<p><strong>SOMMAIRE</strong></p> <p><strong>Le probl&egrave;me de la technique</strong></p> <p><strong>De l&rsquo;idol&acirc;trie technicienne au transhumanisme</strong></p> <p><strong>La dystopie technicienne</strong></p> <p><strong>R&eacute;pondre au probl&egrave;me</strong></p> <p><strong>La r&eacute;action romantique</strong></p> <p><strong>La technique comme probl&egrave;me spirituel</strong></p> <p><strong>La technique et le christianisme</strong></p> <p><strong>Conclusion</strong></p> <p class="texte">La crainte d&rsquo;un &laquo;&nbsp;retour des ann&eacute;es 1930&nbsp;&raquo; est aujourd&rsquo;hui devenue un lieu commun du discours politico-m&eacute;diatique. On en parle comme autrefois on parlait du retour de la peste, des sauterelles et de la famine. La fort mauvaise r&eacute;putation de ces ann&eacute;es 1930 s&rsquo;explique bien s&ucirc;r par le fait qu&rsquo;elles constitu&egrave;rent une d&eacute;cennie d&rsquo;affirmation des totalitarismes sovi&eacute;tiques, fascistes, et nazis. Cependant, elles ne furent pas que cela. Les ann&eacute;es 1930 virent &eacute;galement na&icirc;tre en France un important mouvement de renouvellement de la pens&eacute;e philosophique et politique, dont le repr&eacute;sentant le plus connu, et le plus p&eacute;renne, fut probablement la revue <em>Esprit</em> emmen&eacute;e par Emmanuel Mounier. Ce mouvement, dit des &laquo;&nbsp;non-conformistes&nbsp;&raquo;, a &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute; par Jean-Louis Loubet del Bayle dans son ouvrage devenu classique&nbsp;: <em>Les non-conformistes des ann&eacute;es 30. Une tentative de renouvellement de la pens&eacute;e politique fran&ccedil;aise</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a></sup>.</p> <p class="texte">Le philosophe Nicolas Berdiaev ne peut, <em>stricto sensu</em>, &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme un repr&eacute;sentant de ce mouvement des non-conformistes, pour diverses raisons. L&rsquo;une d&rsquo;entre elles, la plus &eacute;vidente, est que ce mouvement est celui d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;ration &agrave; laquelle il n&rsquo;appartient pas. N&eacute; (&agrave; Kiev) en 1874, Berdiaev a en effet 56 ans en 1930, alors que les non-conformistes ne sont souvent m&ecirc;me pas trentenaires. Mounier, par exemple, est n&eacute; en 1905, et avait donc 27 ans lors du lancement de la revue <em>Esprit</em> en 1932. Toutefois, Berdiaev peut, &agrave; l&rsquo;instar de quelques autres (tel Jacques Maritain ou Gabriel Marcel), &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme l&rsquo;un des grands inspirateurs du mouvement des non-conformistes. De fa&ccedil;on significative, il contribue d&rsquo;ailleurs au tout premier num&eacute;ro de la revue <em>Esprit</em> par un article intitul&eacute; &laquo;&nbsp;V&eacute;rit&eacute; et mensonge du communisme russe&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Loubet del Bayle note qu&rsquo;un th&egrave;me important des non-conformistes &eacute;tait la question de la technique. Ils voyaient en effet l&rsquo;homme devenir de plus en plus esclave de la machine, par exemple avec la g&eacute;n&eacute;ralisation des cha&icirc;nes de montage industrielles et de &laquo;&nbsp;l&rsquo;organisation scientifique du travail&nbsp;&raquo;. La critique de la technique recoupait donc chez eux celle du capitalisme, de la bourgeoisie, du mat&eacute;rialisme, et de ce qui constituait l&rsquo;incarnation de tout cela &agrave; leurs yeux&nbsp;: l&rsquo;Am&eacute;rique. Dans leur critique du machinisme au nom de la libert&eacute; et de l&rsquo;irr&eacute;ductibilit&eacute; de la personne humaine, les non-conformistes se pla&ccedil;aient clairement dans le sillage des r&eacute;flexions de Berdiaev. L&rsquo;&oelig;uvre philosophique de celui-ci, que ce soit en Russie ou en France, ne cessa jamais d&rsquo;interroger la technique et ses rapports &agrave; l&rsquo;homme, &agrave; l&rsquo;esprit et &agrave; la libert&eacute;. En 1933, au moment fort de l&rsquo;activit&eacute; des non-conformistes, il publia ainsi sur ce th&egrave;me un petit essai intitul&eacute; <em>L&rsquo;homme et la machine</em>. Berdiaev, comme c&rsquo;est souvent le cas chez lui, n&rsquo;expose pas sa pens&eacute;e de fa&ccedil;on rigoureusement lin&eacute;aire. Il d&eacute;veloppe au contraire son propos de fa&ccedil;on assez libre, tournant toujours autour du m&ecirc;me sujet, de mani&egrave;re &agrave; essayer de le saisir selon plusieurs angles diff&eacute;rents. Nous allons t&acirc;cher ici de proposer une rapide lecture interpr&eacute;tative de l&rsquo;essai de Berdiaev, n&eacute;cessairement partielle<sup><a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a></sup>.</p> <h1 class="texte">Le probl&egrave;me de la technique</h1> <h2 class="texte">De l&rsquo;idol&acirc;trie technicienne au transhumanisme</h2> <p class="texte">D&egrave;s la premi&egrave;re page de son essai, Berdiaev pose un diagnostic implacable sur son &eacute;poque&nbsp;: &laquo;&nbsp;La seule foi que l&rsquo;homme de la civilisation moderne conserve est celle dont il entoure la technique, sa puissance et son progr&egrave;s infini.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a></sup> Au c&oelig;ur du nihilisme moderne se niche ainsi une croyance profonde dans le progr&egrave;s technique et ses bienfaits, partag&eacute;e autant par le monde capitaliste que par le monde communiste. Cette foi peut &eacute;videmment s&rsquo;expliquer par les grandes r&eacute;alisations que la technique a permises &agrave; l&rsquo;homme. C&rsquo;est donc bien l&rsquo;incroyable puissance qu&rsquo;elle lui offre qui pousse l&rsquo;homme &agrave; mettre une confiance aveugle dans la technique. La foi moderne dans la technique s&rsquo;enracine donc fondamentalement dans la volont&eacute; de puissance de l&rsquo;homme. Comme le dit Berdiaev&nbsp;: &laquo;&nbsp;La technique donne &agrave; l&rsquo;homme d&rsquo;aujourd&rsquo;hui le sentiment d&rsquo;une immense puissance, tout en &eacute;tant elle-m&ecirc;me le produit de la volont&eacute; de puissance et de l&rsquo;expansion.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a></sup></p> <p class="texte">Par idol&acirc;trie pour la technique, et pour lui permettre d&rsquo;assouvir toujours plus sa volont&eacute; de puissance, Berdiaev pense (on pourrait presque dire &laquo;&nbsp;proph&eacute;tise&nbsp;&raquo;) que l&rsquo;homme finira par accepter de se transformer lui-m&ecirc;me, en s&rsquo;unissant &agrave; son niveau le plus intime avec la technique. Il &eacute;crit &agrave; ce propos&nbsp;: &laquo;&nbsp;La technique repr&eacute;sente le dernier amour de l&rsquo;homme qui est tout pr&ecirc;t, sous l&rsquo;influence de cet amour, &agrave; modifier sa propre image.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a></sup> Le probl&egrave;me, note Berdiaev, est qu&rsquo;il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;une illusion&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le machinisme ne cr&eacute;&eacute; pas un homme nouveau, il le d&eacute;truit, le fait dispara&icirc;tre, il le remplace par un &ecirc;tre diff&eacute;rent, dont l&rsquo;existence n&rsquo;est d&eacute;j&agrave; plus humaine.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a></sup> L&rsquo;aboutissement de cette logique de dissolution de l&rsquo;homme est l&rsquo;union de l&rsquo;homme et de la technique, c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;av&egrave;nement de la figure contemporaine du post-humain. Cependant, Berdiaev nous met en garde, le post-humain n&rsquo;est pas un homme augment&eacute;, ce n&rsquo;est plus un homme du tout.</p> <p class="texte">Il est frappant de relever &agrave; quel point Berdiaev a su anticiper l&rsquo;&eacute;mergence du transhumanisme et son id&eacute;al de transformation de l&rsquo;homme par la technologie. Preuve s&rsquo;il en est que celui-ci, loin de n&rsquo;&ecirc;tre qu&rsquo;un gadget id&eacute;ologique &eacute;labor&eacute; pour flatter la vanit&eacute; de quelques ing&eacute;nieurs milliardaires de la <em>Silicon Valley</em>, s&rsquo;enracine en r&eacute;alit&eacute; profond&eacute;ment dans la conscience de la modernit&eacute; occidentale. Le transhumanisme exemplifie ainsi la crainte exprim&eacute;e par Berdiaev de voir l&rsquo;homme s&rsquo;unir &agrave; la technique dans le but d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; une forme bien illusoire d&rsquo;am&eacute;lioration. Illusoire car, &agrave; ses yeux, le projet transhumaniste est gravement paradoxal puisqu&rsquo;il affirme&nbsp;que l&rsquo;homme s&rsquo;am&eacute;liore &agrave; mesure qu&rsquo;il s&rsquo;annihile. &Eacute;tonnante am&eacute;lioration, en effet, que celle qui exige pour se faire l&rsquo;abolition de ce qui pr&eacute;cis&eacute;ment doit &ecirc;tre am&eacute;lior&eacute;. Berdiaev d&eacute;crit ainsi cette &laquo;&nbsp;utopie&nbsp;&raquo; technologique<sup><a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a></sup>&nbsp;:</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Parfois une terrible utopie hante notre esprit. Il semble qu&rsquo;il puisse venir un temps o&ugrave; les machines ayant atteint la perfection fonctionneraient par elles-m&ecirc;mes et obtiendraient le rendement maximum&nbsp;; les usines fabriqueraient des produits &agrave; une c&eacute;l&eacute;rit&eacute; vertigineuse&nbsp;; les automobiles et les a&eacute;roplanes se disputeraient la vitesse, la T.S.F. propagerait la musique dans tout l&rsquo;univers et reproduirait les discours des grands hommes d&eacute;funts. Quant aux derniers humains, apr&egrave;s s&rsquo;&ecirc;tre transform&eacute;s eux-m&ecirc;mes en machines, ils auraient disparu, &agrave; cause de leur inutilit&eacute; et parce que la respiration et la circulation du sang seraient devenues impossibles. La nature serait alors soumise &agrave; la technique et la nouvelle r&eacute;alit&eacute;, cr&eacute;&eacute;e par celle-ci, resterait dans la vie cosmique. Mais il n&rsquo;y aurait plus d&rsquo;hommes, il n&rsquo;y aurait plus de vie organique. Il d&eacute;pend, en derni&egrave;re instance, du degr&eacute; de la force spirituelle en l&rsquo;homme, pour qu&rsquo;il &eacute;chappe &agrave; ce terrible destin ou qu&rsquo;il ait &agrave; le subir. La puissance exclusive de la technique et de la machine nous entra&icirc;ne pr&eacute;cis&eacute;ment vers cette limite&nbsp;: au non-&ecirc;tre dans la perfection technique.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <h2 class="texte">La dystopie technicienne</h2> <p class="texte">Berdiaev tente de comprendre les origines profondes de cette &laquo;&nbsp;utopie&nbsp;&raquo;, qu&rsquo;il juge terrifiante, de la dissolution de l&rsquo;homme dans la technique, &agrave; travers une rapide philosophie de l&rsquo;histoire qu&rsquo;il &eacute;labore. Il affirme que l&rsquo;histoire humaine est constitu&eacute;e de trois stades&nbsp;: le stade naturel, le stade culturel, et le stade technicien. Le stade central, le stade culturel, celui o&ugrave; nous nous trouvons encore, est constitu&eacute; de deux p&ocirc;les&nbsp;: le p&ocirc;le organique et le p&ocirc;le technique. Le stade pr&eacute;c&eacute;dent, le stade naturel, se caract&eacute;rise par la domination totale du p&ocirc;le organique, alors que le stade suivant, le stade technicien, se caract&eacute;rise par la domination totale du p&ocirc;le technique. Si l&rsquo;&eacute;mergence du p&ocirc;le technique a ainsi permis &agrave; l&rsquo;homme de s&rsquo;arracher du stade naturel et d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; la culture, la victoire univoque du p&ocirc;le technique sur le p&ocirc;le organique signifie &laquo;&nbsp;la d&eacute;g&eacute;n&eacute;rescence de la culture en quelque chose qui ne l&rsquo;est plus&nbsp;&raquo;. Tel est aux yeux de Berdiaev le probl&egrave;me de la place de la technique dans l&rsquo;histoire humaine&nbsp;: &laquo;&nbsp;D&rsquo;une part, il n&rsquo;y a pas de culture sans technique, puisque les origines m&ecirc;mes de la culture s&rsquo;y rattachent, et d&rsquo;autre part, le triomphe d&eacute;finitif de la technique amorce le d&eacute;clin de la culture.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a></sup></p> <p class="texte">Berdiaev pr&eacute;cise qu&rsquo;il ne faut pas consid&eacute;rer les trois stades qu&rsquo;il rel&egrave;ve comme des &eacute;poques chronologiques pr&eacute;cises. Il s&rsquo;agit bien plus pour lui de trois types de rapport entre l&rsquo;esprit et la nature&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans la premi&egrave;re, l&rsquo;esprit est immerg&eacute; dans la nature&nbsp;; dans la seconde, il s&rsquo;en d&eacute;gage et forme une sph&egrave;re particuli&egrave;re de spiritualit&eacute;&nbsp;; dans la troisi&egrave;me enfin il acquiert un empire sur elle et parvient &agrave; la ma&icirc;triser.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a></sup> C&rsquo;est bien cette r&eacute;ification compl&egrave;te de la nature par la technique qui constitue l&rsquo;utopie du transhumanisme, et du progressisme technicien de fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale. Celle-ci est cependant loin de remplir ces promesses, comme le note Berdiaev. L&rsquo;homme se retrouve d&eacute;pass&eacute; par les r&eacute;alit&eacute;s techniques auxquelles il a lui-m&ecirc;me donn&eacute; naissance&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;esprit prom&eacute;th&eacute;en chez l&rsquo;homme ne parvient pas &agrave; ma&icirc;triser la technique qu&rsquo;il a lui-m&ecirc;me engendr&eacute;e, il ne peut venir &agrave; bout de ces &eacute;nergies nouvelles qu&rsquo;il a d&eacute;cha&icirc;n&eacute;es.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a></sup></p> <p class="texte">Alors que &laquo;&nbsp;la substitution de la machine &agrave; l&rsquo;effort s&eacute;culaire humain correspond &agrave; une conqu&ecirc;te positive, qui aurait d&ucirc; an&eacute;antir l&rsquo;esclavage et la mis&egrave;re&nbsp;&raquo;, on constate que ce n&lsquo;est pas le cas. L&rsquo;homme peut par exemple se retrouver remplac&eacute; par la machine&nbsp;: &laquo;&nbsp;La rationalisation de l&rsquo;industrie engendre le ch&ocirc;mage, cette calamit&eacute; de notre &eacute;poque.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a></sup> Mais, surtout, la technique r&eacute;duit l&rsquo;homme &agrave; n&rsquo;&ecirc;tre plus qu&rsquo;un outil &agrave; son service. La technique n&rsquo;est ainsi plus adapt&eacute;e &agrave; l&rsquo;homme, c&rsquo;est l&rsquo;homme qui doit s&rsquo;adapter &agrave; la technique. Le taylorisme appara&icirc;t &agrave; Berdiaev comme particuli&egrave;rement significatif de cet &eacute;tat de fait&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le syst&egrave;me de Taylor pr&eacute;sente une forme extr&ecirc;me de la rationalisation du travail, mais il ram&egrave;ne l&rsquo;homme au rang d&rsquo;une machine perfectionn&eacute;e.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a></sup> Ainsi, loin de lib&eacute;rer l&rsquo;homme, la technique participe au contraire aujourd&rsquo;hui &agrave; sa d&eacute;gradation, &agrave; sa mise en esclavage.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Aujourd&rsquo;hui il [l&rsquo;homme] entre dans une &egrave;re nouvelle&nbsp;: il veut se rendre ma&icirc;tre des forces sociales irrationnelles. Il cr&eacute;e une soci&eacute;t&eacute; organis&eacute;e et utilise le progr&egrave;s technique pour r&eacute;glementer la vie et ma&icirc;triser d&eacute;finitivement la nature. Mais, par une monstrueuse perversion, il devient &agrave; nouveau l&rsquo;esclave de ce qu&rsquo;il &eacute;labore, esclave de cette machine que la soci&eacute;t&eacute; est devenue et en laquelle lui-m&ecirc;me d&eacute;g&eacute;n&egrave;re insensiblement.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a></sup></p> </blockquote> <h1 class="texte">R&eacute;pondre au probl&egrave;me</h1> <h2 class="texte">La r&eacute;action romantique</h2> <p class="texte">Le romantisme, pour Berdiaev, n&eacute; de la r&eacute;action dans la culture du p&ocirc;le organique contre la domination du p&ocirc;le technique, propose comme horizon id&eacute;al le retour au pass&eacute; et &agrave; la nature&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le retour &agrave; la nature, &eacute;ternel leitmotiv de l&rsquo;histoire de la culture, traduit la crainte de voir celle-ci p&eacute;rir sous la domination de la technique, de voir dispara&icirc;tre la nature int&eacute;grale de l&rsquo;homme.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a></sup> Cette r&eacute;action romantique, qu&rsquo;il voit par exemple dans l&rsquo;&oelig;uvre de L&eacute;on Tolsto&iuml; ou de John Ruskin, n&rsquo;est cependant jamais rien d&rsquo;autre &agrave; ses yeux qu&rsquo;une volont&eacute; vaine de retour &agrave; des techniques ant&eacute;rieures qui nous sont famili&egrave;res. Le romantisme n&rsquo;est pas une v&eacute;ritable contestation de la domination de la technique, mais simplement une contestation des innovations techniques dont nous n&rsquo;avons pas l&rsquo;habitude.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Nous nous sommes tous r&eacute;concili&eacute;s avec la machine &agrave; vapeur et le chemin de fer, oubliant qu&rsquo;il y eut un temps o&ugrave; eux aussi provoqu&egrave;rent des r&eacute;criminations et des protestations. Nous pouvons nier les avantages d&rsquo;un d&eacute;placement en a&eacute;roplane, mais nous utilisons le chemin de fer et l&rsquo;automobile, nous pouvons peut-&ecirc;tre ne pas aimer le m&eacute;tro, mais nous prenons volontiers le tramway, nous pouvons ne pas admettre le cin&eacute;ma parlant, mais nous appr&eacute;cions le cin&eacute;ma muet, etc.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a></sup></p> </blockquote> <p class="texte">La r&eacute;action romantique s&rsquo;enracine ainsi dans une id&eacute;alisation quelque peu na&iuml;ve du pass&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le pass&eacute; tel qu&rsquo;il nous s&eacute;duit a &eacute;t&eacute; affranchi et purifi&eacute; par notre imagination cr&eacute;atrice de tout ce qu&rsquo;il comportait de laideur et d&rsquo;injustice.&nbsp;&raquo; Le romantisme oublie ainsi que &laquo;&nbsp;la vie d&rsquo;autrefois &eacute;tait li&eacute;e &agrave; une terrible exploitation de l&rsquo;homme et de l&rsquo;animal, li&eacute;e &agrave; l&rsquo;asservissement et &agrave; l&rsquo;esclavage&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a></sup>.</p> <p class="texte">Mais le plus grand reproche que Berdiaev fait &agrave; la r&eacute;action romantique, c&lsquo;est que celle-ci m&eacute;conna&icirc;t la vocation cr&eacute;atrice de l&rsquo;homme. Il est ainsi impossible de revenir en arri&egrave;re, l&rsquo;histoire humaine est condamn&eacute;e &agrave; toujours aller de l&rsquo;avant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous conna&icirc;trons de grandes r&eacute;actions contre la technique et la machine, des retours &agrave; la nature originelle, mais tant que l&rsquo;homme poursuivra son chemin terrestre, jamais la machine et la technique ne seront an&eacute;anties.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a></sup></p> <p class="texte">Telle est la destin&eacute;e de l&rsquo;homme&nbsp;: il doit accomplir sa mission de transfiguration du monde. Cette transfiguration passe par exemple par l&rsquo;embellissement du monde par l&rsquo;art. Or, Berdiaev rel&egrave;ve que la technique peut servir ce dernier. Il donne &agrave; ce propos l&rsquo;exemple du cin&eacute;ma. Le 7<sup>e</sup> art, en effet, n&rsquo;a pu &eacute;merger que gr&acirc;ce &agrave; certaines innovations technologiques.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Il [le cin&eacute;ma] n&rsquo;existe lui-m&ecirc;me que gr&acirc;ce &agrave; des d&eacute;couvertes techniques prodigieuses, gr&acirc;ce &agrave; celles plus particuli&egrave;rement qui s&rsquo;effectuent dans le domaine de la lumi&egrave;re et du son et que les hommes des &eacute;poques ant&eacute;rieures auraient tenu pour d&rsquo;authentiques miracles.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a></sup></p> </blockquote> <p class="texte">Cependant, le cin&eacute;ma demeure une r&eacute;alit&eacute; technique et reste donc en tant que tel d&eacute;nu&eacute; en lui-m&ecirc;me de dimension spirituelle. Il peut, &agrave; l&rsquo;instar de toute technique, servir aussi la mise en esclavage de l&rsquo;homme. Berdiaev n&rsquo;a pas &agrave; regarder bien loin pour se rendre compte de ce fait. L&rsquo;incroyable pouvoir de suj&eacute;tion du cin&eacute;ma de propagande, si important durant ces ann&eacute;es 1930, lui donne largement raison. Nous touchons ici un point central de la pens&eacute;e de Berdiaev&nbsp;: l&rsquo;ambivalence de la technique. La technique est en effet d&eacute;pourvue en elle-m&ecirc;me de dimension spirituelle, elle est ainsi intrins&egrave;quement dangereuse et risque toujours de contribuer &agrave; la d&eacute;gradation et &agrave; la mise en esclavage de l&rsquo;homme. Toutefois, elle peut aussi servir la finalit&eacute; spirituelle de l&rsquo;homme.</p> <h2 class="texte">La technique comme probl&egrave;me spirituel</h2> <p class="texte">Pour Berdiaev, le probl&egrave;me que pose la technique &agrave; l&rsquo;homme est en d&eacute;finitive spirituel. En effet, la technique &eacute;tant ambivalente, le probl&egrave;me qu&rsquo;elle pose rel&egrave;ve finalement de ce que l&rsquo;homme en fait. La d&eacute;gradation de l&rsquo;homme par la technique n&rsquo;est ainsi possible que parce que l&rsquo;homme lui-m&ecirc;me a abdiqu&eacute; ce qui le rend proprement humain&nbsp;: sa dimension irr&eacute;ductiblement personnelle et spirituelle.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Ce n&rsquo;est pas la machine cr&eacute;&eacute;e par l&rsquo;homme qui est responsable et c&rsquo;est faire preuve de mauvaise foi que de rejeter sur elle tous les torts. C&rsquo;est &agrave; l&rsquo;homme qu&rsquo;il faut s&rsquo;en prendre de la terrible h&eacute;g&eacute;monie du machinisme, il a lui-m&ecirc;me d&eacute;sagr&eacute;g&eacute; son &acirc;me. Le probl&egrave;me doit &ecirc;tre transpos&eacute; de l&rsquo;ext&eacute;rieur &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur. Le monde se d&eacute;shumanise et la machine n&rsquo;est qu&rsquo;une projection de ce processus.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn19" id="bodyftn19">19</a></sup></p> </blockquote> <p class="texte">La solution au probl&egrave;me de la technique d&eacute;pend donc en derni&egrave;re instance de l&rsquo;&eacute;tat spirituel de l&rsquo;homme. La technique, &agrave; l&rsquo;instar de toutes les activit&eacute;s humaines, est pleinement l&eacute;gitime si elle sert les fins spirituelles de l&rsquo;homme. Lorsqu&rsquo;il abdique ses fins spirituelles, l&rsquo;homme laisse la technique se substituer &agrave; celles-ci, aboutissant ainsi &agrave; sa propre d&eacute;gradation.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Il ne peut y avoir de &quot;fins&quot; techniques de la vie, il ne peut y avoir que des &quot;moyens&quot; techniques. Les fins appartiennent toujours &agrave; un autre domaine, &agrave; celui de l&rsquo;esprit. Toutefois les moyens s&rsquo;y substituent souvent&nbsp;; ils peuvent m&ecirc;me d&eacute;tourner &agrave; leur profit jusqu&rsquo;au sens de la vie, si bien que la port&eacute;e de celle-ci peut &ecirc;tre compl&egrave;tement masqu&eacute;e, voire m&ecirc;me effac&eacute;e de la conscience de l&rsquo;homme. Et c&rsquo;est ce qui se produit &agrave; notre &eacute;poque dans des proportions gigantesques.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn20" id="bodyftn20">20</a></sup></p> </blockquote> <p class="texte">Emp&ecirc;cher la domination univoque de la technique ne passera donc pas pour Berdiaev par un retour vers le pass&eacute;, comme le souhaiterait le romantisme, mais par une prise de conscience renouvel&eacute;e de la finalit&eacute; spirituelle de l&rsquo;homme, et par la mise au service de la technique &agrave; celle-ci&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais ce que nous appelons actuellement &quot;l&rsquo;&egrave;re technique&quot; n&rsquo;est pas non plus une &egrave;re &eacute;ternelle. L&rsquo;&eacute;poque de son &eacute;trange domination sur l&rsquo;&acirc;me humaine prendra fin&nbsp;; ce ne sera pas par la n&eacute;gation de la technique, mais par la subordination de cette derni&egrave;re &agrave; l&rsquo;esprit.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn21" id="bodyftn21">21</a></sup></p> <h2 class="texte">La technique et le christianisme</h2> <p class="texte">Berdiaev voit le probl&egrave;me de la technique comme &laquo;&nbsp;l&rsquo;un des plus angoissants pour la conscience chr&eacute;tienne&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn22" id="bodyftn22">22</a></sup>. En effet, le triomphe d&eacute;finitif du p&ocirc;le technique sur le p&ocirc;le organique, propre au stade technicien, signifie la fin de toute spiritualit&eacute;. Berdiaev rajoute que l&rsquo;U.R.S.S. appara&icirc;t assez significative de ce ph&eacute;nom&egrave;ne&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;L&rsquo;exp&eacute;rience sovi&eacute;tique produit, sous ce rapport, une impression singuli&egrave;rement angoissante. Son originalit&eacute; consiste moins en une technisation &ndash;&nbsp;l&rsquo;Am&eacute;rique a &eacute;t&eacute; beaucoup plus loin et il est peu probable que la Russie atteigne de sit&ocirc;t son rythme vertigineux&nbsp;&ndash;, elle consiste surtout en ce ph&eacute;nom&egrave;ne spirituel qui se manifeste &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la construction technique.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn23" id="bodyftn23">23</a></sup></p> <p class="texte">Le souci, note Berdiaev, est que les chr&eacute;tiens entretiennent avec la technique deux types de rapport, aussi peu pertinents l&rsquo;un que l&rsquo;autre. La majorit&eacute; des chr&eacute;tiens consid&egrave;rent la technique comme &laquo;&nbsp;indiff&eacute;rente et neutre &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la religion&nbsp;&raquo;. Elle constitue ainsi une sph&egrave;re de l&rsquo;activit&eacute; humaine sans rapport avec la spiritualit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Son domaine est un domaine particulier qui n&rsquo;a rien &agrave; voir avec leur conscience ou avec leur esprit et qui ne leur pose aucun probl&egrave;me spirituel.&nbsp;&raquo; Mais d&rsquo;autres chr&eacute;tiens voient la technique &laquo;&nbsp;comme un mal apocalyptique&nbsp;&raquo; et comme &laquo;&nbsp;le triomphe de l&rsquo;ant&eacute;christ, la B&ecirc;te mont&eacute;e de l&rsquo;ab&icirc;me&nbsp;&raquo;. L&rsquo;une et l&rsquo;autre de ces attitudes rel&egrave;vent pour Berdiaev d&rsquo;une certaine paresse intellectuelle. En effet, concevoir la technique comme neutre revient finalement &agrave; ignorer le probl&egrave;me qu&rsquo;elle pose, et concevoir la technique comme satanique revient &agrave; simplement laisser s&rsquo;exprimer des sentiments de crainte<sup><a class="footnotecall" href="#ftn24" id="bodyftn24">24</a></sup>.</p> <p class="texte">Pour Berdiaev, l&rsquo;&egrave;re technique n&rsquo;est pas neutre, elle a un impact sur le christianisme, et cet impact n&rsquo;est pas n&eacute;cessairement n&eacute;gatif&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le pouvoir de la technique dans la vie humaine aboutit &agrave; une transformation radicale du caract&egrave;re m&ecirc;me de la vie religieuse et ceci, reconnaissons-le, pour son plus grand bien.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn25" id="bodyftn25">25</a></sup> L&rsquo;ancienne religiosit&eacute; conventionnelle, sociale et h&eacute;r&eacute;ditaire, en un mot conformiste, dispara&icirc;t pour laisser place &agrave; une vie spirituelle renouvel&eacute;e, plus profonde et personnelle, plus douloureuse aussi car plus exigeante. La technique a cependant &eacute;galement des effets n&eacute;fastes pour la vie spirituelle. La vitesse de la machine n&rsquo;est pas celle de l&rsquo;homme. En acc&eacute;l&eacute;rant sans cesse le &laquo;&nbsp;tempo&nbsp;&raquo; de la vie humaine individuelle et sociale, la technique s&rsquo;oppose &agrave; cette activit&eacute; longue et lente qu&rsquo;est la contemplation&nbsp;: &laquo;&nbsp;Et le probl&egrave;me qui se pose &agrave; l&rsquo;homme est celui qui consiste &agrave; savoir s&rsquo;il saura, oui ou non, garder la possibilit&eacute; de ces instants de contemplation, contemplation de l&rsquo;&eacute;ternit&eacute;, de la Divinit&eacute;, de la beaut&eacute;.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn26" id="bodyftn26">26</a></sup> La technique exige ainsi de l&rsquo;homme une activit&eacute; continuelle. Elle le r&eacute;ifie int&eacute;gralement comme un <em>homo faber</em>, un producteur et rien d&rsquo;autre<sup><a class="footnotecall" href="#ftn27" id="bodyftn27">27</a></sup>, &agrave; l&rsquo;image de la machine. Une telle r&eacute;duction de l&rsquo;homme s&rsquo;oppose &agrave; la dimension proprement et irr&eacute;ductiblement personnelle de celui-ci. Il y a donc un conflit in&eacute;vitable entre l&rsquo;homme et la technique.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;La personne est en toutes choses l&rsquo;oppos&eacute; de la machine. Elle repr&eacute;sente avant tout l&rsquo;unit&eacute; et l&rsquo;int&eacute;gralit&eacute; dans la multiplicit&eacute; des formes&nbsp;; elle fixe d&rsquo;elle-m&ecirc;me ses propres fins, elle ne consent pas &agrave; &ecirc;tre transform&eacute;e en partie constitutive, en moyen, en outil. Mais c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce que la soci&eacute;t&eacute; technis&eacute;e exige, elle fait tout pour que l&rsquo;homme cesse d&rsquo;&ecirc;tre une unit&eacute; et une int&eacute;gralit&eacute;, et par cons&eacute;quent une personnalit&eacute;. Aussi sommes-nous au d&eacute;but d&rsquo;un effroyable conflit entre la personne morale et la civilisation technique, entre l&rsquo;homme et la machine.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn28" id="bodyftn28">28</a></sup></p> </blockquote> <p class="texte">R&eacute;pondre au probl&egrave;me de la technique consiste donc &agrave; d&eacute;fendre la personne, &agrave; mettre la dimension irr&eacute;ductiblement personnelle de l&rsquo;homme au-dessus de la technique. C&rsquo;est ainsi que la technique sera assujettie aux fins spirituelles de l&rsquo;homme, et cessera de dominer celui-ci. Or, souligne Berdiaev, ce n&rsquo;est qu&rsquo;en Dieu que l&rsquo;homme est v&eacute;ritablement une personne. La dimension personnelle de l&rsquo;homme, sa part d&rsquo;&eacute;ternit&eacute;, c&rsquo;est bien l&rsquo;image de Dieu en l&rsquo;homme, qu&rsquo;il doit faire fructifier par le combat spirituel et int&eacute;rieur entre le vieil homme et le nouvel homme pour r&eacute;aliser la ressemblance divine.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;ternel en l&rsquo;homme c&rsquo;est l&rsquo;image de Dieu, qui seule en fait une personnalit&eacute;. Il ne faut pas croire qu&rsquo;il y ait l&agrave; un &eacute;tat statique. L&rsquo;image de Dieu en l&rsquo;homme, comme &ecirc;tre naturel, se d&eacute;voile et s&rsquo;affirme dynamiquement. Et ceci n&rsquo;est pas autre chose que la lutte incessante men&eacute;e contre le vieil homme au nom de l&rsquo;homme nouveau.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn29" id="bodyftn29">29</a></sup></p> </blockquote> <p class="texte">La r&eacute;ponse &agrave; l&rsquo;eschatologie technicienne, qui &laquo;&nbsp;aspire &agrave; ma&icirc;triser la terre et l&rsquo;univers, &agrave; les dominer aux moyens d&rsquo;instruments m&eacute;caniques&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn30" id="bodyftn30">30</a></sup>, se trouve donc dans la sot&eacute;riologie chr&eacute;tienne. C&rsquo;est ainsi l&rsquo;union de l&rsquo;homme et de Dieu qui doit permettre, non de supprimer la technique, mais de la soumettre &agrave; la vocation spirituelle et cr&eacute;atrice de l&rsquo;homme.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Il est impossible de tol&eacute;rer l&rsquo;autonomie de la machine, de lui laisser une enti&egrave;re libert&eacute; d&rsquo;action. Elle doit &ecirc;tre subordonn&eacute;e &agrave; l&rsquo;esprit et aux valeurs spirituelles, comme d&rsquo;ailleurs tout doit l&rsquo;&ecirc;tre dans la vie. Mais l&rsquo;esprit humain ne viendra &agrave; bout de cette t&acirc;che grandiose que s&rsquo;il ne reste pas isol&eacute;, que s&rsquo;il ne compte pas sur lui-m&ecirc;me comme unique point d&rsquo;appui, que s&rsquo;il s&rsquo;unit &agrave; Dieu. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; cette condition que subsisteront en l&rsquo;homme l&rsquo;image et la ressemblance divines, c&lsquo;est-&agrave;-dire que l&rsquo;&ecirc;tre humain subsistera. L&agrave; se manifeste l&rsquo;opposition irr&eacute;ductible entre l&rsquo;eschatologie chr&eacute;tienne et l&rsquo;eschatologie technique.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn31" id="bodyftn31">31</a></sup></p> </blockquote> <h1 class="texte">Conclusion</h1> <p class="texte">Reprenons les mots m&ecirc;mes de Berdiaev&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous nous tenons devant le paradoxe fondamental suivant&nbsp;: d&rsquo;une part, il n&rsquo;y a pas de culture sans technique, puisque les origines m&ecirc;mes de la culture s&rsquo;y rattachent, et d&rsquo;autre part le triomphe d&eacute;finitif de la technique amorce le d&eacute;clin de la culture.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn32" id="bodyftn32">32</a></sup> Cette place particuli&egrave;re que Berdiaev accorde &agrave; la technique dans l&rsquo;histoire humaine explique sa position. Il refuse la r&eacute;action romantique d&rsquo;un rejet total de la technique car celle-ci ne peut signifier qu&rsquo;une r&eacute;gression pour l&rsquo;homme. En m&ecirc;me temps, il refuse la domination totale de la technique, qui ne peut signifier que la fin de l&rsquo;homme. Le probl&egrave;me pour Berdiaev n&rsquo;est donc pas &agrave; comprendre en termes de &laquo;&nbsp;pour ou contre&nbsp;&raquo; la technique. Le probl&egrave;me est de d&eacute;terminer la juste place de la technique dans la vie humaine.</p> <p class="texte">Aux yeux de Berdiaev, le probl&egrave;me de la technique doit &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute; comme un probl&egrave;me spirituel, car c&rsquo;est bien l&rsquo;&eacute;tat spirituel de l&rsquo;homme que la technique interroge&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais quand l&rsquo;homme acquiert une puissance par laquelle il peut r&eacute;gir le monde et an&eacute;antir une partie de l&rsquo;humanit&eacute; ainsi que sa culture, alors tout d&eacute;pend de son &eacute;tat spirituel et moral, des fins auxquelles il destine cette force, de l&rsquo;esprit qui l&rsquo;anime. Le probl&egrave;me de la technique devient donc en derni&egrave;re instance un probl&egrave;me spirituel et religieux, dont la solution va d&eacute;cider du sort de l&rsquo;humanit&eacute;.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn33" id="bodyftn33">33</a></sup></p> <p class="texte">La question de la technique est donc celle des fins qu&rsquo;elle sert. Elle pose un probl&egrave;me car elle sert les siennes propres, transformant le monde, la soci&eacute;t&eacute; et l&rsquo;homme &agrave; son image, en machine. Mais si la technique peut ainsi transformer le monde, c&rsquo;est avant tout parce que l&rsquo;homme la laisse faire, parce qu&rsquo;il a accept&eacute; sa d&eacute;sagr&eacute;gation et a abdiqu&eacute; sa nature personnelle et spirituelle. La solution au probl&egrave;me de la technique consiste donc &agrave; remettre celle-ci au service de l&rsquo;homme, c&rsquo;est-&agrave;-dire de la personne et de ses fins spirituelles.</p> <p class="texte">Pour Berdiaev, nous l&rsquo;avons vu, la finalit&eacute; spirituelle de l&rsquo;homme est l&rsquo;union de Dieu et de la personne, manifest&eacute;e dans la foi chr&eacute;tienne. C&rsquo;est donc dans l&rsquo;int&eacute;gration de la technique &agrave; la sot&eacute;riologie et &agrave; l&rsquo;eschatologie chr&eacute;tienne que Berdiaev voit la solution au probl&egrave;me de la technique. Nous avons vu cependant qu&rsquo;il oppose eschatologie chr&eacute;tienne et eschatologie technique&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;eschatologie chr&eacute;tienne relie la transfiguration de la terre et du monde &agrave; l&rsquo;action de l&rsquo;Esprit divin, tandis que l&rsquo;eschatologie technique aspire &agrave; les dominer au moyen d&rsquo;instruments m&eacute;caniques.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn34" id="bodyftn34">34</a></sup> Mettre la technique au service de la finalit&eacute; spirituelle de l&rsquo;homme, c&rsquo;est-&agrave;-dire, selon Berdiaev, du salut chr&eacute;tien, implique donc d&rsquo;int&eacute;grer l&rsquo;id&eacute;al de l&rsquo;eschatologie technique &agrave; l&rsquo;eschatologie chr&eacute;tienne, de mettre la ma&icirc;trise des forces de la nature rendue possible par la technologie au service de la transfiguration du monde, de la m&ecirc;me fa&ccedil;on que l&rsquo;art. C&rsquo;est ainsi, en contribuant &agrave; la vocation spirituelle de l&rsquo;homme &agrave; la transfiguration du monde, que la technique pourra trouver sa juste place. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs sur le rappel de cette vocation que Berdiaev ach&egrave;ve son livre&nbsp;: &laquo;&nbsp;La voie de la lib&eacute;ration d&eacute;finitive de l&rsquo;homme, de l&rsquo;accomplissement de sa vocation est la voie menant au royaume de Dieu, qui n&rsquo;est pas seulement le royaume des cieux, mais aussi le royaume de la terre et de l&rsquo;univers transfigur&eacute;s.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn35" id="bodyftn35">35</a></sup></p> <p class="texte">Berdiaev voit un exemple de cette int&eacute;gration de la technique &agrave; l&rsquo;eschatologie chr&eacute;tienne dans la pens&eacute;e du philosophe Nicolas Fedorov. Il est impossible de r&eacute;sumer ici les conceptions tr&egrave;s originales de ce philosophe (et nous en serions probablement incapable). Ce dernier int&eacute;grait &agrave; la vocation spirituelle, et eschatologique, de l&rsquo;homme le triomphe par la technologie sur les &laquo;&nbsp;forces irrationnelles et mortelles de la nature&nbsp;&raquo;. Cela impliquait pour lui la r&eacute;surrection des morts par des moyens scientifiques, la ma&icirc;trise de l&rsquo;immortalit&eacute; biologique, et la colonisation d&rsquo;autres plan&egrave;tes. C&rsquo;est par ces r&eacute;alisations que l&rsquo;homme, selon Fedorov, accomplirait la mission de transfiguration du monde que Dieu lui a confi&eacute;e. Si Berdiaev ne semble pas adh&eacute;rer &agrave; toutes les r&ecirc;veries de Fedorov (il ne semble pas par exemple croire possible pour l&rsquo;homme de s&rsquo;affranchir totalement de son origine terrestre comme l&rsquo;affirme Fedorov), il semble cependant bien rejoindre son id&eacute;al d&rsquo;une ma&icirc;trise de la nature et de la vie par la technique, et la volont&eacute; d&rsquo;int&eacute;grer cet id&eacute;al &agrave; la vocation chr&eacute;tienne.</p> <blockquote> <p class="quotation">&laquo;&nbsp;Si les chr&eacute;tiens ne s&rsquo;unissent pas autour de l&rsquo;&oelig;uvre commune destin&eacute;e &agrave; surmonter les forces cosmiques, &agrave; vaincre la mort et &agrave; r&eacute;tablir la vie universelle&nbsp;; s&rsquo;ils ne cr&eacute;ent pas un royaume du travail chr&eacute;tiennement spiritualis&eacute;, s&rsquo;ils ne surmontent pas le dualisme de la raison th&eacute;orique et de la raison pratique, du travail intellectuel et du travail physique &ndash; il n&rsquo;y aura pas de v&eacute;rit&eacute; chr&eacute;tienne.&nbsp;&raquo;<sup><a class="footnotecall" href="#ftn36" id="bodyftn36">36</a></sup></p> </blockquote> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> <span style="font-variant:small-caps;">J.-L. Loubet Del Bayle</span>, <em>Les non-conformistes des ann&eacute;es 30. Une tentative de renouvellement de la pens&eacute;e politique fran&ccedil;aise</em>, Seuil, Paris, 1969.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> <span style="font-variant:small-caps;">N. Berdiaev</span>, <em>L&rsquo;homme et la machine</em>, &Eacute;ditions Je sers, Paris, 1933.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 1.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid.</span></em><span lang="en" xml:lang="en">, p. 31.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 1.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 45.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., pp. 39-40.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 12.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 13.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 19.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 19.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 20.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 52.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 12.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 32.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 33.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 35.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 23.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn19" id="ftn19">19</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 50.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn20" id="ftn20">20</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., pp. 9-10.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn21" id="ftn21">21</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 34.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn22" id="ftn22">22</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 1.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn23" id="ftn23">23</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 27.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn24" id="ftn24">24</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 8.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn25" id="ftn25">25</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 41.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn26" id="ftn26">26</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., pp. 42-43.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn27" id="ftn27">27</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 10.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn28" id="ftn28">28</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 44.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn29" id="ftn29">29</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 45.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn30" id="ftn30">30</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 28.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn31" id="ftn31">31</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 40.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn32" id="ftn32">32</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 12.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn33" id="ftn33">33</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 38.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn34" id="ftn34">34</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 28.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn35" id="ftn35">35</a> <em><span lang="en" xml:lang="en">Ibid</span></em><span lang="en" xml:lang="en">., p. 53.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn36" id="ftn36">36</a> <em>Ibid</em>., p. 48.</p>