<p class="texte"><strong>DOSSIER : POLITIQUE DE SANTE</strong></p> <p class="texte"><em>Michel Bass est m&eacute;decin de sant&eacute; publique et sociologue. Il a cr&eacute;&eacute; et dirige l&rsquo;association AFRESC (Action Formation Recherche en Sant&eacute; Communautaire.&nbsp;www.afresc.org). M&eacute;decin &agrave; la r&eacute;sidence d&rsquo;accueil et de soins du PERRON en Is&egrave;re (institution d&rsquo;accueil de personnes handicap&eacute;es mentales). Ancien m&eacute;decin coordinateur en EHPAD et ancien directeur Enfance, Famille, Sant&eacute; au conseil g&eacute;n&eacute;ral de la Dr&ocirc;me. Il est l&rsquo;auteur de&nbsp;promouvoir la sant&eacute;&nbsp;aux &eacute;ditions L&rsquo;harmattan (1994) et&nbsp;mort de la clinique&nbsp;chez le m&ecirc;me &eacute;diteur (2018). Il est aussi l&rsquo;auteur sur le blog&nbsp;l&rsquo;&acirc;ge la vie&nbsp;de l&rsquo;association EHPAD&rsquo;C&ocirc;t&eacute; et a particip&eacute; au&nbsp;dictionnaire impertinent de la vieillesse&nbsp;(ERES 2018) et &agrave;&nbsp;La vieillesse, un autre regard pour une autre relation, sous la direction de Jos&eacute; Polard (ERES 2018)</em></p> <p class="texte"><strong>SOMMAIRE</strong></p> <p><strong>Les EHPAD&nbsp;: m&eacute;dicalisation du social et d&eacute;m&eacute;dicalisation du sanitaire</strong></p> <p><strong>Les EHPAD ont &eacute;t&eacute; con&ccedil;us &agrave; l&rsquo;image des h&ocirc;pitaux</strong></p> <p><strong>Con&ccedil;us comme des h&ocirc;pitaux, les EHPAD souffrent des m&ecirc;mes maux, mais quels sont-ils r&eacute;ellement&nbsp;?</strong></p> <p><strong>Nos &eacute;tablissements sanitaires et m&eacute;dicosociaux souffrent du mod&egrave;le m&eacute;dical sur lequel ils reposent</strong></p> <p><strong>Penser un soin adapt&eacute; au bien-&ecirc;tre</strong></p> <p><strong>Concevoir, penser, imaginer, mettre en &oelig;uvre une m&eacute;decine moins agressive, moins violente, moins centr&eacute;e sur la gu&eacute;rison malgr&eacute; les difficult&eacute;s institutionnelles</strong></p> <p class="texte">&nbsp;</p> <p class="texte"><span class="texte">La crise hospitali&egrave;re et la crise des EHPAD ne sont plus un secret pour personne. C&rsquo;est du fait de sa conception initiale que l&rsquo;EHPAD est en crise&nbsp;: il a &eacute;t&eacute; con&ccedil;u sur le mod&egrave;le de l&rsquo;h&ocirc;pital et en a internalis&eacute; ses dysfonctionnements. Apr&egrave;s avoir bri&egrave;vement retrac&eacute; l&rsquo;histoire de la conception des EHPAD, nous pourrons alors essayer d&rsquo;en comprendre les limites en analysant la crise hospitali&egrave;re. A ce sujet nous verrons que la crise hospitali&egrave;re est aussi une crise du mod&egrave;le m&eacute;dical lui-m&ecirc;me, et que, par voie de cons&eacute;quence, c&rsquo;est en changeant les pratiques, en changeant le mod&egrave;le de prise en charge, et pas seulement en am&eacute;liorant l&rsquo;organisation et les moyens que l&rsquo;on pourrait commencer &agrave; repenser l&rsquo;accueil futur des personnes &acirc;g&eacute;es.</span></p> <h1 class="texte">Les EHPAD&nbsp;: m&eacute;dicalisation du social et d&eacute;m&eacute;dicalisation du sanitaire</h1> <p class="texte">En 2017 les &eacute;tablissements pour personnes &acirc;g&eacute;es sont sortis d&rsquo;une sorte de rel&eacute;gation &agrave; la faveur d&rsquo;une longue gr&egrave;ve du personnel soignant de L&rsquo;EHPAD de Foucherans, dans le Jura<a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a>. Le personnel soignant d&eacute;non&ccedil;ait des conditions de travail qui se d&eacute;gradent et des cadences infernales li&eacute;es au manque de personnel. Bien que r&eacute;cents dans leur forme actuelle (fin des ann&eacute;es 90) ces &eacute;tablissements mal connus s&rsquo;invitaient subitement dans le d&eacute;bat public. Ces &eacute;tablissements n&rsquo;avaient pas bonne presse, et repr&eacute;sentaient la derni&egrave;re solution &agrave; envisager, se traduisant par le vilain mot de &laquo;&nbsp;placement&nbsp;&raquo;, souvent contre la volont&eacute; des futurs r&eacute;sidents eux-m&ecirc;mes. Dans l&rsquo;imaginaire social, ce n&rsquo;&eacute;tait pas tant les conditions de travail des agents qui semblaient probl&eacute;matiques que les modalit&eacute;s de l&rsquo;accueil des personnes. Aussi est-ce avec un certain &eacute;tonnement m&eacute;diatique que le regard sur ces &eacute;tablissements a chang&eacute; et que la question du vieillissement a de nouveau &eacute;t&eacute; mise &agrave; l&rsquo;agenda public. A l&rsquo;&eacute;poque de la cr&eacute;ation des EHPAD (ann&eacute;es 90), et cela avait &eacute;t&eacute; d&eacute;nonc&eacute;, la prise en charge des personnes &acirc;g&eacute;es relevait, selon leur &eacute;tat de sant&eacute;, de secteurs s&eacute;par&eacute;s&nbsp;: les personnes relativement autonomes (c&rsquo;est-&agrave;-dire peu malades) allaient en maison de retraite, &eacute;tablissements sans m&eacute;dicalisation, souvent g&eacute;r&eacute;s par des collectivit&eacute;s locales, ou par des congr&eacute;gations religieuses. Ces &eacute;tablissements souffraient, selon les pouvoirs publics, d&rsquo;un manque de contr&ocirc;le et de proc&eacute;dures rigoureuses de prise en charge et de management, engendrant des probl&egrave;mes dans les domaines de la sant&eacute; (suivi m&eacute;dical, observance m&eacute;dicamenteuse) et un risque de maltraitance.</p> <p class="texte">Quand survenait la perte de l&rsquo;autonomie, souvent cons&eacute;cutive &agrave; une maladie reconnue trop tard ou &agrave; un accident, ces personnes &eacute;taient alors prises en charge par des services hospitaliers dits de longue dur&eacute;e, apr&egrave;s une premi&egrave;re hospitalisation en urgence. Ces Unit&eacute;s de Soins de Longue Dur&eacute;e prodiguaient des soins au long cours, de type m&eacute;dical. Ainsi deux syst&egrave;mes coexistaient&nbsp;: le m&eacute;dical (unit&eacute;s de soins de longue dur&eacute;e, ou USLD) et le social (maisons de retraite, accompagnement &agrave; la vie quotidienne, laquelle ne repr&eacute;sentait pas de rupture majeure avec la vie au domicile). Avec l&rsquo;augmentation en nombre des personnes &acirc;g&eacute;es, et avec une certaine augmentation de leur dur&eacute;e de vie, une nouvelle population est apparue&nbsp;: celle de personnes plus tout &agrave; fait valides, porteuses de maladies chroniques invalidantes, n&eacute;cessitant de l&rsquo;aide, mais pas au point de relever d&rsquo;une prise en charge de type m&eacute;dico-hospitali&egrave;re. Il fallait pouvoir les rep&eacute;rer et leur proposer des services adapt&eacute;s. C&rsquo;est pour cela que la grille AGGIR de mesure de la d&eacute;pendance a &eacute;t&eacute; invent&eacute;e avec des outils de la psychologie et de la g&eacute;riatrie (grille psychom&eacute;trique d&rsquo;autonomie IADL<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a> par exemple)<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a>, et qu&rsquo;une loi a instaur&eacute; une nouvelle allocation&nbsp;: allocation personnalis&eacute;e pour l&rsquo;autonomie (APA) dont le montant varie selon le niveau de d&eacute;pendance, et selon les revenus. Tout le monde a maintenant entendu parler du &laquo;&nbsp;GIR&nbsp;&raquo;. Sans entrer dans les d&eacute;tails de la signification de l&rsquo;acronyme, notons que la grille AGGIR permet de r&eacute;duire l&rsquo;ensemble des items des grilles type IADL &agrave; un nombre restreint de crit&egrave;res, permettant de calculer un score une &eacute;chelle de 6 &agrave; 1 (le &laquo;&nbsp;GIR&nbsp;&raquo;), 6 &eacute;tant le score de la personne encore autonome, et 1 le score d&rsquo;une personne grabataire. On a vite compris que les GIR&nbsp;6 et 5 refl&eacute;taient classiquement les personnes pouvant facilement rester &agrave; domicile (ou en &eacute;tablissement type maison de retraite), que les GIR&nbsp;2 et 1 pouvaient relever des USLD. Restaient les GIR interm&eacute;diaires, n&eacute;cessitant un suivi m&eacute;dical plus proche, et des soins infirmiers quotidiens, mais &laquo;&nbsp;de base&nbsp;&raquo;, ceux que l&rsquo;on pourrait aussi &eacute;ventuellement organiser au domicile.</p> <p class="texte">C&rsquo;est ainsi que les EHPAD sont n&eacute;s, au moins th&eacute;oriquement. Leur financement allait &ecirc;tre assur&eacute; partiellement par une nouvelle caisse publique&nbsp;: la caisse nationale de la solidarit&eacute; pour l&rsquo;autonomie (CNSA), qui sera assez vite financ&eacute;e par un nouveau pr&eacute;l&egrave;vement (suppression d&rsquo;un jour f&eacute;ri&eacute;, et en fait cotisation de 0,3&nbsp;% sur les salaires). Observons l&rsquo;&eacute;volution du financement. Les maisons de retraite &eacute;taient financ&eacute;es par les collectivit&eacute;s (investissement) et par les pensionnaires (fonctionnement). Les USLD, services hospitaliers, relevaient de l&rsquo;assurance maladie. L&rsquo;EHPAD cumule les trois financeurs&nbsp;: l&rsquo;assurance maladie (c&rsquo;est &agrave; dire l&rsquo;Etat via les ARS), l&rsquo;APA financ&eacute;e par la CNSA mais g&eacute;r&eacute;e par les conseils d&eacute;partementaux, et &ndash;&nbsp;toujours&nbsp;&ndash; les gens via un prix de journ&eacute;e. C&rsquo;&eacute;tait habile. La partie purement m&eacute;dicale restait financ&eacute;e par l&rsquo;assurance maladie, mais on esp&eacute;rait, via la cr&eacute;ation de postes de m&eacute;decins et infirmi&egrave;res coordonnateurs, limiter la d&eacute;pense, et pour ce faire, limiter le personnel m&eacute;dical, remplac&eacute; peu ou prou par du personnel soignant (aides-soignantes, agents de service) dont une partie allait maintenant &ecirc;tre prise en charge par l&rsquo;APA (30&nbsp;% pour les AS et 70&nbsp;% pour les ASH).</p> <h1 class="texte">Les EHPAD ont &eacute;t&eacute; con&ccedil;us &agrave; l&rsquo;image des h&ocirc;pitaux</h1> <p class="texte">Bien qu&rsquo;il se soit agi de d&eacute;m&eacute;dicaliser en partie la vieillesse (tout en m&eacute;dicalisant partiellement les &eacute;tablissements jusqu&rsquo;alors non m&eacute;dicalis&eacute;s), la conception des EHPAD repose, d&egrave;s leur origine, sur le mod&egrave;le hospitalier. On allait h&eacute;berger en donnant des soins, pensant qu&rsquo;un contr&ocirc;le, une prise en charge quotidienne permettraient aux maladies chroniques d&rsquo;&ecirc;tre rep&eacute;r&eacute;es et suivies afin d&rsquo;&eacute;voluer moins vite, voire se stabiliser suffisamment pour &eacute;viter la grande d&eacute;pendance, et les co&ucirc;ts qui en r&eacute;sultent. Ces ersatz d&rsquo;h&ocirc;pitaux, m&ecirc;me s&rsquo;ils ne portent cependant aucune r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital ou aux soins dans leur appellation EHPAD, sont cependant enti&egrave;rement organis&eacute;s comme des services hospitaliers&nbsp;: chambres, couloirs, infirmerie, salle de d&eacute;contamination, pr&eacute;paration et administration des m&eacute;dicaments, heures des soins, des levers, des couchers, des repas, mais aussi pr&eacute;dominance (voire quasi-totalit&eacute;) de professionnels du soin en blouses blanches, horaires des personnels, etc. Relativement &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital il existe quelques petites diff&eacute;rences d&rsquo;organisation et de personnels&nbsp;: les repas pris en commun dans des r&eacute;fectoires et non dans les chambres, et quelques activit&eacute;s &laquo;&nbsp;occupationnelles&nbsp;&raquo; (animation) ou d&rsquo;accompagnement non m&eacute;dical (comme l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; un psychologue, quand ce dernier n&rsquo;est pas occup&eacute; &agrave; faire des &eacute;valuations de type MMS<a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a> sur leur tr&egrave;s court temps de travail dans l&rsquo;&eacute;tablissement). On retrouve d&rsquo;ailleurs ce m&ecirc;me mod&egrave;le dans les services hospitaliers de &laquo;&nbsp;moyenne dur&eacute;e&nbsp;&raquo; appel&eacute;s Services de Soin de Suite et de R&eacute;adaptation (SSR)<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a>. L&rsquo;EHPAD est donc un &laquo;&nbsp;petit h&ocirc;pital sans le nom&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;un petit h&ocirc;pital sans les moyens&nbsp;&raquo;. Sans les moyens, c&rsquo;est-&agrave;-dire que, m&ecirc;me en constatant que le personnel est principalement constitu&eacute; de personnel soignant, le nombre des personnels est limit&eacute; par l&rsquo;assurance maladie<a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a>&nbsp;et leurs fonctions restreintes (cf. la suppression r&eacute;cente des infirmi&egrave;res de nuit)&nbsp;: la fonction infirmi&egrave;re est r&eacute;duite &agrave; pr&eacute;parer les piluliers<a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a>, distribuer les m&eacute;dicaments, faire quelques pansements, alerter les m&eacute;decins&nbsp;; les aides-soignantes font le soin au corps (change, lever, coucher, toilettes, habillage, aide au repas) dans une pression au temps (il n&rsquo;est pas rare qu&rsquo;une AS doive faire plus de 10 levers-toilettes dans la matin&eacute;e, exigeant de commencer t&ocirc;t, parfois m&ecirc;me si le r&eacute;sident dort encore ou n&rsquo;est pas disponible). En dehors de ces t&acirc;ches quotidiennes, les r&eacute;sidents vivent leur vie r&eacute;tr&eacute;cie. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;en cas de probl&egrave;me &laquo;&nbsp;de sant&eacute;&nbsp;&raquo; que d&rsquo;autres interventions vont avoir lieu&nbsp;: appel du m&eacute;decin traitant, appel du 15 (en l&rsquo;absence du m&eacute;decin traitant ou les nuits et WE).</p> <p class="texte">De m&ecirc;me que l&rsquo;on a cherch&eacute; &agrave; &eacute;trangler financi&egrave;rement les h&ocirc;pitaux depuis une quarantaine d&rsquo;ann&eacute;es (fabriquant leur dette), on a con&ccedil;u les EHPAD pour &ecirc;tre &eacute;trangl&eacute;s, c&rsquo;est-&agrave;-dire comme des &eacute;tablissements qui devaient se d&eacute;brouiller pour accueillir les gens avec le moins de financement possible. Cela n&rsquo;a pas emp&ecirc;ch&eacute; ces &eacute;tablissements, dans un vrai discours paradoxal &ndash;&nbsp;loi de janvier 2002 portant r&eacute;forme du secteur m&eacute;dico-social oblige&nbsp;&ndash; de se doter, &agrave; l&rsquo;image des h&ocirc;pitaux, d&rsquo;outils &laquo;&nbsp;manag&eacute;riaux&nbsp;&raquo; et pas seulement financiers comme les diff&eacute;rentes d&eacute;marches bureaucratiques de projet (d&rsquo;&eacute;tablissement, de soin, de service, de vie) ou d&rsquo;&eacute;valuation interne ou externe<a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a>. Le paradoxe du management hospitalier (g&eacute;rer des soins de plus en plus sophistiqu&eacute;s et co&ucirc;teux tout en &laquo;&nbsp;faisant des &eacute;conomies) s&rsquo;est impos&eacute; aux EHPAD et les outils manag&eacute;riaux (management par projets) ont produit le m&ecirc;me discours contradictoire, mal v&eacute;cu par les &eacute;quipes, celui de la qualit&eacute; et de&nbsp;l&rsquo;&eacute;thique, pour lesquelles les moyens et l&rsquo;organisation ne peuvent pas suivre du fait de la logique financi&egrave;re. Toutefois la &laquo;&nbsp;qualit&eacute;&nbsp;&raquo; revendiqu&eacute;e repose sur l&rsquo;id&eacute;e que, pour &laquo;&nbsp;pr&eacute;server son autonomie&nbsp;&raquo; et pr&eacute;venir les cons&eacute;quences des diff&eacute;rents facteurs de risque et maladies chroniques dont elles sont porteuses, les personnes &acirc;g&eacute;es doivent acc&eacute;der aux meilleurs soins m&eacute;dicaux<a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a>. La dimension sociale de l&rsquo;h&eacute;bergement est ainsi submerg&eacute;e par la prise en charge m&eacute;dicale du vieillissement faisant des EHPAD, un &laquo;&nbsp;<em>monde</em>&nbsp;[qui] <em>deviendrait en quelque sorte une extension des services hospitaliers</em>&nbsp;<em>(&hellip;) o&ugrave; le corps n&rsquo;est maintenu en vie que par son branchement sur un appareillage high-tech&nbsp;</em>&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a>. Dans cette optique les fonctions des m&eacute;decins et infirmi&egrave;re coordinateurs ont pour but non plus de limiter les soins non indispensables et co&ucirc;teux dont on b&eacute;n&eacute;ficiait dans les ULSD hospitali&egrave;res, mais de permettre &agrave; chaque r&eacute;sident d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; cet appareillage sans le co&ucirc;t structurel des h&ocirc;pitaux<a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a>. Cela montre la tension inh&eacute;rente &agrave; de tels &eacute;tablissements&nbsp;: limiter le recours m&eacute;dical tout promouvant les soins les plus modernes tout en limitant les d&eacute;penses. Une vraie parabole du syst&egrave;me de soin dans son ensemble.</p> <p class="texte">Les principaux d&eacute;fauts de la politique sanitaire et de la gestion hospitali&egrave;re ont donc &eacute;t&eacute; transf&eacute;r&eacute;s aux EHPAD d&egrave;s leur naissance et il n&rsquo;est pas absurde de penser que la crise que ces &eacute;tablissements traversent actuellement n&rsquo;est que le reflet de ces d&eacute;fauts originels&nbsp;(logique financi&egrave;re, logique organisationnelle, logique m&eacute;dicale) d&rsquo;abord par l&rsquo;organisation g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e impos&eacute;e dans le New Public Management (on fait au plus juste, on calcule les temps qui conduisent &agrave; des &laquo;&nbsp;dotations&nbsp;&raquo; en personnel, &agrave; qui on confie des t&acirc;ches, con&ccedil;ues comme des r&eacute;glages de fonctions identifiables et s&eacute;par&eacute;es de personnes consid&eacute;r&eacute;es comme des machines), et ensuite parce que les r&eacute;sidents y sont r&eacute;duits &agrave; des objets sans volont&eacute; et sans conscience<a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a>, qu&rsquo;il s&rsquo;agit de soigner (pourquoi&nbsp;?) ou d&rsquo;animer (r&eacute;animer&nbsp;?).</p> <h1 class="texte">Con&ccedil;us comme des h&ocirc;pitaux, les EHPAD souffrent des m&ecirc;mes maux, mais quels sont-ils r&eacute;ellement&nbsp;?</h1> <p class="texte">Une partie de ces maux des h&ocirc;pitaux sont tr&egrave;s bien d&eacute;crits dans le livre &laquo;&nbsp;<em>la casse du si&egrave;cle&nbsp;</em>&raquo; paru r&eacute;cemment<a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a>. Selon ces auteurs, la question centrale est celle que j&rsquo;ai &eacute;bauch&eacute;e plus haut de l&rsquo;organisation du syst&egrave;me de soins&nbsp;: organisation et management comme outils de la rationalisation des pratiques, rationalisation signifiant d&egrave;s les ann&eacute;es 60 &laquo;&nbsp;choix budg&eacute;taires&nbsp;&raquo;. Plusieurs grandes id&eacute;es traversent cette optique de rationalisation&nbsp;: l&rsquo;id&eacute;e que &laquo;&nbsp;big is beautiful&nbsp;&raquo;, conduisant &agrave; diff&eacute;rentes techniques de regroupement (fusions, fermetures, groupements de coop&eacute;ration sanitaire, et le dernier du genre groupement hospitalier de territoire), l&rsquo;id&eacute;e que le travail &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital est mal organis&eacute;, plein de temps improductifs (pauses, rel&egrave;ves, temps d&rsquo;&eacute;coute et de discussion avec le malade,) et de pertes de temps li&eacute;es &agrave; une mauvaise communication (transmissions entre &eacute;quipes, entre professionnels, entre m&eacute;decins, etc.), et, pour finir, l&rsquo;id&eacute;e que la technique va nous sauver (bureautique, robots, gestion du partage des &eacute;quipements).</p> <p class="texte">Bien s&ucirc;r, selon les auteurs, la d&eacute;sorganisation ne concerne pas que l&rsquo;h&ocirc;pital, mais aussi son amont et son aval. La coupure &laquo;&nbsp;ville-h&ocirc;pital&nbsp;&raquo;, pourtant d&eacute;nonc&eacute;e dans les ann&eacute;es 80 avec l&rsquo;apparition du SIDA, reste dominante alors m&ecirc;me qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&eacute;poque du SIDA, certaines tentatives de mieux coop&eacute;rer entre ville et h&ocirc;pital avaient conduit &agrave; inventer la notion de r&eacute;seau de sant&eacute; ouvrant la voie &agrave; d&rsquo;autres mani&egrave;res de consid&eacute;rer la m&eacute;decine et le soin, comme les soins palliatifs ou la sant&eacute; mentale. La d&eacute;marche ville-h&ocirc;pital contenait une critique s&eacute;v&egrave;re de la pratique m&eacute;dicale et aurait d&ucirc; conduire &agrave; une r&eacute;forme de la m&eacute;decine<a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a>, car l&rsquo;h&ocirc;pital, centre de l&rsquo;excellence, de la recherche et de l&rsquo;innovation, n&rsquo;arrivait pas &agrave; gu&eacute;rir les malades (que ce soit pour le SIDA, les addictions, les maladies mentales, les cancers, le diab&egrave;te). Les r&eacute;seaux ne se contentaient pas de &laquo;&nbsp;faire de la coordination&nbsp;&raquo; entre des entit&eacute;s exemptes de dysfonctionnements (l&rsquo;h&ocirc;pital, la m&eacute;decine de ville) dont il aurait suffi de r&eacute;organiser les relations. Ils repensaient en profondeur l&rsquo;approche m&eacute;dicale elle-m&ecirc;me en particulier dans le champ de l&rsquo;&eacute;thique, des soins palliatifs, des addictions, de la sant&eacute; mentale.</p> <p class="texte">Cependant, et en d&eacute;pit de cette riche histoire d&rsquo;innovation sociale et de cette charge critique, les auteurs de &laquo;&nbsp;<em>la casse du si&egrave;cle</em>&nbsp;&raquo; estiment que l&rsquo;&eacute;volution des missions de l&rsquo;h&ocirc;pital provient principalement de &laquo;&nbsp;<em>la conjonction de deux dynamiques de crise&nbsp;: crise de l&rsquo;ordre </em><em>social et politique d&rsquo;une part, crise de la reproduction des institutions et de la hi&eacute;rarchie m&eacute;dicale d&rsquo;autre part&nbsp;</em>&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a> et non pas d&rsquo;une crise interne &agrave; cette m&eacute;decine moderniste. Ce serait parce que&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>la domination et la reproduction de l&rsquo;&eacute;lite clinicienne </em>[a fini] <em>par devenir contre-productive&nbsp;(&hellip;) </em>[face &agrave; la biom&eacute;decine, que] <em>l&rsquo;&eacute;toile de la clinique fran&ccedil;aise a commenc&eacute; &agrave; p&acirc;lir&nbsp;</em>(&hellip;) <em>l&rsquo;innovation m&eacute;dicale se </em>[d&eacute;pla&ccedil;ant]<em> du lit du malade vers les laboratoires&nbsp;&raquo;</em><a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a>. Les m&eacute;decins exp&eacute;rimentaux &eacute;taient &laquo;&nbsp;modernistes&nbsp;&raquo; et les cliniciens freinaient l&rsquo;avanc&eacute;e scientifique de la m&eacute;decine jug&eacute;e indispensable &agrave; l&rsquo;am&eacute;lioration de la sant&eacute;. Ainsi, l&rsquo;h&ocirc;pital moderne se devait d&rsquo;&ecirc;tre d&rsquo;abord une institution de recherche malgr&eacute; &laquo;&nbsp;<em>la force d&rsquo;inertie de la hi&eacute;rarchie m&eacute;dicale</em>&nbsp;&raquo;. La naissance des CHU en 1958 en est la cons&eacute;quence et fut une r&eacute;volution. La m&eacute;decine technicienne et technophile y a pris le pouvoir, d&eacute;veloppant le discours de son efficacit&eacute; fulgurante (les progr&egrave;s de la m&eacute;decine auraient permis une avanc&eacute;e historique de l&rsquo;esp&eacute;rance de vie)<a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a>. C&rsquo;est par une inad&eacute;quation entre les besoins de cette nouvelle et prometteuse industrie de la sant&eacute; (recherche-d&eacute;veloppement, normalisation de type industrielle) et les ressources allou&eacute;es que la crise actuelle se serait nou&eacute;e. Il faut attendre la derni&egrave;re page du livre pour que la question de la pertinence du mod&egrave;le biom&eacute;dical soit cit&eacute;e comme un axe fondamental de ce qui dysfonctionne&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>la crise de l&rsquo;h&ocirc;pital est aussi l&rsquo;occasion d&rsquo;interroger cette sanitarisation du social&nbsp;</em>&raquo;. Mais, m&ecirc;me en citant Ivan ILLICH, le substrat est plus marxiste qu&rsquo;anthropologique ou &eacute;pist&eacute;mologique, car, disent les auteurs, &laquo;&nbsp;<em>en r&eacute;alit&eacute; elle </em>[la crise] <em>est d&rsquo;abord l&rsquo;expression d&rsquo;une impasse, comme l&rsquo;avait pressenti Ivan ILLICH il y a plus de trente ans&nbsp;: reporter sur le syst&egrave;me de soins la gestion des contradictions &eacute;conomiques et des tensions sociales propres au capitalisme&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;<em>(&hellip;) </em>[mais pour cela] il faudrait &laquo;&nbsp;<em>&ecirc;tre radical, &agrave; savoir r&eacute;former la m&eacute;decine de proximit&eacute;&nbsp;</em>&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a>. Le probl&egrave;me ne serait donc pas la m&eacute;decine (sa transformation est consid&eacute;r&eacute;e comme un progr&egrave;s), ni m&ecirc;me la place qu&rsquo;elle prend aujourd&rsquo;hui dans la soci&eacute;t&eacute;, mais son organisation. Pour les auteurs, il semblerait que toutes ces r&eacute;formes, nombreuses depuis 30&nbsp;ans, ont desservi l&rsquo;&eacute;volution positive de la m&eacute;decine qui n&rsquo;a pas eu les moyens de son d&eacute;veloppement, dont les besoins auraient constamment &eacute;t&eacute; sous-estim&eacute;s pour une production optimale de sant&eacute;.</p> <h1 class="texte">Nos &eacute;tablissements sanitaires et m&eacute;dicosociaux souffrent du mod&egrave;le m&eacute;dical sur lequel ils reposent</h1> <p class="texte">C&rsquo;est pourquoi il conviendrait de prendre au s&eacute;rieux la conclusion du livre et d&rsquo;interroger la &laquo;&nbsp;<em>sanitarisation du social&nbsp;</em>&raquo;. De quoi s&rsquo;agit-il&nbsp;? Essentiellement pour nous de deux probl&eacute;matiques qu&rsquo;ILLICH avait point&eacute;es &agrave; propos de la m&eacute;decine elle-m&ecirc;me&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>l&rsquo;entreprise m&eacute;dicale est</em> <em>devenue un danger pour l&rsquo;homme&nbsp;&raquo;</em> (ann&eacute;es 70, dans <em>la n&eacute;m&eacute;sis m&eacute;dicale</em>), et ensuite, 20 ans plus tard dans <em>la perte des sens</em>&nbsp;:<em> </em>&laquo;&nbsp;<em>L&rsquo;agent pathog&egrave;ne majeur, c&rsquo;est la focalisation sur la sant&eacute;</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Dire que<em> l&rsquo;entreprise m&eacute;dicale est devenue un danger pour l&rsquo;homme </em>pointe la crise du paradigme m&eacute;dical. Or l&rsquo;institution hospitali&egrave;re est enti&egrave;rement vou&eacute;e (par une politique volontaire, port&eacute;e par des &laquo;&nbsp;m&eacute;decins modernistes) &agrave; ce paradigme et l&rsquo;obsolescence de ce paradigme attise les tensions entre organisation, m&eacute;thodes et r&eacute;sultats&nbsp;: faut-il continuer &agrave; financer une industrie et une technologie qui non seulement co&ucirc;tent tr&egrave;s cher, mais sont d&eacute;l&eacute;t&egrave;res<a class="footnotecall" href="#ftn19" id="bodyftn19">19</a>&nbsp;? Dire que la crise de l&rsquo;h&ocirc;pital est une crise de l&rsquo;ordre social et politique ne signifie rien d&rsquo;autre que reconna&icirc;tre l&rsquo;h&ocirc;pital est devenu une entreprise industrielle tout &agrave; fait dans le sillage du mythe productiviste, qui, par sa foi dans le progr&egrave;s sans fin et l&rsquo;illimitation, impose la croissance et l&rsquo;innovation, et valorise la science &agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me. Ce mythe prom&eacute;th&eacute;en structure l&rsquo;offre m&eacute;dicale et la demande de soins m&eacute;dicaux dans un cercle vicieux entra&icirc;nant surconsommation de m&eacute;dicaments, d&rsquo;actes m&eacute;dicaux et chirurgicaux, et m&ecirc;me des services d&rsquo;urgence, cr&eacute;ant une app&eacute;tence &agrave; ce que propose l&rsquo;h&ocirc;pital en mati&egrave;re de diagnostic et de soins, app&eacute;tence qu&rsquo;il est demand&eacute; aux m&eacute;decins et infirmi&egrave;res d&rsquo;EHPAD de promouvoir. Nous sommes bien dans une soci&eacute;t&eacute; de consommation de soins, consommation puissamment favoris&eacute;e par l&rsquo;offre m&eacute;dicale. Et c&rsquo;est &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital qu&rsquo;on peut b&eacute;n&eacute;ficier imm&eacute;diatement de tout le plateau technique dont on nous a convaincus du besoin. Cette foi dans le progr&egrave;s technique est une extravagance dont les exc&egrave;s se retrouvent dans la promotion du Big Data, des neurosciences et du transhumanisme, qui en sont les cons&eacute;quences logiques et mortif&egrave;res&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>les contes sur le triomphe de l&rsquo;intelligence artificielle et le transhumanisme </em>[ainsi que les neurosciences] <em>comptent parmi les plus mal&eacute;fiques. Ils incitent, en annon&ccedil;ant la mort de la mort </em>[ou la possibilit&eacute; d&rsquo;une fabrication de l&rsquo;intelligence humaine]&nbsp;(&hellip;) [&agrave; alimenter] <em>des fantasmes de surpuissance &agrave; un moment o&ugrave; il faudrait, plus que jamais accepter de mettre des limites &agrave; la puissance&nbsp;</em>&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn20" id="bodyftn20">20</a>.</p> <p class="texte">Cette approche prom&eacute;th&eacute;enne a structur&eacute; le paradigme de la m&eacute;decine d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, paradigme reposant sur la toute-puissance scientifique et technique et le d&eacute;sir de cette toute-puissance.</p> <p class="texte">Revenons un peu sur la constitution de ce paradigme et ses fondements. Avant la r&eacute;volution scientifique du 18<sup>e</sup> si&egrave;cle, nous avions affaire &agrave; une m&eacute;decine &laquo;&nbsp;au lit du malade&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est &agrave; dire &agrave; son domicile. L&rsquo;h&ocirc;pital n&rsquo;&eacute;tait pas un lieu de soin et, comme son &eacute;tymologie l&rsquo;indique, l&rsquo;h&ocirc;pital recueillait les indigents, le soin &eacute;tait &laquo;&nbsp;social&nbsp;&raquo;, et c&rsquo;est &agrave; domicile que les m&eacute;decins tentaient de soulager les malades et de comprendre leur &eacute;tat comme r&eacute;sultant de leur environnement. A cette &eacute;poque on ne &laquo;&nbsp;sanitarisait&nbsp;&raquo; pas le social. Le social &eacute;tait trait&eacute; en tant que tel (s&rsquo;occuper des indigents), sans rapprochement avec la m&eacute;decine qui, elle, s&rsquo;occupait des malades.</p> <p class="texte">Apr&egrave;s une transformation de fond qui a dur&eacute; moins d&rsquo;un demi-si&egrave;cle, l&rsquo;h&ocirc;pital s&rsquo;est transform&eacute; en lieu d&rsquo;objectivation de la maladie, objectivation rendue possible par la d&eacute;couverte de la &laquo;&nbsp;correspondance anatomo-pathologique&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire le fait que des d&eacute;sordres anatomiques caract&eacute;risent les maladies (naissance de l&rsquo;anatomie pathologique). Cette transformation &eacute;pist&eacute;mologique est l&rsquo;acte de naissance de la m&eacute;decine clinique, celle qui cherche dans le corps la v&eacute;rit&eacute; de la maladie (anatomo-pathologie), construisant ainsi une nosologie savante et transformant en profondeur la nature et la mission de l&rsquo;h&ocirc;pital (&laquo;&nbsp;<em>Ouvrez quelques cadavres&nbsp;: vous verrez dispara&icirc;tre l&rsquo;obscurit&eacute; que la seule observation n&rsquo;avait pas pu dissiper</em>&nbsp;&raquo; disait BICHAT dans l&rsquo;avant-propos de son trait&eacute; d&rsquo;anatomie g&eacute;n&eacute;rale)<a class="footnotecall" href="#ftn21" id="bodyftn21">21</a>. C&rsquo;est &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital qu&rsquo;il fallait maintenant se rendre pour savoir ce dont on souffrait et esp&eacute;rer gu&eacute;rir. La m&eacute;decine clinique s&rsquo;est ensuite petit &agrave; petit enrichie des autres sciences pour analyser les maladies plus en profondeur. Cette dynamique analytique a naturellement rencontr&eacute; le laboratoire de physique et de chimie, dont les savants &agrave; l&rsquo;instar de Claude BERNARD, ou de chirurgiens comme LERICHE, ont conduit certains m&eacute;decins &agrave; ne plus se contenter de l&rsquo;observation clinique. D&rsquo;une science d&rsquo;observation, la m&eacute;decine s&rsquo;est transform&eacute;e en une science exp&eacute;rimentale, pour laquelle la clinique est insuffisante et n&eacute;cessite des instruments d&rsquo;investigation rendus possibles par les progr&egrave;s de la physique et la chimie (Rayons X, microbiologie, etc.)<a class="footnotecall" href="#ftn22" id="bodyftn22">22</a>. Cette &eacute;volution scientifique transformera elle aussi l&rsquo;h&ocirc;pital&nbsp;et aboutira une centaine d&rsquo;ann&eacute;es plus tard &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital moderne de la r&eacute;forme DEBRE qui survient au moment pr&eacute;cis o&ugrave; cette biom&eacute;decine commence &agrave; s&rsquo;essouffler&nbsp;dans la mesure o&ugrave; depuis cette date, et bien que les laboratoires ne cessent de se multiplier, de travailler jour et nuit, les nombreuses innovations mises sur le march&eacute; n&rsquo;ont pas permis de r&eacute;soudre les probl&egrave;mes de sant&eacute; de notre &eacute;poque (on meurt toujours autant du cancer, on ne gu&eacute;rit pas les maladies mentales, et m&ecirc;me les malades infectieuses continuent de poser des probl&egrave;mes).</p> <p class="texte">La raison en est que l&rsquo;origine de ces techniques sophistiqu&eacute;es (elles s&rsquo;attaquent maintenant aux g&egrave;nes, aux mol&eacute;cules) repose sur le mod&egrave;le scientiste et positiviste &eacute;labor&eacute; au 19<sup>e</sup> si&egrave;cle, adapt&eacute; aux pathologies de l&rsquo;&eacute;poque (la <em>pathoc&eacute;nose</em> dit GRMEK<a class="footnotecall" href="#ftn23" id="bodyftn23">23</a>), &agrave; savoir principalement les maladies infectieuses. Les maladies dominantes de notre pathoc&eacute;nose contemporaine sont d&rsquo;un tout autre ordre. Il s&rsquo;agit des cancers, des maladies mentales, des maladies cardiovasculaires, des maladies auto-immunes qui ne se laissent facilement r&eacute;duire ni par la clinique ni par l&rsquo;exp&eacute;rimentation. De quel mod&egrave;le parlons-nous&nbsp;? D&rsquo;un mode bien pr&eacute;cis de compr&eacute;hension des maladies &ndash;&nbsp;notre paradigme biom&eacute;dical&nbsp;&ndash; caract&eacute;ris&eacute; par 3 ordres de savoirs&nbsp;: les signes distinctifs (la nosologie, l&rsquo;art de regrouper des sympt&ocirc;mes), les anomalies anatomiques rep&eacute;rables dans le corps, et les causes imm&eacute;diates de l&rsquo;anomalie. Ce mod&egrave;le suppose l&rsquo;existence de processus strictement internes au corps, permettant de nommer une maladie qui deviendra alors une caract&eacute;ristique de la personne<a class="footnotecall" href="#ftn24" id="bodyftn24">24</a>. Les maladies du 19<sup>e</sup> si&egrave;cle, les maladies infectieuses, sont les maladies princeps de ce mod&egrave;le dans la mesure o&ugrave; les 3 savoirs sont pr&eacute;sents simultan&eacute;ment. Les cancers correspondent moins bien au mod&egrave;le&nbsp;: il leur manque l&rsquo;un des 3 crit&egrave;res (la causalit&eacute;). Les maladies mentales sont encore plus probl&eacute;matiques&nbsp;: il leur manque 2 crit&egrave;res (ni causes &eacute;videntes ni anomalies anatomiques). C&rsquo;est pourquoi, encore aujourd&rsquo;hui, on peut dire que l&rsquo;on traite la tuberculose, on pallie au cancer, et on soigne plus ou moins les maladies mentales. Nous voyons &agrave; quel point la compr&eacute;hension plus ou moins compl&egrave;te des maladies que ce paradigme propose subordonne l&rsquo;efficacit&eacute; th&eacute;rapeutique&nbsp;: l&rsquo;efficacit&eacute; des r&eacute;ponses propos&eacute;e par la m&eacute;decine d&eacute;pend de la plus ou moins grande proximit&eacute; de la maladie au mod&egrave;le biom&eacute;dical. Certaines maladies correspondent bien au mod&egrave;le et la r&eacute;ponse m&eacute;dicale est tr&egrave;s efficace. D&rsquo;autres maladies correspondent moins bien et les r&eacute;ponses sont plus incertaines.</p> <p class="texte">Or la m&eacute;decine pr&eacute;tend pouvoir ou vouloir soigner, gu&eacute;rir toutes les maladies, et si ce n&rsquo;est pas aujourd&rsquo;hui, ce sera demain, car en cherchant (et c&rsquo;est l&rsquo;unique direction de la recherche), on finira par trouver les facteurs anatomiques ou causaux de toutes les maladies, et donc gu&eacute;rir toutes les maladies, voire m&ecirc;me le vieillissement. Comme si toutes les maladies relevaient obligatoirement de ce mod&egrave;le m&eacute;caniciste. L&rsquo;objectivit&eacute; impose de prendre ses distances avec cette eschatologie et d&rsquo;accepter l&rsquo;incontournable incompl&eacute;tude de toute th&eacute;orie et donc de la m&eacute;decine elle-m&ecirc;me (de toutes les m&eacute;decines en l&rsquo;occurrence). Il en ressort qu&rsquo;un enjeu essentiel aujourd&rsquo;hui en m&eacute;decine serait d&rsquo;explorer des alternatives &agrave; ce mod&egrave;le, ne serait-ce que pour permettre aux gens de vivre avec leurs maladies sans passer le restant de leur vie dans ce combat trop souvent illusoire propos&eacute; par la m&eacute;decine. Voil&agrave; en gros ce que pr&eacute;supposait ILLICH dans <em>N&eacute;m&eacute;sis M&eacute;dicale, </em>en d&eacute;clarant que l&rsquo;entreprise m&eacute;dicale est devenue un danger pour l&rsquo;homme. Pour tenter de juguler l&rsquo;hubris m&eacute;dicale, nous pourrions alors postuler qu&rsquo;une nouvelle th&eacute;orie m&eacute;dicale devrait &laquo;&nbsp;<em>adopter une approche syst&eacute;mique qui int&egrave;gre pleinement la seconde loi de la thermodynamique</em>&nbsp;en <em>vertu de laquelle les processus&nbsp;(&hellip;) ne sont miraculeusement pas circulaires et r&eacute;versibles mais au contraire irr&eacute;versibles</em><a class="footnotecall" href="#ftn25" id="bodyftn25">25</a>&nbsp;(&hellip;) [int&eacute;grant] <em>des r&eacute;flexions quant au r&ocirc;le crucial de la quantit&eacute; et de la qualit&eacute; des relations sociales pour le bien-&ecirc;tre subjectif</em>&nbsp;<em>(&hellip;) respectant l&rsquo;unicit&eacute; de chacun dans une perspective de r&eacute;ciprocit&eacute;</em><a class="footnotecall" href="#ftn26" id="bodyftn26">26</a><em> et non de comp&eacute;tition&nbsp;</em>&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn27" id="bodyftn27">27</a>. Cette approche qui aurait pourtant pu se d&eacute;velopper dans le sillage de l&rsquo;OMS de 1945 est rest&eacute;e une id&eacute;e g&eacute;n&eacute;reuse<a class="footnotecall" href="#ftn28" id="bodyftn28">28</a>. La sant&eacute; est encore, et de plus en plus, la propri&eacute;t&eacute;&nbsp;quasi exclusive de la m&eacute;decine, posant probl&egrave;me par le fait que la m&eacute;dicalisation de la sant&eacute;, en g&eacute;n&eacute;ral, et plus encore pour les personnes &acirc;g&eacute;es, repose sur une &laquo;&nbsp;<em>vision m&eacute;caniste </em>[et] <em>une</em> <em>&eacute;pist&eacute;mologie grossi&egrave;re et p&eacute;rim&eacute;e</em>&nbsp;&raquo; dans laquelle la compr&eacute;hension du bien-&ecirc;tre ou de la maladie n&rsquo;est pas int&eacute;gr&eacute;e dans un syst&egrave;me de pens&eacute;e tenant compte de la dimension relationnelle, sociale et environnementale.</p> <h1 class="texte">Penser un soin adapt&eacute; au bien-&ecirc;tre</h1> <p class="texte">De quelle nature devrait alors &ecirc;tre le soin adapt&eacute; au bien-&ecirc;tre<a class="footnotecall" href="#ftn29" id="bodyftn29">29</a>&nbsp;? L&rsquo;id&eacute;e de &laquo;&nbsp;maladie chronique&nbsp;&raquo; englobant maintenant aussi le cancer est le reflet d&rsquo;une m&eacute;decine qui ne peut gu&eacute;rir mais ne peut pas non plus renoncer, quitte &agrave; alt&eacute;rer le bien-&ecirc;tre au nom de sa finalit&eacute;. S&rsquo;agit-il alors d&rsquo;accompagner&nbsp;la personne dans une vie digne nonobstant sa maladie, ou d&rsquo;accompagner la maladie nonobstant la personne&nbsp;? Cette dichotomie est bien s&ucirc;r un peu radicale et n&rsquo;importe quel m&eacute;decin ou soignant dirait que l&rsquo;un et l&rsquo;autre sont compl&eacute;mentaires. Mais nous ne pouvons que constater &laquo;&nbsp;<em>avec quelle intransigeance implacable le progr&egrave;s technique r&eacute;ussit &agrave; tout assujettir &agrave; son ordre, le travail, le sommeil, les phases de repos et les distractions de l&rsquo;homme&nbsp;! Le causalisme se fait tyran l&agrave; o&ugrave; le cours du temps devient m&eacute;caniquement calculable et it&eacute;rable, o&ugrave; il se d&eacute;compose en une succession de fonctions&nbsp;&raquo;</em><em><a class="footnotecall" href="#ftn30" id="bodyftn30">30</a></em><em> </em>c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; quel point les r&eacute;ponses techniques et m&eacute;caniques assujettissent la personne &agrave; sa maladie et &agrave; ses soins, parfois, souvent, au d&eacute;triment de sa vie et de son bien-&ecirc;tre. Nous rejoignons l&agrave; la deuxi&egrave;me formulation d&rsquo;ILLICH&nbsp;: <em>l&rsquo;agent pathog&egrave;ne majeur, c&rsquo;est la focalisation sur la sant&eacute;</em>.</p> <p class="texte">Le psychanalyste Jean ALLOUCH ouvre pour sa part une piste&nbsp;: <em>&laquo;&nbsp;ce serait un beau travail &agrave; mener que de reprendre ironiquement l&rsquo;enti&egrave;ret&eacute; de la psychopathologie, de la r&eacute;&eacute;crire non pas du point de vue qui est le sien, celui qui envisage le malade &agrave; la fois comme un agent et un objet, mais en fonction des effets des sympt&ocirc;mes, inhibitions et angoisses de ce dernier sur son entourage&nbsp;&raquo;</em>. Et de conclure magistralement <em>&laquo;&nbsp;le transfert n&rsquo;est-il pas la voie royale qu&rsquo;emprunte le sympt&ocirc;me pour finir par s&rsquo;&eacute;vanouir&nbsp;?&nbsp;&raquo;</em><a class="footnotecall" href="#ftn31" id="bodyftn31">31</a>.</p> <p class="texte">Restons cependant vigilants&nbsp;: le syst&egrave;me m&eacute;dical repose sur une croyance dans le progr&egrave;s engendr&eacute; par la science<a class="footnotecall" href="#ftn32" id="bodyftn32">32</a> et la technique dont nous voyons clairement aujourd&rsquo;hui les effets catastrophiques en mati&egrave;re de pollution, de biodiversit&eacute;, de pr&eacute;&eacute;minence des lobbies sur le politique, sur le climat, voire de destruction radicale de la vie sur terre par les bombes thermonucl&eacute;aires. Pourquoi la m&eacute;decine &eacute;chapperait-elle aux effets pervers de la technique&nbsp;? La surprescription m&eacute;dicamenteuse est une des images de l&rsquo;exc&egrave;s technologique en m&eacute;decine. Serge AUDIER, citant l&rsquo;&eacute;conomiste allemand R&Ouml;PKE, nous rappelle que &laquo;&nbsp;<em>le syst&egrave;me technicien n&rsquo;est pas neutre. On postule trop vite qu&rsquo;il suffirait de le r&eacute;orienter pour qu&rsquo;il devienne soudain pleinement b&eacute;n&eacute;fique &agrave; l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;</em>&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn33" id="bodyftn33">33</a>. Il s&rsquo;agit de garder l&rsquo;espoir, en repensant nos modalit&eacute;s d&rsquo;action. HUXLEY &laquo;&nbsp;<em>souligne que son tableau cauchemardesque d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; technocratique o&ugrave; r&egrave;gnent la manipulation douce et l&rsquo;eug&eacute;nisme proc&egrave;de de sa conviction qu&rsquo;une tout autre soci&eacute;t&eacute; est possible et souhaitable&nbsp;</em>&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn34" id="bodyftn34">34</a> o&ugrave; &laquo;&nbsp;<em>l&rsquo;abolition du libre arbitre par conditionnement m&eacute;thodique, la servitude rendue tol&eacute;rable&nbsp;par des doses </em><em>r&eacute;guli&egrave;res de bonheur chimiquement provoqu&eacute;&nbsp;</em>&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn35" id="bodyftn35">35</a> peuvent &ecirc;tre &eacute;vit&eacute;s m&ecirc;me si &laquo;&nbsp;<em>le fort n&rsquo;est jamais absolument fort&nbsp;</em>(&hellip;) <em>mais en usant de leur pouvoir aveugl&eacute;ment, les hommes &agrave; qui la force leur a &eacute;t&eacute;&nbsp;pr&ecirc;t&eacute;e par le sort</em>&nbsp;[p&eacute;riront] <em>pour trop y compter&nbsp;</em>(&hellip;) <em>Les id&eacute;es de limite</em>, <em>de mesure, d&rsquo;&eacute;quilibre qui devraient d&eacute;terminer la conduite de la vie n&rsquo;ont plus qu&rsquo;un emploi servile dans la technique</em> [nous rendant incapable d&rsquo;apprendre] <em>la vertu</em>&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn36" id="bodyftn36">36</a>.</p> <p class="texte">Un soin adapt&eacute; au bien-&ecirc;tre serait donc un soin mesur&eacute;, limit&eacute;, permettant le libre arbitre, &eacute;quilibr&eacute;, m&eacute;fiant &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des progr&egrave;s techniques et de la foi prom&eacute;th&eacute;enne de la biom&eacute;decine. Il existe des pr&eacute;curseurs (soins palliatifs, antipsychiatrie, psychanalyse, g&eacute;rontologie). Il existe parall&egrave;lement des promesses d&eacute;mesur&eacute;es et dangereuses. Arriverons-nous &agrave; choisir le raisonnable, le durable&nbsp;? Le refus de l&rsquo;&laquo;&nbsp;obstination d&eacute;raisonnable&nbsp;&raquo;&nbsp;fondant en particulier l&rsquo;approche des soins palliatifs pourrait-il &ecirc;tre un meilleur guide que la foi prom&eacute;th&eacute;enne dans la technique dont, dans le domaine de la sant&eacute;, les neurosciences, l&rsquo;oncologie et le transhumanisme sont les symboles les plus av&eacute;r&eacute;s&nbsp;?</p> <p class="texte">La crise de l&rsquo;h&ocirc;pital comme de l&rsquo;EHPAD d&eacute;montre devant quel choix nous sommes plac&eacute;s. Une m&eacute;decine redevenue raisonnable et clinique ou une m&eacute;decine &laquo;&nbsp;jusqu&rsquo;au-boutiste&nbsp;&raquo;. Il ne s&rsquo;agit pas uniquement d&rsquo;une question de moyens, d&rsquo;acc&egrave;s, d&rsquo;organisation. Nous sommes &agrave; la crois&eacute;e des chemins comme l&rsquo;est l&rsquo;humanit&eacute; tout enti&egrave;re face &agrave; la d&eacute;mesure de sa production, de sa technique et de son incapacit&eacute; &agrave; pr&eacute;server l&rsquo;avenir. Pr&eacute;server l&rsquo;h&ocirc;pital, pr&eacute;server la sant&eacute; publique, comme concevoir l&rsquo;accueil des personnes &acirc;g&eacute;es dans l&rsquo;avenir proche, c&rsquo;est imaginer une autre m&eacute;decine, c&rsquo;est &ecirc;tre &agrave; l&rsquo;avant-garde d&rsquo;un nouveau paradigme permettant aux gens de vivre leur sant&eacute; et non de rechercher &laquo;&nbsp;l&rsquo;absence de maladie ou la gu&eacute;rison, la bonne sant&eacute;&nbsp;&raquo;. Rejoignant en cela les propos de CANGUILHEM lorsqu&rsquo;il sugg&egrave;re que &laquo;&nbsp;<em>c&rsquo;est au patient d&rsquo;&ecirc;tre normatif</em>&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn37" id="bodyftn37">37</a>.</p> <h1 class="texte">Concevoir, penser, imaginer, mettre en &oelig;uvre une m&eacute;decine moins agressive, moins violente, moins centr&eacute;e sur la gu&eacute;rison malgr&eacute; les difficult&eacute;s institutionnelles</h1> <p class="texte">Je vais exposer pour conclure les pistes et avanc&eacute;es que nous avons r&eacute;ussi &agrave; initier dans un &eacute;tablissement de psychog&eacute;riatrie, c&rsquo;est-&agrave;-dire un &eacute;tablissement accueillant des handicap&eacute;s mentaux, des malades mentaux vieillissants ainsi que des personnes atteintes par la d&eacute;mence. Les &eacute;tablissements accueillant des malades mentaux vieillissants ou des d&eacute;ments s&eacute;v&egrave;res ne sont pas nombreux. Dans les situations des personnes h&eacute;berg&eacute;es, le maintien &agrave; domicile est souvent impossible du seul fait de l&rsquo;absence de domicile des personnes. Beaucoup ont pass&eacute; leur vie entre familles d&rsquo;accueil, foyers de vie, h&ocirc;pital psychiatrique. Si certains ont pass&eacute; leur vie chez leurs parents, ce mode de vie dispara&icirc;t &agrave; la mort de ces derniers. Pour les personnes atteintes de d&eacute;mence, la plupart vivaient &agrave; leur domicile, seules ou avec un conjoint. L&rsquo;&eacute;volution de la maladie rend impossible la prise en charge par le conjoint. Des enfants ou des proches prennent parfois le relais, mais cela devient rapidement trop compliqu&eacute;. Nul ne peut ignorer une certaine n&eacute;cessit&eacute; &agrave; l&rsquo;existence de tels &eacute;tablissements. Mais rien n&rsquo;oblige &agrave; fabriquer de gros &eacute;tablissements, sauf l&rsquo;obsession des &eacute;conomies d&rsquo;&eacute;chelle, du &laquo;&nbsp;big is beautiful&nbsp;&raquo; &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans l&rsquo;id&eacute;ologie financi&egrave;re et manag&eacute;riale du &laquo;&nbsp;New Public Management&nbsp;&raquo;. Imaginer de toutes petites unit&eacute;s dispers&eacute;es dans la ville reste faisable, et souhait&eacute;, si tant est qu&rsquo; &laquo;&nbsp;<em>on ne peut &eacute;tablir de coh&eacute;sion qu&rsquo;entre une petite quantit&eacute; d&rsquo;hommes. Au-del&agrave; il n&rsquo;y a plus que juxtaposition d&rsquo;individus, c&rsquo;est &agrave; dire faiblesse&nbsp;</em>&raquo;<em><a class="footnotecall" href="#ftn38" id="bodyftn38">38</a></em><em>. </em>Malheureusement construire et g&eacute;rer de gros &eacute;tablissements est devenu la r&egrave;gle. Mon &eacute;tablissement comporte plus de 400 r&eacute;sidents, dont la moiti&eacute; en secteur handicap&eacute; vieillissant.</p> <p class="texte">De la m&ecirc;me fa&ccedil;on que la crise du syst&egrave;me de sant&eacute; et de l&rsquo;h&ocirc;pital ne se r&eacute;sume pas aux questions manag&eacute;riales ou organisationnelles, les probl&egrave;mes pos&eacute;s par la taille de l&rsquo;&eacute;tablissement et les difficult&eacute;s de gestion et d&rsquo;organisation qui en r&eacute;sultent n&rsquo;&eacute;liminent pas le probl&egrave;me structurel que pose la m&eacute;dicalisation de ces &eacute;tablissements. Bien s&ucirc;r, une partie des difficult&eacute;s rencontr&eacute;es tant par les soignants que par les r&eacute;sidents peuvent s&rsquo;expliquer par le fait qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un &eacute;tablissement vieillot, n&eacute;cessitant une r&eacute;habilitation, ressemblant aux &eacute;tablissements g&eacute;riatriques ou psychiatriques des ann&eacute;es 70&nbsp;: personnes entass&eacute;es dans des unit&eacute;s de 36 r&eacute;sidents, dans des chambres &agrave; 2 voire 3 lits. M&ecirc;me configuration dans l&rsquo;unit&eacute; de psycho-g&eacute;riatrie, mais seulement 21 r&eacute;sidents dans un m&ecirc;me couloir<a class="footnotecall" href="#ftn39" id="bodyftn39">39</a>. Cette explication est insuffisante.</p> <p class="texte">La r&eacute;ponse aux difficult&eacute;s rencontr&eacute;es (agitation, violence, cris, d&eacute;compensations) faisait appel, avant mon arriv&eacute;e, &agrave; une m&eacute;thodologie de type psychiatrique hospitali&egrave;re se traduisant, du point de vue m&eacute;dical par des prescriptions importantes de psychotropes, et, du c&ocirc;t&eacute; des soignants, par des contentions, menaces, chantages, recadrages. Tout cela &eacute;tait consid&eacute;r&eacute; comme des pratiques normales, les m&eacute;dicaments psychotropes repr&eacute;sentant le progr&egrave;s m&eacute;dical dans le champ de la psychiatrie. Il en allait de m&ecirc;me avec les personnes d&eacute;mentes, agit&eacute;es, impulsives ou au contraire apathiques pour lesquelles la r&eacute;ponse m&eacute;dicamenteuse pr&eacute;valait alors m&ecirc;me que des recommandations inverses existent<a class="footnotecall" href="#ftn40" id="bodyftn40">40</a>. Une m&ecirc;me conception r&eacute;unissait les deux approches (celle des malades mentaux et celle des &laquo;&nbsp;d&eacute;ments&nbsp;&raquo;)&nbsp;: le concept de troubles du comportement. Ce concept consiste &agrave; ramener l&rsquo;origine et la cause des &laquo;&nbsp;dysfonctionnements&nbsp;&raquo; dans les services &agrave; la personne accueillie, &agrave; sa pathologie, sa maladie<a class="footnotecall" href="#ftn41" id="bodyftn41">41</a>, concept bien commode et qui pousse &agrave; r&eacute;soudre ou r&eacute;guler &laquo;&nbsp;le probl&egrave;me&nbsp;&raquo; en oubliant que, d&rsquo;une part les comportements ne rel&egrave;vent pas uniquement de troubles, mais sont &eacute;galement des modes de communication pour qui n&rsquo;en ma&icirc;trise pas ou plus les codes et les techniques (y compris vocales) et que d&rsquo;autre part l&rsquo;environnement institutionnel conditionne les attitudes des personnes. Ce concept provient directement du paradigme m&eacute;dical bien internalis&eacute; par les m&eacute;decins et les soignants, emp&ecirc;chant de comprendre les attitudes des gens d&rsquo;un point de vue syst&eacute;mique et non plus seulement comme un d&eacute;sordre interne &agrave; la personne, &agrave; juguler. Supposer que les gens ont quelque chose &agrave; nous dire au travers de leurs agissements, et qu&rsquo;il faut prendre au s&eacute;rieux<a class="footnotecall" href="#ftn42" id="bodyftn42">42</a> ce qu&rsquo;ils ont &agrave; nous dire est tr&egrave;s &eacute;loign&eacute; de l&rsquo;id&eacute;e de r&eacute;gler un probl&egrave;me, id&eacute;e inclue dans le terme &laquo;&nbsp;trouble&nbsp;&raquo;. La r&eacute;ponse m&eacute;dicale conduit d&rsquo;ailleurs &agrave; une scotomisation de la pens&eacute;e, comme le neurologue Oliver SACHS l&rsquo;avait d&eacute;crit &agrave; propos d&rsquo;un neuroleptique&nbsp;: ce m&eacute;dicament permettait d&rsquo;&eacute;viter ou d&rsquo;att&eacute;nuer certaines crises mais il provoquait un effet de d&eacute;r&eacute;alisation, d&rsquo;emp&ecirc;chement de la pens&eacute;e, qui avait conduit son patient &agrave; arr&ecirc;ter le traitement, ayant jug&eacute; les effets du m&eacute;dicament plus d&eacute;l&eacute;t&egrave;res que le probl&egrave;me qu&rsquo;il &eacute;tait cens&eacute; soigner<a class="footnotecall" href="#ftn43" id="bodyftn43">43</a>, probl&egrave;me d&eacute;j&agrave; not&eacute; par HUXLEY pour qui &laquo;&nbsp;<em>l&rsquo;abolition du libre arbitre par le conditionnement m&eacute;thodique et la servitude rendue tol&eacute;rable par des doses r&eacute;guli&egrave;res de bonheur chimiquement provoqu&eacute;</em>&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn44" id="bodyftn44">44</a> contenait toutes les d&eacute;rives possibles d&rsquo;un &laquo;&nbsp;meilleur des mondes&nbsp;&raquo;. De tels traitements pour les personnes atteintes de d&eacute;mence aggravent les d&eacute;ficits cognitifs.</p> <p class="texte">Comment, &agrave; environnement institutionnel constant, au moins dans le court terme, faire &eacute;voluer les pratiques vers un plus grand respect de la parole et des volont&eacute;s des gens, nonobstant leurs &laquo;&nbsp;maladies&nbsp;&raquo;&nbsp;?</p> <p class="texte">Nous avons mis en &oelig;uvre un projet de r&eacute;duction de la pression de type biom&eacute;dical, de mani&egrave;re concr&egrave;te et imm&eacute;diate, sans attendre les al&eacute;as bureaucratiques de la r&eacute;alisation d&rsquo;une &laquo;&nbsp;d&eacute;marche projet&nbsp;&raquo;&nbsp;: cela a consist&eacute; &agrave; r&eacute;duire progressivement et r&eacute;guli&egrave;rement les traitements psychotropes (entre autres), r&eacute;duction rendue possible par mon statut de m&eacute;decin, en rappelant que l&rsquo;incompl&eacute;tude &eacute;pist&eacute;mologique de la psychiatrie d&eacute;crite plus haut signe aussi son efficacit&eacute; limit&eacute;e, et donc l&rsquo;efficacit&eacute; limit&eacute;e des rem&egrave;des propos&eacute;s. Il fallait aussi &eacute;viter les re-prescriptions, par exemple en r&eacute;duisant les recours aux consultations sp&eacute;cialis&eacute;es et aux urgences (en l&rsquo;absence du m&eacute;decin), re-prescription sans doute attendue des soignants. De ce fait, r&eacute;ussir la d&eacute;prescription n&eacute;cessitait un travail de fond<a class="footnotecall" href="#ftn45" id="bodyftn45">45</a> et de forme avec les &eacute;quipes. Ce travail de fond s&rsquo;imposait au vu des conceptions biom&eacute;dicales qui sous-tendent les formations des soignantes. La maladie comme trouble, mais aussi l&rsquo;hygi&egrave;ne comme besoin fondamental fabriquent des priorit&eacute;s pour le travail&nbsp;: assurer l&rsquo;hygi&egrave;ne et la nutrition<a class="footnotecall" href="#ftn46" id="bodyftn46">46</a>, quel que soient la disponibilit&eacute; ou le d&eacute;sir du r&eacute;sident, au moment pr&eacute;vu pour les soignantes.</p> <p class="texte">Travailler ces questions de fond provoque in&eacute;luctablement des questions d&rsquo;organisation du travail et donc de t&acirc;ches soignantes&nbsp;: que faire si les personnes dorment&nbsp;? Ne veulent pas faire leur toilette&nbsp;? Ne veulent pas se coucher&nbsp;? Se rel&egrave;vent&nbsp;? Si l&rsquo;enjeu est la libert&eacute; et l&rsquo;autonomie des personnes accueillies, il faut donc accepter de diff&eacute;rer, revenir plus tard, accepter la d&eacute;ambulation nocturne. Ces t&acirc;ches doivent donc &ecirc;tre partag&eacute;es entre les 3 &eacute;quipes (matin, apr&egrave;s-midi, nuit), ce qui n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; sans conflits entre et &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur des &eacute;quipes. Mais d&rsquo;autres t&acirc;ches doivent &ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute;es, correspondre aux autres &laquo;&nbsp;besoins&nbsp;&raquo; des personnes (par exemple de choisir ses v&ecirc;tements, d&rsquo;aller se balader dehors, ou de prendre un verre au caf&eacute;). Bien que la th&eacute;orie des besoins fondamentaux existe dans l&rsquo;imaginaire soignant (HENDERSON, MASLOW) une hi&eacute;rarchie de ces besoins leur est implicitement ou explicitement inculqu&eacute;e.</p> <p class="texte">La d&eacute;prescription est coupl&eacute;e &agrave; un accompagnement renforc&eacute; de ma part tant des r&eacute;sidents que des &eacute;quipes et des soignants, de type psychoth&eacute;rapeutique pour les personnes souffrant de pathologies mentales. Cet accompagnement a servi d&rsquo;exemple aux soignants qui ont compris petit &agrave; petit l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;une pr&eacute;sence attentive et bienveillante et non d&rsquo;un exercice de contr&ocirc;le. Nous avons &eacute;t&eacute; plus loin en transformant le r&ocirc;le des aides-soignantes en un r&ocirc;le de sant&eacute; plus &laquo;&nbsp;globale&nbsp;&raquo;&nbsp;: le soin ne se limite plus au corps, aux &laquo;&nbsp;besoins fondamentaux&nbsp;&raquo; tels que l&rsquo;hygi&egrave;ne, l&rsquo;habillage ou les repas. Les aides-soignantes sont r&eacute;f&eacute;rentes de 2 r&eacute;sidents, et organisent leurs sorties en ville, leurs achats, leurs distractions, et passent du temps avec eux.</p> <p class="texte">Cette approche plus globale se propose de suivre au plus pr&egrave;s les rythmes et les d&eacute;sirs des r&eacute;sidents, il n&rsquo;est plus n&eacute;cessaire que tout le monde soit lev&eacute; t&ocirc;t le matin, que tout le monde soit pr&ecirc;t pour le repas de 11h30. Les douches peuvent &ecirc;tre prises l&rsquo;apr&egrave;s-midi voire la nuit en fonction du rythme veille sommeil du r&eacute;sident. Les repas peuvent &ecirc;tre pris &agrave; toute heure. Ainsi une personne se levant &agrave; 11h a le droit de prendre son petit-d&eacute;jeuner. D&eacute;cal&eacute;e, on lui donnera &agrave; manger la nuit si elle a faim. Il n&rsquo;est plus un &laquo;&nbsp;crime&nbsp;&raquo; de voir un r&eacute;sident dans la chambre, voire dans le lit d&rsquo;un autre, m&ecirc;me si certains soignants restent r&eacute;ticents &agrave; cette pratique (que vont dire les familles&nbsp;?). Il est int&eacute;ressant de noter que, &agrave; la suite de la r&eacute;habilitation des locaux et le jour m&ecirc;me o&ugrave; les r&eacute;sidents ont &eacute;t&eacute; ramen&eacute;s dans le service, les personnes ont investi les lieux &agrave; leur mani&egrave;re&nbsp;: 2 chambres spacieuses et bien &eacute;clair&eacute;es servent r&eacute;guli&egrave;rement de salon (les personnes y am&egrave;nent chaises et fauteuils) alors que le &laquo;&nbsp;vrai&nbsp;&raquo; salon n&rsquo;est pas du tout fr&eacute;quent&eacute;. Cela prouve &agrave; quel point une organisation qui laisse libres les gens dans un cadre qui leur permet de vivre cette libert&eacute; de mani&egrave;re s&eacute;curis&eacute;e, leur permet une &laquo;&nbsp;autonomie&nbsp;&raquo; importante, des modalit&eacute;s de vie o&ugrave; leur volont&eacute; peut s&rsquo;exprimer et &ecirc;tre respect&eacute;e. Cette approche des personnes pr&eacute;sentant des d&eacute;mences tr&egrave;s s&eacute;v&egrave;res a amen&eacute; une &laquo;&nbsp;pacification&nbsp;&raquo; du service, qui est devenu tr&egrave;s calme. Seuls 2 ou 3 patients prennent encore des psychotropes. Bref, nous avons progressivement d&eacute;construit le mod&egrave;le hospitalier qui sous-tend nos &eacute;tablissements.</p> <p class="texte">D&eacute;prescription (m&ecirc;me dans le service plus psychiatrique, la d&eacute;crue m&eacute;dicamenteuse a &eacute;t&eacute; progressive et importante) et r&eacute;flexion sur la nature du travail et de la relation avec les r&eacute;sidents sont une dynamique maintenant bien enclench&eacute;e, et revendiqu&eacute;e par de plus en plus de soignants. Elle peut s&rsquo;apparenter &agrave; la philosophie des soins palliatifs, essayant de diminuer nombre de soins d&eacute;raisonnables, tant au titre de la qualit&eacute; de la vie que de la dur&eacute;e de vie. Aujourd&rsquo;hui, il arrive que l&rsquo;origine des difficult&eacute;s de sant&eacute; d&rsquo;un r&eacute;sident soit rattach&eacute;e, &agrave; juste titre souvent, &agrave; l&rsquo;iatrog&eacute;nie m&eacute;dicamenteuse. Nous prenons au s&eacute;rieux ce que veulent nous dire les r&eacute;sidents, dans leur langage propre (une personne d&eacute;lirante ne se met pas forc&eacute;ment en danger, et ne souffre pas obligatoirement) sans le rattacher syst&eacute;matiquement &agrave; une pathologie. Nous avons essay&eacute; de d&eacute;passer la difficult&eacute; not&eacute;e, il y a plus de 70 ans, par Friedrich JUNGER&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Le m&eacute;decin, consciencieux, humain, se trouve aujourd&rsquo;hui dans une situation difficile. S&rsquo;il abandonne sa mission de gu&eacute;rir, il n&rsquo;est plus m&eacute;decin. Mais cette t&acirc;che est devenue bien probl&eacute;matique pour lui, d&eacute;sormais employ&eacute; d&rsquo;une organisation dont les int&eacute;r&ecirc;ts sont souvent diam&eacute;tralement oppos&eacute;s &agrave; ceux du malade</em><em><a class="footnotecall" href="#ftn47" id="bodyftn47">47</a></em><em>.</em></p> <p class="texte">L&rsquo;&eacute;volution de nos pratiques vers une philosophie palliative, de &laquo;&nbsp;care&nbsp;&raquo; a des effets importants&nbsp;: nous constatons une diminution importante des sympt&ocirc;mes pour lesquels les gens &eacute;taient m&eacute;dicament&eacute;s, de meilleures relations entre r&eacute;sidents, entre soignants et r&eacute;sidents, des services beaucoup plus calmes. Mais aussi une mortalit&eacute; en forte baisse, avec des dur&eacute;es de s&eacute;jour maintenant bien plus longues que les chiffres moyens fran&ccedil;ais. Cela a aussi un impact sur les risques psychosociaux du travail&nbsp;: les personnels un peu stables dans les services y viennent d&eacute;tendus et avec le sourire, lib&eacute;r&eacute;s de cette contrainte permanente de la productivit&eacute;. Cette am&eacute;lioration de la sant&eacute; au travail est malheureusement parfois contrari&eacute;e par une politique de flexibilit&eacute; des personnels, de mobilit&eacute;, refusant d&rsquo;affecter les agents &agrave; des postes bien pr&eacute;cis. Cela est bien dommage quand on a conscience que le bien-&ecirc;tre d&eacute;pend de la relation au soignant.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> Une gr&egrave;ve nationale des personnels des EHPAD et de l&rsquo;aide &agrave; domicile a eu lieu depuis.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> <span lang="en" xml:lang="en">Instrumental Activities of Daily Living.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> NB&nbsp;: un pendant &agrave; la grille AGGIR existe pour la dimension de la pathologie&nbsp;: le <em>pathos</em>, grille simplifi&eacute;e du codage PMSI (Programme M&eacute;dicalis&eacute; des Syst&egrave;mes D&rsquo;information) utilis&eacute;e en milieu hospitalier pour coter les actes dans le cadre de la tarification &agrave; l&rsquo;activit&eacute;, dite T2A.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> Mini Mental State&nbsp;: test de &laquo;&nbsp;diagnostic&nbsp;&raquo; d&#39;une d&eacute;mence, c&ocirc;t&eacute; sur 30. Ce test est simplement une compilation de questions &eacute;videntes pour estimer la pr&eacute;sence de d&eacute;ficiences cognitives. Un entretien avec les personnes suffit le plus souvent &agrave; se faire une id&eacute;e pr&eacute;cise. L&#39;utilisation de tests sugg&egrave;re d&#39;une part une tendance scientiste &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre, nous le verrons, dans la m&eacute;decine contemporaine, et une mani&egrave;re pour les psychologues de trouver leur place dans le monde du soin. On peut consulter &agrave; cet &eacute;gard Robert BARRETT, <em>la traite des fous</em>, &eacute;ditions Les emp&ecirc;cheurs de penser en rond, 1998.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> NB&nbsp;: les ULSD n&rsquo;ont pas encore compl&egrave;tement disparu, mais se transforment en EHPAD un peu mieux dot&eacute;s (&laquo;&nbsp;h&eacute;bergement renforc&eacute;&nbsp;&raquo;), amenant les h&eacute;berg&eacute;s &agrave; devoir payer une partie de leur h&eacute;bergement.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> Les EHPAD &eacute;taient jusqu&#39;&agrave; une p&eacute;riode r&eacute;cente r&eacute;gis par des conventions &laquo;&nbsp;tripartites&nbsp;&raquo; entre l&#39;&eacute;tablissement, l&#39;ARS (assurance maladie) et le conseil d&eacute;partemental (APA). Ces conventions d&eacute;finissaient les prix de journ&eacute;e, et les quotas en personnels. Grand absent de ces conventions&nbsp;: le r&eacute;sident et sa famille, qui ne peuvent que signer un contrat de s&eacute;jour refl&eacute;tant les d&eacute;cisions prises ailleurs, cf. Michel BASS, <em>mort de la clinique</em>, L&#39;Harmattan 2018, et <em>une probl&eacute;matique de la psychog&eacute;riatrie, </em>blog EHPAD&#39;c&ocirc;t&eacute;, 2019. Grand changement&nbsp;: on passe de conventions tripartites &agrave; des conventions pluriannuelles d&#39;objectifs et de moyens. Tout autant tripartites, elles affichent maintenant leur finalit&eacute;&nbsp;: g&eacute;rer les moyens, et pour cela d&eacute;finir des objectifs &agrave; court terme &ndash;&nbsp;3 ans&nbsp;&ndash; par p&eacute;riodes d&#39;1 an&nbsp;! (les conventions tripartites pouvaient durer 5 &agrave; 7&nbsp;ans et m&ecirc;me plus. Et de toute fa&ccedil;on les autorisations &eacute;taient donn&eacute;es pour 15&nbsp;ans).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> Cette fonction va bient&ocirc;t dispara&icirc;tre au profit de robots, comme quoi nous sommes bien dans un processus de rationalisation industrielle.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> La CNSA et l&#39;ANESM (Agence nationale pour l&#39;&eacute;valuation et la qualit&eacute; des &eacute;tablissements et services sociaux et m&eacute;dico-sociaux) ont &eacute;labor&eacute; des r&eacute;f&eacute;rentiels de bonne pratique (bienveillance, non-maltraitance, r&eacute;daction et mise en &oelig;uvre des projets, etc.) dont se r&eacute;clament les &laquo; managers&nbsp;&raquo; des &eacute;tablissements, lesquels managers sont pris entre le marteau (la logique financi&egrave;re) et l&#39;enclume (les bonnes pratiques). Ils se revendiquent du projet (cela donne du sens, cela permet de juger des pratiques ainsi que de la satisfaction des r&eacute;sidents-usagers) et organisent strictement leur &eacute;tablissement pour rentrer dans les clous du budget. Il faut toujours se m&eacute;fier du management&nbsp;: pr&ecirc;cher le bon pour p&ecirc;cher le moins-disant. Nous en avons eu une d&eacute;monstration r&eacute;cente dans notre &eacute;tablissement o&ugrave; d&egrave;s le lendemain d&#39;une r&eacute;union o&ugrave; le manager d&eacute;clarait vouloir soutenir aupr&egrave;s des tutelles le projet d&#39;un service (&eacute;labor&eacute; par une &eacute;quipe &agrave; l&#39;occasion d&#39;une r&eacute;habilitation &agrave; venir), ce dernier envoyait sa cadre sup&eacute;rieure pr&eacute;voir les organisations (personnels, plannings), avant bien s&ucirc;r d&rsquo;avoir eu l&rsquo;occasion de soutenir le projet aupr&egrave;s de tutelles.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> Pr&eacute;venir la perte d&rsquo;autonomie, maintenir l&rsquo;autonomie sont les discours les plus habituels dans les EHPAD.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> Olivier Rey, <em>leurre et malheur du transhumanisme</em>, Descl&eacute;e de Brouwer, 2018, p.78. High-tech objet de toutes les attentions, car &laquo;&nbsp;march&eacute; prometteur&nbsp;&raquo;, appel&eacute; Silver Economie.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> Il s&rsquo;agit d&rsquo;une tendance lourde appel&eacute;e &laquo;&nbsp;virage ambulatoire&nbsp;&raquo; transf&eacute;rant au patient l&rsquo;organisation des soins et leur co&ucirc;t&hellip; L&rsquo;h&ocirc;pital ne prend plus en charge le &laquo;&nbsp;post-op&nbsp;&raquo;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> Et leur participation obligatoire au conseil de la vie sociale n&rsquo;infirme en rien mon propos.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> Pierre-Andr&eacute; Juven, Fr&eacute;d&eacute;ric Pierru, Fanny Vincent, <em>la casse du si&egrave;cle. A propos des r&eacute;formes de l&#39;h&ocirc;pital public</em>, Raisons d&#39;agir, 2019.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> cf. &agrave; ce sujet le c&eacute;l&egrave;bre article de Daniel Defert (fondateur de AIDES et compagnon de Michel Foucault) &laquo;&nbsp;<em>le malade r&eacute;formateur de la m&eacute;decine</em>&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est le contraire qui est arriv&eacute;&nbsp;: on a trouv&eacute; des m&eacute;dicaments pour le SIDA et la technicit&eacute; hospitali&egrave;re a repris le pouvoir. Cela fut rendu possible gr&acirc;ce au fait que la maladie SIDA correspondait bien au mod&egrave;le biom&eacute;dical (cf.&nbsp;infra).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> La casse du si&egrave;cle, op.cit, p.22.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> Op.cit. p.24.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> cf. Michel BASS, <em>promouvoir la sant&eacute;</em>, L&#39;Harmattan 1994, et <em>mort de la clinique, </em>L&#39;Harmattan 2018, ouvrages dans lesquels je rappelle les &eacute;tudes montrant la place assez r&eacute;duite de toute cette m&eacute;decine dans l&#39;&eacute;volution de la sant&eacute;, en particulier en mati&egrave;re d&#39;esp&eacute;rance de vie. Le Haut Comit&eacute;&nbsp;de la Sant&eacute; Publique, dans un rapport publi&eacute; par l&#39;Ecole Nationale de la Sant&eacute; Publique sur les in&eacute;galit&eacute;s de sant&eacute; dans les ann&eacute;es 2000, chiffrait la contribution du secteur sanitaire dans l&#39;am&eacute;lioration de la sant&eacute; dans une fourchette de 10 &agrave; 20&nbsp;%.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> Pour qu&rsquo;elle internalise aussi la technophilie&nbsp;? <em>La casse du si&egrave;cle</em>, op.cit. p. 168.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn19" id="ftn19">19</a> Voir par exemple les d&eacute;bats de plus en plus vifs &agrave; propos des politiques de d&eacute;pistage organis&eacute; (cancer du sein, du colon, de la prostate).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn20" id="ftn20">20</a> Olivier REY, <em>Leurre et malheur du transhumanisme</em>, Descl&eacute;e de Brouwer, 2018, p.178.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn21" id="ftn21">21</a> cf. Michel FOUCAULT, <em>naissance de la clinique</em>, Paris, PUF, 2015.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn22" id="ftn22">22</a> En somme, la clinique, n&eacute;e gr&acirc;ce &agrave; son mod&egrave;le anatomoclinique initial, contenait les germes de sa propre mort, tant la recherche exp&eacute;rimentale s&rsquo;&eacute;loignait du malade pour finir par n&rsquo;observer que les cellules ou les mol&eacute;cules. cf. Michel BASS, <em>mort de la clinique, </em>L&rsquo;Harmattan 2018.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn23" id="ftn23">23</a> Mirko Grmek, <em>les maladies &agrave; l&#39;aube de la civilisation industrielle</em>, Payot, 1983.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn24" id="ftn24">24</a> Robert Barret dans <em>la traite des fous</em>, les emp&ecirc;cheurs de penser en rond, 1998, explique que le diagnostic enferme les personnes dans leur maladie. Par exemple, dans le champ de la maladie mentale, tout sympt&ocirc;me, tout trouble survenant parfois des ann&eacute;es plus tard que le diagnostic va &ecirc;tre rattach&eacute; au diagnostic initial.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn25" id="ftn25">25</a> Par exemple le fait qu&rsquo;une masse d&rsquo;eau peut se refroidir spontan&eacute;ment en dissipant de l&rsquo;&eacute;nergie, mais ne peut se r&eacute;chauffer spontan&eacute;ment si un apport ext&eacute;rieur d&rsquo;&eacute;nergie n&rsquo;existe pas.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn26" id="ftn26">26</a> Voir &agrave; ce sujet Michel Bass, <em>l&rsquo;ali&eacute;nation par le don</em> in <em>La vieillesse, un autre regard pour une autre relation</em>, sous la direction de Jos&eacute; Polard, ERES 2018 o&ugrave; la question de la r&eacute;ciprocit&eacute; dans la construction du soin et du bien-&ecirc;tre.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn27" id="ftn27">27</a> Serge Audier, <em>l&#39;&acirc;ge productiviste, h&eacute;g&eacute;monie prom&eacute;th&eacute;enne, br&egrave;ches et alternatives &eacute;cologiques</em>, La d&eacute;couverte 2019, pp. 677 et suivantes.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn28" id="ftn28">28</a> La charte constitutive de l&rsquo;OMS d&eacute;finit la sant&eacute; comme un bien-&ecirc;tre.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn29" id="ftn29">29</a> Remarquons que la notion de bien-&ecirc;tre peut &ecirc;tre contest&eacute;e, par exemple par Zygmunt Baumann (<em>retrotopia, Ed. premier parall&egrave;le 2017, p.193) </em>pour qui<em> &laquo;&nbsp;le bien-&ecirc;tre est devenu une obligation morale s&rsquo;imposant &agrave; chacun </em>[impliquant]<em> de trouver sans cesse de nouvelles sources de plaisir et de nouveaux moyens d&rsquo;augmenter son bien-&ecirc;tre </em>(&hellip;)<em> portant ceux qui &eacute;chouent &agrave; rentrer dans le moule </em>(&hellip;)<em> &agrave; &ecirc;tre per&ccedil;us comme des individus paresseux, faibles, et d&eacute;pourvus de volont&eacute;</em>&nbsp;&raquo;. Je ne suis pas s&ucirc;r que l&rsquo;auteur n&rsquo;assimile pas la recherche du bien-&ecirc;tre &agrave; la m&eacute;dicalisation.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn30" id="ftn30">30</a> Friedrich Georg J&uuml;nger, <em>la perfection de la technique</em>, ALLIA, 2018, p.71. Notez que l&rsquo;auteur cite le causalisme comme un des probl&egrave;mes, or nous avons d&eacute;fini plus haut le causalisme comme le troisi&egrave;me ordre de la m&eacute;decine.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn31" id="ftn31">31</a> Jean Allouch, <em>nouvelles remarques sur le passage &agrave; l&#39;acte</em>, EPEL, essais, 2019, p.13.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn32" id="ftn32">32</a> &laquo;&nbsp;<em>La science est cette puissance myst&eacute;rieuse qui, en un si&egrave;cle, a transform&eacute; la face du monde au moyen de la technique industrielle</em>&nbsp;(&hellip;) [dans une recherche de perfection] <em>exactement aussi imparfaite que nous-m&ecirc;me </em>&raquo; (Simone Weil, <em>force et malheur, </em>Ed. la temp&ecirc;te, 2019, p.107 et 213).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn33" id="ftn33">33</a> Serge Audier, <em>l&#39;&acirc;ge productiviste, h&eacute;g&eacute;monie prom&eacute;th&eacute;enne, br&egrave;ches et alternatives &eacute;cologiques</em>, La d&eacute;couverte 2019, p.411.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn34" id="ftn34">34</a> <span lang="en" xml:lang="en">Op.cit. p. 490.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn35" id="ftn35">35</a> <span lang="en" xml:lang="en">Op.cit. p.491.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn36" id="ftn36">36</a> Simone Weill, <em>force et malheur, </em>Editions La temp&ecirc;te, 2019, p173-174.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn37" id="ftn37">37</a> Georges Canghuilhem, <em>le normal et le pathologique</em>, PUF, 2015.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn38" id="ftn38">38</a> <span lang="en" xml:lang="en">Simone Weill, Op.cit</span><em><span lang="en" xml:lang="en">.</span></em><span lang="en" xml:lang="en"> p. 94.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn39" id="ftn39">39</a> Cette derni&egrave;re configuration a chang&eacute; avec la r&eacute;habilitation, et ce service et maintenant compos&eacute; de 2 fois 14 r&eacute;sidents dans les nouveaux locaux, et dans des chambres seuls avec cabinet de toilette/douche.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn40" id="ftn40">40</a> Privil&eacute;gier les r&eacute;ponses non m&eacute;dicamenteuses aux &laquo;&nbsp;troubles du comportement&nbsp;&raquo; est une recommandation de la Haute Autorit&eacute; de Sant&eacute;. Recommandation d&#39;ailleurs difficile &agrave; suivre en l&#39;absence de toute proposition alternative concr&egrave;te.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn41" id="ftn41">41</a> La pathologie (dans le paradigme individualiste biom&eacute;dical) &eacute;tant le mode principal de compr&eacute;hension du r&eacute;sident&nbsp;: tous les &eacute;v&egrave;nements d&eacute;rangeant l&rsquo;organisation sont attribu&eacute;s &agrave; la pathologie, et la pathologie est d&eacute;termin&eacute;e de longue date en ce qui concerne les malades mentaux.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn42" id="ftn42">42</a> cf. page&nbsp;7 mes remarques sur la prise au s&eacute;rieux de la parole, en particulier en suivant Jean ALLOUCH, note&nbsp;29.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn43" id="ftn43">43</a> Oliver SACHS, <em>un anthropologue sur mars</em>, Seuil, 1996, p.145.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn44" id="ftn44">44</a> Aldous Huxley, <em>retour au meilleur des mondes, </em>Plon, 1958, p.2, cit&eacute; par Serge Audier <em>l&rsquo;&acirc;ge productiviste</em>, La D&eacute;couverte, 2019, p.491.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn45" id="ftn45">45</a> C&rsquo;est-&agrave;-dire accepter notre impuissance curative des pathologies chroniques et du vieillissement, en ayant pr&eacute;sent &agrave; l&rsquo;esprit que la d&eacute;prescription, la diminution de la pression m&eacute;dicale, l&rsquo;abandon, et mieux encore la non-mise en route de soins d&eacute;raisonnables, coupl&eacute;s &agrave; une pr&eacute;sence attentive et continue am&eacute;liore non seulement la qualit&eacute; de la vie mais aussi l&rsquo;esp&eacute;rance de vie. Dit autrement, il nous fallait penser la plupart du temps notre travail en termes de care et non de cure, et pas seulement &eacute;pisodiquement.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn46" id="ftn46">46</a> Nutrition et non-alimentation, car les &laquo;&nbsp;besoins nutritionnels&nbsp;&raquo; sont pass&eacute;s par l&agrave;, souvent au d&eacute;triment du plaisir de manger. Ainsi des aliments mix&eacute;s ou des compl&eacute;ments alimentaires font partie de la boite &agrave; outils des soignants, parce que les gens doivent se nourrir. De m&ecirc;me une nourriture agr&eacute;able (faite sur place, avec le concours des personnes) n&rsquo;est pas autoris&eacute;e, du fait de l&rsquo;obligation de respecter les normes hygi&eacute;nistes type HACCP. Tout cela n&rsquo;est pas sans fondement. Ce que je pointe est ce caract&egrave;re prioritaire, premier, comme si les personnes &eacute;taient secondes dans le processus de nutrition.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn47" id="ftn47">47</a> <span lang="en" xml:lang="en">Friedrich Georg J&uuml;nger, op.cit. p.124.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Allouch Jean</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> Nouvelles remarques sur le passage &agrave; l&rsquo;acte&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- [s.l.]&nbsp;: EPEL, 2019.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Audier Serge</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> l&rsquo;&acirc;ge productiviste, br&ecirc;ches et alternatives &eacute;cologiques&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: La d&eacute;couverte, 2019.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Barrett Robert</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> la traite des fous&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: Les emp&ecirc;cheurs de penser en rond, 1998.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Bass Michel</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> mort de la clinique&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan, 2018.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Bass Michel</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> promouvoir la sant&eacute;&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan, 1994.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Baumann Zygmunt</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> Retrotopia&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- [s.l.]&nbsp;: Premier parall&egrave;le, 2017.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Canguihem Georges</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> le normal et le pathologique&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: PUF, 2015.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Foucault Michel</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> Naissance de la clinique&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: PUF, 2015.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Grmek Mirko</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> les maladies &agrave; l&rsquo;aube de la civilisation industrielle&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: Payot, 1983.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Huxley Aldous</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> Retour au meilleur des mondes&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: Plon, 1958.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Illich Ivan</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> La perte des sens&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: Fayard, 2004.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Illich Ivan</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> Nemesis m&eacute;dicale&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: Fayard, 1975/2003.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">J&uuml;nger Friedrich Georg</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> la perfection de la technique&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- [s.l.]&nbsp;: Allia, 2018.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Pierre Andr&eacute; Juven Fr&eacute;d&eacute;ric Pierru, Fanny Vincent</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> La casse du si&egrave;cle, &agrave; propos des r&eacute;formes de l&rsquo;h&ocirc;pital public&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- [s.l.]&nbsp;: Raison d&rsquo;agir, 2019.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Rey Olivier</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> leurre et malheur du transhumanisme&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: Descl&eacute;e de Brouwer, 2018.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Sachs Oliver</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> un anthropologue sur mars&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- Paris&nbsp;: Seuil, 1996.</span></p> <p class="bibliographie"><span lang="fr" xml:lang="fr">Weill Simone</span><span lang="fr" xml:lang="fr"> force et malheur&nbsp;[Ouvrage].&nbsp;- [s.l.]&nbsp;: La Temp&ecirc;te, 2019.</span></p>