<p class="texte">&shy;</p> <p class="texte" style="text-align: justify;"><strong>DOSSIER : POLITIQUE DE SANTE</strong></p> <p class="texte" style="text-align: justify;"><em>Jean-Marie Gourvil, franco-canadien, titulaire d&rsquo;un Master en travail social communautaire de l&rsquo;universit&eacute; de Montr&eacute;al et d&rsquo;un dipl&ocirc;me de sciences politiques de l&rsquo;Universit&eacute; Laval. Il a &eacute;t&eacute; directeur des &eacute;tudes &agrave; l&rsquo;IRTS de Normandie/Caen et consultant en d&eacute;veloppement social local.</em></p> <p class="texte" style="text-align: justify;"><strong>SOMMAIRE</strong></p> <p><strong>Introduction</strong></p> <p><strong>La r&eacute;forme de la sant&eacute; et des services sociaux au Qu&eacute;bec&nbsp;: le territoire et la participation comme enjeux</strong></p> <p><strong>Le contexte de la r&eacute;forme qu&eacute;b&eacute;coise des ann&eacute;es 1970</strong></p> <p><strong>Les points cl&eacute;s du projet de r&eacute;organisation des services de sant&eacute; et des services sociaux des ann&eacute;es 1970</strong></p> <p><strong>La r&eacute;forme r&eacute;elle, la loi &laquo;&nbsp;65&nbsp;&raquo; de 1971</strong></p> <p><strong>Que vient structurer la loi 65&nbsp;? Un nouveau minist&egrave;re unique des Affaires sociales</strong></p> <p><strong>La r&eacute;gionalisation</strong></p> <p><strong>Les trois lignes de services, la cr&eacute;ation des Centres locaux de services communautaires</strong></p> <p><strong>La seconde et la troisi&egrave;me ligne de services</strong></p> <p><strong>L&rsquo;application de la r&eacute;forme&nbsp;: compromis entre participation territoriale et centralisation technocratique</strong></p> <p><strong>La structuration du r&eacute;seau de Centres Locaux des Services Communautaires (CLSC)</strong></p> <p><strong>La r&eacute;forme et les &eacute;conomistes de la sant&eacute; du Minist&egrave;re des Affaires sociales</strong></p> <p><strong>Ce qu&rsquo;il reste de l&rsquo;intervention communautaire</strong></p> <p><strong>Conclusion&nbsp;: Les le&ccedil;ons pour la France</strong></p> <h1 class="texte">Introduction</h1> <p class="texte">Vincent Fouques Duparc pr&eacute;sente dans un article de ce m&ecirc;me num&eacute;ro de la revue les politiques publiques en cours visant &agrave; r&eacute;organiser profond&eacute;ment le syst&egrave;me de sant&eacute; fran&ccedil;ais. La loi &laquo;&nbsp;ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; ouvre des perspectives nouvelles en proposant une s&eacute;rie d&rsquo;axes de r&eacute;forme notamment&nbsp;: la meilleure gestion de la demande de soins en amont des CHU, la participation des acteurs locaux &agrave; des projets de sant&eacute; de territoire, la r&eacute;formes des &eacute;tudes des soignants. Dans cet article &eacute;crit en miroir de celui de Vincent Fouques Duparc nous allons pr&eacute;senter la R&eacute;forme mise en &oelig;uvre au Qu&eacute;bec dans les ann&eacute;es 1970 et son &eacute;volution au cours des d&eacute;cennies qui ont suivi.</p> <p class="texte">La r&eacute;forme des ann&eacute;es 1970 mobilisait &eacute;tonnamment, en grande partie, la m&ecirc;me d&eacute;marche, les m&ecirc;mes th&egrave;mes que la r&eacute;forme fran&ccedil;aise actuelle. Cette mise en perspective nous permettra de valider les grandes intuitions de la r&eacute;forme en cours en France, de prendre conscience que depuis de nombreuses ann&eacute;es les intellectuels r&eacute;fl&eacute;chissant sur l&rsquo;organisation de la sant&eacute; au niveau international proposent une gestion d&eacute;centralis&eacute;e, territorialis&eacute;e et participative de la sant&eacute;, &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; de notre gestion jacobine centralis&eacute;e, con&ccedil;ut autour des CHU.</p> <p class="texte">Cette comparaison nous permettra aussi de rester vigilant car si la r&eacute;forme qu&eacute;b&eacute;coise des ann&eacute;es 1970 choisit un syst&egrave;me d&eacute;centralisatris&eacute; et une gestion participative, les gouvernements successifs n&rsquo;ont cess&eacute; d&rsquo;introduire des modifications qui ont progressivement&nbsp;&laquo;&nbsp;trahit&nbsp;&raquo; les intuitions fondatrices des r&eacute;formateurs. La Belle Province vit aujourd&rsquo;hui avec un syst&egrave;me qui s&rsquo;est progressivement centralis&eacute; autour de m&eacute;ga-structures sanitaires, m&eacute;dico-sociales et sociales, il traverse les m&ecirc;mes difficult&eacute;s que notre syst&egrave;me fran&ccedil;ais. La France souhaite sortir de la centralisation jacobine et aller vers le territoire et la participation, le Qu&eacute;bec a fait l&rsquo;inverse, sorti de la paroisse, ayant privil&eacute;gi&eacute; le territoire et la participation, le syst&egrave;me de sant&eacute; et de service social est aujourd&rsquo;hui entre les mains des &eacute;conomistes de la sant&eacute; qui regardent la Province du haut de leur minist&egrave;re.</p> <p class="texte">Malgr&eacute; le d&eacute;calage dans l&rsquo;espace et dans le temps cette comparaison peut aider les acteurs locaux en France &agrave; se saisir de la proposition de territorialisation faite par le gouvernement fran&ccedil;ais actuel et surtout leur permettre de ne pas se faire voler ult&eacute;rieurement les b&eacute;n&eacute;fices de l&rsquo;exp&eacute;rience par une technocratie &laquo;&nbsp;d&rsquo;avant-garde&nbsp;&raquo; qui apr&egrave;s l&rsquo;exp&eacute;rimentation d&rsquo;une nouvelle territorialisation, serait tent&eacute;e une fois encore, de recentraliser la gestion du syst&egrave;me de soins et d&rsquo;instaurer des proc&eacute;dures d&eacute;concentr&eacute;es simplement &laquo;&nbsp;r&eacute;nov&eacute;es&nbsp;&raquo;.</p> <h1 class="texte">La r&eacute;forme de la sant&eacute; et des services sociaux au Qu&eacute;bec&nbsp;: le territoire et la participation comme enjeux</h1> <p class="texte">Le Qu&eacute;bec con&ccedil;ut donc dans les ann&eacute;es 1970 une r&eacute;forme globale de l&rsquo;organisation de la totalit&eacute; des services de sant&eacute; et des services sociaux en faisant de l&rsquo;ancrage territorial et de la participation des acteurs locaux (citoyens et professionnels) le point cl&eacute; de la r&eacute;forme. La r&eacute;forme qu&eacute;b&eacute;coise visait l&rsquo;ensemble de la sant&eacute;, de l&rsquo;aide sociale et des services sociaux et m&eacute;dico-sociaux, la r&eacute;forme fran&ccedil;aise actuelle n&rsquo;est pas si large, mais de nombreux points de similitude apparaissent dans l&rsquo;approche territoriale et la participation.</p> <p class="texte">La r&eacute;forme qu&eacute;b&eacute;coise fut pilot&eacute;e par un actuaire, Claude Castonguay qui pr&eacute;sida d&rsquo;abord une Commission d&rsquo;Enqu&ecirc;te sur la Sant&eacute; et le Bien-Etre Social dont le mandat allait de 1967&agrave; 1972<a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a>. La commission souvent appel&eacute;e commission Castonguay-Nepveu (noms du pr&eacute;sident et du vice-pr&eacute;sident de la commission) est dot&eacute;e de gros moyens financiers, elle peut mener des recherches nationales et internationales et dispose d&rsquo;un temps assez long pour penser une r&eacute;forme en profondeur. Avant la fin des travaux de la commission Claude Castonguay est nomm&eacute; de 1970 &agrave; 1973 ministre charg&eacute; de la mise en &oelig;uvre de la R&eacute;forme. La pr&eacute;sentation des &eacute;l&eacute;ments majeurs de la r&eacute;forme qu&eacute;b&eacute;coise, des d&eacute;bats de l&rsquo;&eacute;poque et de son &eacute;volution progressive &eacute;claire les d&eacute;bats fran&ccedil;ais actuels. Il faut toutefois d&eacute;crire le contexte dans lequel &eacute;merge cette r&eacute;forme, moment politique fort, un peu similaire au lendemain de la R&eacute;sistance en France qui a vue se structurer notre syst&egrave;me de s&eacute;curit&eacute; sociale.</p> <h1 class="texte">Le contexte de la r&eacute;forme qu&eacute;b&eacute;coise des ann&eacute;es 1970</h1> <p class="texte">Jusqu&rsquo;au d&eacute;but des ann&eacute;es 1960 l&rsquo;Etat qu&eacute;b&eacute;cois li&eacute; aux forces politiques conservatrices am&eacute;ricaines et canadiennes est de taille r&eacute;duite et bon nombre de probl&egrave;mes sont g&eacute;r&eacute;s directement par les paroisses, les municipalit&eacute;s, les dioc&egrave;ses en dehors de toute politique publique. La sant&eacute; et les services sociaux ne re&ccedil;oivent qu&rsquo;un financement marginal de l&rsquo;Etat provincial. Le co&ucirc;t des prises en charges dans les &eacute;tablissements sont assur&eacute;es par les familles et par la charit&eacute; communautaire li&eacute;e aux congr&eacute;gations et aux paroisses. La pauvret&eacute; est grande, l&rsquo;acc&egrave;s aux soins et &agrave; l&rsquo;&eacute;ducation sont r&eacute;duits. Les populations vivant dans les r&eacute;gions &eacute;loign&eacute;es des grandes villes sont souvent sans acc&egrave;s &agrave; bon nombre de services, les quartiers industrielles sont pauvres et sans acc&egrave;s aussi &agrave; de nombreux services<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a>. En 1959 le premier ministre conservateur Maurice Duplessis d&eacute;c&egrave;de. S&rsquo;ach&egrave;ve la p&eacute;riode que les historiens qu&eacute;b&eacute;cois appellent &laquo;&nbsp;la grande noirceur&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Durant les ann&eacute;es 1960 le Qu&eacute;bec conna&icirc;t sa &laquo;&nbsp;r&eacute;volution tranquille&nbsp;&raquo;. Une jeunesse dipl&ocirc;m&eacute;e et cultiv&eacute;e cr&eacute;e les conditions politiques d&rsquo;un renouveau profond de la soci&eacute;t&eacute; qu&eacute;b&eacute;coise. Dans le domaine qui nous concerne, on assiste sur pression du gouvernement f&eacute;d&eacute;ral canadien, &agrave; la cr&eacute;ation de l&rsquo;assurance. Elle permet &agrave; la population d&rsquo;acc&eacute;der gratuitement aux soins hospitaliers. Des exp&eacute;riences de planification hospitali&egrave;re r&eacute;gionale &eacute;mergent<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a>, elles produisent progressivement dans chaque r&eacute;gions une coh&eacute;rence entre les &eacute;tablissements souvent g&eacute;r&eacute;s par les congr&eacute;gations. Dans les quartiers des grandes villes, la population se mobilise autour de diagnostics concernant la sant&eacute; et l&rsquo;action sociale, des projets locaux &eacute;mergent.</p> <p class="texte">On assiste &agrave; l&rsquo;importation vers le Qu&eacute;bec des m&eacute;thodes d&rsquo;organisation communautaire am&eacute;ricaines<a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a>. C&rsquo;est le temps de la participation et des groupes populaires, des premi&egrave;res exp&eacute;riences de centres m&eacute;dico-sociaux autog&eacute;r&eacute;s. Les m&eacute;decins g&eacute;n&eacute;ralistes acceptent de participer pour la plupart &agrave; ces r&eacute;flexions en s&rsquo;opposant aux m&eacute;decins sp&eacute;cialistes et hospitaliers attach&eacute;s &agrave; leurs pr&eacute;rogatives. Les congr&eacute;gations religieuses et les dioc&egrave;ses laissent de nouveaux acteurs animer ces exp&eacute;rimentations communautaires, les encouragent souvent comme ce fut le cas &agrave; Montr&eacute;al o&ugrave; le Conseil des &oelig;uvres du dioc&egrave;se de Montr&eacute;al devient sous la houlette de Michel Blondin le v&eacute;ritable lieu de cr&eacute;ation au Qu&eacute;bec, de cette nouvelle approche de planification participative exp&eacute;riment&eacute;e dans certains pays en voie de d&eacute;veloppement<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a>. C&rsquo;est le temps o&ugrave; se mobilisent ensemble la population et les professionnels appuy&eacute;s par de jeunes experts issus des facult&eacute;s de th&eacute;ologie et de sciences humaines. L&rsquo;Etat technocratique n&rsquo;existe pas encore, tout se joue dans les territoires entre les acteurs locaux.</p> <h1 class="texte">Les points cl&eacute;s du projet de r&eacute;organisation des services de sant&eacute; et des services sociaux des ann&eacute;es 1970</h1> <p class="texte">Le gouvernement de Daniel Johnson (1966-1968) veut structurer un v&eacute;ritable service public de la sant&eacute; et de l&rsquo;action sociale. Il cr&eacute;e la Commission d&rsquo;Enqu&ecirc;te sur la Sant&eacute; et le Bien-Etre Social et nomme Castonguay &agrave; sa t&ecirc;te. La commission produit en quelques ann&eacute;es une &eacute;norme documentation compos&eacute;e de 15 gros volumes d&rsquo;&eacute;tudes et de recommandations auxquels il faut ajouter une longue s&eacute;rie de rapports soumis &agrave; la commission. Plusieurs axes cl&eacute;s traversent le rapport de la Commission.</p> <p class="texte">La commission affirme le bien-fond&eacute; dans une &eacute;conomie moderne, de l&rsquo;investissement dans l&rsquo;humain et donc dans la cr&eacute;ation d&rsquo;une s&eacute;rie int&eacute;gr&eacute;e de services publics venant r&eacute;pondre &agrave; des besoins fondamentaux (&eacute;ducation, sant&eacute;, action sociale, logement, revenu minimum, formation continue etc&hellip;). La commission red&eacute;finit de fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale un Etat-providence adapt&eacute; &agrave; la province. Pour lutter contre la pauvret&eacute; dans une soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;abondance, il est important que tous puissent acc&eacute;der de fa&ccedil;on &eacute;galitaire &agrave; des services. Le Qu&eacute;bec choisit l&rsquo;acc&egrave;s universel aux m&ecirc;mes services en affirmant qu&rsquo;il faut faire un effort particulier pour permettre aux milieux d&eacute;favoris&eacute;s urbains et ruraux d&rsquo;y acc&eacute;der.</p> <p class="texte">Le concept central de la commission est celui de d&eacute;veloppement consultatif et participatif largement d&eacute;velopp&eacute; par le sociologue G&eacute;rald Fortin. Apr&egrave;s le rappel des droits sociaux fondamentaux de la personne et de la famille et un long diagnostic de la soci&eacute;t&eacute; qu&eacute;b&eacute;coise, secteur par secteur, les r&eacute;dacteurs proposent non seulement la croissance &eacute;conomique et la cr&eacute;ation de politiques publiques dans tous les domaines des politiques sociales, mais souhaitent la participation de tous les acteurs de la soci&eacute;t&eacute; &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; plus prosp&egrave;re et plus juste. Perspective humaniste fortement impr&eacute;gn&eacute;e des doctrines sociales catholiques. La commission affirme l&rsquo;importance de l&rsquo;intervention de l&rsquo;Etat qu&eacute;b&eacute;cois, mais avec en contre poids une forte d&eacute;centralisation r&eacute;gionale et la participation consultative syst&eacute;matique de tous les acteurs &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration des programmes et des politiques publiques ainsi qu&rsquo;&agrave; leur &eacute;valuation. Immense appel &agrave; une soci&eacute;t&eacute; qui reconna&icirc;t les corps interm&eacute;diaires et l&rsquo;importance du territoire local, des liens communautaires, de la participation, des diagnostics partag&eacute;s et des projets coconstruits, localement et r&eacute;gionalement.</p> <p class="texte">Par ailleurs la commission affirme souvent que les pauvres sont pauvres, certes parce qu&rsquo;ils manquent de revenu, mais parce dans une soci&eacute;t&eacute; qui se construit par la coop&eacute;ration ou l&rsquo;affrontement entre de multiples groupes de pression, ils sont non organis&eacute;s et ne savent pas d&eacute;velopper de strat&eacute;gies f&eacute;condes de d&eacute;fense de leurs int&eacute;r&ecirc;ts. Pour sortir de leur position d&rsquo;assist&eacute;s, de citoyens non-actifs, ils doivent donc acc&eacute;der &agrave; des services, mais aussi participer &agrave; leur &eacute;laboration et &agrave; leur gestion. Pour la commission Castonguay la cogestion locale des services avec la population est un facteur de promotion des personnes, elles rentrent dans un processus d&eacute;mocratique de prise de responsabilit&eacute;. Les personnes les plus impliqu&eacute;es pourront apprendre &agrave; exercer un leadership et sortiront progressivement de la pauvret&eacute;.</p> <p class="texte">On per&ccedil;oit ici la prise en compte des exp&eacute;riences communautaires des ann&eacute;es 1960, mais int&eacute;gr&eacute;e dans la cr&eacute;ation d&rsquo;un Etat qui devient pilote du changement et qui veut se doter des outils de planification d&rsquo;un Etat moderne. Pens&eacute;e technocratique pond&eacute;r&eacute;e par un appel &agrave; la participation.</p> <p class="texte">Cette double posture donnera lieu &agrave; une litt&eacute;rature sociologique qu&eacute;b&eacute;coise assez critique<a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a>, mais attire vers le Qu&eacute;bec depuis les ann&eacute;es 1970 bon nombre de jeunes Fran&ccedil;ais en qu&ecirc;te d&rsquo;un mod&egrave;le alternatif au jacobinisme. En France l&rsquo;Etat-providence distribue des prestations de services sans demander &agrave; la population de participer &agrave; leur &eacute;laboration, leur mise en &oelig;uvre et leur &eacute;valuation<a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a>. &laquo;&nbsp;Citoyens, voil&agrave; du pain&nbsp;!&nbsp;&raquo; dit la R&eacute;volution fran&ccedil;aise. La position de la commission Castonguay appara&icirc;t donc dans les ann&eacute;es 1970, pour les Fran&ccedil;ais, &laquo;&nbsp;r&eacute;volutionnaire&nbsp;&raquo;. Les jeunes Fran&ccedil;ais viennent emprunter &agrave; la Belle Province des &eacute;l&eacute;ments de m&eacute;thodes de construction participative des politiques publiques. Il faut noter que depuis les ann&eacute;es 1960, chaque g&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;organisateurs communautaires produit une litt&eacute;rature professionnelle et universitaire qui forme une tradition m&eacute;thodologique et technique coh&eacute;rente<a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a> qui n&rsquo;a pas d&rsquo;&eacute;quivalent en France<a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a>.</p> <p class="texte">Dans le domaine de la sant&eacute; la commission Castonguay va aussi op&eacute;rer une approche nouvelle de la sant&eacute; en critiquant violemment le syst&egrave;me de cette &eacute;poque centr&eacute; sur la prestation en cabinet m&eacute;dical priv&eacute; ou en h&ocirc;pital sans prise en compte du contexte environnemental. Pour la commission la sant&eacute; n&rsquo;est pas un facteur ind&eacute;pendant du social, elle propose une approche &quot;&eacute;cologique&quot; (sic) de la sant&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire dire la prise en compte de l&rsquo;influence g&eacute;n&eacute;rale du milieu sur la sant&eacute; des personnes et des familles. La demande de soin qui s&rsquo;est accrue rapidement avec l&rsquo;hospitalisation gratuite fait converger vers le sanitaire des probl&egrave;mes qui sont structurellement sociaux. Les services d&rsquo;urgence des h&ocirc;pitaux sont satur&eacute;s et d&eacute;bord&eacute;s. La commission affirme que le bien-&ecirc;tre ne se limite pas au curatif, mais doit int&eacute;grer l&rsquo;intervention communautaire favorisant la pr&eacute;vention et le bien-&ecirc;tre (sic). Il s&rsquo;agit donc d&rsquo;int&eacute;grer dans une m&ecirc;me d&eacute;marche une politique sanitaire et une politique sociale permettant de diminuer le co&ucirc;t du sanitaire en r&eacute;glant les probl&egrave;mes socio-sanitaires en amont des &eacute;tablissements de sant&eacute;, en amont des urgences hospitali&egrave;res. La mise en coh&eacute;rence des services sociaux et des services de sant&eacute; est l&rsquo;une des recommandations fortes de la commission, notamment en milieu d&eacute;favoris&eacute;s.</p> <p class="texte">La commission propose un syst&egrave;me de sant&eacute; ayant comme fondement une pratique sanitaire publique centr&eacute;e sur les besoins locaux r&eacute;pertori&eacute;s et analys&eacute;s. L&rsquo;offre de soin doit donc r&eacute;pondre &agrave; ces besoins locaux. La commission privil&eacute;gie la pratique m&eacute;dicale de groupe, une approche globale de la personne et de la sant&eacute;, elle propose un grand nombre de d&eacute;l&eacute;gations d&rsquo;actes des m&eacute;decins vers les param&eacute;dicaux, l&rsquo;augmentation du nombre de m&eacute;decins g&eacute;n&eacute;ralistes, et en contrepartie, la baisse du nombre de m&eacute;decins sp&eacute;cialistes. Il est envisag&eacute; le salariat (total ou partiel) pour les m&eacute;decins devant int&eacute;grer dans leur pratique l&rsquo;&eacute;ducation et la pr&eacute;vention.</p> <p class="texte">Pour accompagner cette r&eacute;forme, la commission propose une r&eacute;forme des &eacute;tudes m&eacute;dicales qui doit int&eacute;grer de nouvelles disciplines comme la sociologie, les m&eacute;thodes d&rsquo;enqu&ecirc;tes de population, la gestion de programme d&rsquo;&eacute;ducation de la sant&eacute;, l&rsquo;animation de groupe de malades. Face &agrave; la pratique lib&eacute;rale de la m&eacute;decine curative et co&ucirc;teuse la commission imagine une &laquo;&nbsp;m&eacute;decine sociale communautaire&nbsp;&raquo; qui tout en assumant le curatif est aussi pr&eacute;ventive et &eacute;ducative.</p> <p class="texte">La commission structure le syst&egrave;me de sant&eacute; &agrave; partir de trois lignes de services&nbsp;:</p> <ul class="texte"> <li> <p class="texte">Les soins g&eacute;n&eacute;raux qui int&egrave;grent la m&eacute;decine sociale communautaire seraient donn&eacute;es dans les Centres locaux de sant&eacute;. Les centres locaux de sant&eacute; devront s&rsquo;appuyer sur une large participation des professionnels et de la population dans le cadre de l&rsquo;&eacute;laboration et la mise en &oelig;uvre du projet de sant&eacute; du territoire. Cette premi&egrave;re ligne de services d&eacute;tient la cl&eacute; de l&rsquo;acc&egrave;s du patient &agrave; la seconde ligne. L&rsquo;objectif est de r&eacute;duire l&rsquo;acc&egrave;s aux h&ocirc;pitaux locaux.</p> </li> <li> <p class="texte">Les soins sp&eacute;cialis&eacute;s qui demandent des prises en charge plus importantes seraient donn&eacute;s dans les centres communautaires de sant&eacute; (h&ocirc;pitaux locaux). Cette seconde ligne d&eacute;tient elle, la cl&eacute; d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la troisi&egrave;me. L&rsquo;objectif est de r&eacute;duire l&rsquo;acc&egrave;s aux CHU.</p> </li> <li> <p class="texte">Les soins hypersp&eacute;cialis&eacute;s qui demandent l&rsquo;intervention de sp&eacute;cialit&eacute;s non accessibles au niveau de proximit&eacute;, seraient donn&eacute;s dans les CHU ou les h&ocirc;pitaux sp&eacute;cialis&eacute;s (en psychiatrie par exemple). M&eacute;decine de pointe, li&eacute;e &agrave; la recherche, mais d&eacute;barrass&eacute;e des questions sociales.</p> </li> </ul> <p class="texte">Ces trois lignes sont harmonis&eacute;es dans une planification r&eacute;gionale d&eacute;centralis&eacute;e du minist&egrave;re avec une forte autonomie de programmation locale apr&egrave;s consultation de tous les partenaires locaux (population et professionnels). A ce stade de la r&eacute;forme l&rsquo;Etat central reste charg&eacute; du financement, mais la programmation concr&egrave;te de la sant&eacute; est confi&eacute;e aux Offices R&eacute;gionaux de Sant&eacute;.</p> <p class="texte">Les services sociaux et m&eacute;dico-sociaux seraient pour la commission, dot&eacute;s d&rsquo;une structure parall&egrave;le avec trois lignes de services et une organisation r&eacute;gionale de planification participative. On note que la commission Castonguay souhaite donner une dimension communautaire &agrave; la sant&eacute; et aux services sociaux, mais n&rsquo;&eacute;voque pas la fusion des services de premi&egrave;res lignes de la sant&eacute; et des services sociaux. La commission Castonguay conforte du haut en bas de la pyramide des services publics la distinction entre la sant&eacute; et le social.</p> <p class="texte">Dernier point important pour le Qu&eacute;bec, la structuration des professions sanitaires et sociales &eacute;taient li&eacute;e &agrave; l&rsquo;histoire lib&eacute;rale du Canada. Chaque profession g&eacute;rait de fa&ccedil;on autonome l&rsquo;agr&eacute;ment des nouveaux membres et les conditions de l&rsquo;exercice professionnel. La commission inverse cette logique et int&egrave;gre toutes les corporations et les ordres professionnels qui g&egrave;rent les reconnaissances professionnelles au sein d&rsquo;un Office des professions contr&ocirc;l&eacute; par l&rsquo;Etat. Les qualifications, les comp&eacute;tences, les formations, les certifications seront d&eacute;livr&eacute;es par l&rsquo;Etat &agrave; travers l&rsquo;Office des professions. Ce syst&egrave;me invent&eacute; pour le monde de la sant&eacute; sera g&eacute;n&eacute;ralis&eacute; &agrave; l&rsquo;ensemble de toutes les professions<a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a>.</p> <h1 class="texte">La r&eacute;forme r&eacute;elle, la loi &laquo;&nbsp;65&nbsp;&raquo; de 1971</h1> <p class="texte">Bien avant la publication de l&rsquo;ensemble des volumes du rapport de la Commission, Claude Castonguay devenu ministre, propose en 1971 &agrave; l&rsquo;Assembl&eacute;e nationale du Qu&eacute;bec le projet de loi 65 qui, adopt&eacute;<a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a>, structure pour de nombreuses ann&eacute;es l&rsquo;organisation des services de sant&eacute; et des services sociaux qu&eacute;b&eacute;cois. Ce texte est un compromis entre les tendances technocratiques et centralisatrices de la jeune garde qu&eacute;b&eacute;coise et les tendances d&eacute;centralisatrices et participatives des acteurs professionnels et populaires ancr&eacute;s dans les territoires. Le projet de loi 65 reste cependant pour les Fran&ccedil;ais probablement un mod&egrave;le d&rsquo;&eacute;quilibre qu&rsquo;il faut regarder attentivement comme une issue possible aux probl&egrave;mes qui sont les n&ocirc;tres aujourd&rsquo;hui.</p> <p class="texte">L&rsquo;organisation pr&ocirc;n&eacute;e par la loi 65 est fortement impr&eacute;gn&eacute;e des recommandations de la commission Castonguay, mais offre quelques innovations que ne laissaient pas soup&ccedil;onner les travaux de la commission. Le langage du texte de la loi 65 est strictement juridique et administratif. Ce n&rsquo;est pas une loi-programme structur&eacute;e autour de finalit&eacute;s et d&rsquo;objectifs, elle se pr&eacute;sente comme une s&eacute;rie d&rsquo;articles indiquant surtout la structure du r&eacute;seau de services li&eacute; au minist&egrave;re, la liste des &eacute;tablissements retenus, la composition des conseils d&rsquo;administration et des instances dirigeantes. Si la commission a &eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;bavarde&nbsp;&raquo;, la loi est extr&ecirc;mement aust&egrave;re, beaucoup de non-dit traversent le texte, elle n&rsquo;explique pas les choix faits par le nouveau ministre, elle les met en &oelig;uvre.</p> <p class="texte">Les &eacute;tablissements de sant&eacute; comme ceux des services sociaux ont alors le choix entre rester priv&eacute;s et d&eacute;pendants des congr&eacute;gations ou d&rsquo;entreprises<a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a> et celui d&rsquo;int&eacute;grer le r&eacute;seau des Affaires sociales dans les conditions statutaires &laquo;&nbsp;para-publiques&nbsp;&raquo; d&eacute;finies par la nouvelle loi. La presque totalit&eacute; des services ont accept&eacute; cette int&eacute;gration. Les salari&eacute;s des &eacute;tablissements g&eacute;r&eacute;s par les congr&eacute;gations sont devenus salari&eacute;s des nouveaux &eacute;tablissements. Un grand nombre de religieux acc&eacute;dant au statut de salari&eacute; quitte l&rsquo;&eacute;tat cl&eacute;rical.</p> <h1 class="texte">Que vient structurer la loi 65&nbsp;? Un nouveau minist&egrave;re unique des Affaires sociales</h1> <p class="texte">Elle cr&eacute;&eacute;e un minist&egrave;re unique sant&eacute; et social dit minist&egrave;re des Affaires sociales. La loi va donc plus loin que la commission, elle fusionne les services de sant&eacute; et les services sociaux tant au niveau minist&eacute;riel que pour l&rsquo;ensemble du r&eacute;seau et donne au ministre des pr&eacute;rogatives immenses, beaucoup plus importantes que celles envisag&eacute;es par la commission. Le texte d&eacute;finit les pouvoirs et les objectifs du ministre&nbsp;:</p> <ul class="texte"> <li> <p class="texte">Am&eacute;liorer l&rsquo;&eacute;tat de sant&eacute; de la population, l&rsquo;&eacute;tat du milieu social dans lequel elle vit et les conditions sociales des individus, des familles et des groupes&nbsp;;</p> </li> <li> <p class="texte">Rendre accessible &agrave; toute personne, d&rsquo;une fa&ccedil;on continue et pendant toute sa vie, la gamme compl&egrave;te des services de sant&eacute; et des services sociaux</p> </li> <li> <p class="texte">Encourager la population et les groupes qui s&rsquo;y forment &agrave; participer &agrave; l&rsquo;instauration, &agrave; l&rsquo;administration et au d&eacute;veloppement des &eacute;tablissements de fa&ccedil;on &agrave; assurer leur dynamisme et leur renouvellement</p> </li> <li> <p class="texte">Adapter les services de sant&eacute; et les services sociaux aux besoins de la population en tenant compte des particularit&eacute;s r&eacute;gionales et &agrave; r&eacute;partir entre ces services les ressources humaines et financi&egrave;res de la fa&ccedil;on la plus juste et rationnelle possible</p> </li> <li> <p class="texte">Favoriser le recours aux m&eacute;thodes modernes d&rsquo;organisation et de gestion pour rendre plus efficaces les services offerts &agrave; la population&nbsp;;</p> </li> <li> <p class="texte">Promouvoir la recherche et l&rsquo;enseignement.</p> </li> </ul> <h1 class="texte">La r&eacute;gionalisation</h1> <p class="texte">Au niveau r&eacute;gional elle instaure les CRSSS (centres r&eacute;gionaux des services de sant&eacute; et des services sociaux) qui n&rsquo;ont plus une r&eacute;elle fonction de d&eacute;centralisation, mais seulement de d&eacute;concentration m&ecirc;me si les membres du Conseil d&rsquo;administration repr&eacute;sentent largement les acteurs locaux. Douze CRSSS sont instaur&eacute;s. Les CRSSS fonctionnent comme un contr&ocirc;le de la l&eacute;galit&eacute; pour les nouveaux &eacute;tablissements de la r&eacute;gion. Les CRSSS sont aussi les interfaces entre les &eacute;tablissements et le minist&egrave;re, mais avec toute de m&ecirc;me une relative autonomie dont pourraient r&ecirc;ver les acteurs fran&ccedil;ais des politiques socio-sanitaires. La fonction de programmation r&eacute;gionale qu&rsquo;ils doivent assumer est appuy&eacute;e sur une v&eacute;ritable capacit&eacute; &agrave; faire participer les acteurs et &agrave; mener des recherches autonomes ne rentrant pas dans les strictes indications minist&eacute;rielles. Les CRSSS peuvent mobiliser les ressources universitaires locales (toutes disciplines confondues) pour mener des recherches. De nombreux m&eacute;moires ou th&egrave;ses d&rsquo;&eacute;tudiants ou travaux de laboratoires participent de ces recherches locales.</p> <h1 class="texte">Les trois lignes de services, la cr&eacute;ation des Centres locaux de services communautaires</h1> <p class="texte">La loi cr&eacute;e un syst&egrave;me structur&eacute; selon les trois lignes de services d&eacute;crits par la commission, mais de fa&ccedil;on un peu diff&eacute;rente.</p> <p class="texte">La cr&eacute;ation la plus originale, fer de lance de la loi et de la r&eacute;forme, est la cr&eacute;ation en 1<sup>&egrave;re</sup> ligne, des Centre locaux de services communautaires (CLSC) qui doivent apporter en m&ecirc;me temps les r&eacute;ponses aux demandes de services de sant&eacute; et de services sociaux. Vision &eacute;cologique, globale et communautaire de la sant&eacute;, vision fortement solidariste et communautaire de l&rsquo;action sociale qui n&rsquo;est plus seulement une aide &agrave; des personnes et des familles, mais aussi une aide aussi au milieu pour qu&rsquo;il r&eacute;solve ses difficult&eacute;s &lsquo;&rsquo;communautaires&rsquo;&rsquo;.</p> <p class="texte">Les conseils d&rsquo;administration des CLSC repr&eacute;sentent les acteurs impliqu&eacute;s, notamment la population b&eacute;n&eacute;ficiant des services. Les CLSC doivent offrir des services curatifs, mais aussi pr&eacute;ventifs, faire de l&rsquo;&eacute;ducation sanitaire et sociale, intervenir sur le milieu. Ils offrent aussi toute la gamme des services sociaux de sant&eacute; de proximit&eacute; centr&eacute;s sur le soin et le bien-&ecirc;tre (au sens que l&rsquo;OMS donne &agrave; ce terme).</p> <h1 class="texte">La seconde et la troisi&egrave;me ligne de services</h1> <p class="texte">La seconde ligne de services met en parall&egrave;le&nbsp;quatre types de services.</p> <ul class="texte"> <li> <p class="texte">Les Centres de services sociaux, donnant les services sociaux sp&eacute;cialis&eacute;s, ne relevant pas de la proximit&eacute; (famille, enfance, alcoolisme, personnes &acirc;g&eacute;es&hellip;)</p> </li> <li> <p class="texte">Les centre d&rsquo;accueil offrant des h&eacute;bergements aux personnes devant &ecirc;tre en &eacute;tablissement (les jeunes ou d&rsquo;autres populations&hellip;)</p> </li> <li> <p class="texte">Les centres hospitaliers (donnant les services n&eacute;cessitant un h&eacute;bergement et non accessible en proximit&eacute;&hellip;)</p> </li> <li> <p class="texte">Les D&eacute;partements de sant&eacute; communautaires (charg&eacute;s de la sant&eacute; publique et de la m&eacute;decine du travail&hellip;)</p> </li> </ul> <p class="texte">La troisi&egrave;me ligne de services&nbsp;: les CHU.</p> <p class="texte">Les CHU se situent au sommet de cette pyramide. Ne devraient y acc&eacute;der que les patients ayant franchi les barrages de la premi&egrave;re et de la deuxi&egrave;me ligne<a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a>. Services de pointe appuy&eacute;s sur la recherche en lien avec les facult&eacute;s de m&eacute;decine. Pour faciliter la recherche &agrave; caract&egrave;re professionnel, il est pr&eacute;vu des conventions entre les &eacute;tablissements des niveaux un et deux et les universit&eacute;s, certains ont m&ecirc;me le sous-titre de &laquo;&nbsp;centre de recherche universitaire&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Il faut int&eacute;grer dans cette troisi&egrave;me ligne les fonctions de planification r&eacute;gionale tant pour les services de sant&eacute; que pour les services sociaux qu&rsquo;assument les CRSSS.</p> <h1 class="texte">L&rsquo;application de la r&eacute;forme&nbsp;: compromis entre participation territoriale et centralisation technocratique</h1> <p class="texte">Le vote de la loi 65 et son application a donn&eacute; lieu dans les ann&eacute;es 1980 &agrave; une immense litt&eacute;rature sociologique critique. Certaines recherches de tendance marxiste ont d&eacute;fendu que la r&eacute;forme ne changeait pas les rapports sociaux &eacute;conomiques au Qu&eacute;bec, mais qu&rsquo;elle offrait seulement par les services offerts, un coussin de s&eacute;curit&eacute; au capitalisme, la participation &eacute;tant profond&eacute;ment un leurre<a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a>. Certaines recherches ont montr&eacute; l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une nouvelle classe sociale au Qu&eacute;bec, la technocratie d&rsquo;Etat &eacute;tant domin&eacute;e dans le domaine qui nous concerne par les &eacute;conomistes de la sant&eacute;. Marc Renaud<a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a>, sociologue &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Montr&eacute;al parle de la naissance d&rsquo;un Etat narcissique qui certes, souhaite am&eacute;liorer la sant&eacute; de la population, mais cherche surtout &agrave; conf&eacute;rer &agrave; l&rsquo;Etat qu&eacute;b&eacute;cois un r&ocirc;le d&rsquo;Etat national, rivalisant avec l&rsquo;Etat f&eacute;d&eacute;ral canadien. La finalit&eacute; de la r&eacute;forme serait plus centr&eacute;e sur l&rsquo;ego de la nouvelle classe dirigeante que sur la r&eacute;alit&eacute; du service &agrave; la population. La critique fut donc radicale. Mais notons cependant d&egrave;s &agrave; pr&eacute;sent, que les mouvements de r&eacute;forme de la r&eacute;forme qui &eacute;mergeront dans les ann&eacute;es 1990-2015 ont provoqu&eacute; une r&eacute;flexion de d&eacute;fense de la r&eacute;forme Castonguay consid&eacute;r&eacute;e alors comme l&rsquo;&acirc;ge d&rsquo;or du r&eacute;seau des Affaires sociales. C&rsquo;est donc avec un &oelig;il bienveillant que nous regarderons la mise en &oelig;uvre de la r&eacute;forme durant les ann&eacute;es 1970.</p> <h1 class="texte">La structuration du r&eacute;seau de Centres Locaux des Services Communautaires (CLSC)</h1> <p class="texte">A partir de la publication de la loi 65 les centres hospitaliers et les centres d&rsquo;accueil assument de fait les fonctions que les &eacute;tablissements religieux assumaient avant la r&eacute;forme.</p> <p class="texte">La cr&eacute;ation du r&eacute;seau de CLSC va devenir l&rsquo;enjeu majeur de la r&eacute;forme. Le minist&egrave;re implante ces nouveaux &eacute;tablissements progressivement en fusionnant dans les zones choisies des services existants, en transf&eacute;rant les personnels au sein de la m&ecirc;me structure et surtout en donnant de nouveaux moyens &agrave; ces &eacute;tablissements ouverts en priorit&eacute; en milieux urbains d&eacute;favoris&eacute;s et dans les milieux ruraux sous-&eacute;quip&eacute;s. Les CLSC appel&eacute;s &agrave; couvrir l&rsquo;ensemble du territoire de la province, implant&eacute;s en priorit&eacute; dans les milieux d&eacute;favoris&eacute;s, garderont durant de nombreuses ann&eacute;es l&rsquo;image de services pour pauvres.</p> <p class="texte">L&rsquo;observation de la mise en &oelig;uvre de la loi montre que dans les premiers pas de la r&eacute;forme, la programmation des services n&rsquo;est pas standardis&eacute;e, le minist&egrave;re prend en charge les projets &eacute;labor&eacute;s localement avec la participation des acteurs locaux professionnels et populations. Il n&rsquo;y a pas &agrave; cette date de reconduction des programmes offerts dans le CLSC d&rsquo;une p&eacute;riode de programmation &agrave; une autre. Des enqu&ecirc;tes participatives pr&eacute;c&egrave;dent la cr&eacute;ation des projets soumis &agrave; financement. De nouvelles enqu&ecirc;tes participatives &eacute;valuent les projets mis en &oelig;uvre et red&eacute;finissent les besoins nouveaux du territoire. C&rsquo;est le temps du travail social communautaire. Un ancien responsable de programmes, Claude Larivi&egrave;re, devenu professeur d&rsquo;Universit&eacute; note dans un rapport de recherche de 2008&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans les ann&eacute;es 1970, il suffisait d&rsquo;effectuer des demandes annuelles de postes pour obtenir des ajustements consid&eacute;rables au plan des ressources humaines et mat&eacute;rielles permettant le d&eacute;veloppement rapide de programmes innovateurs<a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte">Les directeurs g&eacute;n&eacute;raux sont des pilotes de projets associant professionnels et usagers. Les budgets sont construits selon l&rsquo;approche &quot;projet de budget base z&eacute;ro&quot;. Les enjeux m&eacute;thodologiques de la participation deviennent consid&eacute;rables.</p> <p class="texte">Si rapidement une s&eacute;rie de services de base sont programm&eacute;s de fa&ccedil;ons similaires dans de nombreux CLSC, on voit appara&icirc;tre des modes d&rsquo;approches tr&egrave;s diff&eacute;rents d&rsquo;un territoire &agrave; l&rsquo;autre. L&rsquo;explosion des projets de sant&eacute; communautaire et d&rsquo;&eacute;ducation &agrave; la sant&eacute; est caract&eacute;ristique de cette &eacute;poque. Les groupes d&rsquo;entraide de malades, le travail social de groupe, les projets communautaires se multiplient.</p> <p class="texte">Il faut noter cependant que dans plusieurs CLSC la programmation des projets a &eacute;t&eacute; souvent accompagn&eacute;e de nombreux d&eacute;bats id&eacute;ologiques &laquo;&nbsp;interminables&nbsp;&raquo; dans lesquels s&rsquo;affrontaient les partenaires de la participation avec les tenants de la production de services rapidement identifi&eacute;s. M&eacute;decins et travailleurs sociaux communautaires se sont souvent affront&eacute;s, notamment dans lorsque les directeurs g&eacute;n&eacute;raux des CLSC &eacute;taient d&rsquo;anciens travailleurs sociaux communautaires.</p> <p class="texte">La diffusion du mod&egrave;le CLSC fut plus difficile que ne l&rsquo;avaient escompt&eacute;e les r&eacute;formateurs. Ils n&rsquo;ont couvert l&rsquo;ensemble du territoire que lentement avec une ambition amoindrie. Progressivement ils sont devenus des services compl&eacute;mentaires des autres &eacute;tablissements. Les pratiques communautaires mobilisent alors les populations sur des projets ponctuels ou sur des services marginaux<a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a>.</p> <p class="texte">Les m&eacute;decins g&eacute;n&eacute;ralistes favorables lors la commission Castonguay &agrave; leur int&eacute;gration dans les centres de sant&eacute; communautaires, ont eu du mal &agrave; rejoindre les CSLS o&ugrave; se cumulaient le sanitaire et le social. Un certain nombre de m&eacute;decins ont accept&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre salari&eacute;s des CLSC, beaucoup cependant sont rest&eacute;s des prestataires des CLSC, les param&eacute;dicaux ont assum&eacute; cependant des responsabilit&eacute;s consid&eacute;rables. Les cliniques priv&eacute;es regroupant des m&eacute;decins lib&eacute;raux et des para-m&eacute;dicaux se sont multipli&eacute;es en r&eacute;action &agrave; l&rsquo;implantation des CLSC.</p> <h1 class="texte">La r&eacute;forme et les &eacute;conomistes de la sant&eacute; du Minist&egrave;re des Affaires sociales</h1> <p class="texte">A partit des ann&eacute;es 1980 une s&eacute;rie de nouvelles commissions et de nouveaux rapports proposent des modifications structurelles du R&eacute;seau mis en place par la R&eacute;forme (Commission Rochon, rapport Brunet, rapport Harnois). La crise des finances publiques se fait sentir. On assiste &agrave; l&rsquo;introduction dans le r&eacute;seau des m&eacute;thodes de gestion emprunt&eacute;es au secteur marchand. Progressivement les missions des CLSC fortement questionn&eacute;es sont recentr&eacute;es sur les populations &agrave; risques et des services cibl&eacute;s.</p> <p class="texte">Le ministre C&ocirc;t&eacute; au d&eacute;but des ann&eacute;es 1990 tente de d&eacute;fendre les id&eacute;es majeures de la R&eacute;forme Castonguay en introduisant une notion nouvelle&nbsp;: la satisfaction de l&rsquo;usager, client du service public. La r&eacute;forme replace le citoyen au centre de la mission du r&eacute;seau. Elle introduit une dose importante de d&eacute;centralisation vers les structures r&eacute;gionales et renforce les budgets des CLSC sous financ&eacute;s, elle redonne une place plus grande aux organisateurs communautaires. Le ministre souhaite que les m&eacute;decins g&eacute;n&eacute;ralistes collaborent avec le r&eacute;seau, il remet en question le paiement &agrave; l&rsquo;acte des m&eacute;decins, il insiste sur la participation des citoyens aux d&eacute;cisions.</p> <p class="texte">Dans les ann&eacute;es 2000 le ministre Philippe Couillard d&eacute;centralise la gestion du minist&egrave;re vers les Agences (r&eacute;gionales) de sant&eacute; et des services sociaux (ASSS) et d&eacute;cide la fusion sur une zone g&eacute;ographique importante des CLSC, des Centres hospitaliers locaux et des centres hospitaliers de longs s&eacute;jours. La cr&eacute;ation des centres des services de sant&eacute; et des services sociaux (CSSS) marque une date importante, l&rsquo;absorption des CLSC dans l&rsquo;hospitalier et la domination des gestionnaires de la sant&eacute; sur l&rsquo;ensemble des services sociaux sanitaires. La gestion de ces structures est centralis&eacute;e, chaque composante perd ses objectifs et ses savoir-faire. Tournant capital dans l&rsquo;histoire du r&eacute;seau des Affaires sociales. La premi&egrave;re ligne &eacute;tant int&eacute;gr&eacute;e dans la seconde ligne hospitali&egrave;re, on assiste &agrave; un afflux de population vers les h&ocirc;pitaux. Les apports de la commission Castonguay s&rsquo;&eacute;vanouissent. La participation populaire est devenue plus marginale. Les professionnels expriment leur souffrance au travail<a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a> et leur besoin d&rsquo;&ecirc;tre entendus, soutenus, d&rsquo;&ecirc;tre affect&eacute;s sur des t&acirc;ches qui correspondent &agrave; leurs qualifications.</p> <p class="texte">En 2015 le ministre Barette poursuit la voie de la concentration. Il regroupe tous les &eacute;tablissements dans de vastes m&eacute;gastructures&nbsp;sanitaires et sociales les Centres int&eacute;gr&eacute;s de sant&eacute; et des services sociaux (CISSS) et les Centres int&eacute;gr&eacute;s universitaires de sant&eacute; et des services sociaux (CIUSSS) qui assurent les soins hyper sp&eacute;cialis&eacute;s. Trente-quatre &eacute;tablissements pour toute la province, dont la gestion est confi&eacute;e aux gestionnaires de la sant&eacute;.</p> <p class="texte">Le r&eacute;seau est g&eacute;r&eacute; de fa&ccedil;on technocratique. L&rsquo;influence des &eacute;conomistes de la sant&eacute; a fait basculer la gestion du syst&egrave;me vers la recherche de la seule efficacit&eacute; apparente dont le crit&egrave;re ultime est le chiffrage des d&eacute;penses. La mobilisation de la population et la sant&eacute; communautaire s&rsquo;effacent devant la recherche de rationalit&eacute; et la concentration des pouvoirs du recours au partenariat publics/priv&eacute;.</p> <h1 class="texte">Ce qu&rsquo;il reste de l&rsquo;intervention communautaire</h1> <p class="texte">L&rsquo;intervention communautaire (sociale et sanitaire) reste tout de m&ecirc;me fort importante par rapport &agrave; la France. Des postes d&rsquo;organisateurs communautaires subsistent au sein du r&eacute;seau, ils animent toujours les groupes d&rsquo;entraide et font les montages de projets innovants avec la population. L&rsquo;organisation communautaire issue essentiellement de l&rsquo;intervention sociale rejoint les enjeux de la sant&eacute; publique et donc de la sant&eacute; communautaire<a class="footnotecall" href="#ftn19" id="bodyftn19">19</a>. D&rsquo;autres organisateurs communautaires travaillent hors du r&eacute;seau dans des organismes communautaires- de type associatif-, ils font la promotion de projets portaient par la population, re&ccedil;oivent des subsides du minist&egrave;re des Affaires sociales, des municipalit&eacute;s, des fonds de charit&eacute; et des fondations.</p> <p class="texte">La crise des h&ocirc;pitaux est aujourd&rsquo;hui assez semblable &agrave; celle que nous connaissons en France, les services d&rsquo;urgences sont d&eacute;bord&eacute;s, les files d&rsquo;attente pour &ecirc;tre op&eacute;r&eacute; s&rsquo;allongent, l&rsquo;&eacute;ducation &agrave; la sant&eacute; emprunte les voies de la publicit&eacute; de masse. L&rsquo;assurance maladie qu&eacute;b&eacute;coise prend en charge une s&eacute;rie de soins, les mutuelles et les assurances priv&eacute;es assurent le financement des soins non accept&eacute;s. Soins &agrave; deux vitesses.</p> <p class="texte">Au terme de cet itin&eacute;raire, on constate que le syst&egrave;me qu&eacute;b&eacute;cois de sant&eacute; et des services sociaux est tr&egrave;s diff&eacute;rent du syst&egrave;me fran&ccedil;ais. Les collectivit&eacute;s locales n&rsquo;interviennent pas dans ce champ de comp&eacute;tence, hormis pour certains projets sociaux &agrave; caract&egrave;re communautaire. La gestion des &eacute;tablissements est directement d&eacute;cid&eacute;e par le minist&egrave;re et les Agences r&eacute;gionales. La participation populaire s&rsquo;est largement amoindrie, les services sont fortement standardis&eacute;s. Le syst&egrave;me s&rsquo;est donc progressivement centralis&eacute; et a perdu l&rsquo;ancrage territorial ainsi que les m&eacute;thodes de programmation syst&eacute;matiquement participatives qui faisaient les caract&eacute;ristiques de la r&eacute;forme Castonguay. Il demeure malgr&eacute; tout pour nous Fran&ccedil;ais qui regardons le r&eacute;seau qu&eacute;b&eacute;cois de loin, de larges zones d&rsquo;initiatives territoriales et une grande place pour l&rsquo;organisation communautaire. La citoyennet&eacute;, l&rsquo;initiative locale, les liens communautaires restent les fondements de la culture qu&eacute;b&eacute;coise m&ecirc;me si la technocratie a pris une place que n&rsquo;envisageaient pas les r&eacute;formateurs des ann&eacute;es 1970. Les tensions budg&eacute;taires qui p&egrave;sent sur la province contraignent le Qu&eacute;bec &agrave; valider sans cesse ses projets, &agrave; ne pas investir &agrave; fonds perdus. La consultation populaire et l&rsquo;appelle &agrave; l&rsquo;initiative et aux ressources communautaires sont sans cesse d&rsquo;actualit&eacute;<a class="footnotecall" href="#ftn20" id="bodyftn20">20</a>.</p> <h1 class="texte">Conclusion&nbsp;: Les le&ccedil;ons pour la France</h1> <p class="texte">Apr&egrave;s cette longue pr&eacute;sentation de 50 ann&eacute;es d&rsquo;histoire des politiques qu&eacute;b&eacute;coises de sant&eacute;, on peut en revenant aux fondamentaux de la r&eacute;forme des ann&eacute;es 1970-1990 -la r&eacute;forme Castonguay- tirer quelques le&ccedil;ons pour les acteurs de la r&eacute;forme fran&ccedil;aise actuelle.</p> <p class="texte">L&rsquo;option territoriale est incontournable, elle permet d&rsquo;envisager la gestion des projets de sant&eacute; au plus pr&egrave;s des besoins des usagers et de d&eacute;velopper une vision &eacute;cologique et communautaire de la sant&eacute;.</p> <p class="texte">La participation des acteurs professionnels est essentielle. La participation des usagers dans une perspective d&rsquo;&eacute;ducation de la sant&eacute;, de co-gestion &eacute;ducative de la sant&eacute; l&rsquo;est &eacute;galement.</p> <p class="texte">Les diagnostics locaux participatifs sont la cl&eacute; de toute r&eacute;forme de la sant&eacute;. Il faut garder le cap de la participation parce qu&rsquo;elle est &eacute;ducative, promotionnelle. Il ne faut pas la consid&eacute;rer seulement comme sources d&rsquo;id&eacute;es neuves que l&rsquo;on pourrait g&eacute;n&eacute;raliser apr&egrave;s exp&eacute;rimentation. Il faut refuser les actions innovantes impos&eacute;es ensuite partout &agrave; tous, il faut diffuser les actions inspirantes qui mobilisent les acteurs et les poussent &agrave; la cr&eacute;ativit&eacute;.</p> <p class="texte">La fusion du social et du sanitaire qui fut l&rsquo;aventure des CLSC ne semble pas &agrave; retenir, elle fut, elle reste difficile au Qu&eacute;bec, elle serait impossible en France, mais des coop&eacute;rations structur&eacute;es seraient n&eacute;cessaires entre les deux domaines. Le travail social communautaire encore appel&eacute; d&eacute;veloppement social local<a class="footnotecall" href="#ftn21" id="bodyftn21">21</a> doit dialoguer avec la sant&eacute; communautaire. Ces deux approches encore marginales en France devraient &ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute;es et dialoguer entre elles dans chaque territoire de projet.</p> <p class="texte">Enfin il faut sans doute modifier la formation des professionnels de sant&eacute; en int&eacute;grant plus de sciences humaines et une formation &agrave; la &laquo;&nbsp;sant&eacute; publique du quotidien&nbsp;&raquo;, &agrave;&nbsp;&laquo;&nbsp;la sant&eacute; communautaire&nbsp;&raquo;. Les travailleurs sociaux re&ccedil;oivent tous actuellement une formation &agrave; l&rsquo;expertise territoriale et au d&eacute;veloppement social local, ne pourrait-il pas en &ecirc;tre de m&ecirc;me pour les soignants.</p> <p class="texte">Signe des temps. Le concept de d&eacute;veloppement social (participatif) semble revenir actuellement au-devant de la sc&egrave;ne. Un ouvrage assez r&eacute;cent associe les travaux de la Chaire canadienne de recherche en organisation communautaire longtemps dirig&eacute;e par Denis Bourque et les travaux du sociologue fran&ccedil;ais Cyprien Avenel, intervenant &agrave; Sciences Po paris et au CNAM, mais par ailleurs charg&eacute; de mission &agrave; la direction strat&eacute;gique de la Direction G&eacute;n&eacute;rale de la Coh&eacute;sion sociale au Minist&egrave;res des solidarit&eacute;s et de la sant&eacute;<a class="footnotecall" href="#ftn22" id="bodyftn22">22</a>. Cet ouvrage, un parmi tant d&rsquo;autres, montre qu&rsquo;une fen&ecirc;tre est ouverte pour repenser une gestion des politiques publiques ne niant plus le g&eacute;nie des territoires. Les ressources endog&egrave;nes du territoire peuvent venir alimenter les pr&eacute;rogatives exog&egrave;nes de l&rsquo;Etat si celui-ci cesse d&rsquo;&ecirc;tre un Etat narcissique r&ecirc;vant davantage de jouir du pouvoir que de l&rsquo;exercer, s&rsquo;il est un Etat non obs&eacute;d&eacute; par son statut imaginaire d&rsquo;&eacute;lite avanc&eacute;e charg&eacute;e d&rsquo;imposer &agrave; la Nation une histoire qu&rsquo;elle aurait pens&eacute; pour elle. Il faut abandonner toute vision h&eacute;g&eacute;lienne de l&rsquo;Etat qui engendre la technocratie. L&rsquo;&eacute;chec des politiques de la ville dont on a progressivement &ocirc;t&eacute; toute perspective participative de d&eacute;veloppement social local devrait inciter les tenants de la R&eacute;forme &laquo;&nbsp;ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; &agrave; ne pas abandonner la promesse de d&eacute;centralisation, de territorialisation de mobilisation des acteurs locaux. La France jacobine r&ecirc;ve de territoire, d&rsquo;enracinement local, de solidarit&eacute;s de proximit&eacute;, d&rsquo;entraide. N&rsquo;est-ce pas l&rsquo;avenir post-moderne de notre pays, de nos politiques publiques<a class="footnotecall" href="#ftn23" id="bodyftn23">23</a>&nbsp;?</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> <a href="http://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/guides/fr/les-commissions-d-enquete-au-quebec-depuis-1867/7590-commission-castonguay-nepveu-1967-72">http://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/guides/fr/les-commissions-d-enquete-au-quebec-depuis-1867/7590-commission-castonguay-nepveu-1967-72</a> (Vu le 10/09/2019)</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> Le c&eacute;l&egrave;bre roman de Gabrielle Roy, <em>Bonheur d&rsquo;occasion</em>, Montr&eacute;al, Bor&eacute;al, donne une bonne image de l&rsquo;un des quartiers de Montr&eacute;al durant la seconde guerre mondiale.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> Notamment &agrave; Sherbroocke autour du CHU de cette ville et de leaders charismatiques comme Thomas Boudreau.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> Voir Jean-Fran&ccedil;ois M&eacute;dard, <em>Communaut&eacute; locale et organisation communautaire aux &Eacute;tats-Unis, Paris, 1969, &eacute;ditions de la Fondation nationale des sciences politiques / Armand Colin. </em>On utilise aussi les concepts de travail social communautaire et de sant&eacute; communautaire.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> Les deux figures phares de ce courant sont deux religieux fran&ccedil;ais le p&egrave;re Louis-Joseph Lebret, fondateur d&rsquo;Economie &amp; Humanisme et le p&egrave;re Henri D&eacute;roche fondateur du Coll&egrave;ge coop&eacute;ratif.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> Voir notamment Fr&eacute;d&eacute;ric Lesemann, <em>Du pain et des services, La r&eacute;forme de la sant&eacute; et des services sociaux au Qu&eacute;bec</em>, Editions coop&eacute;ratives Albert Saint-Martin, Montr&eacute;al, 1981, 230&nbsp;p.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> Ce point est un leitmotiv des politiques sociales nord-am&eacute;ricaines voir, Jacques Donzelot, <em>Faire soci&eacute;t&eacute;, la politique de la ville aux Etats-Unis et en France</em>, Seuil, 2003.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> Plusieurs manuels classiques d&rsquo;organisation communautaire Qu&eacute;b&eacute;cois&nbsp;: Henri Lamoureux, Robert Mayer, Jean-Panet Raymond, <em>L&rsquo;intervention communautaire</em>, Editions Saint-Martin, Montr&eacute;al, 1984, deuxi&egrave;me &eacute;dition augment&eacute;e en 2003 aux Presses de l&rsquo;Universit&eacute; du Qu&eacute;bec, Fran&ccedil;ois Marcotte, <em>l&rsquo;Action communautaire,</em> &eacute;ditions Saint-Martin, Montr&eacute;al, 1986, Denis Bourque, Yvan Commeau, Louis Favreau, Lucie Fr&eacute;chette, <em>L&rsquo;organisation communautaire, fondements, approches et champs de pratique</em>, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; du Qu&eacute;bec, 2008, 526p., Jocelyne Dufort et J&eacute;rome Gay, <em>Agir au c&oelig;ur des communaut&eacute;s</em>, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; Laval, 2001, 405&nbsp;p.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> La France refuse de fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale d&rsquo;utiliser le vocabulaire international li&eacute; au travail social et au d&eacute;veloppement local. Le travail social communautaire est dans le vocabulaire international l&rsquo;action de professionnels du secteur social charg&eacute;s d&rsquo;&eacute;laborer des diagnostics locaux participatifs, d&rsquo;&eacute;laborer des projets locaux et de n&eacute;gocier leur int&eacute;gration dans les programmes des politiques publiques, de les mettre en &oelig;uvre et de les &eacute;valuer de fa&ccedil;on participative. Le concept de sant&eacute; communautaire lui est parall&egrave;le. On retrouve dans les domaines de l&rsquo;&eacute;ducation, du logement&hellip; des concepts similaires. L&rsquo;ensemble de ces d&eacute;marches territoriales participatives sont int&eacute;gr&eacute;es dans le vocabulaire international sous le concept d&rsquo;organisation communautaire. Le Haut Comit&eacute; en Travail Social travaille sur la publication d&rsquo;un guide m&eacute;thodologique en d&eacute;veloppement social dont les premi&egrave;res &eacute;bauches montrent une certaine ouverture sur le vocabulaire international. <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/developpement-social_mandat-2.pdf">https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/developpement-social_mandat-2.pdf</a></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> Les programmes universitaires de formation des professionnels doivent recevoir une accr&eacute;ditation des organisations membres de l&rsquo;Office des professions.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> La tradition parlementaire canadienne d&eacute;signe pour chaque province les lois dans un premier temps par le N&deg;&nbsp;chronologique de leur pr&eacute;sentation au parlement au cours de l&rsquo;ann&eacute;e. Une fois d&eacute;battue et valid&eacute;e la loi est int&eacute;gr&eacute;e dans le registre des lois de l&rsquo;ann&eacute;e en tant que chapitre de la loi de l&rsquo;ann&eacute;e. La r&eacute;forme de la sant&eacute; et des services sociaux est donc d&eacute;sign&eacute;e d&rsquo;abord comme projet de loi 65 ou plus directement loi 65 (avec plusieurs versions successives au cours des d&eacute;bats parlementaires) et publi&eacute;e en fin d&rsquo;ann&eacute;e comme chapitre 48 de &laquo;&nbsp;la loi&nbsp;&raquo; vot&eacute;e en 1971. Les modifications de la R&eacute;forme se feront alors par modification du chapitre 48 de la loi de 1971.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> En signant des conventions directement avec le Minist&egrave;re des Affaires sociales.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> Tous les services sont enti&egrave;rement gratuits, seule une partie des m&eacute;dicaments restent &agrave; la charge des familles. L&rsquo;acte du m&eacute;decin est pris en charge directement par l&rsquo;assurance maladie. L&rsquo;usager ne fait pas l&rsquo;avance et n&rsquo;est pas ensuite rembours&eacute;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> Th&egrave;se de F. Lesemannn, voir op.cit.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> Marc Renaud, <em>Les r&eacute;formes qu&eacute;b&eacute;coises de la sant&eacute; ou les aventures d&#39;un &Eacute;tat &laquo;&nbsp;narcissique&nbsp;&raquo;, </em>article publi&eacute; dans l&rsquo;ouvrage collectif dirig&eacute; par de Luciano Bozzini, Marc Renaud, Dominique Gaucher et Jaime Llambias-Wolff, M&eacute;decine et soci&eacute;t&eacute;. Les ann&eacute;es 80, pp.&nbsp;513-549. Montr&eacute;al&nbsp;: Les &Eacute;ditions coop&eacute;ratives Albert Saint-Martin, 1981, 554 pp.&nbsp;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> Larivi&egrave;re, C. (2008). <em>L&rsquo;impact de la restructuration du r&eacute;seau sur la pratique professionnelle</em>, Rapport du Projet de recherche r&eacute;alis&eacute; par le Comit&eacute; de la pratique concernant les r&eacute;seaux locaux de sant&eacute; et de services sociaux de l&rsquo;OTSTCFQ, [en ligne&nbsp;: <a href="http://www.otstcfq.org/docs/default-document-library/rapport-larivi%C3%A8re-2-final.pdf?sfvrsn=0">http://www.otstcfq.org/docs/default-document-library/rapport-larivi%C3%A8re-2-final.pdf?sfvrsn=0</a>], consult&eacute; le 9 novembre 2014.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> Jocelyne Lamoureux et Fr&eacute;d&eacute;ric Lesemann, <em>La fili&egrave;re d&rsquo;action sociale,</em> rapport &agrave; la commission d&rsquo;enqu&ecirc;te sur la sant&eacute; et les services sociaux, (dite commission Rochon), Qu&eacute;bec, 1987.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> Claude Larivi&egrave;re, <em>L&rsquo;impact de la restructuration du r&eacute;seau sur la pratique professionnelle</em>, op.&nbsp;cit..</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn19" id="ftn19">19</a> En se r&eacute;f&eacute;rant &agrave; la p&eacute;riode de la premi&egrave;re concentration et de la cr&eacute;ation des CSSS voir l&rsquo;excellent petit ouvrage&nbsp;: Denis Bourque, Ren&eacute; Lachapelle, <em>Service public, participation et citoyennet&eacute;, L&rsquo;organisation communautaire en CSSS</em>, Presses de l&rsquo;universit&eacute; du Qu&eacute;bec, Montr&eacute;al, 2010, 164&nbsp;p.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn20" id="ftn20">20</a> Voir Claude Larivi&egrave;re, Au Qu&eacute;bec, <em>L&rsquo;intervention volontaire aupr&egrave;s des personnes vuln&eacute;rables</em>, Le Sociographe, N&deg;&nbsp;67, p.&nbsp;63-71.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn21" id="ftn21">21</a> Voir sous la direction de Jean-Marie Gourvil et Michel Kaizer, <em>Se former au d&eacute;veloppement social local</em>, Dunod, 2008, 376&nbsp;p. Voir aussi article D&eacute;veloppement social local, <em>Nouveau dictionnaire critique de l&rsquo;Action sociale,</em> Bayard, 1995.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn22" id="ftn22">22</a> <a href="http://w4.uqo.ca/crcoc/">http://w4.uqo.ca/crcoc/</a> (vu le 13/09/2019). Voir Cyprien Avenel et Denis Bourque<em>, Les nouvelles dynamiques du d&eacute;veloppement</em>, Champ social, 2017, 244&nbsp;p.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn23" id="ftn23">23</a> Voir l&rsquo;article remarquable d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne Strohl (IGAS), Repenser l&rsquo;intervention sociale<em>, Le Sociographe,</em> N&deg;&nbsp;67, p.&nbsp;37-49. La modernit&eacute; s&rsquo;effondre, comment repenser l&rsquo;apr&egrave;s modernit&eacute;&nbsp;?</p>