<p class="texte"><strong>DOSSIER : POLITIQUE DE SANTE</strong></p> <p class="texte"><em>Vincent Fouques Duparc, docteur en m&eacute;decine. Administrateur du GCS Axant&eacute;.</em></p> <p class="texte"><strong>SOMMAIRE</strong></p> <p><strong>Les enjeux fran&ccedil;ais et l&rsquo;actualit&eacute; territoriale</strong></p> <p><strong>Les territoires</strong></p> <p><strong>L&rsquo;organisation de l&rsquo;offre des soins hospitaliers</strong></p> <p><strong>L&rsquo;organisation de l&rsquo;offre des soins de ville</strong></p> <p><strong>L&rsquo;organisation de l&rsquo;offre m&eacute;dico-sociale et sociale</strong></p> <p><strong>L&rsquo;enjeu de la citoyennet&eacute;</strong></p> <p><strong>L&rsquo;enjeu des d&eacute;bats actuels</strong></p> <p><strong>La nouvelle loi fran&ccedil;aise &laquo;&nbsp;ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo;</strong></p> <p><strong>Cadrage de la loi</strong></p> <p><strong>Des constats de diagnostics publiquement avanc&eacute;s&nbsp;</strong></p> <p><strong>Approche globalisante</strong></p> <p><strong>Nouvelles organisations hospitali&egrave;res</strong></p> <p><strong>Responsabilisation des patients</strong></p> <p><strong>Favoriser l&rsquo;exercice coordonn&eacute; en ville</strong></p> <p><strong>Nouvelle organisation des &eacute;tudes en sant&eacute;&nbsp;: Refonte par la r&eacute;forme des &eacute;tudes en sant&eacute; et de la formation des professionnels</strong></p> <p><strong>Critiques de la loi &laquo;&nbsp;ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo;</strong></p> <p><strong>Conclusion</strong></p> <p class="texte">Depuis un certain temps, la France s&rsquo;interrogeait sur les fa&ccedil;ons de cadrer &laquo;&nbsp;d&rsquo;une plus juste fa&ccedil;on&nbsp;&raquo; la r&eacute;organisation du fonctionnement de son syst&egrave;me de sant&eacute;, ceci devant &ecirc;tre abord&eacute; en tenant compte de la globalit&eacute; prise au c&oelig;ur de sa complexit&eacute;.</p> <p class="texte">Les sympt&ocirc;mes des crises structurelles qui s&rsquo;ajoutaient les unes aux autres en faisaient sa n&eacute;cessit&eacute;. Citons ici les sympt&ocirc;mes les plus encombrants, tels que ceux de la difficult&eacute; d&rsquo;acc&egrave;s aux soins non programm&eacute;s, de l&rsquo;engorgement des services d&rsquo;urgence des h&ocirc;pitaux, des contraintes financi&egrave;res des h&ocirc;pitaux publiques li&eacute;es &agrave; leurs dettes chroniques, de la d&eacute;sertification m&eacute;dicale autant du monde rural que de certaines des grandes villes, du d&eacute;couragement ou de l&rsquo;&eacute;puisement de nombreux professionnels du soin et du social, enfin du sympt&ocirc;me tr&egrave;s signifiant du transfert, dans l&rsquo;univers du soin, de probl&eacute;matiques li&eacute;es &agrave; des &laquo;&nbsp;souffrances&nbsp;sociales&nbsp;&raquo; qui ne rel&egrave;vent aucunement du soin mais bien davantage du social.</p> <p class="texte">Sur ce dernier point, en particulier, se cristallisent des dysfonctionnements structurels &agrave; relier au renversement de la pyramide des &acirc;ges, le vieillissement de la population venant en effet, dans sa brutale r&eacute;alit&eacute;, bousculer de toutes parts les r&eacute;sistances des habitudes du fonctionnement d&rsquo;un syst&egrave;me devenu aujourd&rsquo;hui parfaitement inop&eacute;rant.</p> <p class="texte">La nouvelle loi fran&ccedil;aise &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; (Loi n&deg;&nbsp;2019-774 du 24 juillet 2019 relative &agrave; l&rsquo;organisation et &agrave; la transformation du syst&egrave;me de sant&eacute;), met donc en &oelig;uvre des mesures pr&eacute;sent&eacute;es par le pr&eacute;sident de la R&eacute;publique lors de son discours du 18 septembre 2018. Cette loi a &eacute;t&eacute; publi&eacute;e au &laquo;&nbsp;Journal Officiel&nbsp;&raquo; le 26 juillet 2019 et sera encadr&eacute;e par des d&eacute;crets d&rsquo;application &agrave; para&icirc;tre, tous destin&eacute;s &agrave; la mise en &oelig;uvre de mesures devant ouvrir de nouvelles perspectives, voire des propositions franchement disruptives, dans une s&eacute;rie d&rsquo;axes de progr&egrave;s concernant la logique de ses r&eacute;formes.</p> <p class="texte">Pour n&rsquo;en citer que quelques-unes, nous parlerons d&rsquo;un d&eacute;cloisonnement des formations comme des carri&egrave;res, la meilleure gestion territoriale d&eacute;cloisonn&eacute;e de la demande de soins et d&rsquo;accompagnement social (ceci autant en amont qu&rsquo;en aval des h&ocirc;pitaux), la participation collective et coordonn&eacute;e des acteurs locaux &agrave; de nouvelles organisations de territoire, la conduite de nouveaux projets de sant&eacute; sur les territoires support&eacute;e par la cr&eacute;ation des CPTS (Communaut&eacute; Professionnelles de Territoire de Sant&eacute;), l&rsquo;affirmation d&rsquo;une n&eacute;cessaire graduation des soins &agrave; partir de la proximit&eacute; en d&eacute;veloppant, en particulier, une offre hospitali&egrave;re de proximit&eacute; ouverte sur la ville et sur le secteur m&eacute;dico-social, la place au num&eacute;rique en sant&eacute; avec la t&eacute;l&eacute;sant&eacute; (dossier patient, t&eacute;l&eacute;m&eacute;decine, t&eacute;l&eacute;expertises et t&eacute;l&eacute;soins).</p> <p class="texte">La pr&eacute;occupation structurante, affich&eacute;e ici tout au long des textes de cette nouvelle loi, est &agrave; marquer dans le marbre de la compr&eacute;hension de son &eacute;tat d&rsquo;esprit. Cette pr&eacute;occupation est bien celle de savoir revenir &agrave; une prise en charge globale, coordonn&eacute;e et individuelle de &laquo;&nbsp;La personne&nbsp;&raquo; devant &ecirc;tre prise en charge dans toute sa complexit&eacute; et au plus pr&egrave;s de son domicile. La responsabilit&eacute; sur ce point est ici pr&eacute;sent&eacute;e comme devant &ecirc;tre partag&eacute;e entre tous, autant par la dynamique des structures vivantes sur le territoire concern&eacute; que par ses &eacute;lus, ses professionnels, les malades comme chacun des citoyens consid&eacute;r&eacute;s.</p> <p class="texte">En un premier temps, nous survolerons l&rsquo;&eacute;tat des lieux des profonds dysfonctionnements dont souffre encore aujourd&rsquo;hui &laquo;&nbsp;La France&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;organisation territoriale du soin et du social. Nous aborderons ensuite les enjeux de la r&eacute;forme actuellement en cours, les intentions de la nouvelle loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; avant de tenter d&rsquo;en analyser ses forces comme ses faiblesses. Nous terminerons enfin en nous inspirant des le&ccedil;ons port&eacute;es par l&rsquo;histoire r&eacute;cente &agrave; partir de l&rsquo;article de Jean-Marie Gourvil qui traite dans ce m&ecirc;me dossier sp&eacute;cial des Cahiers de Psychologie Politique, de la r&eacute;forme de la sant&eacute; et des services sociaux au Qu&eacute;bec, ceci durant les ann&eacute;es 1970. Cette mise en perspective nous permettra ainsi de valider les grandes intentions de cette r&eacute;forme. Cela nous incitera peut-&ecirc;tre &agrave; prendre conscience que depuis de nombreuses ann&eacute;es les intellectuels r&eacute;fl&eacute;chissant sur l&rsquo;organisation de la sant&eacute; et au niveau international, proposent tous, un mode de gestion &agrave; point de d&eacute;part territorialis&eacute;, de type d&eacute;centralis&eacute; et participatif, allant de la sant&eacute; au social, et ceci &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; des habitudes anciennes de notre gestion jacobine fondamentalement centralis&eacute;e. Il en est une preuve, encore aujourd&rsquo;hui, celle des marques d&rsquo;influences encore palpables de l&rsquo;offre des soins con&ccedil;ue par la loi Debr&eacute; de 1958, et articul&eacute;e &agrave; partir des centres d&rsquo;excellences et d&rsquo;expertises que repr&eacute;sentent les Centre Hospitalier Universitaire (CHU) destin&eacute;s, avant tout, &agrave; la prise en charge des soins aigus, tout comme &agrave; la formation et &agrave; la recherche m&eacute;dicale sp&eacute;cialis&eacute;e</p> <h1 class="texte">Les enjeux fran&ccedil;ais et l&rsquo;actualit&eacute; territoriale</h1> <p class="texte">Est-ce la politique publique de sant&eacute; qui fa&ccedil;onne nos pratiques de sant&eacute;, ou est-ce nos pratiques qui nourrissent la politique de sant&eacute;&nbsp;?</p> <p class="texte">En France, l&rsquo;actualit&eacute; territoriale et ses enjeux organisationnels trouvent leurs sources en remontant sur plusieurs d&eacute;cennies. Elles ont &eacute;t&eacute; principalement le fait impos&eacute; des politiques publiques de sant&eacute; fa&ccedil;onn&eacute;es qu&rsquo;elles &eacute;taient des principes directeurs tir&eacute;s de la gestion techno-financi&egrave;re. Ces principes de base ont orient&eacute; de ce fait, avec forces et d&eacute;terminations aveugles, l&rsquo;ensemble des pratiques professionnelles de la sant&eacute; et du social pour les mener les unes comme les autres au c&oelig;ur d&rsquo;un imbroglio d&rsquo;une extr&ecirc;me complexit&eacute; fig&eacute;e par le non-sens de ses cons&eacute;quences. C&rsquo;est donc &agrave; partir d&rsquo;une situation quasiment pr&eacute;-chaotique, sur laquelle grandit actuellement le malaise des patients comme celui des soignants et des aidants, que les toutes nouvelles orientations prises par les politiques publiques de sant&eacute; sont venues <em><span style="text-decoration:underline;">in fine</span></em> inspirer l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;esprit de la nouvelle loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo;. Il semblerait que les pouvoirs publics ont enfin tendu l&rsquo;oreille &agrave; la rumeur qui gronde, remettant aux habitants des territoires la main pour accompagner une dynamique de d&eacute;marche projet fond&eacute;e sur la responsabilit&eacute; collective et partag&eacute;e. L&rsquo;objectif est bien celui de savoir repenser l&rsquo;organisation de l&rsquo;offre des soins et des services sociaux &agrave; partir de sa plus grande vuln&eacute;rabilit&eacute; de proximit&eacute;.</p> <p class="texte">Cette nouvelle dynamique de territoire, d&rsquo;inspiration girondine apparente, rel&egrave;ve dans la r&eacute;alit&eacute; d&rsquo;un financement centralis&eacute; parfaitement jacobin. Il est sollicit&eacute; clairement la responsabilit&eacute; crois&eacute;e des professionnels de sant&eacute; et du social, des &eacute;lus, des citoyens et des malades experts, finalement de toutes les personnes capables et disponibles pour faire revivre l&rsquo;harmonie attendue, en esp&eacute;rant, de ce fait, que les territoires soient remis en ordre de marche sous une sorte d&rsquo;intelligence collective proc&eacute;dant des forces vives du territoire. Certains pourraient y voir ici l&rsquo;aveu tardif de la reconnaissance de l&rsquo;&eacute;chec du politique, rest&eacute; emprisonn&eacute; trop longtemps par les cadres &eacute;troits de ses anciennes strat&eacute;gies territoriales de sant&eacute; et du social. Le politique ne s&rsquo;est-il pas mis lui-m&ecirc;me dans l&rsquo;obligation de devoir remettre aujourd&rsquo;hui la fragilit&eacute; actuelle de ses territoires dans les mains de chacun des citoyens, avec, pour chacun, un appel &agrave; la responsabilit&eacute; comme &agrave; l&rsquo;intelligence collective de relever le d&eacute;fi de la renaissance du bon sens dans les affaires communes, et ceci &agrave; l&rsquo;endroit m&ecirc;me de ses &eacute;checs. Cr&eacute;er, c&rsquo;est donner une forme &agrave; son destin&nbsp;disait Albert Camus. Cr&eacute;er, ici, cela va donc prendre la forme d&rsquo;une responsabilit&eacute; partag&eacute;e collectivement &agrave; vouloir refuser la d&eacute;sesp&eacute;rance d&rsquo;une fatalit&eacute; autant &eacute;conomique que biologique,&nbsp;fatalit&eacute;s dans lesquelles le monde des professionnels de la sant&eacute;, du soin et du social a &eacute;t&eacute; entrain&eacute;. L&rsquo;incitation &agrave; l&rsquo;usage de la d&eacute;mocratie sanitaire est ici d&eacute;pass&eacute;e par celui de la pratique territoriale d&rsquo;une d&eacute;mocratie en sant&eacute;.</p> <p class="texte">La signature de notre esp&egrave;ce &eacute;tant, pour Roland Gori, celle de savoir prendre soin de la vuln&eacute;rabilit&eacute;, les professionnels concern&eacute;s par la sant&eacute; et le social savent effectivement de quoi il ressort. Par un certain manque d&rsquo;horizon moral, &eacute;thique subjectif et spirituel, le politique n&rsquo;a-t-il pas mis en emp&ecirc;chement les conduites et les pulsions de ces professionnels en ses libert&eacute;s cr&eacute;atives du &laquo;&nbsp;prendre soin&nbsp;&raquo;&nbsp;?</p> <p class="texte">Dans trois de mes r&eacute;cents articles des Cahiers de Psychologie Politiques<sup><a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a></sup>, j&rsquo;ai d&eacute;nonc&eacute; l&rsquo;existence d&rsquo;une d&eacute;rive m&eacute;dicale de type techno-scientifique, ce qui posait directement la question de savoir ce qui restait d&rsquo;humain dans les pratiques m&eacute;dicales et sociales, actuelles et &agrave; venir. La mani&egrave;re de gouverner n&rsquo;est-elle pas indissociable de la mani&egrave;re dont on se gouverne personnellement&nbsp;? &laquo;&nbsp;La Pr&eacute;sence &agrave; soi-m&ecirc;me comme pr&eacute;alable &agrave; la pr&eacute;sence &agrave; l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; &eacute;tant pos&eacute;e par l&rsquo;auteur dans ses trois articles, la question prend aujourd&rsquo;hui une toute nouvelle et certaine actualit&eacute;, au moment ou &laquo;&nbsp;La personne&nbsp;&raquo; est remise au go&ucirc;t du jour de par la force de la loi. Cela ne pourrait-il pas venir &eacute;clairer d&rsquo;un nouveau sursaut d&rsquo;humanisme l&rsquo;ombre dans laquelle se trouve actuellement les soignants tout autant que les soign&eacute;s.</p> <p class="texte">La question du discernement n&rsquo;est-elle pas ici de savoir o&ugrave; s&rsquo;abreuvent les racines des institutions qui s&rsquo;imposent aujourd&rsquo;hui au c&oelig;ur des hommes de pouvoir&nbsp;? C&rsquo;est pourquoi les enjeux cruciaux, tels que la r&eacute;organisation de l&rsquo;offre des soins et des services sur un territoire, reposent assur&eacute;ment sur la capacit&eacute; des Fran&ccedil;ais &agrave; savoir analyser finement la complexit&eacute; de la crise actuelle vue &agrave; partir de ses valeurs morales.</p> <p class="texte">Ne faut-il pas avoir le courage et la lucidit&eacute; de r&eacute;inventer aujourd&rsquo;hui ce que l&rsquo;on attend du soin, du social, de l&rsquo;&eacute;ducation, de la justice, de la culture, de la formation, et de la transmission des connaissances.</p> <h1 class="texte">Les territoires</h1> <h2 class="texte">L&rsquo;organisation de l&rsquo;offre des soins hospitaliers</h2> <p class="texte">La d&eacute;livrance des soins &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital est encore consid&eacute;r&eacute;e comme &eacute;tant une d&eacute;pense et toujours pas comme &eacute;tant une activit&eacute; dont une partie serait &agrave; consid&eacute;rer &agrave; part enti&egrave;re. C&rsquo;est cependant une r&eacute;alit&eacute; que de constater aujourd&rsquo;hui que le montant des budgets annuels des d&eacute;penses d&rsquo;un &eacute;tablissement hospitalier est, aux deux tiers, destin&eacute; &agrave; financer la part salariale. C&rsquo;est pour cette juste raison qu&rsquo;un &eacute;lu de la R&eacute;publique sait tr&egrave;s bien que (son) l&rsquo;h&ocirc;pital du (de son) territoire consid&eacute;r&eacute; est le plus gros des employeurs de sa circonscription. Ce paradoxe ne saute pas aussi facilement aux yeux des financeurs de l&rsquo;&Eacute;tat. Ainsi, et pour cette raison, le budget des h&ocirc;pitaux subit, comme toutes les autres activit&eacute;s, la domination de l&rsquo;influence d&rsquo;un contr&ocirc;le quantitatif relevant aveugl&eacute;ment d&rsquo;une forte emprise d&rsquo;&eacute;valuation uniquement techno-financi&egrave;re.</p> <p class="texte">Depuis la loi de 2007, l&rsquo;h&ocirc;pital a &eacute;t&eacute; mis sous le carcan d&rsquo;une &eacute;valuation quantitative des actes mis en cotation par la tarification &agrave; l&rsquo;activit&eacute;&nbsp;(T2A). Cette tarification &agrave; l&rsquo;acte donne aux soins l&rsquo;aspect d&rsquo;un distributeur d&rsquo;actes qui se succ&egrave;dent sans tenir compte de la valeur et du sens que doit garder &laquo;&nbsp;le temps th&eacute;rapeutique non technicis&eacute;&nbsp;&raquo;. Ce syst&egrave;me en perte de sens assur&eacute;&nbsp;(&nbsp;!) rencontre aujourd&rsquo;hui la performance quantitative des assistants algorithmiques informatis&eacute;s qui viennent apporter, en support de d&eacute;cision du module de cotation, un seul et meilleur objectif, celui de rentabilit&eacute; financi&egrave;re. Il n&rsquo;est alors plus tenu aucun compte ni des besoins qualitatifs d&rsquo;&eacute;coute et d&rsquo;accompagnement du malade, ni du temps m&eacute;dical pass&eacute; &agrave; cet effet.</p> <p class="texte">La loi de l&rsquo;argent se confirme donc ici comme &eacute;tant directement pr&eacute;sente et bien souvent prioritaire aux d&eacute;cisions comme aux choix des traitements. Par ailleurs, les d&eacute;ficits hospitaliers publics sont partout chroniques d&egrave;s lors qu&rsquo;ils reposent sur un vote national annuel des budgets publics hospitaliers, vote soumis aux strictes restrictions de la dette nationale. La d&eacute;cision toute r&eacute;cente prise par la Premier Ministre d&rsquo;une reprise par l&rsquo;&Eacute;tat d&rsquo;une partie de la dette structurelle des h&ocirc;pitaux publics en dit long sur l&rsquo;incoh&eacute;rence du syst&egrave;me en place.</p> <p class="texte">Comme cela a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; dit plus haut, l&rsquo;offre strat&eacute;gique des h&ocirc;pitaux publiques doit sortir au plus vite de l&rsquo;esprit de la Loi Debr&eacute; 1958, l&rsquo;hospitalo-centrisme qui en caract&eacute;rise ses objectifs territoriaux fix&eacute;s &agrave; l&rsquo;&eacute;poque n&rsquo;&eacute;tant plus op&eacute;rable ni &agrave; l&rsquo;ordre du jour. En effet, dans le contexte des ann&eacute;es 1950, il s&rsquo;agissait de savoir bien &eacute;quiper la France en h&ocirc;pitaux publics pour savoir r&eacute;pondre comme il fallait aux besoins m&eacute;dico-hospitaliers sp&eacute;cifiques &agrave; la population du moment, jeune et pleine d&rsquo;avenir (baby-boom d&rsquo;apr&egrave;s guerre). Les soins aigus &eacute;taient alors privil&eacute;gi&eacute;s et la technologie m&eacute;dicale avanc&eacute;e reconnue comme r&eacute;f&eacute;rence d&rsquo;exigence de qualit&eacute;.</p> <p class="texte">C&rsquo;est cette saturation hospitali&egrave;re que nous subissons encore aujourd&rsquo;hui tourn&eacute;e autour des soins aigus, qui ne sait r&eacute;pondre comme il le faudrait aux besoins r&eacute;els de la population, tendue qu&rsquo;elle est de nos jours par sa courbe d&eacute;mographique invers&eacute;e, le papy-boom actuel &eacute;tant la marque incontournable de ses besoins.</p> <p class="texte">Les prises en charges des situations complexes des personnes &acirc;g&eacute;es atteintes de poly-pathologies chroniques deviennent en effet de plus en plus fr&eacute;quentes, n&eacute;cessitant pour cette raison de revoir du d&eacute;but &agrave; la fin toute la logique des strat&eacute;gies th&eacute;rapeutiques et sociales reposant par nature sur une prise en charge complexe de type m&eacute;dico-psycho-sociale.</p> <p class="texte">Dans ce contexte, la mis&egrave;re symbolique d&rsquo;un soin bien souvent inadapt&eacute; prend tout son sens du fait que la machine lui confisque la complexit&eacute; de son savoir-faire et de son savoir-&ecirc;tre. Le mode d&rsquo;emploi de la machine devient ici ce qui dicte la simple logique de ses proc&eacute;dures. &Agrave; vouloir rechercher la culture de l&rsquo;&eacute;conomie et de l&rsquo;efficacit&eacute;, le monde hospitalier a &eacute;t&eacute; mis, pour ces raisons, en situation de pr&eacute;-rupture, cette d&eacute;rive de sens n&rsquo;arrivant plus &agrave; rendre le juste soin en rapport avec l&rsquo;&eacute;volution des grandes tendances du monde. Il suffit de constater la situation d&rsquo;&eacute;tranglement effroyable dans laquelle se trouvent mis les services d&rsquo;urgence des h&ocirc;pitaux. La souffrance morale des soignants au c&oelig;ur du travail hospitalier est palpable, le burn-out est le signe d&rsquo;une &eacute;pid&eacute;mie qui prend aujourd&rsquo;hui une dimension parfaitement inqui&eacute;tante, sans parler du drame de l&rsquo;augmentation r&eacute;guli&egrave;re des suicides que l&rsquo;on constate jusqu&rsquo;au c&oelig;ur m&ecirc;me de l&rsquo;h&ocirc;pital.</p> <p class="texte">L&rsquo;obsession du m&eacute;dical dans cette &eacute;preuve n&rsquo;a cependant pas sa place ici. Il faut consid&eacute;rer tout aussi gravement le malaise actuel des infirmi&egrave;res, des aides-soignantes, et autres personnels m&eacute;dicaux-sociaux travaillant dans les h&ocirc;pitaux.</p> <h2 class="texte">L&rsquo;organisation de l&rsquo;offre des soins de ville</h2> <p class="texte">L&rsquo;organisation de l&rsquo;offre des soins de ville repose encore aujourd&rsquo;hui, il faut bien le reconna&icirc;tre, sur des pratiques qui remontent aux ann&eacute;es 1930. Dans ce contexte, les habitudes prises ne sont plus adapt&eacute;es au monde tel que nous avons &agrave; le vivre. Nous parlons ici, une nouvelle fois, de l&rsquo;encadrement financier strictement d&eacute;di&eacute; aux d&eacute;penses de la m&eacute;decine de ville, &agrave; celles de la modification et de la complexit&eacute; des situations m&eacute;dico-sociales li&eacute;es au grand &acirc;ge et aux poly-pathologies, celles de la modification de la pratique m&eacute;dicale f&eacute;minis&eacute;e comme celles des besoins distractifs nouveaux des plus jeunes g&eacute;n&eacute;rations, celles li&eacute;es &agrave; la baisse de la d&eacute;mographie m&eacute;dicale et de l&rsquo;encadrement m&eacute;dico-administratif des pratiques m&eacute;dicales. Toutes ces donn&eacute;es complexes regroup&eacute;es les unes aux autres rendent aujourd&rsquo;hui, c&rsquo;est une &eacute;vidence, la pratique m&eacute;dicale de ville parfaitement insupportable pour de plus en plus de professionnels de sant&eacute;.</p> <p class="texte">La disparition de la dimension artisanale des m&eacute;tiers du soin, la diminution historique du temps m&eacute;dical disponible, l&rsquo;imposition des protocoles de contr&ocirc;les et d&rsquo;&eacute;valuations, uniquement quantitatifs en perte de sens, l&rsquo;obligation de suivre des r&egrave;gles de bonnes pratiques, la num&eacute;risation des actes, tout ceci incite &agrave; consid&eacute;rer aujourd&rsquo;hui la m&eacute;decine de ville comme &eacute;tant en situation de pr&eacute;-rupture, rejoignant ainsi l&rsquo;&eacute;tat douloureux de son &laquo;&nbsp;fr&egrave;re ennemi traditionnel&nbsp;&raquo;, s&rsquo;agissant de l&rsquo;h&ocirc;pital. La souffrance morale des m&eacute;decins de ville est palpable, le burn-out est une &eacute;pid&eacute;mie qui prend, au m&ecirc;me titre que l&rsquo;h&ocirc;pital, une dimension parfaitement inqui&eacute;tante. Devant les drames des suicides jusqu&rsquo;au c&oelig;ur des cabinets m&eacute;dicaux, le Conseil National de l&rsquo;Ordre des M&eacute;decins a d&eacute;cid&eacute; d&rsquo;ouvrir r&eacute;cemment une ligne d&rsquo;&eacute;coute t&eacute;l&eacute;phonique destin&eacute;e aux m&eacute;decins en difficult&eacute; psychologique.</p> <p class="texte">Une assistance sp&eacute;cifique, psychologique et sociale est mise en place aupr&egrave;s des m&eacute;decins fragilis&eacute;s, reposant autant sur des proc&eacute;dures de soutiens que sur celles d&rsquo;accueils en h&eacute;bergement, autant que de besoins.</p> <h2 class="texte">L&rsquo;organisation de l&rsquo;offre m&eacute;dico-sociale et sociale</h2> <p class="texte">Le travailleur social, tout comme celui du soin, est aujourd&rsquo;hui sous le poids des m&ecirc;mes dictatures impos&eacute;es par les contraintes technico-financi&egrave;res, par la rigueur des &eacute;valuations des pratiques faisant perdre, bien souvent, le bon sens du travail social &agrave; ceux qui en ont la charge. Les &eacute;valuations quantitatives, impos&eacute;es par une vision du court terme, servent plus &agrave; l&rsquo;obsolescence des m&eacute;tiers du soin et du social qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&eacute;valuation de la qualit&eacute; de leurs pratiques. Les politiques sociales des territoires, multiples et vari&eacute;es, ont rendu particuli&egrave;rement complexe autant son management que sa lisibilit&eacute;.</p> <p class="texte">L&rsquo;arriv&eacute;e des Agences R&eacute;gionales de Sant&eacute; (ARS), s&rsquo;est faite en mode de pr&eacute;figuration sur tout le territoire fran&ccedil;ais d&egrave;s 2009. Leurs missions consistaient &agrave; r&eacute;ussir le regroupement r&eacute;gional op&eacute;rationnel de l&rsquo;activit&eacute; du sanitaire, du m&eacute;dical, du m&eacute;dico-social ainsi que certaines autres missions du social. L&rsquo;inflation des normes, des lois, et des organisations qui se sont superpos&eacute;es depuis, en s&rsquo;interp&eacute;n&eacute;trant les unes aux autres, retirent de ce fait toute vision globale et performante aux performances vis&eacute;es &agrave; partir des organisations sociales et m&eacute;dico-sociales.</p> <p class="texte">Arriver &agrave; lever les cloisonnements traditionnels qui s&eacute;paraient depuis bien longtemps le sanitaire du m&eacute;dical, le m&eacute;dico-social du social sur l&rsquo;ensemble des territoires s&rsquo;est heurt&eacute; &agrave; un certain niveau d&rsquo;opposition et donc d&rsquo;&eacute;checs, il faut bien le reconna&icirc;tre. Il en va pour preuves les objectifs rectificatifs vis&eacute;s dans la nouvelle loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">En effet, les structures m&eacute;dico-sociales sont encore par trop redondantes et en doublons d&rsquo;actions, mettant frontalement en confrontations d&rsquo;op&eacute;rateurs l&rsquo;ARS et les Conseils d&eacute;partementaux des d&eacute;partements consid&eacute;r&eacute;s au sein des r&eacute;gions. Les esprits et les structures administratives en question ne sont pas encore pr&ecirc;ts &agrave; jouer la transparence collective, les convergences sollicit&eacute;es et le respect des priorit&eacute;s de gestions dues &agrave; l&rsquo;argent public. L&rsquo;&Eacute;tat s&rsquo;est repos&eacute; trop lourdement sur les Conseils D&eacute;partementaux, leurs demandant d&rsquo;assumer de lourdes charges sociales en liens nouveau avec le nombre croissant des personnes en perte d&rsquo;autonomie, personnes &acirc;g&eacute;es pour la plupart dont le nombre suit une pente d&rsquo;allure exponentielle.</p> <p class="texte">Certaines des professions des services sociaux buttent encore aujourd&rsquo;hui sur un manque criant de formations, un manque de reconnaissance et donc un manque de recrutement, ceci venant &agrave; son tour fragilise la r&eacute;ponse &agrave; donner &agrave; ceux qui en ont le plus besoin dans la reconnaissance de leur vuln&eacute;rabilit&eacute;.</p> <h1 class="texte">L&rsquo;enjeu de la citoyennet&eacute;</h1> <p class="texte">La libert&eacute; requiert la pr&eacute;sence d&rsquo;autrui, disait H. Arendt. Quel est le langage de l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;? C&rsquo;est celui de la confiance d&rsquo;un homme avec un autre homme pour Albert Camus&nbsp;!</p> <p class="texte">Et si l&rsquo;homme d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, chaque citoyen que nous sommes, &eacute;tait devenu une personne sous l&#39;emprise de tutelles, celles des forces totalitaires de la techno-finance mondiale, nous entra&icirc;nant &agrave; perdre, de ce fait, toute capacit&eacute; de confiance et de pr&eacute;sence en l&rsquo;autre, toute capacit&eacute; dans sa libert&eacute; de penser, sa libert&eacute; d&rsquo;agir comme dans sa libert&eacute; de cr&eacute;er&nbsp;?</p> <p class="texte">L&rsquo;&Eacute;tat providence persiste encore maintenant &agrave; faire croire qu&rsquo;il est toujours capable d&rsquo;apporter &agrave; chacun d&rsquo;entre nous un projet de vie, son soutien, sa solidarit&eacute; comme sa capacit&eacute; &agrave; pouvoir nous faire vivre le mieux du monde. Il est vrai que le filet social fran&ccedil;ais assure un effet pond&eacute;rateur efficace en face des turbulences du monde, mais ceci, &agrave; quel prix&nbsp;? Certains sont tent&eacute;s de vouloir transf&eacute;rer une partie de l&rsquo;aide m&eacute;dico-sociale vers les mutuelles compl&eacute;mentaires et/ou vers les compagnies d&rsquo;assurances priv&eacute;es qui sont toutes amen&eacute;es &agrave; quitter le socle de la solidarit&eacute; pour celui des param&egrave;tres math&eacute;matiques statistiques du risque consid&eacute;r&eacute;, pour soutenir l&rsquo;id&eacute;e plus op&eacute;rante qu&rsquo;ils ont aujourd&rsquo;hui de la nouvelle gestion des risques.</p> <p class="texte">La pression mise par la techno-finance dans nos vies a fait grimper l&rsquo;indice d&rsquo;inqui&eacute;tude du plus grand nombre d&rsquo;entre nous pour le pr&eacute;sent comme pour l&rsquo;avenir. Les jeunes l&rsquo;ont bien compris, en refusant culturellement l&rsquo;engagement, en privil&eacute;giant pour un certain nombre d&rsquo;entre eux le plaisir du court terme aux sagesses de la construction d&rsquo;une vie, se plongeant dans les connexions virtuelles et autres types de communications sans s&rsquo;apercevoir &agrave; quel point &laquo;&nbsp;l&rsquo;autre en &eacute;tait absent&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;un commerce bas&eacute; sur l&rsquo;encadrement de la solitude est devenu florissant et qu&rsquo;en &eacute;tant incit&eacute; &agrave; perdre de vue la nature sacr&eacute;e de l&rsquo;autre, il est fort probable que le citoyen d&rsquo;aujourd&rsquo;hui a toutes les chances de perdre du m&ecirc;me coup la notion de sa propre personne en tant qu&rsquo;&ecirc;tre porteur d&rsquo;une dimension unique. O&ugrave; sont donc pass&eacute;es les confiances, celles rencontr&eacute;es dans l&rsquo;autre, les confiances dans le sens et les efforts qu&rsquo;il y aurait &agrave; donner pour ajuster plus finement la dynamique de cr&eacute;ation de sa propre vie, les confiances dans la solidarit&eacute;, les confiances dans ceux qui nous gouvernent&nbsp;?</p> <p class="texte">L&rsquo;incitation &agrave; la fuite dans le futile est une arme redoutable pour ceux qui veulent avoir et/ou garder l&rsquo;emprise sur la conscience des hommes. Le citoyen d&rsquo;aujourd&rsquo;hui a bien souvent d&eacute;j&agrave; perdu ses rep&egrave;res sur ses richesses personnelles, au point m&ecirc;me qu&rsquo;il n&rsquo;en a parfois plus aucune conscience. Le citoyen ne risque-t-il pas de se retrouver, &agrave; court terme, remis&eacute; au niveau d&rsquo;une machine aux ordres des processus &laquo;&nbsp;de la grande machine&nbsp;&raquo;, ou de &laquo;&nbsp;ce gros animal&nbsp;social&nbsp;&raquo; &eacute;voqu&eacute; par Simone Weil, il y a d&eacute;j&agrave; plus d&rsquo;un demi-si&egrave;cle maintenant&nbsp;?</p> <p class="texte">Redonner au citoyen l&rsquo;occasion de se retourner en profondeur, de rencontrer en consid&eacute;ration sa responsabilit&eacute; de vie comme celle de l&rsquo;autre qui le construit, de retrouver le partage avec ses voisins de proximit&eacute; pour harmoniser l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;un savoir vivre et d&rsquo;un savoir &ecirc;tre ensemble, tout ceci ne deviendrait-il pas aujourd&rsquo;hui une mission de caract&egrave;re central et urgent&nbsp;?</p> <p class="texte">C&rsquo;est paradoxalement ce sur quoi semble devoir reposer l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;esprit de la nouvelle loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo;, ses pr&eacute;requis viennent nous inspirer ce constat, sauf erreur coupable d&rsquo;interpr&eacute;tation.</p> <h1 class="texte">L&rsquo;enjeu des d&eacute;bats actuels</h1> <p class="texte">Jean-Marie Gourvil cite dans son article de ce num&eacute;ro un texte &eacute;crit par H&eacute;l&egrave;ne Strohl<sup><a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a></sup> du corps de l&rsquo;Inspection G&eacute;n&eacute;rale des Affaires Sociales (IGAS) dans lequel il est possible de retrouver ici une certaine approche convergente.</p> <p class="texte">Pour un nombre de fran&ccedil;ais de plus en plus nombreux, il est devenu le fait d&rsquo;une urgence capitale que celui de pouvoir faire face &agrave; la mani&egrave;re dont il faut repenser le monde. Les pens&eacute;es techniciennes, les pens&eacute;es algorithmiques, s&rsquo;emparant en ce moment de toutes les pratiques professionnelles, comme si elles &eacute;taient un sage rep&egrave;re social et symbolique d&eacute;tournent en r&eacute;alit&eacute; de l&rsquo;essentiel qui nous occupe. Toutes ces solutions techniciennes d&eacute;sint&egrave;grent le lien social et retirent ses dimensions morales et spirituelles aux grands enjeux de la crise en cours, venant emp&ecirc;cher &laquo;&nbsp;&agrave; la dignit&eacute; de penser&nbsp;&raquo;. Ce ne serait pas tant la technique en tant que telle qui nous asservit mais bien plus une dimension &laquo;&nbsp;du sacr&eacute;&nbsp;&raquo; qui est aujourd&rsquo;hui transf&eacute;r&eacute; sur la technique m&ecirc;me. C&rsquo;est en tout cas ce qu&rsquo;enseignait d&eacute;j&agrave; Jacques Ellul.</p> <p class="texte">Retrouver la juste dimension du sacr&eacute; dans nos activit&eacute;s, redonner la place &agrave; l&rsquo;artisan et &agrave; l&rsquo;artiste dans son &oelig;uvre de cr&eacute;ation, retrouver en quelques sortes un monde &laquo;&nbsp;avec l&rsquo;esprit&nbsp;&raquo; seraient les directions des nombreuses pistes &agrave; explorer sans perdre de temps, ceci &agrave; l&rsquo;annonce d&rsquo;une profonde crise du d&eacute;senchantement de la civilisation, faisant de l&rsquo;homme un v&eacute;ritable &laquo;&nbsp;ermite de masse&nbsp;&raquo; (Roland Gori et son appel des appels de 2008). Le m&ecirc;me se demande en effet ce qui peut relier les hommes entre eux, faire en sorte qu&rsquo;ils puissent r&ecirc;ver le monde autrement, pour le transformer&nbsp;? En face de quoi, la num&eacute;risation des pratiques comme sa robotisation confirment la violence d&rsquo;une r&eacute;elle financiarisation des activit&eacute;s humaines&nbsp;: Taylorisation, fragmentation, rationalisation des pratiques professionnelles, gestion du management des ressources humaines oublieuse d&rsquo;&ecirc;tre humaine, tout cela confirme l&rsquo;actuelle lutte &laquo;&nbsp;de nature guerri&egrave;re&nbsp;&raquo; entre le techno-pouvoir financier oppos&eacute; aux valeurs humanistes. &Agrave; terme, l&rsquo;intelligence technicienne du fonctionnement du monde ne pourrait-elle pas en venir &agrave; rendre l&rsquo;homme superflu, le signal rempla&ccedil;ant la parole, ce techno-pouvoir servant autant les int&eacute;r&ecirc;ts des politiques que des &eacute;conomies&nbsp;? Alors, certains n&rsquo;h&eacute;sitent plus &agrave; privil&eacute;gier aujourd&rsquo;hui le fait que nous r&eacute;inventions les valeurs humanistes telles que port&eacute;es par l&rsquo;art et la culture, la po&eacute;sie, l&rsquo;amour et l&rsquo;amiti&eacute;.</p> <p class="texte">Retrouver la parole, l&rsquo;&eacute;change et le retour d&rsquo;exp&eacute;riences, l&rsquo;art et la culture, ne seraient-elles pas sources d&rsquo;une v&eacute;ritable r&eacute;volution anthropologique parfaitement indispensable au retour de notre &eacute;quilibre d&rsquo;hommes et de femmes&nbsp;?</p> <p class="texte">Cette r&eacute;volution impliquerait ainsi une autre mani&egrave;re de travailler, une autre mani&egrave;re de concevoir nos actes, une autre mani&egrave;re de r&eacute;habiliter l&rsquo;&oelig;uvre dans l&rsquo;exercice du travail, en retrouvant l&rsquo;&eacute;thique du m&eacute;tier, en r&eacute;-enchantant le monde, en produisant des utopies, en vivant des r&ecirc;ves, sachant que &laquo;&nbsp;les utopies d&rsquo;aujourd&rsquo;hui sont les v&eacute;rit&eacute;s de demain&nbsp;&raquo; (Victor Hugo). L&rsquo;&oelig;uvre est toute une mani&egrave;re d&rsquo;&ecirc;tre dans le monde, avec l&rsquo;autre et avec soi-m&ecirc;me, nous rappelait Roland Gori.</p> <h1 class="texte">La nouvelle loi fran&ccedil;aise &laquo;&nbsp;ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo;</h1> <h2 class="texte">Cadrage de la loi</h2> <p class="texte">Les m&eacute;thodes impliquent des m&eacute;taphysiques&nbsp;disait Albert Camus. De cette loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo;, quelle en est donc la th&eacute;ologie cach&eacute;e&nbsp;? Une v&eacute;rit&eacute; au moins ne nous est plus cach&eacute;e&nbsp;: Le d&eacute;ficit structurel de notre syst&egrave;me de sant&eacute; mis face aux exigences d&rsquo;aujourd&rsquo;hui n&eacute;cessite la mise&nbsp;en urgence de profondes r&eacute;formes&hellip;</p> <p class="texte">La d&eacute;mocratie, dit-on, est un d&eacute;fi qui n&eacute;cessite confiance et ambition. L&rsquo;inqui&eacute;tude en d&eacute;mocratie lib&eacute;rale est trait&eacute;e par une confiance en l&rsquo;avenir et dans le politique. La loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; repose objectivement sur la volont&eacute; affich&eacute;e et parfaitement paradoxale d&rsquo;une forme de &laquo;&nbsp;confiance envers les responsables&nbsp;&raquo; affich&eacute;e par le politique enjoignant la capacit&eacute; qu&rsquo;ont les fran&ccedil;ais eux-m&ecirc;mes de s&rsquo;engager collectivement pour prendre soin d&rsquo;eux-m&ecirc;mes tout en rendant la sant&eacute; &agrave; chacun. N&rsquo;est-il pas convenu qu&rsquo;un pays dont la population est en bonne sant&eacute; est un pays plus riche&nbsp;?</p> <h3 class="texte">Des constats de diagnostics publiquement avanc&eacute;s&nbsp;</h3> <p class="texte">Le d&eacute;ficit d&rsquo;adaptation du syst&egrave;me de sant&eacute; au monde d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, le vieillissement de la population, l&rsquo;augmentation des pathologies chroniques, la modification profonde des pratiques m&eacute;dicales li&eacute;es aux progr&egrave;s technologiques, l&rsquo;augmentation constante des co&ucirc;ts en lien avec les &eacute;volutions &eacute;pid&eacute;miologiques et de certaines th&eacute;rapeutiques innovantes, les formations en sant&eacute; qui ne correspondent plus aux attentes ni aux besoins, les r&eacute;alit&eacute;s des situations trop difficiles sur les territoires, l&rsquo;existence d&rsquo;une impatience tr&egrave;s grande chez les &eacute;lus, chez les soignants, chez les fran&ccedil;ais face &agrave; la complexit&eacute; inop&eacute;rante du syst&egrave;me actuel des soins transform&eacute; en v&eacute;ritable labyrinthe contre lequel se heurtent nombres de patients, voil&agrave; un certain nombre de constats publiquement et courageusement avanc&eacute;s.</p> <p class="texte">Tous ces constats sont &agrave; l&rsquo;origine de cons&eacute;quences concr&egrave;tes extr&ecirc;mement f&acirc;cheuses sur les patients mais &eacute;galement sur les professionnels de la sant&eacute; et du m&eacute;dico-social. C&rsquo;est pourquoi il existe dans cette toute nouvelle loi de sant&eacute; certaines convergences d&rsquo;analyses entre la politique publique annonc&eacute;e et les attentes des professionnels de sant&eacute; comme du social, laissant dire &agrave; certains que cette p&eacute;riode l&eacute;gislative que nous vivons restera historique.</p> <p class="texte">Quels sont les outils de cette convergence&nbsp;?&nbsp;</p> <p class="texte">Certains, nombreux, ont not&eacute; l&rsquo;engagement personnel du pr&eacute;sident de la R&eacute;publique dans la pr&eacute;sentation officielle qu&rsquo;il a voulu donner de la loi le 18 septembre 2018, &eacute;tant par sa prise de parole et de par sa personne, le garant de l&rsquo;ensemble des politiques publiques. Depuis, la loi de finance de la S&eacute;curit&eacute; Sociale (LFSS) a &eacute;t&eacute; fortement am&eacute;nag&eacute;e, et l&rsquo;investissement des 3,4 milliards annonc&eacute;s sur quatre ans a &eacute;t&eacute; bien not&eacute; et bien re&ccedil;u par les observateurs.</p> <p class="texte">Le remplacement du terme &laquo;&nbsp;d&rsquo;usager&nbsp;&raquo; par celui plus respectable de &laquo;&nbsp;La personne&nbsp;&raquo; remise, en tant que telle, au c&oelig;ur du dispositif du soin et du social dans un maillage &agrave; responsabilit&eacute; collective et innovante des territoires de proximit&eacute; est en soit une v&eacute;ritable r&eacute;volution. Elle pourrait &ecirc;tre mise en &eacute;chos par rapport aux volont&eacute;s d&rsquo;une politique nouvelle visant &agrave; transformer les modes d&rsquo;organisations, les modes de financements, les modes de formations et de conditions d&rsquo;exercices des professionnels en ne raisonnant plus en postes ni en statuts mais &laquo;&nbsp;en missions &agrave; responsabilit&eacute;s identifi&eacute;es&nbsp;&raquo;. Serait-il possible que ce soit une volont&eacute; nouvelle ouverte sur le dialogue, sur de nouvelles d&eacute;terminations &agrave; d&eacute;cloisonner, sur une nouvelle mobilisation tourn&eacute;e enfin vers les r&eacute;els besoins du terrain&nbsp;? Il semble s&rsquo;agir ici d&rsquo;un cap strat&eacute;gique, celui d&rsquo;une r&eacute;forme qui se veut girondine, donnant apparemment toutes libert&eacute;s d&rsquo;agir aux territoires, strat&eacute;gie pilot&eacute;e cependant du sommet, comme nous le disions, pour son financement et ses &eacute;valuations annonc&eacute;es. Il est effectivement donn&eacute; &agrave; percevoir une nouvelle vision globale du syst&egrave;me de sant&eacute; qui ne s&rsquo;adressera plus uniquement aux professionnels de sant&eacute; mais &agrave; tous les citoyens fran&ccedil;ais. La nouvelle strat&eacute;gie nationale de sant&eacute; propose ici un cadre de coh&eacute;rence pour cinq ans, avec une volont&eacute; affich&eacute;e de pr&eacute;parer la France &agrave; prendre les bonnes d&eacute;cisions pour l&rsquo;orienter comme il le faut sur les cinquante prochaines ann&eacute;es &agrave; venir. Cette r&eacute;organisation du syst&egrave;me de sant&eacute; se pr&eacute;sente ici comme l&rsquo;un des piliers de l&rsquo;&Eacute;tat providence du XXI<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle.</p> <p class="texte">Cette loi de ruptures (au del&agrave; des institutions type Agence R&eacute;gionale de Sant&eacute;, Caisse Nationale d&rsquo;Assurance Maladie/Caisse Centrale de la Mutualit&eacute; Sociale Agricole, toutes porteuses d&rsquo;un r&ocirc;le d&rsquo;accompagnement) semble devoir &ecirc;tre port&eacute;e par l&rsquo;ensemble des professionnels de la sant&eacute;, du m&eacute;dico-social et du social, par tous les &eacute;lus quels qu&rsquo;ils soient, par les patients eux-m&ecirc;mes et par chaque citoyen de chaque territoire, ceci en totale intelligence et totale responsabilit&eacute;s collectives de proximit&eacute;.</p> <p class="texte">L&rsquo;intention est jug&eacute;e louable par un certain nombre de personnes concern&eacute;es, la direction semblant la bonne. &laquo;&nbsp;La sant&eacute;&nbsp;&raquo;, en particulier, est en effet consid&eacute;r&eacute;e ici par la Ministre de la Solidarit&eacute; et de la Sant&eacute; comme devant &ecirc;tre un secteur d&rsquo;activit&eacute; qui repose naturellement sur l&rsquo;intelligence, la sensibilit&eacute; et la comp&eacute;tence&hellip;&nbsp;!</p> <p class="texte">Le constat est cependant avanc&eacute; sur le fait que des innovations sont actuellement plus &agrave; mettre au b&eacute;n&eacute;fice d&rsquo;acteurs leaders sur des territoires d&eacute;j&agrave; vivant que sur une v&eacute;ritable strat&eacute;gie d&rsquo;organisation dont sont habitu&eacute;s les structures institutionnelles.</p> <h3 class="texte">Approche globalisante</h3> <p class="texte">Il est convenu qu&rsquo;il y avait une certaine urgence d&rsquo;agir tout en sachant respecter le temps de la concertation. Ainsi, les m&eacute;tiers et les formations doivent changer et s&rsquo;adapter aux enjeux de demain comme aux aspirations des soignants. En effet, il a &eacute;t&eacute; reconnu &laquo;&nbsp;le bien fait&nbsp;&raquo; d&rsquo;un meilleur &eacute;quilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, en recherchant en particulier les pratiques d&rsquo;un travail plus collaboratif, assurant ce fait la possibilit&eacute; de varier dans son m&eacute;tier et sa fonction au cours du parcourt professionnel.</p> <p class="texte">Il est affich&eacute; qu&rsquo;am&eacute;liorer la qualit&eacute; des prises en charges pour tous les patients et sur tous les territoires en repla&ccedil;ant le patient au c&oelig;ur du soin, c&rsquo;est savoir travailler &agrave; la refonte du syst&egrave;me de sant&eacute; en profondeur en sachant reposer les fondations sur lesquelles viendront se poser les organisations, les priorit&eacute;s et &laquo;&nbsp;les missions socles&nbsp;&raquo; des futures CPTS (Communaut&eacute; Professionnelle de Territoire de Sant&eacute;) de demain.</p> <p class="texte">Prendre conscience collectivement des m&ecirc;mes difficult&eacute;s et des m&ecirc;mes constats, cela impose d&rsquo;&ecirc;tre tous ensemble &agrave; la hauteur des attentes, de savoir g&eacute;n&eacute;raliser la mesure de la satisfaction des personnes pour l&rsquo;ensemble des prises en charge et d&rsquo;oser rendre public les r&eacute;sultats des indicateurs. Inclure les personnes malades comme acteurs de la formation et de l&rsquo;&eacute;valuation des professionnels de sant&eacute; impose, de fait, l&rsquo;ouverture d&rsquo;un espace num&eacute;rique de sant&eacute; personnel (Dossier M&eacute;dical Partag&eacute;/DMP), pour chaque personne, lui donnant ainsi directement acc&egrave;s &agrave; ses donn&eacute;es confidentielles comme aux services de sant&eacute;, soutenant alors directement la r&eacute;organisation des h&ocirc;pitaux pour la qualit&eacute; des soins et la juste efficacit&eacute; de proximit&eacute; des &eacute;tablissements de sant&eacute;.</p> <p class="texte">Revivifier le dialogue social intra hospitalier est annonc&eacute; en redonnant plus de place aux m&eacute;decins dans le management des h&ocirc;pitaux. Il sera trait&eacute; en priorit&eacute; des maux tr&egrave;s visibles comme celui des urgences (plan urgence en cours de traitement), celui des m&eacute;decins hospitaliers qui se demandent chaque jour s&rsquo;ils vont pouvoir tenir leurs missions (plan h&ocirc;pitaux publics en cours de traitement), des malades toujours enferm&eacute;s dans les d&eacute;serts m&eacute;dicaux en attente d&rsquo;un traitements qui ne repose pas que sur des injonctions ni des coercitions mais sur un accompagnement dynamique qui se veut nouveau (r&eacute;gulation de proximit&eacute;, salariat des m&eacute;decins par les dispositifs des r&eacute;gions, des d&eacute;partements, des collectivit&eacute;s urbaines et rurales). Ces dispositifs nouveaux r&eacute;pondent aux constats&nbsp;que les fonctionnements sur lesquels l&rsquo;offre des soins de ville repose sont atomis&eacute;s et cloisonn&eacute;s, et doivent donc &ecirc;tre r&eacute;organis&eacute;s sous une forte impulsion d&rsquo;accompagnements et de financements favorisant ainsi l&rsquo;&eacute;nergie d&rsquo;une l&rsquo;initiative innovante en partance du terrain.</p> <p class="texte">De nombreuses id&eacute;es globalisantes fixent la strat&eacute;gie structurante de la loi&nbsp;: Fixer un cap, fixer un objectif, faire &eacute;voluer le syst&egrave;me de sant&eacute; en agissant en priorit&eacute; sur la r&eacute;organisation des soins de ville, am&eacute;liorer l&rsquo;offre des soins et les conditions d&rsquo;exercice des m&eacute;decins regroup&eacute;s, g&eacute;rer le maintien &agrave; domicile, &eacute;viter les hospitalisations et l&rsquo;acc&egrave;s aux urgences, analyser les forces et les faiblesses de chaque territoire (acc&egrave;s aux soins, difficult&eacute; d&rsquo;exercice des m&eacute;decins en ville, surcharge des services hospitaliers).</p> <p class="texte">Il s&rsquo;agit ici de prendre en compte dans sa globalit&eacute; les changements des besoins d&rsquo;une population vieillissante qui pourraient reposer sur la cr&eacute;ation d&rsquo;un r&eacute;seau de soins et de services de proximit&eacute; et de premier recours anim&eacute; en coordination par tous les professionnels de sant&eacute; d&rsquo;un territoire, assurant ainsi un acc&egrave;s permanant &agrave; des soins de qualit&eacute;, qu&rsquo;ils soient programm&eacute;s ou non programm&eacute;s.</p> <p class="texte">L&rsquo;objectif annonc&eacute; est celui de ne plus opposer les m&eacute;decins hospitaliers aux m&eacute;decins lib&eacute;raux exer&ccedil;ant en ville ou en milieu rural, qu&rsquo;ils soient g&eacute;n&eacute;ralistes ou sp&eacute;cialistes, de ne plus opposer les m&eacute;decins aux autres professionnels de sant&eacute; et du social.</p> <p class="texte">3,4 milliards d&rsquo;euros d&rsquo;ici 2022, dont 1,6 milliard sont annonc&eacute;s pour aider &agrave; la nouvelle structuration des soins dans les territoires, soit 920 millions d&rsquo;investissements hospitaliers pour accompagner des projets qui existent, 500 millions &agrave; la transformation num&eacute;rique et 420 millions &agrave; l&rsquo;&eacute;volution des m&eacute;tiers et des formations.</p> <p class="texte">3,4 milliards sur 4 ans pour en finir avec les souffrances &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital, le malaise de la m&eacute;decine de ville, les d&eacute;serts m&eacute;dicaux, une prise en charge de qualit&eacute; &agrave; partir de ce syst&egrave;me de sant&eacute; r&eacute;nov&eacute;, est-ce cependant tout &agrave; fait r&eacute;aliste&nbsp;?</p> <h3 class="texte">Nouvelles organisations hospitali&egrave;res</h3> <p class="texte">L&rsquo;enjeu est bien celui de mettre en mouvement les acteurs, de les aider &agrave; d&eacute;passer les blocages en liens avec le changement, de les sortir de leurs pr&eacute;occupations personnelles.</p> <p class="texte">L&rsquo;enjeu est aussi d&rsquo;arriver &agrave; modifier comme il faut la structure hospitali&egrave;re de proximit&eacute; en sachant respecter la graduation des soins selon les besoins r&eacute;els du premier recours de proximit&eacute;, en ayant acc&egrave;s au deuxi&egrave;me recours du sp&eacute;cialiste ou de l&rsquo;h&ocirc;pital de r&eacute;f&eacute;rence, tout en gardant la s&eacute;curit&eacute; du troisi&egrave;me recours par l&rsquo;avis experts donn&eacute; &agrave; partir du Centre Hospitalier et Universitaire de r&eacute;f&eacute;rence. Cela supposera la suppression de certains services et de certains plateaux techniques qui remonteront pour assurer qualit&eacute; des soins du territoire concern&eacute;. Les h&ocirc;pitaux de proximit&eacute; devront &ecirc;tre en lien avec la ville, et l&rsquo;Hospitalisation &agrave; Domicile (HAD) du territoire en lien avec les services de soins et de maintien &agrave; domicile, sans oublier les services du m&eacute;dico-sociaux.</p> <p class="texte">Ces h&ocirc;pitaux de proximit&eacute; seront labellis&eacute;s (500 &agrave; 600 en 2022) en gouvernance et en mode de financement adapt&eacute;s &agrave; leurs activit&eacute;s pour de la m&eacute;decine polyvalente, de la g&eacute;riatrie, des soins de suite et de r&eacute;adaptation, des consultations avanc&eacute;es de chirurgie en lien avec les &eacute;tablissements voisins, des plateaux techniques ouverts aux professionnels de sant&eacute; de ville (imagerie m&eacute;dicale, biologie et explorations, &eacute;quipes mobiles de soins p&eacute;diatriques et &eacute;quipements de t&eacute;l&eacute;m&eacute;decine).</p> <p class="texte">Il est annonc&eacute; un renforcement du r&ocirc;le des m&eacute;decins dans la gestion des h&ocirc;pitaux par le biais des Conf&eacute;rences M&eacute;dicales d&rsquo;&Eacute;tablissements. La carte hospitali&egrave;re est rebattue, une red&eacute;finition du mod&egrave;le des h&ocirc;pitaux de proximit&eacute; est faite au sein desquels les m&eacute;decins de ville pourront<strong> </strong>participer en pratiquant un exercice mixte ville-h&ocirc;pital<strong>. </strong>Il est programm&eacute; la cr&eacute;ation d&rsquo;unit&eacute;s sp&eacute;cialis&eacute;es et d&rsquo;unit&eacute;s ultrasp&eacute;cialis&eacute;es pour structurer un territoire selon ses besoins et r&eacute;pondre &agrave; la complexit&eacute; croissante de l&rsquo;offre des soins par une graduation innovante, anticiper ainsi l&rsquo;accompagnement des nouvelles pratiques.</p> <p class="texte">Le virage ambulatoire va &ecirc;tre acc&eacute;l&eacute;r&eacute; pour ne traiter &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital que la phase la plus aigue des pathologies s&eacute;v&egrave;res (services d&rsquo;urgences d&eacute;bord&eacute;s). La psychiatrie et la sant&eacute; mentale trouveront un ancrage de proximit&eacute; dans tous les territoires avec la cr&eacute;ation d&rsquo;un fond organisationnel. La collaboration h&ocirc;pital-ville va se renforcer pour faire face &agrave; la complexit&eacute; des polypathologies chroniques fr&eacute;quentes chez les personnes &acirc;g&eacute;es.</p> <p class="texte">Enfin, l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du d&eacute;ploiement des outils num&eacute;riques est consid&eacute;r&eacute;e comme indispensable pour accompagner le d&eacute;veloppement des soins modernes, en particulier, comme cit&eacute; plus haut, avec le d&eacute;ploiement de l&rsquo;espace num&eacute;rique patients (DMP), le d&eacute;ploiement de la t&eacute;l&eacute;m&eacute;decine, du t&eacute;l&eacute;soin, de la t&eacute;l&eacute;expertise.</p> <p class="texte">Tout ce qui est annonc&eacute; ici comme devant &ecirc;tre transform&eacute; donne le vertige tant la recomposition structurelle de l&rsquo;organisation hospitali&egrave;re annonc&eacute;e est profonde.</p> <h3 class="texte">Responsabilisation des patients</h3> <p class="texte">Il est annonc&eacute; clairement par la nouvelle loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il est urgent d&rsquo;oser franchir le pas de la pratique d&rsquo;une nouvelle forme de &laquo;&nbsp;d&eacute;mocratie en sant&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Au quotidien, les patients ne seront donc plus passifs d&eacute;pendants comme ils le sont trop souvent aujourd&rsquo;hui, mais bien repr&eacute;sentatifs et interactifs dans la pratique de leur responsabilit&eacute;, ayant de ce fait mots &agrave; dire, avis &agrave; donner sur la pratique m&eacute;dicale et les soins qui leur ont &eacute;t&eacute; conf&eacute;r&eacute;s. Patients acteurs et patients partenaires, directement concern&eacute;s par le d&eacute;veloppement programm&eacute; du Dossier M&eacute;dical Partag&eacute;, ils seront rendus ainsi acteurs de la personnalisation de leurs espaces num&eacute;riques de sant&eacute; avec acc&egrave;s direct &agrave; leurs dossiers m&eacute;dicaux, aux carnets de sant&eacute; et aux vaccinations. Une nouvelle coordination num&eacute;rique est &agrave; cet effet rattach&eacute;e au sein du Minist&egrave;re de la Sant&eacute;, directement aupr&egrave;s du Ministre. Le num&eacute;rique en sant&eacute; et sa transition vont redonner aux personnes malades leur r&ocirc;le d&rsquo;animateur en trajectoires de sant&eacute;, par une structure agile de strat&eacute;gies transdisciplinaires et de coordinations crois&eacute;es.</p> <h3 class="texte">Favoriser l&rsquo;exercice coordonn&eacute; en ville</h3> <p class="texte">La ville souffre de fa&ccedil;on dramatique d&rsquo;un d&eacute;ficit d&rsquo;organisation en sant&eacute;. Prometteuses de gains d&rsquo;organisation qui prendra la forme des futures Communaut&eacute;s Professionnelles Territoriales de Sant&eacute; (CPTS), les professionnels de sant&eacute; vont &ecirc;tre sollicit&eacute;s &agrave; s&rsquo;y inscrire comme &agrave; y participer collectivement, mutualisant de ce fait la nature des parcours complexes, utilisant des syst&egrave;mes d&rsquo;informations partag&eacute;es, recourant &agrave; des ressources m&eacute;dico-administratives communes en allant ainsi vers la pratique des exercices regroup&eacute;s en portage d&rsquo;objectifs communs qui r&eacute;pondent au plus pr&egrave;s des besoins de la population.</p> <p class="texte">La mutualisation des moyens est sollicit&eacute;e pour g&eacute;rer la complexit&eacute; de certaines prises en charge, en particulier la responsabilit&eacute; collective &agrave; savoir r&eacute;pondre aux soins non programm&eacute;s du fait des difficult&eacute;s &agrave; trouver un m&eacute;decin g&eacute;n&eacute;raliste ou d&rsquo;avoir un rendez-vous suffisamment rapide chez un m&eacute;decin sp&eacute;cialiste.</p> <p class="texte">La promesse de la collaboration m&eacute;dico-administrative des &laquo;&nbsp;assistants m&eacute;dicaux&nbsp;&raquo; mis &agrave; disposition aupr&egrave;s des m&eacute;decins g&eacute;n&eacute;ralistes consiste en la cr&eacute;ation d&rsquo;un nouveau corps de m&eacute;tier venant lib&eacute;rer en totale innovation &laquo;&nbsp;du temps m&eacute;dical administratif&nbsp;&raquo; au profit d&rsquo;un &laquo;&nbsp;temps m&eacute;dical soignant&nbsp;&raquo; par un poste d&rsquo;accueil du patient et de gestion des charges m&eacute;dico-administratives. 4.000 postes d&rsquo;assistants m&eacute;dicaux seront cr&eacute;&eacute;s pour aider les m&eacute;decins &agrave; la coordination des patients et dans les charges administratives. Ce sont des propositions innovantes par les missions d&rsquo;accueil, de recueil de donn&eacute;es, de v&eacute;rification de l&rsquo;&eacute;tat vaccinal ou de d&eacute;pistage, de mise &agrave; jour du dossier en amont et en aval de la consultation, favorisant ainsi un v&eacute;ritable collectif de soins au service des patients en un exercice coordonn&eacute; entre tous les professionnels de sant&eacute;.</p> <p class="texte">Plusieurs missions seront cibl&eacute;es, en particulier&nbsp;l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; un nouveau m&eacute;decin traitant et la r&eacute;ponse aux urgences qui rel&egrave;vent des soins de ville &eacute;tant certain que de nombreuses fragilit&eacute;s vont devoir &ecirc;tre vaincues, telle la persistance des cloisonnements entre les acteurs et les structures, et la course &agrave; l&rsquo;activit&eacute; au d&eacute;savantage actuel de la qualit&eacute; des soins. Les professionnels de ville auront &agrave; s&rsquo;organiser plus collectivement et &agrave; se coordonner sur un territoire par des actions volontaristes pour acc&eacute;der aux 1.000 CPTS annonc&eacute;es en cr&eacute;ation et &agrave; finaliser sur tout le territoire avant 2022. Ces initiatives doivent rester &laquo;&nbsp;&agrave; la main&nbsp;&raquo; des professionnels lib&eacute;raux de sant&eacute;. En sus, 2000 structures de soins coordonn&eacute;s (maison m&eacute;dicales ou centre de sant&eacute;) viendront &agrave; &ecirc;tre conventionn&eacute;es dans les cinq ann&eacute;es &agrave; venir et seront donc cr&eacute;es en plus de celles d&eacute;j&agrave; existantes.</p> <p class="texte">Enfin 400 postes de m&eacute;decins salari&eacute;s vont &ecirc;tre cr&eacute;es sur l&rsquo;ann&eacute;e de transition 2019/2020 et destin&eacute;s aux territoires en zones sous-denses. Il sera revu les modes de financements des praticiens pour faciliter la coop&eacute;ration entre les professionnels, la pr&eacute;vention primaire, l&rsquo;&eacute;ducation th&eacute;rapeutique pour favoriser la qualit&eacute; des soins en luttant contre la course &agrave; l&rsquo;activit&eacute;.</p> <h3 class="texte">Nouvelle organisation des &eacute;tudes en sant&eacute;&nbsp;: Refonte par la r&eacute;forme des &eacute;tudes en sant&eacute; et de la formation des professionnels</h3> <p class="texte">La suppression du num&eacute;rus clausus &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e des &eacute;tudes de m&eacute;decine est annonc&eacute; d&egrave;s 2020, avec &agrave; la cl&eacute;, une augmentation de 20&nbsp;% des &eacute;tudiants. Il a &eacute;t&eacute; reconnu l&rsquo;existence d&rsquo;un non sens en ce qui concernait le recrutement et la formation des &eacute;tudiants en m&eacute;decine avec le concours de 1<sup>&egrave;re</sup>&nbsp;ann&eacute;e, v&eacute;ritables goulots d&rsquo;&eacute;tranglements sauvages et destructeurs pour les jeunes &eacute;tudiants mis trop souvent en &eacute;chec par rapport &agrave; leurs motivations souvent encore vocationnelles.</p> <p class="texte">Dans un proche avenir, il est cependant reconnu et signal&eacute; de grands besoins d&rsquo;ing&eacute;nieurs en sant&eacute;, de sp&eacute;cialistes de l&rsquo;&eacute;lectronique m&eacute;dicale, de sp&eacute;cialistes de l&rsquo;Intelligence Artificielle, de manageurs des politiques publiques de sant&eacute;, ceci en facilitant la cr&eacute;ation de ponts pour favoriser l&rsquo;&eacute;mergence de langages communs encore &agrave; construire et fluidifier les passerelles directes en liens avec la sant&eacute;. Il est annonc&eacute; qu&rsquo;il sera enseign&eacute; &laquo;&nbsp;&agrave; savoir apprendre&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;&agrave; savoir travailler ensemble&nbsp;&raquo; pour &ecirc;tre &agrave; l&rsquo;aise avec les nouvelles technologies en lien avec le biologiques et la e-sant&eacute;, mais &eacute;galement en lien avec la transformation qui s&rsquo;impose dans l&rsquo;apprentissage d&rsquo;un nouveau type de relation &agrave; red&eacute;couvrir du soignant envers le patient, et r&eacute;ciproquement.<strong> </strong></p> <p class="texte">Une nouvelle fois, le projet annonc&eacute; ici par la nouvelle loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; reste ambitieux et global, car il tente de r&eacute;pondre &agrave; des probl&eacute;matiques complexes et intriqu&eacute;es les unes avec les autres, prenant en compte la modification des besoins des patients, la modification des pathologies, le bouleversement des organisations professionnelles, la rupture des cloisonnements qui les enferment, sans oublier l&rsquo;int&eacute;gration du m&eacute;dico-social et de la pr&eacute;vention primaire.</p> <p class="texte">Les futurs &eacute;tudiants en sant&eacute; sont souhait&eacute;s &ecirc;tre &laquo;&nbsp;bien dans leur peau et heureux dans leur exercice professionnels&nbsp;&raquo;. Le syst&egrave;me actuel de formation des &eacute;tudiants en m&eacute;decine est reconnu officiellement comme n&rsquo;&eacute;tant plus adapt&eacute; aux enjeux d&rsquo;aujourd&rsquo;hui car il repr&eacute;sente un syst&egrave;me qui s&eacute;lectionne aveugl&eacute;ment, qui trie, qui formate dans un &eacute;tat d&rsquo;esprit de hi&eacute;rarchisation et qui assigne finalement les professionnels &agrave; la m&ecirc;me place, ceci tout au long de la vie&hellip;</p> <h2 class="texte">Critiques de la loi &laquo;&nbsp;ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo;</h2> <p class="texte">Des critiques viennent rappeler aujourd&rsquo;hui avec pertinence combien le poids de &laquo;&nbsp;l&rsquo;ineptie aveugle&nbsp;&raquo; des ann&eacute;es 2000 a pes&eacute; sur la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd&rsquo;hui.</p> <p class="texte">La s&eacute;lection drastique des &eacute;tudiants en m&eacute;decine de l&rsquo;&eacute;poque mise en place par l&rsquo;instauration du &laquo;&nbsp;numerus clausus&nbsp;&raquo;, soi-disant pour faire front &agrave; la pl&eacute;thore&nbsp;m&eacute;dicale, consid&eacute;rait que, plus il avait de m&eacute;decins, plus les d&eacute;penses de sant&eacute; avaient tendance &agrave; augmenter. C&rsquo;est pour la m&ecirc;me raison que les institutions administratives, gestionnaires du nombre des m&eacute;decins, avaient d&eacute;cid&eacute; de convaincre le plus grand nombre de m&eacute;decins &agrave; partir en retraite anticip&eacute;e&hellip;</p> <p class="texte">Quoique l&rsquo;on fasse aujourd&rsquo;hui, le nombre des m&eacute;decins prenant leur retraite dans les d&eacute;lais normaux provoque une v&eacute;ritable d&eacute;stabilisation des r&eacute;ponses &agrave; devoir apporter aux demandes de soins. Le vieillissement annonc&eacute; de la population va correspondre &agrave; une augmentation naturelle de plus de 15&nbsp;% de l&rsquo;activit&eacute; hospitali&egrave;re, mettant encore plus &agrave; mal les perspectives d&eacute;cri&eacute;es plus haut. Pour les critiques de la loi, les mesures propos&eacute;es actuellement ne sont donc que des mesures palliatives, en retard et non calibr&eacute;es au regard de l&rsquo;urgence de la situation dans laquelle nous nous trouvons et reposant sur les m&ecirc;mes bases que le mal qu&rsquo;elles pr&eacute;tendent gu&eacute;rir.</p> <p class="texte">Le d&eacute;fi de l&rsquo;ambulatoire est immense, confront&eacute; aux difficult&eacute;s du changement comme aux restrictions des budgets dans les h&ocirc;pitaux, encore incapables qu&rsquo;ils sont de financer cette reconversion. Il est not&eacute; la situation de &laquo;&nbsp;sur-gestion&nbsp;administrative&nbsp;&raquo; des h&ocirc;pitaux au d&eacute;triment du personnel soignant, le syst&egrave;me de sant&eacute; hospitalier fran&ccedil;ais &eacute;tant &agrave; ce jour dans un &eacute;tat quasi chaotique. Certaines fili&egrave;res d&rsquo;urgences fonctionnent encore de fa&ccedil;on correctes (Accident Vasculaire C&eacute;r&eacute;bral, Infarctus Du Myocarde), mais le reste semble &ecirc;tre aujourd&rsquo;hui en un &eacute;tat de pr&eacute;-rupture. Alors que les h&ocirc;pitaux recherchent par tous les moyens des m&eacute;decins pour faire face aux besoins, d&rsquo;autres se demandent comment inciter les jeunes m&eacute;decins &agrave; s&rsquo;installer en lib&eacute;ral.</p> <p class="texte">Dans son livre <em>La sant&eacute; rationn&eacute;e&nbsp;?</em><sup><a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a></sup>, Jean de Kervasdou&eacute; et autres auteurs, viennent nous dire &agrave; quel point il faut &ecirc;tre lucide et ne pas oublier que n&rsquo;est pas une loi qui, du fait de sa publication pour agir, va changer comme par enchantement le c&oelig;ur du syst&egrave;me de sant&eacute;. Sa complexit&eacute;, son hypersp&eacute;cialisation en m&eacute;decine est un effet mondial qu&rsquo;il va &ecirc;tre difficile de contre carrer. Et s&rsquo;il nous arrivait d&rsquo;imaginer le contraire, la loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; apporte tellement de changements culturels et structurels de toutes natures qu&rsquo;il est innocent de croire qu&rsquo;elle ne va pas venir se heurter (se fracasser&nbsp;?) contre des habitudes contraires de tous poils comme contre la force des int&eacute;r&ecirc;ts en place risquant de se retrouver en danger.</p> <p class="texte">Ce n&rsquo;est pas en d&eacute;cr&eacute;tant qu&rsquo;un territoire doit &laquo;&nbsp;se mettre en marche&nbsp;&raquo; selon l&rsquo;esprit de la loi que cela va se produire. Il y faut donner du temps au temps, travailler &agrave; y changer les habitudes et &agrave; y vaincre les r&eacute;sistances, et savoir prendre l&rsquo;homme dans le sens de son poil sans na&iuml;vet&eacute; ni cynisme. Le gouvernement actuel est fort bien plac&eacute; pour avoir &eacute;t&eacute; brutalement mis &laquo;&nbsp;au fait&nbsp;&raquo; de la contestation d&rsquo;une population en d&eacute;sh&eacute;rence. Dans une interview au Figaro, citant son livre <em>Patients si vous saviez</em><sup><em><a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a></em></sup>, le Dr Christian Lehmann est fortement critique par rapport &agrave; la loi de sant&eacute; venant trop tardivement. Il d&eacute;nonce le fait que le texte de cette loi est semblable &agrave; une partition de musique qui aurait &eacute;t&eacute; donn&eacute;e &agrave; jouer sur le pont du Titanic&hellip;</p> <p class="texte">Pour certains critiques, rien ne va changer avec cette loi concernant la d&eacute;sertification en cours du seul fait que l&rsquo;on a d&eacute;j&agrave; rendu les m&eacute;tiers de la sant&eacute; infaisables et pour la ville, &eacute;conomiquement de plus en plus non viables. Trop longtemps, et en France, les m&eacute;decins ont &eacute;t&eacute; consid&eacute;r&eacute;s comme nocifs dans leurs pratiques m&eacute;dicales, en particulier en ce qui concerne le chiffre d&rsquo;affaire de leur activit&eacute;, d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;id&eacute;e saugrenue de tenter de diminuer le nombre des m&eacute;decins pour en diminuer les d&eacute;penses.</p> <p class="texte">Il existe un changement de mentalit&eacute; g&eacute;n&eacute;rationnelle parfaitement irr&eacute;versible tout autant que compr&eacute;hensible et qui vient impacter de front la nature des pratiques m&eacute;dicales en y ins&eacute;rant des exigences et des d&eacute;sirs d&rsquo;&eacute;quilibre de vie personnelle, familiale et sociale. Il ne faut d&eacute;cidemment plus compter sur la vocation des anciens m&eacute;decins qui se mettaient en posture corv&eacute;able &agrave; merci, du matin au soir, la nuit y compris.</p> <p class="texte">La preuve est d&eacute;j&agrave; apport&eacute;e par les doyens des facult&eacute;s de m&eacute;decine de leur incapacit&eacute; totale &agrave; mettre en pratique la totalit&eacute; des recommandations et objectifs de la loi sur la rentr&eacute;e universitaire du cycle 2019/2020.</p> <p class="texte">L&rsquo;h&ocirc;pital en l&rsquo;&eacute;tat &eacute;tant le premier employeur d&rsquo;un territoire, on va assister &agrave; la mont&eacute;e en puissance de crispations vigoureuses et tenaces de certains par une forte opposition &agrave; la suite des annonces des transformations des h&ocirc;pitaux. Les ARS vont avoir fort &agrave; faire et du fil &agrave; retordre pour &laquo;&nbsp;garder le cap et l&rsquo;esprit de la loi&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Certains s&eacute;nateurs et d&eacute;put&eacute;s pensent encore aujourd&rsquo;hui qu&rsquo;une mani&egrave;re coercitive reste la seule efficace pour r&eacute;ussir &agrave; obliger les m&eacute;decins &agrave; s&rsquo;installer dans les d&eacute;serts m&eacute;dicaux, faisant du conventionnement m&eacute;dical un mode s&eacute;lectif (alors que nous assistons dans le m&ecirc;me temps &agrave; la cr&eacute;ation des d&eacute;serts de la fonction publique install&eacute;s m&eacute;ticuleusement par &laquo;&nbsp;La Poste&nbsp;&raquo; comme par d&rsquo;autres administrations publiques qui se retirent &laquo;&nbsp;sur la pointe des pieds&nbsp;&raquo; alors que dans le m&ecirc;me temps les trains et les TGV ne s&rsquo;arr&ecirc;tent plus dans la petite proximit&eacute; des lieux de vie). Le 19&nbsp;mars 2019, le sondage &laquo;&nbsp;Figari Live&nbsp;&raquo; montrait que 70&nbsp;% des personnes interrog&eacute;es pensaient encore que le gouvernement ne pourra pas efficacement lutter contre les d&eacute;serts m&eacute;dicaux.</p> <p class="texte">Pour certaines personnes bien inform&eacute;es de la r&eacute;alit&eacute; des choses de l&rsquo;h&ocirc;pital, l&rsquo;id&eacute;e actuelle du gouvernement &agrave; vouloir porter soins aux malaises de l&rsquo;h&ocirc;pital par la r&eacute;organisation profonde de l&rsquo;offre des soins de ville n&rsquo;arrivera pas &agrave; compenser dans les temps les difficult&eacute;s actuelles de l&rsquo;h&ocirc;pital. Celui-ci aura eu, entre temps, tout le loisir de mourir. Le plan actuel port&eacute; par le gouvernement autour des urgences et de l&rsquo;h&ocirc;pital public vient confirmer ce point de vue. La strat&eacute;gie lat&eacute;rale de la ville venant, dans sa restructuration, porter secours aux maux de l&rsquo;h&ocirc;pital public a fait long feu.</p> <p class="texte">La r&eacute;forme est encore trop m&eacute;dico-centr&eacute;e et la lev&eacute;e du numerus clausus n&rsquo;aura r&eacute;ellement son effet que dans 10 &agrave; 12&nbsp;ans. Cette loi encore &laquo;&nbsp;en projet&nbsp;&raquo; ne donnerait donc pas, selon l&rsquo;avis de certaine, les moyens r&eacute;els et certains de mettre rapidement en place les solutions concr&egrave;tes&nbsp;qui s&rsquo;imposent.</p> <p class="texte">Pour d&rsquo;autres, il n&rsquo;est pas fait encore assez de place et de moyens &agrave; la pr&eacute;vention primaire, &agrave; l&rsquo;&eacute;ducation &agrave; la sant&eacute;, &agrave; la sensibilisation de chacun dans la responsabilit&eacute; qu&rsquo;il a de la conservation de son capital de sant&eacute;. Il en est pour preuve donn&eacute;e la derni&egrave;re campagne rat&eacute;e de sant&eacute; publique concernant une p&eacute;riode de restriction &laquo;&nbsp;sans alcool&nbsp;&raquo;, campagne qui s&rsquo;est fortuitement transform&eacute;e en une campagne de pr&eacute;vention des abus telle que pratiqu&eacute;e habituellement en cette fin d&rsquo;ann&eacute;e par le lobbying des producteurs &laquo;&nbsp;de Champagne&nbsp;&raquo; qui incitent dans les m&ecirc;mes termes au respect d&rsquo;une consommation raisonnable d&rsquo;alcool en phase avec les f&ecirc;tes qui se profilent&hellip;</p> <p class="texte">Certains vont jusqu&rsquo;&agrave; demander que l&rsquo;on laisse enfin aux professionnels de terrain la libert&eacute; de s&rsquo;organiser en facilitant pour eux la mise ne place de solutions nouvelles qui pourraient venir se situer en affrontement et donc en difficult&eacute;s administratives du fait de leurs postures hors r&egrave;glementations. Dans ce contexte de libert&eacute; et d&rsquo;innovation, les dynamiques ne se d&eacute;cr&egrave;tent pas, mais lorsqu&rsquo;elles apparaissent, elles doivent &ecirc;tre accompagn&eacute;es, soutenues, et facilit&eacute;es.</p> <p class="texte">Les dynamiques de territoire ne se d&eacute;cr&egrave;tent pas, elles trouvent racines lorsqu&rsquo;elles sont port&eacute;es par des leaders de territoires. Comment les trouver, comment les identifier, comment les former alors que c&rsquo;est aujourd&rsquo;hui qu&rsquo;ils devraient agir sur chaque territoire de sant&eacute; mis en marche autour d&rsquo;une CPTS&nbsp;?</p> <p class="texte">L&rsquo;enveloppe de l&rsquo;Ondam, enveloppe financi&egrave;re qui fixe le budget annuel des d&eacute;penses de sant&eacute; sur la ville va passer de 2,3&nbsp;% &agrave; 2,5&nbsp;%, en apportant de ce fait 400 millions d&rsquo;euros de plus. C&rsquo;est bien, mais certains avancent que les vrais besoins li&eacute;s &agrave; l&rsquo;&eacute;volution spontan&eacute;e des tendances et des d&eacute;penses de la consommation de sant&eacute; tournent autour de 4&nbsp;% d&rsquo;augmentations.</p> <p class="texte">D&rsquo;autres personnes se demandent encore comment faire le pont entre les d&eacute;parts en masse des m&eacute;decins &agrave; la retraite qui travaillaient seuls pour le plus grand nombre d&rsquo;entre eux et le nombre d&rsquo;arriv&eacute;es &laquo;&nbsp;nouvelles g&eacute;n&eacute;rations&nbsp;&raquo; des m&eacute;decins qui vont devoir &ecirc;tre form&eacute;s sur le tard &agrave; jouer le collectif&nbsp;? Alors que les &eacute;tudiants en m&eacute;decine sont actuellement assis par terre dans des amphith&eacute;&acirc;tres bond&eacute;s, le projet de modifier les &eacute;tudes m&eacute;dicales est d&eacute;j&agrave; report&eacute;, ceci sur la demande des doyens incapables de mettre en &oelig;uvre les nouvelles formations au sein des &eacute;tudes de m&eacute;decine.</p> <p class="texte">Et si plus simplement nous disions &laquo;&nbsp;tout de go&nbsp;&raquo; que la profession m&eacute;dicale, comme tant d&rsquo;autres, n&rsquo;avait plus confiance aujourd&rsquo;hui ni dans les administrations qui les gouvernent, ni dans les institutions tut&eacute;laires qui les commandent, dans les politiques qui ont cess&eacute; de les inspir&eacute;s.</p> <h1 class="texte">Conclusion</h1> <p class="texte">Nous l&rsquo;avons vu, la nouvelle loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; est paradoxale dans la mesure o&ugrave; elle semble vouloir r&eacute;pondre aujourd&rsquo;hui aux urgences du moment tel qu&rsquo;il est confront&eacute; aux profondes crises structurelles qui se r&eacute;p&egrave;tent et s&rsquo;ajoutent les unes aux autres depuis si longtemps au c&oelig;ur m&ecirc;me du syst&egrave;me de sant&eacute; et du social.</p> <p class="texte">Ne pas y r&eacute;pondre ici nous semble &ecirc;tre d&rsquo;un manque de civisme et de responsabilit&eacute; caract&eacute;ris&eacute; et en rupture flagrante avec l&rsquo;urgence que nous avons tous &agrave; &ecirc;tre au monde, &agrave; &ecirc;tre du monde d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, &agrave; &ecirc;tre finalement complice du monde que nous voulons. En m&ecirc;me temps, l&rsquo;urgence est telle, les injonctions disruptives tellement fortes qu&rsquo;il est compr&eacute;hensible d&rsquo;entendre les critiques et les doutes &eacute;voqu&eacute;es par uns et par les autres.</p> <p class="texte">Avons-nous s&eacute;rieusement le choix de ne pas jouer le jeu, ici et maintenant&nbsp;? Je ne le pense sinc&egrave;rement pas.</p> <p class="texte">Pour Jean-Marie Gourvil, la constitution du Canada donne une tr&egrave;s grande autonomie &agrave; chaque province pour mener ses politiques de sant&eacute;, d&rsquo;action sociale et d&rsquo;&eacute;ducation. Le f&eacute;d&eacute;ral n&rsquo;intervient qu&rsquo;&agrave; la marge dans ces champs. Par ailleurs dans chaque province les collectivit&eacute;s locales n&rsquo;interviennent pas dans les domaines de la sant&eacute;, de l&rsquo;action sociale et de l&rsquo;&eacute;ducation, sauf &agrave; la marge.</p> <p class="texte">Dans le descriptif de son analyse, la participation des usagers et des citoyens &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration et &agrave; la mise en &oelig;uvre du syst&egrave;me de sant&eacute; et d&rsquo;action sociale au Qu&eacute;bec &eacute;tait hors du champ politique des collectivit&eacute;s locales, m&ecirc;me si, &agrave; Montr&eacute;al notamment, il y a eu une influence des groupes populaires sur les d&eacute;bats politiques locaux. Le non portage politique local des projets de sant&eacute; et d&rsquo;action sociale ont fait la faiblesse de la r&eacute;forme qu&eacute;b&eacute;coise. Les ministres les uns apr&egrave;s les autres ont introduit des modifications l&eacute;gislatives n&eacute;goci&eacute;es &agrave; l&rsquo;Assembl&eacute;e nationale &eacute;chappant au contre pouvoir des collectivit&eacute;s locales. Ainsi, selon l&rsquo;avis de Jean-Marie Gourvil, l&rsquo;implication politique des collectivit&eacute;s locales en France dans la mise en &oelig;uvre de la r&eacute;forme actuelle de la sant&eacute; telle que propos&eacute;e par la loi &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo; pourrait &ecirc;tre un levier important de sauvegarde des fondamentaux de la r&eacute;forme en cours.</p> <p class="texte">Que les professionnels de la sant&eacute; et du social, que les citoyens responsables se l&egrave;vent et prennent tous ensemble et &agrave; bras le corps la responsabilit&eacute; du devenir de leurs territoires selon la main tendu par l&rsquo;esprit de la nouvelle loi fran&ccedil;aise &laquo;&nbsp;Ma sant&eacute; 2022&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte">Si ce n&rsquo;est pas fait, demain sera trop tard, et pire qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui. La raison technocratique nous sera impos&eacute;e du fait que nous n&rsquo;avons pas voulu vivre en partage d&rsquo;aventures et de responsabilit&eacute;s la &laquo;&nbsp;d&eacute;mocratie en sant&eacute;&nbsp;&raquo; qui nous &eacute;tait ouvertement propos&eacute;e.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> Vincent&nbsp;<span style="font-variant:small-caps;">Fouques&nbsp;Duparc</span>, <em>L&rsquo;homme rendu transparent par la techno-m&eacute;decine ou la mort programm&eacute;e de la m&eacute;decine</em>, Les cahiers psychologie politique, num&eacute;ro&nbsp;29, Juillet&nbsp;2016, De <em>&laquo;&nbsp;l&rsquo;absence&nbsp;&raquo;</em> &agrave; <em>&laquo;&nbsp;la pr&eacute;sence&nbsp;&raquo; au soin&nbsp;: un levier de grande efficacit&eacute; &agrave; savoir retrouver</em>, num&eacute;ro&nbsp;33, Juillet&nbsp;2018, La pr&eacute;sence au c&oelig;ur du soin, num&eacute;ro&nbsp;34, Janvier 2019.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> Voir l&rsquo;article remarquable d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne Strohl (IGAS), Repenser l&rsquo;intervention sociale<em>, Le Sociographe,</em> N&deg;&nbsp;67, p.&nbsp;37-49. La modernit&eacute; s&rsquo;effondre, comment repenser l&rsquo;apr&egrave;s modernit&eacute;&nbsp;?</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> <em>La sant&eacute; rationn&eacute;e&nbsp;? Un mal qui se soigne</em>, Jean de Kervasdou&eacute;., John Kimberly, Victor Rodwin, 2019, &Eacute;ditions ECONOMICA</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> <em>Patients, si vous saviez, confessions d&rsquo;un m&eacute;decin g&eacute;n&eacute;raliste</em>, Dr&nbsp;Christian Lehmann, 2003 et 2007 Editions Laffont et collection Points.</p>