<p class="texte"><strong>DOSSIER : L&#39;AVENIR DE LA DEMOCRATIE</strong></p> <p class="texte"><strong>SOMMAIRE</strong></p> <p><strong>1. Le point succinct sur le concept de la reconnaissance</strong></p> <p><strong>2. Commentaires, remarques et questions que suscite encore la reconnaissance</strong></p> <p><strong>3. L&rsquo;invisibilit&eacute;-visibilit&eacute; figurative de l&rsquo;humain chez le citoyen en d&eacute;mocratie</strong></p> <p class="texte">L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une r&eacute;flexion sur l&rsquo;actualit&eacute; politique &agrave; travers le prisme de la reconnaissance est &agrave; l&rsquo;origine de cet article pour tester la pertinence de ce concept per&ccedil;u aujourd&rsquo;hui comme circonscrit dans son sens et sa port&eacute;e. Pourquoi y revenir, plus pr&eacute;cis&eacute;ment, alors que de nombreuses recherches en philosophie sociale et en sociologie existent sur le sujet, et non des moindres, puisque l&rsquo;impulsion en a &eacute;t&eacute; donn&eacute;e par Hegel&nbsp;? Parce qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;&eacute;vocation du concept de reconnaissance conduit presque exclusivement &agrave; son explication par la lutte des classes comme destin pour cette notion, scell&eacute;e au marxisme jusqu&rsquo;&agrave; se dissoudre presqu&rsquo;en lui. La probl&eacute;matique de la reconnaissance serait devenue d&eacute;su&egrave;te dans la mesure o&ugrave; les classes moyennes s&rsquo;&eacute;tant d&eacute;ploy&eacute;es, la classe ouvri&egrave;re d&rsquo;autrefois a perdu son identit&eacute;. De plus, la d&eacute;mocratie, en permettant l&rsquo;expression de tous les citoyens, illustrerait la reconnaissance de leur &eacute;galit&eacute; et donnerait &agrave; penser que la vigilance quant au maintien de cette caract&eacute;ristique est constante en d&eacute;mocratie. En r&eacute;sum&eacute;, la d&eacute;mocratie permettrait de traiter les d&eacute;rives &eacute;ventuelles sur le plan social puisqu&rsquo;elle permet l&rsquo;expression de l&rsquo;opposition.</p> <p class="texte">S&rsquo;il est incontestable que la d&eacute;mocratie ouvre au d&eacute;bat permanent dans nos pays, l&rsquo;observation du fonctionnement de nos soci&eacute;t&eacute;s conduit &agrave; constater une priorit&eacute; donn&eacute;e au d&eacute;veloppement mat&eacute;riel en g&eacute;n&eacute;ral et aux technologies diverses en particulier, ce qui pr&eacute;sente des avantages mais &eacute;galement des inconv&eacute;nients. L&rsquo;impression de cette omnipr&eacute;sence semble signifier que le bien-&ecirc;tre de l&rsquo;humain se concentre dans l&rsquo;acquisition et l&rsquo;utilisation du mat&eacute;riel, la technique menant &agrave; l&rsquo;&eacute;quilibre global de l&rsquo;individu, et donc &agrave; sa sant&eacute;. Ce n&rsquo;est pas tout &agrave; fait ce que nous constatons. La course folle engag&eacute;e par l&rsquo;utilisation des outils technologiques, jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;asservissement parfois, s&rsquo;est &laquo;&nbsp;d&eacute;mocratis&eacute;e&nbsp;&raquo; en touchant des utilisateurs de toutes origines sociales et, simultan&eacute;ment, a fait &eacute;merger des malaises ou m&ecirc;me des pathologies graves. Mais lorsque l&rsquo;attraction est ext&eacute;rieure &agrave; l&rsquo;humain lui promettant un progr&egrave;s, alors il cherche son bien-&ecirc;tre &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur et s&rsquo;&eacute;loigne de lui-m&ecirc;me. La soci&eacute;t&eacute; de consommation l&rsquo;a parfaitement compris et le spectacle quotidien vient le confirmer. L&rsquo;humain a besoin de soigner son image, son apparence, pour se reconna&icirc;tre et &ecirc;tre reconnu.</p> <p class="texte">Comme toujours, des avanc&eacute;es scientifiques et techniques sont ambivalentes bien que l&rsquo;impression de commencer &agrave; s&rsquo;interroger que les effets de cette acc&eacute;l&eacute;ration du temps en g&eacute;n&eacute;ral, de cette n&eacute;cessaire r&eacute;duction du temps pour agir et r&eacute;agir, de ce temps r&eacute;el qui s&rsquo;impose et nous d&eacute;passe en bouleversant nos rythmes biologiques. L&rsquo;efficacit&eacute; choisit ses crit&egrave;res d&rsquo;&eacute;valuation en fonction de ces pressions, l&rsquo;impatience devient la cons&eacute;quence, et l&rsquo;&ecirc;tre humain la victime. Mais il est son propre bourreau dans la mesure o&ugrave; il est l&rsquo;acteur de ces bouleversements, positifs d&rsquo;ailleurs, mais donnant l&rsquo;impression d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; pens&eacute;s et mis en &oelig;uvre en l&rsquo;absence de l&rsquo;humain, de ce qui le qualifie, de ce qui lui est n&eacute;cessaire pour vivre en respectant son fonctionnement biologique et physiologique par exemple et psychique bien &eacute;videmment. Les &eacute;cueils sont &agrave; d&eacute;couvrir a posteriori.</p> <p class="texte">D&egrave;s lors, il appara&icirc;t une question majeure v&eacute;hicul&eacute;e par la reconnaissance&nbsp;de ce que nous sommes, des &ecirc;tres de besoins&nbsp;: quelle dignit&eacute; pour l&rsquo;homme de demain&nbsp;? Le mot &laquo;&nbsp;humain&nbsp;&raquo; sera-t-il encore enracin&eacute; concr&egrave;tement dans la soci&eacute;t&eacute; future&nbsp;? Ses &eacute;motions, sensations, sentiments, affects, ou dit autrement, l&rsquo;amiti&eacute;, l&rsquo;amour, les liens profonds humains et la chaleur humaine auront-ils une place pour que l&rsquo;humain s&rsquo;exprime en vivant pleinement sa qualit&eacute; d&rsquo;humain&nbsp;? Ou bien, succomberons-nous &agrave; la facilit&eacute;, celle de sous-traiter le complexe aux robots qui nous auront simplifi&eacute;s, au point que l&rsquo;humain sera en errance&nbsp;? En r&eacute;sum&eacute;, quelle reconnaissance, demain, pour les Droits de l&rsquo;Homme dans ces conditions, pour le citoyen, pour la d&eacute;mocratie et pour la soci&eacute;t&eacute; des humains&nbsp;?</p> <p class="texte">Il semble que le moment est venu pour consid&eacute;rer le parcours accompli par l&rsquo;&eacute;volution sociale comme il est judicieux, lorsque nous nous d&eacute;pla&ccedil;ons, de faire le point. En effet, les sciences et les techniques ont fourni des progr&egrave;s gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;adaptation de leur perception de l&rsquo;homme compatible avec leurs recherches, la raison et l&rsquo;objectivit&eacute; induisant une mise en &eacute;vidence de certains param&egrave;tres au d&eacute;triment d&rsquo;autres. Par ailleurs, l&rsquo;impact d&rsquo;avoir &agrave; gouverner les grands nombres tend &agrave; rechercher dans le g&eacute;n&eacute;ral, la r&eacute;ponse au particulier et m&ecirc;me au singulier, ce qui induit, peu &agrave; peu, &agrave; s&rsquo;abstraire de la complexit&eacute; de la dynamique du vivant en situation au profit de sa r&eacute;duction dans une construction mentale r&eacute;duite aux traits &laquo;&nbsp;n&eacute;cessaires&nbsp;&raquo; et pertinents. C&rsquo;est l&rsquo;homme, objet des conditions exp&eacute;rimentales diverses selon les disciplines, mais toujours appr&eacute;hend&eacute; comme objet. Dans ces conditions de n&eacute;cessit&eacute;, une cons&eacute;quence va peu &agrave; peu imposer le mod&egrave;le conceptuel abstrait de l&rsquo;humain, estompant ce qui le d&eacute;finit comme vivant, &agrave; savoir qu&rsquo;il est un &ecirc;tre sensible et donc sujet &agrave; un v&eacute;cu int&eacute;rieur silencieux mais actif, qui se manifeste par exemple, dans les 30&nbsp;% d&rsquo;effet placebo. De plus, cet effet placebo montre la porosit&eacute; entre le corps et l&rsquo;esprit humain.</p> <p class="texte">Ainsi, il est int&eacute;ressant de s&rsquo;interroger sur la reconnaissance de l&rsquo;homme dans la soci&eacute;t&eacute; contemporaine, en d&eacute;mocratie par exemple, celle-l&agrave; m&ecirc;me qui suppose l&rsquo;expression de l&rsquo;opposition et le suffrage universel, a fortiori dans la mesure o&ugrave; le citoyen dans sa d&eacute;nomination laisse un doute sur la prise en compte de sa sensibilit&eacute; de vivant. Elle s&rsquo;&eacute;nonce le plus souvent, dans les r&eacute;sultats aux &eacute;lections qui, tr&egrave;s souvent, surprennent et suscitent tant d&rsquo;efforts pour en d&eacute;crypter les sources profondes, ce qui d&eacute;montre que l&rsquo;homme conserve une dimension qui lui est propre encore capable de se r&eacute;v&eacute;ler. Cependant, les conclusions auxquelles ces situations conduisent, d&eacute;montrent qu&rsquo;elles sont victimes des cat&eacute;gorisations d&eacute;j&agrave; &eacute;tablies dans le pass&eacute;, ce qui laisse une impression parfois, de tourner en rond sans issue r&eacute;ellement adapt&eacute;e. Notre soci&eacute;t&eacute; ne se serait-elle pas emball&eacute;e au point d&rsquo;avoir perdu le Nord en &eacute;garant la boussole, tout en continuant &agrave; utiliser les grilles de lecture d&rsquo;hier&nbsp;?</p> <p class="texte">Il y a quelques ann&eacute;es d&eacute;j&agrave;, un diagnostic g&eacute;n&eacute;ral de crise polymorphe &eacute;tait appliqu&eacute; &agrave; pratiquement tous les secteurs de la vie sociale et &agrave; tous leurs syst&egrave;mes&nbsp;: &eacute;conomique, financier, politique, &eacute;ducatif, sociaux, etc... Ce malaise manifest&eacute; et d&eacute;nonc&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;poque ne para&icirc;t pas avoir trouv&eacute; de th&eacute;rapeutique holistique si l&rsquo;on consid&egrave;re les manifestations du pass&eacute; plus ou moins r&eacute;cent accompagn&eacute;es de violences, justifi&eacute;es par un probl&egrave;me de reconnaissance. A ce sujet, leur lisibilit&eacute; par le biais d&rsquo;une grille inspir&eacute;e de la reconnaissance, pourrait &ecirc;tre tent&eacute;e car les messages v&eacute;hicul&eacute;s &eacute;taient impuls&eacute;s par un d&eacute;sarroi quant au constat d&rsquo;une poursuite (puisque cela ne portait pas uniquement sur les faits actuels) dans ce qui est ressenti comme n&rsquo;&ecirc;tre pas entendu, n&rsquo;&ecirc;tre pas &eacute;cout&eacute;, compris (dans les deux sens du terme d&rsquo;ailleurs&nbsp;!), etc.</p> <p class="texte">En ce sens, nous paraissons plac&eacute;s devant l&rsquo;alternative suivante&nbsp;: soit continuer &agrave; consid&eacute;rer qu&rsquo;il s&rsquo;agit, toujours, du d&eacute;bordement des passions, encore excessives, m&ecirc;me si l&rsquo;exc&egrave;s est pr&eacute;sent mais ne r&eacute;pondait-il pas &agrave; un exc&egrave;s per&ccedil;u et v&eacute;cu&nbsp;? Soit aborder l&rsquo;esprit de la politique en consid&eacute;rant quelle compatibilit&eacute; est possible lorsque le choix porte sur l&rsquo;am&eacute;lioration du collectif en imposant &agrave; l&rsquo;individuel de s&rsquo;y adapter, quel que soit la situation de l&rsquo;individuel composant le collectif&nbsp;?</p> <p class="texte">Dit autrement, l&rsquo;approche &laquo;&nbsp;malthusienne&nbsp;&raquo; du collectif peut-elle conduire au bien-&ecirc;tre individuel sur le plan profond de la vie quotidienne, y compris en laissant esp&eacute;rer que le chemin emprunt&eacute; y conduit&nbsp;? La civilisation occidentale para&icirc;t &ecirc;tre confront&eacute;e &agrave; un tournant majeur sur ce plan, pas toujours per&ccedil;u par ceux pour lesquels leur vie quotidienne ne les place pas face &agrave; l&rsquo;acuit&eacute; d&rsquo;une souffrance due &agrave; leur constat d&rsquo;impuissance. Il est vrai que selon notre position dans la pyramide, &ecirc;tre plut&ocirc;t au sommet fait oublier la base.</p> <p class="texte">A l&rsquo;aube de ce nouveau mill&eacute;naire, la fracture sociale<sup><a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a></sup> apparaissait dans une campagne &eacute;lectorale tandis que des ouvrages le traduisaient par &laquo;&nbsp;le ghetto fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a></sup>, &laquo;&nbsp;la peur du d&eacute;classement&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a></sup> ou encore &laquo;&nbsp;la France p&eacute;riph&eacute;rique&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a></sup>. Il ne s&rsquo;agit pas de vouloir &ecirc;tre exhaustif dans l&rsquo;&eacute;num&eacute;ration de ces alertes mais de rappeler ce son polyphonique, peu agr&eacute;able car porteur d&rsquo;un message alarmiste concernant une cat&eacute;gorie de citoyens, pourtant relativement importante puisque dans une pyramide, la base est plus large que le sommet. Mais cette r&eacute;alit&eacute; n&rsquo;&eacute;tant pas flatteuse d&rsquo;une part et d&rsquo;autre part, elle d&eacute;crivait des coins particuliers du territoire fran&ccedil;ais, ceux qui ne sont pas pratiqu&eacute;s par le tout-venant, il est toujours possible d&rsquo;accuser les lanceurs d&rsquo;alertes de mauvaises intentions, cherchant &agrave; faire reconna&icirc;tre une r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;il est toujours possible de rendre invisible. D&rsquo;ailleurs, n&rsquo;attendons-nous pas, le plus souvent, que des sympt&ocirc;mes apparaissent et que la maladie se d&eacute;clare pour consid&eacute;rer l&rsquo;objectivit&eacute; d&rsquo;un mal, alors que ce dernier peut s&rsquo;&ecirc;tre install&eacute; depuis longtemps tout en &eacute;tant ignor&eacute;, rendu invisible&nbsp;? O&ugrave; se situe la reconnaissance du mal et quelle importance accordons-nous &agrave; sa pr&eacute;vention&nbsp;? Au-del&agrave; de la lutte pour la reconnaissance en sociologie et en philosophie sociale, un champ d&rsquo;exploration peut s&rsquo;ouvrir sur ces bases en psychologie politique.</p> <p class="texte">Plus pr&eacute;cis&eacute;ment, &agrave; l&rsquo;origine des travaux sur la reconnaissance, Hegel a inclin&eacute; ses analyses en privil&eacute;giant l&rsquo;universel dans son opposition au singulier, ce qui induit implicitement &agrave; chercher dans le collectif les constantes de l&rsquo;individuel. L&rsquo;homme statistiquement d&eacute;fini participe de cette d&eacute;marche &eacute;galement. Or, sans vouloir inverser le choix, d&egrave;s lors que l&rsquo;homme est appr&eacute;hend&eacute; dans sa pr&eacute;sence physique, ce qui se d&eacute;gage de lui est qu&rsquo;il est anim&eacute; de sensations, de sentiments, d&rsquo;&eacute;motions, etc. qui le d&eacute;finissent dans sa qualit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre humain vivant, en mouvement, et non fig&eacute;. En cons&eacute;quence, la pertinence des connaissances fournies par Hegel n&rsquo;est pas &agrave; remettre en cause mais peut &ecirc;tre compl&eacute;t&eacute;e par l&rsquo;insertion des r&eacute;flexions quant &agrave; l&rsquo;individuel secret, l&rsquo;intime, l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute;, fournies par George Simmel<sup><a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a></sup>, le &laquo;&nbsp;r&eacute;siduel inaccessible au social&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Or, s&rsquo;agit-il bien de &laquo;&nbsp;r&eacute;siduel&nbsp;&raquo; (comme d&rsquo;ordinaire il est appr&eacute;hend&eacute;) dans la mesure o&ugrave; toute l&rsquo;interpr&eacute;tation personnelle sur le plan des &eacute;motions, des affects, des sensations, du psychique, en situation de reconnaissance reste dans l&rsquo;ombre bien que d&eacute;terminant la lecture de l&rsquo;exp&eacute;rience v&eacute;cue, consciente ou pas d&rsquo;ailleurs&nbsp;? Ceci implique que le singulier intime aurait un impact non n&eacute;gligeable sur le social tout en ne se r&eacute;v&eacute;lant pas obligatoirement. Des exemples de vengeance d&eacute;termin&eacute;e et pers&eacute;v&eacute;rante existent dans des relations de voisinage dans lesquelles des anc&ecirc;tres avaient eu &agrave; d&eacute;coudre et dont les traces se font encore sentir et ressentir d&rsquo;ailleurs, dans la cohabitation contemporaine. L&rsquo;&ecirc;tre soi n&rsquo;est pas totalement r&eacute;ductible &agrave; l&rsquo;&ecirc;tre social et se soustrait &agrave; lui parfois.</p> <p class="texte">Sans vouloir nous enfermer dans la psychanalyse mais sans l&rsquo;exclure tout &agrave; fait non plus, il est int&eacute;ressant de faire &eacute;tat, ici, de la traduction, par Cornelius Castoriadis<sup><a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a></sup> de ce mode d&rsquo;&ecirc;tre par&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;insconscient, &eacute;crivait Freud, ignore le temps et ignore la contradiction... L&rsquo;inconscient constitue un &laquo;&nbsp;lieu&nbsp;&raquo; o&ugrave; le temps (identitaire)... comme d&eacute;termin&eacute; par et d&eacute;terminant une succession ordonn&eacute;e, n&rsquo;existe pas&nbsp;&raquo; et, plus loin, il souligne&nbsp;: &laquo;&nbsp;lorsque, &agrave; propos de l&rsquo;inconscient (et m&ecirc;me du conscient), nous parlons de repr&eacute;sentation en la s&eacute;parant de l&rsquo;affect et de l&rsquo;intention inconscients... Comment ne pas voir qu&rsquo;elle (la repr&eacute;sentation) &eacute;chappe aux sch&egrave;mes logiques les plus &eacute;l&eacute;mentaires...&nbsp;&raquo; et enfin, il insiste&nbsp;: &laquo;&nbsp;nous nous leurrons,... Lorsque, emport&eacute;s par l&rsquo;habitude de l&rsquo;interpr&eacute;tation, la n&eacute;cessit&eacute; de traduire les donn&eacute;es de l&rsquo;inconscient en termes de langage, etc.&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Tout n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; dit sur la reconnaissance, nous semble-t-il, ni sur ses corollaires que sont le m&eacute;pris et l&rsquo;humiliation. D&rsquo;ailleurs, l&rsquo;humiliation subie par l&rsquo;Allemagne au lendemain de la Premi&egrave;re Guerre Mondiale, &agrave; l&rsquo;occasion de la signature du Trait&eacute; de Versailles en 1919, est cit&eacute;e parmi les causes de la Seconde Guerre Mondiale. Par ailleurs, Hitler est d&eacute;crit comme ayant personnalis&eacute; ce challenge dans la vengeance, objectif devenu tant personnel que national. Et puis, il serait possible de poursuivre en citant l&rsquo;ouvrage de Jean Ziegler<sup><a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a></sup> &laquo;&nbsp;La Haine de l&rsquo;Occident&nbsp;&raquo; o&ugrave; l&rsquo;humiliation a &eacute;t&eacute; exprim&eacute;e par les pays du Tiers Monde nouvellement d&eacute;colonis&eacute;s r&eacute;unis pour la premi&egrave;re fois &agrave; l&rsquo;occasion de la conf&eacute;rence de Bandung en 1955 ou ceux de Bertrand Badie<sup><a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a></sup> qui reprend plus largement l&rsquo;humiliation dans les rapports internationaux.</p> <p class="texte">Un int&eacute;r&ecirc;t se profile &agrave; soulever le voile sur la reconnaissance dans un champ plus large que celui de la philosophie sociale pour &eacute;clairer davantage qui est &laquo;&nbsp;reconnaissable&nbsp;&raquo; et comment cela est v&eacute;cu. Ce qui nous semble faire d&eacute;faut depuis de nombreuses ann&eacute;es, c&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; force de craindre les passions en leur pr&eacute;f&eacute;rant la raison, nous nous sommes &eacute;loign&eacute;s des &eacute;motions et des affects. Cela nous entra&icirc;ne &agrave; risquer de minorer ou d&rsquo;omettre le fait qu&rsquo;une telle d&eacute;marche, dans sa logique interne, peut aboutir &agrave; ne pr&ecirc;ter attention qu&rsquo;aux concepts et &agrave; l&rsquo;abstraction humaine, simplifiant l&rsquo;humain &agrave; ce qui reste adapt&eacute;e &agrave; son approche exp&eacute;rimentale. Y r&eacute;fl&eacute;chir par le biais de la notion conceptualis&eacute;e de reconnaissance peut n&rsquo;&ecirc;tre pas inutile, ce qui ne nous place pas, pour autant, dans une position d&rsquo;opposition mais dans celle d&rsquo;une vigilance accrue.</p> <p class="texte">Si la vie humaine dans toutes ses dimensions est complexe, c&rsquo;est qu&rsquo;elle est conflictuelle, y compris dans la vie int&eacute;rieure de chacun de nous, et en niant ce dernier, un diktat implicite s&rsquo;op&egrave;re &agrave; opter pour le mod&egrave;le dominant impos&eacute; auquel se r&eacute;f&egrave;re les d&eacute;cisions et les actions prises au nom des citoyens. C&rsquo;est pourquoi, la port&eacute;e de la probl&eacute;matique de la reconnaissance d&eacute;passe, &agrave; notre sens, les champs disciplinaires dans lesquels elle a &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute;e jusqu&rsquo;ici, et dont, outre Hegel, Axel Honneth, reste le plus reconnu d&rsquo;entre eux pour ce th&egrave;me, tout en ne rendant pas coupables uniquement les gouvernants. C&rsquo;est l&rsquo;objet que nous souhaitons mettre en &eacute;vidence dans cet article.</p> <p class="texte">Ainsi, commencer &agrave; traiter de la reconnaissance, c&rsquo;est rappeler la contribution, apr&egrave;s Hegel, en priorit&eacute; d&rsquo;Axel HONNETH, philosophe et sociologue, Directeur de l&rsquo;Institut de Recherche Sociale de l&rsquo;Universit&eacute; J. W. GOETHE et professeur philosophie sociale, m&ecirc;me si depuis quelques ann&eacute;es, ses travaux ont vu quelques tentatives d&rsquo;explorations dans des pistes plus vari&eacute;es. A l&rsquo;origine, Axel HONNETH s&rsquo;est inscrit dans la promotion d&rsquo;une th&eacute;orie critique du capitalisme dont le concept de reconnaissance a pris un r&ocirc;le relativement central, &agrave; la suite des premiers pas de Hegel. Pour en conserver la trace, nous avons opt&eacute; pour le choix du titre de cet article, celui de l&rsquo;un des ouvrages d&rsquo;Axel HONNETH&nbsp;: &laquo;&nbsp;la lutte pour la reconnaissance&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Cet article est structur&eacute; en trois &eacute;tapes correspondant au cheminement r&eacute;flexif que nous avons emprunt&eacute; &agrave; propos de ce concept de reconnaissance. Ainsi, la premi&egrave;re &eacute;tape se consacrera &agrave; un r&eacute;sum&eacute; non exhaustif des points importants mis en &eacute;vidence dans les recherches men&eacute;es jusqu&rsquo;alors&nbsp;; la seconde &eacute;tape s&rsquo;exprimera sous forme d&rsquo;une m&eacute;ta-lecture de la premi&egrave;re &eacute;tape pour mettre en &eacute;vidence le profil de l&rsquo;humain dont il est question dans ces recherches, et ce qui a pu &ecirc;tre laiss&eacute; dans l&rsquo;ombre&nbsp;; enfin, la troisi&egrave;me &eacute;tape reprendra ces cons&eacute;quences pour pointer comment en politique, un humain quelque peu &laquo;&nbsp;tronqu&eacute;&nbsp;&raquo; involontairement peut percevoir un besoin de reconnaissance, d&eacute;finitivement inaudible car impr&eacute;vu dans les sch&eacute;mas de pens&eacute;e initiaux&nbsp;; c&rsquo;est l&agrave; o&ugrave; la pertinence de la reconnaissance en psychologie politique peut s&rsquo;illustrer.</p> <h1 class="texte">1. Le point succinct sur le concept de la reconnaissance</h1> <p class="texte">Quatre sources nous ont permis d&rsquo;enrichir cette &eacute;tape&nbsp;: les ouvrages d&rsquo;Axel Honneth &laquo;&nbsp;La lutte pour la reconnaissance&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a></sup> et &laquo;&nbsp;La soci&eacute;t&eacute; du m&eacute;pris&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a></sup>&nbsp;; un article relatif au roman de Ralph ELLISON &laquo;&nbsp;Invisible Man&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a></sup>&nbsp;; le livre de Haud Gu&eacute;guen et Guillaume Malochet &laquo;&nbsp;Les th&eacute;ories de la reconnaissance&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a></sup>.</p> <p class="texte">Le point de d&eacute;part d&rsquo;Axel Honneth s&rsquo;appuie sur la construction th&eacute;orique du jeune Hegel, d&rsquo;un mod&egrave;le de conflit interpersonnel tendant &agrave; la reconnaissance intersubjective o&ugrave; le th&egrave;me de la lutte pour la reconnaissance se trouve limit&eacute; &agrave; la seule question des conditions de formation de la &laquo;&nbsp;conscience de soi&nbsp;&raquo;, un soi social. Or, cette &eacute;tape de la conscientisation du soi est un processus qui conduit le nourrisson &agrave; diff&eacute;rencier le moi du toi et &agrave; se d&eacute;finir peu &agrave; peu comme une conscience de soi tout en ne renon&ccedil;ant pas au moi qui va constituer le &laquo;&nbsp;noyau&nbsp;&raquo;, le &laquo;&nbsp;germe&nbsp;&raquo;, la &laquo;&nbsp;monade, originelle. Cette base originelle et unique sur laquelle le b&eacute;b&eacute; va se socialiser en se diff&eacute;renciant, fait de l&rsquo;individu un &ecirc;tre semblable et singulier &agrave; la fois. Dans ces conditions, l&rsquo;individu peut s&rsquo;unir ou combattre, insister sur ce qui le rapproche de l&rsquo;autre comme sur ce qui l&rsquo;en &eacute;loigne. En cons&eacute;quence, le processus de reconnaissance, selon les circonstances, peut porter sur l&rsquo;un comme sur l&rsquo;autre aspect, sauf &agrave; vouloir n&rsquo;en privil&eacute;gier qu&rsquo;un, celui de consid&eacute;rer autrui comme un ennemi potentiel.</p> <p class="texte">Lorsque des comp&eacute;titions se produisent, elles se fondent sur nos sp&eacute;cificit&eacute;s, celles qui subsistent en nous singularisant malgr&eacute; notre socialisation. Cette id&eacute;e est rest&eacute;e dans l&rsquo;ombre, semble-t-il, chez Hegel qui a poursuivi sa r&eacute;flexion philosophie sur la conscience de soi de l&rsquo;&ecirc;tre social en soci&eacute;t&eacute;, en s&rsquo;inspirant de Machiavel et de Hobbes &agrave; partir du mod&egrave;le de la &laquo;&nbsp;lutte sociale&nbsp;&raquo; rapportant les conflits humains non pas &agrave; des motifs de conservation individuelle mais &agrave; des mobiles moraux, dans la mesure o&ugrave; la morale serait la seule mani&egrave;re d&rsquo;&eacute;riger des principes de r&eacute;ciprocit&eacute; respect&eacute;s.</p> <p class="texte">Pour Hegel, la construction individuelle s&rsquo;inscrit dans la construction sociale, l&rsquo;identit&eacute; personnelle trouvant son d&eacute;veloppement dans l&rsquo;action r&eacute;ciproque de l&rsquo;&eacute;ducation universelle dont s&rsquo;inspirent la relation parents-enfants, la part de la personnalit&eacute; individuelle se trouvant circonscrite au sentiment pratique d&rsquo;avoir &agrave; survivre au moyen des biens et soins ext&eacute;rieurs, ce qui fonde &agrave; la fois la vie sur sa dimension mat&eacute;rielle et la notion de besoin inh&eacute;rent &agrave; cette dimension. A cette reconnaissance &laquo;&nbsp;utile&nbsp;&raquo; vient s&rsquo;ajouter les &eacute;changes contractuels et les rapports pratiques entre individus enregistr&eacute;s dans le processus de g&eacute;n&eacute;ralisation juridique, garantissant une certaine &laquo;&nbsp;contractualit&eacute;&nbsp;&raquo; morale institu&eacute;e et la satisfaction des exigences de justice. C&rsquo;est l&agrave; qu&rsquo;interviennent l&rsquo;&eacute;thique et le droit, la personnalit&eacute; juridique et la reconnaissance bas&eacute;e sur ces principes. Il est possible, pourtant, de souligner que des circonstances fortuites ou non, peuvent exister pour solliciter des aspects particuliers de l&rsquo;humain&nbsp;: par exemple, lorsqu&rsquo;une &eacute;quipe de marins ou de sauveteurs forment un ensemble homog&eacute;n&eacute;is&eacute; par un objectif partag&eacute;, c&rsquo;est l&rsquo;union des forces qui est privil&eacute;gie et non la division. Le d&eacute;pouillement mat&eacute;riel peut ne pas ob&eacute;rer, dans certaines circonstances, la manifestation de l&rsquo;union des sensibilit&eacute;s vivantes humaines. Il est int&eacute;ressant de remarquer combien, dans notre soci&eacute;t&eacute; de contrats, des faits et gestes t&eacute;moignant de civilit&eacute;s de bon aloi, tendent &agrave; se rar&eacute;fier, n&rsquo;&eacute;tant plus &laquo;&nbsp;contractuels&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Hegel va d&eacute;finir le concept de lutte comme inh&eacute;rent au sch&eacute;ma des rapports sociaux en g&eacute;n&eacute;ral mettant en &oelig;uvre, de fa&ccedil;on syst&eacute;matique, une victime et son bourreau dans une opposition intersubjective. Les modalit&eacute;s et les indicateurs de cette opposition peuvent varier selon que cette derni&egrave;re s&rsquo;exprime dans un contexte particulier d&rsquo;un crime perp&eacute;tr&eacute; par exemple, ou d&rsquo;interactions sociales plus classiques de la vie en soci&eacute;t&eacute; de ses membres. En s&rsquo;inspirant de Schelling, il va d&eacute;gager une forme de reconnaissance sup&eacute;rieure &agrave; la reconnaissance purement cognitive, au moyen de la cat&eacute;gorie de &laquo;&nbsp;l&rsquo;intuition r&eacute;ciproque&nbsp;&raquo; par laquelle l&rsquo;individu, &agrave; ce stade, &laquo;&nbsp;s&rsquo;intuitionne dans chacun de ses interlocuteurs, comme soi-m&ecirc;me&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">La reconnaissance ne comprend pas simplement une connotation de droit, d&rsquo;&eacute;thique, de justice mais &eacute;galement d&rsquo;affect &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;autre comme de soi-m&ecirc;me, comme dans la logique de l&rsquo;honneur mais elle est complexe. Ainsi, peu &agrave; peu, Hegel ne caract&eacute;rise plus l&rsquo;ensemble de la r&eacute;alit&eacute; mais seulement cette &laquo;&nbsp;zone du r&eacute;el qui s&rsquo;oppose &agrave; l&rsquo;esprit comme son Autre&nbsp;&raquo;, entra&icirc;nant &agrave; limiter la notion de nature en la situant dans le cadre de &laquo;&nbsp;l&rsquo;esprit&nbsp;&raquo; ou de la &laquo;&nbsp;conscience&nbsp;&raquo;, d&eacute;signant le principe structurel par lequel le v&eacute;cu social de l&rsquo;homme se dissocie de la r&eacute;alit&eacute; naturelle. Cette d&eacute;marche conduit &agrave; r&eacute;duire les relations humaines au social contractuel.</p> <p class="texte">&laquo;&nbsp;Dans ce nouveau contexte, le terme &laquo;&nbsp;reconnaissance signifie le progr&egrave;s cognitif qu&rsquo;une conscience parvenue &laquo;&nbsp;id&eacute;ellement&nbsp;&raquo; &agrave; se constituer en totalit&eacute;, accomplit lorsqu&rsquo;elle &laquo;&nbsp;se reconnait&nbsp;&raquo; en tant qu&rsquo;elle-m&ecirc;me dans une autre totalit&eacute;, une autre conscience&nbsp;&raquo;. Pour Hegel, cette d&eacute;couverte de soi -m&ecirc;me en autrui conduit n&eacute;cessairement &agrave; un conflit ou &agrave; une lutte parce que c&rsquo;est seulement en niant r&eacute;ciproquement leurs exigences subjectives que les individus arrivent &agrave; savoir si l&rsquo;autre se retrouve aussi en eux-m&ecirc;mes comme une &laquo;&nbsp;totalit&eacute;&nbsp;&raquo;. Le champ juridique va permettre &agrave; l&rsquo;individu de se concevoir pour se l&eacute;gitimer comme une personne, y compris dans la relation d&rsquo;amour, condition n&eacute;cessaire de tout d&eacute;veloppement de l&rsquo;identit&eacute; du sujet (relativement &agrave; la famille) mais tr&egrave;s vite, les droits mutuellement garantis auront &agrave; jouer un r&ocirc;le essentiel dans l&rsquo;organisation de la vie sociale. Hegel n&rsquo;envisage pas r&eacute;ellement, dans le lien d&rsquo;amour qui unit un individu aux membres de sa famille par exemple, qu&rsquo;un esprit subjectif puisse &ecirc;tre fondamentalement d&eacute;rang&eacute; par des conflits susceptibles de l&rsquo;obliger &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir aux normes universelles de r&egrave;glementation des &eacute;changes sociaux, pour y percevoir du &laquo;&nbsp;psychique&nbsp;&raquo; plus sp&eacute;cifique que socialis&eacute; dans l&rsquo;optique de la lutte.</p> <p class="texte">Enfin, Hegel justifie l&rsquo;acte de reconna&icirc;tre de plus en plus par le droit &agrave; &ecirc;tre reconnu, puisque les sujets apprennent &agrave; se concevoir comme des personnes juridiques. Ainsi, selon Hegel, la nature serait assist&eacute;e du droit pour que &laquo;&nbsp;dans l&rsquo;acte de reconna&icirc;tre, le soi cesse d&rsquo;&ecirc;tre ce singulier&nbsp;; il est juridiquement dans l&rsquo;acte de reconna&icirc;tre, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;il n&rsquo;est plus dans son &ecirc;tre-l&agrave; imm&eacute;diat. Le reconnu est reconnu en tant que valant imm&eacute;diatement par son &ecirc;tre&nbsp;; mais justement, cet &ecirc;tre est produit &agrave; partir du concept&nbsp;; c&rsquo;est l&rsquo;&ecirc;tre reconnu&nbsp;; l&rsquo;homme est n&eacute;cessairement reconnu et il est n&eacute;cessairement reconnaissant. Cette n&eacute;cessit&eacute; est sa propre n&eacute;cessit&eacute;, non pas celle de notre pens&eacute;e, dans l&rsquo;opposition face au contenu. En tant que reconnaissant, l&rsquo;homme est lui-m&ecirc;me le mouvement et ce mouvement supprime justement son &eacute;tat de nature&nbsp;; il est acte de reconna&icirc;tre.&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte">En cons&eacute;quence, la lutte qui aurait pu prendre la forme d&rsquo;une lutte pour l&rsquo;affirmation de soi devient une lutte pour la reconnaissance qui s&rsquo;exprimera dans la soci&eacute;t&eacute; au regard des conditions de propri&eacute;t&eacute;, sous l&rsquo;&eacute;gide de la possession de biens et de services, engendrant la perception d&rsquo;in&eacute;galit&eacute;, et d&rsquo;injustice, incluant de fait le principe d&rsquo;une intentionnalit&eacute; intrins&egrave;que &agrave; l&rsquo;organisation sociale puis politique. &laquo;&nbsp;Hegel... retrace la construction de la r&eacute;alit&eacute; sociale comme un processus de formation dans lequel la relation abstraite de la reconnaissance juridique s&rsquo;enrichit progressivement de contenus mat&eacute;riels&nbsp;; la soci&eacute;t&eacute; civile appara&icirc;t &agrave; ses yeux comme une structure institutionnelle r&eacute;sultant de la s&eacute;dimentation des formes de concr&eacute;tisation de la relation juridique. L&rsquo;introduction du rapport contractuel, et donc du contrat, par lequel la conscience de la r&eacute;ciprocit&eacute; des rapports pratiques, d&eacute;j&agrave; contenue en germe dans l&rsquo;&eacute;change, va signifier un &eacute;largissement de la forme institutionnalis&eacute;e de la reconnaissance, reconnaissance l&eacute;gale au contenu moral.</p> <p class="texte">Ainsi, seul le droit offre aux repr&eacute;sentations morales particuli&egrave;res un moyen d&rsquo;expression socialement englobant, de sorte de la lutte des classes prend n&eacute;cessairement la forme d&rsquo;affrontements juridiques. De plus, Axel Honneth remarque que le concept de lutte sociale peut s&rsquo;adapter aux descriptions empiriques les plus diverses dans la mesure o&ugrave; il rappelle toujours un noyau explicatif sugg&eacute;rant que les motifs de r&eacute;sistance et de r&eacute;volte sociale se constituent dans le cadre d&rsquo;exp&eacute;riences morales. Et il ajoute que ces motifs d&eacute;coulent du non-respect d&rsquo;attentes de reconnaissance profond&eacute;ment enracin&eacute;es, li&eacute;es sur le plan psychique, aux conditions de formation de l&rsquo;identit&eacute; personnelle, base &agrave; partir de laquelle un individu se saura respect&eacute; ou pas dans son environnement socio-culturel, ce qui entra&icirc;nera pour lui le sentiment d&rsquo;&ecirc;tre reconnu ou m&eacute;pris&eacute;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a></sup>.</p> <p class="texte">Comment l&rsquo;individuel, le subjectif, l&rsquo;intime, s&rsquo;expriment-ils par l&rsquo;interm&eacute;diaire du psychisme, dans le cadre de la construction du soi de la personne, en interaction avec le collectif, dans le contexte d&rsquo;actions sociales ou de lutte&nbsp;? La r&eacute;ponse, rapport&eacute;e par Axel Honneth, est suscit&eacute;e par Georges Sorel<sup><a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a></sup> sous l&rsquo;influence de Bergson &agrave; savoir&nbsp;que &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme est d&rsquo;abord un &ecirc;tre d&rsquo;affectivit&eacute;, spontan&eacute;ment accessible aux images sensibles plut&ocirc;t qu&rsquo;aux arguments rationnels&nbsp;&raquo;, ce qui peut expliquer pourquoi ce sont les mythes sociaux, dans lesquels un avenir incertain se trouve pour ainsi dire directement visualis&eacute;, sont le mieux &agrave; m&ecirc;me de transformer en principes positifs le &laquo;&nbsp;cuisant&nbsp;&raquo; sentiment d&rsquo;indignation des classes opprim&eacute;es.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a></sup></p> <p class="texte">Comment l&rsquo;individuel s&rsquo;exprime-t-il dans les actions collectives&nbsp;? &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;mergence de mouvements sociaux d&eacute;pend de l&rsquo;existence d&rsquo;une s&eacute;mantique collective qui permet d&rsquo;interpr&eacute;ter les d&eacute;ceptions personnelles comme quelque chose qui n&rsquo;affecte pas seulement le moi individuel mais aussi de nombreux autres sujets. Ceci ouvre &agrave; une perspective d&rsquo;interpr&eacute;tation &eacute;clairant les causes sociales responsables de blessures individuelles, ce qui enrichit davantage la compr&eacute;hension de l&rsquo;exp&eacute;rience de reconnaissance... l&rsquo;engagement dans l&rsquo;action politique sert aussi, pour les personnes concern&eacute;es, &agrave; sortir l&rsquo;individu de la situation paralysante d&rsquo;une humiliation subie passivement et &agrave; le faire acc&eacute;der &agrave; une nouvelle relation positive &agrave; soi&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Traitant du m&eacute;pris, Axel Honneth rappelle que &laquo;&nbsp;nous vivons dans une culture affirmative dans laquelle la reconnaissance manifest&eacute;e publiquement pr&eacute;sente, bien souvent, des traits purement rh&eacute;toriques et ne poss&egrave;de qu&rsquo;un caract&egrave;re succ&eacute;dan&eacute;. Devenue un instrument de politique symbolique, la fonction sous-jacente est, bien souvent, d&rsquo;int&eacute;grer des individus ou des groupes sociaux dans l&rsquo;ordre social dominant en leur offrant une image positive d&rsquo;eux-m&ecirc;mes. Dans ce sens, la reconnaissance est au service de la production de repr&eacute;sentations conforme au syst&egrave;me. Elle ne vise pas l&rsquo;autonomie des sujets mais leur assujettissement, au point de configurer dans ce sens, leur rapport &agrave; soi.</p> <p class="texte">Ainsi, la reconnaissance, processus constitutif de la construction de soi, rev&ecirc;t les attributs d&rsquo;un mode de rapport aux autres, normalis&eacute;s selon l&rsquo;id&eacute;ologie en vigueur. Or, la reconnaissance se fonde sur la manifestation publique d&rsquo;une valeur ou d&rsquo;une performance cens&eacute;e revenir &agrave; une personne ou &agrave; un groupe social. Aussi, et selon les circonstances, il est utile de s&rsquo;interroger sur les crit&egrave;res d&rsquo;appr&eacute;ciation de cette valeur ou de cette performance pour en &eacute;valuer la qualit&eacute; de la reconnaissance ou en constater son absence, par l&rsquo;indiff&eacute;rence ou encore la d&eacute;sapprobation ou le rejet. Car, sch&eacute;matiquement, la reconnaissance contribue &agrave; deux options&nbsp;: l&rsquo;autonomie ou la soumission de l&rsquo;individu, la premi&egrave;re par la promotion de la personne incarnant le sujet, la seconde par celle de l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment utile au syst&egrave;me id&eacute;ologique dans lequel il est inclus. Nous touchons l&agrave; &agrave; l&rsquo;ambivalence de la notion d&rsquo;individuation, laquelle peut se mettre au service de l&rsquo;une ou de l&rsquo;autre des deux options, ce qui soul&egrave;ve des paradoxes et pour l&rsquo;individu et pour la soci&eacute;t&eacute;. En r&eacute;sum&eacute; et bien que nous revenions sur ce point dans notre seconde &eacute;tape, nous soulignerons que l&rsquo;individuation peut permettre la r&eacute;alisation de soi ou pas, articul&eacute;e ou pas avec la contribution positive &agrave; la construction sociale ou pas. Il est toutefois important de rappeler que l&rsquo;autonomie personnelle s&rsquo;inscrit, par n&eacute;cessit&eacute;, dans l&rsquo;h&eacute;t&eacute;ronomie sociale, l&rsquo;&ecirc;tre humain &eacute;tant un animal social inclus dans une organisation sociale donn&eacute;e &agrave; laquelle il appartient et dont il d&eacute;pend.</p> <p class="texte">Cette premi&egrave;re &eacute;tape s&rsquo;ach&egrave;ve sur le sentiment d&rsquo;humiliation largement mis &agrave; nu ainsi que ses cons&eacute;quences personnelles et sociales, intimes, &eacute;motionnelles, dans le roman de Ralph ELLISON<sup><a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a></sup>, &agrave; propos duquel Axel Honneth cr&eacute;e le concept d&rsquo;invisibilit&eacute; figurative. Dans son article intitul&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;invisibilit&eacute;&nbsp;: sur l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie de la reconnaissance&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a></sup> Axel Honneth poursuit l&rsquo;exploration du concept de reconnaissance en sondant les sensations et &eacute;motions auxquelles il se rattache concr&egrave;tement. Tout l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de cet article r&eacute;side, d&rsquo;une part dans le fait que c&rsquo;est une personne, un &ecirc;tre humain, un sujet en m&ecirc;me temps qu&rsquo;un acteur social qui s&rsquo;exprime &agrave; propos de son v&eacute;cu et des cons&eacute;quences de ce dernier et d&rsquo;autre part, parce qu&rsquo;il approfondit et explique ses all&eacute;gations, &eacute;tant &agrave; la fois impliqu&eacute; dans une exp&eacute;rience &laquo;&nbsp;in situ&nbsp;&raquo; donc il est en m&ecirc;me temps la victime.</p> <p class="texte">Ralph Ellison est un Am&eacute;ricain d&rsquo;origine Africaine, qui rapporte dans son ouvrage, les sensations profondes corporelles, physiologiques et psychiques qu&rsquo;il a &eacute;prouv&eacute;es. Il en a d&eacute;crit la mani&egrave;re dont ses sensations l&rsquo;ont engag&eacute; dans un processus d&rsquo;interpr&eacute;tation de l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement avant qu&rsquo;il ne leur donne, en retour, un prolongement tr&egrave;s particulier. Ce roman a le m&eacute;rite de d&eacute;crire, en d&eacute;tail, ce qui est souvent laiss&eacute; de c&ocirc;t&eacute; parce que traduits par &laquo;&nbsp;le v&eacute;cu&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;le ressenti&nbsp;&raquo; sp&eacute;cifique profond, intime, d&rsquo;un fait par un &ecirc;tre humain vivant, donc sensible. Et cette sensibilit&eacute;, pourtant omnipr&eacute;sente sauf lorsqu&rsquo;elle est tue par pudeur ou refoulement ou autres, est embarrassante d&egrave;s lors que la logique de la raison ou du raisonnable veulent se saisir de l&rsquo;explication au moyen des mots rationnellement intelligibles.</p> <p class="texte">La notion d&rsquo;invisibilit&eacute;, associ&eacute;e au concept de reconnaissance parce que participant du ph&eacute;nom&egrave;ne de refus de reconnaissance, et donc de m&eacute;pris et d&rsquo;humiliation, a &eacute;t&eacute; impos&eacute;e dans le titre du roman de Ralph Ellison. Il est int&eacute;ressant, d&rsquo;ailleurs, de constater les surprises qu&rsquo;un tel rapprochement provoque lorsqu&rsquo;il en est fait &eacute;tat&nbsp;: quel rapport entre invisibilit&eacute; et refus de reconnaissance&nbsp;? Ce roman et l&rsquo;exploitation de son contenu par Axel Honneth, ont le m&eacute;rite de mettre l&rsquo;accent sur un point, peut &ecirc;tre fondamental, qui vient en compl&eacute;ter un second&nbsp;: le premier est celui qu&rsquo;il est question, dans ce cas, de perception cons&eacute;cutive &agrave; un &eacute;v&egrave;nement ressenti comme un choc, un traumatisme, ce qui signifie que cette perception puisse &ecirc;tre unique, l&eacute;gitimement unique, pas obligatoirement partag&eacute;e&nbsp;; le second, c&rsquo;est que le respect est d&ucirc; &agrave; l&rsquo;expos&eacute; de cette perception y compris lorsqu&rsquo;elle semble sortir du registre habituel de ce qui est connu, puisqu&rsquo;il y va de la dignit&eacute; humaine d&rsquo;un &ecirc;tre humain vivant. Et puis, si nous d&eacute;nions &agrave; un citoyen noir de s&rsquo;exprimer au nom des citoyens blancs, au nom de quoi l&rsquo;inverse se trouverait-il l&eacute;gitim&eacute;&nbsp;? C&rsquo;est l&agrave; o&ugrave; interviennent les limites de &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme-statistique&nbsp;&raquo;, autre concept utile en docimologie.</p> <p class="texte">Ce serait un comble, en effet, que voulant traiter de la reconnaissance, d&rsquo;embl&eacute;e soit &eacute;cart&eacute;s des aspects pris en compte, ceux qui traduiraient un paroxysme d&rsquo;acuit&eacute;s &eacute;motionnelles exp&eacute;riment&eacute;es sous pr&eacute;texte qu&rsquo;elles se pr&eacute;sentent de fa&ccedil;on excessive, &laquo;&nbsp;d&eacute;raisonnable&nbsp;&raquo;, en l&rsquo;occurrence lorsque Axel Honneth use du concept d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;invisibilit&eacute; figurative&nbsp;&raquo;&nbsp;! Pour &ecirc;tre plus pr&eacute;cis, dans ce roman, il s&rsquo;agit de l&rsquo;expression d&rsquo;un citoyen am&eacute;ricain noir appartenant &agrave; une soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; les citoyens dominants sont blancs, ce qui signifie, pour l&rsquo;auteur du roman, qu&rsquo;un citoyen noir peut faire l&rsquo;objet d&rsquo;une strat&eacute;gie d&eacute;lib&eacute;r&eacute;e par un citoyen blanc afin que ce dernier se cr&eacute;e les conditions d&rsquo;une autre r&eacute;alit&eacute;, celle de l&rsquo;invisibilit&eacute; du citoyen noir.</p> <p class="texte">Il est utile d&rsquo;insister sur la description par l&rsquo;auteur, reprise par Axel Honneth, du ph&eacute;nom&egrave;ne symbolis&eacute; par l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement&nbsp;&agrave; savoir qu&rsquo;il ne s&rsquo;agissait pas, pour Ralph Ellison, d&rsquo;&ecirc;tre l&rsquo;objet d&rsquo;une invisibilit&eacute; effective li&eacute;e &agrave; un d&eacute;faut de fonctionnalit&eacute; de l&rsquo;appareil visuel. Il est question d&rsquo;une invisibilit&eacute; &laquo;&nbsp;de circonstance&nbsp;&raquo; d&eacute;crite comme &laquo;&nbsp;figurative&nbsp;&raquo; qui fait dispara&icirc;tre la pr&eacute;sence dans une &laquo;&nbsp;non-existence&nbsp;&raquo; au sens social du terme. Ce qui se traduit par un comportement manifeste de &laquo;&nbsp;regard &agrave; travers &laquo;&nbsp;que les personnes qui en sont victimes ne peuvent interpr&eacute;ter que comme des signes d&rsquo;humiliation&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;Nous avons le pouvoir de manifester notre m&eacute;pris envers des personnes pr&eacute;sentes en nous comportant envers elles comme si elles n&rsquo;&eacute;taient pas r&eacute;ellement l&agrave; dans le m&ecirc;me espace&nbsp;&raquo; pr&eacute;cise Axel HONNETH pour d&eacute;finir ce concept d&rsquo;invisibilit&eacute; figurative, tout en insistant sur le fait que &laquo;&nbsp;ces personnes se sentent effectivement non per&ccedil;ues&nbsp;&raquo;. Il est &eacute;vident que dans ce cas, la notion de respect est intimement li&eacute;e &agrave; celle de refus de reconnaissance et &agrave; leur cons&eacute;quence, le sentiment d&rsquo;humiliation.</p> <p class="texte">Axel HONNETH fait appel &agrave; Kant pour insister sur le concept de &laquo;&nbsp;respect&nbsp;&raquo;, lequel introduit un &eacute;l&eacute;ment moral dans les manifestations de la reconnaissance, li&eacute; &agrave; la perception de la valeur sociale et morale de la personne &agrave; reconna&icirc;tre. En d&rsquo;autres termes, accorder de la reconnaissance, c&rsquo;est se d&eacute;centrer de son amour-propre pour conc&eacute;der une valeur &agrave; l&rsquo;autre, ce qui d&eacute;finit &laquo;&nbsp;l&rsquo;intelligibilit&eacute;&nbsp;&raquo; de la personne, ce qui en pr&eacute;cise &laquo;&nbsp;ses propri&eacute;t&eacute;s&nbsp;&raquo;. L&rsquo;intelligibilit&eacute; d&rsquo;une personne consid&eacute;r&eacute;e s&rsquo;effectue sur la base d&rsquo;une &eacute;valuation et d&rsquo;un jugement a priori, ce qui conf&egrave;re &agrave; la reconnaissance exprim&eacute;e ou pas, le statut d&rsquo;une all&eacute;gorie d&rsquo;une action morale, selon la formulation d&rsquo;Helmut Plessner.</p> <p class="texte">Pour illustrer en r&eacute;sumant, le ph&eacute;nom&egrave;ne de la non-reconnaissance, qui sous-entend le refus de la connaissance c&rsquo;est-&agrave;-dire le refus de l&rsquo;acceptation de l&rsquo;existence effective de la personne par sa pr&eacute;sence effective,&nbsp;Axel HONNETH rapporte, du prologue du roman &laquo;&nbsp;Invisible Man&nbsp;&raquo;, les commentaires suivants de l&rsquo;auteur&nbsp;: ainsi que le raconte ce &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; toujours anonyme, il est bel et bien un homme de &laquo;&nbsp;chair et de sang&nbsp;&raquo; mais &laquo;&nbsp;on&nbsp;&raquo; ne souhaite tout simplement pas le voir&nbsp;; &laquo;&nbsp;on&nbsp;&raquo; regarde directement &agrave; travers lui&nbsp;&raquo;&nbsp;; il est tout simplement &laquo;&nbsp;invisible&nbsp;&raquo; pour tout le monde. Quant &agrave; la mani&egrave;re dont il est venu &agrave; &ecirc;tre invisible, le narrateur r&eacute;pond que cela doit &ecirc;tre d&ucirc; &agrave; la &laquo;&nbsp;structure&nbsp;&raquo; de &laquo;&nbsp;l&rsquo;&oelig;il int&eacute;rieur&nbsp;&raquo; de ceux qui regardent ainsi implacablement &agrave; travers lui, sans le voir. Il entend par l&agrave; non pas leur &laquo;&nbsp;&oelig;il physique&nbsp;&raquo;, non pas un type de d&eacute;ficience visuelle r&eacute;elle, mais plut&ocirc;t une disposition int&eacute;rieure qui ne leur permet pas de voir sa vraie personne.</p> <p class="texte">Enfin, la conclusion d&rsquo;Axel HONNETH illustre bien, en insistant sur l&rsquo;aspect &laquo;&nbsp;d&eacute;raisonnable&nbsp;&raquo; de cette situation&nbsp;: &laquo;&nbsp;...l&rsquo;invisibilit&eacute; sociale dont souffre le protagoniste du roman de Ralph ELLISON est le r&eacute;sultat d&rsquo;une d&eacute;formation de la capacit&eacute; de perception des &ecirc;tres humains &agrave; laquelle est li&eacute;e la reconnaissance&nbsp;&ndash; ou, comme l&rsquo;exprime l&rsquo;auteur, &agrave; un &laquo;&nbsp;probl&egrave;me qui a &agrave; voir avec la construction de leurs yeux int&eacute;rieurs, ces yeux avec lesquels ils regardent la r&eacute;alit&eacute; &agrave; travers leurs yeux physiques&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a></sup>.</p> <p class="texte">Enfin, il est admis, &laquo;&nbsp;reconnu&nbsp;&raquo; que la reconnaissance fait partie de ce qui est d&eacute;sign&eacute; par &laquo;&nbsp;civilit&eacute;s&nbsp;&raquo;, marques l&eacute;gitimes de respect qui scellent les humains dans leur condition partag&eacute;e d&rsquo;humanit&eacute;. Le refus de reconnaissance prend, de ce fait, le sens &laquo;&nbsp;d&rsquo;incivilit&eacute;s&nbsp;&raquo;, per&ccedil;ues comme telles par les victimes comme Ralph Ellison a su le mettre en lumi&egrave;re. Selon ce roman, comment accepter qu&rsquo;une norme &laquo;&nbsp;socialement tol&eacute;r&eacute;e et donc, admise&nbsp;implicitement&nbsp;&raquo; selon laquelle des situations &laquo;&nbsp;d&rsquo;incivilit&eacute;s&nbsp;effectives puissent ne pas &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;es comme ill&eacute;gitimes&nbsp;&raquo;&nbsp;? De plus, est-il n&eacute;cessaire de rappeler que ces incivilit&eacute;s effectives l&eacute;gitim&eacute;es implicitement par la norme, puisque non d&eacute;nonc&eacute;es explicitement mais, parfois, faisant partie d&rsquo;une certaine forme &laquo;&nbsp;d&rsquo;&eacute;ducation&nbsp;&raquo;, caract&eacute;risent une attitude et un comportement traduisant une provocation feutr&eacute;e et donc v&eacute;hicule de la violence&nbsp;?</p> <p class="texte">Cette pr&eacute;cision est importante car ce type de situation tend &agrave; tr&egrave;s vite d&eacute;g&eacute;n&eacute;rer pour la simple raison qu&rsquo;en apparence, &agrave; la superficie, rien ne justifie cela. Or, ce qui est omis, c&rsquo;est l&rsquo;humiliation qui, bien entendu, reste une violence sans traces apparentes alors que les sillons qu&rsquo;elle creuse sont souvent, profonds. Dans un monde o&ugrave; la reconnaissance ne s&rsquo;applique qu&rsquo;&agrave; ce qui est conforme et avant tout visible et mesurable, que vaut l&rsquo;humiliation&nbsp;? Parfois, l&rsquo;impact de l&rsquo;humiliation se fait sentir, s&rsquo;exprime explicitement, en diff&eacute;r&eacute; et non imm&eacute;diatement. N&rsquo;ayant pas per&ccedil;u l&rsquo;humiliation, la r&eacute;ponse qui lui est apport&eacute;e est incompr&eacute;hensible.</p> <h1 class="texte">2. Commentaires, remarques et questions que suscite encore la reconnaissance</h1> <p class="texte">Dans un premier temps, il est utile d&rsquo;insister sur la complexit&eacute; s&eacute;mantique du terme &laquo;&nbsp;reconnaissance&nbsp;&raquo;, sur sa polys&eacute;mie qui, en anglais, ouvre sur deux traductions possibles, entre autres&nbsp;: &laquo;&nbsp;recognition&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;acknowledgement&nbsp;&raquo; par exemple. Ces deux propositions permettent de mettre en lumi&egrave;re une diff&eacute;rence entre les deux, &agrave; savoir que &laquo;&nbsp;recognition&nbsp;&raquo; correspond &agrave; l&rsquo;op&eacute;ration mentale de reconna&icirc;tre tandis que &laquo;&nbsp;acknowledgement&nbsp;&raquo; peut se trouver davantage concern&eacute; par l&rsquo;&eacute;motion ou l&rsquo;affect ou l&rsquo;imaginaire. La reconnaissance correspond &agrave; un ensemble de signes faisant sens pour t&eacute;moigner positivement, avec nuances, d&rsquo;un accueil, d&rsquo;une acceptation. Le refus de reconnaissance trouve son sens dans l&rsquo;absence de ces signes, alors que la socialisation nous conduit &agrave; les attendre puisqu&rsquo;ils font partie de la norme. Ils comportent un aspect visible, objectif et donc observable m&ecirc;me si leur objectivit&eacute; &eacute;mane de la strat&eacute;gie d&rsquo;une subjectivit&eacute;, d&rsquo;un sujet vivant et communiquant son &eacute;valuation subjective d&rsquo;une situation donn&eacute;e. C&rsquo;est ainsi que la reconnaissance en soi, est le v&eacute;hicule de sensations, sentiments et &eacute;motions. Elle &eacute;mane de l&rsquo;intime de chacun puisque son expression ext&eacute;rieure prend sens de message personnel et fournit les cl&eacute;s de l&rsquo;interpr&eacute;tation de son contenu et de sa qualit&eacute;, positifs ou n&eacute;gatifs. La vie int&eacute;rieure de chacun est insondable, y compris par chacun, mais elle livre, quelquefois, des &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;acc&egrave;s comme la reconnaissance peut en repr&eacute;senter une occasion.</p> <p class="texte">L&rsquo;intelligibilit&eacute; du message communiqu&eacute; par les marques de reconnaissance se per&ccedil;oit, notamment, au niveau de la personne qui les re&ccedil;oit, et donc, d&rsquo;apr&egrave;s le filtre qui distancie le groupe d&rsquo;appartenance de cette personne avec ce qui la qualifie intrins&egrave;quement. Par exemple, pour reprendre le th&egrave;me de la lutte pour la reconnaissance dans le contexte &eacute;conomique d&rsquo;une entreprise, certains collaborateurs de base appr&eacute;cieront tel ou tel de leurs sup&eacute;rieurs, et r&eacute;ciproquement, ind&eacute;pendamment des cat&eacute;gories sociales d&rsquo;appartenance ou de strat&eacute;gies &agrave; caract&egrave;re pervers. De la m&ecirc;me mani&egrave;re, dans une famille, des parents peuvent appliquer &agrave; leurs enfants, des marques diff&eacute;rentes de reconnaissance selon leur r&eacute;ussite scolaire par exemple, ou selon d&rsquo;autres crit&egrave;res. La reconnaissance est individualis&eacute;e, et donc, &agrave; ce titre, elle repose sur un choix pr&eacute;alablement s&eacute;lectionn&eacute; de crit&egrave;res, qui interviennent comme valeurs, pour fa&ccedil;onner les relations interpersonnelles en fonction de chacun. La reconnaissance fait na&icirc;tre des normes &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la norme, dans le sens d&rsquo;une discrimination encore plus s&eacute;lective ayant pour cons&eacute;quence, davantage d&rsquo;exclusion.</p> <p class="texte">Comme la reconnaissance est une affaire d&rsquo;affect, de sentiments, de psych&eacute; c&rsquo;est-&agrave;-dire de relation tr&egrave;s sp&eacute;cifique &eacute;tablie sur la base de crit&egrave;res et d&rsquo;indicateurs qui font sens et contribuent &agrave; rendre homog&egrave;ne et coh&eacute;rent, l&rsquo;ensemble de l&rsquo;environnement dans lequel chacun &eacute;volue dans sa vie quotidienne. C&rsquo;est la conscience de soi qui fa&ccedil;onne son environnement tout en &eacute;tablissant des liens sociaux sur des crit&egrave;res tels que l&rsquo;utilit&eacute;, ou la sympathie, etc. sur la base d&rsquo;indicateurs visibles (signes objectifs ou subjectifs ext&eacute;rieurs perceptibles) ou sur la base de l&rsquo;intuition (selon l&rsquo;effet Pygmalion o&ugrave; l&rsquo;intuition a priori au sujet d&rsquo;un &eacute;l&egrave;ve a pour effet, de provoquer, parfois, une v&eacute;ritable &laquo;&nbsp;metano&iuml;a&nbsp;&raquo; &agrave; cet &eacute;l&egrave;ve).</p> <p class="texte">Or, cette cons&eacute;quence positive de reconnaissance &agrave; caract&egrave;re s&eacute;curisant et non pas angoissant (vais-je obtenir de la sympathie ou pas&nbsp;?) permet &agrave; chacun de trouver, &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur de soi, des &eacute;l&eacute;ments nourrissants sa recherche int&eacute;rieure d&rsquo;&eacute;quilibre, d&rsquo;hom&eacute;ostasie psychique vers laquelle on ne peut que tendre. Cette description optimum peut &ecirc;tre qualifi&eacute;e de bien-&ecirc;tre, de pl&eacute;nitude, ce qui se constate chez le nourrisson apais&eacute; comme chez l&rsquo;adulte s&eacute;curis&eacute;. S&rsquo;il est possible, sur le plan individuel, d&rsquo;obtenir ces moyens compl&eacute;mentaires n&eacute;cessaires &agrave; la consolidation de sa conscience de soi, lui permettant confiance et impulsant un enthousiasme dans ses projets comme dans ses r&eacute;alisations, il n&rsquo;en sera pas seul b&eacute;n&eacute;ficiaire mais l&rsquo;ensemble de son environnement le sera, tout autant que la soci&eacute;t&eacute;.</p> <p class="texte">L&rsquo;inclusion et l&rsquo;accueil qu&rsquo;elle symbolise, ne remet pas en question le principe de pouvoir exister dans une soci&eacute;t&eacute; donn&eacute;e mais ouvre la possibilit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre bien et donc de se comporter non pas sur la m&eacute;fiance, mais sur la confiance. La reconnaissance proc&egrave;de d&rsquo;un ensemble de &laquo;&nbsp;dons&nbsp;&raquo; que la soci&eacute;t&eacute; peut faire &agrave; l&rsquo;individu pour l&rsquo;encourager &agrave; &ecirc;tre soi sans devenir ennemi des autres. Il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;utopie mais de r&egrave;gles simples de co-existence dans lesquelles chacun y per&ccedil;oit une place possible. Comment Ralph ELLISON, dont la couleur de peau est noire, donc visiblement diff&eacute;rente, peut-il se percevoir en s&eacute;curit&eacute; dans la mesure o&ugrave; ce qu&rsquo;il t&eacute;moigne est discriminant. C&rsquo;est pourquoi, le choix de s&rsquo;appuyer exclusivement sur des traits visibles et objectifs (sachant que parfois &laquo;&nbsp;le gendre parfait&nbsp;peut s&rsquo;av&eacute;rer une crapule sans nom) va &agrave; l&rsquo;encontre de l&rsquo;&eacute;quilibre s&eacute;curisant pour les individus d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute;. Il ne s&rsquo;agit pas, non plus, de pros&eacute;lytisme du type &laquo;&nbsp;tout le monde est beau...&nbsp;&raquo; mais simplement d&rsquo;appeler une soci&eacute;t&eacute; dont les r&egrave;gles de fonctionnement sont clairement et d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment inclusives, ne serait-ce que parce que cette soci&eacute;t&eacute; serait la plus forte de toutes les riches des &eacute;l&eacute;ments la composant.</p> <p class="texte">Par ailleurs, une soci&eacute;t&eacute; n&rsquo;a-t-elle pas le devoir d&rsquo;aider ses &eacute;l&eacute;ments constitutifs que sont les individus &agrave; leur permettre d&rsquo;atteindre ce bien-&ecirc;tre, qui n&rsquo;est pas r&eacute;ductible au mat&eacute;rialisme, comme l&rsquo;exemple de l&rsquo;actualit&eacute; nous le prouve chaque jour. Du moins, cette soci&eacute;t&eacute; pourrait avoir le devoir de ne pas renforcer les handicaps produits par les conflits et probl&eacute;matiques psychiques de ses &eacute;l&eacute;ments les moins &laquo;&nbsp;&eacute;quilibr&eacute;s&nbsp;&raquo; pour les r&eacute;percuter en &laquo;&nbsp;normes&nbsp;&raquo; en les amplifiant. Il est un argument que l&rsquo;intelligence artificielle et le trans-humanisme mettront &agrave; l&rsquo;ordre du jour&nbsp;: l&rsquo;IA s&rsquo;attribuera, demain, 25&nbsp;% des postes occup&eacute;s par des humains aujourd&rsquo;hui&nbsp;; or, les humains sont ceux qui ont cr&eacute;&eacute;s la soci&eacute;t&eacute; (&agrave; partir de deux humains...) et sont, &eacute;galement, ceux, qui ont cr&eacute;&eacute;s l&rsquo;IA. Les humains auront leur r&ocirc;le &agrave; jouer en mettant en &oelig;uvre une cr&eacute;ativit&eacute; compatible avec leur substance et monade humaine et non pas, comme il y a un demi-si&egrave;cle, nous avons pu constater l&rsquo;inverse, en 39-45, o&ugrave; la cr&eacute;ativit&eacute; n&rsquo;&eacute;tait pas absente.</p> <p class="texte">Aussi longtemps que nous laisserons dans l&rsquo;ombre les six volets suivants, le r&eacute;el et la r&eacute;alit&eacute; de chacune des disciplines de recherches ne se recouvriront que sur une partie alors que les pr&eacute;tentions sont d&rsquo;expliquer l&rsquo;ensemble&nbsp;:</p> <p class="texte">1) L&rsquo;humain est un &ecirc;tre de raison mais ne se r&eacute;duit pas &agrave; lui. Le monde est sensible, sentiment, affect parce que l&rsquo;humain est vivant et sensibilit&eacute; par son environnement qu&rsquo;il sensibilise &agrave; son tour. Sa psych&eacute; joue un r&ocirc;le fondamental dans son existence d&egrave;s lors qu&rsquo;il se manifeste. Or, m&eacute;sestimer ou ignorant cet humain vibrant car vivant, n&rsquo;est-ce pas &oelig;uvrer sur un concept d&rsquo;humain fictionnel, tel qu&rsquo;il est voulu et non tel qu&rsquo;il est v&eacute;cu&nbsp;?</p> <p class="texte">2) Les neurosciences font remarquer que 5&nbsp;% de notre activit&eacute; cognitive sont conscients et 95&nbsp;% en dehors du champ de notre conscience. Aborder l&rsquo;ensemble du r&eacute;el concernant l&rsquo;humain &agrave; partir des 5&nbsp;% pour l&rsquo;extrapoler en consid&eacute;rant qu&rsquo;ils peuvent expliquer l&rsquo;humain en g&eacute;n&eacute;ral, n&rsquo;est-ce pas, &agrave; nouveau, requ&eacute;rir la fiction pour combler ce qui reste inaccessible&nbsp;?</p> <p class="texte">3) Si la reconnaissance semble &ecirc;tre abord&eacute;e par la r&eacute;flexion, l&rsquo;analyse et les travaux sur le terrain, nous est-il possible d&rsquo;affirmer que les pulsions qui en sont l&rsquo;origine sont explor&eacute;es alors que nous n&rsquo;approchons que les manifestations de la reconnaissance&nbsp;?</p> <p class="texte">4) Alors que l&rsquo;effet placebo est constat&eacute; et qu&rsquo;il est &eacute;valu&eacute; &agrave; une contribution de 30&nbsp;% voire plus dans les gu&eacute;risons, comment nier que l&rsquo;individu peut agir positivement pour lui alors qu&rsquo;il est impossible d&rsquo;en expliquer les processus&nbsp;?</p> <p class="texte">5) Dans ces conditions, l&rsquo;individu &eacute;tant capable d&rsquo;agir positivement, pourquoi ne lui serait-il pas possible de changer de perspective pour la soci&eacute;t&eacute; qu&rsquo;il &eacute;rige, laquelle le fa&ccedil;onne en retour&nbsp;?</p> <p class="texte">6) Enfin, le robot ne serait-il pas la r&eacute;alisation mat&eacute;rielle du concept de l&rsquo;humain simplifi&eacute;&nbsp;et r&eacute;duit &agrave; une m&eacute;canique mod&eacute;lis&eacute; dans un but utilitaire. Dans ces conditions, sommes-nous pr&ecirc;ts &agrave; nous soumettre &agrave; l&rsquo;utilitaire au point o&ugrave; la reconnaissance ne se manifesterait que sur contrat&nbsp;? Est-ce ainsi que les humains envisagent de s&rsquo;autod&eacute;terminer&nbsp;?</p> <p class="texte">Aussi est-il urgent que l&rsquo;&ecirc;tre humain per&ccedil;oive son humanit&eacute; comme la racine de ce qui le d&eacute;termine &agrave; &ecirc;tre ce qu&rsquo;il est car &agrave; force de confondre passion et &eacute;motion pour &eacute;viter leur complexit&eacute;, il reste l&rsquo;humain simplifi&eacute; qui, par magie, passe de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;homme raisonnable &agrave; l&rsquo;homme de raison &agrave; l&rsquo;homme vivant selon les circonstances et les institutions. Or, lui laisse-t-on le &laquo;&nbsp;loisir&nbsp;&raquo; de se subjectiviser &agrave; force de n&rsquo;&ecirc;tre que l&rsquo;objet des sondages, des examens, des diagnostics, des situations, des exp&eacute;riences, etc... Il s&rsquo;agit, non pas de s&rsquo;opposer, mais de pointer la volont&eacute; de simplification qui finir par d&eacute;cider d&rsquo;un mod&egrave;le &laquo;&nbsp;tel que voulu&nbsp;&raquo; en occultant la r&eacute;alit&eacute; (telle que v&eacute;cue)&nbsp;; l&rsquo;humain ne risque-t-il pas d&rsquo;en &ecirc;tre la victime&nbsp;si la soci&eacute;t&eacute; dans laquelle il est immerg&eacute; ne consid&egrave;re pas que l&rsquo;humanit&eacute; qui l&rsquo;habite est suffisamment importante pour &ecirc;tre m&eacute;nag&eacute;e afin que la reconnaissance primordiale, fondamentale, fondatrice de toutes les reconnaissances, s&rsquo;appuie sur ce constat&nbsp;?</p> <p class="texte">Est-il utile de rappeler que le processus de reconnaissance suppose un face &agrave; face, dans un sch&eacute;ma le plus simple par exemple, entre un humain-sujet qui va reconna&icirc;tre et un humain-objet &agrave; reconna&icirc;tre, entre des demandes et des attentes de reconnaissance &agrave; satisfaire qui le seront ou pas, et r&eacute;ciproquement. Or, si la reconnaissance se fonde sur une subjectivit&eacute;, les attentes et les demandes ne le sont pas moins, et la conscience de leur satisfaction &eacute;galement, dans la mesure o&ugrave; la reconnaissance met en pr&eacute;sence des &ecirc;tres humains vivants, sensibles, et donc &eacute;motionnellement impliqu&eacute;s. Une r&eacute;ciprocit&eacute; va se mettre en place dont la lecture et l&rsquo;interpr&eacute;tation feront l&rsquo;objet de liens et de sens affect&eacute;s sur la base de l&rsquo;interpr&eacute;tation que chacun fera de ce qu&rsquo;il aura &eacute;prouv&eacute; durant l&rsquo;exp&eacute;rimentation dans la situation v&eacute;cue. Selon que ce lien sera de nature positive ou bien ambigu&euml; ou &eacute;quivoque ou bien encore n&eacute;gative, les cons&eacute;quences prendront une forme diff&eacute;rente, adapt&eacute;e, nourrissant des sentiments et une m&eacute;moire positive ou bien d&eacute;clenchant une volont&eacute; de vengeance ou de retrait ou de tristesse, etc.... La reconnaissance meuble, anime et dynamise l&rsquo;histoire de vie des individus selon l&rsquo;importance et l&rsquo;intensit&eacute; du besoin de reconnaissance de chacun en fonction des manques de sa vie personnelle. Si la reconnaissance remplit ce r&ocirc;le, m&ecirc;me si elle peut passer inaper&ccedil;ue au quotidien, il est possible d&rsquo;en induire qu&rsquo;elle laisse derri&egrave;re elle les traces de reconnaissance r&eacute;ussie ou pas, et que dans les domaines de la vie quotidienne o&ugrave; l&rsquo;expression n&rsquo;est pas possible, sans doute que des ann&eacute;es peuvent &ecirc;tre n&eacute;cessaires pour ne jamais estomper totalement les cons&eacute;quences d&rsquo;un probl&egrave;me de reconnaissance.</p> <p class="texte">La reconnaissance se mettant en &oelig;uvre dans une situation interpersonnelle, sous le prisme d&rsquo;une r&eacute;ciprocit&eacute;, d&rsquo;un &eacute;change, elle peut donc &ecirc;tre pr&eacute;sent&eacute;e comme une condition situationnelle d&rsquo;une transaction implicite. Il est possible d&rsquo;imaginer, en effet, qu&rsquo;il se produit &agrave; cette occasion, un don avec un contre-don, forme de contrat social liant des &ecirc;tres humains dans une relation d&rsquo;appartenance, &agrave; une famille, un groupe, une entreprise, une nation, la communaut&eacute; des humains. Dans chacune de ces situations, la reconnaissance permettra le t&eacute;moignage d&rsquo;une information en termes d&rsquo;inclusion ou d&rsquo;exclusion, avec toutes les nuances possibles entre les deux, y compris dans la famille o&ugrave; certains sont &laquo;&nbsp;reconnus comme de vilains petits canards&nbsp;&raquo;&nbsp;! La reconnaissance est donc, un processus important voire fondateur du lien que la personne concern&eacute;e &eacute;tablira avec les autres, mais avant tout avec elle-m&ecirc;me, car dans cet &eacute;change, les informations v&eacute;hicul&eacute;es par autrui vont venir nourrir l&rsquo;image que la personne a d&rsquo;elle-m&ecirc;me, pour la conforter ou la d&eacute;stabiliser. L&agrave; encore, il est question d&rsquo;&eacute;motion, d&rsquo;affect et d&rsquo;imaginaire dans la mesure o&ugrave; il sera question de satisfaction ou d&rsquo;insatisfaction, de confiance t&eacute;moign&eacute;e ou non, de plaisir ou de d&eacute;plaisir, etc.... Mais que dire lorsque cette transaction est n&eacute;gative au point de mettre en jeu le principe de l&rsquo;acceptation de l&rsquo;existence de l&rsquo;autre comme dans l&rsquo;apartheid par exemple.</p> <p class="texte">La port&eacute;e de la reconnaissance dans la vie quotidienne para&icirc;t importante et la signification qu&rsquo;elle permet de traduire, positive ou n&eacute;gative, engage l&rsquo;orientation des relations interindividuelles et l&rsquo;atmosph&egrave;re qui r&egrave;gne dans chaque situation particuli&egrave;re de la vie quotidienne, sans exclusions. Si le voile est &agrave; lever sur le besoin de reconnaissance, peu abord&eacute; lorsqu&rsquo;il est question des adultes alors qu&rsquo;il l&rsquo;est davantage relativement aux enfants, et surtout aux nourrissons, la psychologie et la psychanalyse sont impliqu&eacute;es. Ainsi, la premi&egrave;re relation de personne &agrave; personne qui s&rsquo;&eacute;tablit entre le petit enfant et sa m&egrave;re ou son substitut, et tout particuli&egrave;rement sur la qualit&eacute; de cette relation, est d&eacute;terminante pour l&rsquo;&eacute;volution de l&rsquo;enfant et elle repose sur la disponibilit&eacute; de la m&egrave;re et du p&egrave;re pour lui manifester leur reconnaissance, cette notion prend une tournure polys&eacute;mique. Elle est synonyme de l&rsquo;accueil et ne se limite pas &agrave; cela car quelques mots suffisent pour souligner de fa&ccedil;on un peu sch&eacute;matique, certes, que c&rsquo;est parce que cette relation a &eacute;t&eacute; s&eacute;curisante &agrave; deux (la m&egrave;re) que l&rsquo;enfant va pouvoir, peu &agrave; peu, se construire en un &laquo;&nbsp;moi&nbsp;&raquo; dans sa solitude d&rsquo;&ecirc;tre humain, diff&eacute;rent de sa m&egrave;re. D. W. Winnicott le rappelle dans &laquo;&nbsp;la capacit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre seul&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn19" id="bodyftn19">19</a></sup> en montrant le poids de la reconnaissance du nourrisson par la m&egrave;re dans le d&eacute;veloppement affectif de l&rsquo;enfant. &laquo;&nbsp;La maturit&eacute; et la capacit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre seul impliquent que l&rsquo;individu a eu la chance, gr&acirc;ce &agrave; des soins maternels &laquo;&nbsp;suffisamment bons&nbsp;&raquo; (<em>good enough</em>) d&rsquo;&eacute;difier sa confiance en un environnement favorable. Il y est parvenu par la r&eacute;p&eacute;tition de gratifications instinctuelles satisfaisantes&nbsp;&raquo;. Ces gratifications ne sont-elles pas des marques de reconnaissance&nbsp;?</p> <p class="texte">En p&eacute;n&eacute;trant plus avant dans la construction de l&rsquo;identit&eacute; de l&rsquo;adulte, plusieurs courants de pens&eacute;e vont converger en enrichissant tout en diversifiant les contenus. Dans ses &eacute;crits de jeunesse, Hegel recourt &agrave; la philosophie de la conscience dans l&rsquo;&eacute;tude de la formation de l&rsquo;esprit. Dans ce contexte, Axel Honneth rappelle que, selon Hegel, la conscience apprend &agrave; se comprendre comme une &laquo;&nbsp;unit&eacute; imm&eacute;diate du singulier et de l&rsquo;universel&nbsp;&raquo; et en cons&eacute;quence, comme une totalit&eacute;. La reconnaissance symbolisera &laquo;&nbsp;le progr&egrave;s cognitif qu&rsquo;une conscience parvenant &agrave; se constituer en totalit&eacute;, r&eacute;alisera en se reconnaissant en tant qu&rsquo;elle-m&ecirc;me dans une autre totalit&eacute;, une autre conscience&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn20" id="bodyftn20">20</a></sup>. Citant Hegel, il poursuit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais je ne puis savoir que ma totalit&eacute; en tant qu&rsquo;elle est celle d&rsquo;un individu singulier dans l&rsquo;autre conscience est pr&eacute;cis&eacute;ment cette totalit&eacute; existant pour soi, je ne puis savoir si ma totalit&eacute; reconnue, respect&eacute;e, que par la manifestation de l&rsquo;agissement de l&rsquo;autre par rapport &agrave; elle&nbsp;; de m&ecirc;me l&rsquo;autre doit m&rsquo;appara&icirc;tre comme une totalit&eacute;, tout comme moi je dois lui appara&icirc;tre ainsi&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn21" id="bodyftn21">21</a></sup></p> <p class="texte">Le besoin de reconnaissance prend racine dans la dimension vivante, dynamique de l&rsquo;&ecirc;tre humain et tout au long de sa vie, va l&rsquo;accompagner comme composante de sa construction personnelle intime dans le but de lui permettre le maintien d&rsquo;un &eacute;quilibre psycho-affectif global. Le besoin requiert l&rsquo;inclusion, fondation des solidarit&eacute;s que nos ambitions souhaitent voir responsabiliser chacun d&rsquo;entre nous. Aujourd&rsquo;hui, semble-t-il, l&rsquo;empathie ne suffit plus&nbsp;! Comment le comprendre&nbsp;? Les valeurs r&eacute;publicaines font le lit de ce qui peut permettre &agrave; la soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre plus humaine mais en sommes-nous suffisamment impr&eacute;gn&eacute;s&nbsp;?</p> <p class="texte">Cette interrogation nous conduit vers les valeurs r&eacute;publicaines immerg&eacute;es dans la d&eacute;mocratie sous l&rsquo;&eacute;gide de la D&eacute;claration des Droits de l&rsquo;Homme. D&rsquo;autres questions se posent quant au champ de la psychologie politique, au sujet de ce que la d&eacute;mocratie, les Droits de l&rsquo;Homme et les valeurs r&eacute;publicaines fran&ccedil;aises peuvent contribuer &agrave; construire de nouveau pour inverser le cours de l&rsquo;ex&eacute;cution politique actuelle&nbsp;; autrement dit&nbsp;: comment rassembler alors que tout divise et sur quelles bases fonder un nouveau principe de reconnaissance responsable&nbsp;?</p> <h1 class="texte">3. L&rsquo;invisibilit&eacute;-visibilit&eacute; figurative de l&rsquo;humain chez le citoyen en d&eacute;mocratie</h1> <p class="texte">Le concept d&rsquo;invisibilit&eacute; figurative utilis&eacute; par Axel Honneth d&eacute;signe la capacit&eacute; &agrave; la disposition de tout &ecirc;tre humain lui permettant d&rsquo;adapter la r&eacute;alit&eacute; &agrave; laquelle il est confront&eacute;, en l&rsquo;am&eacute;nageant selon ses choix et ses d&eacute;sirs afin de rendre cette r&eacute;alit&eacute; compatible ou convenable pour lui. En cons&eacute;quence, il sera aveugle devant certains faits ou &eacute;v&egrave;nements ou d&eacute;tails en leur opposant une c&eacute;cit&eacute; de circonstance, tandis qu&rsquo;il consacrera son sens visuel &agrave; l&rsquo;observation de ce dont il souhaite &ecirc;tre le spectateur ou le t&eacute;moin parce que cela conforte ses valeurs ou ses options. Selon cette acception, il lui est donc possible d&rsquo;occulter ce qu&rsquo;il ne d&eacute;sire pas voir en d&eacute;pit de la visibilit&eacute; physique, ou de ce qu&rsquo;il ne d&eacute;sire pas &ecirc;tre vu l&rsquo;avoir vu, et par ailleurs, il dispose de la facult&eacute; de mettre en lumi&egrave;re pour s&rsquo;y consacrer, les aspects mis en lumi&egrave;re par la visibilit&eacute; figurative. Notre mode de relation au monde qui nous entoure s&rsquo;inspire de cette double capacit&eacute; de rendre invisible/visible des pans entiers en fonction de crit&egrave;res personnels conscients ou inconscients.</p> <p class="texte">Deux auteurs vont permettre de mieux illustrer cet aspect, chacun ayant approfondi la relation entre l&rsquo;individu et la soci&eacute;t&eacute; quant &agrave; l&rsquo;usage de la reconnaissance. Le premier est Paul Ricoeur tandis que le second est Charles Taylor&nbsp;; Paul Ricoeur, dans son essai &laquo;&nbsp;Parcours de la Reconnaissance&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn22" id="bodyftn22">22</a></sup>, reprend la notion d&rsquo;identit&eacute; reli&eacute;e &agrave; la reconnaissance pour replacer l&rsquo;individu dans son contexte d&rsquo;agent responsable de ses actions. La reconnaissance s&rsquo;entendrait, alors, dans cette relation mutuelle de reconnaissance de responsabilit&eacute;, ce qui &agrave; la fois ne nous &eacute;loigne pas du roman de Ralph Ellison, l&rsquo;agent blanc est reconnu responsable de la non-reconnaissance de Ralph Ellison car sa couleur de peau est noire, mais l&rsquo;id&eacute;e de responsabilit&eacute; ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas aux situations n&eacute;gatives. Un autre aspect para&icirc;t int&eacute;ressant &agrave; retenir dans le d&eacute;veloppement expos&eacute; par Paul Ricoeur, c&rsquo;est celui du passage des capacit&eacute;s individuelles &agrave; celles de capacit&eacute;s sociales ou &laquo;&nbsp;capabilit&eacute;s&nbsp;&raquo;, n&eacute;ologisme cr&eacute;&eacute; par Amartya Sen pour d&eacute;signer des capacit&eacute;s individuelles ayant rencontr&eacute; des possibilit&eacute;s de conditions sociales et politiques de r&eacute;alisation de soi. Ceci permet d&rsquo;illustrer la reconnaissance de soi en tant que porteur de potentialit&eacute;s, &agrave; la fois un &ecirc;tre et un non-&ecirc;tre en potentiel, et en m&ecirc;me temps, la reconnaissance de soi-m&ecirc;me (comme un autre qui dispose de la m&ecirc;me &eacute;galit&eacute; des conditions conform&eacute;ment &agrave; la d&eacute;mocratie).</p> <p class="texte">Dans &laquo;&nbsp;Le malaise de la modernit&eacute;&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn23" id="bodyftn23">23</a></sup>, Charles Taylor oppose la r&eacute;alisation de soi individualiste et &eacute;gocentrique &agrave; celle mise au service de la communaut&eacute; sociale, relevant le paradoxe suivant lequel s&rsquo;il peut y avoir une vie bonne &agrave; titre individuel, elle ne peut se r&eacute;aliser que dans le cadre d&rsquo;une interd&eacute;pendance sociale n&eacute;cessaire &agrave; satisfaire l&rsquo;ensemble de nos besoins, y compris ceux de reconnaissance. Car Robinson Cruso&eacute; malade, a besoin d&rsquo;un m&eacute;decin et a d&ucirc; recevoir, durant son enfance, les bases n&eacute;cessaires &agrave; sa survie en solitaire, cette re-connaissance premi&egrave;re dont tout nouveau-n&eacute; a besoin pour &ecirc;tre accueilli parmi ses semblables. Le point central de ce livre est d&rsquo;insister sur le but de la reconnaissance comme celui de la co-existence en mettant en relief l&rsquo;engagement &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des autres qui, implicitement et explicitement, nous caract&eacute;rise. Il stigmatise la culture contemporaine qui encouragerait une compr&eacute;hension presqu&rsquo;exclusivement personnelle de l&rsquo;&eacute;panouissement de soi car notre identit&eacute; exige la reconnaissance des autres en mettant en relief le concept de dignit&eacute; comme consubstantielle &agrave; la politique de reconnaissance &eacute;galitaire a priori contenue dans la d&eacute;mocratie. Enfin, il rel&egrave;ve le paradoxe d&rsquo;avoir &agrave; revendiquer l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des cultures et des sexes comme des diff&eacute;rences &agrave; reconna&icirc;tre mais qui ne peuvent s&rsquo;entendre que comme co-constructrices d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; en devenir, incluant ces diff&eacute;rences comme &eacute;l&eacute;ment enrichissant la construction commune. La culture d&eacute;mocratique rel&egrave;ve d&rsquo;une culture citoyenne, laquelle rel&egrave;ve d&rsquo;une culture de la reconnaissance de la responsabilit&eacute; individuelle comme se ressour&ccedil;ant aupr&egrave;s de l&rsquo;ensemble et ressour&ccedil;ant l&rsquo;ensemble. Sans nier la tension qui existe entre l&rsquo;&eacute;panouissement de soi et celui de la soci&eacute;t&eacute;, la d&eacute;mocratie est un moyen par lequel, pour lui, l&rsquo;&eacute;change au profit de l&rsquo;un comme de l&rsquo;autre peut se produire tout en &eacute;tant discut&eacute; en permanence, mais avec, &agrave; l&rsquo;esprit, les valeurs r&eacute;publicaines et la dignit&eacute; de l&rsquo;homme des Droits de l&rsquo;Homme.</p> <p class="texte">Cependant, le cheminement r&eacute;flexif pointe imm&eacute;diatement que tout humain v&eacute;hicule ses conflits psychiques et ses probl&eacute;matiques affectives, qui en dessinent sa singularit&eacute; et va se r&eacute;percuter, par exemple, sur les attentes de chacun &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la reconnaissance par autrui. L&rsquo;ego n&rsquo;est jamais tr&egrave;s loin pour manifester son avidit&eacute; de pouvoir et de ses attributs, au point tel, parfois, que les r&eacute;flexes dans ce sens s&rsquo;&eacute;tant install&eacute;s chez un individu, celui-ci est pr&ecirc;t soit &agrave; pratiquer le d&eacute;ni de comportement, soit au contraire, &agrave; instituer le comportement &eacute;go&iuml;ste comme norme (&agrave; condition que cette norme lui permette de conserver la sup&eacute;riorit&eacute; sur tous&nbsp;!). Il n&rsquo;est pas inutile de rappeler qu&rsquo;en mati&egrave;re humaine, lorsque la division est utilis&eacute;e comme strat&eacute;gie nationale, elle devient une p&eacute;dagogie sur deux plans, &agrave; la fois diviser permet de r&eacute;ussir &agrave; vaincre et c&rsquo;est une attitude &agrave; promouvoir. Dans ce cas, sauf &agrave; imaginer que les humains sont des girouettes, ceux qui ont &eacute;t&eacute; les victimes des divisions, soit deviennent les promoteurs de nouvelles divisions, soit se retirent de la situation et deviennent r&eacute;sign&eacute;s et distants. La politique a laiss&eacute; sur le c&ocirc;t&eacute;, de nombreux citoyens qui n&rsquo;y croient plus.</p> <p class="texte">Il reste &agrave; citer Axel HONNETH lorsqu&rsquo;il se r&eacute;f&egrave;re &agrave; Georges SOREL<sup><a class="footnotecall" href="#ftn24" id="bodyftn24">24</a></sup>&nbsp;: &laquo;&nbsp;...c&rsquo;est seulement dans des r&eacute;actions &eacute;motionnelles n&eacute;gatives que se manifestent les individus ou les groupes sociaux, les id&eacute;es qu&rsquo;ils se font sur le bien &eacute;thique&nbsp;: la morale repr&eacute;sente pour Sorel, l&rsquo;ensemble de tous les sentiments d&rsquo;offense et d&rsquo;humiliation par lesquels nous r&eacute;agissons lorsqu&rsquo;il nous arrive quelque chose que nous jugeons moralement inacceptable. En ce sens, l&rsquo;&eacute;cart entre la morale et le droit se mesure &agrave; la diff&eacute;rence fondamentale qui existe entre des r&eacute;actions &eacute;motionnelles n&eacute;gatives et l&rsquo;instauration de normes positives&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn25" id="bodyftn25">25</a></sup>. Que dire de notre soci&eacute;t&eacute; actuelle et du cours qu&rsquo;a pris la politique dans notre pays depuis quelques d&eacute;cennies d&eacute;j&agrave;&nbsp;? Se reconna&icirc;t-on dans une identit&eacute; nationale qui exclut&nbsp;?</p> <p class="texte">C&rsquo;est en quelque sorte la grille de lecture qui nous para&icirc;t avoir &eacute;t&eacute; appliqu&eacute;e par certains citoyens dans notre R&eacute;publique Fran&ccedil;aise pour lire la d&eacute;mocratie &agrave; laquelle ils &eacute;taient appel&eacute;s &agrave; participer. C&rsquo;est &eacute;galement de cette fa&ccedil;on que la relation avec la politique semble &ecirc;tre engag&eacute;e avec certains des citoyens, ce qui engendre toute forme de violence, verbale, physique, mais aussi invisible comme l&rsquo;abstention (une certaine forme de violence faite &agrave; la d&eacute;mocratie mais parce que la d&eacute;mocratie est peut-&ecirc;tre v&eacute;cue comme une violence &eacute;galement) ou l&rsquo;apathie devant la chose politique alors qu&rsquo;elle serait cens&eacute;e &ecirc;tre l&rsquo;affaire du peuple en d&eacute;mocratie. Entre les citoyens et la d&eacute;mocratie, c&rsquo;est aussi une question de reconnaissance&nbsp;: comment se reconna&icirc;t-on citoyen dans une d&eacute;mocratie&nbsp;? Quelle reconnaissance relie la d&eacute;mocratie au citoyen&nbsp;? Car le d&eacute;cr&eacute;ter n&rsquo;est pas suffisant pour s&rsquo;en sentir d&eacute;tenteur.</p> <p class="texte">En effet, la culture citoyenne en d&eacute;mocratie s&rsquo;inscrit dans une reconnaissance de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des conditions, sous l&rsquo;&eacute;gide des valeurs r&eacute;publicaines fran&ccedil;aises de libert&eacute;, &eacute;galit&eacute; et fraternit&eacute;, adoss&eacute;es &agrave; la D&eacute;claration des Droits de l&rsquo;Homme, le tout &eacute;tymologiquement plac&eacute; dans un sch&eacute;ma o&ugrave; c&rsquo;est le peuple qui fait la d&eacute;mocratie et o&ugrave; la d&eacute;mocratie ex&eacute;cut&eacute;e est celle du peuple. Sans vouloir ajouter au d&eacute;bat sur le peuple occupant tant d&rsquo;ouvrages critiques ou interrogateurs de la d&eacute;mocratie, il est juste int&eacute;ressant de questionner quel peuple peut &ecirc;tre capable d&rsquo;&ecirc;tre compris, dans les deux sens du terme comprendre, par la d&eacute;mocratie contemporaine. Car cette notion de peuple impose une double perspective, la premi&egrave;re li&eacute;e au fait de pouvoir le constater effectivement, la seconde inh&eacute;rente au fait de se sentir lui appartenir, en faire partie, r&eacute;pondre de lui. Or, outre que la notion de peuple se cherche car l&rsquo;id&eacute;e nous a &eacute;t&eacute; fournie par la th&eacute;ologie invoquant une transcendance filiale sur le mod&egrave;le de la famille dans lequel Dieu serait le p&egrave;re et le peuple, ses enfants. Dans ces conditions d&rsquo;homog&eacute;n&eacute;it&eacute; d&rsquo;organisation primordiale impos&eacute;e, l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des conditions ne peut poser de probl&egrave;mes, ni majeurs, ni mineurs. Mais en s&rsquo;abstrayant de ce sch&eacute;ma, il n&rsquo;est plus aussi attrayant de &laquo;&nbsp;faire partie du peuple&nbsp;&raquo; et m&ecirc;me, pour certains, franchement r&eacute;pulsif, apr&egrave;s avoir caract&eacute;ris&eacute; le peuple de populace. C&rsquo;est le cas d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; qui divise les citoyens entre le peuple et les &eacute;lites, rendant attrayant l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la cat&eacute;gorie sup&eacute;rieure tant les privil&egrave;ges y sont attractifs.</p> <p class="texte">Comment, alors, la d&eacute;mocratie peut-elle &ecirc;tre encore d&eacute;finie par &laquo;&nbsp;le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple&nbsp;&raquo; selon les propos d&rsquo;Abraham Lincoln, ce qui revient &agrave; respecter litt&eacute;ralement l&rsquo;&eacute;tymologie de d&eacute;mocratie&nbsp;? De plus, comment obtenir une coh&eacute;sion en se r&eacute;f&eacute;rant au peuple lorsqu&rsquo;une partie des citoyens ne veulent pas se laisser qualifier par ce vocable d&rsquo;une part, et d&rsquo;autre part comment faire unit&eacute; dans cette division entre les gouvernants et les gouvern&eacute;s&nbsp;? Si, &agrave; Ath&egrave;nes, le tirage au sort permet &agrave; chaque citoyen &eacute;ligible, de participer au gouvernement, les conditions contemporaines ont &eacute;loign&eacute; la base du sommet de la pyramide, non pas toujours par volont&eacute; ou par snobisme, mais simple pour des raisons de &laquo;&nbsp;reconnaissance&nbsp;&raquo;. En effet, comment imaginer des conditions de vie qui nous sont &eacute;trang&egrave;res et le seront d&eacute;finitivement alors qu&rsquo;elles caract&eacute;risent le plus grand nombre&nbsp;? La bonne volont&eacute;, et m&ecirc;me la solidarit&eacute; et la bienveillance n&rsquo;y suffisent pas car la reconnaissance, telle qu&rsquo;elle se pratique de nos jours, conduit &agrave; &laquo;&nbsp;rassembler ceux qui se ressemblent&nbsp;&raquo;. Autrui est un autre moi-m&ecirc;me, malgr&eacute; ses diff&eacute;rences car ces derni&egrave;res ne me g&ecirc;nent pas et m&ecirc;me, peuvent m&rsquo;&ecirc;tre utiles le cas &eacute;ch&eacute;ant.</p> <p class="texte">Aussi, si la reconnaissance du concept de citoyen ne pose aucun probl&egrave;me au concept de d&eacute;mocratie, d&egrave;s lors que l&rsquo;ensemble de cette composition est anim&eacute;e par la dynamique du vivant, ce qui allait de soi se complexifie par la complexit&eacute; et l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; de l&rsquo;humain, a fortiori dans une soci&eacute;t&eacute; qui tend &agrave; diviser pour r&eacute;gner.</p> <p class="texte">D&egrave;s lors que l&rsquo;individu sera per&ccedil;u comme &ecirc;tre humain dot&eacute; de raison mais aussi d&rsquo;&eacute;motion, de sentiments ou affects, de sensations, d&rsquo;une psych&eacute; qui le conduira &agrave; &ecirc;tre celui qu&rsquo;il est comme global, de nouvelles perspectives d&rsquo;envisager le citoyen en politique seront possibles. En effet, nous constatons que lorsque nous sommes touch&eacute;s par un &eacute;v&egrave;nement grave, des r&eacute;percussions se font sentir au niveau de l&rsquo;&eacute;tat g&eacute;n&eacute;ral. L&rsquo;humain, malgr&eacute; la fragmentation artificielle &agrave; laquelle il est soumis par les diverses approches disciplinaires scientifiques, fonctionne comme un tout, comme une unit&eacute;. Or, nous savons &eacute;galement que cette unit&eacute; peut &eacute;prouver un &eacute;tat d&rsquo;&eacute;quilibre ou tendre &agrave; cet &eacute;tat, ce bien-&ecirc;tre qu&rsquo;il recherche aujourd&rsquo;hui dans toutes les promesses commerciales. Or, bien-&ecirc;tre est simplement la caract&eacute;ristique inverse du Fran&ccedil;ais moyen consommateur d&rsquo;antid&eacute;presseurs et d&rsquo;autres substances, dont le malaise fait l&rsquo;objet, de temps en temps, d&rsquo;articles &eacute;difiants&nbsp;pour un pays comme la France.</p> <p class="texte">Or, une soci&eacute;t&eacute; n&rsquo;est pas homog&egrave;ne, ni compos&eacute;e d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments homog&egrave;nes sauf &agrave; d&eacute;cider de le proclamer et de travailler sur cette mod&eacute;lisation a priori dans laquelle les citoyens seraient tous des &ecirc;tres de raison, capables de g&eacute;rer leur &eacute;motion et affects, etc. Dans cette entit&eacute; artificiellement construite mentalement, tout y est possible y compris d&rsquo;imaginer que plus les humains la composant b&eacute;n&eacute;ficieront de biens mat&eacute;riels, plus ils &eacute;prouveront de bien-&ecirc;tre. Pourtant, nous savons que ce n&rsquo;est pas le cas. Mais c&rsquo;est pourtant le sch&eacute;ma dans lequel nous sommes&nbsp;! Pourtant, la reconnaissance de la r&eacute;alit&eacute; vivante que le concept de soci&eacute;t&eacute; recouvre ne para&icirc;t pas &ecirc;tre une priorit&eacute;, et ce n&rsquo;est pas un probl&egrave;me politique r&eacute;cent bien qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;impatience se fait entendre.</p> <p class="texte">Comment est-il possible qu&rsquo;une soci&eacute;t&eacute;, qu&rsquo;une d&eacute;mocratie impose au citoyen une reconnaissance r&eacute;ciproque si les manifestations de cette r&eacute;ciprocit&eacute; ne sont pas convaincantes&nbsp;? Comment imaginer une &eacute;galit&eacute; des conditions alors que par suite d&rsquo;une approche simplificatrice du citoyen, seuls sont retenus des crit&egrave;res objectifs de vie et d&rsquo;existence, laissant de c&ocirc;t&eacute; tout ce qui caract&eacute;rise l&rsquo;aspect &eacute;prouvant et cumulatif pour les m&ecirc;mes cat&eacute;gories de population, c&rsquo;est-&agrave;-dire le sensible et le v&eacute;cu&nbsp;? La culture citoyenne est une culture de la reconnaissance par soi de citoyen engag&eacute; dans un pr&eacute;sent qui construit un futur dans lequel la perspective d&rsquo;&eacute;voluer est un principe pour tous, une possibilit&eacute; pour tous, s&eacute;rieusement &eacute;nonc&eacute;e et qui engage.</p> <p class="texte">Comment imaginer une communication profonde, r&eacute;elle, une v&eacute;ritable rencontre entre une partie de la population, parfaitement lettr&eacute;e et maniant l&rsquo;art &eacute;pistolaire et oratoire, et l&rsquo;autre n&rsquo;ayant qu&rsquo;un langage vernaculaire tr&egrave;s limit&eacute; dans la mesure o&ugrave; son usage n&rsquo;est pas prioritaire au quotidien. Quelle reconnaissance cette seconde partie de la population peut-elle &eacute;prouver dans l&rsquo;expression de la premi&egrave;re, lorsque nous savons que la honte de n&rsquo;&ecirc;tre pas &agrave; l&rsquo;aise conduit &agrave; des attitudes et &agrave; des comportements &agrave; tendance violente&nbsp;? Il ne s&rsquo;agit surtout pas de justifier quoi que ce soit, mais de rappeler un constat bien ordinaire sur la base duquel se construit la perception de la vie quotidienne &agrave; travers l&rsquo;exercice de la politique et ses relais au moyen des institutions.</p> <p class="texte">Il reste &agrave; rappeler qu&rsquo;en 1992, deux ouvrages sur la reconnaissance sont parus, adoptant deux orientations diff&eacute;rentes. C&rsquo;est l&rsquo;ann&eacute;e o&ugrave; Axel Honneth a publi&eacute; en allemand <em>&laquo;&nbsp;la lutte pour la reconnaissance&nbsp;&raquo;</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn26" id="bodyftn26">26</a></sup> mais c&rsquo;est aussi l&rsquo;ann&eacute;e de la parution de celui de Charles Taylor, intitul&eacute; &laquo;&nbsp;<em>Multiculturalism and the Politics of Recognition&nbsp;&raquo;</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn27" id="bodyftn27">27</a></sup>. Tandis que le premier auteur traite de la reconnaissance sous l&rsquo;angle de la lutte, Charles Taylor examine l&rsquo;amont et l&rsquo;aval des probl&egrave;mes de reconnaissance en politique. D&rsquo;embl&eacute;e, il affirme&nbsp;: &laquo;&nbsp;Se r&eacute;f&eacute;rant &agrave; l&rsquo;actualit&eacute; politique de l&rsquo;&eacute;poque, Charles Taylor affirme, d&rsquo;embl&eacute;e&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;plusieurs courants politiques actuels tournent autour du besoin &ndash;&nbsp;parfois de l&rsquo;exigence&nbsp;&ndash; de reconnaissance. Le besoin, peut-on dire, est l&rsquo;une des forces &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre derri&egrave;re les mouvements politiques nationalistes. Quant &agrave; l&rsquo;exigence, elle vient au premier rang de bien des fa&ccedil;ons, dans la politique actuelle des groupes minoritaires ou subalternes, dans certaines formes de f&eacute;minisme et dans ce qu&rsquo;on appelle aujourd&rsquo;hui, la politique du &laquo;&nbsp;multiculturalisme&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn28" id="bodyftn28">28</a></sup></p> <p class="texte">La reconnaissance est une notion qui s&rsquo;infiltre partout dans nos existences et dont nous usons tr&egrave;s habituellement. Or, si nous sommes conscients du chemin parcouru par la d&eacute;mocratie dans nos pays, jusqu&rsquo;&agrave; ce jour, c&rsquo;est au prix d&rsquo;&eacute;v&egrave;nements graves qui se sont produits dans notre histoire en nous sortant d&rsquo;un confort rassurant, convaincus que l&rsquo;horreur sur l&rsquo;humain &eacute;tait impossible initi&eacute;s par des humains. Ne sommes-nous pas &agrave; un carrefour o&ugrave; notre ambition pour une soci&eacute;t&eacute; meilleure pour tous pourrait nous engager &agrave; &oelig;uvrer autrement, ensemble&nbsp;? L&rsquo;individualisme peut contribuer &agrave; ce que chacun cherche son plaisir et &agrave; &eacute;viter son d&eacute;plaisir mais un tel axiome partag&eacute; au niveau collectif ne pourrait-il constituer un objectif commun&nbsp;? Comment r&eacute;unir ce qui a &eacute;t&eacute; divis&eacute; si ce n&rsquo;est pas par la reconnaissance de ce qui nous rassemble, notre humaine condition partag&eacute;e et dont nous sommes porteurs, chacun&nbsp;?</p> <p class="texte">En conclusion, pour &eacute;viter que la dignit&eacute; humaine, les valeurs r&eacute;publicaines et la d&eacute;mocratie ne soient, un jour, examin&eacute;s sciemment sous l&rsquo;angle de leur utilit&eacute; avec comme volont&eacute;, celle de pointer qu&rsquo;elles sont obsol&egrave;tes puisque n&rsquo;inspirant plus nos actions communes, il reste &agrave; impulser une reconnaissance mutuelle entre le citoyen et la d&eacute;mocratie. La d&eacute;mocratie permettrait, dans ce cas, la conscience de promouvoir, en m&ecirc;me temps que des actions, des valeurs qui nous rassemblent encore alors que les liens sociaux se fragilisent. Quelle reconnaissance de l&rsquo;humanit&eacute; dont le citoyen est porteur est-elle encore comprise dans les valeurs de libert&eacute;, d&rsquo;&eacute;galit&eacute; et de fraternit&eacute;&nbsp;? Comment le citoyen se reconnait-il comme acteur de la d&eacute;mocratie et comment la d&eacute;mocratie int&egrave;gre cette n&eacute;cessaire conscience du citoyen d&rsquo;&ecirc;tre acteur&nbsp;? Ce ne sont pas des concepts qui reconnaissent et se reconnaissent mais des &ecirc;tres humains vivants.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> Xavier Emmanuelli, <em>&laquo;&nbsp;La fracture sociale&nbsp;&raquo;, </em>Paris, PUF Que sais-je&nbsp;? 2002</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> Eric Maurin, <em>&laquo;&nbsp;Le ghetto fran&ccedil;ais-enqu&ecirc;te sur le s&eacute;paratisme social&nbsp;&raquo;, </em>Paris, Seuil, 2004</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> Eric Maurin, &laquo; <em>La peur du d&eacute;classement- une sociologie des r&eacute;cessions&nbsp;&raquo;, </em>Paris, Seuil, 2009</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> Christophe Guilluy, <em>&laquo;&nbsp;La France p&eacute;riph&eacute;rique&nbsp;&raquo;, </em>Paris, Flammarion, 2015</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> George Simmel, <em>&laquo;&nbsp;Secret et Soci&eacute;t&eacute;s Secr&egrave;tes&nbsp;&raquo;</em>, 1998, CIRCE Ed.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> Corn&eacute;lius Castoriadis, <em>VI L&rsquo;institution social-historique&nbsp;: l&rsquo;individu et la chose dans l&rsquo;Institution imaginaire de la soci&eacute;t&eacute;</em>, 1975, p. 402, PARIS, Seuil</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> Jean Ziegler, <em>&laquo;&nbsp;La Haine de l&rsquo;Occident&nbsp;&raquo;, 2008, </em>Paris, Albin Michel</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> Bertrand Badie, <em>&laquo;&nbsp;Le Temps des Humili&eacute;s- pathologie des Relations Internationales&nbsp;&raquo;</em>, 2019, Paris, Odile Jacob</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> Axel Honneth, <em>La lutte pour la reconnaissance, </em>1992, Edit. Allem., 2000 traduct. Fran&ccedil;,<em>, </em>Paris, Gallimard folio essais<em> </em></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> Axel Honneth, <em>La soci&eacute;t&eacute; du m&eacute;pris, </em>2006 traduc. fran&ccedil;., regroupant des textes publi&eacute;s dans les dix derni&egrave;res ann&eacute;es pr&eacute;c&eacute;dentes, Paris, La D&eacute;couverte</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> Axel Honneth, <em>Invisibilit&eacute;&nbsp;: sur l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie de la reconnaissance</em>, Revue du MAUSS, 2004/1/n&deg;23</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> Haud Guegen, Guillaume Mallochet, <em>Les th&eacute;ories de la reconnaissance, </em>2014, Paris, La D&eacute;couverte</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> Axel Honneth, <em>La lutte pour la reconnaissance, </em>p. 273&nbsp;; il &eacute;tait rappel&eacute; par l&rsquo;auteur, pr&eacute;c&eacute;demment, que les mouvements sociaux m&eacute;connaissent &laquo;&nbsp;le noyau moral de leur r&eacute;sistance parce qu&rsquo;ils interpr&egrave;tent spontan&eacute;ment celle-ci dans la s&eacute;mantique inappropri&eacute;e d&rsquo;un simple conflit d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts.&nbsp;&raquo; p. 272</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> Georges Sorel, <em>R&eacute;flexions sur la violence, </em>1990, Paris, Seuil</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> Axel Honneth, <em>La lutte pour la reconnaissance, </em>p. 259</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> Ralph Ellison, <em>Invisible man, </em>1947 pour la prem. &eacute;dit., 2002, Paris, Grasset</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> Axel Honneth, <em>Invisibilit&eacute;&nbsp;: sur l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie de la reconnaissance</em>, Revue du MAUSS, 2004/1/n&deg;23</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> Axel Honneth, <em>Invisibilit&eacute;&nbsp;: sur l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie de la reconnaissance</em>, pp. 42-43, Revue du MAUSS, 2004/1/n&deg;23</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn19" id="ftn19">19</a> D. W. Winnicott, <em>&laquo;&nbsp;La capacit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre seul&nbsp;&raquo;,</em> 2015, Paris, Payot, p. 54</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn20" id="ftn20">20</a> Axel Honneth, <em>&laquo;&nbsp;La lutte pour la reconnaissance&nbsp;&raquo;, </em>p. 50-51</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn21" id="ftn21">21</a> Idem, p. 51</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn22" id="ftn22">22</a> Paul Ric&oelig;ur, <em>&laquo;&nbsp;Parcours de la Reconnaissance- Trois &eacute;tudes&nbsp;&raquo;, </em>2004, Paris, Stock</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn23" id="ftn23">23</a> Charles Taylor, <em>Le malaise de la modernit&eacute;&nbsp;&raquo;, 1994, </em>Paris, Ed. du Cerf</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn24" id="ftn24">24</a> Georges Sorel, <em>&laquo;R&eacute;flexions sur la violence&nbsp;&raquo;, 1990, </em>PARIS, SEUIL</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn25" id="ftn25">25</a> Axel Honneth, <em>&laquo;&nbsp;La lutte pour la reconnaissance&nbsp;&raquo;, </em>p. 257</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn26" id="ftn26">26</a> Axel Honneth, <em>&laquo;&nbsp;La lutte pour la reconnaissance&nbsp;&raquo;,</em> 1992, Paris, Gallimard</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn27" id="ftn27">27</a> <span lang="en" xml:lang="en">Charles Taylor, &laquo;&nbsp;</span><em><span lang="en" xml:lang="en">Multiculturalism and &laquo;&nbsp;The Politics of Recognition&nbsp;&raquo;</span></em><span lang="en" xml:lang="en"> 1992, Princeton University Press,</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn28" id="ftn28">28</a> <span lang="en" xml:lang="en">Charles Taylor, &laquo;&nbsp;</span><em><span lang="en" xml:lang="en">Multiculturalism and &laquo;&nbsp;The Politics of Recognition&nbsp;&raquo;</span></em><span lang="en" xml:lang="en"> 1992, Princeton University Press, p. 41</span></p>