<p class="texte"><strong>DOSSIER : L&#39;AVENIR DE LA DEMOCRATIE</strong></p> <p class="texte"><em>Emilia Ndiaye a &eacute;t&eacute; ma&icirc;tre de conf&eacute;rences en langue et litt&eacute;rature latines &agrave; l&#39;Universit&eacute; d&#39;Orl&eacute;ans jusqu&#39;en 2012, membre associ&eacute;e &agrave; l&#39;Equipe d&#39;accueil POLEN (Pouvoir, Lettres et Normes). Elle a publi&eacute; plusieurs articles ces derni&egrave;res ann&eacute;es dont&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le prestige de l&rsquo;orateur dans la Rome tardo-r&eacute;publicaine&nbsp;: Cic&eacute;ron auctor de son auctoritas&nbsp;&raquo;, Le prestige &agrave; Rome &agrave; la fin de la R&eacute;publique et au d&eacute;but du Principat, Robinson Baudry et Fr&eacute;d&eacute;ric Hurlet, &Eacute;ditions de Boccard, collection &laquo;&nbsp;Colloques de la Maison de l&lsquo;Arch&eacute;ologie et de l&lsquo;Ethnologie Ren&eacute;-Ginouv&egrave;s, 2016, p.&nbsp;193-204. En collaboration avec Jean-Pierre De Giorgio&nbsp;: &laquo;&nbsp;Cic&eacute;ron face aux conseils d&rsquo;Atticus&nbsp;&raquo;, Conseiller, diriger par lettre (Tours, 8-10 avril 2015), Fran&ccedil;ois Guillaumont, Elisabeth Gavoille, Tours, Presses Universitaires Fran&ccedil;ois-Rabelais, 2017, p.&nbsp;137-154&nbsp;; et dirig&eacute;e avec Martin Paul Marius, &laquo;&nbsp;Scandales, justice et politique &agrave; Rome et au-del&agrave;&nbsp;&raquo;, textes in&eacute;dits d&#39;Alain Malissard, suivis d&#39;hommages en son honneur, Paris, &Eacute;ditions Garnier, 2017.</em></p> <p class="texte"><strong>SOMMAIRE</strong></p> <p><strong>1. La r&eacute;flexion platonicienne</strong></p> <p><strong>2. La r&eacute;flexion de Cic&eacute;ron</strong></p> <p class="texte">Pour envisager l&rsquo;avenir de la d&eacute;mocratie mise &agrave; mal, ou pour le moins contest&eacute;e sur bien des plans dans nos soci&eacute;t&eacute;s occidentales, quoi de mieux que de se tourner vers le pass&eacute; et les mod&egrave;les fournis par les penseurs de l&rsquo;Antiquit&eacute;&nbsp;? Aux sources de nos syst&egrave;mes politiques, sources revendiqu&eacute;es par les r&eacute;volutionnaires de 89 qui en ont &eacute;tabli les fondements en France, Ath&egrave;nes et Rome, chacune &agrave; sa mani&egrave;re, restent les r&eacute;f&eacute;rences oblig&eacute;es.</p> <p class="texte">L&rsquo;objet de cette contribution est de rappeler ce que Platon a dit de la d&eacute;mocratie, dans son dialogue <em>La R&eacute;publique</em><a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a>, qui porte sur les diff&eacute;rentes formes d&rsquo;&Eacute;tat et, en particulier sur les individus qui correspondent &agrave; chacune d&rsquo;elles, formes de r&eacute;gimes dont l&rsquo;encha&icirc;nement est pr&eacute;sent&eacute; comme un cycle. Cic&eacute;ron, en s&rsquo;appuyant sur Platon mais aussi sur Aristote<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a> et Polybe<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a>, analyse le mod&egrave;le romain de <em>respublica</em>, lointaine h&eacute;riti&egrave;re d&rsquo;Ath&egrave;nes mais avec des sp&eacute;cificit&eacute;s bien latines qui ont pour but d&rsquo;&eacute;viter les d&eacute;rives des r&eacute;gimes grecs &ndash; que Rome a d&rsquo;ailleurs vaincus.</p> <p class="texte">Nous nous attarderons ici, puisqu&rsquo;il est question de &laquo;&nbsp;l&rsquo;avenir de la d&eacute;mocratie&nbsp;&raquo;, sur l&rsquo;articulation entre d&eacute;mocratie et tyrannie, telle qu&rsquo;elle est pr&eacute;sent&eacute;e par Platon &agrave; travers le passage de l&rsquo;homme d&eacute;mocratique &agrave; l&rsquo;homme tyrannique, puis par Cic&eacute;ron.</p> <p class="texte">Rappel des contextes historiques&nbsp;et des syst&egrave;mes politiques<a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a></p> <table class="texte" dir="ltr" id="Table1"> <tbody> <tr> <td dir="ltr" style="border-left:1px solid #000000;border-right:none;border-top:1px solid #000000;border-bottom:1px solid #000000;"> <p class="texte"><strong>La Gr&egrave;ce</strong></p> </td> <td dir="ltr" style="border:1px solid #000000;"> <p class="texte"><strong>Rome</strong></p> </td> </tr> <tr> <td dir="ltr" style="border-left:1px solid #000000;border-right:none;border-top:1px solid #000000;border-bottom:1px solid #000000;"> <p class="texte">Epoque archa&iuml;que&nbsp;: cit&eacute;s nombreuses, isol&eacute;es, monarchies</p> </td> <td dir="ltr" style="border:1px solid #000000;">&nbsp;</td> </tr> <tr> <td dir="ltr" style="border-left:1px solid #000000;border-right:none;border-top:1px solid #000000;border-bottom:1px solid #000000;"> <p class="texte">7<sup>e</sup>-6<sup>e</sup> si&egrave;cles<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a>&nbsp;: monarchies avec aristocraties montantes, oligarchies (Lycurgue &agrave; Sparte) et tyrannies sporadiques (renversement du roi)</p> <p class="texte">683&nbsp;: &agrave; Ath&egrave;nes, &eacute;mergence de la d&eacute;mocratie (Solon)</p> </td> <td dir="ltr" style="border:1px solid #000000;"> <p class="texte">Royaut&eacute; depuis la fondation par Romulus (753) jusqu&rsquo;en 509, chute des Tarquin (viol de Lucr&egrave;ce)</p> </td> </tr> <tr> <td dir="ltr" style="border-left:1px solid #000000;border-right:none;border-top:1px solid #000000;border-bottom:1px solid #000000;"> <p class="texte"><strong>Instauration de la d&eacute;mocratie &agrave; Ath&egrave;nes en 500 </strong>(Clisth&egrave;ne, P&eacute;ricl&egrave;s)&nbsp;: deux r&eacute;volutions oligarchiques de quelques mois (Quatre-Cents en 411, Trente Tyrans en 404)</p> <p class="texte">431-404, d&eacute;faite contre Sparte apr&egrave;s la guerre du P&eacute;loponn&egrave;se</p> </td> <td dir="ltr" style="border:1px solid #000000;"> <p class="texte"><strong>509&nbsp;: Instauration de la R&eacute;publique</strong></p> </td> </tr> <tr> <td dir="ltr" style="border-left:1px solid #000000;border-right:none;border-top:1px solid #000000;border-bottom:1px solid #000000;"> <p class="texte"><strong>385 (&nbsp;?) </strong><em><strong>La R&eacute;publique </strong></em><strong>de Platon </strong></p> </td> <td dir="ltr" style="border:1px solid #000000;">&nbsp;</td> </tr> <tr> <td dir="ltr" style="border-left:1px solid #000000;border-right:none;border-top:1px solid #000000;border-bottom:1px solid #000000;"> <p class="texte">4<sup>e</sup> si&egrave;cle, royaume de Mac&eacute;doine monte, d&eacute;clin des cit&eacute;s-Etats</p> <p class="texte">puis d&egrave;s 336, Empire l&rsquo;Alexandre, jusqu&rsquo;en 323 (mort d&rsquo;Alexandre)</p> </td> <td dir="ltr" style="border:1px solid #000000;">&nbsp;</td> </tr> <tr> <td dir="ltr" style="border-left:1px solid #000000;border-right:none;border-top:1px solid #000000;border-bottom:1px solid #000000;"> <p class="texte">Royaumes hell&eacute;nistiques jusqu&rsquo;en 27&nbsp;: la Gr&egrave;ce devient province romaine.</p> </td> <td dir="ltr" style="border:1px solid #000000;"> <p class="texte"><strong>54 </strong><em><strong>La R&eacute;publique</strong></em><strong> de Cic&eacute;ron</strong></p> <p class="texte">En 44, ides de mars (meurtre de C&eacute;sar)&nbsp;: instauration de l&rsquo;Empire (Auguste) en 27.</p> </td> </tr> </tbody> </table> <p class="texte">On constate dans les deux tableaux, un sch&eacute;ma global assez proche. Dans une premi&egrave;re p&eacute;riode, des monarchies, appel&eacute;es royaut&eacute;s, dans des cit&eacute;s voisines, parfois alli&eacute;es mais le plus souvent en guerre&nbsp;&ndash; dont Hom&egrave;re donne un exemple dans ses &eacute;pop&eacute;es. Avec l&rsquo;accroissement d&eacute;mographique, ces royaut&eacute;s &eacute;voluent vers des cit&eacute;s-Etats, dont les r&eacute;gimes sont complexes et vari&eacute;s mais qui s&rsquo;organisent avec des assembl&eacute;es diverses pour aboutir &agrave; des formes de gouvernement plus d&eacute;mocratiques, en gros entre les 6<sup>e</sup> et 5<sup>e</sup> avant J.-C.</p> <p class="texte">Apr&egrave;s une dur&eacute;e et une stabilit&eacute; variable, dur&eacute;e et stabilit&eacute; remarquables pour Rome (cinq si&egrave;cles ininterrompus malgr&eacute; des soubresauts et des modifications), beaucoup moins continues pour Ath&egrave;nes (un si&egrave;cle avec des interruptions), la d&eacute;mocratie devient Empire. La figure du conqu&eacute;rant, Alexandre, C&eacute;sar, assassin&eacute; pour cause de pouvoir absolu, ou Auguste, incarne ce pouvoir personnel d&rsquo;hommes plus ou moins providentiels, qui succ&egrave;dent &agrave; des r&eacute;gimes d&eacute;mocratiques secou&eacute;s par des conflits sociaux et les rivalit&eacute;s entre les hommes au pouvoir.</p> <h1 class="texte">1. La r&eacute;flexion platonicienne<sup><a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a></sup></h1> <p class="texte">Le dialogue de Platon, <em>La R&eacute;publique</em>, est sous-titr&eacute; &laquo;&nbsp;De la justice&nbsp;&raquo;. Partie de la d&eacute;finition de ce qu&rsquo;est le Juste, la r&eacute;flexion de Socrate aboutit &agrave; imaginer la cit&eacute; id&eacute;ale, gouvern&eacute;e par le roi-philosophe. De m&eacute;taphore du gouvernement que doit avoir l&rsquo;homme sur lui-m&ecirc;me, l&rsquo;image devient l&rsquo;occasion de d&eacute;finir les diff&eacute;rents types de &laquo;&nbsp;mauvais gouvernements&nbsp;&raquo;, tels qu&rsquo;ils se sont succ&eacute;d&eacute; dans l&rsquo;histoire grecque autour de Platon.</p> <p class="texte">Le dialogue est &eacute;crit sans doute en 385<a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a>, soit une quinzaine d&rsquo;ann&eacute;es apr&egrave;s la mort de Socrate, condamn&eacute;, en 399, &agrave; boire la cigu&euml; par la cit&eacute; d&rsquo;Ath&egrave;nes&nbsp;; il est situ&eacute; en 410, soit vingt ans apr&egrave;s le d&eacute;but de la guerre du P&eacute;loponn&egrave;se (431-404) entre Ath&egrave;nes, avec ses alli&eacute;s de la ligue de D&eacute;los, et Sparte, qui craint l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie ath&eacute;nienne, et trois ans apr&egrave;s la d&eacute;faite maritime de la ligue. Guerre qui oppose le r&eacute;gime d&eacute;mocratique ath&eacute;nien &agrave; la dyarchie oligarchique lac&eacute;d&eacute;monienne, et qui se termine par la victoire de Sparte. Donc la d&eacute;faite du r&eacute;gime d&eacute;mocratique ath&eacute;nien.</p> <p class="texte">Platon a donc sous les yeux les faiblesses de la d&eacute;mocratie, tant du point de vue politique que moral.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;C&rsquo;est la d&eacute;mocratie ath&eacute;nienne, tr&egrave;s diff&eacute;rente de la n&ocirc;tre, que Platon rend responsable de la condamnation et de la mort de Socrate&nbsp;; c&rsquo;est donc &agrave; ce syst&egrave;me politique qu&rsquo;il s&rsquo;attaque pour le renverser et reconstruire une cit&eacute; juste, dans laquelle Socrate, et plus g&eacute;n&eacute;ralement le philosophe, ne risquera plus la mort<a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a>&nbsp;&raquo;.</p> </blockquote> <p class="texte">Les ann&eacute;es de gloire des guerres m&eacute;diques, o&ugrave; Ath&egrave;nes avait vaincu les royaut&eacute;s perses, avaient donn&eacute; &agrave; P&eacute;ricl&egrave;s l&rsquo;occasion de chanter, en 430, dans son oraison fun&egrave;bre en l&#39;honneur des soldats morts au combat au d&eacute;but de la guerre du P&eacute;loponn&egrave;se, la valeur du gouvernement d&eacute;mocratique, cette fois-ci face au r&eacute;gime lac&eacute;d&eacute;monien<a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Notre constitution politique n&#39;a rien &agrave; envier aux lois qui r&eacute;gissent nos voisins&nbsp;; loin d&#39;imiter les autres, nous donnons l&#39;exemple &agrave; suivre. Du fait que l&#39;&Eacute;tat, chez nous, est administr&eacute; dans l&#39;int&eacute;r&ecirc;t de la masse et non d&#39;une minorit&eacute;, notre r&eacute;gime a pris le nom de d&eacute;mocratie. En ce qui concerne les diff&eacute;rends particuliers, l&#39;&eacute;galit&eacute; est assur&eacute;e &agrave; tous par les lois&nbsp;; mais en ce qui concerne la participation &agrave; la vie publique, chacun obtient la consid&eacute;ration en raison de son m&eacute;rite, et la classe &agrave; laquelle il appartient importe moins que sa valeur personnelle&nbsp;; enfin nul n&#39;est g&ecirc;n&eacute; par la pauvret&eacute; ni par l&#39;obscurit&eacute; de sa condition sociale, s&#39;il peut rendre des services &agrave; la cit&eacute;. La libert&eacute; est notre r&egrave;gle dans le gouvernement de la r&eacute;publique et, dans nos relations quotidiennes, la suspicion n&#39;a aucune place&nbsp;; nous ne nous irritons pas contre le voisin, s&#39;il agit &agrave; sa t&ecirc;te&nbsp;; enfin nous n&#39;usons pas de ces humiliations qui, pour n&#39;entra&icirc;ner aucune perte mat&eacute;rielle, n&#39;en sont pas moins douloureuses par le spectacle qu&#39;elles donnent. La contrainte n&#39;intervient pas dans nos relations particuli&egrave;res&nbsp;; une crainte salutaire nous retient de transgresser les lois de la r&eacute;publique&nbsp;; nous ob&eacute;issons toujours aux magistrats et aux lois, et, parmi celles-ci, surtout &agrave; celles qui assurent la d&eacute;fense des opprim&eacute;s et qui, tout en n&#39;&eacute;tant pas codifi&eacute;es, infligent &agrave; celui qui les viole un m&eacute;pris universel.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Mais vient le temps de la d&eacute;sillusion. Le tribunal d&rsquo;une telle cit&eacute; condamne &agrave; mort un philosophe pour ses id&eacute;es, lui qui d&eacute;fend le Bien, le Juste, le Vrai, le Beau. La tentation h&eacute;g&eacute;monique de la cit&eacute; ath&eacute;nienne provoque une guerre fratricide entre cit&eacute;s grecques, et la valeur h&eacute;ro&iuml;que de l&rsquo;hoplite est mise &agrave; mal, il est vaincu. Preuve s&rsquo;il en fallait des limites du mod&egrave;le&nbsp;: l&rsquo;&eacute;pisode des Quatre Cents, qui instaurent pendant quelques mois, en 411, l&rsquo;oligarchie &agrave; Ath&egrave;nes (et qui sera suivi, en 404, par celui des Trente Tyrans).</p> <p class="texte">Litt&eacute;ralement traumatis&eacute; par la mort de son ma&icirc;tre Socrate et ayant v&eacute;cu les soubresauts du r&eacute;gime, la r&eacute;flexion du philosophe qu&rsquo;est Platon se porte sur le pourquoi de telles d&eacute;rives. S&rsquo;appuyant sur le constat historique mais d&eacute;laissant les causes &eacute;conomiques, sociales ou politiques &ndash;&nbsp;analys&eacute;es par Thucydide&nbsp;&ndash;, il s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; l&rsquo;homme, aux ressorts psychologiques et moraux qui font que &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme d&eacute;mocratique&nbsp;&raquo; en vient &agrave; une telle extr&eacute;mit&eacute;. C&rsquo;est l&rsquo;objet m&ecirc;me du dialogue que de d&eacute;finir la cit&eacute; id&eacute;ale car juste &ndash;&nbsp;il s&rsquo;agit du r&eacute;gime aristocratique, au sens propre, <em>aristos</em> signifiant &laquo;&nbsp;le meilleur&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash;, ainsi que l&rsquo;homme qui la gouverne, et les hommes et les femmes qui y vivent.</p> <p class="texte">Platon, des livres 8, 543 &agrave; 9, 576b<a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a>, &eacute;voque la succession<a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a> des r&eacute;gimes, et la met en relation avec les hommes<a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a> de chaque sorte.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Tu posais comme bon l&#39;&Eacute;tat que tu venais de d&eacute;crire, et&nbsp;l&#39;individu qui lui ressemble, et cela, semble-t-il, bien que tu pusses nous parler d&#39;un &Eacute;tat et d&#39;un homme encore plus&nbsp;beaux. Mais, ajoutais-tu, les autres formes de gouvernement sont d&eacute;fectueuses, si celle-l&agrave; est bonne. De ces autres formes, autant qu&#39;il m&#39;en souvient, tu distinguais&nbsp;quatre esp&egrave;ces, dignes de retenir l&#39;attention et dont il importait de voir&nbsp;les d&eacute;fauts, pour en arriver finalement aux individus qui leur ressemblent.&nbsp;[&hellip;]</p> </blockquote> <p class="texte">Les gouvernements que je veux dire sont connus. Le premier, et le plus lou&eacute;,&nbsp;est celui de Cr&egrave;te et de Lac&eacute;d&eacute;mone [timarchie]&nbsp;; le second, qu&#39;on loue en second lieu, est appel&eacute; oligarchie&nbsp;: c&#39;est un gouvernement plein de&nbsp;vices sans nombre&nbsp;; oppos&eacute;e &agrave; ce dernier vient ensuite la d&eacute;mocratie&nbsp;;&nbsp;enfin, la noble tyrannie, qui l&#39;emporte sur tous les autres, et qui est la&nbsp;quatri&egrave;me et derni&egrave;re maladie de l&#39;&Eacute;tat. Les&nbsp;souverainet&eacute;s h&eacute;r&eacute;ditaires, les principaut&eacute;s v&eacute;nales et certains&nbsp;autres gouvernements semblables ne sont, en quelque sorte, que des&nbsp;formes interm&eacute;diaires, et l&#39;on n&#39;en trouverait pas moins chez les barbares&nbsp;que chez les Grecs.&nbsp;</p> <p class="texte">Sais-tu donc, demandai-je, qu&#39;il y a autant d&#39;esp&egrave;ces de caract&egrave;res que de&nbsp;formes de gouvernement&nbsp;?&nbsp;[&hellip;] Si donc il y a cinq types pour les cit&eacute;s, les dispositions morales, chez les individus, seront aussi au nombre de cinq.&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte">Une fois &eacute;tablie la correspondance entre le r&eacute;gime et les caract&egrave;res individuels, Platon d&eacute;taille le passage d&rsquo;un r&eacute;gime &agrave; l&rsquo;autre et d&rsquo;un type d&rsquo;homme &agrave; l&rsquo;autre, qui se produit dans un va-et-vient&nbsp;: ce sont les d&eacute;fauts ou vices humains qui provoquent la d&eacute;gradation d&rsquo;une forme de gouvernement vers une autre, et chaque forme de gouvernement, par sa nature m&ecirc;me, est la cause de ces glissements moraux.</p> <p class="texte">Sch&eacute;matisons cette d&eacute;gradation avant de nous pencher sur les deux derni&egrave;res &eacute;tapes, de l&rsquo;oligarchie &agrave; la d&eacute;mocratie, puis de la d&eacute;mocratie &agrave; la tyrannie.</p> <p class="texte"><em>Passage de timarchie &agrave; oligarchie</em></p> <p class="texte">Amoureux de la victoire et de l&rsquo;honneur &rarr; avarice et cupidit&eacute;, sp&eacute;culateurs&nbsp;: le m&eacute;rite devient la richesse&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;d&#39;amoureux qu&#39;ils &eacute;taient de la victoire et des honneurs, les&nbsp;citoyens finissent par devenir avares et cupides&nbsp;; ils louent le riche,&nbsp;l&#39;admirent, et le portent au pouvoir, et ils m&eacute;prisent le pauvre.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Notons la comparaison entre les profiteurs et le frelon, qui va &ecirc;tre reprise plusieurs fois&nbsp;par la suite&nbsp;: &laquo;&nbsp;Veux-tu donc que nous disions d&#39;un tel homme que, comme le frelon&nbsp;na&icirc;t dans une cellule pour &ecirc;tre le fl&eacute;au de la ruche, il na&icirc;t, frelon lui aussi,&nbsp;dans une famille pour &ecirc;tre le fl&eacute;au de la cit&eacute;&nbsp;?&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte"><em>Passage de l&rsquo;oligarchie&nbsp;&agrave; la d&eacute;mocratie&nbsp;</em></p> <p class="texte">Amour des richesses, m&eacute;pris des pauvres qui se r&eacute;voltent &rarr; libert&eacute;, &eacute;galit&eacute;.</p> <p class="texte">Donnons la parole &agrave; Platon, qui dans la bouche de Socrate, d&eacute;taille le glissement vers la d&eacute;mocratie. Le texte, qu&rsquo;il serait dommage de couper davantage que nous l&rsquo;avons fait, se suffit &agrave; lui-m&ecirc;me&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Eh bien&nbsp;! N&#39;est-ce pas de la fa&ccedil;on que voici que l&#39;on passe de l&#39;oligarchie &agrave;&nbsp;la d&eacute;mocratie&nbsp;: &agrave; savoir par l&#39;effet de l&#39;insatiable d&eacute;sir du bien que l&#39;on se&nbsp;propose, et qui consiste &agrave; devenir aussi riche que possible&nbsp;?&nbsp;<br /> [&hellip;]&nbsp;Cependant les usuriers vont t&ecirc;te baiss&eacute;e, sans para&icirc;tre voir leurs&nbsp;victimes&nbsp;; ils blessent de leur argent quiconque leur donne prise parmi les&nbsp;autres citoyens et, tout en multipliant les int&eacute;r&ecirc;ts de leur capital, ils font&nbsp;pulluler dans la cit&eacute; la race du frelon et celle du mendiant.&nbsp;<br /> [&hellip;]&nbsp;Quand un&nbsp;pauvre maigre et br&ucirc;l&eacute; de soleil se trouve post&eacute; dans la m&ecirc;l&eacute;e &agrave; c&ocirc;t&eacute; d&#39;un&nbsp;riche nourri &agrave; l&#39;ombre et surcharg&eacute; de graisse, et le voit tout essouffl&eacute; et&nbsp;embarrass&eacute;, ne crois-tu pas qu&#39;il se dit &agrave; lui-m&ecirc;me que ces gens-l&agrave; ne&nbsp;doivent leurs richesses qu&#39;&agrave; la l&acirc;chet&eacute; des pauvres&nbsp;? Et quand ceux-ci se&nbsp;rencontrent entre eux, ne se disent-ils pas les uns aux autres&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ces&nbsp;hommes sont &agrave; notre merci, car ils ne sont bons &agrave; rien&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;<br /> [&hellip;]&nbsp;Eh bien&nbsp;! &Agrave; mon avis, la d&eacute;mocratie appara&icirc;t lorsque les pauvres, ayant&nbsp;remport&eacute; la victoire sur les riches, massacrent les uns, bannissent les&nbsp;autres, et partagent &eacute;galement avec ceux qui restent le gouvernement et&nbsp;les charges publiques&nbsp;; et le plus souvent ces charges sont tir&eacute;es au sort.&nbsp;<br /> C&#39;est bien ainsi, en effet, que s&#39;&eacute;tablit la d&eacute;mocratie, soit par la voie des&nbsp;armes, soit par la crainte qui oblige les riches &agrave; se retirer.&nbsp;<br /> Or il est clair que partout o&ugrave; r&egrave;gne cette libert&eacute; chacun organise sa vie de&nbsp;la fa&ccedil;on qui lui pla&icirc;t.&nbsp; II y a chance que ce gouvernement soit le plus beau de tous. Comme un v&ecirc;tement bigarr&eacute; qui offre toute la vari&eacute;t&eacute; des couleurs, offrant toute la vari&eacute;t&eacute; des caract&egrave;res, il pourra para&icirc;tre d&#39;une beaut&eacute; achev&eacute;e. Et peut-&ecirc;tre, joutai-je, beaucoup de gens, pareils aux enfants et aux femmes qui admirent les bigarrures, d&eacute;cideront-ils qu&#39;il est le plus beau. Parce qu&#39;on les y trouve toutes, gr&acirc;ce &agrave; la libert&eacute; qui y r&egrave;gne&nbsp;; et il semble&nbsp;que celui qui veut fonder une cit&eacute;, ce que nous faisions tout &agrave; l&#39;heure, soit oblig&eacute; de se rendre dans un &Eacute;tat d&eacute;mocratique, comme dans un bazar de&nbsp;constitutions, pour choisir celle qu&#39;il pr&eacute;f&egrave;re, et, d&#39;apr&egrave;s ce mod&egrave;le,&nbsp;r&eacute;aliser ensuite son projet.&nbsp;<br /> [&hellip;]&nbsp;Et que dire de la tol&eacute;rance et la compl&egrave;te ouverture d&rsquo;esprit de ce gouvernement&nbsp;? N&rsquo;est-il pas plein de m&eacute;pris pour les maximes que nous &eacute;noncions&nbsp;avec tant de respect en jetant les bases de notre cit&eacute;, lorsque nous disions&nbsp;qu&#39;&agrave; moins d&#39;&ecirc;tre dou&eacute; d&#39;un naturel excellent on ne saurait devenir&nbsp;homme de bien si, d&egrave;s l&#39;enfance, on n&#39;a jou&eacute; au milieu des belles choses&nbsp;et cultiv&eacute; tout ce qui est beau &ndash; avec quelle superbe un tel esprit, foulant&nbsp;aux pieds tous ces principes, n&eacute;glige de s&#39;inqui&eacute;ter des travaux o&ugrave; s&#39;est&nbsp;form&eacute; l&#39;homme politique, mais l&#39;honore si seulement il affirme sa&nbsp;bienveillance pour le peuple&nbsp;!&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Le d&eacute;clin de l&rsquo;&eacute;ducation conduisant &agrave; l&rsquo;apparition du d&eacute;magogue est la premi&egrave;re cause de ce glissement.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Consid&egrave;re maintenant l&#39;homme qui lui ressemble.<br /> [&hellip;]&nbsp;Lorsqu&rsquo;un jeune homme &eacute;lev&eacute;, comme nous l&#39;avons dit tout &agrave; l&#39;heure,&nbsp;dans l&#39;ignorance et la parcimonie, a go&ucirc;t&eacute; du miel des frelons, et s&#39;est&nbsp;trouv&eacute; dans la compagnie de ces insectes ardents et terribles qui peuvent&nbsp;lui procurer des plaisirs de toute sorte, nuanc&eacute;s et vari&eacute;s &agrave; l&#39;infini, c&#39;est alors, crois-le, que son gouvernement int&eacute;rieur commence &agrave; passer de l&#39;oligarchie &agrave; la d&eacute;mocratie.&nbsp;<br /> [&hellip;]&nbsp;&Agrave; la fin, j&#39;imagine, les d&eacute;sirs de toutes sortes ont occup&eacute; l&#39;acropole de l&#39;&acirc;me du jeune homme, l&#39;ayant sentie vide de sciences, de nobles habitudes et de principes vrais,&nbsp;qui sont certes les meilleurs gardiens et protecteurs de la raison chez les humains aim&eacute;s des dieux.<br /> Des maximes, des opinions fausses et pr&eacute;somptueuses sont alors accourues, et ont pris possession de la place.&nbsp;[&hellip;] Et ce sont ces maximes qui l&#39;emportent dans le combat&nbsp;;&nbsp;traitant la pudeur d&#39;imb&eacute;cillit&eacute;, elles la repoussent et l&#39;exilent honteusement&nbsp;; nommant la temp&eacute;rance l&acirc;chet&eacute;, elles la bafouent et l&rsquo;expulsent&nbsp;; et faisant passer la mod&eacute;ration et la mesure dans les&nbsp;d&eacute;penses pour rusticit&eacute; et bassesse, elles les rejettent dehors, second&eacute;es en tout cela par une foule d&#39;inutiles d&eacute;sirs. Apr&egrave;s avoir vid&eacute; et purifi&eacute; de ces vertus l&#39;&acirc;me du jeune homme qu&#39;elles poss&egrave;dent, comme pour l&#39;initier &agrave; de grands myst&egrave;res, elles y introduisent, brillantes, suivies d&#39;un ch&oelig;ur nombreux et couronn&eacute;es, l&#39;insolence, l&#39;anarchie, la licence, l&#39;effronterie, qu&#39;elles louent et d&eacute;corent de beaux noms, appelant l&#39;insolence noble &eacute;ducation, l&#39;anarchie libert&eacute;, la d&eacute;bauche magnificence, l&#39;effronterie courage.&nbsp;<br /> [&hellip;]&nbsp;Il vit donc, repris-je, au jour le jour et s&#39;abandonne au d&eacute;sir qui se pr&eacute;sente. Aujourd&#39;hui il s&#39;enivre au son de la fl&ucirc;te, demain il boira&nbsp;de l&#39;eau claire et je&ucirc;nera&nbsp;; tant&ocirc;t il s&#39;exerce au gymnase, tant&ocirc;t il est oisif&nbsp;et n&#39;a souci de rien, tant&ocirc;t il semble plong&eacute; dans la philosophie. Souvent, il s&#39;occupe de politique et, bondissant &agrave; la tribune, il dit et il fait ce qui lui&nbsp;passe par l&rsquo;esprit&nbsp;; lui arrive-t-il d&#39;envier les gens de guerre&nbsp;? le voil&agrave;&nbsp;devenu guerrier&nbsp;; les hommes d&#39;affaires&nbsp;? le voil&agrave; qui se lance dans le&nbsp;n&eacute;goce. Sa vie ne conna&icirc;t ni ordre ni n&eacute;cessit&eacute;, mais il l&#39;appelle agr&eacute;able, libre, heureuse, et il s&rsquo;y tient.&nbsp;<br /> Tu as parfaitement d&eacute;crit, dit-il, la vie d&#39;un ami de l&#39;&eacute;galit&eacute;.&nbsp;<br /> Je crois, poursuivis-je, qu&#39;il r&eacute;unit toutes sortes de traits et de caract&egrave;res,&nbsp;et qu&#39;il est bien le bel homme bigarr&eacute; qui correspond &agrave; la cit&eacute;&nbsp;d&eacute;mocratique.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">On le constate ais&eacute;ment, la d&eacute;mocratie est caract&eacute;ris&eacute;e pas bien des d&eacute;fauts, qui se retrouvent dans l&rsquo;homme d&eacute;mocratique. Libert&eacute; devenue licence, anarchie et absence de boussole morale, on s&rsquo;&eacute;loigne de plus en plus du philosophe, id&eacute;al du r&eacute;gime aristocratique. Cette d&eacute;gradation morale va aller en s&rsquo;accentuant et provoquer le passage &agrave; l&rsquo;homme tyrannique, esclave de ses passions.</p> <p class="texte"><em>Passage de la d&eacute;mocratie &agrave; la tyrannie</em></p> <p class="texte">Amour de la libert&eacute; et de l&rsquo;&eacute;galit&eacute;&nbsp;= anarchie, refus de toute contrainte&nbsp;&rarr; servitude car crainte perp&eacute;tuelle et esclavage des passions.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Voyons sous quels traits se pr&eacute;sente la&nbsp;tyrannie, car, quant &agrave; son origine, il est presque &eacute;vident qu&#39;elle vient de la d&eacute;mocratie.<br /> N&#39;est-ce pas le d&eacute;sir insatiable de ce que la d&eacute;mocratie regarde&nbsp;comme son bien supr&ecirc;me qui perd cette derni&egrave;re&nbsp;?<br /> Quel bien veux-tu dire&nbsp;?<br /> La libert&eacute;, r&eacute;pondis-je. En effet, dans une cit&eacute; d&eacute;mocratique tu entendras dire que c&#39;est le plus beau de tous les biens, ce pourquoi un&nbsp;homme n&eacute; libre ne saurait habiter ailleurs que dans cette cit&eacute;. Lorsqu&#39;une cit&eacute; d&eacute;mocratique, alt&eacute;r&eacute;e de libert&eacute;, trouve dans ses&nbsp;chefs de mauvais &eacute;chansons, elle s&#39;enivre de ce vin pur au del&agrave; de toute&nbsp;d&eacute;cence&nbsp;; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout &agrave; fait&nbsp;dociles et ne lui font pas large mesure de libert&eacute;, elle les ch&acirc;tie, les&nbsp;accusant d&#39;&ecirc;tre des criminels et des oligarques.<br /> Et ceux qui ob&eacute;issent aux magistrats, elle les bafoue et les traite&nbsp;d&#39;hommes serviles et sans caract&egrave;re&nbsp;; par contre, elle loue et honore, dans le priv&eacute; comme en public, les gouvernants qui ont l&#39;air de gouvern&eacute;s et&nbsp;les gouvern&eacute;s qui prennent l&#39;air de gouvernants. N&#39;est-il pas in&eacute;vitable que dans une pareille cit&eacute; l&#39;esprit de libert&eacute; s&#39;&eacute;tende &agrave; tout&nbsp;?&nbsp;<br /> Qu&#39;il p&eacute;n&egrave;tre, mon cher, dans l&#39;int&eacute;rieur des familles&nbsp;? Que le p&egrave;re s&#39;accoutume &agrave; traiter son fils comme son &eacute;gal et &agrave; redouter ses enfants, que le fils s&#39;&eacute;gale &agrave; son p&egrave;re et n&#39;a ni respect ni crainte pour&nbsp;ses parents, parce qu&#39;il veut &ecirc;tre libre, que le m&eacute;t&egrave;que devient l&#39;&eacute;gal du citoyen, le citoyen du m&eacute;t&egrave;que et l&#39;&eacute;tranger pareillement.&nbsp;<br /> Voil&agrave; ce qui se produit, repris-je, et aussi d&#39;autres petits abus tels que&nbsp;ceux-ci. Le ma&icirc;tre craint ses disciples et les flatte, les disciples font peu de cas des ma&icirc;tres et des p&eacute;dagogues. En g&eacute;n&eacute;ral les jeunes gens copient&nbsp;leurs a&icirc;n&eacute;s et luttent avec eux en paroles et en actions&nbsp;; les vieillards, de&nbsp;leur c&ocirc;t&eacute;, s&#39;abaissent aux fa&ccedil;ons des jeunes gens et se montrent pleins&nbsp;d&#39;enjouement et de bel esprit, imitant la jeunesse de peur de passer pour ennuyeux et despotiques.<br /> [&hellip;]&nbsp;Or, vois-tu le r&eacute;sultat de tous ces abus accumul&eacute;s&nbsp;? Con&ccedil;ois-tu bien qu&#39;ils&nbsp;rendent l&#39;&acirc;me des citoyens tellement ombrageuse qu&#39;&agrave; la moindre apparence de contrainte ceux-ci s&#39;indignent et se r&eacute;voltent&nbsp;? Et ils en viennent &agrave; la fin, tu le sais, &agrave; ne plus s&#39;inqui&eacute;ter des lois &eacute;crites ou non&nbsp;&eacute;crites, afin de n&#39;avoir absolument aucun ma&icirc;tre.<br /> Eh bien&nbsp;! C&#39;est ce gouvernement si beau et si juv&eacute;nile qui donne naissance &agrave; la tyrannie, du moins &agrave; ce que je pense.&nbsp;<br /> Le m&ecirc;me mal, r&eacute;pondis-je, qui, s&#39;&eacute;tant d&eacute;velopp&eacute; dans l&#39;oligarchie, a caus&eacute; sa ruine, se d&eacute;veloppe ici avec plus d&#39;ampleur et de force, du fait de la licence g&eacute;n&eacute;rale, et r&eacute;duit la d&eacute;mocratie &agrave; l&#39;esclavage&nbsp;; car il est&nbsp;certain que tout exc&egrave;s provoque ordinairement une vive r&eacute;action. Ainsi, l&#39;exc&egrave;s de libert&eacute; doit aboutir &agrave; un exc&egrave;s de servitude, et dans l&#39;individu et dans l&#39;&Eacute;tat.&nbsp;<br /> Vraisemblablement, la tyrannie n&#39;est donc issue d&#39;aucun autre gouvernement que la d&eacute;mocratie, une libert&eacute; extr&ecirc;me &eacute;tant suivie, je&nbsp;pense, d&#39;une extr&ecirc;me et cruelle servitude. Tu veux savoir quel est ce mal, commun &agrave; l&#39;oligarchie et &agrave; la d&eacute;mocratie, qui r&eacute;duit cette derni&egrave;re &agrave; l&#39;esclavage.&nbsp;<br /> Eh bien&nbsp;! J&#39;entendais par l&agrave; cette race d&#39;hommes oisifs et prodigues, les&nbsp;uns plus courageux qui vont &agrave; la t&ecirc;te, les autres, plus l&acirc;ches qui suivent.&nbsp;Nous les avons compar&eacute;s &agrave; des frelons, les premiers munis, les seconds d&eacute;pourvus d&#39;aiguillon.&nbsp;<br /> Or, ces deux esp&egrave;ces d&#39;hommes, quand elles apparaissent dans un corps&nbsp;politique, le troublent tout entier, comme font le phlegme et la bile dans le corps humain. Il faut donc que le bon m&eacute;decin et l&eacute;gislateur de la&nbsp;cit&eacute; prenne d&#39;avance ses pr&eacute;cautions, tout comme le sage apiculteur, d&#39;abord pour emp&ecirc;cher qu&#39;elles y naissent, ou, s&#39;il n&#39;y parvient point,&nbsp;pour les retrancher le plus vite possible avec les alv&eacute;oles m&ecirc;mes.&nbsp;<br /> Or donc, &agrave; la fin, lorsqu&#39;ils voient que le peuple, non par mauvaise&nbsp;volont&eacute; mais par ignorance, et parce qu&#39;il est tromp&eacute; par leurs&nbsp;calomniateurs, essaie de leur nuire, alors, qu&#39;ils le veuillent ou non, ils&nbsp;deviennent de v&eacute;ritables oligarques&nbsp;; et cela ne se fait point de leur propre gr&eacute;&nbsp;: ce mal, c&#39;est encore le frelon qui l&#39;engendre en les piquant.&nbsp;D&egrave;s lors ce sont poursuites, proc&egrave;s et luttes entre les uns et les autres.&nbsp;<br /> Maintenant, le peuple n&#39;a-t-il pas l&#39;invariable habitude de mettre &agrave; sa t&ecirc;te&nbsp;un homme dont il nourrit et accro&icirc;t la puissance&nbsp;?&nbsp;<br /> Il est donc &eacute;vident que si le tyran pousse quelque part, c&#39;est sur la&nbsp;racine de ce protecteur et non ailleurs qu&#39;il prend tige.&nbsp;<br /> Mais o&ugrave; commence la transformation du protecteur en tyran&nbsp;?&nbsp;[&hellip;]De m&ecirc;me, quand le chef du peuple, assur&eacute; de l&#39;ob&eacute;issance absolue de la&nbsp;multitude, ne sait point s&#39;abstenir du sang des hommes de sa tribu, mais, les accusant injustement, selon le proc&eacute;d&eacute; favori de ses pareils, et les tra&icirc;nant devant les tribunaux, se souille de crimes en leur faisant &ocirc;ter la&nbsp;vie, quand, d&#39;une langue et d&#39;une bouche impies, il go&ucirc;te le sang de sa race exile et tue, tout en laissant entrevoir la suppression des dettes et&nbsp;un nouveau partage des terres, alors, est-ce qu&#39;un tel homme ne doit pas n&eacute;cessairement, et comme par une loi du destin, p&eacute;rir de la main de ses ennemis, ou se faire tyran, et d&#39;homme devenir loup&nbsp;?&nbsp;<br /> [&hellip;]&nbsp;Quant &agrave; ce protecteur du peuple, il est &eacute;vident qu&#39;, apr&egrave;s avoir abattu de nombreux rivaux, il s&#39;est dress&eacute; sur le&nbsp;char de la cit&eacute;, et de protecteur il est devenu tyran accompli.&nbsp;<br /> Dans les premiers jours, il sourit et fait bon accueil &agrave; tous ceux qu&#39;il rencontre, d&eacute;clare qu&#39;il n&#39;est pas un tyran, promet beaucoup en particulier et en public, remet des dettes, partage des terres au peuple et &agrave; ses favoris, et affecte d&#39;&ecirc;tre doux et affable envers tous, n&#39;est-ce pas&nbsp;?&nbsp;<br /> Mais quand il s&#39;est d&eacute;barrass&eacute; de ses ennemis du dehors, en traitant avec&nbsp;les uns, en ruinant les autres, et qu&#39;il est tranquille de ce c&ocirc;t&eacute;, il&nbsp;commence toujours par susciter des guerres, pour que le peuple ait besoin d&#39;un chef. Et aussi pour que les citoyens, appauvris par les imp&ocirc;ts, soient oblig&eacute;s de songer &agrave; leurs besoins quotidiens, et conspirent moins contre lui.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Les &eacute;chos aves les d&eacute;rives actuelles de certaines de nos d&eacute;mocraties, d&eacute;rives dont les acteurs sont qualifi&eacute;s souvent de populistes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a></sup>, sont assez &eacute;vidents pour qu&rsquo;il ne soit pas n&eacute;cessaire de les d&eacute;tailler<sup><a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a></sup>.</p> <h1 class="texte">2. La r&eacute;flexion de Cic&eacute;ron</h1> <p class="texte">Polybe<a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a>, dont Cic&eacute;ron se fait le continuateur, reprend le sch&eacute;ma platonicien, qu&rsquo;il am&eacute;nage quelque peu, avec six formes de gouvernement, pr&eacute;sent&eacute;es dans le livre 6, 7-9 de son Histoire romaine. Il insiste davantage que Platon sur la notion de cycle. La royaut&eacute; d&eacute;g&eacute;n&egrave;re en despotisme, renvers&eacute; par l&rsquo;alliance du peuple et des puissants, alliance qui instaure l&rsquo;aristocratie. Celle-ci passe &agrave; l&rsquo;oligarchie, puis le peuple, en col&egrave;re contre les abus, impose la d&eacute;mocratie. Enfin l&rsquo;ochlocratie (ou d&eacute;magogie, pouvoir de la foule) s&rsquo;installe quand le peuple utilise la force, ce qui se termine par le recours &agrave; un homme fort qui instaure un nouveau cycle<sup><a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a></sup>.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Tant qu&#39;il resta quelqu&#39;un de ceux qui avaient souffert des gouvernements pr&eacute;c&eacute;dents, on se trouva bien du gouvernement populaire, on ne voyait rien au-dessus de l&#39;&eacute;galit&eacute; et de la libert&eacute; dont on y jouissait. Cela se maintint assez bien pendant quelque temps&nbsp;; mais, au bout d&#39;une certaine succession d&#39;hommes, on commen&ccedil;a &agrave; se lasser de ces deux grands avantages&nbsp;; l&#39;usage et l&#39;habitude en firent perdre le go&ucirc;t et l&#39;estime. Les grandes richesses firent na&icirc;tre dans quelques-uns l&#39;envie de dominer. Poss&eacute;d&eacute;s de cette passion, et ne pouvant parvenir &agrave; leur but ni par eux-m&ecirc;mes, ni par leurs vertus, ils employ&egrave;rent leurs biens &agrave; suborner et &agrave; corrompre le peuple par toutes sortes de voies. Celui-ci, gagn&eacute; par les largesses sur lesquelles il vivait, pr&ecirc;ta la main &agrave; leur ambition, et d&egrave;s lors p&eacute;rit le gouvernement populaire&nbsp;: rien ne se fit plus que par la force et par la violence&nbsp;; car, quand le peuple est une fois accoutum&eacute; &agrave; vivre sans qu&#39;il lui en co&ucirc;te aucun travail, et &agrave; satisfaire ses besoins avec le bien d&#39;autrui, s&#39;il trouve un chef entreprenant, hardi, et que la mis&egrave;re exclut des charges, alors il se porte aux derniers exc&egrave;s&nbsp;: il s&#39;ameute, ce ne sont plus que meurtres, qu&#39;exils, que partage des terres, jusqu&#39;au moment o&ugrave;, s&rsquo;&eacute;tant raval&eacute; au rang de b&ecirc;te f&eacute;roce, il se trouve &agrave; nouveau plac&eacute; sous l&rsquo;autorit&eacute; d&rsquo;un ma&icirc;tre qui gouverne en despote.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Le parall&egrave;le avec le texte platonicien saute aux yeux, pour se terminer par l&rsquo;assimilation du peuple devenu semblable &agrave; l&rsquo;homme tyrannique avec la &laquo;&nbsp;b&ecirc;te f&eacute;roce&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;loup&nbsp;&raquo; disait Platon.</p> <p class="texte">La n&eacute;cessit&eacute;, naturelle selon Polybe, de ce cycle est affirm&eacute;e bien plus nettement&nbsp;que par Platon, et l&rsquo;historien attribue au l&eacute;gislateur de Sparte, Lycurgue, la prise de conscience de cette n&eacute;cessit&eacute; (6, 10)&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;En effet, comme la rouille pour le fer, et les vers pour le bois sont des fl&eacute;aux consubstantiels, sous l&rsquo;action desquels ces mati&egrave;res, fussent-elles prot&eacute;g&eacute;es contre tous les agents destructeurs externes, subissent une d&eacute;gradation dont les causes se trouvent en elles, de m&ecirc;me chaque forme particuli&egrave;re de gouvernement a, par nature, en elle un mal cong&eacute;nital qui devient la cause de sa ruine. Pour la royaut&eacute;, c&rsquo;est la tendance au despotisme, pour l&rsquo;aristocratie, la tendance &agrave; l&#39;oligarchie, pour la d&eacute;mocratie la tendance &agrave; recourir aux voies de fait et &agrave; la force brutale&nbsp;; et il est in&eacute;vitable qu&rsquo;avec le temps chacun de ces r&eacute;gimes subisse une d&eacute;gradation dans ce sens.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Et si Rome a &eacute;chapp&eacute; &agrave; ce cycle, c&rsquo;est gr&acirc;ce &agrave; sa constitution mixte, qui tient de trois r&eacute;gimes, &eacute;vitant ainsi que le mal consubstantiel &agrave; tel r&eacute;gime se d&eacute;veloppe, gr&acirc;ce aux deux autres. Un &eacute;quilibre entre les trois &laquo;&nbsp;tendances&nbsp;&raquo; emp&ecirc;che le r&eacute;gime de &laquo;&nbsp;chavirer&nbsp;&raquo; et, comme l&rsquo;histoire de Rome le prouve, lui permet de durer (6, 11)&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Les trois sources de l&rsquo;autorit&eacute; politique dont j&#39;ai parl&eacute; composaient la r&eacute;publique romaine, et toutes trois &eacute;taient tellement balanc&eacute;es l&#39;une par l&#39;autre, que personne, m&ecirc;me parmi les Romains, ne pouvait assurer, sans crainte de se tromper, si la constitution y &eacute;tait aristocratique, d&eacute;mocratique ou monarchique. En jetant les yeux sur le pouvoir des consuls, on e&ucirc;t cru qu&#39;il &eacute;tait monarchique, avec les caract&eacute;ristiques d&rsquo;une royaut&eacute;&nbsp;; &agrave; voir celui du S&eacute;nat, un l&#39;e&ucirc;t pris pour une aristocratie&nbsp;; et celui qui aurait consid&eacute;r&eacute; les pouvoirs dont disposait le peuple, aurait jug&eacute; d&#39;abord que c&#39;&eacute;tait un &eacute;tat d&eacute;mocratique.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Cic&eacute;ron, quand il entreprend en 54 la r&eacute;daction de son ouvrage <em>La R&eacute;publique</em>, a derri&egrave;re lui, par son exil en 63, une douloureuse exp&eacute;rience de la vie politique&nbsp;: il assiste, aux premi&egrave;res loges pourrait-on dire, aux d&eacute;rives de l&rsquo;&Eacute;tat avec en particulier la rivalit&eacute; entre C&eacute;sar et Pomp&eacute;e. Sa r&eacute;flexion politique et philosophique, qui sera compl&eacute;t&eacute;e par la r&eacute;daction des <em>Lois</em>, cherche &agrave; sauver ce qui peut l&rsquo;&ecirc;tre du r&eacute;gime r&eacute;publicain devant les menaces de pouvoir sinon absolu, en tout cas personnel, qu&rsquo;il per&ccedil;oit de plus en plus nettes<sup><a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a></sup>. Choisissant, dans la guerre civile qui les oppose, le camp de Pomp&eacute;e contre C&eacute;sar, apr&egrave;s la mort de Pomp&eacute;e, il se rallie &agrave; C&eacute;sar puis &agrave; Octave, le futur Auguste&nbsp;: il sera proscrit et ex&eacute;cut&eacute; en 43 (quelques mois apr&egrave;s l&rsquo;assassinat de C&eacute;sar) par Antoine, rival d&rsquo;Octave, dont il avait d&eacute;nonc&eacute; violemment les d&eacute;rives autoritaires dans ses quatorze<em> Philippiques.</em></p> <p class="texte">Synth&egrave;se de Platon, d&rsquo;Aristote et de Polybe, sa r&eacute;flexion repose sur l&rsquo;exp&eacute;rience humaine dont elle est sous-tendue<a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a>&nbsp;: encore plus nettement que chez Platon &ndash;&nbsp;qui n&rsquo;a pas, lui, particip&eacute; directement aux affaires publiques&nbsp;&ndash; l&rsquo;orateur latin prend en compte son v&eacute;cu et le r&eacute;el, sur lequel il esp&egrave;re pouvoir encore peser&nbsp;; et surtout, il a, par rapport aux penseurs grecs, le t&eacute;moignage des trois si&egrave;cles d&rsquo;histoire qui l&rsquo;en s&eacute;parent. S&rsquo;ajoute &agrave; cela, la pr&eacute;occupation permanente des Latins de souligner l&rsquo;apport de la civilisation romaine, dans ce domaine comme dans d&rsquo;autres, pour &eacute;viter les d&eacute;rives ou erreurs de leurs illustres pr&eacute;d&eacute;cesseurs, dont ils se reconnaissent les h&eacute;ritiers par ailleurs<sup><a class="footnotecall" href="#ftn19" id="bodyftn19">19</a></sup>. Par exemple, en 3, 4&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;La diff&eacute;rence qu&#39;il y eut entre les grands hommes des deux nations, c&#39;est que chez les Grecs les semences de vertu furent d&eacute;velopp&eacute;es par la parole et l&#39;&eacute;tude&nbsp;; chez nous, au contraire, par les institutions et les lois. Rome a produit un grand nombre, je ne dirai pas de sages, puisque c&#39;est un titre dont la philosophie est si avare, mais d&#39;hommes souverainement dignes de gloire, puisqu&#39;ils ont pratiqu&eacute; les pr&eacute;ceptes et les le&ccedil;ons des sages.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">En ce qui concerne La R&eacute;publique, outre le titre, Cic&eacute;ron reprend &agrave; Platon le principe du dialogue, qu&rsquo;il situe &eacute;galement avant la date de r&eacute;daction, mais avec un &eacute;cart plus important, &frac34; de si&egrave;cle au lieu de &frac14; (131/54 au lieu de 410/385)&nbsp;; et surtout, l&rsquo;interlocuteur principal est Scipion Emilien, soit un homme davantage politique que philosophe, aussi cultiv&eacute; f&ucirc;t-il<sup><a class="footnotecall" href="#ftn20" id="bodyftn20">20</a></sup>.</p> <p class="texte">Voici comment Pierre Grimal pr&eacute;sente la d&eacute;marche de Cic&eacute;ron&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;En reprenant les th&egrave;ses de Platon, d&#39;Aristote, de Polybe (et de quelques autres, Th&eacute;ophraste, notamment), Cic&eacute;ron a r&eacute;pandu l&#39;id&eacute;e que tout roi n&#39;est pas un tyran, que la monarchie, si elle est une royaut&eacute; juste et sage, peut trouver place dans une constitution &eacute;quilibr&eacute;e et, finalement, que ce r&eacute;gime, sous ses meilleures formes, est conforme &agrave; l&#39;ordre du monde. Tel est, dans cette &eacute;volution qui commence &agrave; se dessiner, et qu&#39;impose l&#39;&eacute;tat politique au milieu du I<sup>er</sup> si&egrave;cle av. J.-C, l&#39;apport de la pens&eacute;e cic&eacute;ronienne, o&ugrave; se m&ecirc;lent intimement la connaissance et la m&eacute;ditation des philosophies platonicienne et p&eacute;ripat&eacute;ticienne et le sens, quasi visc&eacute;ral, de la continuit&eacute; romaine.<sup><a class="footnotecall" href="#ftn21" id="bodyftn21">21</a></sup>&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">L&rsquo;&acirc;ge d&rsquo;or de la R&eacute;publique est, pour Cic&eacute;ron, la p&eacute;riode du 2<sup>e</sup> si&egrave;cle qui a vu des hommes comme Caton et Scipion diriger les affaires. L&rsquo;origine des troubles de son temps &agrave; lui, il la fait remonter aux Gracques, qui &laquo;&nbsp;encens&eacute;s d&#39;un c&ocirc;t&eacute;, abomin&eacute;s de l&#39;autre, sont bien ressentis comme l&#39;origine et le symbole de la division de la vie politique en factions rivales&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn22" id="bodyftn22">22</a></sup>, soit l&rsquo;oppos&eacute; de la <em>concordia</em> <em>bonorum</em>, &laquo;&nbsp;union des hommes de bien&nbsp;&raquo;, id&eacute;al cic&eacute;ronien de la politique. Les propos mis, en 3, 29, dans la bouche de L&eacute;lius, l&rsquo;ami de Scipion, pourraient &ecirc;tre les siens&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Gracchus respecta les droits de ses concitoyens&nbsp;; mais il m&eacute;connut ceux des alli&eacute;s et des Latins, et foula aux pieds les trait&eacute;s. Imaginons que l&rsquo;habitude de tels exc&egrave;s commence &agrave; se r&eacute;pandre plus largement et qu&rsquo;elle fasse passer notre empire du r&eacute;gime du droit au r&eacute;gime de la force&nbsp;; si un jour ceux qui nous ob&eacute;issent encore de bon gr&eacute; ne sont plus retenus que par la terreur, j&rsquo;ai lieu d&rsquo;&ecirc;tre inquiet, malgr&eacute; tous les efforts de vigilance que les hommes de notre &acirc;ge ont g&eacute;n&eacute;ralement prodigu&eacute;s, sur le sort de notre post&eacute;rit&eacute; et sur le caract&egrave;re imp&eacute;rissable de notre Etat&nbsp;; et cependant il pourrait &ecirc;tre immortel, si l&rsquo;on y vivait selon les institutions et les m&oelig;urs de nos anc&ecirc;tres.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Ce jour o&ugrave; le d&eacute;r&egrave;glement moral du chef le fait passer du droit &agrave; la force, jour encore lointain &agrave; l&rsquo;&eacute;poque du dialogue, est arriv&eacute; dans ces ann&eacute;es de la R&eacute;publique finissante. Cic&eacute;ron, qui a d&eacute;sapprouv&eacute; les tentatives pour conf&eacute;rer &agrave; Pomp&eacute;e le titre de <em>dictator</em> (c&rsquo;est-&agrave;-dire, magistrat investi des pleins pouvoirs pour une dur&eacute;e limit&eacute;e), par respect pour la libert&eacute; conquise lors de la chute des Tarquin et de l&rsquo;instauration de la R&eacute;publique, est conduit &agrave; admettre qu&rsquo;il y a des crises plus graves que d&rsquo;autres o&ugrave; la d&eacute;gradation du syst&egrave;me &eacute;ducatif du <em>mos majorum</em> est prise en d&eacute;faut et ne suffit plus. Son temps est dans ce cas.</p> <p class="texte">Et la cause de cet &eacute;tat de fait, comme pour Platon, se trouve dans l&rsquo;&eacute;ducation. Dans le d&eacute;but du livre 5, 1, qui ne nous est connu que par les extraits ou r&eacute;sum&eacute;s qu&rsquo;en donne Saint Augustin, dans <em>La Cit&eacute; de Dieu</em> (2, 21), Cic&eacute;ron semble prendre la parole&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;&ldquo;Que reste-t-il de ces anciennes m&oelig;urs qui faisaient, suivant Ennius<a class="footnotecall" href="#ftn23" id="bodyftn23">23</a>, la grandeur de Rome&nbsp;? Elles sont tellement plong&eacute;es dans l&#39;oubli, que, bien loin de les pratiquer, personne ne les conna&icirc;t plus parmi nous. Que dirai-je des hommes&nbsp;? Mais si les m&oelig;urs ont p&eacute;ri, c&#39;est que les hommes leur ont manqu&eacute;. Nous assistons &agrave; une grande ruine, et ce&nbsp;n&#39;est pas assez d&#39;en montrer les causes, la patrie nous en demande compte &agrave; nous-m&ecirc;mes, et nous devons r&eacute;pondre devant elle &agrave; cette accusation capitale. Ce sont nos fautes et non pas nos malheurs qui ont an&eacute;anti cette r&eacute;publique dont le nom seul subsiste encore.&rdquo; Voil&agrave; l&#39;aveu qui &eacute;chappe &agrave; Cic&eacute;ron, longtemps, il est vrai, apr&egrave;s la mort de l&#39;Africain.<a class="footnotecall" href="#ftn24" id="bodyftn24">24</a>&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">C&rsquo;est donc logiquement que nous retrouvons chez lui la comparaison platonicienne, qu&rsquo;avait d&eacute;j&agrave; reprise Polybe, entre l&rsquo;homme devenu tyrannique et la b&ecirc;te f&eacute;roce, comme en 2, 26<sup><a class="footnotecall" href="#ftn25" id="bodyftn25">25</a></sup>&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;D&egrave;s que l&#39;autorit&eacute; royale s&#39;est chang&eacute;e en une domination injuste, il n&#39;y a plus de roi, mais un tyran, c&#39;est-&agrave;-dire le monstre le plus horrible, le plus hideux, le plus en abomination aux dieux et aux hommes, que l&#39;on puisse concevoir&nbsp;; il a l&rsquo;apparence humaine, mais il d&eacute;passe par l&rsquo;inhumanit&eacute; de son caract&egrave;re les b&ecirc;tes f&eacute;roces les plus d&eacute;vastatrices. Comment reconna&icirc;tre pour un homme celui qui ne veut entrer ni dans la communaut&eacute; de droits qui fait les soci&eacute;t&eacute;s, ni dans la communaut&eacute; de sentiments qui unit le genre humain&nbsp;? Mais nous trouverons une occasion plus convenable pour parler de la tyrannie lorsque nous aurons &agrave; nous &eacute;lever contre les citoyens qui, au sein d&#39;un Etat rendu &agrave; la libert&eacute;, os&egrave;rent aspirer au pouvoir absolu.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Cette &laquo;&nbsp;occasion&nbsp;&raquo; se produit en 3, 33, quand ce n&rsquo;est plus le seul tyran qui est b&ecirc;te f&eacute;roce, mais le peuple, &agrave; nouveau dans la bouche de L&eacute;lius&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Scipion, pour moi un peuple ne se constitue, suivant ton excellente d&eacute;finition, que si ses membres participent &agrave; des droits communs&nbsp;; mais l&#39;empire de la foule n&#39;est pas moins tyrannique que celui d&#39;un seul homme&nbsp;; et cette tyrannie est d&#39;autant plus monstrueuse que rien n&#39;est plus malfaisant que cette b&ecirc;te f&eacute;roce qui prend l&#39;apparence et le nom du peuple.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">D&egrave;s lors, &laquo;&nbsp;le danger fondamental est la tyrannie qui peut s&#39;&eacute;riger &agrave; partir des deux tendances (l&#39;auteur pense &agrave; C&eacute;sar et &agrave; Pomp&eacute;e)&nbsp;; la solution ne peut r&eacute;sider que dans l&#39;union &ndash;&nbsp;traditionnelle, platonicienne&nbsp;&ndash; des gens de bien.&nbsp;[&hellip;] Il n&#39;a jamais voulu distinguer le gouvernement personnel de la tyrannie.<a class="footnotecall" href="#ftn26" id="bodyftn26">26</a>&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte">Quand on sait que cette <em>concordia</em> repose sur la notion, fondamentale dans l&rsquo;id&eacute;ologie du <em>mos majorum</em>, de <em>fides</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn27" id="bodyftn27">27</a></sup>, &laquo;&nbsp;loyaut&eacute;&nbsp;&raquo;, envers les siens, ses alli&eacute;s, sa patrie, et qu&rsquo;on conna&icirc;t le jeu f&eacute;roce des trahisons de toutes sortes entre les hommes politiques de son temps, autour de C&eacute;sar comme de Pomp&eacute;e, on voit que les craintes de Cic&eacute;ron sont tout sauf infond&eacute;es.</p> <p class="texte">Terminons par un dernier &eacute;cho entre la situation de Cic&eacute;ron, et donc de Platon, telle qu&rsquo;Alain Michel la pr&eacute;sente &agrave; deux reprises, et la n&ocirc;tre.</p> <p class="texte">Dans le projet de Cic&eacute;ron<sup><a class="footnotecall" href="#ftn28" id="bodyftn28">28</a></sup>&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;En particulier, dans le <em>De republica</em>, II, 33, il analyse d&#39;une fa&ccedil;on approfondie la notion m&ecirc;me de pouvoir&nbsp;: [Scipion]&ldquo;Retenez en effet ce que j&#39;ai dit au d&eacute;but&nbsp;: s&#39;il n&#39;y a pas dans la cit&eacute; une &eacute;quitable compensation des droits, des devoirs et des charges, de mani&egrave;re qu&#39;il y ait assez de pouvoir dans les magistrats, d&#39;autorit&eacute; dans le conseil des premiers citoyens et de libert&eacute; dans le peuple, il n&#39;est pas possible de conserver immuable notre pr&eacute;sente constitution. &rdquo; On voit ce qu&#39;il y a d&#39;original dans la d&eacute;marche de Cic&eacute;ron. Il analyse, dans un langage sp&eacute;cifiquement romain, les diff&eacute;rentes formes du pouvoir et il les met en rapport avec les structures de la soci&eacute;t&eacute;, dont d&eacute;pendent les divers r&eacute;gimes.&nbsp;[&hellip;] Cic&eacute;ron veut &agrave; la fois moderniser la vie politique, en conserver les traditions majeures, les rationaliser, les moraliser.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Et en conclusion de son article<sup><a class="footnotecall" href="#ftn29" id="bodyftn29">29</a></sup>&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Cic&eacute;ron n&#39;a pas ignor&eacute; dans le <em>De republica</em> la crise de la r&eacute;publique romaine. Il a essay&eacute; de revenir aux principes de la philosophie et de la r&eacute;flexion historique pour comprendre et pour pr&eacute;voir. Il l&#39;a fait selon une pens&eacute;e coh&eacute;rente qui ne s&#39;est jamais d&eacute;mentie. Il voulait &agrave; la fois veiller sur l&#39;&eacute;quilibre traditionnel de l&#39;&Eacute;tat romain et l&#39;interpr&eacute;tation de Polybe le satisfaisait d&#39;autant plus que l&#39;historien avait &eacute;t&eacute; proche de Scipion Emilien. Une certaine id&eacute;e de la concorde se trouvait ainsi affirm&eacute;e. Elle allait &agrave; la fois contre les factions et contre les abus du parti populaire. Mais, au moment o&ugrave; Cic&eacute;ron &eacute;crivait, la menace n&#39;&eacute;tait pas seulement celle de la discorde mais celle de la tyrannie. D&egrave;s lors, l&#39;auteur revenait &agrave; la tradition platonicienne qui lui enseignait &agrave; la fois le pessimisme, puisque les hommes ne saisissent pas le vrai, et l&#39;optimisme, puisqu&#39;ils savent que l&#39;id&eacute;al existe. Au moment o&ugrave; la r&eacute;publique allait s&#39;effondrer, Cic&eacute;ron pouvait h&eacute;siter entre la lucidit&eacute; de Thucydide et la lumi&egrave;re de Platon, entre P&eacute;ricl&egrave;s et Octave. Il conservait &agrave; la fois l&#39;espoir et le d&eacute;sespoir.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p class="texte">Et nous&nbsp;? En sommes-nous &agrave; un moment o&ugrave; nos d&eacute;mocraties &laquo;&nbsp;vont s&rsquo;effondrer&nbsp;&raquo;&nbsp;? Oscillons-nous aussi entre optimiste et pessimisme&nbsp;?</p> <p class="texte">Il ne tient sans doute qu&rsquo;&agrave; nous-m&ecirc;mes de conserver l&rsquo;espoir plut&ocirc;t que le d&eacute;sespoir&hellip;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> Le terme grec <em>politeia</em> (form&eacute; &agrave; partir de <em>polis</em>, &laquo;&nbsp;cit&eacute;, &Eacute;tat&nbsp;&raquo;), a le sens, plus g&eacute;n&eacute;ral, de &laquo;&nbsp;forme de gouvernement&nbsp;&raquo;, mais par commodit&eacute; les traducteurs conservent le titre <em>La R&eacute;publique</em>, entr&eacute; dans l&rsquo;usage.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> Voir <em>Les Politiques</em> (trad. Pierre Pellegrin) et <em>Constitution des Ath&eacute;niens</em> (trad. Marie-Jeanne Werlings), dans Pierre Pellegrin (dir.), <em>Aristote, &OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, Paris, Flammarion, 2014. Pour le texte grec ou latin, ce sont les &eacute;ditions bilingues, dans la &laquo;&nbsp;Collection des Universit&eacute;s de France&nbsp;&raquo;, aux Belles Lettres, qui font r&eacute;f&eacute;rence.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> Voir <em>Histoire</em>, 6, 2 et 5, dans Fran&ccedil;ois Hartog (&eacute;d.), Denis Roussel (trad., notes), <em>Polybe, Histoire</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Quarto&nbsp;&raquo;, 2003.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> Ce tableau est un r&eacute;sum&eacute; tr&egrave;s simplifi&eacute;&nbsp;: nous renvoyons pour le d&eacute;tail &agrave; Claude Orrieux, Pauline Schmitt Pantel, <em>Histoire grecque</em>, Paris, PUF, &laquo;&nbsp;Quadrige manuels&nbsp;&raquo;, 2016, et &agrave; Marcel Le Glay, Yann Le Bohec, Jean-Louis Voisin, <em>Histoire Romaine</em>, Paris, PUF, &laquo;&nbsp;Quadrige manuels&nbsp;&raquo;, 2016.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> Sauf indication contraire toutes les dates sont ici n&eacute;gatives.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> Nous renvoyons &agrave; la synth&egrave;se tr&egrave;s claire de Patrick Juignet, &laquo;&nbsp;Platon et les r&eacute;gimes politiques&nbsp;&raquo; In <em>Philosophie, science et soci&eacute;t&eacute;</em>, 2015&nbsp;: <a href="https://philosciences.com/philosophie-et-societe/economie-politique-societe/153-regimes-politiques-platon">https://philosciences.com/philosophie-et-societe/economie-politique-societe/153-regimes-politiques-platon</a></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> La chronologie des dialogues de Platon n&rsquo;est pas &eacute;tablie de fa&ccedil;on s&ucirc;re.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> Luc Brisson (dir.), <em>Platon, &OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, Paris, Flammarion, 2008, p.&nbsp;1481.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> Thucydide,&nbsp;<em>Histoire de la guerre du P&eacute;loponn&egrave;se</em>, 2, 36, trad. Jean Voilquin, Paris, Garnier-Flammarion, 1966.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> Nous reprenons la traduction d&rsquo;&Eacute;mile Chambry de 1940, sur le site de Bibliotheca Classica Selecta (UCL&nbsp;: http://mercure.fltr.ucl.ac.be/Hodoi/concordances), parfois modifi&eacute;e, en tenant compte de celles de Jacques Cazeaux, <em>La R&eacute;publique</em>, Paris, Le Livre de Poche, 1995, et de Georges Leroux, in Luc Brisson (dir.), <em>op.&nbsp;cit.</em></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> Sur le caract&egrave;re n&eacute;cessaire ou non de cet encha&icirc;nement, pour Platon, Aristote et Polybe, voir <em>Histoire</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;552, n.&nbsp;10.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> Il s&rsquo;agit bien des hommes (<em>an&egrave;r</em>), la femme ayant une condition proche de celle des mineures dans la plupart des soci&eacute;t&eacute;s grecques (sauf Sparte)&nbsp;: dans la cit&eacute; id&eacute;ale de Platon, elles jouent un r&ocirc;le bien plus important, &eacute;duqu&eacute;es et pouvant &ecirc;tre gardiennes&nbsp;comme les hommes&nbsp;&ndash; sans pour autant pouvoir pr&eacute;tendre au pouvoir.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> On entendra ici le terme dans son sens le plus usuel de d&eacute;magogues &ndash; cat&eacute;gorie connue de la d&eacute;mocratie grecque et de la R&eacute;publique romaine &ndash; sans entrer dans les nuances de la notion. Sur ce point, voir Alexandre Dorna, &laquo;&nbsp;Quand la d&eacute;mocratie s&rsquo;assoit sur des volcans&nbsp;: L&rsquo;&eacute;mergence des populismes charismatiques&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Amnis</em>, EUROPES/AMERIQUES, 2005, <a href="https://journals.openedition.org/amnis/969">https://journals.openedition.org/amnis/969</a>&nbsp;; et parmi les nombreuses publications depuis sur le sujet, Ricardo Pe&ntilde;afiel, &laquo;&nbsp;Populisme et d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative sont deux facettes d&rsquo;un m&ecirc;me ph&eacute;nom&egrave;ne, <em>Relations</em>, mars-avril 2015, 777, <a href="https://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/populisme-et-democratie-representative-sont-deux-facettes-dun-meme-phenomene/">https://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/populisme-et-democratie-representative-sont-deux-facettes-dun-meme-phenomene/</a> ou Jacques de Coulon, &laquo;&nbsp;Le populisme est-il d&eacute;mocratiques&nbsp;&raquo;, <em>Sources</em>, juillet 2017&nbsp;: <a href="https://revue-sources.cath.ch/le-populisme-est-il-democratique/">https://revue-sources.cath.ch/le-populisme-est-il-democratique/</a>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> P. Jugniet, art.&nbsp;cit., souligne ceux qui concernent l&rsquo;&eacute;ducation.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> Homme politique et historien grec du 2<sup>e</sup> si&egrave;cle av. J.-C., il a &eacute;t&eacute; pr&eacute;cepteur de Scipion Emilien, vainqueur de Carthage dans la 3<sup>e</sup> guerre punique. Son objectif est pr&eacute;cis&eacute; en 1, 1&nbsp;: &laquo;&nbsp;Savoir comment et gr&acirc;ce &agrave; quel gouvernement l&rsquo;Etat romain a pu, chose sans pr&eacute;c&eacute;dent, &eacute;tendre sa domination &agrave; presque toute la terre habit&eacute;e et cela en moins de 53 ans&nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> Nous reprenons sur le site de Bibliotheca Selecta la traduction de Pierre Waltz de 1927, en la remaniant &agrave; partir de celle de D. Roussel, <em>op.&nbsp;cit.</em></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> Voir sur les id&eacute;es politiques de Cic&eacute;ron, et ses revirements, la synth&egrave;se de Viktor P&ouml;schl, &laquo;&nbsp;Quelques principes fondamentaux de la politique de Cic&eacute;ron&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Comptes rendus des s&eacute;ances de l&#39;Acad&eacute;mie des Inscriptions et Belles-Lettres</em>, 1987, <a href="https://www.persee.fr/issue/crai_0065-0536_1987_num_131_2?sectionId=crai_0065-0536_1987_num_131_2_14498">131-2</a>,&nbsp;p. 340-350, en particulier p.&nbsp;344-346&nbsp;: <a href="https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1987_num_131_2_14498">https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1987_num_131_2_14498</a></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> Voir Alfred Ernout, &laquo;&nbsp;Cic&eacute;ron et le <em>De Republica</em>&nbsp;&raquo;<em>, </em><a href="https://www.persee.fr/collection/crai">Comptes rendus des s&eacute;ances de l&#39;Acad&eacute;mie des Inscriptions et Belles-Lettres</a>, 1938, <a href="https://www.persee.fr/issue/crai_0065-0536_1938_num_82_6?sectionId=crai_0065-0536_1938_num_82_6_77101">82-6</a>,&nbsp;p. 478-486, <a href="https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1938_num_82_6_77101">https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1938_num_82_6_77101</a>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le <em>De Republica</em> refl&egrave;te exactement, &agrave; un moment pr&eacute;cis de son existence, son id&eacute;al, ses ambitions, comme aussi ses d&eacute;ceptions et ses regrets&nbsp;&raquo; (p. 482).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn19" id="ftn19">19</a> Sur le concept d&rsquo;&laquo;&nbsp;alt&eacute;rit&eacute; incluse&nbsp;&raquo; employ&eacute; &agrave; propos du rapport, complexe, entre Romains et Grecs, voir Florence Dupont, &laquo;&nbsp;Rome ou l&#39;alt&eacute;rit&eacute; incluse&nbsp;&raquo;, <a href="https://www.cairn.info/revue-rue-descartes.htm">Rue Descartes</a>, 2002/3, 37), p.&nbsp;41-54 <a href="https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2002-3-page-41.htm#">https://</a><a href="https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2002-3-page-41.htm#">www.cairn.info/revue-rue-descartes-2002-3-page-41.htm#</a>, &laquo;&nbsp;Ainsi la Gr&egrave;ce &agrave; la fois englobe Rome et Rome s&rsquo;en distingue volontairement. Rome est grecque et elle est autre. C&rsquo;est ce que nous avons appel&eacute; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; incluse&nbsp;&raquo; (&sect;41)&nbsp;; &agrave; la suite des travaux de Jean-Louis Ferrary, <em>Philhell&eacute;nisme et imp&eacute;rialisme. Aspects id&eacute;ologiques de la conqu&ecirc;te romaine du monde hell&eacute;nistique</em>, Rome, &Eacute;cole fran&ccedil;aise de Rome, 1988.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn20" id="ftn20">20</a> La date choisie par Cic&eacute;ron est embl&eacute;matique des soubresauts de la R&eacute;publique romaine, avec l&rsquo;opposition entre les Gracques, &agrave; la t&ecirc;te de la faction des <em>populares</em>, et le S&eacute;nat&nbsp;: voir Claude Nicolet (dir.), <em>Demokratia et Aristokratia, &Agrave; propos de Caius Gracchus&nbsp;: mots grecs et r&eacute;alit&eacute;s romaines</em>, Paris, Publications de la Sorbonne, 1983 &ndash; en particulier, la contribution de Jean-Michel David, &laquo;&nbsp;L&rsquo;action oratoire de C. Gracchus&nbsp;&raquo;&nbsp;: de fondateur de l&rsquo;<em>eloquentia popularis</em>, il deviendra &laquo;&nbsp;le st&eacute;r&eacute;otype du d&eacute;magogue excit&eacute;&nbsp;&raquo;, (p. 116).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn21" id="ftn21">21</a> &laquo;&nbsp;Du <em>De republica</em> au <em>De clementia</em>, R&eacute;flexions sur l&#39;&eacute;volution de l&#39;id&eacute;e monarchique &agrave; Rome&nbsp;&raquo;, <a href="https://www.persee.fr/collection/mefr">M&eacute;langes de l&#39;&eacute;cole fran&ccedil;aise de Rome</a>, 1979, <a href="https://www.persee.fr/issue/mefr_0223-5102_1979_num_91_2?sectionId=mefr_0223-5102_1979_num_91_2_1210">91-2</a>, (p. 671-691), p.&nbsp;679&nbsp;: <a href="https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-5102_1979_num_91_2_1210">https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-5102_1979_num_91_2_1210</a></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn22" id="ftn22">22</a> Jacques Gaillard, &laquo;&nbsp;Que repr&eacute;sentent les Gracques pour Cic&eacute;ron&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <a href="https://www.persee.fr/collection/bude"><em>Bulletin de l&#39;Association Guillaume Bud&eacute;</em></a>, 1975, <a href="https://www.persee.fr/issue/bude_1247-6862_1975_num_34_4?sectionId=bude_1247-6862_1975_num_34_4_3528">LH-34</a> (p. 499-529), p.&nbsp;502&nbsp;: <a href="https://www.persee.fr/doc/bude_1247-6862_1975_num_34_4_3528">https://www.persee.fr/doc/bude_1247-6862_1975_num_34_4_3528</a></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn23" id="ftn23">23</a> &laquo;&nbsp;Rome subsiste par ses m&oelig;urs antiques et ses hommes.&nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn24" id="ftn24">24</a> Voir le d&eacute;tail des principes &eacute;ducatifs latins, par rapport aux grecs, dans la pr&eacute;face de Bernard Besnier, Cic&eacute;ron, <em>La R&eacute;publique</em> suivi de <em>Le Destin</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;TEL&nbsp;&raquo;, 1994, n. 19, et 21, pour le lien entre d&eacute;gradation de l&rsquo;&eacute;ducation et celle de la R&eacute;publique.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn25" id="ftn25">25</a> Nous reprenons sur le site de Bibliotheca Selecta la traduction de Charles Nisard, qui date de 1841, en la remaniant &agrave; partir de celle d&rsquo;Esther Br&eacute;guet (&eacute;d.), Cic&eacute;ron, <em>La R&eacute;publique</em>, Paris, Les Belles Lettres, &laquo;&nbsp;CUF&nbsp;&raquo;, 1989.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn26" id="ftn26">26</a> A. Michel, &laquo;&nbsp;Cic&eacute;ron et la crise de la R&eacute;publique romaine&nbsp;&raquo;, <a href="https://www.persee.fr/collection/bude"><em>Bulletin de l&#39;Association Guillaume Bud&eacute;</em></a>, 1990,&nbsp;2,&nbsp;(p. 155-162), p.&nbsp;161. <a href="https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1990_num_1_2_1427">https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1990_num_1_2_1427</a></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn27" id="ftn27">27</a> Voir V. P&ouml;schl, art.&nbsp;cit., p.&nbsp;346-348.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn28" id="ftn28">28</a> A. Michel, art.&nbsp;cit., p.&nbsp;159-160.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn29" id="ftn29">29</a> <em>Id</em>., p.&nbsp;162.</p>