<p class="texte"><strong>DOSSIER : L&#39;AVENIR DE LA DEMOCRATIE</strong></p> <p class="texte"><em>Paul Wiener, docteur en m&eacute;decine et psychiatre. Il a &eacute;t&eacute; par ailleurs &eacute;l&egrave;ve du psychosomaticien Pierre Marty, de Mme Chasseguet-Smirgel, psychanalyste. Il a travaill&eacute; comme psychiatre d&rsquo;enfant, m&eacute;decin-chef de service et psychanalyste. Il a enseign&eacute; en qualit&eacute; de Ma&icirc;tre de Conf&eacute;rence &agrave; Paris VII (Sciences Humaines Cliniques) et de Professeur de Psychopathologie &agrave; Paris XIII. Il est l&rsquo;auteur de Peut-on en finir avec Hitler&nbsp;?</em></p> <p><strong>1. L&rsquo;Europe, une civilisation multipolaire</strong></p> <p><strong>2. Quelques notions de thermodynamique</strong></p> <p>2.1. L&rsquo;entropie</p> <p>2.2. Thermodynamique de l&rsquo;&eacute;quilibre</p> <p>2.3. Thermodynamique lin&eacute;aire</p> <p>2.4. Thermodynamique non lin&eacute;aire</p> <p><strong>3. L&rsquo;usage de la notion d&rsquo;entropie pour l&rsquo;&eacute;tude de la soci&eacute;t&eacute;</strong></p> <p><strong>4. La perte de nos illusions</strong></p> <p><strong>5. La confrontation digitalis&eacute;e du Centre et de la P&eacute;riph&eacute;rie</strong></p> <p><strong>6. La nature des contraintes actuelles</strong></p> <p class="texte">Dans notre livre &laquo;&nbsp;Peut-on en finir avec Hitler&nbsp;?&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a></sup> j&rsquo;ai expos&eacute; rapidement quelques &eacute;l&eacute;ments de l&rsquo;&eacute;volution de l&rsquo;&eacute;quilibre politico-&eacute;conomique en Europe. Ici je, reprends ce th&egrave;me car je pense que les &eacute;v&eacute;nements actuels de 2019 en France pr&eacute;sentent cette caract&eacute;ristique de d&eacute;s&eacute;quilibre entre les forces de coh&eacute;sion et de d&eacute;sunion. Selon certains auteurs cit&eacute;s plus loin, ce serait un d&eacute;s&eacute;quilibre entre le Centre et la P&eacute;riph&eacute;rie de la soci&eacute;t&eacute;. Ce d&eacute;s&eacute;quilibre qui a bien d&rsquo;autres manifestations que le mouvement des Gilets&nbsp;Jaunes, met actuellement en danger la stabilit&eacute; de la soci&eacute;t&eacute; &agrave; tous les niveaux, national, europ&eacute;en, voire dans ses manifestations les plus larges, mondial. Je ne cherche pas &agrave; &eacute;tudier les causes locales de ces d&eacute;s&eacute;quilibres. Je ne fais pas appel &agrave; la notion de d&eacute;s&eacute;quilibre selon PARETO bien qu&rsquo;il s&rsquo;agisse &eacute;galement de perturbation et m&ecirc;me de d&eacute;sordre, mais plut&ocirc;t &agrave; certaines des caract&eacute;ristiques qui peuvent &ecirc;tre saisies par des m&eacute;thodes d&eacute;riv&eacute;es de la thermodynamique.</p> <p class="texte">Les grandes civilisations antiques, telles que celles d&rsquo;Egypte ou de Chine, qui ont exist&eacute; sur une longue p&eacute;riode, tendaient vers une homog&eacute;n&eacute;it&eacute; culturelle. Ces civilisations se sont constitu&eacute;es et se sont g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;es progressivement, malgr&eacute; les particularismes locaux, gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;int&eacute;gration progressive des unit&eacute;s r&eacute;gionales, et elles ont fini par former un ensemble coh&eacute;rent, tel celui des Hans en Chine. Elles ont am&eacute;nag&eacute; avec succ&egrave;s leurs contraintes g&eacute;ographiques et politiques. Les contraintes d&eacute;finissent les conditions de fonctionnement d&rsquo;un syst&egrave;me. Respecter les contraintes qui d&eacute;finissent le fonctionnement d&rsquo;un syst&egrave;me politique est la premi&egrave;re et la plus importante de ses t&acirc;ches. Ce qui est particulier aux syst&egrave;mes sociaux, c&rsquo;est qu&rsquo;ils peuvent modifier au cours de leur &eacute;volution, les contraintes qui d&eacute;limitent leur p&eacute;rim&egrave;tre. Les syst&egrave;mes biologiques n&rsquo;ont pas cette capacit&eacute;. Par exemple les animaux doivent respirer, le besoin en oxyg&egrave;ne est une contrainte non n&eacute;gociable, m&ecirc;me si certains am&eacute;nagements sont possibles.</p> <p class="texte">De ce point de vue les p&eacute;riodes hell&eacute;nistique et romaine ont &eacute;t&eacute; des &eacute;checs, ne serait‑ce qu&rsquo;en raison de l&rsquo;incapacit&eacute; de l&rsquo;Empire Romain &agrave; maintenir son cadre suffisamment longtemps. Le christianisme a fourni un d&eacute;nominateur commun apr&egrave;s la disparition de l&rsquo;Empire.<strong> </strong>Les croisades ont curieusement constitu&eacute; un interm&egrave;de &agrave; pr&eacute;dominance coh&eacute;sive. Les gens d&rsquo;origines tr&egrave;s diverses se sont reconnus crois&eacute;s. Quelle langue les chefs parlaient-ils dans leurs fr&eacute;quentes r&eacute;unions, fran&ccedil;ais, allemand ou latin&nbsp;? Cette question ne semble pas int&eacute;resser les historiens. La cr&eacute;ation d&rsquo;une importante population homog&egrave;ne comme en Chine est un de l&rsquo;aboutissement possible de l&rsquo;&eacute;volution collective. Un ensemble multipolaire est la seconde variante viable de cette &eacute;volution.</p> <h1 class="texte">1. L&rsquo;Europe, une civilisation multipolaire</h1> <p class="texte">L&rsquo;&eacute;volution n&rsquo;a donc pas produit une civilisation homog&egrave;ne en Europe comparable &agrave; celle de la Chine. L&rsquo;apparition, et ensuite la coexistence de plusieurs foyers culturels actifs, eccl&eacute;siastiques, princiers, royaux, urbains, semblables quoique diff&eacute;rents, avec des &eacute;changes intenses entre eux ont &eacute;t&eacute; en Europe occidentale d&egrave;s le Moyen‑Age classique comme une reviviscence de l&rsquo;h&eacute;ritage grec antique multipolaire. Ces foyers europ&eacute;ens subsistaient plus au moins longtemps, mais le d&eacute;clin des uns &eacute;tait compens&eacute; par l&rsquo;ascension des autres. Leurs interactions du fait des &eacute;changes intenses avaient globalement des effets positifs sur la coh&eacute;sion et la cr&eacute;ativit&eacute; de l&rsquo;ensemble. Ils d&eacute;pendaient d&rsquo;un seul et m&ecirc;me ensemble de contraintes qui d&eacute;finissaient la civilisation europ&eacute;enne.</p> <p class="texte">L&rsquo;Eglise chr&eacute;tienne a &eacute;t&eacute; une organisation efficace d&egrave;s ses origines. Affermie par les pers&eacute;cutions et sa lutte contre les &laquo;&nbsp;h&eacute;r&eacute;sies&nbsp;&raquo;, l&rsquo;Eglise romaine s&rsquo;est progressivement substitu&eacute;e &agrave; l&rsquo;Empire en tant qu&rsquo;organisation centrale. Elle s&rsquo;est &eacute;tendue ensuite sur l&rsquo;ensemble de l&rsquo;espace d&rsquo;&eacute;change des foyers culturels europ&eacute;ens. Elle s&rsquo;est constitu&eacute;e en une contrainte majeure. Aux forces centrip&egrave;tes de la papaut&eacute; se sont rapidement oppos&eacute;es des forces centrifuges s&eacute;culi&egrave;res. L&rsquo;affrontement entre les papes et les empereurs du Saint‑Empire romain germanique durant le Moyen‑Age avait pour enjeu non seulement la d&eacute;tention du pouvoir, mais aussi et surtout sa nature m&ecirc;me&nbsp;: la pr&eacute;pond&eacute;rance soit du pouvoir r&eacute;ellement central et non seulement symbolique du pape, soit celui beaucoup plus diffus de l&rsquo;Empereur, multipolaire, partag&eacute;, qui n&rsquo;est jamais devenu une v&eacute;ritable force centralisatrice europ&eacute;enne. La s&eacute;paration des pouvoirs temporel et spirituel, une sp&eacute;cificit&eacute; europ&eacute;enne, s&rsquo;est ainsi consolid&eacute;e. Exception tardive, l&rsquo;Angleterre anglicane o&ugrave; le roi reste le chef de l&rsquo;Eglise&nbsp;; mais les pouvoirs symboliques et r&eacute;els ont tout de m&ecirc;me &eacute;t&eacute; s&eacute;par&eacute;s progressivement et r&eacute;partis entre le Roi et le Premier ministre.</p> <p class="texte">Dans l&rsquo;espace europ&eacute;en, malgr&eacute; la complexit&eacute; des &eacute;v&eacute;nements historiques, un &eacute;quilibre, certes instable et constamment remis en question mais aussi toujours r&eacute;tabli, s&rsquo;est ensuite maintenu entre forces centrifuges et centrip&egrave;tes autorisant une &eacute;volution culturelle impressionnante. Du XI<sup>e </sup>au XIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, les croisades et ensuite la colonisation ont permis d&rsquo;exporter les facteurs de d&eacute;s&eacute;quilibre et de remettre &agrave; plus tard les affrontements les plus graves. Les contraintes g&eacute;ographiques se sont montr&eacute;es tout &agrave; fait &eacute;lastiques. Les contraintes d&eacute;limitant les diverses activit&eacute;s n&rsquo;ont pas jou&eacute; un r&ocirc;le de premier plan, sauf peut-&ecirc;tre dans la fonction militaire. L&rsquo;Europe occidentale, malgr&eacute; les pertes temporaires de territoires au profit des Mongols et des Musulmans est rest&eacute;e jusqu&rsquo;&agrave; la R&eacute;forme un milieu relativement uni et ferm&eacute;, bien d&eacute;fendu contre les influences ext&eacute;rieures. L&rsquo;Italie de la Renaissance a &eacute;t&eacute; l&rsquo;exemple m&ecirc;me de la r&eacute;ussite du mod&egrave;le culturel multipolaire.</p> <p class="texte">Les conditions aux limites, g&eacute;ographiques, mais aussi politiques, donc des contraintes, ont jou&eacute; le r&ocirc;le de facteurs organisateurs dans un sens ou dans l&rsquo;autre. En m&ecirc;me temps qu&rsquo;une lib&eacute;ration, la R&eacute;forme cr&eacute;e le d&eacute;sarroi et peine &agrave; faire face aux angoisses lib&eacute;r&eacute;es dans la population.<sup><a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a></sup> Notons que si le projet du christianisme est l&rsquo;expansion illimit&eacute;e et si l&rsquo;Eglise ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre partie prenante, en tant qu&rsquo;organisation elle a n&eacute;anmoins souvent limit&eacute; l&rsquo;&eacute;tendue de ses interventions.</p> <p class="texte">La capacit&eacute; d&rsquo;&eacute;quilibrage de l&rsquo;Europe s&rsquo;est trouv&eacute;e durablement boulevers&eacute;e du fait de l&rsquo;&eacute;volution scientifique et technique, qui n&rsquo;est toujours pas termin&eacute;e de nos jours, de l&rsquo;&eacute;largissement de l&rsquo;espace culturel europ&eacute;en cons&eacute;cutif aux grandes d&eacute;couvertes, du d&eacute;veloppement de la colonisation, et surtout du fait de la R&eacute;forme. Les contraintes se sont d&eacute;stabilis&eacute;es. Les guerres de religion ont &eacute;t&eacute; les premi&egrave;res et plus &eacute;videntes expressions de ce d&eacute;s&eacute;quilibre. Aucune autorit&eacute; de r&eacute;gulation n&rsquo;a plus r&eacute;ussi &agrave; s&rsquo;imposer durablement &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle europ&eacute;enne malgr&eacute; le trait&eacute; de Westphalie et de la Sainte‑Alliance. Les contraintes s&rsquo;exer&ccedil;ant sur l&rsquo;espace europ&eacute;enne sont devenues chaotiques. Les forces actives centrifuges, localis&eacute;es et sp&eacute;cifiques (commerciales, techniques, sociales, nationales et id&eacute;ologiques) l&rsquo;ont emport&eacute; sur les forces centrip&egrave;tes g&eacute;n&eacute;rales, religieuses ou culturelles. En d&eacute;finitive on peut dire que l&rsquo;essor des nationalismes r&eacute;sulte de cette &eacute;volution. Les rationnelles valeurs des Lumi&egrave;res sont n&eacute;anmoins reconnues comme facteurs d&rsquo;unit&eacute; de l&rsquo;&eacute;poque de l&rsquo;Encyclop&eacute;die jusqu&rsquo;&agrave; la Premi&egrave;re Guerre mondiale.</p> <p class="texte">A partir du d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle les guerres et les d&eacute;vastations ont &eacute;chapp&eacute; &agrave; tout contr&ocirc;le. L&rsquo;affrontement des id&eacute;ologies est au premier plan de 1918 &agrave; 1989 traduisant le caract&egrave;re inadapt&eacute; des contraintes spirituelles survivantes pour assurer une &eacute;volution harmonieuse. Les &eacute;volutions divergentes entre les Etats d&rsquo;inspiration id&eacute;ologique diff&eacute;rentes et leur isolement progressif (URSS, Italie, Allemagne, Espagne&hellip;), tendaient m&ecirc;me temporairement &agrave; la suppression de l&rsquo;espace europ&eacute;en. L&rsquo;&eacute;volution ainsi esquiss&eacute;e constitue le cadre des &eacute;v&eacute;nements historiques du milieu du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle.</p> <p class="texte">La cr&eacute;ation de l&rsquo;ONU apr&egrave;s la Seconde Guerre mondiale a &eacute;t&eacute; la premi&egrave;re d&eacute;marche de centralisation d&rsquo;une certaine efficacit&eacute;. Elle a d&ucirc; d&eacute;passer le cadre europ&eacute;en pour r&eacute;ussir. La d&eacute;colonisation et la dissolution de l&rsquo;URSS ont &eacute;t&eacute; des importants moments de d&eacute;sorganisation. La mondialisation de la production industrielle, des &eacute;changes et de la consommation cependant vont dans le sens d&rsquo;un nouveau syst&egrave;me de coh&eacute;sion.</p> <p class="texte">Une voie d&rsquo;approche th&eacute;orique des ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;&eacute;quilibre passe par la thermodynamique.</p> <h1 class="texte">2. Quelques notions de thermodynamique</h1> <p class="texte">Je vais rappeler bri&egrave;vement quelques-unes des id&eacute;es de base de la thermodynamique, en particulier celles d&rsquo;Ilya PRIGOGINE.<sup><a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a></sup></p> <h2 class="texte">2.1. L&rsquo;entropie</h2> <p class="texte">On donne une bonne douzaine d&rsquo;interpr&eacute;tations de la notion d&rsquo;entropie qui s&rsquo;appliquent dans diff&eacute;rents domaines. L&rsquo;entropie indique ainsi, entre autres, la proportion d&rsquo;&eacute;nergie disponible pour accomplir un travail, la quantit&eacute; d&rsquo;information que rec&egrave;le un message, le bilan de l&rsquo;organisation-inorganisation d&rsquo;un syst&egrave;me, la distribution des probabilit&eacute;s, le degr&eacute; de certitude d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement, la diversit&eacute; des choix, l&rsquo;effet de surprise, l&rsquo;exactitude des donn&eacute;es.</p> <p class="texte">La thermodynamique s&rsquo;occupe des ph&eacute;nom&egrave;nes macroscopiques qui se produisent dans des syst&egrave;mes physiques, compos&eacute;s d&rsquo;un grand nombre d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments comme les liquides ou les gaz. Ainsi elle peut s&rsquo;appliquer &agrave; une population humaine importante qui est compos&eacute;e d&rsquo;individus. Elle distingue entre processus r&eacute;versibles et irr&eacute;versibles. La notion d&rsquo;entropie aide &agrave; les diff&eacute;rencier. Celle-ci augmente lors des processus irr&eacute;versibles, mais reste inchang&eacute;e au cours des r&eacute;versibles. L&rsquo;irr&eacute;versibilit&eacute; implique l&rsquo;id&eacute;e de la fl&egrave;che du temps et engendre la dimension historique.</p> <p class="texte">L&rsquo;entropie mesure la r&eacute;partition relative de l&rsquo;&eacute;nergie d&rsquo;un syst&egrave;me thermodynamique. C&rsquo;est une grandeur extensive comme l&rsquo;&eacute;nergie elle-m&ecirc;me c&rsquo;est-&agrave;-dire ind&eacute;pendante de la nature du syst&egrave;me, contrairement par exemple &agrave; la pression ou &agrave; la temp&eacute;rature, grandeurs intensives. Elle n&rsquo;est pas conserv&eacute;e, &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; de l&rsquo;&eacute;nergie. Dans certains cas on peut la consid&eacute;rer comme un indicateur du degr&eacute; de d&eacute;sordre, ou plut&ocirc;t de l&rsquo;absence d&rsquo;organisation du syst&egrave;me. Prigogine a &eacute;tabli des bilans de l&rsquo;entropie de syst&egrave;mes physiques pour &eacute;valuer leur stabilit&eacute;. Il distingue trois stades possibles d&rsquo;un syst&egrave;me. Ce sont la thermodynamique de l&rsquo;&eacute;quilibre, celle proche de l&rsquo;&eacute;quilibre ou lin&eacute;aire, et enfin la thermodynamique des proces&shy;sus hors d&rsquo;&eacute;quilibre ou non lin&eacute;aires.</p> <h2 class="texte">2.2. Thermodynamique de l&rsquo;&eacute;quilibre</h2> <p class="texte">Un &eacute;tat d&rsquo;&eacute;quilibre &eacute;nerg&eacute;tique ne peut se produire que dans un syst&egrave;me isol&eacute;, qui n&rsquo;&eacute;change ni &eacute;nergie ni mati&egrave;re avec un quelconque milieu. Dans un tel syst&egrave;me l&rsquo;&eacute;nergie tend &agrave; se r&eacute;partir uniform&eacute;ment&nbsp;; l&rsquo;entropie ne d&eacute;cro&icirc;t jamais. S&rsquo;il existe une organisation des composants du syst&egrave;me, avec le temps elle se d&eacute;gradera irr&eacute;m&eacute;diablement. La r&eacute;partition uniforme de l&rsquo;&eacute;nergie est l&rsquo;&eacute;tat terminal naturel de tout syst&egrave;me isol&eacute;. L&rsquo;&eacute;volution de ces derniers pr&eacute;sente ainsi un but, une finalit&eacute;. Cet &eacute;tat d&rsquo;&eacute;quilibre attire, se comporte en &quot;attracteur&quot;. Il correspond &agrave; la valeur maximale de l&rsquo;entropie. En psychopathologie on pouvait autrefois observer, avant l&rsquo;utilisation des m&eacute;dicaments actuellement en usage, de tels &eacute;tats d&rsquo;&eacute;quilibre.<sup><a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a></sup> On peut citer la d&eacute;mence affective schizophr&eacute;nique et l&rsquo;&eacute;tat terminal de la m&eacute;lancolie chronique. En mati&egrave;re de sociologie ou politique on ne rencontre en Europe aucune structure isol&eacute;e. Peut-&ecirc;tre des tribus, sans contact avec la civilisation dans l&rsquo;Amazonie, peuvent entrer dans cette cat&eacute;gorie,</p> <h2 class="texte">2.3. Thermodynamique lin&eacute;aire</h2> <p class="texte">Un syst&egrave;me proche de l&rsquo;&eacute;quilibre proc&egrave;de &agrave; des &eacute;changes avec son milieu. Tel est le cas d&rsquo;un syst&egrave;me ferm&eacute; qui &eacute;change de l&rsquo;&eacute;nergie, mais non de la mati&egrave;re. Si les &eacute;changes concernent aussi la mati&egrave;re, on parle de syst&egrave;me ouvert. La production d&rsquo;entropie est due aux ph&eacute;nom&egrave;nes irr&eacute;versibles qui ont lieu dans le syst&egrave;me. Elle est toujours positive, sauf en &eacute;quilibre thermodynamique&nbsp;; l&agrave;, elle s&rsquo;annule.</p> <p class="texte">Les processus irr&eacute;versibles sont de nature vari&eacute;e&nbsp;: transport de chaleur, diffusion de mati&egrave;re, r&eacute;actions chimiques. PRIGOGINE a introduit, pour d&eacute;si&shy;gner la vitesse d&rsquo;un processus irr&eacute;versible, le terme de &quot;flux&quot; symbolis&eacute; par la lettre &quot;J&quot;. &laquo;&nbsp;Les flux thermodynamiques sont des grandeurs ph&eacute;nom&eacute;nologiques&nbsp;: ils ne sont pas d&eacute;ductibles d&rsquo;une th&eacute;orie g&eacute;n&eacute;rale, mais r&eacute;sultent de l&rsquo;&eacute;tude particuli&egrave;re de chaque processus irr&eacute;versible&nbsp;&raquo;. Cette remarque est importante. Elle autorise l&rsquo;application de la m&eacute;thode des bilans d&rsquo;entropie &agrave; tout ph&eacute;nom&egrave;ne irr&eacute;versible, quel qu&rsquo;il soit. La thermodynamique des processus irr&eacute;versibles utilise une seconde grandeur&nbsp;: des vitesses g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;es, les flux J, elle d&eacute;finit les forces g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;es X qui causent ces flux. Flux et forces permettent de calculer la production d&rsquo;entropie dans les exemples bien choisis.</p> <p class="texte">Un syst&egrave;me non isol&eacute; d&eacute;pend des &laquo;&nbsp;conditions aux limites&nbsp;&raquo; qui lui sont impos&eacute;es de l&rsquo;ext&eacute;rieur, c&rsquo;est-&agrave;-dire des contraintes. Celles-ci, dans de nombreux cas lui interdisent d&rsquo;atteindre un &eacute;tat d&rsquo;&eacute;quilibre. Tel est, par exemple, un syst&egrave;me compos&eacute; de deux r&eacute;cipients, chacun en &eacute;quilibre et connect&eacute;s entre eux par un tube capillaire ou par une membrane. Une diff&eacute;rence de temp&eacute;rature entre les deux r&eacute;cipients maintient l&rsquo;&eacute;change et constitue les forces engendrant un flux. Elle impose ainsi les conditions aux limites. Le syst&egrave;me &eacute;volue vers un &eacute;tat stationnaire (de non &eacute;quilibre). L&agrave; tout transport de mati&egrave;re s&rsquo;annule, tandis que le transport d&rsquo;&eacute;nergie, de m&ecirc;me que la production d&rsquo;entropie restent non nuls. Celle-ci s&rsquo;&eacute;tablit &agrave; sa valeur minimale compatible avec les conditions aux limites, c&rsquo;est la condition de sa stabilit&eacute;. L&rsquo;&eacute;tat stationnaire se distingue ainsi des &eacute;tats d&rsquo;&eacute;quilibre pour lesquels la production d&rsquo;entropie est identiquement nulle. A noter que ce qu&rsquo;on appelle en physiologie commun&eacute;ment un &eacute;quilibre de flux est, du point de vue de la thermodynamique, un &eacute;tat stationnaire. Le produit utile, par exemple, le nombre stable de globules rouges est un produit interm&eacute;diaire du processus global. Celui-ci comprend aussi bien leur production que leur destruction. En politique ou en soci&eacute;t&eacute; un &eacute;quilibre lin&eacute;aire pourrait constituer dans certaines structures, par exemple militaire, un id&eacute;al &agrave; atteindre, c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;obtention sans faute de la r&eacute;ponse pr&eacute;vue par la r&eacute;glementation.</p> <h2 class="texte">2.4. Thermodynamique non lin&eacute;aire</h2> <p class="texte">Quand l&rsquo;&eacute;coulement d&rsquo;un liquide s&rsquo;acc&eacute;l&egrave;re, apparaissent t&ocirc;t ou tard des turbulences, des perturbations de l&rsquo;&eacute;coulement. Quels ph&eacute;nom&egrave;nes sociaux collectifs rappellent l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration de l&rsquo;&eacute;coulement d&rsquo;un liquide&nbsp;? Evidemment un milieu social est beaucoup plus complexe qu&rsquo;un flux de liquide. Les r&eacute;actions chimi&shy;ques, quant &agrave; elles, comportent des &eacute;tapes autocatalytiques, c&rsquo;est-&agrave;-dire des boucles feed-back o&ugrave; le produit de la r&eacute;action influence ensuite le cycle chimique l&rsquo;ayant produit. Ces cycles pr&eacute;sentent &eacute;galement des perturbations li&eacute;es, l&agrave;, non pas &agrave; la vitesse de production de la r&eacute;action, mais aux conditions aux limites. On peut plus facilement trouver des analogies avec des ph&eacute;nom&egrave;nes sociaux. Ces perturbations peuvent adopter des rythmes temporels r&eacute;guliers ou des dispositions spatiales durables et &eacute;tablir ainsi de v&eacute;ritables structures spatio-temporelles. Une des caract&eacute;ristiques com&shy;munes de ces structures est leur non lin&eacute;arit&eacute;. Les flux les engendrant ne sont pas proportionnels aux forces actives dans le syst&egrave;me. Ce sont les syst&egrave;mes hors &eacute;quilibre, dissipatifs, parcourus par des flux d&rsquo;&eacute;nergie et de transport de mati&egrave;re et qui, au prix d&rsquo;&eacute;changes permanents avec le milieu, se structurent et arrivent ainsi &agrave; diminuer leur entropie au d&eacute;triment de celui-ci.</p> <p class="texte">Les organismes vivants sont stables, gr&acirc;ce &agrave; leurs interactions avec le monde ext&eacute;rieur. PRIGOGINE estime que les &ecirc;tres vivants sont des syst&egrave;mes dissipatifs. Leur exc&egrave;s d&rsquo;entropie est export&eacute;. Remarquons qu&rsquo;on comprend mieux ainsi leur tendance irr&eacute;ductible &agrave; d&eacute;grader le milieu car cet exc&egrave;s d&rsquo;entropie peut appara&icirc;tre du point de vue du milieu comme de la pollution. Elles fonctionnent d&rsquo;une mani&egrave;re non-lin&eacute;aire, dans un &eacute;tat loin de l&rsquo;&eacute;quilibre thermodynamique. C&rsquo;est-&agrave;-dire que le flux des mati&egrave;res et de l&rsquo;&eacute;nergie n&rsquo;est pas proportionnel aux forces qui les suscitent. La thermodynamique des ph&eacute;nom&egrave;nes hors &eacute;quilibre est bas&eacute;e sur le bilan entropique&nbsp;:</p> <p class="texte">ds&nbsp;=deS + diS pr&eacute;cisent GLANSDORFF et PRIGOGINE. Le second terme diS d&eacute;signe la production d&rsquo;entropie accompagnant les processus irr&eacute;versibles qui ont lieu au sein du syst&egrave;me. Elle n&rsquo;est jamais n&eacute;gative. C&rsquo;est la production d&rsquo;entropie due aux changements internes. L&rsquo;entropie ainsi produite, paradoxalement, par tous les processus vitaux, est &agrave; &eacute;vacuer autant que faire se peut vers l&rsquo;environnement, qu&rsquo;ils polluent ainsi, sous peine de d&eacute;gradation de l&rsquo;organisme. Les processus irr&eacute;versibles, en augmentant l&rsquo;entropie, mettent en &oelig;uvre l&rsquo;action du principe de mort dans les organismes vivants. Les &eacute;changes s&rsquo;expriment par la quantit&eacute; deS qui repr&eacute;sente la contribution du milieu ext&eacute;rieur. Celle-ci peut &ecirc;tre positive ou n&eacute;gative. De l&rsquo;entropie peut donc s&rsquo;importer ou s&rsquo;exporter. Il faut tenir largement compte du flux d&rsquo;&eacute;change d&rsquo;entropie avec le milieu ext&eacute;rieur deS dans l&rsquo;&eacute;tude du m&eacute;tabolisme des organismes vivants. La diminution de l&rsquo;entropie dans l&rsquo;organisme entra&icirc;ne son augmentation dans son environnement. L&rsquo;irr&eacute;versibilit&eacute; semble li&eacute;e &agrave; l&rsquo;effet de masse des d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments en jeu, aussi bien dans de tr&egrave;s nombreux syst&egrave;mes physiques que dans le fonctionnement des organismes vivants. On peut ainsi opposer avec I. PRIGOGINE, le fonctionnement thermodynamique irr&eacute;versible et m&eacute;canismes sp&eacute;cifiques tendant &agrave; r&eacute;tablir la r&eacute;versibilit&eacute; par des montages fonctionnels. Remarquons que les seconds sont toujours &eacute;tay&eacute;s par les premiers, plut&ocirc;t &eacute;nerg&eacute;tiques. C&rsquo;est un aspect fondamental de l&rsquo;intrication pulsionnelle, Eros Thanatos. Les m&eacute;canismes sp&eacute;cialis&eacute;s sont capables de requalifier l&rsquo;&eacute;nergie, de la rendre apte &agrave; alimenter des fonctions de plus en plus complexes. Les actions qu&rsquo;elles soient physiques ou biologiques ne peuvent pas utiliser l&rsquo;&eacute;nergie sous n&rsquo;importe quelle forme. L&rsquo;&eacute;nergie doit &ecirc;tre v&eacute;hicul&eacute;e sous une forme adapt&eacute;e, qualifi&eacute;e. S&rsquo;accomplit ainsi une co&eacute;volution des processus &eacute;nerg&eacute;tiques et fonctionnels.</p> <p class="texte">La production d&rsquo;entropie s&rsquo;annule seulement lorsque le processus reste r&eacute;versible. Une addition accomplie mentalement est une op&eacute;ration r&eacute;versible. Un autre exemple est fourni par le jeu des images vues dans des glaces d&eacute;formantes. Une glace ordinaire restaure notre image. Bien s&ucirc;r, ces op&eacute;rations ne sont r&eacute;versibles que sur le plan fonctionnel. Les processus m&eacute;taboliques qui sous-tendent le calcul mental ou les d&eacute;placements effectu&eacute;s d&rsquo;une glace &agrave; l&rsquo;autre, eux, ne sont pas r&eacute;versibles. La r&eacute;versibilit&eacute; fonctionnelle est la capacit&eacute; de r&eacute;tablir un &eacute;tat stationnaire temporairement perturb&eacute;. C&rsquo;est une propri&eacute;t&eacute; importante de la mati&egrave;re vivante. C&rsquo;est ainsi que se maintiennent les constants biologiques. La r&eacute;versibilit&eacute; fonctionnelle caract&eacute;rise les m&eacute;canismes biophysiologiques</p> <p class="texte">Les processus vitaux peuvent &ecirc;tre fonctionnellement plus ou moins r&eacute;versibles. L&rsquo;accroissement du degr&eacute; de r&eacute;versibilit&eacute; fonctionnelle permet une meilleure gestion de l&rsquo;entropie. Dans un organisme donn&eacute;, la production et l&rsquo;&eacute;vacuation de l&rsquo;entropie se trouvent pr&eacute;r&eacute;gl&eacute;es et organis&eacute;es. Am&eacute;lior&eacute;, plus efficace, le m&eacute;tabolisme entropique fait reculer l&rsquo;&eacute;ch&eacute;ance in&eacute;luctable de l&rsquo;av&egrave;nement de l&rsquo;&eacute;quilibre thermodynamique, c&rsquo;est-&agrave;-dire la mort. La vie est la cr&eacute;ation &eacute;volutive de r&eacute;versibilit&eacute;s fonctionnelles nouvelles, gr&acirc;ce &agrave; des m&eacute;canismes sp&eacute;cialis&eacute;s. L&rsquo;organisme vivant est donc une construction &agrave; plusieurs &eacute;tages. Sur les &eacute;changes m&eacute;taboliques de base r&eacute;gis par les lois de la thermodynamique, se greffent, destin&eacute;es &agrave; neutraliser les effets de l&rsquo;irr&eacute;versibilit&eacute;, les structures et leurs fonctions.</p> <p class="texte">Les modulations autour d&rsquo;un &eacute;tat stationnaire stable produisent des modes normaux stables de fonctionnement sur lesquels se greffent, en outre, des fluctuations temporaires r&eacute;gressant rapidement. Cette descrip&shy;tion peut s&rsquo;illustrer par l&rsquo;&eacute;volution du costume masculin occidental qui, maintenant depuis plus d&rsquo;un si&egrave;cle, a gard&eacute; une forme stable, modul&eacute;e par de lentes transformations p&eacute;riodiques de la mode. Le fonctionnement normal d&rsquo;un &eacute;tat d&eacute;mocratique est &eacute;galement compos&eacute; d&rsquo;une multitude d&rsquo;&eacute;tats stationnaires, par exemple la composition du parlement issue d&rsquo;&eacute;lections. Un ph&eacute;nom&egrave;ne comme celui des &laquo;&nbsp;gilets jaunes&nbsp;&raquo; perturbe les &eacute;tats stationnaire.de la vie politique.</p> <p class="texte">Les &eacute;tats stationnaires sont stables ou instables. Si le syst&egrave;me est devenu instable, une fluctuation se produira t&ocirc;t ou tard. Son amplification aboutit &agrave; un changement de r&eacute;gime au point de bifurcation. A travers de multiples bifurcations, se constitue une histoire. Les points de bifurcation correspon&shy;dent, par analogie, entre autres, &agrave; ce que les marxistes appellent moments r&eacute;volutionnaires. Un &eacute;tat marginal s&eacute;pare des &eacute;tats stables des &eacute;tats instables. Le mouvement des Gilets jaunes est une fluctuation. Est-ce qu&rsquo;il va pouvoir s&rsquo;amplifier suffisamment pour aboutir &agrave; une bifurcation et donc &agrave; un changement de r&eacute;gime&nbsp;? C&rsquo;est incontestablement le but de ses &eacute;l&eacute;ments les plus radicaux, mais il semble qu&rsquo;en fin de compte ne se produira aucune bifurcation.</p> <p class="texte">Une structure &eacute;tablie dans un syst&egrave;me dissipatif subit &agrave; son tour des perturbations. Celles-ci, le plus souvent, r&eacute;gressent. A certains moments propices, &quot;r&eacute;volutionnaires&quot;, aux points de &quot;bifurcation&quot;, elles sont susceptibles de s&rsquo;imposer et de restructurer le syst&egrave;me &agrave; l&rsquo;image de leur r&eacute;gime. Les fluctuations de fonctionnement, les perturbations, repr&eacute;sentent ainsi un certain danger pour le syst&egrave;me. Une premi&egrave;re &eacute;tape de la prise de pouvoir est l&rsquo;&eacute;tablissement dans un secteur spatial limit&eacute; de l&rsquo;ensemble. Ces syst&egrave;mes physico-chimiques font penser &agrave; la r&eacute;volution chinoise de MAO. Comme on le sait, ce dernier a &eacute;tabli son nouveau r&eacute;gime d&rsquo;abord dans la province de Tsing-Kang.</p> <p class="texte">De tr&egrave;s nombreuses &eacute;tudes appliqu&eacute;es ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;es &agrave; partir des travaux de l&rsquo;&eacute;quilibre thermodynamiques, par exemple des &eacute;tudes de l&rsquo;&eacute;volution des populations dans diff&eacute;rents milieux naturels. Sous la d&eacute;nomination de th&eacute;orie du chaos, d&rsquo;immenses domaines d&rsquo;&eacute;tudes ont &eacute;t&eacute; abord&eacute;es en fonction de la nature des conditions initiales, par exemple en m&eacute;t&eacute;orologie.</p> <h1 class="texte">3. L&rsquo;usage de la notion d&rsquo;entropie pour l&rsquo;&eacute;tude de la soci&eacute;t&eacute;</h1> <p class="texte">Le sociologue Michel FORSE a d&eacute;duit quelques principes sociologiques &agrave; l&rsquo;aide de la thermodynamique de l&rsquo;entropie.<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a> La qu&ecirc;te de la stabilit&eacute; est une condition de base de tout syst&egrave;me social. Un syst&egrave;me social fonci&egrave;rement instable ne pourrait subsister. La vie sociale implique une comp&eacute;tition pour les ressources qui sont le plus souvent rares. Comment trouver une r&eacute;partition de ces ressources qui assure le maximum de stabilit&eacute;&nbsp;? Un calcule permet &agrave; l&rsquo;auteur d&rsquo;obtenir une courbe qui a la forme d&rsquo;une exponentielle inverse. Ce mod&egrave;le impose qu&rsquo;il y ait un petit nombre d&rsquo;individus disposant chacun d&rsquo;une grande quantit&eacute; de ressource, un nombre moyen d&rsquo;individus disposant d&rsquo;une quantit&eacute; moyenne de ressource et un grand nombre d&rsquo;individus se partageant une petite quantit&eacute; de ressource. La soci&eacute;t&eacute; est stable lorsque la distribution a l&rsquo;allure d&rsquo;une pyramide. C&rsquo;est ce qu&rsquo;on observe dans la plupart de soci&eacute;t&eacute;s non totalitaires. Toute autre r&eacute;partition serait moins stable. L&rsquo;exigence de stabilit&eacute; conduit donc &agrave; une structure in&eacute;galitaire. C&rsquo;est ce que les Gilets jaunes n&rsquo;acceptent pas. Ils veulent l&rsquo;&eacute;galit&eacute;. L&rsquo;&eacute;galit&eacute; signifie instabilit&eacute;. L&rsquo;in&eacute;galit&eacute; serait le prix structurel que les individus payent en &eacute;change de leur association. Cependant, la contrainte syst&eacute;mique est uniform&eacute;ment r&eacute;partie. Le syst&egrave;me est stable parce que la contrainte qu&rsquo;il g&eacute;n&egrave;re est identique pour tous.</p> <p class="texte">Comme l&rsquo;illustre l&rsquo;&eacute;mergence un peu partout de ce qu&rsquo;il convient d&rsquo;appeler le populisme, porteur de forces de d&eacute;s&eacute;quilibre, les facteurs centrifuges ne manquent pas actuellement. Les populistes cherchent &agrave; faire valoir les facteurs locaux et r&eacute;gionaux au d&eacute;triment des valeurs universelles. Il peut s&rsquo;agir de la d&eacute;fense des int&eacute;r&ecirc;ts d&rsquo;une organisation locale que ce soit une famille, une usine ou une ville. Mais nous pouvons consid&eacute;rer l&rsquo;exigence avanc&eacute;e par le pr&eacute;sident am&eacute;ricain TRUMP &laquo;&nbsp;America first&nbsp;&raquo; dans un contexte international comme une demande populiste. Ce sont donc bien des impulsions centrifuges. Les contraintes observables se sont multipli&eacute;es et ont perdu leur nature universelle. Avant la R&eacute;forme les contraintes religieuses et politiques malgr&eacute; des affrontements passagers ont eu une tendance, en d&eacute;finitive, &agrave; se renforcer. Actuellement la multiplicit&eacute; des contraintes rend la situation chaotique. Ce ne sont plus les contraintes traditionnelles, g&eacute;ographiques ou politiques qui priment. Des contraintes technologiques, en particulier celles qui concernent la communication se mettent au premier plan. Selon les &eacute;volutions locales, telle ou telle contrainte prend la pr&eacute;&eacute;minence.<sup><a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a></sup> L&rsquo;&eacute;tat stationnaire que constitue la soci&eacute;t&eacute; devient instable.</p> <p class="texte">Pierre de SENARCLENS apr&egrave;s avoir fait un expos&eacute; des caract&eacute;ristiques du populisme&nbsp;: <em>le nationalisme,</em> <em>les failles de l&rsquo;int&eacute;gration, la contestation des &eacute;lites, les revendications </em><em>identitaires,</em> la volont&eacute; d&rsquo;obtenir <em>tout, tout de suite, l&rsquo;usage du mensonge, le d&eacute;nigrement des r&egrave;gles de civilit&eacute;, la propension aux mouvements de masse, </em>expose La fragilit&eacute; des r&eacute;gimes d&eacute;mocratiques sur laquelle en g&eacute;n&eacute;rale on insiste moins. Les mutations de la mondialisation ont modifi&eacute; les conditions d&rsquo;exerce de la souverainet&eacute; des &Eacute;tats, en m&ecirc;me temps que leurs capacit&eacute;s d&rsquo;int&eacute;gration politique. L&rsquo;Union Europ&eacute;enne aurait pu jouer le r&ocirc;le d&rsquo;un &eacute;cran de protection, mettons vis-&agrave;-vis de la Chine, mais cela n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; le cas. Que penser par exemple du rachat par les chinois des domaines viticoles&nbsp;? Ils ne se contentent pas d&rsquo;exploiter les ch&acirc;teaux dans le bordelais comme bien d&rsquo;autres propri&eacute;taires &eacute;trangers mais ils hissent leur drapeau et d&eacute;baptisent les crus au point qu&rsquo;un visiteur peut avoir l&rsquo;impression d&rsquo;extraterritorialit&eacute;, ce qui n&rsquo;est &eacute;videmment pas le cas. N&rsquo;emp&ecirc;chent que la souverainet&eacute; nationale fran&ccedil;aise me semble symboliquement atteinte. Les soup&ccedil;ons d&rsquo;espionnage qui p&egrave;sent sur la compagnie Huawei me paraissent tout de m&ecirc;me g&ecirc;nants pour un utilisateur occidental de cette marque chinoise de t&eacute;l&eacute;phone. Ces activit&eacute;s commerciales se d&eacute;ploient dans le cadre des accords bilat&eacute;raux euro-chinois. &laquo;&nbsp;Hormis l&rsquo;a&eacute;ronautique et l&rsquo;automobile, il n&rsquo;est plus de secteurs d&rsquo;excellence europ&eacute;enne o&ugrave; la Chine n&rsquo;aligne un rival de taille mondiale&nbsp;&raquo; peut-on lire dans le journal &laquo;&nbsp;Le Monde&nbsp;&raquo; du dimanche 24, lundi 25 f&eacute;vrier 2019, page&nbsp;23. Dans quelle mesure cette r&eacute;ussite chinoise est le r&eacute;sultat de l&rsquo;appropriation ill&eacute;gale de la technologie occidentale&nbsp;?</p> <h1 class="texte">4. La perte de nos illusions</h1> <p class="texte">Nous observons &eacute;galement l&rsquo;&eacute;rosion des doctrines conf&eacute;rant &agrave; la Soci&eacute;t&eacute;, sinon une utopie directrice, tout au moins un projet politique porteur d&rsquo;esp&eacute;rances salutaires.&nbsp;J&rsquo;ai &eacute;t&eacute; frapp&eacute; par l&rsquo;ineptie de la propagande socialiste et de la gauche en g&eacute;n&eacute;rale lors d&rsquo;une des derni&egrave;res &eacute;lections. On y parlait essentiellement des pays sous-d&eacute;velopp&eacute;s et de la situation difficile des immigr&eacute;s. Certes les gens de gauche peuvent se sentir concern&eacute;s par ces probl&egrave;mes, mais il est &eacute;vident qu&rsquo;ils ne vont pas orienter leurs votes en fonction de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de couches sociales auxquelles ils n&rsquo;appartiennent pas et qu&rsquo;ils apporteront leur voix plut&ocirc;t aux hommes politiques dont &agrave; tort ou &agrave; raison ils pensent qu&rsquo;ils repr&eacute;sentent leurs int&eacute;r&ecirc;ts v&eacute;ritables. La sauvegarde de l&rsquo;environnement plan&eacute;taire, si valable en soit la cause, reste un projet de port&eacute;e id&eacute;ologique limit&eacute;e pense SENARCLENS. Curieusement, des constructions id&eacute;ologiques plus ou moins simplistes semblent avoir une force de s&eacute;duction plus importante que les id&eacute;aux plus &eacute;labor&eacute;s mais apparemment sans attrait &eacute;motionnels. On dirait que les fantasmes populistes plongent leurs racines dans des Imagos primitives tel l&rsquo;antis&eacute;mitisme.</p> <p class="texte">Une question peut se poser&nbsp;: Vers quel type d&rsquo;&eacute;quilibre &eacute;volue notre monde&nbsp;? L&rsquo;&eacute;quilibre chinois imp&eacute;rial qui a donn&eacute; l&rsquo;homme han ou l&rsquo;&eacute;quilibre de type &eacute;gyptien historique avec sa culture religieuse &eacute;crasante supposent la soumission &agrave; une croyance ou &agrave; un ensemble de croyance dont nous ne sommes pas porteurs. Nous sommes plus proches d&rsquo;un syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;quilibre multipolaire mais pour l&rsquo;instant les forces en pr&eacute;sence dans le monde ne s&rsquo;&eacute;quilibrent pas, du moins pas encore. Si les Etats Unis sont bien &eacute;tablis, si la Chine a des tr&egrave;s r&eacute;elles possibilit&eacute;s, l&rsquo;Europe d&rsquo;&eacute;normes potentialit&eacute;s, la Russie, elle, fragile, peut s&rsquo;effondrer sous le poids de son dispositif militaire surdimensionn&eacute;. Il se peut donc que dans notre monde aucun &eacute;quilibre ne s&rsquo;&eacute;tablira avant longtemps.</p> <h1 class="texte">5. La confrontation digitalis&eacute;e du Centre et de la P&eacute;riph&eacute;rie</h1> <p class="texte">Martin GURRI a &eacute;tudi&eacute; les mouvements spontan&eacute;s de groupes vers 1911 tels les &laquo;&nbsp;Indign&eacute;s&nbsp;&raquo; espagnols, les campeurs de Tel Aviv, les &laquo;&nbsp;Occupants&nbsp;&raquo; aux Etats Unis, r&eacute;sultats selon lui des changements dans la r&eacute;ception de l&rsquo;information par le public. Les sources traditionnelles de l&rsquo;information, autorit&eacute;s, institutions, experts, ont &eacute;t&eacute; remplac&eacute;es par des &eacute;vidences improvis&eacute;es diffus&eacute;es par des r&eacute;seaux. Ce mouvement s&rsquo;est d&eacute;velopp&eacute; et domine de nos jours l&rsquo;actuel univers de l&rsquo;information.<a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a> Dans un dernier chapitre intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Reconsid&eacute;rations&nbsp;&raquo;, ajout&eacute; &agrave; la nouvelle &eacute;dition de son livre, &eacute;crit quelques mois apr&egrave;s l&rsquo;&eacute;lection d&rsquo;Emmanuelle Macron &agrave; la Pr&eacute;sidence, il note que nous sommes dans un &acirc;ge o&ugrave; pr&eacute;valent des forces centrifuges, (p. 368), ce qui correspond tout &agrave; fait &agrave; ma mani&egrave;re de percevoir notre &eacute;poque, Et il constate que Macron doit faire face &agrave; deux grandes questions (p. 367),&nbsp;: la premi&egrave;re est de savoir s&rsquo;il est possible de combiner l&rsquo;&eacute;norme &eacute;nergie politique qui a &eacute;t&eacute; lib&eacute;r&eacute;e par le public avec les objectifs et la permanence des institutions&nbsp;? Ceci avant l&rsquo;&eacute;mergence du mouvement des Gilets jaunes, qui pose justement cette question. La seconde est de savoir si Macron va-t-il disposer de l&rsquo;habilet&eacute; et de l&rsquo;exp&eacute;rience n&eacute;cessaire pour parvenir &agrave; cet objectif, pourvue qu&rsquo;il soit r&eacute;alisable. C&rsquo;est ce que Macron tente actuellement en organisant le grand d&eacute;bat national et c&rsquo;est ce qu&rsquo;on va voir tr&egrave;s bient&ocirc;t. Va-t-il pouvoir concilier ses objectifs de r&eacute;formes de la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise avec les imp&eacute;ratifs des r&eacute;sultats du d&eacute;bat&nbsp;?</p> <p class="texte">Le destin du projet d&rsquo;a&eacute;roport &agrave; Notre-Dame- des-Landes,&nbsp;pr&egrave;s de Nantes montre que les populistes peuvent l&rsquo;emporter contre le fonctionnement normal. En effet, un scrutin local a donn&eacute; la construction de l&rsquo;a&eacute;roport prioritaire, ce projet aurait donc d&ucirc; &ecirc;tre r&eacute;alis&eacute;. Mais des groupes de style populistes minoritaires&nbsp;violents, des &laquo;&nbsp;zadistes&nbsp;&raquo; se sont impos&eacute;s et le projet a &eacute;t&eacute; abandonn&eacute;. Les contraintes qui s&rsquo;imposent n&rsquo;apparaissent pas forc&eacute;ment l&agrave; o&ugrave; on les attend. Le Centre a perdu, la P&eacute;riph&eacute;rie, m&ecirc;me sans Gilets Jaunes, a gagn&eacute;.</p> <p class="texte">Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, comme chacun le sait, les progr&egrave;s technologiques ont &eacute;t&eacute; faramineux. La fourniture en &eacute;nergie, en particulier nucl&eacute;aire et hydraulique s&rsquo;est consid&eacute;rablement d&eacute;velopp&eacute;e. En mati&egrave;re de d&eacute;placement, l&rsquo;aviation commerciale, inexistante avant la guerre, s&rsquo;est impos&eacute;e sur les moyennes et longues distances, le nombre des voyageurs se compte en milliards. Si les trains ont gard&eacute; leur important r&ocirc;le collectif, les autobus les concurrencent, les voitures individuelles saturent les voies disponibles. Le d&eacute;veloppement des villes a &eacute;t&eacute; consid&eacute;rable. L&rsquo;internet est l&rsquo;interface la plus puissante entre une collectivit&eacute; et ses membres. Les moyens de communication ont chang&eacute; les rapports entre les gens, en particulier les communications par r&eacute;seaux sociaux ou par t&eacute;l&eacute;phone mobile. L&agrave; encore le d&eacute;veloppement des contraintes qui encadrent normalement les activit&eacute;s se fait d&rsquo;une mani&egrave;re chaotique, en tout cas obscure et illisible. Il n&rsquo;est pas &eacute;tonnant que les gens n&rsquo;ob&eacute;issent pas aux r&egrave;gles qu&rsquo;ils n&rsquo;arrivent m&ecirc;me pas &agrave; percevoir. Les contraintes nationales ont perdu de leur pouvoir de r&eacute;gulation, les compagnies multinationales proposent les leurs.</p> <p class="texte">Pour animer la vie sociale, pour rendre possible la vie en soci&eacute;t&eacute;, les diff&eacute;rents facteurs actifs ont pourtant besoin de r&eacute;gulation. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; cette condition que leurs influences centrip&egrave;tes et centrifuges s&rsquo;&eacute;quilibrent. Ainsi le march&eacute; est cens&eacute; r&eacute;gir tous les facteurs qui entrent en jeu dans la vie &eacute;conomique. Ce qui est particulier aux moyens de communication, c&rsquo;est que l&rsquo;influence du march&eacute; sur le contenu des communications est tr&egrave;s r&eacute;duite. On peut ainsi d&eacute;tourner le r&eacute;seau de sa vocation premi&egrave;re de voie d&rsquo;&eacute;change entre les abonn&eacute;s et l&rsquo;utiliser pour diffuser des consignes. Les &eacute;changes augmentent la coh&eacute;sion de l&rsquo;ensemble. Mais les messages &agrave; finalit&eacute; d&eacute;sorganisatrice agissent cependant contre les forces de coh&eacute;sion, ainsi par exemple les harc&egrave;lements. On observe plusieurs niveaux. Au premier niveau un groupe tend &agrave; se constituer. Mais si ce groupe cherche &agrave; diminuer la coh&eacute;sion de l&rsquo;ensemble, au second niveau il devient d&eacute;sorganisateur. C&rsquo;est ce qu&rsquo;on peut observer dans le cas des Gilets jaunes. Leurs revendications exigent la dissolution du parlement, la d&eacute;mission du Pr&eacute;sident de la R&eacute;publique, voir sa mise &agrave; mort, rien de moins. Or la communication entre ces sous-groupes et leurs membres ne peut &ecirc;tre facilement r&eacute;gul&eacute;e quant &agrave; leur contenu. Pour peu que le ph&eacute;nom&egrave;ne prenne de l&rsquo;ampleur la coh&eacute;sion du grand groupe est compromise et l&rsquo;&eacute;quilibre est rompu. L&rsquo;existence m&ecirc;me du grand groupe peut &ecirc;tre mise en danger. Le t&eacute;l&eacute;phone mobile et les r&eacute;seaux sociaux ont supprim&eacute; les contraintes qualitatives ou quantitatives en mati&egrave;re de communication. On peut dire n&rsquo;importe quoi &agrave; n&rsquo;importe qui. On connait les difficult&eacute;s qu&rsquo;ont les op&eacute;rateurs, Facebook et m&ecirc;me YouTube de contr&ocirc;ler le contenu des communications.</p> <h1 class="texte">6. La nature des contraintes actuelles</h1> <p class="texte">Ce qui caract&eacute;rise l&rsquo;&eacute;poque actuelle chez nous dans certaines situations est la pr&eacute;&eacute;minence des contraintes locales sur les contraintes g&eacute;n&eacute;rales. Ainsi l&rsquo;Etat ou le march&eacute; dans ces cas ne peuvent plus exercer leur contr&ocirc;le habituel. Alors ce qu&rsquo;on pourrait appeler pr&eacute;conscient collectif, une sorte de contrainte irrationnelle, perce, l&rsquo;agressivit&eacute;, la haine normalement r&eacute;prim&eacute;es, dont l&rsquo;antis&eacute;mitisme font surface. L&rsquo;&eacute;quilibre habituel entre forces centrifuges et centrip&egrave;tes est accessoirement boulevers&eacute; et la stabilit&eacute; du syst&egrave;me compromise. Un des enjeux est la transformation de la structure sociale d&rsquo;une mani&egrave;re irr&eacute;versible, c&rsquo;est ce que visent les Gilets jaunes et ce que veulent, bien s&ucirc;r, limiter les autorit&eacute;s. Dans la mesure o&ugrave; le mouvement des Gilets jaunes obtient des transformations irr&eacute;versibles, par exemple par des destructions op&eacute;r&eacute;es lors de leurs rassemblements, elles rel&egrave;vent de grandeurs ph&eacute;no&shy;m&eacute;nologiques comme je l&rsquo;ai rappel&eacute; plus haut au sujet de la thermodynamique lin&eacute;aire&nbsp;: elles ne sont pas d&eacute;ductibles d&rsquo;une th&eacute;orie g&eacute;n&eacute;rale, mais r&eacute;sultent de l&rsquo;&eacute;tude particuli&egrave;re de chaque processus irr&eacute;versible. C&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;en l&rsquo;occurrence pour affronter ce mouvement il faut l&rsquo;&eacute;tudier localement sans id&eacute;es pr&eacute;con&ccedil;ues, car chaque cas est particulier. Les contraintes d&eacute;riv&eacute;es de ce processus de d&eacute;sorganisation sont locales et pas g&eacute;n&eacute;rales. Le gouvernement fran&ccedil;ais ne peut donc trouver de nouvelles mesures fiscales nationales ou concernant l&rsquo;organisation du travail car les contraintes locales &eacute;chappent &agrave; ces mesures et les groupes vis&eacute;s ne se sentent pas concern&eacute;s. Comme les diff&eacute;rentes fonctions de l&rsquo;organisme ne peuvent utiliser que de l&rsquo;&eacute;nergie qualifi&eacute;e (voir plus haut), de m&ecirc;me chaque conflit local demande un traitement diff&eacute;renci&eacute;. Aucune mesure g&eacute;n&eacute;rale ne peut intervenir efficacement.</p> <p class="texte">La puissance du mouvement des &laquo;&nbsp;Gilets jaunes&nbsp;&raquo; traduit ainsi l&rsquo;importance de la place prise par les moyens de communication dans la vie sociale. Tous ceux qui sont actifs dans la vie sociale manipulent l&rsquo;internet et poss&egrave;dent un t&eacute;l&eacute;phone portable. C&rsquo;est l&rsquo;usage de ces moyens de communications qui a donn&eacute; leur puissance &agrave; la foule traditionnellement silencieuse. Les Gilets Jaunes qui sont la manifestation la plus visible de la P&eacute;riph&eacute;rie s&rsquo;en prennent aux &eacute;lites donc au Centre, qu&rsquo;ils soient &eacute;conomiques politiques ou acad&eacute;miques. Ces &eacute;lites sont en danger de disparition. Les &eacute;lites politiques traditionnelles en France sont bel et bien disparues &agrave; quelques exceptions pr&egrave;s. Il appartient aux r&eacute;gulateurs de r&eacute;tablir la situation. C&eacute;der aux revendications ne suffirait pas car les Gilets ne seront jamais satisfaits par des mesures rationnelles. Le conflit de la P&eacute;riph&eacute;rie et du Centre selon Martin GURRI risque de conduire &agrave; une situation de paralysie si le conflit s&rsquo;&eacute;ternise &agrave; l&rsquo;instar des guerres de religion du XVI<sup>e</sup> aux XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cles.</p> <p class="texte">La P&eacute;riph&eacute;rie, les Gilets Jaunes en l&rsquo;occurrence, ne veut pas prendre de responsabilit&eacute; politique estime GURRI, C&rsquo;est ce qu&rsquo;on observe effectivement. Le d&eacute;sir d&rsquo;un individu, d&rsquo;un groupe peut n&eacute;anmoins devenir une contrainte. Ainsi les Gilets Jaunes peuvent imposer des contraintes&nbsp;! Il faut donc faire des hypoth&egrave;ses sur ce que veulent les individus et traiter ces hypoth&egrave;ses comme des contraintes. GURRI pense aussi que de nouvelles &eacute;lites doivent &eacute;merger. C&rsquo;est bien qui s&rsquo;est pass&eacute; en France avec l&rsquo;&eacute;lection d&rsquo;Emmanuelle Macron et les d&eacute;put&eacute;s du groupe &laquo;&nbsp;R&eacute;publique en marche&nbsp;&raquo;. Ils peuvent &eacute;ventuellement &eacute;tablir un contr&ocirc;le efficace de la situation et d&eacute;cider le conflit en leur faveur. Mais ils ne pourront &eacute;liminer compl&egrave;tement la P&eacute;riph&eacute;rie, c&rsquo;est &agrave; dire les Gilets Jaunes ou ce qu&rsquo;ils repr&eacute;sentent. En France l&rsquo;opposition du Centre et de la P&eacute;riph&eacute;rie &eacute;tait connue comme celle des citadins et des ruraux.</p> <p class="texte">Maintenant la nouvelle &eacute;lite est l&agrave;, mais il va falloir qu&rsquo;elle prouve sa capacit&eacute; de faire face &agrave; la t&acirc;che. Celle-ci est multiple et concerne tous les aspects de la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise. Ce sont avant tout les contraintes rationnelles sur les moyens de communications eux-m&ecirc;mes qui doivent &ecirc;tre r&eacute;tablies et non des r&eacute;glementations concernant les usagers. Trouver les contraintes n&eacute;cessaires pour un fonctionnement optimal est toujours difficile. Par exemple les imp&ocirc;ts et la r&egrave;gles de la circulation sont des contraintes auxquelles on s&rsquo;oppose volontiers. C&rsquo;est la t&acirc;che du l&eacute;gislateur, de l&rsquo;ex&eacute;cutif et du gouvernement c&rsquo;est-&agrave;-dire en l&rsquo;occurrence de la nouvelle &eacute;lite. Pour cela il faut faire appel &agrave; des m&eacute;canismes sp&eacute;cialis&eacute;s convenables et si besoin d&rsquo;en inventer des nouveaux.</p> <p class="texte">Quelques soient les nouvelles contraintes et aussi efficaces soient-elles, il risque de rester un r&eacute;sidu d&rsquo;activit&eacute; de la P&eacute;riph&eacute;rie, en l&rsquo;occurrence des Gilets Jaunes. Comment les neutraliser&nbsp;? L&rsquo;objectif pourrait &ecirc;tre sa transformation en &eacute;tat stationnaire adapt&eacute; aux moyens actuels de communication. Un lac ferm&eacute; par une digue est le prototype d&rsquo;un &eacute;tat stationnaire.</p> <p class="texte">Pour &eacute;tablir un &eacute;tat stationnaire il faut assurer une alimentation, une source, une arriv&eacute;e, un espace de fonctionnement ou de s&eacute;jour et un &eacute;coulement r&eacute;gul&eacute;. Si on admet que le fonctionnement actuel du mouvement des Gilets Jaunes allait subsister il faudrait accepter que tous les samedis un espace et un temps soient disponibles pour eux. Un peu comme une procession religieuse la colonne de Gilets Jaunes traverserait son espace et manifesterait ce qu&rsquo;elle a &agrave; communiquer. Les processions religieuses d&eacute;filaient pour un &eacute;l&eacute;ment de leur croyance, les Gilets Jaunes d&eacute;filent contre le Centre quel qu&rsquo;il soit. L&rsquo;alimentation de la manifestation est ainsi par d&eacute;finition assur&eacute;e, les forces de l&rsquo;ordre sont l&agrave; pour les maintenir dans l&rsquo;espace pr&eacute;vu et pour assurer la dissolution apr&egrave;s les d&eacute;lais &eacute;coul&eacute;. Tant qu&rsquo;ils peuvent se voir sur les &eacute;crans de la t&eacute;l&eacute;vision nationale les Gilets Jaunes seront contant. Il faudrait pr&eacute;venir l&rsquo;&eacute;mergence de nouvelles formes de contestation, ce qui serait sans doute possible dans l&rsquo;espace donn&eacute;, en l&rsquo;occurrence en&nbsp;France et pendant un certain temps.</p> <p class="texte">Ainsi la mise en place de contraintes aussi efficaces que possible et la gestion aussi rationnelle que possible des r&eacute;sidus de la contestation devrait permettre un fonctionnement acceptable.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> Miklos BOKOR, Paul Wiener, <em>Peut-on en finir avec Hitler&nbsp;?</em> Harmattan, Paris, pp 91-93.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> Cohn, Norman, <em>The pursuit of the Millenium</em>, Premi&egrave;re &eacute;dition anglaise 1957 [Book].&nbsp;- [s.l.]&nbsp;: Oxford University Press, 1970 Ed. fr.&nbsp;: Les fanatiques de l&#39;apocalypse, Payot, Paris, 1983, pp.&nbsp;44-65.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> Prigogine I. &amp; Glandsdorff P., <em>Structure, stabilit&eacute; et fluctuations</em>, Paris, Masson, 1971.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> Paul Wiener, 1986, Vues thermodynamiques sur la psychopathologie de la psychose,<em> L&#39;Evolution Psychiatrique</em>, 51, 4, pp.&nbsp;907-923.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> Forse Michel, 1989<em>, L&rsquo;ordre improbable</em>. Entropie et processus sociaux. PUF, Paris</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> Pierre&nbsp;De&nbsp;Senarclens, &laquo;&nbsp;Le populisme ou les maladies infantiles du politique&nbsp;&raquo;,&nbsp;Les cahiers psychologie politique&nbsp;[En ligne], num&eacute;ro 34, Janvier 2019. <span lang="en" xml:lang="en">URL: </span><a href="http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=3731"><span lang="en" xml:lang="en">http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=3731</span></a><span lang="en" xml:lang="en"> </span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> <span lang="en" xml:lang="en">&nbsp;Martin Gurri, 2018. </span><em><span lang="en" xml:lang="en">The Revolt of The Public and the Crisis of Authority in the New Millennium </span></em><span lang="en" xml:lang="en">Stripe Press.</span></p>