&eacute;biscite, ajoutant sans vergogne les voix des unionistes (39,17&nbsp;%, dont seulement 8,49&nbsp;% pour le PP) aux voix des f&eacute;d&eacute;ralistes (8,94&nbsp;%) dont on sait qu&rsquo;une partie tout au moins, en cas de r&eacute;f&eacute;rendum binaire, voterait &laquo;&nbsp;oui&nbsp;&raquo;, d&eacute;passant alors le seuil de 50&nbsp;%.</p> <p class="texte">Il est pourtant &eacute;vident que, en termes de voix s&rsquo;&eacute;tant r&eacute;ellement prononc&eacute;es par rapport &agrave; la question indirectement pos&eacute;e par le biais d&rsquo;une &eacute;lection (puisque la poser directement &agrave; travers d&rsquo;un r&eacute;f&eacute;rendum se r&eacute;v&eacute;lait impossible), &agrave; savoir&nbsp;: oui ou non &agrave; l&rsquo;ind&eacute;pendance, la comparaison pertinente est 47,74&nbsp;% versus 39,17. Et l&agrave; encore, la victoire ind&eacute;pendantiste est tr&egrave;s nette (plus de 8&nbsp;points d&rsquo;&eacute;cart).</p> <p class="texte">Mais le mal &eacute;tait fait et la pression m&eacute;diatique, reprise souvent &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, ne cessa de marteler que les ind&eacute;pendantistes &eacute;taient en fait minoritaires et ne pouvaient pas appliquer leur programme, m&ecirc;me en disposant d&rsquo;une majorit&eacute; absolue au Parlement, parce que leur &eacute;chec &agrave; atteindre le 50&nbsp;% des voix les rendait ill&eacute;gitimes.<sup><a class="footnotecall" href="#ftn130" id="bodyftn130">130</a></sup></p> <p class="texte">C&rsquo;est dans ce contexte de mise en question permanente de sa l&eacute;gitimit&eacute; que le nouveau gouvernement, pr&eacute;sid&eacute; par <em>Carles Puigdemont</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn131" id="bodyftn131">131</a></sup>, qui devenait ainsi, le 10&nbsp;janvier&nbsp;2016, le 130<sup>&egrave;me</sup> Pr&eacute;sident de la <em>Generalitat</em>, commence &agrave; d&eacute;rouler son programme. Celui-ci pr&eacute;voit, loin de toute pr&eacute;cipitation ou improvisation (dans un d&eacute;lai de 18&nbsp;mois approximativement) de cr&eacute;er les structures d&rsquo;&Eacute;tat indispensables et de promulguer les lois<sup><a class="footnotecall" href="#ftn132" id="bodyftn132">132</a></sup> n&eacute;cessaires pour pouvoir, en passant d&rsquo;une l&eacute;galit&eacute; autonomiste &agrave; une l&eacute;galit&eacute; r&eacute;publicaine<sup><a class="footnotecall" href="#ftn133" id="bodyftn133">133</a></sup>, se &laquo;&nbsp;d&eacute;connecter&nbsp;&raquo; de l&rsquo;Espagne, accomplissant ainsi le &laquo;&nbsp;mandat d&eacute;mocratique clair (&hellip;) qui devra culminer par la cr&eacute;ation d&rsquo;un &eacute;tat ind&eacute;pendant pour la Catalogne&nbsp;&raquo;.</p> <h2 class="texte">Le r&eacute;f&eacute;rendum du 1<sup>er</sup>&nbsp;octobre&nbsp;2017 et la proclamation de la VI<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;R&eacute;publique Catalane</h2> <p class="texte">Bien que la majorit&eacute; absolue des forces ind&eacute;pendantistes au Parlement ait l&eacute;gitim&eacute; largement une d&eacute;claration unilat&eacute;rale<sup><a class="footnotecall" href="#ftn134" id="bodyftn134">134</a></sup> d&rsquo;ind&eacute;pendance (DUI), le fait de ne pas avoir atteint le fameux seuil de 50&nbsp;% de voix motive la convocation d&rsquo;un nouveau r&eacute;f&eacute;rendum, cette fois annonc&eacute; comme contraignant et non pas simplement consultatif, avec le but de s&rsquo;assurer, en cas de victoire, le soutien de la communaut&eacute; internationale en g&eacute;n&eacute;ral et de l&rsquo;Europe en particulier.</p> <p class="texte">Ce r&eacute;f&eacute;rendum, convoqu&eacute; pour le 1<sup>er</sup>&nbsp;octobre&nbsp;2017&nbsp;et aussit&ocirc;t interdit<sup><a class="footnotecall" href="#ftn135" id="bodyftn135">135</a></sup> par le pouvoir central, devient l&rsquo;enjeu majeur aussi bien pour les autorit&eacute;s espagnoles, d&eacute;cid&eacute;es &agrave; l&rsquo;emp&ecirc;cher &agrave; tout prix<sup><a class="footnotecall" href="#ftn136" id="bodyftn136">136</a></sup>, que pour les catalanes, tout aussi motiv&eacute;es et engag&eacute;es &agrave; le c&eacute;l&eacute;brer. Le 15&nbsp;septembre, le Ministre espagnol de l&rsquo;&Eacute;conomie prend le contr&ocirc;le total des finances de la <em>Generalitat</em> sous pr&eacute;texte de s&rsquo;assurer qu&rsquo;aucun argent public ne puisse &ecirc;tre destin&eacute; &agrave; la pr&eacute;paration du r&eacute;f&eacute;rendum, notamment &agrave; l&rsquo;achat des urnes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn137" id="bodyftn137">137</a></sup>.</p> <p class="texte">La recherche des urnes que le gouvernement catalan assure s&rsquo;&ecirc;tre procur&eacute;es autrement (et 8.000&nbsp;urnes ne se cachent pas aussi simplement que cela) devient l&rsquo;obsession de toutes les polices et services de renseignement de l&rsquo;&Eacute;tat. Des centaines de perquisitions sont organis&eacute;es sans succ&egrave;s. Seuls des bulletins de vote sont d&eacute;couverts dans des imprimeries, et la <em>Guardia Civil</em> se fait photographier devant ce pr&eacute;cieux butin comme s&rsquo;ils venaient de faire une importante saisie d&rsquo;armes ou de drogue. Gr&acirc;ce &agrave; la complicit&eacute; et &agrave; l&rsquo;incroyable et absolue discr&eacute;tion d&rsquo;un millier de conjur&eacute;s, les urnes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn138" id="bodyftn138">138</a></sup> apparaissent comme par miracle le matin du vote dans chacun des 2.294&nbsp;bureaux de vote<sup><a class="footnotecall" href="#ftn139" id="bodyftn139">139</a></sup>. Cela repr&eacute;sentera une humiliation que <em>Rajoy</em>, qui avait assur&eacute; que le r&eacute;f&eacute;rendum n&rsquo;aurait jamais lieu<sup><a class="footnotecall" href="#ftn140" id="bodyftn140">140</a></sup>.Il le fera tr&egrave;s ch&egrave;rement payer aux Catalans&nbsp;: des enseignants sont poursuivis pour avoir &eacute;voqu&eacute; le sujet avec leurs &eacute;l&egrave;ves&nbsp;; 712&nbsp;maires (sur les 94O que compte la Catalogne) sont convoqu&eacute;s pour comparution comme de vulgaires d&eacute;linquants&nbsp;; un usager de <em>Tweeter</em> est poursuivi pour un <em>tweet</em> anodin&nbsp;; le centre de communications de la police catalane est perquisitionn&eacute; dans le but de r&eacute;cup&eacute;rer les enregistrements des conversations radio le jour du r&eacute;f&eacute;rendum&nbsp;; le PDG d&rsquo;<em>Unipost</em> (l&rsquo;entreprise de messagerie qui avait distribu&eacute; le mat&eacute;riel &eacute;lectoral) est interpel&eacute;&nbsp;; le Major <em>Trapero</em> (le chef de la police catalane qui avait g&eacute;r&eacute; de fa&ccedil;on exemplaire le terrible attentat djihadiste &agrave; la fourgonnette sur les <em>Rambles </em>du 17&nbsp;ao&ucirc;t&nbsp;2017) est destitu&eacute; et mut&eacute; dans un bureau o&ugrave; il effectue d&eacute;sormais des t&acirc;ches administratives subalternes, <em>etc..</em>. Il poussa le ridicule jusqu&rsquo;&agrave; incriminer <em>els Segadors</em>, l&rsquo;hymne national catalan, pour incitation &agrave; la haine (l&rsquo;&eacute;quivalent de porter plainte contre <em>La Marseillaise</em> pour apologie de la violence).&nbsp;</p> <p class="texte">Mais, d&egrave;s le 20&nbsp;septembre, quelques jours avant la tenue du r&eacute;f&eacute;rendum, le gouvernement <em>Rajoy</em>, en outrepassant largement ses pouvoirs, franchit un pas suppl&eacute;mentaire dans sa tentative d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;e de l&rsquo;emp&ecirc;cher et tente un v&eacute;ritable coup d&rsquo;&Eacute;tat contre le gouvernement catalan. En effet, il fait proc&eacute;der &agrave; l&rsquo;arrestation d&rsquo;un certain nombre de tr&egrave;s hauts fonctionnaires, perquisitionne des locaux officiels, notamment les bureaux du Minist&egrave;re catalan de l&rsquo;&Eacute;conomie, mais &eacute;choue face &agrave; la r&eacute;sistance massive de la population, qui &agrave; l&rsquo;appel de l&rsquo;ANC et d&rsquo;<em>Omnium</em> s&rsquo;est mass&eacute;e autour des lieux occup&eacute;s et les prot&egrave;ge, toujours pacifiquement et sans la moindre violence, comme l&rsquo;attestent des dizaines de vid&eacute;os amateur. La vengeance de Madrid ne tarde pas &agrave; s&rsquo;abattre sur <em>Jordi S&agrave;nchez</em> et <em>Jordi Cuixart</em>, les dirigeants respectifs de ces deux organisations citoyennes, qui, accus&eacute;s d&rsquo;incitation &agrave; la violence et de s&eacute;dition, sont arr&ecirc;t&eacute;s et jet&eacute;s en prison ferme (sans caution possible), o&ugrave; ils croupissent depuis le 16&nbsp;octobre<sup><a class="footnotecall" href="#ftn141" id="bodyftn141">141</a></sup>. Ils sont les deux premiers prisonniers politiques<sup><a class="footnotecall" href="#ftn142" id="bodyftn142">142</a></sup> du processus.</p> <p class="texte">On peut dire que la question catalane fait vraiment irruption dans l&rsquo;actualit&eacute; lorsque le monde entier d&eacute;couvre m&eacute;dus&eacute; les images de l&rsquo;extr&ecirc;me et sauvage violence des forces de l&rsquo;ordre face &agrave; des pacifiques citoyens qui ne voulaient que d&eacute;poser un bulletin dans une urne et que cette urne ne leur soit pas vol&eacute;e<sup><a class="footnotecall" href="#ftn143" id="bodyftn143">143</a></sup>. Leur d&eacute;termination, faisant massivement corps de fa&ccedil;on ininterrompue depuis 5&nbsp;heures du matin, pour emp&ecirc;cher la police de fermer les bureaux de vote, jusqu&rsquo;&agrave; 9&nbsp;ou 10&nbsp;heures du soir, pour s&rsquo;assurer du recompte et de la transmission des r&eacute;sultats au Minist&egrave;re de l&rsquo;int&eacute;rieur catalan, force l&rsquo;admiration. Mais le maximum du courage fut montr&eacute; dans les bureaux o&ugrave; la police intervient, avec parfois une agressivit&eacute; criminelle, et o&ugrave; les votants, jeunes et &acirc;g&eacute;s, se laissent matraquer sans opposer de r&eacute;sistance. Il y aura un millier de bless&eacute;s, l&eacute;gers ou graves, dont une personne qui perd un &oelig;il suite &agrave; un tir de balles en caoutchouc, pourtant interdites en Catalogne depuis 2014<sup><a class="footnotecall" href="#ftn144" id="bodyftn144">144</a></sup>.</p> <p class="texte">Les r&eacute;sultats du scrutin sont les suivants&nbsp;: sur un corps &eacute;lectoral de 5,3&nbsp;millions, 2.286.217&nbsp;bulletins sont comptabilis&eacute;s, ce qui repr&eacute;sente un taux de participation de 43,1&nbsp;%. Mais il a pu &ecirc;tre officiellement &eacute;tabli que les fermetures et confiscations polici&egrave;res intervenues dans 692&nbsp;bureaux de vote repr&eacute;sentaient environ 770.000&nbsp;inscrits qui n&rsquo;ont pu donc s&rsquo;exprimer. Malgr&eacute; cela, un nombre ind&eacute;termin&eacute; d&rsquo;entre eux r&eacute;ussissent tout de m&ecirc;me &agrave; voter dans d&rsquo;autres bureaux gr&acirc;ce aux &laquo;&nbsp;listes universelles&nbsp;&raquo; mises en ligne par la <em>G&eacute;n&eacute;ralitat</em> pour parer &agrave; ces perturbations attendues, ce qui rend le calcul du taux exact de participation tr&egrave;s difficile. Quoi qu&rsquo;il en soit<em>, </em>on est en pr&eacute;sence d&rsquo;un taux de participation r&eacute;el aux alentours de 45&nbsp;%, semblable &agrave; celui de certaines &eacute;lections &laquo;&nbsp;normales<sup><a class="footnotecall" href="#ftn145" id="bodyftn145">145</a></sup>&nbsp;&raquo; et, surtout, extraordinaire pour une consultation interdite qui se d&eacute;roula, qui plus est, sous la violence polici&egrave;re.</p> <p class="texte">Le &laquo;&nbsp;oui&nbsp;&raquo; l&rsquo;emporte avec 90,18&nbsp;%. Il semble donc indiscutable que, dans une &eacute;ventuelle consultation normale autoris&eacute;e par Madrid, le vote en faveur de l&rsquo;ind&eacute;pendance, tout en n&rsquo;atteignant pas ces scores quasi-sovi&eacute;tiques<sup><a class="footnotecall" href="#ftn146" id="bodyftn146">146</a></sup>, serait tout de m&ecirc;me rest&eacute; majoritaire.</p> <p class="texte">Mardi 3, le Roi <em>Felipe </em>VI, dans un discours tr&egrave;s dur qui contrevient ouvertement au devoir de r&eacute;serve et de neutralit&eacute; que lui impose la Constitution, descend dans l&rsquo;ar&egrave;ne et prend ouvertement le parti de la r&eacute;pression (pas un seul mot &agrave; l&rsquo;intention des centaines de victimes de la violence polici&egrave;re, menaces &agrave; peine voil&eacute;es), se comportant non pas en arbitre mais en procureur. Les rares catalans qui attendaient encore qu&rsquo;il joue un r&ocirc;le de m&eacute;diateur en sa qualit&eacute; de Roi de tous les espagnols, sont d&eacute;finitivement d&eacute;pit&eacute;s. La suite ne fait d&eacute;sormais plus de doute pour personne.</p> <p class="texte">Le mardi 10, <em>Puigdemont</em> se pr&eacute;sente devant le Parlement catalan et d&eacute;clare que&nbsp;le 1<sup>er</sup>&nbsp;octobre, la Catalogne &laquo;&nbsp;a acquis le droit &agrave; &ecirc;tre ind&eacute;pendante, &eacute;cout&eacute;e et respect&eacute;e&nbsp;&raquo; et du fait de la victoire du &laquo;&nbsp;oui&nbsp;&raquo;, il a d&eacute;cid&eacute; d&rsquo;assumer&nbsp;&laquo;&nbsp;le mandat du peuple pour que la Catalogne devienne un &eacute;tat ind&eacute;pendant sous la forme d&rsquo;une R&eacute;publique&nbsp;&raquo;. Les milliers de citoyens qui se massent aux portes de l&rsquo;&eacute;difice explosent de joie. Mais, dans la minute qui suit, c&rsquo;est la douche froide&nbsp;: le Pr&eacute;sident demande au Parlement de suspendre temporairement les effets de cette d&eacute;claration pour ouvrir une p&eacute;riode de n&eacute;gociation avec le gouvernement espagnol dans l&rsquo;espoir que celui-ci consente enfin &agrave; l&rsquo;organisation, avec toutes les garanties, d&rsquo;un r&eacute;f&eacute;rendum contraignant et d&eacute;finitif, r&eacute;clam&eacute; depuis si longtemps<sup><a class="footnotecall" href="#ftn147" id="bodyftn147">147</a></sup>. Que s&rsquo;est-il pass&eacute; en coulisses pour que <em>Puigdemont</em> prenne cette d&eacute;cision, si d&eacute;cevante pour ses partisans&nbsp;?</p> <p class="texte">On apprendra par la suite que jusqu&rsquo;&agrave; la derni&egrave;re minute il a &eacute;t&eacute; au centre de pressions de toute sorte, venant de tous les c&ocirc;t&eacute;s&nbsp;; mais que le facteur d&eacute;cisif avait &eacute;t&eacute; un long entretien t&eacute;l&eacute;phonique, une heure juste avant son allocution, avec Donald Tusk<sup><a class="footnotecall" href="#ftn148" id="bodyftn148">148</a></sup>, le Pr&eacute;sident du Conseil de l&rsquo;Europe. Celui-ci l&rsquo;assure que s&rsquo;il proclame unilat&eacute;ralement l&rsquo;ind&eacute;pendance, personne ne la reconna&icirc;tra&nbsp;; mais que s&rsquo;il fait un geste, il s&rsquo;engage personnellement &agrave; convaincre <em>Rajoy </em>de s&rsquo;asseoir &agrave; la table de n&eacute;gociations. H&eacute;las, une fois le p&eacute;ril &eacute;cart&eacute;, l&rsquo;Europe continuera &agrave; regarder ailleurs, &agrave; expliquer qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une affaire interne &agrave; l&rsquo;Espagne, voire &agrave; soutenir <em>Rajoy</em> en proclamant que nul ne peut d&eacute;sob&eacute;ir &agrave; la Constitution<sup><a class="footnotecall" href="#ftn149" id="bodyftn149">149</a></sup>.</p> <p class="texte">Dans les jours qui suivent, le chef de l&rsquo;ex&eacute;cutif de Madrid, &eacute;tranger comme toujours &agrave; toute culture de dialogue et de n&eacute;gociation et confort&eacute; par l&rsquo;attitude de l&rsquo;Europe, interpr&eacute;tant la main tendue par le Pr&eacute;sident de la <em>Generalitat </em>comme un signe de faiblesse, menace ouvertement d&rsquo;appliquer l&rsquo;article 155&nbsp;de la Constitution. De son cot&eacute;, constatant l&rsquo;absence totale de dialogue de Madrid et encourag&eacute; par la citoyennet&eacute; qui a pay&eacute; un lourd tribut le 1<sup>er</sup>&nbsp;octobre pour obtenir l&rsquo;ind&eacute;pendance et qui lui demande de lever la suspension de celle-ci, <em>Puigdemont </em>demande au Parlement de se r&eacute;unir en session pl&eacute;ni&egrave;re et de d&eacute;clarer solennellement la R&eacute;publique, conform&eacute;ment au mandat &eacute;lectoral re&ccedil;u et aux dispositions de la Loi de Transition vot&eacute;e par le Parlement catalan quelques semaines auparavant.</p> <p class="texte">Le vendredi 27&nbsp;octobre ont lieu deux processus parlementaires parall&egrave;les et antagonistes&nbsp;: d&rsquo;une part, le vote solennel des d&eacute;put&eacute;s catalans<sup><a class="footnotecall" href="#ftn150" id="bodyftn150">150</a></sup> proclamant la R&eacute;publique&nbsp;; d&rsquo;autre part, le Senat espagnol<sup><a class="footnotecall" href="#ftn151" id="bodyftn151">151</a></sup> habilitant le gouvernement de <em>Rajoy</em> &agrave; appliquer le fameux article. Quelques heures seulement s&eacute;parent ces deux &eacute;v&eacute;nements majeurs, le premier pr&eacute;c&eacute;dent de tr&egrave;s peu le second et chacun se justifiant comme &eacute;tant une r&eacute;ponse de d&eacute;fense face &agrave; l&rsquo;agression de l&rsquo;autre.</p> <p class="texte">Le soir m&ecirc;me, une f&ecirc;te bon enfant et enthousiaste se d&eacute;roule, dans le calme total, devant le Palais de la <em>Generalitat</em>. On attend la traditionnelle allocution du Pr&eacute;sident depuis le balcon principal o&ugrave;, aussi bien <em>Maci&agrave;</em> que <em>Companys</em>, avaient, des ann&eacute;es auparavant, proclam&eacute; la R&eacute;publique Catalane. Mais il ne se passe rien.</p> <h2 class="texte">L&rsquo;article 155</h2> <p class="texte">En se pr&eacute;valant de cet article de la Constitution, <em>Rajoy</em>, avec l&rsquo;appui de <em>Ciudadanos</em> et des socialistes (ces derniers pourtant &agrave; l&rsquo;opposition), d&eacute;cide la destitution du Pr&eacute;sident <em>Puigdemont</em> et de tout son gouvernement, la dissolution du Parlement et la convocation de nouvelles &eacute;lections pour le 21&nbsp;d&eacute;cembre. Aucune de ces trois mesures n&rsquo;est pourtant pr&eacute;vue par l&rsquo;article en question, comme le d&eacute;clareront dans un document conjoint une centaine de juristes espagnols de tout bord dans les jours qui suivent leur annonce, et repr&eacute;sentent, au sens strict, un double coup d&rsquo;&Eacute;tat&nbsp;: contre le Statut catalan et contre la propre Constitution espagnole.</p> <p class="texte">En effet, que dit cet article&nbsp;? Textuellement et <em>in extenso</em>&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;1. Si une Communaut&eacute; Autonome venait &agrave; ne pas accomplir les obligations que la Constitution ou d&rsquo;autres lois lui imposent, ou si elle agissait de fa&ccedil;on qui porte une atteinte grave &agrave; l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral de l&rsquo;Espagne, le Gouvernement, apr&egrave;s injonction aupr&egrave;s du Pr&eacute;sident de la Communaut&eacute; Autonome et, au cas o&ugrave; elle ne serait pas prise en compte, avec l&rsquo;accord par majorit&eacute; absolue du Senat, pourra adopter les mesures n&eacute;cessaires pour obliger la dite Communaut&eacute; &agrave; l&rsquo;accomplissement forc&eacute; des dites obligations ou pour la protection de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral.</p> </blockquote> <blockquote> <p class="quotation">2. Afin de rendre effectives les mesures pr&eacute;vues dans le paragraphe pr&eacute;c&eacute;dent, le Gouvernement pourra donner des instructions &agrave; toutes les autorit&eacute;s des Communaut&eacute;s Autonomes.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">C&rsquo;est tout. <em>Rajoy</em> peut &laquo;&nbsp;donner des instructions&nbsp;&raquo; aux autorit&eacute;s de la <em>Generalitat</em>, mais en aucun cas les destituer<sup><a class="footnotecall" href="#ftn152" id="bodyftn152">152</a></sup>. Et encore moins dissoudre le Parlement de Catalogne. Et les recours que le Gouvernement et le Parlement catalans pr&eacute;sentent aupr&egrave;s du TC devant cet abus manifeste de pouvoir, ce v&eacute;ritable coup d&rsquo;&Eacute;tat judiciaire, ne sont pas, comme on pouvait s&rsquo;y attendre, accept&eacute;s par celui-ci. Certes, ils seront ult&eacute;rieurement examin&eacute;s par la Cours de Justice Europ&eacute;enne, mais le verdict n&rsquo;interviendra, h&eacute;las, que dans plusieurs ann&eacute;es.</p> <p class="texte">Il faut insister sur ce viol de la Constitution par <em>Rajoy</em>. La fa&ccedil;on dont l&rsquo;ex&eacute;cutif espagnol a appliqu&eacute; l&rsquo;article 155&nbsp;ne repose pas sur une simple interpr&eacute;tation partisane et opportuniste de celui-ci, ce qui serait d&eacute;j&agrave; grave&nbsp;; il a appliqu&eacute; des dispositions qui non seulement n&rsquo;existent point sur le texte, mais qui avaient &eacute;t&eacute; explicitement &eacute;cart&eacute;es et interdites par les constituants eux-m&ecirc;mes, qui avaient act&eacute; l&rsquo;impossibilit&eacute; de dissoudre le Parlement.</p> <p class="texte">Ce que la Catalogne met sur la table n&rsquo;est pas un simple probl&egrave;me de dysfonctionnement dans l&rsquo;exercice de certaines comp&eacute;tences autonomiques ou de comportements irr&eacute;guliers de certaines instances autonomiques (qui auraient pu, en effet, &ecirc;tre r&eacute;solus par une coercition correctrice de ces &eacute;carts), mais un probl&egrave;me politique majeur. En effet, les Parlements espagnol et catalan avaient accord&eacute; une forme d&rsquo;int&eacute;gration de la Catalogne &agrave; l&rsquo;Espagne (le nouvel Statut) et le r&eacute;sultat de ce pacte fut soumis, comme nous l&rsquo;avons vu, &agrave; r&eacute;f&eacute;rendum. <em>Pacta sunt servanda</em>. Nulle communaut&eacute; politique, nulle culture juridique ne peut survivre sans le respect de cet axiome. Ce que le PP fut de ce pacte est la plus haute expression de l&rsquo;anti-juridicit&eacute;, qui est encore plus grave que l&rsquo;anti-constitutionnalit&eacute;. Et si le pacte ne satisfait plus, il faut en &eacute;tablir un autre. En aucun cas on ne peut accepter qu&rsquo;on remplace un contrat par un diktat. Si le dictat &eacute;tait une option, il n&rsquo;y aurait jamais de pacte. Le pacte est possible justement parce qu&rsquo;il n&rsquo;existe aucune autre option pour r&eacute;soudre les probl&egrave;mes.</p> <p class="texte">La Catalogne se r&eacute;veille donc dirig&eacute;e depuis Madrid par un parti qui, incroyable paradoxe, ne dispose au Parlement Catalan que de 11&nbsp;si&egrave;ges sur 135, qui n&rsquo;a obtenu que 8,49&nbsp;% des suffrages aux derni&egrave;res &eacute;lections<sup><a class="footnotecall" href="#ftn153" id="bodyftn153">153</a></sup> et qui ne g&egrave;re qu&rsquo;une seule commune sur les 940&nbsp;municipalit&eacute;s catalanes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn154" id="bodyftn154">154</a></sup>. Il usurpe donc par la voie soi-disant juridique ce que les urnes lui ont obstin&eacute;ment refus&eacute;. Un parti, qui plus est, qui pr&ocirc;ne le respect des lois aux autres tout en &eacute;tant consid&eacute;r&eacute; comme &eacute;tant le plus corrompu d&rsquo;Europe.</p> <p class="texte">En effet, pas moins de 700&nbsp;membres de ce parti, parmi lesquels figurent des hauts responsables, des Pr&eacute;sidents de Communaut&eacute;s Autonomes et m&ecirc;me des ex-ministres ou des ministres en exercice, font actuellement l&rsquo;objet de poursuites judiciaires malgr&eacute; tous les obstacles qu&rsquo;oppose le Ministre de la Justice<sup><a class="footnotecall" href="#ftn155" id="bodyftn155">155</a></sup>. Des doubles comptabilit&eacute;s, des caisses noires, des enveloppes sous la table, des malversations et autres d&eacute;lits similaires, &eacute;claboussant m&ecirc;me <em>Rajoy</em> en personne, ont &eacute;t&eacute; formellement &eacute;tablis et reconnus par les tribunaux, qui ont prononc&eacute; de nombreuses condamnations fermes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn156" id="bodyftn156">156</a></sup>. Le volume global de la corruption que les tribunaux ont ainsi pu &eacute;tablir (sans compter celle qui est rest&eacute;e cach&eacute;e) est estim&eacute; &agrave; plus de 120&nbsp;milliards. Et ce ne sont pas que les individus qui sont poursuivis&nbsp;: le parti lui-m&ecirc;me, en tant que tel, fait actuellement l&rsquo;objet d&rsquo;une mise en examen qui, si elle aboutissait, entra&icirc;nerait sa mise hors la loi et sa dissolution. M&ecirc;me le Parlement Europ&eacute;en a ouvert une enqu&ecirc;te suite &agrave; des soup&ccedil;ons de financement ill&eacute;gal dans les campagnes &eacute;lectorales de <em>Rajoy</em>.</p> <p class="texte">Cette corruption, de notori&eacute;t&eacute; publique, constitue &eacute;galement l&rsquo;une des raisons qui alimentent l&rsquo;ind&eacute;pendantisme&nbsp;; les Catalans ne supportent plus qu&rsquo;un parti corrompu ne cesse de faire appel au respect de la loi pour les emp&ecirc;cher de d&eacute;cider de leur destin. &Eacute;chapper &agrave; une telle emprise est devenu l&rsquo;une des motivations d&rsquo;honn&ecirc;tes citoyens qui n&rsquo;&eacute;taient pas ind&eacute;pendantistes au d&eacute;part.</p> <h2 class="texte">L&rsquo;emprisonnement et l&rsquo;exile du Gouvernement catalan</h2> <p class="texte">La feuille de route de l&rsquo;ind&eacute;pendantisme, m&ucirc;rement r&eacute;fl&eacute;chie et longuement pr&eacute;par&eacute;e, comportait plusieurs &eacute;tapes&nbsp;: l&rsquo;obtention de la majorit&eacute; au Parlement&nbsp;; l&rsquo;&eacute;laboration des lois de d&eacute;connexion et la mise en place des structures d&rsquo;&Eacute;tat&nbsp;; la c&eacute;l&eacute;bration d&rsquo;un r&eacute;f&eacute;rendum d&rsquo;autod&eacute;termination&nbsp;; la proclamation de la R&eacute;publique et le d&eacute;but d&rsquo;un processus constituant devant culminer, via le vote du Parlement et la ratification par r&eacute;f&eacute;rendum, par l&rsquo;adoption d&rsquo;une nouvelle Constitution Catalane.</p> <p class="texte">Les quatre premi&egrave;res pierres de cet &eacute;difice avaient &eacute;t&eacute; pos&eacute;es avec succ&egrave;s. Pour rendre effective la nouvelle R&eacute;publique proclam&eacute;e et continuer &agrave; d&eacute;rouler cette feuille de route, les citoyens &eacute;taient dispos&eacute;s &agrave; descendre dans la rue, pacifiquement mais de fa&ccedil;on massive, prot&eacute;g&eacute;e si n&eacute;cessaire par la police autonome catalane (qui, d&eacute;sormais, n&rsquo;aurait d&rsquo;ordres &agrave; recevoir que du ministre catalan de l&rsquo;int&eacute;rieur) pour d&eacute;fendre le Gouvernement, le Parlement et tout ce qu&rsquo;il faudrait d&eacute;fendre. Ils l&rsquo;avaient amplement prouv&eacute; le 20&nbsp;septembre en faisant avorter la tentative de mise sous contr&ocirc;le des institutions (alors que l&rsquo;article 155&nbsp;n&rsquo;&eacute;tait pas encore en vigueur) ou en d&eacute;fendant les urnes le 1<sup>er</sup>&nbsp;octobre. Mais les choses se passeront tout autrement.</p> <p class="texte">En effet, les trois jours qui suivent la proclamation de l&rsquo;ind&eacute;pendance sont marqu&eacute;s (apr&egrave;s la joie, l&rsquo;&eacute;motion, les larmes et l&rsquo;euphorie de la soir&eacute;e du 27) par un grand flou qui laisse les Catalans tr&egrave;s d&eacute;concert&eacute;s. Non seulement le Pr&eacute;sident ne s&rsquo;est pas montr&eacute; au balcon du Palais du Gouvernement (sur lequel le drapeau espagnol continue &agrave; flotter &agrave; c&ocirc;t&eacute; du catalan) mais aucune consigne n&rsquo;est lanc&eacute;e &agrave; la population. On sait que le Gouvernement au complet, ainsi que des personnalit&eacute;s du premier cercle, se sont r&eacute;unis &agrave; la <em>Generalitat</em> apr&egrave;s la proclamation, dans une s&eacute;ance marathon dont ils ne sortiront qu&rsquo;au petit matin, visiblement tendus et fatigu&eacute;s. Dimanche 29, <em>Puigdemont</em> fait une tr&egrave;s courte et &eacute;nigmatique apparition officielle &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision en demandant de la patience, de la pers&eacute;v&eacute;rance et de ne jamais abandonner la voie du pacifisme. Et, mardi 31&nbsp;au matin, on apprend qu&rsquo;il tiendra une conf&eacute;rence de presse &agrave; Bruxelles, o&ugrave; il se trouve d&eacute;sormais avec une partie de son gouvernement, tandis que le vice-Pr&eacute;sident <em>Oriol Junqueres</em> et le reste du Gouvernement demeurent sur place. La surprise et la stup&eacute;faction, voire la d&eacute;ception, sont &eacute;normes. Et tout le monde attend ses explications &agrave; fin de pouvoir comprendre ce que cela signifie et ce qui s&rsquo;est pass&eacute; dans ces jours de flottement du pouvoir (du moins, en apparence).</p> <p class="texte">Les r&eacute;v&eacute;lations de <em>Puigdemont</em> depuis Bruxelles dissipent tous les doutes et donnent un &eacute;clairage nouveau, qui fait sens, aux &eacute;tranges &eacute;v&egrave;nements des derniers jours. Il explique que lui et son gouvernement avaient &eacute;t&eacute; alert&eacute;s, par des canaux diff&eacute;rents et concordants<sup><a class="footnotecall" href="#ftn157" id="bodyftn157">157</a></sup>, du fait que l&rsquo;Arm&eacute;e espagnole avait re&ccedil;u l&rsquo;ordre de se tenir pr&ecirc;te &agrave; intervenir si la population se massait autour des institutions pour les prot&eacute;ger et les d&eacute;fendre. Et il ajoute que ces menaces incluaient explicitement l&rsquo;assurance qu&rsquo;il y aurait de la violence, avec du sang (<em>sic</em>) et des morts. Prenant cette menace tr&egrave;s au s&eacute;rieux (&eacute;tant donn&eacute; le comportement des forces de l&rsquo;ordre le jour du r&eacute;f&eacute;rendum) et fid&egrave;le &agrave; son engagement r&eacute;solument gandhien en faveur de la non-violence, il avait d&eacute;cid&eacute;, avec son gouvernement, de ne pas exposer des civiles &agrave; un tel risque et de leur &eacute;pargner ce sacrifice, quitte &agrave; les d&eacute;cevoir.</p> <p class="texte">Il pr&eacute;cise &eacute;galement qu&rsquo;il ne demande pas l&rsquo;asile politique mais qu&rsquo;il souhaite &ecirc;tre au c&oelig;ur des institutions europ&eacute;ennes pour les sensibiliser au probl&egrave;me et poursuivre le combat<sup><a class="footnotecall" href="#ftn158" id="bodyftn158">158</a></sup> et d&eacute;clare qu&rsquo;il participera aux &eacute;lections impos&eacute;es par <em>Rajoy</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn159" id="bodyftn159">159</a></sup><em> </em>et en acceptait par avance le r&eacute;sultat, quel qu&rsquo;il fut, exigeant publiquement de <em>Rajoy </em>qu&rsquo;il prenne le m&ecirc;me engagement, chose qu&rsquo;il n&rsquo;a toujours pas faite<sup><a class="footnotecall" href="#ftn160" id="bodyftn160">160</a></sup>. Il rappelle enfin que son seul crime consiste &agrave; avoir scrupuleusement respect&eacute; les promesses &eacute;lectorales inscrites dans le programme de la coalition ind&eacute;pendantiste, programme d&ucirc;ment d&eacute;pos&eacute; en temps et en heure, conform&eacute;ment &agrave; la loi, aupr&egrave;s de la Commission &eacute;lectorale espagnole qui n&rsquo;en avait demand&eacute; aucune modification ni &eacute;mis la moindre restriction.</p> <p class="texte">Le lendemain, une partie des ministres qui l&rsquo;avaient accompagn&eacute; &agrave; Bruxelles rentrent au pays pour rejoindre ceux qui y &eacute;taient rest&eacute;s. Cette r&eacute;partition entre deux &eacute;quipes, une ext&eacute;rieure et une int&eacute;rieure (qui risquait d&rsquo;&ecirc;tre arr&ecirc;t&eacute;e &agrave; tout moment), avait &eacute;t&eacute; librement d&eacute;cid&eacute;e, d&rsquo;un commun accord, entre les membres du Gouvernement.</p> <p class="texte">Et, en effet, d&egrave;s le jeudi 2&nbsp;novembre (vuln&eacute;rant tous les droits de la d&eacute;fense, qui ne disposera que de 24&nbsp;heures pour pr&eacute;parer ses argumentaires) le vice-pr&eacute;sident <em>Junqueras</em> ainsi que les 7&nbsp;ministres pr&eacute;sents sur le territoire sont incarc&eacute;r&eacute;s, sans possibilit&eacute; de caution, &agrave; Madrid. Les conditions de leur transport vers le centre p&eacute;nitencier se r&eacute;v&egrave;lent tellement humiliantes, vexatoires et violentes que la F&eacute;d&eacute;ration Internationale de l&rsquo;Action des Chr&eacute;tiens pour l&rsquo;Abolition de la Torture (FIACAT) publie un communiqu&eacute; les d&eacute;non&ccedil;ant sans ambigu&iuml;t&eacute;. Le nombre de prisonniers politiques<sup><a class="footnotecall" href="#ftn161" id="bodyftn161">161</a></sup> s&rsquo;&eacute;l&egrave;ve ainsi &agrave; 10.</p> <p class="texte">Les chefs d&rsquo;accusation retenus contre eux sont extr&ecirc;mement graves&nbsp;: dans l&rsquo;ordre&nbsp;: d&eacute;sob&eacute;issance, malversation de fonds publics<sup><a class="footnotecall" href="#ftn162" id="bodyftn162">162</a></sup>, s&eacute;dition et r&eacute;bellion (celle-ci passible de 30&nbsp;ans de prison ferme&nbsp;!) La qualification de r&eacute;bellion suscite un grand &eacute;moi parmi les juristes puisque ce d&eacute;lit ne s&rsquo;applique qu&rsquo;&agrave; ceux qui &laquo;&nbsp;se soul&egrave;veraient de fa&ccedil;on violente&nbsp;&raquo;. La violence est, en effet, l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment constitutif du d&eacute;lit. Sans violence, il n&rsquo;y a pas de r&eacute;bellion. Et si quelque chose est absente tout au long du processus catalan, dont le monde entier a pu constater (et a lou&eacute;) le pacifisme profond, c&rsquo;est justement la violence. Mais dans ses attendus, la juge <em>Carmen Lamela</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn163" id="bodyftn163">163</a></sup> estime que les &laquo;&nbsp;murailles humaines qui d&eacute;fendaient de fa&ccedil;on active les bureaux de vote faisant reculer les forces de police ou les obligeant &agrave; utiliser une force qui n&rsquo;aurait pas &eacute;t&eacute; n&eacute;cessaire autrement, constituent une claire et plurielle expression de la violence.&nbsp;&raquo; L&rsquo;inversion des r&ocirc;les est ici totale<sup><a class="footnotecall" href="#ftn164" id="bodyftn164">164</a></sup>. Et aussi&nbsp;: &laquo;&nbsp;La concurrence de violence physique peut ne pas &ecirc;tre n&eacute;cessaire lorsque le soul&egrave;vement, de par ses caract&eacute;ristiques ainsi que par le nombre ind&eacute;termin&eacute; de personnes impliqu&eacute;es, atteint une dimension telle qu&rsquo;il pr&eacute;sente une capacit&eacute; intimidatrice suffisante pour dissuader les forces de l&rsquo;ordre d&rsquo;un possible passage &agrave; l&rsquo;acte dans la mesure o&ugrave; une opposition aux plans des rebelles deviendrait violente et belliqueuse.&nbsp;&raquo; Le lecteur jugera par lui-m&ecirc;me.</p> <p class="texte">En r&eacute;ponse &agrave; ces emprisonnements, syndicats, partis, &eacute;tudiants, transforment les CDR (Comit&eacute;s de D&eacute;fense du R&eacute;f&eacute;rendum) en Comit&eacute;s de D&eacute;fense de la R&eacute;publique et multiplient les actions de protestation&nbsp;: un arr&ecirc;t total du pays le 6&nbsp;novembre, r&eacute;ussissant une paralysie des activit&eacute;s sans pr&eacute;c&eacute;dent, y compris au niveau des transports (TGVs &agrave; l&rsquo;arr&ecirc;t, routes coup&eacute;es, etc.)&nbsp;; manifestation nocturne impressionnante du plus d&rsquo;un million et demi d&rsquo;habitu&eacute;s des d&eacute;fil&eacute;s annuels du jour de la F&ecirc;te Nationale et, en point d&rsquo;orgue, une concentration de soutien &agrave; <em>Puigdemont</em> et son gouvernement &agrave; Bruxelles, o&ugrave; se d&eacute;placent, malgr&eacute; le froid glacial, la pluie ininterrompue et les 1.300 Km de distance, 60.000<sup><a class="footnotecall" href="#ftn165" id="bodyftn165">165</a></sup> catalans envelopp&eacute;s de capes, bonnets, foulards ou &eacute;charpes jaunes, la couleur choisie pour revendiquer la libert&eacute; des leaders emprisonn&eacute;s et interdite depuis (neutralit&eacute; &eacute;lectorale oblige) y compris, sommet du ridicule, au niveau des jets d&rsquo;eau des fontaines lumineuses de Barcelone.</p> <p class="texte">Ce regain d&rsquo;autoritarisme, cette attitude visc&eacute;ralement antid&eacute;mocratique de l&rsquo;&Eacute;tat espagnol, surtout lorsqu&rsquo;il est gouvern&eacute; par le PP, cet h&eacute;ritier du franquisme<sup><a class="footnotecall" href="#ftn166" id="bodyftn166">166</a></sup> qui a toujours r&ecirc;v&eacute; de discipliner et uniformiser les Communaut&eacute;s Autonomes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn167" id="bodyftn167">167</a></sup>, d&rsquo;an&eacute;antir &laquo;&nbsp;les tendances gravement dissolvantes accroupies dans le terme nationalit&eacute;s<sup><a class="footnotecall" href="#ftn168" id="bodyftn168">168</a></sup>&nbsp;&raquo; pourtant bel et bien pr&eacute;sent dans la Constitution qu&rsquo;il refusa de voter, a d&eacute;cant&eacute; encore une nouvelle tranche de la population vers l&rsquo;ind&eacute;pendantisme. Encore une fois, non pas par id&eacute;ologie mais par simple attachement &agrave; la d&eacute;mocratie. Ils sont arriv&eacute;s &agrave; la conclusion que ce qui est actuellement en jeu n&rsquo;est plus une question d&rsquo;ind&eacute;pendance, mais, tout bonnement, une question de d&eacute;mocratie, devenue impossible au sein de l&rsquo;Espagne.</p> <p class="texte">D&egrave;s le lendemain (vendredi 3&nbsp;novembre) de ces emprisonnements, l&rsquo;Espagne poursuit sa logique et &eacute;met un mandat d&rsquo;arr&ecirc;t europ&eacute;en &agrave; l&rsquo;encontre de <em>Puigdemont</em> et les ministres rest&eacute;s &agrave; Bruxelles. Ceux-ci se pr&eacute;sentent imm&eacute;diatement aux autorit&eacute;s belges pour &ecirc;tre entendus par la Justice, qui, apr&egrave;s audition, les laisse en libert&eacute; provisoire sous contr&ocirc;le judiciaire. La Belgique dispose alors de plusieurs semaines pour &eacute;tudier le dossier et d&eacute;cider de les extrader ou pas.</p> <p class="texte">Le 9&nbsp;novembre, c&rsquo;est au tour de <em>Carme Forcadell</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn169" id="bodyftn169">169</a></sup>, la Pr&eacute;sidente du Parlement catalan dissout et aux membres du Bureau du dit Parlement d&rsquo;&ecirc;tre arr&ecirc;t&eacute;s. Ils sont lib&eacute;r&eacute;s sous caution en attente de jugement, <em>Forcadell</em> ayant &eacute;t&eacute; oblig&eacute;e de passer une nuit en prison comme mesure vexatoire.</p> <p class="texte">Le 4&nbsp;d&eacute;cembre, six des ministres incarc&eacute;r&eacute;s sont laiss&eacute;s en libert&eacute; provisoire sous caution, mais pas le vice-Pr&eacute;sident <em>Junqueres</em> ni un dernier ministre, qui restent derri&egrave;re les barreaux.</p> <p class="texte">Le 5&nbsp;d&eacute;cembre, en pleine campagne &eacute;lectorale, <em>Pablo Llarena</em>, le Pr&eacute;sident du Tribunal Supr&ecirc;me espagnol (qui d&eacute;sormais centralise les poursuites contre tous les inculp&eacute;s de l&rsquo;affaire), annonce qu&rsquo;il retire le mandat d&rsquo;arr&ecirc;t europ&eacute;en mais que les &laquo;&nbsp;fugitifs&nbsp;&raquo; restent mis en examen et seront arr&ecirc;t&eacute;s s&rsquo;ils reviennent au pays. Un important dispositif policier est d&rsquo;ailleurs d&eacute;ploy&eacute; aux fronti&egrave;res pour proc&eacute;der &agrave; leur arrestation d&egrave;s qu&rsquo;ils les franchiraient.</p> <p class="texte">Il y a deux raisons essentielles &agrave; ce revirement judiciaire. En premier lieu, la Justice belge s&rsquo;appr&ecirc;tait, dans les jours suivants, &agrave; rendre son verdict sur la demande d&rsquo;extradition et elle avait d&eacute;j&agrave; avanc&eacute; officieusement que seul le d&eacute;lit de d&eacute;sob&eacute;issance pouvait &ecirc;tre retenu. Si la proc&eacute;dure &eacute;tait arriv&eacute;e &agrave; son terme et que la conclusion des juges belges avait &eacute;t&eacute; celle-l&agrave;, cela aurait suppos&eacute; un violent camouflet pour la Justice espagnole dans la mesure o&ugrave; il serait devenu &eacute;vident aux yeux du monde qu&rsquo;un tribunal impartial ne consid&eacute;rait pas que <em>Puigdemont</em> et les membres de son gouvernement se soient rendus coupables de d&eacute;tournement de fonds, s&eacute;dition et encore moins de r&eacute;bellion. Autrement dit, cela aurait d&eacute;montr&eacute; que la Justice espagnole &eacute;tait au service du pouvoir politique en place. Qui plus est, cette d&eacute;cision aurait d&ucirc; concerner &eacute;galement les membres du Gouvernement poursuivis en Espagne sous les m&ecirc;mes chefs d&rsquo;accusation.</p> <p class="texte">Et cela nous m&egrave;ne &agrave; la deuxi&egrave;me raison&nbsp;: si la proc&eacute;dure avait suivi son cours, l&rsquo;Espagne n&rsquo;aurait pas eu le droit de juger le Pr&eacute;sident, le vice-Pr&eacute;sident et l&rsquo;ensemble du Gouvernement que pour le d&eacute;lit de d&eacute;sob&eacute;issance, qui est beaucoup moins s&eacute;v&egrave;rement puni par la loi (des simples peines d&rsquo;in&eacute;ligibilit&eacute;, &agrave; mettre en balance avec les 30&nbsp;ans de prison ferme encourus par le d&eacute;lit de r&eacute;bellion). Or, l&rsquo;Espagne tient non seulement &agrave; se venger du coup que lui ont assen&eacute; les Catalans en proclamant une R&eacute;publique ind&eacute;pendante, mais &agrave; faire aussi un exemple, &agrave; d&eacute;courager pour longtemps toute tentative s&eacute;paratiste.</p> <p class="texte">En retirant &agrave; temps son mandat d&rsquo;arr&ecirc;t, l&rsquo;Espagne &eacute;chappe donc au d&eacute;saveu international tout en se r&eacute;servant la possibilit&eacute; de prononcer, le moment venu, de lourdes peines contre les inculp&eacute;s et en emp&ecirc;chant le retour de <em>Puigdemont</em>, ce qui repr&eacute;sente un s&eacute;rieux handicap pour un candidat dans une campagne &eacute;lectorale.</p> <h2 class="texte">Les &eacute;lections du 21&nbsp;d&eacute;cembre&nbsp;2017</h2> <p class="texte">La convocation express de ces &eacute;lections est une surprise pour tout le monde. En effet, les intentions publiquement exprim&eacute;es par le chef de l&rsquo;ex&eacute;cutif espagnol lors de sa demande au S&eacute;nat d&rsquo;autorisation d&rsquo;appliquer l&rsquo;article 155&nbsp;&eacute;taient de garder la Catalogne sous contr&ocirc;le le plus longtemps possible et de ne convoquer des &eacute;lections que lorsque la situation serait redevenue &laquo;&nbsp;normale&nbsp;&raquo;. Certes, depuis leur d&eacute;faite aux &eacute;lections du 21&nbsp;septembre&nbsp;2015, les unionistes, mauvais perdants, r&ecirc;vaient de revanche et ne cessaient de r&eacute;clamer de nouvelles &eacute;lections, m&ecirc;me si la l&eacute;gislature n&rsquo;en &eacute;tait qu&rsquo;&agrave; la moiti&eacute; de son mandat. Mais il n&rsquo;y avait aucune raison d&rsquo;appeler &agrave; nouveaux les &eacute;lecteurs aux urnes puisque ceux-ci s&rsquo;&eacute;taient, en toute l&eacute;galit&eacute;, prononc&eacute;s deux ans auparavant et avait donn&eacute; mandat aux partis ind&eacute;pendantistes pour proclamer la R&eacute;publique. Les seules &eacute;lections qui &eacute;taient au programme &eacute;taient les &eacute;lections constituantes.</p> <p class="texte">Si, malgr&eacute; tout et contre toute attente, <em>Rajoy</em> avait pr&eacute;cipit&eacute; la tenue de ces &eacute;lections dont il ne voulait pas c&rsquo;&eacute;tait, comme il a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; &eacute;voqu&eacute; plus haut, parce que cela repr&eacute;sentait une solution de compromis entre convoquer enfin le r&eacute;f&eacute;rendum contraignant que les Catalans demandaient depuis longtemps (mais dont la simple c&eacute;l&eacute;bration, ind&eacute;pendamment du r&eacute;sultat, signifiait un d&eacute;saveu insupportable pour le Premier Ministre espagnol), et &ecirc;tre l&acirc;ch&eacute; par l&rsquo;Europe.<em> </em></p> <p class="texte">L&rsquo;annonce de nouvelles &eacute;lections autonomiques (r&eacute;gionales, en terminologie fran&ccedil;aise), justement parce qu&rsquo;elles n&rsquo;avaient aucune raison d&rsquo;&ecirc;tre, non seulement prend de court le bloc ind&eacute;pendantiste mais repr&eacute;sente pour eux, de fait, un redoutable pi&egrave;ge &agrave; plusieurs d&eacute;tentes. En effet, il les place face &agrave; plusieurs dilemmes, tous capables de les diviser et, donc, de les affaiblir.</p> <p class="texte">En premier lieu, il se pose la question d&rsquo;y participer ou pas. En toute logique, et si l&rsquo;on voulait rester coh&eacute;rent, il fallait les boycotter. En effet, comment justifier qu&rsquo;un pays qui vient de proclamer son ind&eacute;pendance et s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; convoquer des &eacute;lections pour &eacute;lire les d&eacute;put&eacute;s d&rsquo;une Assembl&eacute;e Constituante se rende aux urnes pour participer &agrave; une &eacute;lection convoqu&eacute;e par les autorit&eacute;s du pays dont on vient de faire s&eacute;cession&nbsp;pour &eacute;lire un nouveau parlement &laquo;&nbsp;r&eacute;gional&nbsp;&raquo;&nbsp;? Cela &eacute;quivalait &agrave; revenir deux ans en arri&egrave;re, &agrave; accepter de rejouer un match qui avait d&eacute;j&agrave; eu lieu et qui avait &eacute;t&eacute; gagn&eacute; &laquo;&nbsp;&agrave; la r&eacute;guli&egrave;re&nbsp;&raquo; et &agrave; passer en pertes et profits tout le travail accompli, tout le chemin parcouru depuis. En d&rsquo;autres termes, cela signifiait renoncer &agrave; (ou, au mieux, mettre entre parenth&egrave;ses) la R&eacute;publique, c&rsquo;est-&agrave;-dire, se renier, trahir leur &eacute;lectorat, reconna&icirc;tre qu&rsquo;ils n&rsquo;avaient pas r&eacute;ussi &agrave; proclamer l&rsquo;ind&eacute;pendance et &agrave; se s&eacute;parer de l&rsquo;&Eacute;tat espagnol. Cela signifiait &eacute;galement une acceptation, <em>de facto</em>, de l&rsquo;article 155&nbsp;et de toutes ses cons&eacute;quences. Cette option n&rsquo;&eacute;tait pas seulement incoh&eacute;rente&nbsp;; elle &eacute;tait, surtout, suicidaire.</p> <p class="texte">Qui plus est, ces &eacute;lections n&rsquo;&eacute;taient absolument pas en mesure de r&eacute;gler le conflit puisque les tenants de l&rsquo;article 155&nbsp;avaient d&eacute;j&agrave; publiquement annonc&eacute; que si le camp ind&eacute;pendantiste l&rsquo;emportait la confiscation de la <em>Generalitat</em> par Madrid se poursuivrait. Autrement dit, quelle qu&rsquo;en soit l&rsquo;issue, les &eacute;lections ne pouvaient que sonner la d&eacute;faite de l&rsquo;ind&eacute;pendantisme. Les d&eacute;s qu&rsquo;on leur imposait de jeter &eacute;taient manifestement pip&eacute;s.</p> <p class="texte">Mais il &eacute;tait tr&egrave;s difficile de faire admettre ce raisonnement, parfaitement coh&eacute;rent au niveau interne et tout &agrave; fait conforme &agrave; la r&eacute;alit&eacute; objective, &agrave; une Europe qui, de l&rsquo;ext&eacute;rieur, n&rsquo;ayant pas les tenants et les aboutissants de l&rsquo;affaire, ne percevait (ou faisait semblant de ne pas apercevoir) qu&rsquo;un simple diff&eacute;rent entre deux parties, dont le vote &eacute;tait la solution. N&rsquo;oublions pas que, depuis un bon moment d&eacute;j&agrave;, la partie se jouait non pas &agrave; deux mais &agrave; trois&nbsp;: l&rsquo;Espagne, la Catalogne et l&rsquo;Europe. Et beaucoup de strat&eacute;gies, de l&rsquo;Espagne comme de la Catalogne, n&rsquo;avaient pour but que de se m&eacute;nager le soutien des Europ&eacute;ens. Dans cette perspective, comment expliquer qu&rsquo;un peuple qui demande depuis des ann&eacute;es &agrave; pouvoir d&eacute;cider de son avenir par un vote<sup><a class="footnotecall" href="#ftn170" id="bodyftn170">170</a></sup> refuse, quand on le convoque aux urnes, de s&rsquo;y rendre&nbsp;? Pire, cela serait interpr&eacute;t&eacute; comme craignant les r&eacute;sultats, comme un aveu de ne pas &ecirc;tre s&ucirc;rs d&rsquo;&ecirc;tre majoritaires<sup><a class="footnotecall" href="#ftn171" id="bodyftn171">171</a></sup>, comme un refus de d&eacute;mocratie, ce qui ne pourrait que ternir l&rsquo;image du mouvement ind&eacute;pendantiste qui apparaitrait alors comme totalitariste<sup><a class="footnotecall" href="#ftn172" id="bodyftn172">172</a></sup>. Par ailleurs, ayant choisi l&rsquo;option du non-affrontement frontal, de ne pas r&eacute;sister pour &eacute;viter toute violence et toute effusion de sang, il &eacute;tait impossible de d&eacute;ployer, de rendre effective la R&eacute;publique et d&rsquo;ignorer les &eacute;lections&nbsp;; et ne pas y participer &eacute;quivalait &agrave; faire cadeau de la <em>Generalitat</em> aux anti-ind&eacute;pendantistes qui, aux yeux du monde, seraient alors arriv&eacute;s au pouvoir en toute l&eacute;galit&eacute;. Le pi&egrave;ge se refermait donc.</p> <p class="texte">Une fois donc la d&eacute;cision de se pr&eacute;senter assum&eacute;e, avec tout ce qu&rsquo;elle pouvait repr&eacute;senter de renoncement (et, par voie de cons&eacute;quence, de d&eacute;ception et d&eacute;couragement), un deuxi&egrave;me dilemme se pr&eacute;sentait aux forces ind&eacute;pendantistes&nbsp;: reconduire l&rsquo;alliance &eacute;lectorale entre les deux grandes formations ind&eacute;pendantistes (voire entre les trois, si cette fois-ci, devant l&rsquo;importance des enjeux et pour en faciliter la lecture depuis l&rsquo;&eacute;tranger, la CUP acceptait de se fondre dans la coalition pour pr&eacute;senter une liste unique et unie conduite par <em>Puigdemont</em>) ou se pr&eacute;senter s&eacute;par&eacute;ment afin de ratisser le plus large, au risque d&rsquo;une comp&eacute;tition interne qui pourrait s&rsquo;av&eacute;rer n&eacute;faste. Chacune des deux options pr&eacute;sentait donc des avantages et des inconv&eacute;nients et la pol&eacute;mique qui devait en r&eacute;sulter, tout comme le constat de l&rsquo;impossibilit&eacute; d&rsquo;arriver finalement &agrave; une entente, ne pouvait pas ne pas laisser des traces. Le deuxi&egrave;me pi&egrave;ge avait donc aussi fonctionn&eacute;.</p> <p class="texte">Pour couronner le tout, les ind&eacute;pendantistes ne concourent pas &agrave; &eacute;galit&eacute; de conditions et doivent affronter une campagne &eacute;lectorale aux enjeux cruciaux avec de nombreux handicaps, le plus &eacute;vident &eacute;tant l&rsquo;impossibilit&eacute; de certains candidats &agrave; mener campagne normalement du fait de leur emprisonnement ou de leur condition d&rsquo;exil&eacute;s. Plus sournoisement, les candidats qui ont obtenu une lib&eacute;ration conditionnelle sous contr&ocirc;le judiciaire voient leur libert&eacute; d&rsquo;expression gravement r&eacute;duite du fait qu&rsquo;ils peuvent &agrave; tout moment &ecirc;tre &agrave; nouveau incarc&eacute;r&eacute;s si la Commission &Eacute;lectorale (compos&eacute;e uniquement de personnalit&eacute;s proches du PP) estime qu&rsquo;ils contreviennent aux engagements de respecter la Constitution que leur strat&eacute;gie de d&eacute;fense, comme &agrave; l&rsquo;&eacute;poque de Galil&eacute;e, leur a oblig&eacute; &agrave; accepter pour pouvoir &ecirc;tre lib&eacute;r&eacute;s. Cette &laquo;&nbsp;abjuration&nbsp;&raquo; sera d&rsquo;ailleurs largement utilis&eacute;e par les m&eacute;dias espagnols pour les d&eacute;cr&eacute;diter aux yeux des Catalans et il est probable qu&rsquo;elle ait fait augmenter le sentiment de d&eacute;ception de certains.</p> <p class="texte">Le r&ocirc;le partisan de la Commission &Eacute;lectorale (instance pourtant cens&eacute;e garantir l&rsquo;impartialit&eacute; du processus &eacute;lectoral) a &eacute;t&eacute; une constance depuis le d&eacute;but de la campagne&nbsp;: interdiction d&rsquo;arborer des signes distinctifs jaunes pour se rendre aux urnes, d&rsquo;illuminer en jaune les fontaines de Barcelone<sup><a class="footnotecall" href="#ftn173" id="bodyftn173">173</a></sup>, d&rsquo;utiliser l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;prisonniers&nbsp;politiques&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Pr&eacute;sident <em>Puigdemunt</em>&nbsp;&raquo;<sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn174" id="bodyftn174">174</a></em></sup>, &laquo;&nbsp;Ministre Untel&nbsp;&raquo;, etc. La radio (<em>Catalunya R&agrave;dio</em>) et la t&eacute;l&eacute;vision (TV3) publique catalane, de grande audience et d&rsquo;un professionnalisme sans comparaison avec celui de leurs homologues espagnoles, se trouvent sous &eacute;troite surveillance et font l&rsquo;objet de critiques constantes de la part des unionistes, qui voudraient les r&eacute;duire au silence ou les contr&ocirc;ler<sup><a class="footnotecall" href="#ftn175" id="bodyftn175">175</a></sup>. Un exemple entre mille&nbsp;: TV3 n&rsquo;a pu retransmettre en direct et dans son int&eacute;gralit&eacute; la manifestation de Bruxelles. En revanche, que des candidats soient maintenus en prison ou contraints &agrave; l&rsquo;exile ne constitue pas, aux yeux de la dite Commission, une atteinte &agrave; l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des chances.</p> <p class="texte">Dans ce contexte vici&eacute;, des rumeurs persistances<sup><a class="footnotecall" href="#ftn176" id="bodyftn176">176</a></sup> de pr&eacute;paration de fraude massive, dans la plus pure tradition de bourrage des urnes de l&rsquo;Espagne du XIX<sup>&egrave;me </sup>si&egrave;cle<sup><a class="footnotecall" href="#ftn177" id="bodyftn177">177</a></sup>, ont circul&eacute; sur les r&eacute;seaux sociaux. C&rsquo;est dire la m&eacute;fiance de la population face &agrave; la prise de controle de tous les minist&egrave;res catalans par les homologues espagnols &agrave; laquelle a abouti l&rsquo;application abusive de l&rsquo;article 155. Tout laisse supposer donc que ces &eacute;lections &laquo;&nbsp;sous contr&ocirc;le<sup><a class="footnotecall" href="#ftn178" id="bodyftn178">178</a></sup>&nbsp;&raquo;, cruciales entre toutes, seront tout sauf normales.</p> <h2 class="texte">&Eacute;pilogue (provisoire)</h2> <p class="texte">Au moment o&ugrave; je dois rendre ce texte, moins d&rsquo;une semaine nous s&eacute;pare des &eacute;lections. Beaucoup de coups de th&eacute;&acirc;tre, dans un sens comme dans l&rsquo;autre, peuvent encore se produire et influencer ainsi une &eacute;lection qui s&rsquo;annonce serr&eacute;e du fait du taux de participation historiquement &eacute;lev&eacute; attendu (au-del&agrave; de 80&nbsp;%), o&ugrave; toute une frange de la population qui ne s&rsquo;int&eacute;resse pas d&rsquo;ordinaire &agrave; la politique et/ou qui n&rsquo;a pas d&rsquo;avis tranch&eacute; sur la question<sup><a class="footnotecall" href="#ftn179" id="bodyftn179">179</a></sup> va &ecirc;tre fortement sollicit&eacute;e. A l&rsquo;heure actuelle, il serait tr&egrave;s risqu&eacute; d&rsquo;avancer un pronostic. Mais, au moment o&ugrave; le lecteur aura ce texte entre les mains, le d&eacute;nouement &eacute;lectoral, m&ecirc;me s&rsquo;il risque de ne pas se traduire par un d&eacute;blocage de la situation ni par une solution au probl&egrave;me pos&eacute; (pour les raisons pr&eacute;c&eacute;demment expos&eacute;es), aura eu lieu.</p> <p class="texte">Tout comme pour les pr&eacute;c&eacute;dentes &eacute;lections, la tentative (toujours impos&eacute;e par des tiers) de r&eacute;gler une question binaire (oui ou non, sans contestation possible) par des &eacute;lections de d&eacute;put&eacute;s risque d&rsquo;aboutir &agrave; des r&eacute;sultats qui, loin de trancher le diff&eacute;rend, pourront &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;s de fa&ccedil;on partisane. En effet, &agrave; moins que le bloc favorable &agrave; la s&eacute;cession ne soit majoritaire aussi bien en si&egrave;ges qu&rsquo;en voix, les unionistes clameront que les ind&eacute;pendantistes ont perdu, m&ecirc;me s&rsquo;ils obtiennent plus de voix et de si&egrave;ges que les espagnolistes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn180" id="bodyftn180">180</a></sup>&nbsp;; car la pr&eacute;sence des &laquo;&nbsp;<em>Communs-Podemos</em>&nbsp;&raquo;, avec leur &laquo;&nbsp;ni-ni&nbsp;&raquo;, viendra brouiller la lecture des r&eacute;sultats.</p> <p class="texte">Quoi qu&rsquo;il en soit, une chose est absolument certaine&nbsp;: la rupture entre la Catalogne et l&rsquo;Espagne, qu&rsquo;elle se soit traduite par une ind&eacute;pendance &agrave; plus ou moins court terme ou pas, est consomm&eacute;e et rien, dans l&rsquo;imm&eacute;diat, ne pourra la r&eacute;duire. La d&eacute;saffection des Catalans pour le Royaume d&rsquo;Espagne est d&eacute;sormais trop profonde et irrattrapable, les dol&eacute;ances trop nombreuses, le d&eacute;samour trop d&eacute;finitif. Et m&ecirc;me s&rsquo;ils venaient &agrave; &ecirc;tre vaincus, ils ne se soumettront jamais.</p> <p class="texte">L&rsquo;Europe en g&eacute;n&eacute;ral, et la France en particulier, n&rsquo;ont donc pas fini d&rsquo;entendre parler de &laquo;&nbsp;la question catalane&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Neuville sur Sa&ocirc;ne, le 16&nbsp;d&eacute;cembre&nbsp;2017</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> Sans que sa validit&eacute; ne soit nullement mise en cause, malgr&eacute; l&rsquo;importance des enjeux...</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> <em>El Proc&egrave;s</em>, c&rsquo;est justement le nom (en majuscule) par lequel ce processus est commun&eacute;ment d&eacute;sign&eacute; dans les m&eacute;dias.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> Ce qui n&rsquo;a pas emp&ecirc;ch&eacute; le gouvernement actuel d&rsquo;annoncer, pas plus tard que le 3 novembre 2017, la tenue d&rsquo;un r&eacute;f&eacute;rendum d&rsquo;autod&eacute;termination en Nouvelle-Cal&eacute;donie courant 2018.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> Voir plus loin pour la signification de ces deux dates capitales (et des suivantes).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> La Tch&eacute;coslovaquie, la Yougoslavie ou la propre URSS ont soudainement cess&eacute; d&rsquo;exister. De leur c&ocirc;t&eacute;, les trois r&eacute;publiques baltes sont soudain redevenues ind&eacute;pendantes (de fait, 36 nouveaux pays ont &eacute;merg&eacute; lors des 20 derni&egrave;res ann&eacute;es).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> C&rsquo;est ainsi, par exemple, que se consolida la Prusse suite au Trait&eacute; d&rsquo;Aix-la-Chapelle en 1748 ou que l&rsquo;Europe fut redessin&eacute;e &agrave; la fin de la deuxi&egrave;me guerre mondiale par le trait&eacute; de Yalta.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> C&rsquo;est ainsi, par exemple, que l&rsquo;Alg&eacute;rie est devenue fran&ccedil;aise en 1830 ou qu&rsquo;une partie de l&rsquo;Allemagne est devenue un &Eacute;tat s&eacute;par&eacute; (la RDA, sous influence sovi&eacute;tique).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> C&rsquo;est ainsi, par exemple, que la France a annex&eacute; la Bretagne.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> C&rsquo;est ainsi, par exemple, que la Corse est devenue fran&ccedil;aise (Louis&nbsp;XV racheta l&rsquo;&icirc;le aux G&eacute;nois en 1768) ou que la Louisiane devint am&eacute;ricaine (Napol&eacute;on la vend en 1803).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> On remarquera que dans les deux cas on a affaire &agrave; des territoires insulaires, ce qui simplifie les choses&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> Quatre, m&ecirc;me, si on consid&egrave;re l&rsquo;Ulster, cette partie de la Nation irlandaise rest&eacute;e annex&eacute;e au Royaume.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> Tr&egrave;s souvent, le seul moyen de faire comprendre &agrave; un fran&ccedil;ais la diff&eacute;rence entre &Eacute;tat et Nation a &eacute;t&eacute; en passant par le rugby et le tr&egrave;s populaire&nbsp;&laquo;&nbsp;Tournoi des 5 &ndash;depuis quelques ann&eacute;es, 6- Nations&nbsp;&raquo;. En effet, quand on lui demande de citer les 6 Nations, il &eacute;num&egrave;re la France, l&rsquo;Italie, l&rsquo;Irlande, l&rsquo;Angleterre, l&rsquo;&Eacute;cosse et le Pays de Galles. Et lorsqu&rsquo;on lui fait remarquer que ces trois derni&egrave;res, contrairement aux trois premi&egrave;res, ne sont pas des &Eacute;tats, qu&rsquo;il n&rsquo;y a que quatre &Eacute;tats (avec le Royaume Uni) mais bel et bien six Nations, il est oblig&eacute; d&rsquo;admettre qu&rsquo;il y a une diff&eacute;rence entre une Nation et un &Eacute;tat.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> L&rsquo;article 2 du titre pr&eacute;liminaire de la Constitution actuelle (1978), tout en d&eacute;clarant son &laquo;&nbsp;<em>unit&eacute; indissoluble</em>&nbsp;&raquo; parle bien des &laquo;&nbsp;<em>nationalit&eacute;s et r&eacute;gions qui la composent</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> Un peu &agrave; la fa&ccedil;on dont les multinationales actuelles choisissent les PDG de leurs filiales nationales.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> <em>Guiffredus primus comes Barchinone</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> Hug Capet est couronn&eacute; Roi des Francs en 987.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> La Reconqu&ecirc;te.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> En catalan, <em>Les Corts</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn19" id="ftn19">19</a> Enfant, endoctrin&eacute; par l&rsquo;enseignement de l&rsquo;histoire impos&eacute; par le franquisme, je me demandais souvent pourquoi les archives de la Courone d&rsquo;Aragon se trouvaient dans le quartier ghotique de Barcelone...</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn20" id="ftn20">20</a> O&ugrave; ils restent encore quelques si&egrave;cles sous la forme du Califat de Cordoue d&rsquo;abord, du Royaume de Grenade ensuite.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn21" id="ftn21">21</a> Jacques Ier le Conqu&eacute;rant.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn22" id="ftn22">22</a> Ainsi na&icirc;t le concept de &laquo;&nbsp;Pays Catalans&nbsp;&raquo;, qui englobe la Catalogne au sens strict (sans l&rsquo;Aragon), connue sous le nom de <em>Principat</em>, le Royaume de Valence et le Royaume de Majorque, ce dernier incluant &agrave; l&rsquo;&eacute;poque &eacute;galement le Roussillon, ce qui explique la pr&eacute;sence &agrave; Perpignan (insolite pour celui qui n&rsquo;en conna&icirc;t pas l&rsquo;histoire) du &laquo;&nbsp;Palais des Rois de Majorque&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn23" id="ftn23">23</a> Qui, sur fond jaune, constituent le drapeau catalan.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn24" id="ftn24">24</a> Probablement, le fait de se situer entre les deux a facilit&eacute; le fait d&rsquo;&ecirc;tre pris dans un &eacute;tau qui se refermera progressivement.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn25" id="ftn25">25</a> Nom italianis&eacute; de la famille Borja, d&rsquo;origine aragonaise mais install&eacute;e depuis le XIII<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle &agrave; X&agrave;tiva, au c&oelig;ur du pays valencien.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn26" id="ftn26">26</a> L&rsquo;actuel Pr&eacute;sident, sous lequel l&rsquo;Ind&eacute;pendance vis-&agrave;-vis de l&rsquo;Espagne a &eacute;t&eacute; proclam&eacute;e le 27 octobre 2017.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn27" id="ftn27">27</a> Qui introduit, entre d&rsquo;autres garanties, le droit d&rsquo;<em>habeas corpus</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn28" id="ftn28">28</a> Fa&ccedil;on raccourcie pour se r&eacute;f&eacute;rer &agrave; la p&eacute;ninsule ib&eacute;rique, un peu comme on d&eacute;signe la France par &laquo;&nbsp;l&rsquo;Hexagone&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn29" id="ftn29">29</a> En fait, le premier monarque &agrave; utiliser le titre de Roi des Espagnes (au pluriel) fut Joseph Bonaparte, impos&eacute; aux Espagnols par Napol&eacute;on en 1808, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque de ses conqu&ecirc;tes. Ce n&rsquo;est que tr&egrave;s r&eacute;cemment, au moment de la r&eacute;daction de l&rsquo;actuelle constitution espagnole (1978) qu&rsquo;apparait officiellement l&rsquo;appellation &laquo;&nbsp;Royaume d&rsquo;Espagne&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn30" id="ftn30">30</a> Qu&rsquo;ils appelaient, tr&egrave;s p&eacute;jorativement, &laquo;&nbsp;<em>vieux catalonard</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn31" id="ftn31">31</a> En fait, certains historiens pr&eacute;tendent m&ecirc;me que Colomb lui-m&ecirc;me &eacute;tait un juif catalan qui, de ce fait, avait toujours entretenu un flou sur ses origines (Genevois&nbsp;? Catalan&nbsp;? Bal&eacute;are&nbsp;? Portugais&nbsp;?) ainsi que sur sa religion (juif&nbsp;? chr&eacute;tien&nbsp;?) et n&rsquo;eut de cesse &agrave; brouiller les pistes, d&eacute;truire des documents, etc. pour &eacute;chapper aux foudres de la toute-puissante Inquisition. Une chose est n&eacute;anmoins &eacute;tablie&nbsp;: il signa toujours <em>Colom</em>, &agrave; la catalane, et non pas <em>Col&oacute;n</em>, &agrave; la castillane ou <em>Colomb</em>, &agrave; l&rsquo;italienne.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn32" id="ftn32">32</a> De ce fait, les Catalans ne particip&egrave;rent en rient au g&eacute;nocide des Indiens, des peuples autochtones.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn33" id="ftn33">33</a> Preuve, s&rsquo;il en faut, que les deux royaumes restaient deux &Eacute;tats bien diff&eacute;renci&eacute;s et s&eacute;par&eacute;s.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn34" id="ftn34">34</a> Guerre des Faucheurs. L&rsquo;hymne national catalan porte toujours ce nom (<em>Els Segadors</em>) et date de cet &eacute;pisode.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn35" id="ftn35">35</a> Ce vaste conflit europ&eacute;en qui s&rsquo;&eacute;tala de 1618 &agrave; 1648 (paix de Westfalia) mais qui, en ce qui concerne le contentieux particulier entre l&rsquo;Espagne et la France (voir plus loin la <em>Guerra dels Segadors</em>), se prolongea jusqu&rsquo;en 1659.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn36" id="ftn36">36</a> En somme, un jacobin avant l&rsquo;heure.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn37" id="ftn37">37</a> En effet, la Couronne de Castille fonctionnait comme une monarchie absolue tandis que la Couronne catalano-aragonaise se r&eacute;gissait par un mod&egrave;le de monarchie parlementaire qui limitait s&eacute;rieusement le pouvoir du Roy.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn38" id="ftn38">38</a> On conna&icirc;t cette date dans les manuels d&rsquo;histoire sous le nom de &laquo;&nbsp;Corpus de sang&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn39" id="ftn39">39</a> D&eacute;j&agrave;&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn40" id="ftn40">40</a> N&rsquo;oublions pas que l&rsquo;Espagne et la France sont en pleine guerre l&rsquo;un contre l&rsquo;autre en ce moment-l&agrave;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn41" id="ftn41">41</a> Il le resta, du moins nominalement, jusqu&rsquo;&agrave; sa mort en 1643. Son successeur, Louis XIV, le Roi Soleil, conserva le titre jusqu&rsquo;en 1652.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn42" id="ftn42">42</a> L&rsquo;actuel d&eacute;partement des Pyr&eacute;n&eacute;es Orientales.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn43" id="ftn43">43</a> Cession totalement ill&eacute;gale du point de vue juridique puisque la Constitution catalano-aragonaise stipulait clairement que le Roi n&rsquo;avait pas le pouvoir d&rsquo;amputer une partie du territoire sans le consentement explicite du Parlement&nbsp;; et Felipe IV ne demanda jamais cette autorisation, agissant selon les usages absolutistes de la monarchie castillane et non en tant que monarque constitutionaliste de la Conf&eacute;d&eacute;ration catalano-aragonaise, dont il ne respecta pas la Constitution.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn44" id="ftn44">44</a> En effet, sous le nom de &laquo;&nbsp;Guerre de la Reine Anne&nbsp;&raquo; (1702-1713) on conna&icirc;t la deuxi&egrave;me d&rsquo;une s&eacute;rie de quatre guerres entre la France et l&rsquo;Angleterre en Am&eacute;rique du Nord pour le contr&ocirc;le du continent. Elle fut le pendant de la Guerre de Succession Espagnole en Europe.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn45" id="ftn45">45</a> Qui avait &eacute;t&eacute; couronn&eacute; en 1705 Roi &agrave; Barcelone sous le nom de Charles III.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn46" id="ftn46">46</a> Joseph, fils a&icirc;n&eacute; de l&rsquo;Empereur L&eacute;opold et, par cons&eacute;quent, fr&egrave;re de Charles.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn47" id="ftn47">47</a> Il s&rsquo;installe &agrave; Vienne laissant dans un premier temps son &eacute;pouse &agrave; Barcelone en gage de son implication dans la cause catalane. Il la r&eacute;clame ensuite pr&egrave;s de lui et les Catalans, qui auraient pu la retenir pour forcer leur Roi &agrave; ne pas se d&eacute;sinvestir de l&rsquo;affaire, lui font confiance et la laissent partir. L&rsquo;engagement du Roi dans la lutte pour la Couronne touche alors &agrave; sa fin.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn48" id="ftn48">48</a> Qu&rsquo;elle avait conquise en ao&ucirc;t 1704 et qu&rsquo;elle d&eacute;tient toujours.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn49" id="ftn49">49</a> Qui s&rsquo;&eacute;taient pourtant engag&eacute;s par trait&eacute; &agrave; soutenir sans d&eacute;faillir et jusqu&rsquo;au bout l&rsquo;Ind&eacute;pendance de la Catalogne.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn50" id="ftn50">50</a> Cette funeste date fut plus tard choisie comme F&ecirc;te Nationale. En effet, contrairement &agrave; la plupart des pays, les Catalans ne c&eacute;l&egrave;brent pas une victoire mais le souvenir de ce qu&rsquo;ils ont &eacute;t&eacute;, de ce qu&rsquo;ils ont perdu et de ce qu&rsquo;ils veulent devenir &agrave; nouveau.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn51" id="ftn51">51</a> Bien entendu, la langue catalane fut, tout simplement, interdite. Malgr&eacute; cela, elle ne disparut jamais et, au d&eacute;but du XX&egrave;me si&egrave;cle elle &eacute;tait, encore et toujours, la langue majoritaire et naturelle des gens. Sa grammaire, syntaxe et orthographe furent d&eacute;finitivement fix&eacute;es en 1913 par l&rsquo;illustre linguiste <em>Pompeu Fabra</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn52" id="ftn52">52</a> Une de plus, donc, qu&rsquo;en France&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn53" id="ftn53">53</a> Mouvement culturel catalan du XIX<sup>&egrave;me</sup> qui se consolide autour d&rsquo;une bourgeoisie cultiv&eacute;e qui d&eacute;couvre dans le courant Romantique de l&rsquo;&eacute;poque un int&eacute;r&ecirc;t vers le pass&eacute;, int&eacute;r&ecirc;t manifest&eacute; parall&egrave;lement par la plupart des nations europ&eacute;ennes. <em>La Renaixen&ccedil;a</em> (Renaissance) s&rsquo;identifie clairement avec le redressement culturel catalan et, surtout, avec la r&eacute;cup&eacute;ration de la langue. En effet, si le peuple n&rsquo;avait jamais cess&eacute; de parler dans un catalan ordinaire, une bonne partie de la bourgeoisie, pour mieux d&eacute;fendre ses int&eacute;r&ecirc;ts &eacute;conomiques, avait choisi l&rsquo;int&eacute;gration et de s&rsquo;exprimer exclusivement en castillan, la langue de l&rsquo;occupant. Cette collaboration lui valut la juteuse ouverture du commerce vers Cuba et le Costa Rica, source de v&eacute;ritables fortunes rapidement cumul&eacute;es par ces opportunistes connus sous le nom d&rsquo;<em>indianos</em> (commer&ccedil;ants avec les Indes&hellip;).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn54" id="ftn54">54</a> Le lecteur aura remarqu&eacute; la grande influence de la France sur le sort de la Catalogne, depuis ses d&eacute;buts carolingiens jusqu&rsquo;aux combats contre Napol&eacute;on, en passant par l&rsquo;instauration bourbonienne suite &agrave; la Guerre de Succession (l&rsquo;Espagne est le seul pays o&ugrave; un Bourbon est encore sur le Tr&ocirc;ne&hellip;).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn55" id="ftn55">55</a> Le premier &agrave; utiliser le titre de &laquo;&nbsp;Roi d&rsquo;Espagne&nbsp;&raquo;, au singulier.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn56" id="ftn56">56</a> Le 29 d&eacute;cembre 1874, sous l&rsquo;&eacute;gide du g&eacute;n&eacute;ral <em>Mart&iacute;nez-Campos</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn57" id="ftn57">57</a> La Semaine Tragique.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn58" id="ftn58">58</a> D&eacute;j&agrave; en 1842, le g&eacute;n&eacute;ral Espartero avait lanc&eacute;&nbsp;sa terrible sentence&nbsp;: &laquo;&nbsp;Barcelone doit &ecirc;tre bombard&eacute;e au moins une fois tous les 50 ans&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn59" id="ftn59">59</a> L&rsquo;&eacute;quivalent des d&eacute;partements fran&ccedil;ais.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn60" id="ftn60">60</a> En effet, on connait cette p&eacute;riode de l&rsquo;histoire sous le nom de&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dictature de Primo de Rivera&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn61" id="ftn61">61</a> &Eacute;tat Catalan.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn62" id="ftn62">62</a> Du moins, dans toutes les grandes villes. Lorsque, plusieurs jours plus tard (&agrave; l&rsquo;&eacute;poque on ne disposait des moyens actuels) seront proclam&eacute;s les r&eacute;sultats d&eacute;finitifs, il appara&icirc;t que, gr&acirc;ce au vote rural, les vainqueurs ont &eacute;t&eacute;, en fait, les monarchistes. Mais il &eacute;tait trop tard.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn63" id="ftn63">63</a> &laquo;&nbsp;Gauche R&eacute;publicaine de Catalogne&nbsp;&raquo;, parti qui a&nbsp;perdur&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; nos jours et qui fait partie de la coalition ind&eacute;pendantiste qui a proclam&eacute; l&rsquo;ind&eacute;pendance le 27 octobre dernier.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn64" id="ftn64">64</a> Une sorte de Constitution catalane.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn65" id="ftn65">65</a> Admirateur d&rsquo;Hitler et qui se faisait acclamer, lors des meetings, au cri de &laquo;&nbsp;<em>Jefe&nbsp;! Jefe&nbsp;!</em>&nbsp;&raquo; le stricte &eacute;quivalent de &laquo;&nbsp;F&uuml;hrer&nbsp;&raquo; ou de &laquo;&nbsp;Duce&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn66" id="ftn66">66</a> Le gouvernement de Madrid y d&eacute;p&ecirc;che, pour m&acirc;ter la r&eacute;volte, un tr&egrave;s jeune et prometteur g&eacute;n&eacute;ral qui bient&ocirc;t fera beaucoup parler de lui, un certain Francisco Franco, qui se livre &agrave; une r&eacute;pression sauvage et impitoyable (d&rsquo;innombrables ex&eacute;cutions sommaires, des mineurs pendus par leurs testicules, etc.).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn67" id="ftn67">67</a> La police autonome catalane.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn68" id="ftn68">68</a> C&rsquo;est &agrave; l&rsquo;un d&rsquo;eux, le g&eacute;n&eacute;ral <em>Mill&aacute;n-Astray</em>, que l&rsquo;on doit le sinistre cri&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Viva la muerte</em>&nbsp;!&nbsp;&raquo; ou encore&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; mort l&rsquo;intelligence&nbsp;!&nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn69" id="ftn69">69</a> Qu&rsquo;en Espagne on appelle &laquo;&nbsp;la guerre civile&nbsp;&raquo; ou, tout simplement&nbsp;: &laquo;&nbsp;notre guerre&nbsp;&raquo; (par opposition &agrave; la deuxi&egrave;me Guerre Mondiale).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn70" id="ftn70">70</a> Hitler, sans l&rsquo;aide duquel (et de Mussolini) Franco ne l&rsquo;aurait jamais emport&eacute;, fait les essais grandeur nature de son aviation en rasant la tristement c&eacute;l&egrave;bre ville basque de Guernica, premier bombardement massif et syst&eacute;matique de population civile de l&rsquo;histoire, immortalis&eacute; par Picasso dans son fameux tableau &eacute;ponyme.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn71" id="ftn71">71</a> En catalan&nbsp;: <em>Conseller primer</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn72" id="ftn72">72</a> Georges Orwell, membre des brigades internationales, participa et fut bless&eacute; dans ces combats.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn73" id="ftn73">73</a> Le seul (&agrave; part la petite escadrille de Malraux, plus romantique qu&rsquo;efficace) &agrave; aider militairement (pour des motivations int&eacute;ress&eacute;es, bien entendu) les r&eacute;publicains, les d&eacute;mocraties occidentales ayant sign&eacute; avec Hitler un honteux pacte de non-intervention que celui-ci, comme &agrave; son habitude, ne respecta jamais.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn74" id="ftn74">74</a> Qui se faisaient appeler &laquo;&nbsp;les nationaux&nbsp;&raquo; (et non &laquo;&nbsp;les nationalistes&nbsp;&raquo;, comme on peut le lire souvent en France alors que les franquistes &eacute;taient visc&eacute;ralement oppos&eacute;s aux nationalismes ind&eacute;pendantistes catalan et basque, d&rsquo;o&ugrave; la fameuse maxime de Franco, toujours d&rsquo;actualit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;Espagne, plut&ocirc;t rouge que rompue&nbsp;&raquo;).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn75" id="ftn75">75</a> Qui les parque honteusement sur des camps improvis&eacute;s &agrave; Argel&egrave;s-sur-Mer, Saint-Cyprien, Rivesaltes, etc., gard&eacute;s par les terribles S&eacute;n&eacute;galais, dans des conditions d&rsquo;hygi&egrave;ne et de subsistance inhumaines et o&ugrave; ils meurent par dizaines de milliers avant de pouvoir &eacute;migrer vers l&rsquo;Am&eacute;rique Latine o&ugrave; de s&rsquo;engager dans la R&eacute;sistance fran&ccedil;aise pour poursuivre leur combat antifasciste (les premiers tanks de la division Leclercq qui entre dans paris &agrave; la Lib&eacute;ration appartiennent &agrave; une unit&eacute; de r&eacute;publicains espagnols).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn76" id="ftn76">76</a> Mes parents me racontaient comment, si on parlait en catalan dans la rue, on s&rsquo;entendait dire&nbsp;: &laquo;&nbsp;tiens, encore des chiens qui aboient&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;veuillez parler en chr&eacute;tien&nbsp;&raquo; (lorsqu&rsquo;on n&rsquo;&eacute;tait pas, tout simplement, arr&ecirc;t&eacute;).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn77" id="ftn77">77</a> Oblig&eacute;s de rentrer dans la clandestinit&eacute;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn78" id="ftn78">78</a> Qui, dans les derniers mois de la guerre, et apr&egrave;s s&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;j&agrave; d&eacute;plac&eacute; une fois de Madrid &agrave; Valence, s&rsquo;&eacute;tait install&eacute; &agrave; Barcelone.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn79" id="ftn79">79</a> Seul pays qui ne reconna&icirc;tra jamais le r&eacute;gime franquiste et qui abritera jusqu&rsquo;au bout le Gouvernement R&eacute;publicain en exile.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn80" id="ftn80">80</a> O&ugrave; un tout jeune ministre de la Sant&eacute;, du nom de Salvador Allende, d&eacute;plie une infatigable activit&eacute; pour accueillir un maximum de r&eacute;fugi&eacute;s.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn81" id="ftn81">81</a> &Agrave; l&rsquo;heure actuelle, l&#39;&Eacute;tat espagnol ne l&rsquo;a toujours pas r&eacute;habilit&eacute;. Pire&nbsp;: dans les jours qui ont pr&eacute;c&eacute;d&eacute; la r&eacute;cente proclamation d&rsquo;Ind&eacute;pendance, <em>Pablo Casado</em>, vice-secr&eacute;taire &agrave; la communication du parti au pouvoir en Espagne (le PP, dont on parlera plus en d&eacute;tail dans les pages suivantes) a publiquement menac&eacute; le Pr&eacute;sident <em>Puigdemont</em> de finir comme <em>Companys</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn82" id="ftn82">82</a> Et facilit&eacute; par la mis&egrave;re end&eacute;mique de ces r&eacute;gions et la vitalit&eacute; &eacute;conomique de la Catalogne.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn83" id="ftn83">83</a> Structur&eacute;s suivant le mod&egrave;le fran&ccedil;ais des <em>Camelots du Roi</em>, ils sont tr&egrave;s actifs et efficaces pendant la Guerre Civile.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn84" id="ftn84">84</a> Une des photos les plus connues de lui le montre affubl&eacute; de la chemise bleue des phalangistes et du b&eacute;ret rouge des requet&eacute;s.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn85" id="ftn85">85</a> Il n&rsquo;h&eacute;site pas, par exemple, &agrave; emprisonner <em>Manuel Hedilla</em>, chef de la Phalange qui lui r&eacute;siste et &agrave; le remplacer par un phalangiste &agrave; sa botte.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn86" id="ftn86">86</a> Qui adopte, ne pouvant pas r&eacute;gner pour l&rsquo;instant, l&rsquo;ancien titre de Comte de Barcelone.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn87" id="ftn87">87</a> Un peu sur le mod&egrave;le portugais, o&ugrave; &agrave; la mort du dictateur Salazar, son successeur Caetano poursuivit la m&ecirc;me politique.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn88" id="ftn88">88</a> D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;expression, maintes fois r&eacute;p&eacute;t&eacute;e par Franco&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Todo est&aacute; atado, y bien atado</em>&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Tout est ficel&eacute;, et bien ficel&eacute;&nbsp;&raquo;).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn89" id="ftn89">89</a> La fameuse op&eacute;ration &laquo;&nbsp;<em>Ogro</em>&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Ogre&nbsp;&raquo;).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn90" id="ftn90">90</a> La plupart des militaires en faisaient partie.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn91" id="ftn91">91</a> On apprendra &eacute;galement, des ann&eacute;es plus tard, que <em>Su&aacute;rez </em>et <em>Juan Carlos</em> disposaient de sondages secrets indiquant clairement qu&rsquo;en cas de consultation par r&eacute;f&eacute;rendum sur le syst&egrave;me politique &agrave; adopter (comme ce fut le cas en Italie &agrave; la fin de la Segonde Guerre Mondiale, o&ugrave; les Italiens firent payer au Roi sa compromission avec le fascisme de Mussolini), les Espagnols se seraient d&eacute;clar&eacute;s pour la restauration de la R&eacute;publique (dernier r&eacute;gime en date, d&rsquo;ailleurs, avant le soul&egrave;vement militaire de Franco).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn92" id="ftn92">92</a> Le m&ecirc;me qui avait sign&eacute; le d&eacute;cret des collectivisations au d&eacute;but de la Guerre Civile (voir plus haut).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn93" id="ftn93">93</a> &laquo;&nbsp;Patrie commune et indivisible de tous les espagnols&nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn94" id="ftn94">94</a> Du caf&eacute; pour tous.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn95" id="ftn95">95</a> Galicien, comme <em>Fraga-Irribarne</em> et comme le propre Franco.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn96" id="ftn96">96</a> Il faudrait, une fois pour toutes, d&eacute;diaboliser le concept de nationalisme, cens&eacute; &ecirc;tre presque le Mal supr&ecirc;me dans la bouche d&rsquo;un jacobin. Il convient, en effet, de diff&eacute;rencier un nationalisme &laquo;&nbsp;de conqu&ecirc;te&nbsp;&raquo;, celui exerc&eacute; par un &Eacute;tat sur un autre &Eacute;tat et qui comporte souvent une forte dose de chauvinisme, de x&eacute;nophobie et de discrimination (voire de supr&eacute;matie ethnique ou raciale) et qu&rsquo;il faut, en effet, combattre, d&rsquo;un nationalisme &laquo;&nbsp;de r&eacute;sistance&nbsp;&raquo; d&rsquo;un peuple qui a &eacute;t&eacute; victime du premier et qui aspire &agrave; retrouver son &Eacute;tat pour, ensuite, cesser d&rsquo;&ecirc;tre nationaliste. Dans le premier cas de figure on a affaire &agrave; un nationalisme atavique et p&eacute;renne alors qu&rsquo;il n&rsquo;est que transitoire et provisoire dans le second.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn97" id="ftn97">97</a> C&rsquo;est la fameuse &laquo;&nbsp;immersion linguistique&nbsp;&raquo;, tant d&eacute;cri&eacute;e par les espagnolistes, alors m&ecirc;me que de nombreux experts internationaux ont salu&eacute; comme un succ&egrave;s incontestable et pr&eacute;conis&eacute; son exportation, gr&acirc;ce &agrave; laquelle les enfants et petits-enfants des immigr&eacute;es de la premi&egrave;re vague est parfaitement bilingue comme le reste des Catalans.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn98" id="ftn98">98</a> Il en r&eacute;coltera plus d&lsquo;un million.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn99" id="ftn99">99</a> &laquo;&nbsp;La Constitution (...) reconna&icirc;t et garantit le droit &agrave; l&rsquo;autonomie des nationalit&eacute;s et r&eacute;gions qui l&rsquo;int&egrave;grent... &nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn100" id="ftn100">100</a> En effet, en 2010, le Parlement catalan ne comptait que 14 d&eacute;put&eacute;s ind&eacute;pendantistes sur les 135 qui le composent, soit environ 10&nbsp;%. Nous verrons que lors des &eacute;lections de 2015, ils sont 72, soit 53&nbsp;%. En tout juste 5 ans, l&rsquo;intransigeance et la d&eacute;sastreuse politique envers la Catalogne de <em>Rajoy</em>, que nous allons exposer dans les pages suivantes, ont donn&eacute; aux partis ind&eacute;pendantistes la majorit&eacute; absolue.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn101" id="ftn101">101</a> Nous sommes une nation.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn102" id="ftn102">102</a> En comparaison, cela &eacute;quivaudrait &agrave; r&eacute;unir &agrave; Paris 14 millions de manifestants&hellip; Tout simplement impensable&nbsp;!</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn103" id="ftn103">103</a> Qui, certes, ne reconnait pas le droit &agrave; l&rsquo;ind&eacute;pendance, mais qui recueille et int&egrave;gre l&rsquo;ensemble des trait&eacute;s internationaux sign&eacute;s et ratifi&eacute;s par l&rsquo;Espagne, parmi lesquels la Charte des Nations Unies (ONU) qui, elle, reconna&icirc;t, de fa&ccedil;on expresse &laquo;&nbsp;le droit &agrave; l&rsquo;autod&eacute;termination des peuples&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;droit des peuples &agrave; disposer d&rsquo;eux-m&ecirc;mes&nbsp;&raquo;. Si, comme le mart&egrave;le sans cesse <em>Rajoy</em>, la Constitution Espagnole a un rang sup&eacute;rieur aux lois promulgu&eacute;es par le Parlement catalan, la charte de l&rsquo;ONU est bel et bien de rang sup&eacute;rieur &agrave; la Constitution...</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn104" id="ftn104">104</a> En fait, pratiquement aucune Constitution au monde, m&ecirc;me dans les &Eacute;tats f&eacute;d&eacute;raux, ne pr&eacute;voit la possibilit&eacute; de s&eacute;cession d&rsquo;une partie de leur territoire. Pourtant, dans un pass&eacute; tr&egrave;s r&eacute;cent, 36 nouveaux &Eacute;tats sont apparus en l&rsquo;espace de 20 ans...</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn105" id="ftn105">105</a> Il faut dire aussi que l&rsquo;anti-catalanisme est &eacute;lectoralement tr&egrave;s payant dans le reste de l&rsquo;Espagne&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn106" id="ftn106">106</a> Pourtant, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque des violents et meurtriers attentats de l&rsquo;ETA, le pouvoir central avait r&eacute;p&eacute;t&eacute; des dizaines de fois que &laquo;&nbsp;en l&rsquo;absence de la violence, on pouvait discuter de tout&nbsp;&raquo;. Les Catalans qui l&lsquo;a pris au mot s&rsquo;entendent nonobstant dire aujourd&rsquo;hui&nbsp;: &laquo;&nbsp;au sein de la Constitution, on peut parler de tout&nbsp;&raquo;, ce qui n&rsquo;est pas du tout la m&ecirc;me chose. D&rsquo;ailleurs, l&rsquo;une des choses les plus pr&eacute;occupantes du refus, aussi bien de la part de l&rsquo;Espagne que de l&rsquo;Europe, de la revendication pacifiste des Catalans est que le gouvernement envoie le message que seuls les peuples qui choisissent la violence (l&rsquo;Irlande en son temps, par exemple) obtiennent gain de cause.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn107" id="ftn107">107</a> En 2014, par exemple, il atteint la somme colossale de 16,57 milliards d&rsquo;euros, soit 8,3&nbsp;% de son PIB&nbsp;; soit le double de son Budget pour la Sant&eacute;&nbsp;; le triple de son Budget pour l&rsquo;&Eacute;ducation&nbsp;; ou encore, plus de 8 fois son Budget pour la Protection Sociale.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn108" id="ftn108">108</a> Il y a quelque temps a &eacute;t&eacute; rendu public un enregistrement dans lequel un haut fonctionnaire espagnol, &agrave; la t&ecirc;te de ce qu&rsquo;ils avaient appel&eacute; &laquo;&nbsp;Op&eacute;ration Catalogne&nbsp;&raquo; (et qui a fait l&rsquo;objet d&rsquo;un documentaire &ndash;&laquo;&nbsp;Les &eacute;gouts de l&rsquo;&Eacute;tat&nbsp;&raquo;- tr&egrave;s bien inform&eacute; sur la cellule secr&egrave;te mise en place pour dynamiter le <em>Proc&egrave;s</em>) se r&eacute;jouit d&rsquo;avoir &laquo;&nbsp;niqu&eacute;&nbsp;&raquo; (sic) le syst&egrave;me de sant&eacute; catalan en ajoutant qu&rsquo;ils allaient maintenant s&rsquo;attaquer &agrave; l&rsquo;enseignement, ce que l&rsquo;actualit&eacute;, h&eacute;las, confirme tous les jours.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn109" id="ftn109">109</a> Tous les ans, les Catalans voient partir vers l&rsquo;&Eacute;tat approximativement le double de leur budget de la Sant&eacute;. Ainsi, entre 2002 et 2014, la Catalogne a cumul&eacute; un d&eacute;ficit d&rsquo;environ 200 milliards d&rsquo;euros, soit pratiquement l&rsquo;&eacute;quivalent de son PIB. Ou, autrement dit, les Catalans ont travaill&eacute; un an entier, sur les 13 derniers, rien que pour &laquo;&nbsp;faire cadeau&nbsp;&raquo; de ce d&eacute;ficit &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn110" id="ftn110">110</a> &Agrave; l&rsquo;oppos&eacute;, on se moque souvent des vell&eacute;it&eacute;s ind&eacute;pendantistes de la Corse en arguant que sans les subventions de la France elle serait &eacute;conomiquement inviable. Si &ecirc;tre riche ou &ecirc;tre pauvre constitue un obstacle &agrave; l&rsquo;ind&eacute;pendance, quand est-ce alors qu&rsquo;un peuple peut s&rsquo;&eacute;manciper&nbsp;?</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn111" id="ftn111">111</a> Ce fut le cas &agrave; Albacete, par exemple.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn112" id="ftn112">112</a> Rien que pendant que je r&eacute;digeais ce papier (3 semaines), le chiffre est pass&eacute;, sous mes yeux, de 32 &agrave; 34.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn113" id="ftn113">113</a> Alors qu&rsquo;il aurait suffi que le Parlement espagnol les adopte &eacute;galement pour le reste des citoyens...</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn114" id="ftn114">114</a> Une sorte de &laquo;&nbsp;Taxe Tobin&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn115" id="ftn115">115</a> Vot&eacute;e &agrave; l&rsquo;unanimit&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire, avec les voix des d&eacute;put&eacute;s du PP catalan comprises&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn116" id="ftn116">116</a> Semblable &agrave; celui dont b&eacute;n&eacute;ficient les Basques et qui aurait permis d&rsquo;en finir avec l&rsquo;injustice flagrante du d&eacute;ficit fiscal (dont il a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; fait mention plus haut) inh&eacute;rent &agrave; syst&egrave;me en vigueur.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn117" id="ftn117">117</a> Convaincu qu&rsquo;elle n&rsquo;aurait pas lieu, <em>Rajoy</em> ne donne pas &agrave; la police, &agrave; cette occasion, l&rsquo;ordre de l&rsquo;emp&ecirc;cher et tout se d&eacute;roule dans le calme, la fiert&eacute; et la joie.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn118" id="ftn118">118</a> Pour prix de leur libert&eacute; sous contr&ocirc;le judiciaire en attente de jugement, <em>Artur Mas</em> et les 3 autres membres du gouvernement doivent s&rsquo;acquitter d&rsquo;une caution de&hellip; 5,25 millions d&rsquo;Euros&nbsp;! En fait, ils en versent 2,9 millions et gagent leurs biens personnels pour combler la diff&eacute;rence. Et le hasard a voulu qu&rsquo;au moment m&ecirc;me o&ugrave; je r&eacute;digeais cette note en pied de page, est tomb&eacute;e sur mon ordinateur la nouvelle de la saisie &laquo;&nbsp;&agrave; titre pr&eacute;ventif&nbsp;&raquo; de ces biens (appartements notamment) ordonn&eacute;e par la Cour des Comptes espagnole.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn119" id="ftn119">119</a> Du fait de son caract&egrave;re non-contraignant, qui r&eacute;duisait drastiquement l&rsquo;enjeu r&eacute;el de la consultation, la plupart des unionistes ne se d&eacute;place pas. Le r&eacute;sultat est clairement biais&eacute; et n&rsquo;est donc pas significatif.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn120" id="ftn120">120</a> L&rsquo;expression utilis&eacute;e en Catalogne, mais aussi en Espagne, &eacute;tait&nbsp;: &laquo;&nbsp;&eacute;lections pl&eacute;biscitaires&nbsp;&raquo;, ce qui devait &ecirc;tre pl&eacute;biscit&eacute; (ou pas) n&rsquo;&eacute;tant pas une personne (le Pr&eacute;sident <em>Mas</em>) mais un projet&nbsp;: l&rsquo;ind&eacute;pendance.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn121" id="ftn121">121</a> &laquo;&nbsp;<em>Converg&egrave;ncia democr&aacute;tica de Catalunya</em>&nbsp;&raquo;, devenu depuis &laquo;&nbsp;<em>Partit dels Dem&ograve;crates europeus de Catalunya</em>&nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn122" id="ftn122">122</a> Parmi eux, le tr&egrave;s populaire chanteur catalan <em>Llu&iacute;s Llach</em>, ic&ocirc;ne de la r&eacute;sistance au franquisme et du combat pour l&rsquo;ind&eacute;pendance. Le nom de &laquo;&nbsp;R&eacute;volution des sourires&nbsp;&raquo; sous lequel on d&eacute;signe souvent le <em>Proc&egrave;s</em> catalan est tir&eacute; du titre de l&rsquo;une de ses chansons&nbsp;: &laquo;&nbsp;Avec le sourire, la r&eacute;volte&nbsp;&raquo;. Et son &laquo;&nbsp;tube&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;<em>L&rsquo;estaca&nbsp;&raquo;, </em>traduit dans plusieurs langues (dont le corse) est devenu un hymne national bis, repris en c&oelig;ur dans toutes les manifestations.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn123" id="ftn123">123</a> Junts pel S&iacute; (JxS).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn124" id="ftn124">124</a> Candidatures d&rsquo;Union Populaire.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn125" id="ftn125">125</a> &Agrave; savoir, le d&eacute;j&agrave; mentionn&eacute; PP, un relativement nouveau venu&nbsp;: <em>Ciutadans</em> (C&rsquo;s), sorte de &laquo;&nbsp;marque blanche&nbsp;&raquo; du pr&eacute;c&eacute;dent, et le PSC (socialistes).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn126" id="ftn126">126</a> &laquo;&nbsp;Nous pouvons&nbsp;&raquo;, d&eacute;nomination qui fait un clin d&rsquo;&oelig;il au victorieux &laquo;&nbsp;<em>yes, We can&nbsp;&raquo;</em> d&rsquo;Obama.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn127" id="ftn127">127</a> <em>Artur Mas</em> avait, en effet, proclam&eacute; que ces &eacute;lections constitueraient la &laquo;&nbsp;consultation d&eacute;finitive&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn128" id="ftn128">128</a> En chiffres absolus, il ne manqua que 79.667 voix pour d&eacute;passer ce seuil.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn129" id="ftn129">129</a> Ainsi qu&rsquo;aux m&eacute;dias espagnols, d&eacute;volus au Gouvernement qui les tient via la publicit&eacute; institutionnelle, sans laquelle ils seraient tous en faillite.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn130" id="ftn130">130</a> Un peu comme si l&rsquo;on pr&eacute;tendait que Donald Trump ne pouvait pas diriger les &Eacute;tats-Unis dans la mesure o&ugrave; il obtint environ 2 millions de voix en moins que sa malheureuse rivale Hilary Clinton.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn131" id="ftn131">131</a> Qui, contrairement &agrave; <em>Artur Mas</em> (pourtant du m&ecirc;me parti et ami de longue date) est un ind&eacute;pendantiste de la premi&egrave;re heure.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn132" id="ftn132">132</a> Elles aussi, &eacute;videmment, toutes suspendues par le TC.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn133" id="ftn133">133</a> Tout comme l&rsquo;Espagne avait r&eacute;alis&eacute; sa &laquo;&nbsp;transition d&eacute;mocratique&nbsp;&raquo; partant des lois franquistes pour instaurer une monarchie parlementaire.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn134" id="ftn134">134</a> Puisque Madrid m&eacute;sestima toute demande de n&eacute;gociation et refusa cat&eacute;goriquement la tenue d&rsquo;un r&eacute;f&eacute;rendum. Par ailleurs, toutes les d&eacute;clarations d&rsquo;ind&eacute;pendance sont, par d&eacute;finition, unilat&eacute;rales&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn135" id="ftn135">135</a> On a entendu partout que ce r&eacute;f&eacute;rendum &eacute;tait ill&eacute;gal car contraire &agrave; la Constitution. Juridiquement parlant, c&rsquo;est inexact. En effet, d&egrave;s sa convocation officielle au Journal officiel de la <em>Generalitat</em>, l&rsquo;ex&eacute;cutif espagnol pr&eacute;sente un recours au TC, qui l&rsquo;accepte. Mais l&rsquo;acceptation d&rsquo;un recours, tout en laissant temporairement en suspens, selon le principe de pr&eacute;caution, la loi incrimin&eacute;e, ne pr&eacute;suppose en rien la d&eacute;cision &agrave; venir lorsque le TC en examinera le contenu. Tant qu&rsquo;il ne s&rsquo;&eacute;tait pas d&eacute;finitivement prononc&eacute; sur sa l&eacute;galit&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire, sur sa conformit&eacute; ou pas &agrave; la Constitution, (et le Tribunal ne le fit pas avant la date de sa tenue), le r&eacute;f&eacute;rendum &eacute;tait simplement interdit, pas ill&eacute;gal.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn136" id="ftn136">136</a> Et personne n&rsquo;imaginait alors quel serait ce prix.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn137" id="ftn137">137</a> Achat rendu n&eacute;cessaire puisque Madrid n&rsquo;autorisait pas d&rsquo;utiliser celles habituellement en service lors des &eacute;lections normales, qui appartiennent &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn138" id="ftn138">138</a> Achet&eacute;es de ses propres deniers via Amazon &agrave; la Chine par un industriel de Perpignan, descendant des r&eacute;publicains exil&eacute;s &agrave; la fin de la guerre civile, puis cach&eacute;es dans la petite localit&eacute; d&rsquo;Elne avant d&rsquo;&ecirc;tre introduites en catimini par petits lots en Catalogne.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn139" id="ftn139">139</a> Ce qui traduit une d&eacute;termination, mais aussi une organisation (clandestine, comme aux &laquo;&nbsp;bons vieux temps&nbsp;&raquo; de Franco) exemplaire et qui donne la mesure de la volont&eacute; de voter du peuple catalan, qui ne savait pas encore qu&rsquo;il devrait d&eacute;fendre ces urnes, acquises de haute lutte, avec leurs propres corps lorsque les forces de s&eacute;curit&eacute; espagnoles tent&egrave;rent de les s&eacute;questrer tout au long du 1er octobre. Un livre, racontant l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;que &eacute;pop&eacute;e des urnes, vient d&rsquo;&ecirc;tre publi&eacute; &agrave; Barcelone.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn140" id="ftn140">140</a> Le soir du 1<sup>er</sup> octobre, il osa affirmer &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision qu&rsquo;il n&rsquo;avait pas eu lieu malgr&eacute; que plus de 2 millions de citoyens se soient rendus aux urnes.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn141" id="ftn141">141</a> Alors que, par exemple, les membres du groupuscule n&eacute;o-fasciste qui saccagent les locaux de la d&eacute;l&eacute;gation de la <em>Generalitat</em> &agrave; Madrid en septembre 2013 et qui sont condamn&eacute;s &agrave; 4 ans de prison ferme par le Tribunal Supr&ecirc;me en janvier 2017 sont encore en libert&eacute;&nbsp;; ou qu&rsquo;un homme accus&eacute; de meurtre est laiss&eacute; en libert&eacute; provisoire sans la moindre caution, sans parler du beau-fr&egrave;re du Roi, <em>I&ntilde;aki Urdangarin</em>, condamn&eacute; pour corruption aggrav&eacute;e et trafic d&rsquo;influence &agrave; une peine de 6 ans et trois mois de prison ferme, qui coule des jours paisibles en Suisse et re&ccedil;oit m&ecirc;me de l&rsquo;&Eacute;tat un subside de 3.000 euros mensuels en compensation du pr&eacute;judice suivi du fait de son impopularit&eacute; qui l&rsquo;a &laquo;&nbsp;contraint&nbsp;&raquo; &agrave; s&rsquo;exiler&hellip; Deux poids, deux mesures&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn142" id="ftn142">142</a> Le pouvoir central conteste cette appellation en arguant que dans la mesure o&ugrave; il ne s&rsquo;agit pas de professionnels de la politique, ils ne peuvent pas &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s comme des prisonniers politiques.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn143" id="ftn143">143</a> Personne n&rsquo;avait imagin&eacute; une chose pareille. Il semblait acquis que l&rsquo;Espagne de 2017 ne pouvait pas agir comme celle de 1936 et qu&rsquo;elle ne pouvait pas se permettre que des images d&rsquo;une police s&eacute;questrant des urnes et, encore moins, matraquant de pacifiques votants fassent la une de tous les m&eacute;dias mondiaux. On &eacute;tai persuad&eacute;s que l&rsquo;Europe, b&acirc;tie sur les principes de d&eacute;mocratie et de droits humains, ne le lui pardonnerait jamais. Quelle na&iuml;vet&eacute;&nbsp;!</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn144" id="ftn144">144</a> Quelques jours plus tard, lors d&rsquo;une campagne de la diplomatie espagnole pour tenter de r&eacute;habiliter la mauvaise image de l&rsquo;Espagne suite aux violences polici&egrave;res, le Ministre espagnol des affaires Ext&eacute;rieures, <em>Alfonso Dastis</em>, est interview&eacute; en direct par la BBC anglaise et le journaliste, lui montrant les vid&eacute;os des dites violences, lui demande de se justifier. Le Ministre affirme que beaucoup de ces images &eacute;taient, en fait, des faux. Apr&egrave;s le lui avoir fait r&eacute;p&eacute;ter, le journaliste lui ass&egrave;ne&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quant &agrave; moi, je crois qu&rsquo;elles sont r&eacute;elles puisqu&rsquo;elles ont &eacute;t&eacute; tourn&eacute;es par nos propres &eacute;quipes d&eacute;p&ecirc;ch&eacute;es sur place&nbsp;&raquo;...</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn145" id="ftn145">145</a> En effet, ce pourcentage n&rsquo;est pas loin de celui constat&eacute; lors du r&eacute;f&eacute;rendum l&eacute;gal de 2006 pour approuver l&rsquo;actuel <em>Estatut d&rsquo;Autonomia</em> ou &agrave; celui qui, en Grande Bretagne, s&rsquo;est prononc&eacute; pour le <em>Brexit</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn146" id="ftn146">146</a> C&rsquo;est ainsi, en effet, que certains journalistes espagnols le qualifient.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn147" id="ftn147">147</a> Un sondage publi&eacute; le 30 octobre 2017 par <em>El Mundo</em> (un journal de droite de Madrid), montre que 75,6&nbsp;% des catalans veulent un r&eacute;f&eacute;rendum, ce qui n&rsquo;est pas une surprise&nbsp;; mais il r&eacute;v&egrave;le aussi que la majorit&eacute; des espagnols (57,4) y est &eacute;galement favorable.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn148" id="ftn148">148</a> Qui, le 21 octobre, en m&ecirc;me temps que Jean-Claude Junker, Pr&eacute;sident de la Commission de Bruxelles, et d&rsquo;Antonio Tajani, Pr&eacute;sident du Parlement de Strasbourg, recevait des mains du Roi et de la Reine d&rsquo;Espagne le Prix &laquo;&nbsp;Princesse des Asturies&nbsp;&raquo; de la concorde d&eacute;cern&eacute; &agrave; l&rsquo;Union Europ&eacute;enne. Cela ressemble fort &agrave; une r&eacute;compense pour services rendus&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn149" id="ftn149">149</a> Les catalans ont &eacute;t&eacute; tr&egrave;s d&eacute;&ccedil;us par le positionnement de l&rsquo;Union Europ&eacute;enne, en qui ils avaient une grande confiance, lorsque celle-ci se contenta de protester, du bout des l&egrave;vres, face aux violences polici&egrave;res pour tout de suite marteler qu&rsquo;on ne peut pas agir en contrevenant &agrave; la Constitution et que jamais elle ne reconna&icirc;trait une Catalogne ind&eacute;pendante.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn150" id="ftn150">150</a> Les d&eacute;put&eacute;s unionistes quitt&egrave;rent ostensiblement l&rsquo;h&eacute;micycle au moment du vote.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn151" id="ftn151">151</a> O&ugrave; le PP poss&egrave;de la majorit&eacute; absolue.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn152" id="ftn152">152</a> Le Pr&eacute;sident de la <em>Generalitat</em>, par exemple, ne peut &ecirc;tre destitu&eacute; que par le propre Parlement qui l&rsquo;a investi. C&rsquo;est &eacute;crit noir sur blanc dans l&rsquo;article 152.1 de la propre Constitution espagnole. De m&ecirc;me, seul le Pr&eacute;sident a le pouvoir de convoquer de nouvelles &eacute;lections.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn153" id="ftn153">153</a> Et qui se d&eacute;bat comme un forcen&eacute; pour ne pas en r&eacute;colter encore moins lors des &eacute;lections du 21 d&eacute;cembre.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn154" id="ftn154">154</a> Et qui, m&ecirc;me en Espagne, gouverne &agrave; l&rsquo;heure actuelle en minorit&eacute;, avec la complaisante complicit&eacute; des socialistes espagnols (PSOE) &agrave; qui il suffirait de d&eacute;poser une motion de censure pour le faire tomber. Mais l&rsquo;union sacr&eacute;e pour l&rsquo;unit&eacute; de l&rsquo;Espagne les en emp&ecirc;che. En retournant le c&eacute;l&egrave;bre aphorisme de Franco d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute;, le PSOE se dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;plut&ocirc;t brune que rompue&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn155" id="ftn155">155</a> Lui-m&ecirc;me ayant re&ccedil;u, en mai 2017, un bl&acirc;me du Parlement espagnol pour ing&eacute;rence&nbsp;!</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn156" id="ftn156">156</a> Bien que tr&egrave;s peu de condamn&eacute;s soient effectivement derri&egrave;re les barreaux, certains &eacute;tant toujours derri&egrave;re leurs bureaux. C&rsquo;est ce qu&rsquo;on appelle la Justice &agrave; deux vitesses et &agrave; g&eacute;om&eacute;trie variable.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn157" id="ftn157">157</a> Corrobor&eacute;s par la suite par plusieurs acteurs de premier plan.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn158" id="ftn158">158</a> Attitude tr&egrave;s gaullienne somme toute, que les m&eacute;dias fran&ccedil;ais ne sauront reconna&icirc;tre, pr&eacute;f&eacute;rant parler de &laquo;&nbsp;rocambolesque escapade&nbsp;&raquo; et le faisant presque passer pour un l&acirc;che qui, apr&egrave;s avoir commis son forfait alors qu&rsquo;il avait &eacute;t&eacute; mis en garde de fa&ccedil;on r&eacute;p&eacute;t&eacute;e, fuit ses responsabilit&eacute;s et court se cacher tel un enfant d&eacute;sob&eacute;issant qui craint la correction qu&rsquo;il m&eacute;rite.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn159" id="ftn159">159</a> En fait, ce fut l&rsquo;Europe qui les imposa &agrave; <em>Rajoy</em> qui, lui, avait l&rsquo;intention de les rapporter aux calandres grecques afin de pouvoir g&eacute;rer la Catalogne le plus longtemps possible, aussi longtemps qu&rsquo;il le faudrait pour y d&eacute;truire la graine s&eacute;paratiste, et ne les convoquer que lorsque le camp unioniste serait en mesure de les remporter. Mais l&rsquo;Union Europ&eacute;enne souhaitait r&eacute;gler au plus vite la crise, ne serait-ce que pour des raisons de stabilit&eacute; des march&eacute;s. Et ne voulant pas humilier un membre du club en lui imposant de convoquer le r&eacute;f&eacute;rendum qu&rsquo;il avait jur&eacute; ne jamais permettre, lui imposa ces &eacute;lections imm&eacute;diates dont les r&eacute;sultats seront interpr&eacute;t&eacute;s, c&rsquo;est une &eacute;vidence, en clef r&eacute;f&eacute;rendaire. D&rsquo;o&ugrave; leur importance.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn160" id="ftn160">160</a> Au contraire&nbsp;: <em>Pedro Sanz</em>, le vice-Pr&eacute;sident du Senat, corrobor&eacute; ensuite par <em>Enric Millo</em>, le d&eacute;l&eacute;gu&eacute; du gouvernement central (le Pr&eacute;fet, dirions-nous en France) &agrave; Barcelone, d&eacute;clare officiellement que si les ind&eacute;pendantistes l&rsquo;emportaient et persistaient dans leur volont&eacute; de d&eacute;ployer la R&eacute;publique, l&rsquo;article 155 s&rsquo;appliquerait &agrave; nouveau, avec toutes ses cons&eacute;quences. En d&rsquo;autres termes, m&ecirc;me s&rsquo;ils gagnent, ils perdent.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn161" id="ftn161">161</a> Ne pouvant pas cette fois, s&rsquo;agissant de membres du Gouvernement, pr&eacute;tendre qu&rsquo;ils n&rsquo;&eacute;taient pas des professionnels de la politique, le pouvoir central explique qu&rsquo;en fait il n&rsquo;y a toujours pas de prisonniers politiques, mais des politiques emprisonn&eacute;s.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn162" id="ftn162">162</a> Ceux destin&eacute;s &agrave; la campagne institutionnelle pour le r&eacute;f&eacute;rendum (dans les rares m&eacute;dias qui os&egrave;rent l&rsquo;accepter, &eacute;tant donn&eacute; les risques encourus et les menaces re&ccedil;ues).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn163" id="ftn163">163</a> D&eacute;tentrice d&rsquo;une m&eacute;daille accord&eacute;e par la <em>Guardia Civil</em>&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn164" id="ftn164">164</a> M&ecirc;me les inoffensifs concerts de casseroles ont &eacute;t&eacute; brandis comme des preuves incontestables de violence&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn165" id="ftn165">165</a> Chiffre donn&eacute; par la propre Police F&eacute;d&eacute;rale Belge. Du jamais vu &agrave; Bruxelles, habitu&eacute;e pourtant, en tant que si&egrave;ge de la Commission Europ&eacute;enne, &agrave; des cort&egrave;ges de m&eacute;contents de toute sorte.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn166" id="ftn166">166</a> Il faut garder &agrave; l&rsquo;esprit que le PP, fort de sa majorit&eacute; absolue, avait tent&eacute; de revenir sur le droit &agrave; l&rsquo;avortement, de redonner &agrave; l&rsquo;&eacute;glise catholique un droit de regard sur les manuels scolaires, etc. Et qu&rsquo;il imposa une r&eacute;forme du TC ou une loi interdisant aux journalistes d&rsquo;information d&rsquo;enqu&ecirc;ter sur certaines affaires (loi dite &laquo;&nbsp;<em>mortaza</em>&nbsp;&raquo;<em>, </em>ce qui signifie&nbsp;: baillon) contre l&rsquo;avis de l&rsquo;ensemble des partis de l&rsquo;opposition.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn167" id="ftn167">167</a> Qui ne devraient s&rsquo;occuper que de &laquo;&nbsp;l&rsquo;entretien des routes et de choses similaires&nbsp;&raquo;, comme le d&eacute;clara <em>Rajoy</em> lorsqu&rsquo;il &eacute;tait le chef de l&rsquo;opposition.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn168" id="ftn168">168</a> Interview accord&eacute;e par <em>Jos&eacute; Mar&iacute;a Aznar</em> (ancien Premier Ministre Espagnol et pr&eacute;d&eacute;cesseur de <em>Rajoy</em> &agrave; la t&ecirc;te du PP) au journal <em>La Nueva Rioja</em> en 1979 (d&eacute;j&agrave;&nbsp;!). La crise catalane offrait enfin l&rsquo;excuse tant attendue pour tenter de d&eacute;sactiver l&rsquo;esprit autonomiste que pr&eacute;side la Constitution.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn169" id="ftn169">169</a> Issue de la soci&eacute;t&eacute; civile et ind&eacute;pendantiste de la premi&egrave;re heure, elle pr&eacute;sida l&rsquo;ANC avant de se pr&eacute;senter aux &eacute;lections de 1977.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn170" id="ftn170">170</a> &laquo;&nbsp;Votarem&nbsp;&raquo; (nous voterons) &eacute;tait, en effet, le cri de ralliment pour exiger le r&eacute;f&eacute;rendum.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn171" id="ftn171">171</a> Comme ne cessaient de le marteler les unionistes, en se r&eacute;f&eacute;rant &agrave; la &laquo;&nbsp;majorit&eacute; silencieuse&nbsp;&raquo; dont l&rsquo;appropriation est si ais&eacute;e.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn172" id="ftn172">172</a> Plusieurs leaders espagnolistes n&rsquo;avaient pas h&eacute;sit&eacute;, d&rsquo;ailleurs, &agrave; comparer les ind&eacute;pendantistes aux nazis.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn173" id="ftn173">173</a> M&ecirc;me l&rsquo;arbre de No&euml;l de la <em>Generalitat</em> a du &ecirc;tre expurg&eacute; des rubans jaunes qui le d&eacute;coraient.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn174" id="ftn174">174</a> Alors que, tout comme en France, les anciens Pr&eacute;sidents ou Premiers ministres gardent l&rsquo;usage de ce titre et que l&rsquo;on le donne &agrave; tous les autres anciens Pr&eacute;sidents de la <em>Generalitat</em> encore en vie.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn175" id="ftn175">175</a> Le leader du PP en Catalogne, <em>Xavier Garcia Albiol</em>, a r&eacute;cemment os&eacute; proclamer publiquement qu&rsquo;il faudrait fermer TV3 et la rouvrir &laquo;&nbsp;avec&nbsp;des gens normaux&nbsp;&raquo; (sic). Ou encore, dans la bouche de <em>Josep Borrell</em>, un dirigeant socialiste&nbsp;: &laquo;&nbsp;Avant de renfermer les plaies, il faut d&eacute;sinfecter. Il faut d&eacute;sinfecter, pour commencer, les moyens de communication&nbsp;&raquo;. Ces propos ont engendr&eacute; une vive pol&eacute;mique.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn176" id="ftn176">176</a> Ce qui ne signifie pas forc&eacute;ment qu&rsquo;elles soient fond&eacute;es.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn177" id="ftn177">177</a> P&eacute;riode o&ugrave; s&rsquo;est instaur&eacute; un bipartidisme presque institutionnel entre conservateurs et lib&eacute;raux, qui avaient accord&eacute; une alternance syst&eacute;matique &agrave; chaque &eacute;lection quel qu&rsquo;il soit le r&eacute;sultat du vote de la population et qui est &agrave; l&rsquo;origine de la cel&egrave;bre expression &laquo;&nbsp;<em>pucherazo</em>&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;<em>tupinada</em>&nbsp;&raquo;, en catalan), qu&rsquo;on pourrait traduire par &laquo;&nbsp;coup de marmite&nbsp;&raquo;, en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; cet ustensil de cuisine, rempli d&rsquo;enveloppes contenant le vote qui devait l&rsquo;emporter, qui &eacute;tait ouvertement et sans vergogne vid&eacute; dans les urnes au moment de proc&eacute;der au d&eacute;pouillement.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn178" id="ftn178">178</a> Certains disent m&ecirc;me&nbsp;: &laquo;&nbsp;sous occupation&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn179" id="ftn179">179</a> Ce qui la rend particuli&egrave;rement sensible &agrave; la propagande officielle.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn180" id="ftn180">180</a> Hypoth&egrave;se que la plupart des sondages privil&eacute;gient.</p>