<p>&nbsp;</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">Introduction</h2> <p class="texte">Si certains s&rsquo;attardent &agrave; faire le proc&egrave;s de l&rsquo;homme blanc pour l&rsquo;ensemble de ses &oelig;uvres durant ces derniers si&egrave;cles, n&rsquo;est-ce point l&agrave; une sorte de paresse ou de complaisance, voire un refus d&rsquo;aller plus loin dans leur critique, ces &oelig;uvres &eacute;tant inh&eacute;rentes &agrave; la modernit&eacute;&nbsp;? Celle-ci serait dans ses principes &agrave; l&rsquo;origine des g&eacute;nocides et des destructions qui nous valent le ressentiment, voire la haine de ceux qui en ont souffert&nbsp;?</p> <p class="texte">C&rsquo;est en ce sens que nous avons &eacute;tudi&eacute; dans un pr&eacute;c&eacute;dent article le rationalisme totalitaire et morbide et nous en recommandons vivement la lecture avant d&rsquo;entamer celle-ci, parce que la terreur est l&rsquo;essence de la philosophie politique des Lumi&egrave;res, d&eacute;mocratie comprise. C&rsquo;est dans le m&ecirc;me sens que nous invitons le lecteur &agrave; comprendre la perversit&eacute; du principe d&rsquo;apathie dans un autre article de la revue<a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a>. C&rsquo;est la raison de cette autre investigation plus historique et psychologique, revenant aux sources des g&eacute;nocides modernes jusqu&rsquo;&agrave; leur formalisation savante chez les nazis. Il est en effet plus que probable que cette civilisation scientifique, pour reprendre la fameuse expression de Cl&eacute;menceau, accomplisse des actes de terreur et de g&eacute;nocides sans aucun hasard. Elle est aveugl&eacute;e par son fantasme d&rsquo;une nouvelle humanit&eacute; qui r&eacute;sulte de son anthropologie o&ugrave; l&rsquo;homme devient un objet. Et cette inhumanit&eacute; tient au fait que le projet moderne s&rsquo;&eacute;vertue &agrave; arracher l&rsquo;homme de sa nature &ndash;&nbsp;en niant m&ecirc;me l&rsquo;existence&nbsp;&ndash; au profit d&rsquo;un nouvel homme, pensant pouvoir se construire ou se re/d&eacute;-construire<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a>. Mais quel qu&rsquo;en soit son projet&nbsp;: surhomme, aryen, prol&eacute;taire, m&eacute;tisse universel ou homme augment&eacute;, son av&egrave;nement suppose de liquider les peuples et toutes leurs traditions collectives. Voil&agrave; pourquoi le terme plus neutre de crime contre l&rsquo;humanit&eacute; est pr&eacute;f&eacute;r&eacute; &agrave; celui de g&eacute;nocide afin de masquer l&rsquo;intention de d&eacute;truire les peuples. Voil&agrave; l&rsquo;enjeu et le pouvoir du choix des mots&nbsp;: populicide d&rsquo;abord chez l&rsquo;anarchiste Babeuf, puis g&eacute;nocide chez le juriste humaniste Lemkin. Nous voulons les comprendre jusqu&rsquo;&agrave; montrer que la modernit&eacute; pratique &agrave; grande &eacute;chelle le g&eacute;nocide des peuples soit le martyr des autochtones, au nom m&ecirc;me de l&rsquo;av&egrave;nement de l&rsquo;universel, la notion de crime masquant la port&eacute;e politique des faits de destruction de masse.</p> <p class="texte">Le juriste Lemkin invente la notion de g&eacute;nocide portant l&rsquo;accusation au c&oelig;ur de la modernit&eacute;<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a>. Nous allons voir comment celle-ci s&rsquo;est oppos&eacute;e subtilement &agrave; la r&eacute;alit&eacute; des g&eacute;nocides, son confr&egrave;re Lauterpacht maquillant les faits en crime contre l&rsquo;humanit&eacute; dans une doctrine juridique individualiste qui, &agrave; sa mani&egrave;re, niera les populicides ou g&eacute;nocides<a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a>. Enfin, nous &eacute;tudierons concr&egrave;tement plusieurs p&eacute;riodes de l&rsquo;histoire moderne qui caract&eacute;risent cette mondialisation g&eacute;nocidaire o&ugrave; la haine des peuples anime celle de toutes les r&eacute;alit&eacute;s sociales dont l&rsquo;attachement au principe territorial si bien d&eacute;crit par Arendt<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a>. Le prix &agrave; payer pour l&rsquo;av&egrave;nement du r&egrave;gne de l&rsquo;universel abstrait n&rsquo;est rien de moins que la destruction-liquidation des communaut&eacute;s humaines, car du citoyen universel r&eacute;volutionnaire &agrave; l&rsquo;ouvrier de l&rsquo;international, du nouvel homme aryen au m&eacute;tisse mondialis&eacute;, un seul et m&ecirc;me r&ecirc;ve op&egrave;re&nbsp;; celui de la substitution de la pluralit&eacute; des peuples au profit d&rsquo;un mod&egrave;le d&rsquo;individu triomphant.</p> <p class="texte">Commen&ccedil;ons par suivre Lemkin. Mais avant, voyons comment s&rsquo;est organis&eacute; le populicide r&eacute;volutionnaire, matrice du raisonnement qui l&eacute;gitime toutes les exactions contre les peuples au nom m&ecirc;me de la qu&ecirc;te d&rsquo;une transformation anthropologique de l&rsquo;homme. Nous verrons ensuite comment les d&eacute;mocraties occidentales ont pratiqu&eacute; l&rsquo;eug&eacute;nisme, la d&eacute;portation o&ugrave; l&rsquo;enl&egrave;vement d&rsquo;enfants. Nous chercherons &agrave; comprendre comment des principes philosophiques et psychologiques intimement li&eacute;s expliquent et justifient ces pratiques dans la fausse conscience morale des modernes. Puis nous continuerons par l&rsquo;&eacute;tude du <em>Generalplan Ost</em> qui formalise la doctrine des migrations et colonisations forc&eacute;es par d&eacute;portation, extermination imm&eacute;diate ou organis&eacute;e et acculturation. Ce mod&egrave;le scientifique du projet de conqu&ecirc;te de l&rsquo;Est par les nazis &eacute;clairera d&rsquo;un jour nouveau les processus de colonisation ant&eacute;rieurs et les politiques d&rsquo;encouragement des migrations universelles plus contemporaines. Il se peut que se joue l&agrave; ce qu&rsquo;Arendt consid&eacute;rait comme le dernier sursaut d&rsquo;humanit&eacute; contre la banalisation du mal&nbsp;: la libert&eacute; de conscience. Le lecteur comprendra que le sujet &eacute;tant d&egrave;s plus s&eacute;rieux, il est n&eacute;cessaire de mettre &agrave; sa disposition dans des notes document&eacute;es les recherches les plus abouties sur ces questions.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">1. La cr&eacute;ation et l&rsquo;extension du concept de g&eacute;nocide chez Lemkin</h2> <p class="texte">La controverse oppose Lemkin &agrave; Lauterpacht &agrave; propos de la qualification des &eacute;v&eacute;nements de la seconde guerre mondiale. Le premier cherche &agrave; d&eacute;crire les pratiques des soci&eacute;t&eacute;s modernes et il invente cette notion, le second d&eacute;fend l&rsquo;autorit&eacute; des sources th&eacute;oriques du droit positif pour la rejeter au profit de la notion de crime contre l&rsquo;humanit&eacute; compatible avec la doctrine p&eacute;nale. Leur controverse a plusieurs raisons. Tout d&rsquo;abord, Lemkin cherche &agrave; d&eacute;crire les ph&eacute;nom&egrave;nes historiques in&eacute;dits o&ugrave; des r&eacute;gimes modernes et scientifiques ont mis en &oelig;uvre des programmes de destructions des populations du fait de leur appartenance &agrave; un peuple, ainsi d&eacute;nomm&eacute; par les pers&eacute;cuteurs eux-m&ecirc;mes. Ensuite, il fait &eacute;tat des mesures qui d&eacute;truisent des populations. Ceci est &agrave; l&rsquo;origine de la controverse qui l&rsquo;oppose &agrave; Lauterpacht. Cette derni&egrave;re r&eacute;v&egrave;le en effet un &eacute;cart tr&egrave;s significatif entre un homme d&eacute;sirant d&eacute;crire les ph&eacute;nom&egrave;nes du monde et un second pour qui son cadre th&eacute;orique de r&eacute;f&eacute;rence du droit p&eacute;nal ne saurait &ecirc;tre modifi&eacute;, soit la seule notion de responsabilit&eacute; individuelle associ&eacute;e &agrave; celle de crime. Enfin, les descriptions des pratiques g&eacute;nocidaires manifestent une part d&rsquo;ombre de la modernit&eacute;. Elles mettent en cause ses politiques scientifiques qu&rsquo;on pr&eacute;f&egrave;re occulter. Il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;tudier des pratiques par ailleurs reconnues, parfois contest&eacute;es, mais surtout promues, sachant qu&rsquo;elles peuvent tr&egrave;s bien faire l&rsquo;objet d&rsquo;une tr&egrave;s s&eacute;rieuse critique d&egrave;s lors que les pr&eacute;suppos&eacute;s de la modernit&eacute; sont eux-m&ecirc;mes interrogeables. Nous parlons ici de l&rsquo;enl&egrave;vement des enfants ou leur retrait de leur famille sur d&eacute;cision administrative, sans oublier l&rsquo;eug&eacute;nisme et les st&eacute;rilisations par exemple.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Le populicide chez Babeuf</strong></h3> <p class="texte"><br /> Lemkin est avant tout l&rsquo;h&eacute;ritier de Babeuf qui fit le proc&egrave;s de la Terreur r&eacute;volutionnaire et des &oelig;uvres de Carrier en pays nantais et des d&eacute;cisions du populicide contre les vend&eacute;ens, au moment des faits. Cet esprit libre, auteur de <span style="text-decoration:underline;">La Conjuration des &eacute;gaux</span>, inspira les anarchistes et les communistes du 19<sup>e</sup> si&egrave;cle. Avec une honn&ecirc;tet&eacute; intellectuelle qui l&rsquo;honore, il se r&eacute;volte contre la pratique r&eacute;volutionnaire pers&eacute;cutant des peuples&nbsp;; quand bien m&ecirc;me ceux-l&agrave; lui sont oppos&eacute;s&nbsp;; les vend&eacute;ens d&eacute;fendant le roi contre la R&eacute;publique&nbsp;; m&ecirc;me si d&rsquo;autres aspects plus pragmatiques dont le refus de la conscription ne sauraient &ecirc;tre n&eacute;glig&eacute;s. Babeuf invente &agrave; cette occasion la notion de populicide. Notons qu&rsquo;un anarchiste s&rsquo;&eacute;meut, bien avant les conservateurs. En ceci, il ne d&eacute;forme, ni les intentions, ni les pratiques. En effet, les documents historiques attestent bien de l&rsquo;affirmation de l&rsquo;existence d&rsquo;un peuple ou de sa fabrication pour l&rsquo;occasion dans le but de justifier une guerre d&rsquo;extermination qui va bien au-del&agrave; de quelques individus. La mesure est tellement radicale qu&rsquo;elle vise l&rsquo;annihilation de la population incluant les femmes fertiles et les enfants pour que cette lign&eacute;e de brigands disparaisse&nbsp;; ce sont les termes m&ecirc;mes des textes r&eacute;volutionnaires. Leur cadre th&eacute;orique est bien celui d&rsquo;une reconnaissance de l&rsquo;existence d&rsquo;une population li&eacute;e par le sang, bien loin de tout individualisme, avec la volont&eacute; d&rsquo;une &eacute;radication g&eacute;n&eacute;tique de cette population-race en question. Babeuf est l&eacute;gitime &agrave; formaliser ce terme de populicide, car il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;une invention, mais d&rsquo;une description des intentions des r&eacute;volutionnaires dont les textes et archives font la preuve de cette constance. Une premi&egrave;re loi de d&eacute;portation et de destruction totale par le feu et par le fer d&rsquo;un pan entier d&rsquo;un territoire est vot&eacute;e &agrave; l&rsquo;unanimit&eacute; le 1<sup>er</sup> ao&ucirc;t 1793. Une seconde plus explicite en mati&egrave;re d&rsquo;extermination est vot&eacute;e le 1<sup>er</sup> octobre de la m&ecirc;me ann&eacute;e<a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a>. Sans contestation sur le fond de ces &eacute;v&eacute;nements d&rsquo;extermination, une proposition de loi de reconnaissance de ce premier g&eacute;nocide fut port&eacute;e par des d&eacute;put&eacute;s en 2007, dont l&rsquo;expos&eacute; d&eacute;crit tr&egrave;s pr&eacute;cis&eacute;ment le plan d&rsquo;action du populicide, cette d&eacute;population pour reprendre le terme de Babeuf<a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a>. Les travaux historiques sont en la mati&egrave;re malheureusement &eacute;difiant, mais largement ignor&eacute;s&nbsp;; voire occult&eacute;s pour des raisons id&eacute;ologiques&nbsp;; certains craignant sans doute qu&rsquo;ils soient arguments d&rsquo;une contestation de la modernit&eacute;. Ses d&eacute;fenseurs souffrant peu la critique, ces d&eacute;tails-l&agrave; de l&rsquo;histoire sont pass&eacute;s par pertes et profits&nbsp;!</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Le g&eacute;nocide chez Lemkin</strong></h3> <p class="texte"><br /> Les deux notions de populicide et de g&eacute;nocide sont semblables dans leur construction et leur intention. Babeuf rend compte d&rsquo;une destruction organis&eacute;e d&rsquo;une population incluant l&rsquo;ensemble des civils avec le terme latin. Lemkin pr&eacute;f&egrave;re la racine grecque et renvoie aux familles partageant un m&ecirc;me lignage. Babeuf s&rsquo;indigne d&rsquo;une inhumanit&eacute; qui s&rsquo;attaque aux femmes, aux enfants, &agrave; leurs moyens de subsistance ou &agrave; l&rsquo;habitat avec des pratiques criminelles et cruelles, pour ne pas dire barbares. Le populicide organise la famine, la d&eacute;sertification, l&rsquo;arasement qui restitue une terre &agrave; un &eacute;tat primitif en vue de sa nouvelle occupation par d&rsquo;autres populations. Lemkin d&eacute;crit des techniques de destruction dont l&rsquo;objectif est le m&ecirc;me. Les deux ont en commun un style descriptif motiv&eacute; par une attitude r&eacute;aliste. Il serait vain de leur reprocher l&rsquo;incoh&eacute;rence d&rsquo;une d&eacute;finition alors qu&rsquo;il s&rsquo;agit de d&eacute;crire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Par &laquo;&nbsp;g&eacute;nocide&nbsp;&raquo;, nous entendons la destruction d&rsquo;une nation ou d&rsquo;un groupe ethnique. Ce nouveau mot, forg&eacute; par l&rsquo;auteur pour signifier une vieille pratique dans son &eacute;volution moderne, est compos&eacute; du mot grec <em>genos</em> (race, tribu), et du mot latin <em>cide</em> (tuer), s&rsquo;apparentant ainsi par sa formation &agrave; des mots comme tyrannicide, homicide, infanticide, etc. En r&egrave;gle g&eacute;n&eacute;rale, le g&eacute;nocide ne signifie pas n&eacute;cessairement la destruction imm&eacute;diate d&rsquo;une nation, sauf lorsqu&rsquo;il est r&eacute;alis&eacute; par des meurtres en masse de tous les membres d&rsquo;une nation. Il entend plut&ocirc;t signifier un plan coordonn&eacute; de diff&eacute;rentes actions visant &agrave; la destruction de fondements essentiels de la vie de groupes nationaux, dans le but d&rsquo;exterminer les groupes eux-m&ecirc;mes. Un tel plan aurait pour objectifs la d&eacute;sint&eacute;gration des institutions politiques et sociales, de la culture, de la langue, des sentiments nationaux, de la religion et de la vie &eacute;conomique de groupes nationaux, ainsi que la suppression de la s&eacute;curit&eacute; personnelle, de la libert&eacute;, de la sant&eacute;, de la dignit&eacute;, voire de la vie des personnes appartenant &agrave; ces groupes. Le g&eacute;nocide vise le groupe national en tant qu&rsquo;entit&eacute;, et les actions en question sont dirig&eacute;es contre des individus, non pas &egrave;s qualit&eacute;, mais en tant que membre du groupe national.&nbsp;&raquo; (1944, 72). La fin de sa description rend compte des intentions des nazis exprim&eacute;es dans leurs discours politiques, leurs textes juridiques et administratifs et dans les faits o&ugrave; il s&rsquo;agit d&rsquo;exterminer des peuples et non une somme d&rsquo;individus ind&eacute;pendamment de leur appartenance &agrave; ces peuples. Les camps exterminent des &laquo;&nbsp;races&nbsp;&raquo; en num&eacute;rotant leurs membres comme du cheptel confirmant toute l&rsquo;indiff&eacute;rence &agrave; leur identit&eacute; personnelle d&eacute;ni&eacute;e par l&rsquo;institution totalitaire. C&rsquo;est donc bien un g&eacute;nocide chez les auteurs, et non un crime visant des personnes en particulier comme la doctrine juridique p&eacute;naliste le veut, r&eacute;duisant l&rsquo;objet &agrave; ce qu&rsquo;elle sait d&eacute;finir.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Les pratiques g&eacute;nocidaires</strong></h3> <p class="texte"><br /> Mais Lemkin va au-del&agrave; du g&eacute;nocide nazi, voyant qu&rsquo;il incarne la civilisation scientifique &agrave; laquelle les &eacute;lites occidentales adh&egrave;rent tr&egrave;s largement, dont la grande bourgeoisie allemande qui contribuera &agrave; la promotion et &agrave; l&rsquo;installation du r&eacute;gime propice &agrave; leurs affaires. L&agrave; est la r&eacute;v&eacute;lation qui d&eacute;range. Il vise aussi les pratiques de modernisation des soci&eacute;t&eacute;s occidentales qui font comme les syst&egrave;mes totalitaires, d&eacute;portant des populations, s&eacute;lectionnant les races et les biens portants, &eacute;liminant les inutiles et les impotents, r&eacute;&eacute;duquant dans la culture jug&eacute;e la meilleure, etc. En 1947, il pr&eacute;cise que le g&eacute;nocide inclut d&rsquo;autres m&eacute;thodes de destruction&nbsp;: &laquo;&nbsp;la restriction forc&eacute;e des naissances (avortements, st&eacute;rilisations), ainsi que des dispositifs mettant gravement en p&eacute;ril la vie et la sant&eacute;.&nbsp;&raquo; (1947, 145-151). En 1948, il ajoute que&nbsp;: &laquo;&nbsp;meurtre, atteinte grave &agrave; l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; physique ou mentale, soumission intentionnelle &agrave; des conditions d&rsquo;existence devant entra&icirc;ner la destruction, mesures destin&eacute;es &agrave; restreindre par la force les naissances et transfert forc&eacute; d&rsquo;enfants hors du groupe.&nbsp;&raquo; (1948). Il &eacute;tend sa description en prenant la mesure des pratiques moins connues du Reich, dont les agissements vont bien au-del&agrave; des camps d&rsquo;extermination<a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a>. Ses extensions m&eacute;ritent toute notre attention, car elles visent des pratiques concomitamment mises en &oelig;uvre dans des soci&eacute;t&eacute;s &laquo;&nbsp;d&eacute;mocratiques&nbsp;&raquo;. Elles sont motiv&eacute;es par une volont&eacute; de modernisation des m&oelig;urs, d&rsquo;une responsabilit&eacute; de l&rsquo;Etat en mati&egrave;re d&rsquo;&eacute;ducation ou encore d&rsquo;un programme malthusien du contr&ocirc;le d&eacute;mographique des populations. Lemkin &eacute;voque ces pratiques m&eacute;dicales dans le cadre d&rsquo;un darwinisme social et d&rsquo;un eug&eacute;nisme tr&egrave;s en vogue dans les milieux scientifiques et politiques de la premi&egrave;re moiti&eacute; du 20<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle en Occident, en Su&egrave;de et aux Etats-Unis en particulier. Quelques cas rel&egrave;vent bien de populicides &agrave; l&rsquo;encontre de minorit&eacute;s sociales ou ethniques dont les Etats cherchent &agrave; contenir le poids d&eacute;mographique, voire le r&eacute;duire ou plus encore. Nous l&rsquo;&eacute;tudierons dans la partie suivante. Quant &agrave; la derni&egrave;re mesure du transfert des enfants, il &eacute;voque les pratiques d&rsquo;enl&egrave;vements organis&eacute;s en vue de d&eacute;truire les filiations. Celles-ci contestent l&rsquo;exercice d&rsquo;une &eacute;ducation par le privil&egrave;ge du sang auquel on substitue le droit &agrave; l&rsquo;&eacute;ducation des populations ind&eacute;pendamment de leurs traditions culturelles et linguistiques. L&rsquo;Etat est en derni&egrave;re instance propri&eacute;taire des individus. L&rsquo;enl&egrave;vement en vue de la bonne &eacute;ducation par la puissance publique est en effet une pratique commune entre le Reich et les d&eacute;mocraties occidentales. Ce retrait des enfants de leur famille, l&rsquo;internat forc&eacute; et l&rsquo;acculturation proc&egrave;dent bien d&rsquo;une forme d&rsquo;ethnocide. C&rsquo;est en vertu de ce constat que le Canada reconna&icirc;tra tardivement mais courageusement &ndash;&nbsp;il est une exception notable&nbsp;&ndash; le g&eacute;nocide culturel pratiqu&eacute; &agrave; l&rsquo;encontre des am&eacute;rindiens tout au long du 20<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle<a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a>. Nous verrons que les autres d&eacute;mocraties occultent encore aujourd&rsquo;hui leurs pratiques g&eacute;nocidaires en taisant et ne condamnant que timidement les diverses pratiques nazies, d&egrave;s lors qu&rsquo;elles leurs sont communes.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">2. Quelques exemples de d&eacute;mocraties g&eacute;nocidaires</h2> <p class="texte">Or, du populicide r&eacute;volutionnaire d&eacute;nonc&eacute; par Babeuf jusqu&rsquo;au g&eacute;nocide des juifs par les nazis, le principe d&rsquo;apathie explique cette froide alin&eacute;ation d&rsquo;autrui. Il est &agrave; l&rsquo;origine de leur ex&eacute;cution, avec cette distance, cette passivit&eacute; de la conscience qui sied &agrave; celui qui ex&eacute;cute dans l&rsquo;indiff&eacute;rence. Montrons comment l&rsquo;apathie triomphe dans les esprits scientifiques et techniques en nous appuyant sur les correspondances des officiers r&eacute;publicains durant la Terreur vend&eacute;enne. Elles t&eacute;moignent des m&ecirc;mes strat&eacute;gies que celles des officiers nazis, puisqu&rsquo;ils demandent le soutien de l&rsquo;organisation, l&rsquo;approbation de leur pratique et la reconnaissance de la responsabilit&eacute; de la d&eacute;cision des politiques, se d&eacute;douanant des crimes commis au motif de leur ob&eacute;issance &agrave; l&rsquo;ordre donn&eacute;. Toutes les observations d&rsquo;Arendt au proc&egrave;s d&rsquo;Eichmann sont d&eacute;j&agrave; l&agrave;. Quelques-unes des correspondances dont celle du g&eacute;n&eacute;ral Turreau sont exemplaires de cette requ&ecirc;te qui d&eacute;montre l&rsquo;appr&eacute;hension d&rsquo;avoir &agrave; rendre compte un jour de ses actes, plut&ocirc;t que d&rsquo;actes ex&eacute;cut&eacute;s sans responsabilit&eacute;, par pur devoir<a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a>. Il faut encourager l&rsquo;apathie. La correspondance entre Turreau, Carnot et le Comit&eacute; de salut public est &agrave; examiner sous l&rsquo;angle de la psychologie des auteurs. Les pi&egrave;ces en annexes permettent de constater plusieurs ph&eacute;nom&egrave;nes. Turreau mesure bien la nature des faits qui pourraient lui &ecirc;tre reproch&eacute;s pour chercher &agrave; s&rsquo;en pr&eacute;munir. L&rsquo;intention est bien de pouvoir s&rsquo;en disculper au nom du devoir rationnel. La r&eacute;ponse de Carnot t&eacute;moigne d&rsquo;une injonction apathique. Elle conduit &agrave; l&rsquo;expression accusatrice &laquo;&nbsp;tu te plains&nbsp;&raquo; comme si le doute traversait Turreau. Et la r&eacute;ponse est sans appel quant &agrave; la nature de l&rsquo;ordre. Celle du comit&eacute; est plus ambig&uuml;e. Elle manifeste cette volont&eacute; de se disculper, voire m&ecirc;me de retourner la culpabilit&eacute; sur les r&eacute;volt&eacute;s, sur cette fatalit&eacute; de l&rsquo;histoire qui conduit le r&eacute;volutionnaire &agrave; accomplir par n&eacute;cessit&eacute; ce qu&rsquo;il ne voulait sans doute pas commettre dans un premier temps, mais qu&rsquo;il consent &agrave; faire avec abn&eacute;gation, par devoir l&agrave; encore. Le cours tragique de l&rsquo;histoire oblige de tuer, mais les auteurs ne sont pas vraiment meurtriers semble dire cette lettre qui joue de la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;exterminer avant que la r&eacute;volution ne reprenne son cours. Le prix &agrave; payer est d&rsquo;ailleurs la r&eacute;ponse des partisans qui, le plus souvent, d&rsquo;un revers de main, balayent les crimes commis&nbsp;: fatalit&eacute;, anecdote, d&eacute;tail de l&rsquo;histoire sans commune mesure avec l&rsquo;enjeu qui m&eacute;ritait bien, si n&eacute;cessaire, quelques sacrifices. Cet esprit de la lettre du Comit&eacute; de salut public irrigue depuis toutes les argumentations g&eacute;nocidaires qui r&eacute;futent toute culpabilit&eacute;, &agrave; la mani&egrave;re du criminel ne voulant pas voir les images des cons&eacute;quences de ses actes sur les victimes. Ce n&rsquo;est pas moi, ce n&rsquo;est pas nous, ou c&rsquo;est un nous victime du sort, victime des victimes qui nous ont provoqu&eacute;es. Et la r&eacute;habilitation de Turreau confirme cette conception de l&rsquo;histoire dans ses n&eacute;cessit&eacute;s tragiques. Il sera acquitt&eacute; par un tribunal militaire consid&eacute;rant qu&rsquo;il n&rsquo;a fait qu&rsquo;ex&eacute;cuter les ordres, autorisant sa r&eacute;int&eacute;gration dans l&rsquo;arm&eacute;e en 1797. Le crime commis administrativement n&rsquo;est est donc pas un.</p> <p class="texte">Cette apathie donne des raisons au crime pour ne pas dire bonne conscience, ce qu&rsquo;Arendt confirmera lors du proc&egrave;s Eichmann, traduisant son comportement dans la c&eacute;l&egrave;bre expression de la banalit&eacute; du mal, banalit&eacute; li&eacute;e &agrave; son caract&egrave;re ordinaire, sans relief, commun&eacute;ment ex&eacute;cut&eacute;e, sans culpabilit&eacute;, par l&rsquo;assurance de se savoir associ&eacute; &agrave; un travail d&eacute;cid&eacute; par des tiers experts et hi&eacute;rarchiques qui eux savent pourquoi ces choses-l&agrave; sont fa&icirc;tes. Et le principe d&rsquo;apathie est la vertu cardinale de l&rsquo;homme de raison chez Kant<a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a>. La modernit&eacute; enfante la terreur. L&rsquo;apathie est bien pr&eacute;sente dans ces &eacute;pisodes repr&eacute;sentatifs de la modernisation scientifique, entre les faits de l&rsquo;Ouest de la France d&eacute;nonc&eacute; par Babeuf et, plus tard, les camps d&rsquo;exterminations nazis d&eacute;crit par Lemkin. Mais cette apathie agit autant chez les bureaucrates nazis que chez les technocrates occidentaux. Confirmons-le en examinant trois &eacute;pisodes des d&eacute;cisions politiques de d&eacute;mocraties occidentales&nbsp;: 1)&nbsp;Les politiques de <em>darwinisme social aux Etats-Unis</em>, 2)&nbsp;<em>l&rsquo;eug&eacute;nisme en Su&egrave;de</em> et plus r&eacute;cemment, 3)&nbsp;<em>les enfants r&eacute;unionnais de la Creuse </em>en France. D&eacute;crivons la d&eacute;marche, les intentions, voire la philosophie qui pr&eacute;side de telles politiques, sans oublier les conditions psychologiques qui favorisent leur r&eacute;alisation&nbsp;:</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Le darwinisme social am&eacute;ricain</strong></h3> <p class="texte"><br /> 1) Il est le fruit de deux certitudes scientifiques de l&rsquo;&eacute;poque. L&rsquo;eug&eacute;nisme vise &agrave; purifier les populations et le darwinisme social tr&egrave;s en vogue dans l&rsquo;Am&eacute;rique de l&rsquo;entre-deux guerres persuade que les pauvres sont des sous-hommes dont il faut &eacute;viter la reproduction. Le r&eacute;sum&eacute; des faits historiques est le suivant. L&rsquo;eug&eacute;nisme est tr&egrave;s largement diffus&eacute; dans les universit&eacute;s am&eacute;ricaines et de nombreuses fondations prestigieuses soutiennent financi&egrave;rement les travaux et les programmes de contr&ocirc;le des populations. Certaines populations sont vis&eacute;es&nbsp;: les &laquo;&nbsp;d&eacute;biles&nbsp;&raquo;, terme de l&rsquo;&eacute;poque, les minorit&eacute;s ethniques dont les am&eacute;rindiens, les noirs ou les pauvres. La quasi-totalit&eacute; des Etats l&eacute;gif&eacute;reront en faveur de telles politiques conduisant &agrave; des pratiques de st&eacute;rilisations forc&eacute;es<a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a>. Outre ces actes chirurgicaux, les am&eacute;rindiens seront isol&eacute;s, cantonn&eacute;s, condamn&eacute;s &agrave; la maltraitance et &agrave; la malnutrition dans des &laquo;&nbsp;r&eacute;serves&nbsp;&raquo;&nbsp;; lieux de protection&nbsp;? Lieux d&rsquo;ali&eacute;nation&nbsp;? Lieux d&eacute;di&eacute;s &agrave; une &laquo;&nbsp;race&nbsp;&raquo; en voie d&rsquo;extinction comme les animaux mis en r&eacute;serve. De plus, ces populations seront d&eacute;plac&eacute;es pour laisser leurs terres aux colons. Les premi&egrave;res r&eacute;serves seront attribu&eacute;es aux tribus&nbsp;; puis plus tard, la seconde loi sur les terres am&eacute;rindiennes r&eacute;duira les parcelles et proc&eacute;dera par affectation individuelle d&rsquo;une terre, reniant ainsi des droits collectifs et politiques&nbsp;; faisant de chacun un objet de la nation am&eacute;ricaine. Le collectif des autochtones n&rsquo;existe d&eacute;j&agrave; plus dans la loi. Ce glissement l&eacute;gislatif fait passer d&rsquo;une relation de personne morale &agrave; personne morale&nbsp;; &agrave; une subordination des individus &agrave; la loi dominante des immigrants-colons<a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a>.</p> <p class="paragraphesansretrait">Ce vaste mouvement en faveur de ces pratiques tient &agrave; une mani&egrave;re de concevoir le rapport des dirigeants &agrave; leurs populations qui rel&egrave;ve de l&rsquo;objectification en psychologie. Pour le dirigeant politique moderne, l&rsquo;homme n&rsquo;est rien d&rsquo;autre que sa propri&eacute;t&eacute;, sur laquelle il exerce des droits d&rsquo;en user et abuser &agrave; sa convenance. Relisons Th&eacute;odore Roosevelt. Dans sa correspondance au biologiste Davenport en date du 3 janvier 1913, Roosevelt &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il est extraordinaire que notre peuple refuse d&rsquo;appliquer aux &ecirc;tres humains les connaissances aussi &eacute;l&eacute;mentaires que les &eacute;leveurs pratiquent sur leur b&eacute;tail. N&rsquo;importe quel fermier qui emp&ecirc;cherait ses meilleures lign&eacute;es de se reproduire et favoriserait la croissance la plus mauvaise, serait envoy&eacute; &agrave; l&rsquo;asile. Ce qui est bon pour les animaux, l&rsquo;est aussi pour l&rsquo;Homme.&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a>. L&rsquo;apathie est &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans cette froide distance d&eacute;nu&eacute;e de toute empathie pour autrui, largement chosifi&eacute;, dont l&rsquo;auteur s&rsquo;exclut, pensant appartenir &agrave; une autre cat&eacute;gorie, faisant resurgir une soci&eacute;t&eacute; de castes avec des degr&eacute;s d&rsquo;humanit&eacute; l&eacute;gitimant des comportements diff&eacute;renci&eacute;s selon la nature des populations. Il s&rsquo;arroge un pouvoir d&rsquo;amputation d&rsquo;autrui, celui-ci supposant de ne pas lui reconna&icirc;tre la m&ecirc;me dignit&eacute; qu&rsquo;&agrave; soi-m&ecirc;me, sauf &agrave; &ecirc;tre exemplaire dans l&rsquo;application de ces politiques. Le lecteur aura not&eacute; que l&rsquo;argumentation a cette particularit&eacute; de disculper les propagandistes d&rsquo;une mesure qui ne saurait les atteindre. Plus &eacute;tonnant encore, ce sont des hommes qui prennent des d&eacute;cisions pour amputer le corps des femmes. Leur corps est &eacute;tranger &agrave; la perception mim&eacute;tique de la douleur inflig&eacute;e, ces d&eacute;cideurs, hommes, n&rsquo;ayant pas d&rsquo;intimit&eacute; &agrave; cette souffrance, et ce d&rsquo;autant qu&rsquo;il s&rsquo;agit de ces op&eacute;rations d&icirc;tes &laquo;&nbsp;invisibles&nbsp;&raquo;.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>L&rsquo;eug&eacute;nisme su&eacute;dois</strong></h3> <p class="texte"><br /> 2) Il a donn&eacute; lieu &agrave; une enqu&ecirc;te au sein du Royaume et les faits sont admis. Les premi&egrave;res lois furent vot&eacute;es &agrave; l&rsquo;unanimit&eacute; par le Riksdag perdurant jusque dans les ann&eacute;es soixante-dix. La Su&egrave;de d&eacute;mocratique sera unanime comme le rappelle Drouard dans ses excellents travaux historiques&nbsp;: &laquo;&nbsp;En d&eacute;cembre 1918, est pr&eacute;sent&eacute;e une proposition de cr&eacute;ation d&rsquo;un Institut Nobel pour la biologie raciale. Apr&egrave;s l&rsquo;&eacute;chec de cette premi&egrave;re tentative, un projet de loi est pr&eacute;sent&eacute; aux deux Chambres en 1921 et ce projet recueille le soutien de tous les partis. C&rsquo;est ainsi que fut cr&eacute;&eacute; en 1922, par la volont&eacute; du peuple su&eacute;dois et avec l&rsquo;accord du Roi, le premier Institut de biologie raciale au monde.&nbsp;&raquo; (1998, 638). Environ 63.000 st&eacute;rilisations furent pratiqu&eacute;es pendant cette p&eacute;riode. L&rsquo;enqu&ecirc;te gouvernementale estime que 21.000 personnes furent st&eacute;rilis&eacute;es de force, beaucoup avec un accord formel tr&egrave;s loin du consentement &eacute;clair&eacute;. Ce programme, dit d&rsquo;hygi&egrave;ne sociale et raciale faisait l&rsquo;objet d&rsquo;un consensus politique dans la d&eacute;mocratie su&eacute;doise. L&rsquo;objectif n&rsquo;&eacute;tait pas de purifier la race &agrave; l&rsquo;instar des nazis, mais de lutter contre toute forme de d&eacute;g&eacute;n&eacute;rescence, d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;expression d&rsquo;hygi&egrave;ne sociale. En am&eacute;liorant la qualit&eacute; moyenne des humains, il s&rsquo;agissait d&rsquo;&eacute;viter les reproductions jug&eacute;es improductives. Les handicap&eacute;s, les marginaux, les d&eacute;linquants ne devaient pas se reproduire. Dans des milieux modestes, les allocations &eacute;taient subordonn&eacute;es &agrave; l&rsquo;acceptation de la st&eacute;rilisation de la femme. Les &eacute;tudes su&eacute;doises confirment que les femmes furent les principales victimes dans une proportion de 99&nbsp;% des st&eacute;rilisations r&eacute;alis&eacute;es. Ces r&eacute;v&eacute;lations &eacute;branl&egrave;rent la soci&eacute;t&eacute; su&eacute;doise d&eacute;couvrant sous un autre jour le mythe d&rsquo;un Etat-Providence, le croyant neutre et bienveillant pour ses populations, ce qui se trouve l&agrave; remis en cause par une politique men&eacute;e &agrave; l&rsquo;insu des populations, sans aucun assentiment<a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a>.</p> <p class="paragraphesansretrait">A cet &eacute;gard, une figure intellectuelle su&eacute;doise incarne tr&egrave;s bien cette ambivalence&nbsp;: Alva Myrdal, prix Nobel de la paix<a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a>. Avec son mari l&rsquo;&eacute;conomiste Gunnar Myrdal, ils participent &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration de la nouvelle politique familiale. Elle s&rsquo;appuie sur les travaux d&rsquo;avant-guerre de la Commission royale su&eacute;doise sur la population pour l&eacute;gitimer un contr&ocirc;le de la natalit&eacute;, tant en nombre qu&rsquo;en qualit&eacute; en vertu de cet objectif d&rsquo;hygi&egrave;ne sociale. La st&eacute;rilisation eug&eacute;nique des femmes y est mise en avant pour ces raisons. L&rsquo;intellectuelle d&eacute;fendra cette vision d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; la famille est de taille modeste, &eacute;conomiquement en capacit&eacute; d&rsquo;&eacute;lever dignement ces quelques enfants, en vertu d&rsquo;une mod&eacute;lisation d&rsquo;un bien vivre &eacute;manant d&rsquo;une doctrine &eacute;conomique et sociale s&ucirc;r de son bon droit et de ses crit&egrave;res de jugement pour imposer ses r&eacute;f&eacute;rences. A la fa&ccedil;on de l&rsquo;<em>american way of life</em>, la Su&egrave;de moderne a des certitudes sur le mod&egrave;le familial&nbsp;: le p&egrave;re, la m&egrave;re et deux ou trois enfants au plus, la libert&eacute; n&rsquo;a plus sa part.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Les enfants r&eacute;unionnais de la Creuse</strong></h3> <p class="texte"><br /> 3) Ils rel&egrave;vent d&rsquo;une d&eacute;cision de repeuplement de d&eacute;partements fran&ccedil;ais dont tout particuli&egrave;rement la Creuse de 1963 &agrave; 1982 en proc&eacute;dant au d&eacute;placement-d&eacute;portation d&rsquo;environ 2.150 enfants en provenance de l&rsquo;&icirc;le de la R&eacute;union. On doit &agrave; des communistes de d&eacute;noncer ce trafic d&rsquo;enfants d&egrave;s 1968. Des familles peu alphab&eacute;tis&eacute;es signent des proc&egrave;s-verbaux d&rsquo;abandon qui font de ces enfants des pupilles de l&rsquo;Etat, soit des enfants assujettis &agrave; la d&eacute;cision administrative, en l&rsquo;occurrence les directions des affaires sanitaires et sociales. L&rsquo;association des R&eacute;unionnais de la Creuse a souhait&eacute; faire condamner l&rsquo;Etat Fran&ccedil;ais pour la d&eacute;portation de ces 1.630 enfants. Outre le fait d&rsquo;enl&egrave;vement et de d&eacute;portation, leurs conditions de vie n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; am&eacute;lior&eacute;es, ce qui introduit un doute suppl&eacute;mentaire quant aux motivations des politiques. En effet, si certains ont &eacute;t&eacute; bien accueillis dans des familles bienveillantes, d&rsquo;autres ont &eacute;t&eacute; maltrait&eacute;s, voire soumis &agrave; des traitements relevant de la &laquo;&nbsp;mise en esclavage&nbsp;&raquo; comme l&rsquo;&eacute;tudie l&rsquo;historien Jablonka. Le drame de l&rsquo;arrachement puis des conditions de vie difficiles confirment les effets d&rsquo;une telle politique<a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a>. Le rationalisme d&rsquo;Etat aurait donc analys&eacute; avec froideur un probl&egrave;me d&eacute;mographique et conclut &agrave; une n&eacute;cessit&eacute; de transfert de populations, alors consid&eacute;r&eacute;es comme des objets &agrave; disposition. Notons, que le politique a sans doute pens&eacute; que cette population d&rsquo;esclaves d&eacute;port&eacute;s d&rsquo;Afrique ou d&rsquo;Asie sur l&rsquo;&icirc;le pouvait de nouveau l&rsquo;&ecirc;tre sans difficult&eacute;. Le migrant ne serait-il pas avant tout un objet qu&rsquo;on d&eacute;place &agrave; sa convenance&nbsp;? Plus encore, d&rsquo;autres pratiques g&eacute;nocidaires r&eacute;pertori&eacute;es par Lemkin ont &eacute;t&eacute; mises en &oelig;uvre. En effet, des parlementaires se sont saisis d&rsquo;une entreprise d&rsquo;avortements sous contraintes et de st&eacute;rilisation &eacute;valu&eacute;s &agrave; ce stade &agrave; environ 8.000/an sur plusieurs ann&eacute;es, dans la lign&eacute;e m&ecirc;me de la d&eacute;finition du g&eacute;nocide de Lemkin.</p> <p class="texte">Ces trois exemples ont des points communs dont l&rsquo;absence de consid&eacute;ration pour la &laquo;&nbsp;chose humaine&nbsp;&raquo; soumise &agrave; la d&eacute;cision politique qui use et abuse des populations &agrave; sa convenance. La modernit&eacute; pratique &agrave; sa fa&ccedil;on un servage technocratique par&eacute; de quelques arguments rationnels. Autre point commun, ils proc&egrave;dent tous d&rsquo;une intention de modernisation, c&rsquo;est-&agrave;-dire d&rsquo;une d&eacute;culturation-acculturation contrainte et forc&eacute;e au nom m&ecirc;me de la sup&eacute;riorit&eacute; des m&oelig;urs et de l&rsquo;&eacute;ducation rationnelle des soci&eacute;t&eacute;s occidentales qui savent ce qui est bien. Dernier point commun, l&rsquo;organisation administrative et technocratique de ces op&eacute;rations met chaque fonctionnaire en position d&rsquo;ex&eacute;cution apathique et morbide, sans v&eacute;ritable responsabilit&eacute;, &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;Eichmann. Il faut souligner que ces &eacute;v&eacute;nements ont &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute;s a posteriori par des historiens, des philosophes ou des sociologues, sans que cette question de la permanence de la pratique et de l&rsquo;assentiment quasi-g&eacute;n&eacute;ral sur plusieurs d&eacute;cennies ne soit l&rsquo;objet d&rsquo;une interrogation plus critique encore. En effet, comment des personnels de nos administrations ont-ils pu assumer ces actes sans pour la plupart les d&eacute;noncer&nbsp;? Restera &agrave; &eacute;tudier comment des m&eacute;decins, des fonctionnaires, voire des &eacute;lus locaux et des responsables de politiques publiques ont pu ex&eacute;cuter en toute impunit&eacute; de telles &oelig;uvres &agrave; la mani&egrave;re de petits Eichmann&nbsp;; dans l&rsquo;indiff&eacute;rence g&eacute;n&eacute;rale. Deux hypoth&egrave;ses seront &agrave; &eacute;tudier plus tard, le r&egrave;gne du principe d&rsquo;apathie et sa raison morbide qui rend insensible &agrave; l&rsquo;humanit&eacute; de l&rsquo;autre, l&rsquo;ali&eacute;nation de la libert&eacute; de conscience dans les appareils d&rsquo;Etat du fait des hi&eacute;rarchies rationnelles et totalitaires visant &agrave; exercer un pouvoir de suj&eacute;tion et de d&eacute;responsabilisation incompatible avec le respect de la dignit&eacute; de la personne humaine.</p> <p class="texte">La banalit&eacute; du mal s&rsquo;expliquerait donc bien par ce retrait des &eacute;motions et de la sensibilit&eacute;. L&rsquo;acceptation des violences de la modernisation s&rsquo;expliquerait par l&rsquo;enseignement de l&rsquo;apathie d&eacute;veloppant son attitude et son argumentation rationnelles propices &agrave; la motivation de v&eacute;ritables tendances g&eacute;nocidaires. Et ces derni&egrave;res perdureraient aussi longtemps que le principe d&rsquo;apathie soutient leur vraisemblance scientifique, les exemptant d&rsquo;un questionnement, prot&eacute;g&eacute;es par cette indiff&eacute;rence lointaine.&nbsp;Nous sommes l&agrave; dans l&rsquo;exp&eacute;rience bien concr&egrave;te de la banalit&eacute; du mal. C&rsquo;est pourquoi, pour faire vaciller cette fausse conscience occidentale, il faut aller chercher dans les fondements de la modernit&eacute;.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">3. L&rsquo;universalisation de la modernit&eacute; g&eacute;nocidaire</h2> <p class="texte">Il est maintenant utile de mettre en perspective toutes les pratiques de la modernisation qui sont communes aux nazis et &agrave; la mondialisation d&eacute;mocratique g&eacute;nocidaire. Or, pour se convaincre que certaines pratiques contemporaines rel&egrave;vent bien d&rsquo;une organisation g&eacute;nocidaire &agrave; l&rsquo;instar des d&eacute;finitions de Lemkin, il est n&eacute;cessaire d&rsquo;identifier les ressorts d&rsquo;un programme g&eacute;nocidaire. C&rsquo;est maintenant la raison d&rsquo;un travail historique sans lequel nous ne ferions que des d&eacute;nonciations sans argument. L&rsquo;hypoth&egrave;se est qu&rsquo;en comprenant les ressorts bien actifs des plans nazis, nous disposerons d&rsquo;un outil d&rsquo;analyse qui permettra d&rsquo;y comparer les politiques mondiales command&eacute;es par les institutions internationales pour en v&eacute;rifier les similitudes.</p> <p class="texte">Le nazisme ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas aux camps d&rsquo;extermination. Il initia d&rsquo;autres projets dont celui de l&rsquo;appropriation des terres de l&rsquo;Est de l&rsquo;Europe. Nous proc&eacute;derons en trois temps. Nous exposerons 1)&nbsp;le programme de l&rsquo;Est <em>Generalplan Ost</em>, puis nous rep&eacute;rerons 2)&nbsp;ses <em>ressorts programmatiques</em> et nous proc&eacute;derons enfin par 3)&nbsp;la <em>d&eacute;monstration par le contre-exemple</em> avec le cas embl&eacute;matique de l&rsquo;Alg&eacute;rie fran&ccedil;aise.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Le Generalplan Ost</strong></h3> <p class="texte"><br /> 1) Le <em>Generalplan Ost</em> a &eacute;t&eacute; &eacute;labor&eacute; entre 1939 et 1943 dans le but d&rsquo;organiser les terres conquises &agrave; l&rsquo;Est de l&rsquo;Europe, en particulier la Pologne. Cette planification en faveur d&rsquo;une Nouvelle Europe a pour objectif de conduire un programme de d&eacute;population-repopulation en vertu d&rsquo;une science des races et des espaces. L&rsquo;expression utilis&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;r&eacute;organiser les relations ethniques en Europe&nbsp;&raquo; mobilise les instances en charge de l&rsquo;immigration. Pour chaque territoire, il s&rsquo;agit de cr&eacute;er les conditions de sa &laquo;&nbsp;germanisation&nbsp;&raquo;. Plusieurs aspects sont &eacute;tudi&eacute;s attentivement dont celui de la d&eacute;population qu&rsquo;il faut obtenir par d&eacute;placement, refoulement, d&eacute;portation, voire extermination en organisant des famines et condamnant aux travaux forc&eacute;s. L&rsquo;id&eacute;e ma&icirc;tresse est le d&eacute;placement des populations. Il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;vacuer. Le plan pr&eacute;voit d&rsquo;expulser massivement des millions de personnes de la Pologne &agrave; l&rsquo;Ukraine et la Bi&eacute;lorussie. C&rsquo;est la doctrine du refoulement spatial. Ces populations sont expuls&eacute;es en vertu de crit&egrave;res ethniques et religieux. Il s&rsquo;agit aussi d&rsquo;exterminer sur place par des mesures de d&eacute;cimation et de famine. Le projet vise &agrave; exterminer quelques autres millions de personnes. Pendant toute une premi&egrave;re p&eacute;riode, l&rsquo;utopie raciale n&rsquo;est pas encore atteignable, faute de pouvoir exterminer et d&eacute;porter simultan&eacute;ment l&rsquo;int&eacute;gralit&eacute; des populations ind&eacute;sirables. Les slaves en particulier seront des travailleurs maltrait&eacute;s mais utiles pour la conduite de grands travaux, leur disparition se r&eacute;alisant progressivement. A cette &eacute;tape de d&eacute;population, succ&egrave;de une &eacute;tape de repopulation, planifi&eacute;es elle aussi sous la forme d&rsquo;une colonisation par transplantation de quelques millions d&rsquo;allemands. Les <em>Volkdeutsche</em> sont &agrave; d&eacute;placer, eux aussi, de camps de transit en camps de transit, prenant des allemands de r&eacute;gions peupl&eacute;es de l&rsquo;Ouest &ndash;&nbsp;Bade par exemple&nbsp;&ndash; &agrave; transf&eacute;rer &agrave; mille ou deux milles kilom&egrave;tres &agrave; l&rsquo;Est. Et chaque population de d&eacute;part est affect&eacute;e &agrave; une destination la plus ressemblante possible pour profiter de la connaissance des terrains&nbsp;: plaines, montagnes, villes etc. Le projet comporte aussi une exigence de croissance d&eacute;mographique rapide de ces colons, afin de rendre le remplacement irr&eacute;versible. Il s&rsquo;agit d&rsquo;inciter ces familles &agrave; avoir au moins quatre enfants pour occuper ces immenses espaces, d&rsquo;assurer leur domination et leur exploitation. Le plan vise la r&eacute;alisation d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; pacifi&eacute;e exprimant toute la puissance de la sup&eacute;riorit&eacute; d&rsquo;une occupation aryenne des territoires. Meyer-Hetling<a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a> recommande une organisation sociale s&rsquo;appuyant sur un &eacute;quilibre entre les populations paysannes, les artisans, les ouvriers et les employ&eacute;s des services. Mais l&rsquo;appropriation du territoire passe par sa transformation radicale, supprimant les traces du pass&eacute; au profit d&rsquo;une architecture nouvelle et d&rsquo;un dessin r&eacute;nov&eacute; des paysages agraires. Afin de lutter contre l&rsquo;effet de d&eacute;racinement des colons, les nazis souhaitent modifier la structure m&ecirc;me du paysage pour qu&rsquo;il ressemble au plus vite aux r&eacute;gions d&rsquo;origine. Himmler demande d&egrave;s d&eacute;cembre 1942 de planifier cette transformation des paysages pour que les colons s&rsquo;acclimatent au mieux. A cet &eacute;gard, le projet de la nouvelle Varsovie est symptomatique d&rsquo;une intention de destruction des traces de la m&eacute;moire, pour lui substituer la banalit&eacute; d&rsquo;une ville moyenne, &ocirc;tant les t&eacute;moignages d&rsquo;une puissance nationale ant&eacute;rieure<a class="footnotecall" href="#ftn19" id="bodyftn19">19</a>.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Ses ressorts programmatiques</strong></h3> <p class="texte"><br /> 2) Ils peuvent se r&eacute;sumer en six points qui fonctionnent deux &agrave; deux, l&rsquo;un portant sur les autochtones, l&rsquo;autre portant sur les migrants, chaque bin&ocirc;me traduisant une asym&eacute;trie tr&egrave;s marqu&eacute;e, soit une in&eacute;galit&eacute; manifeste de traitement en mati&egrave;re juridique, d&eacute;mographique et culturelle, les autochtones &eacute;tant ici les polonais et les migrants, les allemands transf&eacute;r&eacute;s&nbsp;:</p> <p class="paragraphesansretrait">a) Il est d&rsquo;abord fond&eacute; sur la contestation des droits des autochtones au nom d&rsquo;une alternative qui d&eacute;nonce les droits des propri&eacute;taires en place. Les colons anglais faisaient de m&ecirc;me face aux indiens, et les colons en g&eacute;n&eacute;ral adoptaient cette attitude de non-reconnaissance des populations pr&eacute;sentes sur un territoire comme les espagnols en Am&eacute;rique ou les fran&ccedil;ais en Afrique. Le polonais, par exemple, n&rsquo;a pas de droit sur ce territoire qu&rsquo;il cultive depuis parfois une ou deux dizaines de g&eacute;n&eacute;rations.</p> <p class="paragraphesansretrait">b) Cette contestation est bien &eacute;videmment fond&eacute;e par le droit des migrants-colons, qui conteste, exproprie, d&eacute;porte, voire extermine s&rsquo;il y a r&eacute;sistance. En cas de co-existence temporaire, ce qui fut envisag&eacute; dans le plan de Meyer-Hetling par pragmatisme, le nouvel occupant a des droits sup&eacute;rieurs &agrave; l&rsquo;ancien occupant. Imm&eacute;diatement, s&rsquo;installe une asym&eacute;trie de traitement dissuasive. Ces diff&eacute;rences ont &eacute;t&eacute; quasi-syst&eacute;matiques dans les processus de colonisation pour faire valoir les droits nouveaux contre les occupants anciens jusqu&rsquo;&agrave; entretenir des mod&egrave;les discriminatoires entre citoyens et indig&egrave;nes par exemple dans les colonies fran&ccedil;aises<a class="footnotecall" href="#ftn20" id="bodyftn20">20</a>. Nous le montrerons par la suite dans le cas de l&rsquo;Alg&eacute;rie.</p> <p class="paragraphesansretrait">c) En application des isolats pens&eacute;s par Meyer-Hetling, il s&rsquo;agit de r&eacute;ussir des implantations en &eacute;cartant les autochtones afin d&rsquo;occuper des espaces avec des populations homog&egrave;nes et d&rsquo;y installer rapidement le nouveau mode de vie des migrants, en cherchant le point critique estim&eacute; par les nazis &agrave; 50&nbsp;% de la population sur un territoire donn&eacute;&nbsp;; et ce en isolant, repoussant, expulsant, cr&eacute;ant les conditions de renoncement &agrave; rester l&agrave;. La colonisation ne vise pas la co-existence, m&ecirc;me si elle la g&egrave;re temporairement. Ce cap sera d&eacute;terminant des succ&egrave;s comme des &eacute;checs coloniaux.</p> <p class="paragraphesansretrait">d) la pression migratoire est indispensable, et c&rsquo;est un des points de vigilance du projet de l&rsquo;Est que de soutenir la natalit&eacute; des r&eacute;gions germaniques dont sont originaires les migrants, pour entretenir un flux de d&eacute;placement n&eacute;cessaire &agrave; l&rsquo;ach&egrave;vement d&rsquo;un processus de repeuplement. La doctrine de la famille nombreuse a toujours &eacute;t&eacute; pratiqu&eacute;e dans les colonies, les canadiens &eacute;tant sans doute les plus embl&eacute;matiques de cette apologie de la tr&egrave;s grande famille, dans le but d&rsquo;occuper les espaces disponibles au d&eacute;triment des am&eacute;rindiens.</p> <p class="paragraphesansretrait">e) l&rsquo;appauvrissement des populations autochtones est ensuite savamment organis&eacute; pour en r&eacute;duire l&rsquo;influence et les capacit&eacute;s de r&eacute;sistances, voire chez les nazis, en acc&eacute;l&eacute;rer l&rsquo;extermination ou la d&eacute;portation dans des contr&eacute;es lointaines et de pr&eacute;f&eacute;rence hostiles. A l&rsquo;instar des colonisations am&eacute;ricaines en particulier, le cantonnement, la marginalisation, la d&eacute;culturation, l&rsquo;abandon social et &eacute;conomique conduit &agrave; l&rsquo;ali&eacute;nation et &agrave; la destruction des populations ind&eacute;sirables.</p> <p class="paragraphesansretrait">f) la d&eacute;construction-reconstruction de l&rsquo;environnement est &agrave; soutenir en vertu de la pr&eacute;&eacute;minence des mod&egrave;les culturels des nouveaux occupants-migrants instaurant leurs m&oelig;urs, pour &eacute;viter toute acculturation &agrave; des traditions locales jug&eacute;es ind&eacute;sirables et inf&eacute;rieures.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Le contre-exemple alg&eacute;rien</strong></h3> <p class="texte"><br /> 3) la <em>d&eacute;monstration par le contre-exemple</em> &eacute;prouve notre analyse des ressorts du programme de <em>Generalplan Ost</em>. Prenons un cas d&rsquo;&eacute;chec de la colonisation o&ugrave; la r&eacute;sistance culturelle des autochtones et les h&eacute;sitations des colons ont conduit &agrave; une succession d&rsquo;impasses dont l&rsquo;ultime cons&eacute;quence sera le divorce lors de la guerre d&rsquo;Alg&eacute;rie. La situation de l&rsquo;Alg&eacute;rie apr&egrave;s la victoire de 1830 est d&rsquo;un tr&egrave;s grand int&eacute;r&ecirc;t puisqu&rsquo;elle t&eacute;moigne d&rsquo;une autre asym&eacute;trie, celle qui distingue les autochtones arabes, juifs et kabyles des colons s&rsquo;installant sur de nouvelles terres devenues fran&ccedil;aises. Ce premier temps de co-existence marque une premi&egrave;re h&eacute;sitation en l&rsquo;absence de d&eacute;cision programmatique av&eacute;r&eacute;e, des positions contradictoires partageant les parlementaires entre les colons aspirant &agrave; des droits sup&eacute;rieurs dans le but de s&rsquo;approprier les terres et une partie des militaires plus pr&eacute;occup&eacute;s de pr&eacute;server l&rsquo;&eacute;quilibre pr&eacute;caire d&rsquo;une paix fragile, restant minoritaire dans un rapport de quelques centaines de milliers pour quelques millions.</p> <p class="texte">A la diff&eacute;rence de la m&eacute;tropole, l&rsquo;ordonnance du 26 septembre 1842 confirme les tribunaux islamiques pour les musulmans et le &laquo;&nbsp;statut personnel mosa&iuml;que&nbsp;&raquo; en mati&egrave;re de mariage, divorce et succession pour les juifs. Deux questions au moins divisent les juristes, politiques et militaires.</p> <p class="texte">La premi&egrave;re tient aux m&oelig;urs. Le conseiller Flandrin &eacute;crit &agrave; ce propos&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le plein exercice des droits de citoyen fran&ccedil;ais est incompatible avec la conservation du statut musulman et de ses dispositions contraires &agrave; nos lois et &agrave; nos m&oelig;urs sur le mariage, sur la r&eacute;pudiation, le divorce, l&rsquo;&eacute;tat civil des enfants.&nbsp;&raquo; (1896, 303)<a class="footnotecall" href="#ftn21" id="bodyftn21">21</a>. La difficult&eacute; tient &agrave; la conciliation entre les exigences du code civil, en rappelant au lecteur que le divorce est interdit, alors qu&rsquo;il est pratiqu&eacute; ainsi que la r&eacute;pudiation, tant chez les musulmans et les juifs de ces r&eacute;gions. C&rsquo;est donc par la volont&eacute; de pr&eacute;server des usages tr&egrave;s difficiles &agrave; transformer concr&egrave;tement, que le l&eacute;gislateur renonce &agrave; accorder la pleine citoyennet&eacute;. Auguste Warnier, pr&eacute;fet puis d&eacute;put&eacute; d&rsquo;Alger s&rsquo;exprime en ces termes &agrave; l&rsquo;assembl&eacute;e nationale&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous distinguons entre le statut r&eacute;el et le statut personnel des musulmans de l&rsquo;Alg&eacute;rie. Nous respectons ce dernier, qui touche par divers points &agrave; la libert&eacute; de conscience, &agrave; la religion, &agrave; la vie intime de la famille&nbsp;; mais nous consid&eacute;rons comme un devoir de retenir le statut r&eacute;el, celui qui touche aux int&eacute;r&ecirc;ts immobiliers, pour le soumettre &agrave; la loi fran&ccedil;aise, aux principes fondamentaux de notre droit public partout o&ugrave; flotte le drapeau national.&nbsp;&raquo; (1896, 399). Les d&eacute;bats politiques de l&rsquo;&eacute;poque, dont le projet d&rsquo;un royaume arabe par Napol&eacute;on III, t&eacute;moigne de cette volont&eacute; de pr&eacute;server une soci&eacute;t&eacute; d&icirc;tes arabe et musulmane. La premi&egrave;re condition de l&rsquo;&eacute;chec, du point de vue d&rsquo;une conqu&ecirc;te, est l&agrave;. Les autochtones ont su pr&eacute;server leur droit.</p> <p class="texte">La seconde tient au respect des territoires que les colons vont contester pour faire triompher le droit individuel de propri&eacute;t&eacute;, base d&rsquo;une possible conqu&ecirc;te des terres par leur acquisition, puis leur exploitation. C&rsquo;est la raison d&rsquo;une hostilit&eacute; aux pratiques d&rsquo;indivisions des biens conformes &agrave; leurs croyances et traditions, les colons faisant l&rsquo;apologie du code civil et du droit de propri&eacute;t&eacute; qui sont un moyen de transformer la culture locale&nbsp;: &laquo;&nbsp;La propri&eacute;t&eacute; individuelle sera le plus puissant moyen de civilisation de fusion des deux races et de progr&egrave;s.&nbsp;&raquo; indique Fran&ccedil;ois-Xavier&nbsp;Joseph de&nbsp;Casabianca, 8 avril 1863 dans un rapport fait au nom de la commission du S&eacute;nat. La question de la d&eacute;possession par les colons a donc &eacute;t&eacute; entrav&eacute;e pendant pr&egrave;s de quatre d&eacute;cennies, par des questions de droits, de conviction et de choix politiques peu favorables aux colons. Il faut attendre les d&eacute;buts de la III<sup>e</sup>&nbsp;R&eacute;publique pour que le basculement op&egrave;re tardivement. Les autochtones demeurent sur leurs terres.</p> <p class="texte">Face aux quelques millions d&rsquo;autochtones-indig&egrave;nes, les colons sont pendant plusieurs d&eacute;cennies une minorit&eacute; incapable de peser sur la destin&eacute;e de la r&eacute;gion. La famine et les &eacute;pid&eacute;mies de 1866 &agrave; 1868 vont infl&eacute;chir le rapport de force, du fait aussi de nouvelles migrations plus importantes dont celles en provenance d&rsquo;Italie ou d&rsquo;Espagne. Dans un contexte administratif o&ugrave; le d&eacute;nombrement n&rsquo;est pas tr&egrave;s s&ucirc;r, les d&eacute;mographes et historiens ont des appr&eacute;ciations diverses. Malgr&eacute; leurs &eacute;carts, il s&rsquo;agit de plusieurs centaines de milliers de morts avec des territoires largement vid&eacute;s de leurs populations, de l&rsquo;ordre de 50 &agrave; 75&nbsp;% dans certaines r&eacute;gions. La d&eacute;stabilisation de l&rsquo;&eacute;conomie agraire traditionnelle en faveur d&rsquo;une agriculture d&rsquo;exportation par l&rsquo;abandon des exploitations vivri&egrave;res et ses constitutions de r&eacute;serves contribue &agrave; cette famine. La modernit&eacute; agricole fragilise et tue. La part des &eacute;v&eacute;nements naturels et des d&eacute;sordres occasionn&eacute;s par la transformation de l&rsquo;agriculture souhait&eacute;e par les colons est tr&egrave;s difficile &agrave; &eacute;clairer, mais le concours de circonstance est l&agrave;<a class="footnotecall" href="#ftn22" id="bodyftn22">22</a>.</p> <p class="texte">Des terres seront confisqu&eacute;es, en Kabylie en particulier. Plus de 450.000 hectares seront distribu&eacute;s &agrave; des colons, une bonne part &eacute;tant eux-m&ecirc;mes des &laquo;&nbsp;r&eacute;fugi&eacute;s&nbsp;&raquo; de l&rsquo;int&eacute;rieur, d&rsquo;Alsace et de Lorraine, apr&egrave;s la perte de ces r&eacute;gions lors de la guerre de 70. Dans le m&ecirc;me temps, des th&egrave;ses circulent sur la n&eacute;cessit&eacute; de refouler les locaux vers le Sahara, moyen de les condamner selon les termes d&eacute;crit par Lemkin, au profit de nouvelles populations jug&eacute;es pr&eacute;f&eacute;rables. Par exemple, les &oelig;uvres du docteur Bodichon<a class="footnotecall" href="#ftn23" id="bodyftn23">23</a> explicitent des th&egrave;ses raciales dont ses <span style="text-decoration:underline;">Etudes sur l&rsquo;Alg&eacute;rie et l&rsquo;Afrique</span> publi&eacute;e en 1847 &agrave; Alger. Les titres des chapitres sont &eacute;vocateurs&nbsp;: &laquo;&nbsp;VII. Il y a des races humaines dont la destruction est arr&ecirc;t&eacute;e par un fait de la providence. A quels signes les reconnait-on&nbsp;? VIII. Des races primitives de l&rsquo;Europe Occidentale et M&eacute;ridionale. IX. Utilit&eacute; et n&eacute;cessit&eacute; des croisements.&nbsp;&raquo;. Apr&egrave;s une description des qualit&eacute;s de chacune des races, le m&eacute;decin conclut &agrave; propos des arabes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Hostiles aux autres nations, violant les lois de l&rsquo;humanit&eacute;, utile dans les plaines arides, les d&eacute;serts essentiellement, nuisible dans les autres terres, o&ugrave; elle reproduit constamment la sauvagerie de l&rsquo;homme et de la nature. Ici, son extinction est donc un bien&nbsp;: elle devient une harmonie. Que les v&eacute;ritables philanthropes se p&eacute;n&egrave;trent donc bien de la mission dont certains peuple sont charg&eacute;s&nbsp;; qu&rsquo;ils reconnaissent que certains peules sont charg&eacute;s de d&eacute;truire un &eacute;tat social qui outrage &agrave; la fois la nature et l&rsquo;humanit&eacute;. C&rsquo;est l&agrave; le r&ocirc;le des pionniers en Am&eacute;rique, des Anglais en Oc&eacute;anie&hellip;&nbsp;&raquo; (150-151, 1847). L&rsquo;extermination est donc envisag&eacute;e par les esprits &eacute;clair&eacute;s du temps.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Le colonialisme pers&eacute;cuteur des autochtones</strong></h3> <p class="texte"><br /> Apr&egrave;s les premi&egrave;res d&eacute;cennies d&rsquo;h&eacute;sitations concernant l&rsquo;adoption des m&oelig;urs compatibles avec le code civil, des positions plus radicales s&rsquo;expriment en des termes beaucoup plus conqu&eacute;rants et agressifs. Et comme par hasard, l&rsquo;id&eacute;e de l&rsquo;&eacute;loignement des populations resurgit. En 1858, Duvernois, journaliste et politique favorable &agrave; une r&eacute;orientation de la politique coloniale &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;Alg&eacute;rie est fran&ccedil;aise ou elle ne l&rsquo;est pas&nbsp;; si elle n&rsquo;est pas fran&ccedil;aise, nous n&rsquo;y avons que faire&nbsp;; si elle est fran&ccedil;aise, toutes les populations qui habitent doivent accepter nos lois ou se retirer.&nbsp;&raquo; (1858, 252) dans un contexte de stagnation &eacute;conomique et de contestation d&rsquo;un pouvoir militaire peu orient&eacute; vers le d&eacute;veloppement &eacute;conomique et l&rsquo;accueil de nouveaux migrants pour asseoir la domination coloniale. Dans le m&ecirc;me temps, la d&eacute;nonciation des m&oelig;urs incompatibles avec le code civil s&rsquo;accentue afin d&rsquo;obtenir une v&eacute;ritable distinction, accordant plus de droit aux migrants-colons qu&rsquo;aux autochtones alg&eacute;riens&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il ne doit y avoir sur le sol fran&ccedil;ais des citoyens ayant des droits contradictoires. Nous ne pouvons nous faire &agrave; l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il f&ucirc;t permis &agrave; un Fran&ccedil;ais, par cela seul qu&rsquo;il serait de race arabe ou kabyle, d&rsquo;&eacute;pouser l&eacute;galement quatre femmes ou de vendre sa fille impub&egrave;re. Ce serait vraiment avilir le titre de citoyen fran&ccedil;ais.&nbsp;&raquo; (1894, 340) &eacute;crit Besson dans <span style="text-decoration:underline;">La l&eacute;gislation civile de l&rsquo;Alg&eacute;rie. Etudes sur la condition des personnes et le r&eacute;gime des biens en </span>Alg&eacute;rie. D&eacute;j&agrave;, le s&eacute;natus-consulte de 1865 acte la s&eacute;paration entre citoyens et nationaux &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;un syst&egrave;me juridique distinguant citoyens et indig&egrave;nes. Le statut d&rsquo;indig&eacute;nat fait de l&rsquo;autochtone un fran&ccedil;ais, mais celui-ci doit se soumettre &agrave; une proc&eacute;dure de naturalisation qui consiste &agrave; renoncer au statut personnel. L&rsquo;administration coloniale en Alg&eacute;rie a maintenu une diff&eacute;rence source de ressentiment, sans cr&eacute;er les conditions&nbsp;; soit d&rsquo;une assimilation, soit d&rsquo;une d&eacute;portation<a class="footnotecall" href="#ftn24" id="bodyftn24">24</a>. L&rsquo;asym&eacute;trie est alors affirm&eacute;e &agrave; d&eacute;faut d&rsquo;&ecirc;tre vraiment assum&eacute;e sur le terrain.</p> <p class="texte">L&agrave; r&eacute;side le lien entre les nazis et les pratiques coloniales des d&eacute;mocraties occidentales puisque les territoires deviennent les objets d&rsquo;une convoitise qui n&eacute;cessite d&rsquo;arbitrer les questions de d&eacute;portation au sens de l&rsquo;extermination puis de d&eacute;portation au sens du peuplement, les migrants-colons se substituant aux d&eacute;port&eacute;s-autochtones. La colonisation est bien un processus r&eacute;volutionnaire au service d&rsquo;une transformation de toute l&rsquo;humanit&eacute;, tant par son acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;universel, que par son &eacute;ducation ou sa transformation &laquo;&nbsp;raciale&nbsp;&raquo;. Les articles de la Revue du Monde Colonial de 1861 &agrave; 1865 sont int&eacute;ressants puisqu&rsquo;ils explicitent les principes et une philosophie coloniale. Son directeur, Adolphe Noirot, y d&eacute;veloppe la th&egrave;se d&rsquo;une assimilation par l&rsquo;isolement et des lois prohibant les m&oelig;urs locales au profit du droit des nations civilis&eacute;es. La colonisation y applique l&rsquo;expropriation en vertu de l&rsquo;utilit&eacute; publique. La modernit&eacute; y joue l&rsquo;accomplissement du progr&egrave;s, la destruction des cultures locales, la cr&eacute;ation de nouvelles institutions et l&rsquo;exemple reste la r&eacute;ussite de l&rsquo;&eacute;migration volontaire des anglais dans leurs territoires canadiens, australiens ou n&eacute;o-z&eacute;landais. Les &eacute;migr&eacute;s y deviennent majoritaires et les autochtones y sont marginalis&eacute;s, voire pers&eacute;cut&eacute;s. La colonisation est un processus de peuplement par &eacute;migration et substitution des populations autochtones &agrave; l&rsquo;instar du plan de l&rsquo;Est qui en formalise avec intelligence les conditions de succ&egrave;s.</p> <p class="texte">L&rsquo;aventure alg&eacute;rienne &eacute;choue. L&rsquo;&eacute;migration n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; &agrave; la hauteur d&rsquo;un remplacement. La d&eacute;portation ou l&rsquo;extermination des autochtones n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; men&eacute;es &agrave; leur terme, l&rsquo;acclimatation a &eacute;t&eacute; difficile et la transformation tr&egrave;s lente puisque les cinq premi&egrave;res d&eacute;cennies n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; d&eacute;cisives. A l&rsquo;inverse, la r&eacute;sistance culturelle et religieuse des autochtones, leur nombre et leur refus d&rsquo;une d&eacute;culturation massive ont conduit &agrave; forger une nouvelle identit&eacute; porteuse d&rsquo;une r&eacute;sistance aux colons-occupants. Dans cette aventure coloniale, les migrants furent les europ&eacute;ens, les autochtones rebelles, les kabyles et les arabes d&rsquo;Alg&eacute;rie revendiquant le droit des gens et le respect de leurs usages.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">4. La dialectique du mouvement g&eacute;nocidaire</h2> <p class="texte">Ainsi, la modernit&eacute; ne ferait-elle pas ind&eacute;finiment l&rsquo;apologie du mouvement contre l&rsquo;enracinement&nbsp;? La mise en mouvement des populations serait constitutive d&rsquo;une dynamique r&eacute;volutionnaire par une obligation de d&eacute;placement g&eacute;ographique permanent propice au d&eacute;racinement&nbsp;: l&rsquo;homme &eacute;tant sans attache pour &ecirc;tre libre. Ce d&eacute;tachement concr&eacute;tise alors l&rsquo;oubli d&rsquo;une histoire pesante et l&rsquo;&eacute;mancipation apathique de ne d&eacute;pendre de rien d&rsquo;autre que de sa libre volont&eacute;. En ayant &agrave; l&rsquo;esprit ce programme anthropologique, les modernes provoquent n&eacute;cessairement des g&eacute;nocides contre les peuples qui veulent demeurer dans leur &ecirc;tre sur leur terre. La modernit&eacute; s&rsquo;appr&eacute;cie d&rsquo;ailleurs &agrave; l&rsquo;inconstance de sa s&eacute;mantique pour qualifier ces mouvements g&eacute;ographiques incessants. En effet, les pauvres italiens, irlandais ou normands qui quittaient leurs familles pour l&rsquo;aventure am&eacute;ricaine du 16<sup>e</sup> au 19<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle &eacute;taient bien des migrants au regard des conditions de vie difficiles qui conduisaient &agrave; encourager leur exil hors d&rsquo;Europe. Ils &eacute;taient tout autant candidats que victimes, tout &agrave; la fois encourag&eacute;s et chass&eacute;s. En Angleterre, ces &eacute;migr&eacute;s &eacute;taient le plus souvent des populations pauvres, des repris de justice, des fils de famille turbulents. Mais ces migrants devenaient de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;Atlantique ou au-del&agrave; du Pacifique des colons d&eacute;racin&eacute;s, des hors-la-loi face aux am&eacute;rindiens et autres autochtones qui les avaient pr&eacute;c&eacute;d&eacute;s sur des terres &laquo;&nbsp;vierges&nbsp;&raquo; &agrave; conqu&eacute;rir mais d&eacute;j&agrave; habit&eacute;es&nbsp;! A chaque fois, leurs colonisations ont r&eacute;ussi, conform&eacute;ment aux v&oelig;ux de leurs initiateurs lorsqu&rsquo;elles ont extermin&eacute; et remplac&eacute; les populations locales. Quelques millions d&rsquo;autochtones ont pay&eacute; de leur vie l&rsquo;invasion des principes universels des modernes. Ces exterminations des am&eacute;rindiens du nord et du sud par millions ont &eacute;t&eacute; motiv&eacute; par une appropriation totale des terres et des richesses en faveur de ces &laquo;&nbsp;lib&eacute;rateurs&nbsp;&raquo; et nouveaux occupants. La modernit&eacute; avait pour elle l&rsquo;argument de sa sup&eacute;riorit&eacute; dont Jules Ferry affirmera, en son temps, avec vigueur, la l&eacute;gitimit&eacute; dans sa th&eacute;orie rationaliste de la civilisation universelle<a class="footnotecall" href="#ftn25" id="bodyftn25">25</a> dont les termes restent encore vrais aujourd&rsquo;hui mais appliqu&eacute;s &agrave; d&rsquo;autres populations dont on vante les m&eacute;rites et les cultures en d&eacute;valuant les folklores d&eacute;suets des indig&egrave;nes pour les imposer contre de cultures locales &agrave; d&eacute;former puis d&eacute;truire&nbsp;: pratiques ethnocidaires.</p> <p class="texte">La modernit&eacute; perp&eacute;tue donc sa destruction des diversit&eacute;s ethnologiques puisque les repr&eacute;sentants des populations diverses alertent encore aujourd&rsquo;hui sur les g&eacute;nocides et les pratiques ethnocidaires qui les condamnent<a class="footnotecall" href="#ftn26" id="bodyftn26">26</a>. Soyons donc tr&egrave;s prudents dans cette s&eacute;mantique de la personne en mouvement, puisqu&rsquo;elle s&rsquo;appuie sur des repr&eacute;sentations temporaires. Celles-ci orientent implicitement la pens&eacute;e en occultant des alternatives selon le sens du contexte, la r&eacute;alit&eacute; des faits historiques, le jeu m&ecirc;me des perceptions selon qu&rsquo;on soit l&rsquo;un ou l&rsquo;autre, membre de la communaut&eacute; des uns ou des autres. Pouvons-nous faire fi de ces alt&eacute;rit&eacute;s&nbsp;? Penser le mouvement, c&rsquo;est accepter de prendre les points de vue respectifs des parties&nbsp;; sauf &agrave; d&eacute;nier une fois encore l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; du point de vue d&rsquo;autrui. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs bien en niant l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, en d&eacute;valuant des civilisations et des peuples que les modernes ont justifi&eacute;s leurs g&eacute;nocides pour que triomphe ici et maintenant la promesse de l&rsquo;universel.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Les figures des colons et autres migrants</strong></h3> <p class="texte"><br /> Aujourd&rsquo;hui m&ecirc;me, l&rsquo;apologie du mouvement passe par un imaginaire du migrant qui met une fois encore en avant la sup&eacute;riorit&eacute; du mouvement sur l&rsquo;enracinement de ceux qu&rsquo;on d&eacute;nonce comme des populistes, des r&eacute;sistants vulgaires et m&eacute;prisables dans des termes proches de la d&eacute;valuation des autochtones &laquo;&nbsp;tribaux&nbsp;&raquo; s&rsquo;opposant aux colons europ&eacute;ens autrefois. Se rejoue dialectiquement l&rsquo;oubli et le m&eacute;pris des peuples indig&egrave;nes qui sont aussi victimes des pers&eacute;cutions modernes au nom le plus souvent de l&rsquo;exploitation des terres et de la rationalisation des m&oelig;urs. L&rsquo;universel passe toujours par l&rsquo;apologie de cet homme en mouvement&nbsp;: le colon d&rsquo;hier, pauvre &eacute;migr&eacute; d&rsquo;Europe se fait migrant d&rsquo;autres origines par le miracle de la dialectique, mais sa fonction est la m&ecirc;me. La modernit&eacute; y joue un nouvel &eacute;pisode de son projet d&rsquo;universalisation forc&eacute;e favorable au d&eacute;racinement par principe. Or, cet encouragement des migrations se fait en usant des m&ecirc;mes m&eacute;thodes que celles du plan des nazis&nbsp;: appauvrissement des populations localement, organisation et encouragement de d&eacute;portation, entretien d&rsquo;une &eacute;conomie de la mis&egrave;re, installation contrainte et forc&eacute;e sur des terres d&rsquo;accueil plus propices, d&eacute;racinement et acculturation des migrants par une culture du droit individuel, confusion culturelle sur les terres d&rsquo;accueil, sommation de r&eacute;aliser une acculturation forc&eacute;e par l&rsquo;adoption d&rsquo;une partie des m&oelig;urs des migrants. Les institutions internationales font l&agrave; le m&ecirc;me choix d&rsquo;une asym&eacute;trie des droits par des sommations dont celle de l&rsquo;imp&eacute;ratif d&rsquo;inclusions culturelles qui rappellent &eacute;tonnamment les pr&eacute;rogatives des colons d&rsquo;antan ou des allemands promis &agrave; la conqu&ecirc;te de l&rsquo;Est. Cette figure du colon-migrant, ind&eacute;pendamment des populations qui sont ainsi qualifi&eacute;es, b&eacute;n&eacute;ficie alors d&rsquo;un privil&egrave;ge indu pour devenir l&rsquo;intransigeant colon auquel des soci&eacute;t&eacute;s doivent l&rsquo;accueil&nbsp;; sans se pr&eacute;occuper des droits des locaux&nbsp;: ce fameux droit des gens. La figure de raisonnement demeure identique. Voil&agrave; l&rsquo;enseignement, j&rsquo;en conviens troublant, de notre recherche.</p> <p class="texte">Cette identit&eacute; du mod&egrave;le et des modes op&eacute;ratoires entre l&rsquo;entreprise du plan de l&rsquo;Est et les m&eacute;thodes institu&eacute;es dans le droit international contemporain s&rsquo;explique en fait par l&rsquo;identit&eacute; de leur objectif&nbsp;: l&rsquo;universalisation. Lemkin d&eacute;crivait bien toutes ces politiques ethnocidaires &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre sous l&rsquo;&eacute;gide des institutions internationales&nbsp;: eug&eacute;nismes, st&eacute;rilisations forc&eacute;es, avortements en masse, enl&egrave;vement des enfants et migrations forc&eacute;es. Et la pratique g&eacute;nocidaire concerne aussi dans sa description de 1944 le groupe national&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le g&eacute;nocide vise le groupe national en tant qu&rsquo;entit&eacute;, et les actions en question sont dirig&eacute;es contre des individus, non pas &egrave;s qualit&eacute;, mais en tant que membre du groupe national.&nbsp;&raquo; (1944, 72)<a class="footnotecall" href="#ftn27" id="bodyftn27">27</a>. A cet &eacute;gard, l&rsquo;apologie du mouvement d&eacute;truit du m&ecirc;me coup, la soci&eacute;t&eacute; du migrant tout autant que celle de l&rsquo;autochtone. Nombre de migrants fuient une soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;origine au lieu de la r&eacute;former. L&rsquo;universalisation poursuit l&rsquo;obsession coloniale qui est donc toujours bien &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre en faisant l&rsquo;apologie de ce d&eacute;racinement permanent dans le but de l&rsquo;universalisation, au m&eacute;pris de l&rsquo;autre et de ses entres nous.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>La modernit&eacute; dans ses &oelig;uvres</strong></h3> <p class="texte"><br /> Pour terminer, le cas du Xinjang est tr&egrave;s int&eacute;ressant. Pour des raisons multiples dont l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t &eacute;conomique de la r&eacute;gion du fait de ses ressources mini&egrave;res rares et de sa position g&eacute;ographique sur la route de la soie, la Chine souhaite &eacute;tendre son empire et dominer directement cette province &eacute;loign&eacute;e. Elle entreprend depuis une d&eacute;cennie d&eacute;j&agrave; une d&eacute;marche de sinisation, appliquant le mod&egrave;le nazi. Les Ou&iuml;ghours, population musulmane autochtone deviennent progressivement minoritaires face aux colons-migrants Hans. Ces derniers passent de quelques pourcents &agrave; environ 40&nbsp;% aujourd&rsquo;hui. L&rsquo;occupation du territoire est en marche. La Chine encourage la migration massive des Hans sur ces terres selon le mod&egrave;le de colonisation. Mais la d&eacute;marche s&rsquo;accompagne d&rsquo;une acculturation &agrave; laquelle les institutions internationales ne peuvent rien opposer, puisqu&rsquo;elles font la promotion de l&rsquo;accueil du migrant jusqu&rsquo;&agrave; en faire une doctrine. Comment alors accuser la Chine&nbsp;? En effet, Toute la culture locale des Ou&iuml;ghours doit accepter les pratiques des Hans. Des commentateurs &eacute;voquent bien l&rsquo;ethnocide par &eacute;limination intentionnelle de la culture et de toutes les traditions des Ou&iuml;ghours. Et l&rsquo;&eacute;ducation est un outil puissant que la Chine mobilise pour obliger les locaux &agrave; se fondre dans la culture nouvelle et bient&ocirc;t exclusive des colons-migrants. La &laquo;&nbsp;r&eacute;&eacute;ducation&nbsp;&raquo; conduit &agrave; des mesures de d&eacute;radicalisation des musulmans les plus opini&acirc;tres qui peuvent rappeler les recommandations fa&icirc;tes dans nos d&eacute;mocraties avec les m&ecirc;mes argumentations<a class="footnotecall" href="#ftn28" id="bodyftn28">28</a>.Or, cette &eacute;radication d&rsquo;une population autochtone ind&eacute;sirable au profit d&rsquo;une nouvelle population d&eacute;plac&eacute;e propice &agrave; la domination met en &oelig;uvre toutes les pratiques de la politique coloniale occidentale. Et l&rsquo;Occident est bien embarrass&eacute; pour d&eacute;noncer de telles pratiques qui sont si pr&eacute;sentes dans son histoire et promue dans la doctrine des institutions internationales et ici pratiqu&eacute;es par la Chine.</p> <p class="texte">Cette recherche permet de noter cette d&eacute;rive colonialiste et le prolongement de ces m&eacute;thodes par le IIIe&nbsp;Reich au sein m&ecirc;me des institutions internationales qui sont &agrave; la poursuite de cette m&ecirc;me chim&egrave;re universelle qui nous a valu un 20<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle infernal, avec un risque &eacute;lev&eacute; de voir un 21<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle g&eacute;nocidaire et ethnocidaire. C&rsquo;est donc ce syst&egrave;me de pens&eacute;e que nous mettons ici en cause bien plus que l&rsquo;homme blanc qui en a &eacute;t&eacute; temporairement l&rsquo;instrument. A vouloir imposer le r&egrave;gne de l&rsquo;universel, le risque est manifeste que nos soci&eacute;t&eacute;s poursuivent de nouveau des d&eacute;placements de masses et des ethnocides par d&eacute;population et repopulation par mille motifs fallacieux. L&rsquo;&eacute;cologie humaine appelle une nouvelle &egrave;re, en d&eacute;couvrant les bienfaits de la pluralit&eacute;-alt&eacute;rit&eacute; des civilisations. Il s&rsquo;agit du m&ecirc;me coup de r&eacute;futer l&rsquo;autorit&eacute; &laquo;&nbsp;rationnelle&nbsp;&raquo; de l&rsquo;Universel et son projet de domination imp&eacute;riale. Il faut alors relire ce texte proph&eacute;tique de Levinas questionnant les droits de l&rsquo;homme qui menacent l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; au nom de leur subversive universalit&eacute;<a class="footnotecall" href="#ftn29" id="bodyftn29">29</a>.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>L&rsquo;ambition de l&rsquo;universel</strong></h3> <p class="texte"><br /> Levinas d&eacute;veloppe sa description de l&rsquo;&oelig;uvre de lib&eacute;ration-d&eacute;naturation de type r&eacute;volutionnaire que r&eacute;alise la modernit&eacute; en diffusant ce droit universel&nbsp;: &laquo;&nbsp;D&rsquo;o&ugrave; en tout cas une &oelig;uvre consid&eacute;rable &ndash;&nbsp;et d&eacute;j&agrave; r&eacute;volutionnaire dans les bouleversements in&eacute;vitables&nbsp;&ndash; en faveur des droits de&nbsp;!&nbsp;&lsquo;homme. &OElig;uvre que rend possible la science des temps modernes, science de la nature des choses, des hommes et des collectivit&eacute;s. &OElig;uvre qu&rsquo;encourage l&rsquo;acc&egrave;s aux proc&eacute;d&eacute;s techniques qu&rsquo;ouvre la science. Mise au point d&rsquo;un ordre humain de la libert&eacute; par l&rsquo;&eacute;limination de bien des obstacles mat&eacute;riels du contingent et des structures sociales qui embarrassent et faussent l&rsquo;application et l&rsquo;exercice des droits de l&rsquo;homme. Droits qui ne sauraient pas peut-&ecirc;tre faire dispara&icirc;tre les rigueurs ultimes de l&rsquo;inhumain dans 1&rsquo;&ecirc;tre qui, de par la fermet&eacute; ind&eacute;passable des coutures consolidant ses tissus &ndash;&nbsp;mat&eacute;riels, physiologiques, psychologiques et sociaux&nbsp;&ndash; contrarie toujours et limite la libre volont&eacute; de l&rsquo;homme.&nbsp;&raquo; (1991, 216) Levinas en r&eacute;v&egrave;le l&rsquo;empreinte normative tr&egrave;s kantienne et toute la dangerosit&eacute; implicite d&rsquo;alin&eacute;ation et de subordination de l&rsquo;Autre &agrave; l&rsquo;empire d&rsquo;une lib&eacute;ration forc&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;nergie normative du droit de l&rsquo;homme ne nous ram&egrave;ne t- elle pas &agrave; la rigueur du raisonnable&nbsp;? En quoi et sous quel mode, en effet, la volont&eacute; libre ou autonome que revendique le droit de l&rsquo;homme pourrait-elle s&rsquo;imposer &agrave; une autre volont&eacute; libre sans que cette imposition implique un effet, une violence par cette volont&eacute; subie&nbsp;?&nbsp;&raquo; (1991, 217). Et il conclut sur l&rsquo;ouverture &agrave; l&rsquo;Alt&eacute;rit&eacute; qui donne alors un toute autre sens au droit de l&rsquo;Autre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Bont&eacute;, vertu enfantine&nbsp;: mais d&eacute;j&agrave; charit&eacute; et mis&eacute;ricorde et responsabilit&eacute; pour autrui et d&eacute;j&agrave; possibilit&eacute; du sacrifice o&ugrave; l&rsquo;humanit&eacute; de l&rsquo;homme &eacute;clate rompant l&rsquo;&eacute;conomie g&eacute;n&eacute;rale du r&eacute;el et tranchant sur la pers&eacute;v&eacute;rance des &eacute;tants s&rsquo;obstinant dans leur &ecirc;tre&nbsp;: pour une condition o&ugrave; autrui passe avant soi-m&ecirc;me. D&eacute;sint&eacute;ressement de la bont&eacute;&nbsp;: autrui dans sa demande qui est un ordre, autrui comme visage, autrui qui &laquo;&nbsp;me regarde&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me quand il ne me regarde pas. Autrui comme prochain et toujours &eacute;tranger&nbsp;&ndash; bont&eacute; comme transcendance&nbsp;; et moi, le tenu &agrave; r&eacute;pondre, l&rsquo;irrempla&ccedil;able et, ainsi, l&rsquo;&eacute;lu et ainsi v&eacute;ritablement unique.&nbsp;&raquo; (1991, 218). Mais la critique bute sur l&rsquo;autorit&eacute; quasi-scientifique de la chosification de l&rsquo;humain et de son d&eacute;ni.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">5. La psychologie de la chosification et du d&eacute;ni</h2> <p class="texte">La n&eacute;gation de l&rsquo;autre est donc centrale dans la modernit&eacute; g&eacute;nocidaire. Elle entreprend la dissolution des identit&eacute;s par leur confrontation dans le but de faire dispara&icirc;tre celle des autochtones subissant l&rsquo;assaut des colons-migrants en masse et celle aussi de ces colons d&eacute;racin&eacute;s qui inventent un nouveau monde sur une terre tout &agrave; la fois d&eacute;peupl&eacute;e et repeupl&eacute;e. Mais toutes ces pratiques g&eacute;nocidaires ont en commun d&rsquo;avoir suscit&eacute; leur d&eacute;ni par leurs auteurs puis les politiques et les historiens h&eacute;ritiers des traditions politiques qui les avaient initi&eacute;es. Le d&eacute;ni du populicide vend&eacute;en est embl&eacute;matique d&rsquo;un refus de reconna&icirc;tre la chosification de l&rsquo;humain, l&rsquo;extr&ecirc;me barbarie des pratiques de destruction du corps au-del&agrave; du simple fait de porter la mort jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;insoutenable, cette chosification ayant &eacute;t&eacute; effectivement pratiqu&eacute;e mais occult&eacute;e et d&eacute;ni&eacute;e, recouverte d&rsquo;une r&eacute;futation politique qui masque mal un processus psychologique d&rsquo;une immense perversit&eacute;&nbsp;: les faits sont minor&eacute;s ou une entreprise de contestation s&eacute;mantique ouvre des controverses sur des classifications jusqu&rsquo;&agrave; oublier les faits eux-m&ecirc;mes, les auteurs sont excus&eacute;s par une argumentation portant &agrave; la fois sur la situation historique et la complaisance id&eacute;ologique. Il en est de m&ecirc;me du g&eacute;nocide arm&eacute;nien conduit au moment m&ecirc;me d&rsquo;une modernisation forc&eacute;e de l&rsquo;empire Ottoman en une Turquie contemporaine o&ugrave; la puret&eacute; d&rsquo;un nouveau peuple conduit &agrave; la m&ecirc;me pers&eacute;cution des populations &laquo;&nbsp;marginales&nbsp;&raquo;. Il faut analyser le k&eacute;malisme et l&rsquo;exode de plus d&rsquo;un million de grecs d&rsquo;Asie mineur&nbsp;: &laquo;&nbsp;la grande catastrophe&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn30" id="bodyftn30">30</a>.</p> <p class="texte">Approfondissons pour conclure ces deux aspects de cette psychologie des g&eacute;nocidaires. Premi&egrave;rement, la <em>chosification</em> qui d&eacute;culpabilise des crimes puisque l&rsquo;humain est pr&eacute;alablement chosifi&eacute;, perdant sa dignit&eacute;, deuxi&egrave;mement, le <em>d&eacute;ni </em>qui r&eacute;cuse les crimes du fait d&rsquo;une l&eacute;gitimit&eacute; du progr&egrave;s.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>La chosification</strong></h3> <p class="texte"><br /> Elle consiste &agrave; rel&eacute;guer des populations &agrave; des rangs de sous-humanit&eacute; au nom m&ecirc;me de la science. Les handicap&eacute;s mentaux sont l&agrave; des victimes imm&eacute;diates, mais les marginaux suivent ainsi que ces peuples autochtones dont l&rsquo;humanit&eacute; est en question comme s&rsquo;interrogera l&rsquo;Occident lors de la controverse de Vallalo&iuml;d aux temps de la conqu&ecirc;te des Am&eacute;riques&nbsp;: ont-ils une &acirc;me&nbsp;?<a class="footnotecall" href="#ftn31" id="bodyftn31">31</a>. Mais les nations modernes s&rsquo;affranchiront tr&egrave;s vite des interdits pontificaux, au nom m&ecirc;me de l&rsquo;intelligence rationnelle et de la modernit&eacute;, en pratiquant l&rsquo;instrumentalisation de l&rsquo;humain. Outre la d&eacute;population des autochtones am&eacute;rindiens, le transfert en masse des africains apportent par exemple une main d&rsquo;&oelig;uvre soumise et transitoire. De m&ecirc;me, en vertu de quelques th&eacute;ories racialistes qui &eacute;voluent avec le temps, une race est &eacute;lue et les autres condamn&eacute;es. L&rsquo;apologie plus r&eacute;cente du m&eacute;tissage rel&egrave;ve du m&ecirc;me raisonnement racialiste au d&eacute;triment des races anciennes. La logique des modernes est donc toujours la m&ecirc;me et elle l&eacute;gitime toujours un g&eacute;nocide. Elire, transformer, exclure et condamner. Cette chosification d&eacute;valorise doublement l&rsquo;humanit&eacute;, une premi&egrave;re fois en l&rsquo;objectifiant, une seconde en la classant. Cette hi&eacute;rarchisation en faveur d&rsquo;une humanit&eacute; d&eacute;sir&eacute;e par rapport &agrave; une humanit&eacute; donn&eacute;e est une manie des modernes. A cet &eacute;gard, l&rsquo;apologie contemporaine de l&rsquo;homme augment&eacute;e contre une vieille humanit&eacute; d&eacute;su&egrave;te reproduit encore et toujours cette &eacute;valuation de l&rsquo;humain &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;une chose qu&rsquo;on mesure savamment pour en d&eacute;cr&eacute;ter la bonne nature et la mauvaise condition. Cette derni&egrave;re annonce quelques autres g&eacute;nocides au nom m&ecirc;me de la modernit&eacute;. En cela la chosification proc&egrave;de d&rsquo;une perversit&eacute; narcissique qui manipule l&rsquo;humain tout en d&eacute;niant dans son mouvement la nature m&ecirc;me de cette op&eacute;ration&nbsp;; d&rsquo;o&ugrave; le d&eacute;ni.</p> <h3 class="texte" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><strong>Le d&eacute;ni</strong></h3> <p class="texte"><br /> Il est manifeste tant l&rsquo;histoire contemporaine s&rsquo;est interdit de critiquer la r&eacute;volution fran&ccedil;aise et la modernit&eacute; dans son &oelig;uvre civilisatrice. Il faut relire l&rsquo;historien Furet qui analyse brillamment cette situation de torpeur de notre d&eacute;ni collectif dont nous commen&ccedil;ons &agrave; sortir&nbsp;: &laquo;&nbsp;Aujourd&rsquo;hui le Goulag conduit &agrave; repenser la Terreur.&nbsp;[&hellip;] Les deux r&eacute;volutions restent li&eacute;es&nbsp;; mais il y a un demi-si&egrave;cle, elles &eacute;taient syst&eacute;matiquement absoutes dans l&rsquo;excuse tir&eacute;e des circonstances, c&rsquo;est-&agrave;-dire de ph&eacute;nom&egrave;nes ext&eacute;rieurs et &eacute;trangers &agrave; leur nature. Aujourd&rsquo;hui elles sont accus&eacute;es au contraire d&rsquo;&ecirc;tre consubstantiellement des syst&egrave;mes de contraintes m&eacute;ticuleuses sur les corps et les esprits&nbsp;&raquo;. Et Furet de conclure&nbsp;: &laquo;&nbsp;le privil&egrave;ge exorbitant de l&rsquo;id&eacute;e de r&eacute;volution, qui consistait &agrave; &ecirc;tre hors d&rsquo;atteinte de toute critique interne, est donc en train de perdre sa valeur d&rsquo;&eacute;vidence.&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn32" id="bodyftn32">32</a>. Ce d&eacute;ni refoule ces pratiques de destructions massives des populations parce qu&rsquo;elles sont inh&eacute;rentes &agrave; l&rsquo;aspiration de la construction-production d&rsquo;une nouvelle humanit&eacute;, hors de la nature et de la cr&eacute;ation. Refaire l&rsquo;homme, s&rsquo;est avant tout le d&eacute;truire dans son humanit&eacute; et nier la condition et la nature humaine, ce que les philosophes des Lumi&egrave;res n&rsquo;ont eu de cesse d&rsquo;affirmer avec leurs successeurs. Faut-il seulement en assumer la cons&eacute;quence politique d&rsquo;un droit &agrave; la destruction avant m&ecirc;me d&rsquo;imaginer la recr&eacute;ation-production d&rsquo;une humanit&eacute; fantasm&eacute;e. La modernit&eacute; est intrins&egrave;quement une barbarie contre l&rsquo;homme, puisqu&rsquo;elle viole l&rsquo;humain au nom d&rsquo;une transgression lib&eacute;ratrice et &eacute;mancipatrice qui d&eacute;nie son &oelig;uvre premi&egrave;re d&rsquo;alin&eacute;ation de l&rsquo;homme pour le forcer &agrave; devenir un autre ind&eacute;termin&eacute; l&eacute;gitimant ses pers&eacute;cutions &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un pervers narcissique.</p> <p class="texte">En &eacute;tudiant cette modernit&eacute; g&eacute;nocidaire, l&rsquo;objectif est de ne plus &ecirc;tre complice des stratag&egrave;mes de la modernit&eacute; qui poursuit inlassablement son but d&rsquo;une transformation de l&rsquo;homme en pourchassant toute forme d&rsquo;enracinement. En cela, faire de l&rsquo;autre un objet est le d&eacute;ni de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; pour faire injonction d&rsquo;une construction soumettant ce nouvel objet &agrave; sa volont&eacute; prescriptrice. La haine de l&rsquo;autre et la soif de domination d&rsquo;une humanit&eacute;-objet semble caract&eacute;riser cette modernit&eacute; pour qui le g&eacute;nocide est un mode d&rsquo;action politique l&eacute;gitime. Et pour se faire la modernit&eacute; substantialise l&rsquo;autochtone et le migrant dans des lois. Le premier est toujours le m&eacute;chant, le second n&eacute;cessairement le gentil ou la victime. Ce manich&eacute;isme primitif oublie la mise en contexte que nous avons tent&eacute; d&rsquo;exp&eacute;rimenter ici. Elle rend la compr&eacute;hension de chacun moins tranch&eacute;e en laissant aussi la libert&eacute; de conscience d&rsquo;appr&eacute;cier chaque situation. Or, c&rsquo;est en l&eacute;gif&eacute;rant sur les droits des migrants ou des autochtones qu&rsquo;on en fait d&eacute;j&agrave; des objets du droit o&ugrave; le primat de l&rsquo;acception les simplifie, les d&eacute;nature dans leur vie et leur histoire.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> Consulter l&rsquo;article&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">La raison totalitaire et morbide</span> dans Les cahiers de psychologie politique n&deg;&nbsp;33.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> Nous utilisons cette r&eacute;daction pour souligner le caract&egrave;re dialectique et simultan&eacute; d&rsquo;une action qui compose tout &agrave; la fois une d&eacute;construction et une reconstruction. Les deux pr&eacute;fixes associ&eacute;s &agrave; la racine permettent de signaler cette intention.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> Raphael Lemkin (1900-1959), juriste et procureur, il &oelig;uvre en faveur d&rsquo;un droit international humanitaire. Il s&rsquo;inspire des travaux originaux du juriste roumain Vespasien Pella (1897-1960), auteur de <span style="text-decoration:underline;">La criminalit&eacute; collective des &Eacute;tats et le droit p&eacute;nal de l&rsquo;avenir</span> publi&eacute;e en 1925. Hersch Lauterpacht (1897-1960), juriste, il est &agrave; l&rsquo;origine du droit supra-national de l&rsquo;individu et de la notion de crime contre l&rsquo;humanit&eacute;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> La notion de populicide appara&icirc;t pour la premi&egrave;re fois dans l&rsquo;&oelig;uvre <span style="text-decoration:underline;">Du syst&egrave;me de d&eacute;population ou La vie et les crimes de Carrier&nbsp;: son proc&egrave;s, et celui du Comit&eacute; r&eacute;volutionnaire de Nantes</span> du r&eacute;volutionnaire Babeuf o&ugrave; celui-ci fait le proc&egrave;s des m&eacute;thodes de destruction syst&eacute;matique de peuples ainsi qualifi&eacute;s par les r&eacute;volutionnaires pour en justifier la totale extermination.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> Hannah Arendt (1906-1975) d&eacute;crivant le principe territorial &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nul ne peut &ecirc;tre citoyen du monde comme il est citoyen de son pays. Dans <span style="text-decoration:underline;">Origine et sens de l&rsquo;histoire</span>, Jaspers &eacute;tudie longuement les implications d&rsquo;un ordre mondial et d&rsquo;un empire universel. Peu importe la forme que pourrait prendre un gouvernement du monde dot&eacute; d&rsquo;un pouvoir centralis&eacute; s&rsquo;exer&ccedil;ant sur tout le globe, la notion m&ecirc;me d&rsquo;une force souveraine dirigeant la terre enti&egrave;re, d&eacute;tenant le monopole de tous les moyens de violence, sans v&eacute;rification ni contr&ocirc;le des autres pouvoirs souverains, n&rsquo;est pas seulement un sinistre cauchemar de tyrannie, ce serait la fin de toute vie politique telle que nous la connaissons. Les concepts politiques sont fond&eacute;s sur la pluralit&eacute;, la diversit&eacute; et les limitations r&eacute;ciproques.&nbsp;&raquo; (1974, 94).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> Les archives militaires du Fort de Vincennes&nbsp;(S&eacute;rie B8) poss&egrave;dent l&rsquo;original de la lettre, en date du 24 janvier 1794, de Turreau, g&eacute;n&eacute;ral en chef de l&rsquo;Arm&eacute;e de l&rsquo;Ouest en charge de l&rsquo;ex&eacute;cution de ces lois. Il y est &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai commenc&eacute; l&rsquo;ex&eacute;cution du plan que j&rsquo;avais con&ccedil;u de traverser la Vend&eacute;e sur douze colonnes&nbsp;[&hellip;] Enfin, si mes intentions sont bien second&eacute;es, il n&rsquo;existera plus dans la Vend&eacute;e, sous quinze jours, ni maisons, ni subsistances, ni armes, ni habitants que ceux qui cach&eacute;s dans le fond des for&ecirc;ts auront &eacute;chapp&eacute; aux plus scrupuleuses perquisitions&nbsp;&raquo;. Le terme de brigand signifie sous l&rsquo;ancien r&eacute;gime, celui qui est hors la loi et qu&rsquo;on ex&eacute;cute sans proc&egrave;s. Des pr&eacute;cisions explicitent l&rsquo;extension au-del&agrave; des hommes en &acirc;ge de se battre par l&rsquo;&eacute;limination des femmes d&icirc;tes &laquo;&nbsp;sillons reproducteurs&nbsp;&raquo; et des enfants &laquo;&nbsp;car futurs brigands&nbsp;&raquo; du fait de leur lignage...&nbsp;&raquo;.<br /> Les d&eacute;crets de la Convention Nationale sont clairs&nbsp;:<br /> &laquo;&nbsp;VI. Il sera envoy&eacute; par le ministre de la guerre des mati&egrave;res combustibles de toute esp&egrave;ce, pour incendier les bois, les taillis et les gen&ecirc;ts. VII. Les for&ecirc;ts seront abattues, les repaires des rebelles seront d&eacute;truits, les r&eacute;coltes seront coup&eacute;es par les compagnies d&rsquo;ouvriers pour &ecirc;tre port&eacute;es sur les derri&egrave;res de l&rsquo;arm&eacute;e, &amp; les bestiaux seront saisis. VII. Les femmes, les enfants, les vieillards seront conduits dans l&rsquo;int&eacute;rieur&nbsp;; il sera pourvu &agrave; leur subsistance &amp; &agrave; leur s&ucirc;ret&eacute;, avec tous les &eacute;gards dus &agrave; l&rsquo;humanit&eacute;. XIV. Les biens des rebelles de la Vend&eacute;e sont d&eacute;clar&eacute;s appartenir &agrave; la R&eacute;publique&nbsp;; il en sera distrait une portion pour indemniser les citoyens qui sont demeur&eacute;s fid&egrave;les &agrave; la patrie, des pertes qu&rsquo;ils auraient souffertes.&nbsp;&raquo; (D&eacute;cret relatifs aux mesures &agrave; prendre contre les rebelles vend&eacute;ens).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> Proposition de loi relative &agrave; la reconnaissance du g&eacute;nocide vend&eacute;en de 1793-1794. Quelques extraits&nbsp;:<br /> 1. &laquo;&nbsp;La d&eacute;finition du terme &laquo;&nbsp;G&eacute;nocide&nbsp;&raquo; &eacute;tablie par le tribunal international de Nuremberg est la suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;On appelle crime de g&eacute;nocide la conception ou la r&eacute;alisation partielle ou totale, ou la complicit&eacute; dans la conception ou la r&eacute;alisation de l&rsquo;extermination d&rsquo;un groupe humain de type ethnique, racial ou religieux&nbsp;&raquo;.&nbsp;&raquo;<br /> 2. &laquo;&nbsp;Notre code p&eacute;nal (art. L. 211-1) en donne quant &agrave; lui la d&eacute;finition suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;constitue un g&eacute;nocide le fait, en ex&eacute;cution d&rsquo;un plan concert&eacute; tendant &agrave; la destruction totale ou partielle d&rsquo;un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d&rsquo;un groupe d&eacute;termin&eacute; &agrave; partir de tout autre crit&egrave;re arbitraire, de commettre ou de faire commettre, &agrave; l&rsquo;encontre de membres de ce groupe, l&rsquo;un des actes suivants&nbsp;: atteinte volontaire &agrave; la vie&nbsp;; atteinte grave &agrave; l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; physique ou psychique&nbsp;; soumission &agrave; des conditions d&rsquo;existence de nature &agrave; entra&icirc;ner la destruction totale ou partielle du groupe&nbsp;; mesures visant &agrave; entraver les naissances&nbsp;; transfert forc&eacute; d&rsquo;enfants.&nbsp;&raquo;.&nbsp;&raquo;<br /> 3. &laquo;&nbsp;Apr&egrave;s la prise de Laval le 23 octobre, et la d&eacute;faite r&eacute;publicaine d&rsquo;Entrammes, le 26 octobre 1793, un nouveau d&eacute;cret dat&eacute; du onzi&egrave;me jour du deuxi&egrave;me mois, portera que &laquo;&nbsp;toute ville de la R&eacute;publique qui recevra dans son sein les brigands ou qui leur donnera des secours sera punie comme ville rebelle. En cons&eacute;quence, elle sera ras&eacute;e et les biens des habitants seront confisqu&eacute;s au profit de la r&eacute;publique.&nbsp;&raquo;<br /> 4. &laquo;&nbsp;En novembre 1793, le g&eacute;n&eacute;ral Turreau est nomm&eacute; commandant en chef de l&rsquo;arm&eacute;e de l&rsquo;Ouest avec la charge de faire appliquer le d&eacute;cret du 1er ao&ucirc;t. L&rsquo;ordre de d&eacute;part est donn&eacute; le 21 janvier 1794, cette premi&egrave;re phase sera appel&eacute;e &laquo;&nbsp;la promenade militaire&nbsp;&raquo; alors qu&rsquo;&agrave; cette date la Grande Arm&eacute;e catholique et royale n&rsquo;est plus qu&rsquo;un nom. Turreau divise l&rsquo;arm&eacute;e en six divisions de deux colonnes chacune, qui ont pour mission de ratisser le territoire et d&rsquo;exterminer la population. Ce sont les &laquo;&nbsp;colonnes infernales&nbsp;&raquo; qui vont se livrer au g&eacute;nocide des Vend&eacute;ens. L&rsquo;ordre du jour du g&eacute;n&eacute;ral Grignon, commandant la 2e division est tr&egrave;s clair&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je vous donne l&rsquo;ordre de livrer aux flammes tout ce qui est susceptible d&rsquo;&ecirc;tre br&ucirc;l&eacute; et de passer au fil de l&rsquo;&eacute;p&eacute;e tout ce que vous rencontrerez d&rsquo;habitants.&nbsp;&raquo; Les rapports des g&eacute;n&eacute;raux r&eacute;publicains commandant les Colonnes sont aussi particuli&egrave;rement explicites&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous en tuons pr&egrave;s de 2000 par jour.&nbsp;[&hellip;] J&rsquo;ai fais tu&eacute; (sic) ce matin 53 femmes, autant d&rsquo;enfants.&nbsp;[&hellip;] J&rsquo;ai br&ucirc;l&eacute; toutes les maisons et &eacute;gorg&eacute; tous les habitants que j&rsquo;ai trouv&eacute;s. Je pr&eacute;f&egrave;re &eacute;gorger pour &eacute;conomiser mes munitions&hellip;&nbsp;&raquo;.&nbsp;&raquo;<br /> 5. &laquo;&nbsp;Le g&eacute;n&eacute;ral Westermann, dans sa lettre &agrave; la Convention du 23 d&eacute;cembre 1793, suite &agrave; l&rsquo;extermination des Vend&eacute;ens ayant surv&eacute;cu &agrave; la vir&eacute;e de galerne &agrave; Savenay, pr&eacute;cisait que&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il n&rsquo;y a plus de Vend&eacute;e, citoyens r&eacute;publicains, elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l&rsquo;enterrer dans les bois et les marais de Savenay. Suivant les ordres que vous m&rsquo;avez donn&eacute;s, j&rsquo;ai &eacute;cras&eacute; les enfants sous les pieds des chevaux, et massacr&eacute; les femmes qui, au moins pour celles-l&agrave;, n&rsquo;enfanteront plus de brigands. Je n&rsquo;ai pas un prisonnier &agrave; me reprocher. J&rsquo;ai tout extermin&eacute;.&nbsp;&raquo;.&nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> L&rsquo;article II de la convention pour la pr&eacute;vention et la r&eacute;pression du crime de g&eacute;nocide de l&rsquo;ONU de 1948 stipule que le g&eacute;nocide s&rsquo;entend dans l&rsquo;intention de d&eacute;truite tout ou partie d&rsquo;un groupe national, ethnique, racial ou religieux par meurtre, atteinte grave &agrave; l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; physique ou mentale, soumissions intentionnelles &agrave; des conditions d&rsquo;existence devant entrainer sa destruction, mesure visant &agrave; entraver les naissances, transfert forc&eacute; des enfants. Or, le nazisme organise aussi un eug&eacute;nisme positif de purification de la race et d&rsquo;&eacute;ducation extra-familiale des enfants dans les pouponni&egrave;res du Reich. Sur ce sujet le lecteur gagnera &agrave; lire <span style="text-decoration:underline;">Lebensborn, la fabrique des enfants parfaits</span> publi&eacute; chez Flammarion par Boris Thiolay, &eacute;tudiant cette exp&eacute;rience d&rsquo;engendrement de 22.000 jeunes aryens&nbsp;: Lebensborn. Outre la reproduction, ces centres accueillirent de nombreux enfants en provenance des pays conquis et estim&eacute;s racialement purs. Les estimations des historiens mentionnent quelques centaines de milliers d&rsquo;enfant arrach&eacute;s &agrave; leur famille dans les pays dit de race aryenne dont les germains des pays nordiques. L&rsquo;euthanasie des enfants imparfaits &eacute;tait pratiqu&eacute;e. A signaler que les responsables jug&eacute;s lors du proc&egrave;s de Nuremberg furent lib&eacute;r&eacute;s, les juges ne retenant aucun caract&egrave;re criminel &agrave; leurs actes&nbsp;; ce qui t&eacute;moigne a minima, de la collusion intellectuelle entre les id&eacute;aux des nazis et ceux des occidentaux sur ces sujets.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> Le Canada est un r&eacute;gime parlementaire f&eacute;d&eacute;ral h&eacute;rit&eacute; de la tradition d&eacute;mocratique anglaise. Ses institutions tr&egrave;s britanniques articulent un parlement, une chambre des communes et un s&eacute;nat. C&rsquo;est dans cette soci&eacute;t&eacute; &eacute;minemment d&eacute;mocratique qu&rsquo;ont &eacute;t&eacute; prises des d&eacute;cisions qui m&eacute;ritent d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;num&eacute;r&eacute;es. De la toute fin du 19<sup>e</sup> si&egrave;cle &agrave; 1996, environ cent cinquante mille enfants am&eacute;rindiens ont &eacute;t&eacute; retir&eacute;s, voire enlev&eacute;s &agrave; leur famille et mis d&rsquo;autorit&eacute; dans des pensionnats des diff&eacute;rentes &eacute;glises. La modernisation occidentale a proc&eacute;d&eacute; par une assimilation contrainte et forc&eacute;e des populations autochtones. Ce retrait massif des enfants en a &eacute;t&eacute; une des mesures de d&eacute;culturation-acculturation. Le Canada a m&ecirc;me pratiqu&eacute; l&rsquo;enl&egrave;vement&nbsp;: les Sixties Scoop, en organisant des rafles de 20.000 enfants autochtones. Mais tout cela a &eacute;t&eacute; fait dans plus totale l&eacute;galit&eacute;. Le Canada disposait du Gradual Civilization Act de 1857 et de la Loi sur les Indiens de 1876. L&rsquo;assimilation s&rsquo;est fa&icirc;tes par s&eacute;dentarisation dans des villages, puis dans des r&eacute;serves afin de cantonner les am&eacute;rindiens sur des territoires pour lib&eacute;rer les espaces destin&eacute;s &agrave; l&rsquo;exploitation agricole ou mini&egrave;re. A l&rsquo;occasion d&rsquo;amendements, les indiens ont &eacute;t&eacute; priv&eacute; du droit de pratiquer leurs religions, leurs f&ecirc;tes et m&ecirc;me de porter leurs costumes traditionnels. Les droits des uns n&rsquo;&eacute;taient pas ceux des autres. La commission V&eacute;rit&eacute; et R&eacute;conciliation conclura en 2015 au fait de g&eacute;nocide culturel.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> La lettre de Turreau aux repr&eacute;sentants du peuple date du 16 janvier 1794&nbsp;: &laquo;&nbsp;Lorsque j&rsquo;ai d&eacute;sir&eacute; de vous voir r&eacute;unis pr&egrave;s de moi, je n&rsquo;ai point pr&eacute;tendu avoir recours &agrave; votre autorit&eacute; pour aucun des d&eacute;tails militaires, mais j&rsquo;ai voulu que vous d&eacute;terminiez d&rsquo;une mani&egrave;re pr&eacute;cise la conduite que je devais tenir dans la Vend&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des personnes et des propri&eacute;t&eacute;s. Mon intention est bien de tout incendier, de ne r&eacute;server que les points n&eacute;cessaires &agrave; &eacute;tablir les cantonnements propres &agrave; l&rsquo;an&eacute;antissement des rebelles. Mais cette grande mesure doit &ecirc;tre prescrite par vous, je ne suis que l&rsquo;agent passif des volont&eacute;s du corps l&eacute;gislatif que vous pouvez repr&eacute;senter dans cette partie.&nbsp;Vous devez &eacute;galement prononcer d&rsquo;avance sur le sort des femmes et enfants que je rencontrerai dans ce pays r&eacute;volt&eacute;. S&rsquo;il faut les passer tous au fil de l&rsquo;&eacute;p&eacute;e, je ne puis ex&eacute;cuter une pareille mesure sans un arr&ecirc;t&eacute; qui mette &agrave; couvert ma responsabilit&eacute;.&nbsp;&raquo; La premi&egrave;re et c&eacute;l&egrave;bre r&eacute;ponse de Carnot est fa&icirc;tes en date du 8 f&eacute;vrier&nbsp;;&nbsp;&raquo;&nbsp;Tu te plains, citoyen g&eacute;n&eacute;ral, de n&rsquo;avoir pas re&ccedil;u du Comit&eacute; une approbation formelle &agrave; tes mesures... Tue, tue, extermine les brigands jusqu&rsquo;au dernier, voil&agrave; ton devoir.&nbsp;&raquo;&nbsp;R&eacute;ponse &agrave; laquelle le Comit&eacute; de salut public pr&eacute;cise le 23 juillet 1794 aux repr&eacute;sentants du peuple pr&egrave;s de l&rsquo;arm&eacute;e de l&rsquo;Ouest&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous vous renvoyons, chers coll&egrave;gues, une lettre des membres de la commission militaire s&eacute;ante &agrave; l&rsquo;&icirc;le de la Montagne par laquelle vous verrez &agrave; quel exc&egrave;s de malveillance est port&eacute; l&rsquo;abus d&rsquo;une proclamation faite par les agents pr&eacute;pos&eacute;s &agrave; la surveillance des r&eacute;coltes. O&ugrave; donc a-t-on pris que le gouvernement voulait faire gr&acirc;ce aux auteurs fauteurs et organisateurs des outrages faits &agrave; la souverainet&eacute; du peuple dans la Vend&eacute;e&nbsp;? H&acirc;tez-vous au contraire chers coll&egrave;gues de livrer au glaive vengeur tous les promoteurs et chefs de cette guerre cruelle et que les sc&eacute;l&eacute;rats qui ont d&eacute;chir&eacute; si longtemps les entrailles de leur patrie re&ccedil;oivent enfin le prix de leurs forfaits. Les femmes, les enfants et les vieillards, les individus entra&icirc;n&eacute;s par la violence ne m&eacute;ritent pas sans doute le m&ecirc;me sort que les monstres qui ont ourdi la r&eacute;volte, qui l&rsquo;ont servie de leur volont&eacute; comme de leurs bras, et l&rsquo;on pourrait prendre &agrave; leur &eacute;gard des mesures de s&ucirc;ret&eacute; moins rigoureuses, mais ce serait abandonner le pays aux horreurs d&rsquo;une guerre nouvelle et la vie des patriotes &agrave; la merci des brigands que d&rsquo;user envers ceux-ci d&rsquo;une indulgence absurde et meurtri&egrave;re. Vous voudrez donc bien, sans perdre un moment, chers coll&egrave;gues, ordonner que la justice r&eacute;volutionnaire reprendra son cours et ne pas perdre de vue que nous n&rsquo;avons qu&rsquo;un seul but&nbsp;: celui de terminer enfin l&rsquo;horrible guerre de Vend&eacute;e, objet dont on s&rsquo;&eacute;carte &eacute;galement soit par une l&acirc;che indulgence soit par des ex&eacute;cutions qui en frappant sur la foiblesse ne pourroient que r&eacute;volter la justice et l&rsquo;humanit&eacute;. Salut et fraternit&eacute;&nbsp;&raquo; (Archives Nationales, AF II 269-32, v. 13/18.).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> Lire notre article de ce num&eacute;ro publi&eacute; dans le n&deg;&nbsp;35 des Cahiers de psychologie politique&nbsp;: La perversion du principe d&rsquo;apathie.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> Plusieurs chercheurs ont &eacute;tay&eacute; cette politique eug&eacute;niste am&eacute;ricaine ant&eacute;rieure au nazisme dont K&uuml;lh et Lombardo. Le premier a publi&eacute;&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">The Nazi Connection: Eugenics, American Racism, and German National Socialism</span>, 1994, Oxford University Press, le second a &eacute;tudi&eacute; l&rsquo;histoire du droit am&eacute;ricain et des pratiques eug&eacute;nistes. <span lang="en" xml:lang="en">Il publie </span><span lang="en" style="text-decoration:underline;" xml:lang="en">A Century of Eugenics in America: From the Indiana Experiment to the Human Genome Era,</span><span lang="en" xml:lang="en"> 2011, Indiana University Press.</span></p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> Nous recommandons la lecture de l&rsquo;ouvrage de Jeffrey Ostler <span style="text-decoration:underline;">Les Sioux des plaines face au colonialisme, de Lewis et Clark &agrave; Wounded Knee (1804-1890)</span><em>&nbsp;</em>publi&eacute; en 2019 aux Editions du Rocher. L&rsquo;auteur montre que &laquo;&nbsp;la destin&eacute;e manifeste&nbsp;&raquo; des colons leur arrogeait le droit, leur intimait l&rsquo;ordre par devoir de construire une nouvelle nation exemplaire. Cette mission universelle est indissociable des institutions am&eacute;ricaines distribuant les terres &agrave; des hommes libres &agrave; la diff&eacute;rence des privil&egrave;ges aristocratiques europ&eacute;ens, oubliant l&rsquo;extermination des autochtones pour accomplir ce dessein, se comportant alors comme de nouveaux conqu&eacute;rants et aristocrates malgr&eacute; eux. Cette expansion commande la soumission ou l&rsquo;ali&eacute;nation de ceux qui s&rsquo;y opposeraient par leurs m&oelig;urs r&eacute;trogrades&nbsp;: les autochtones indiens. L&rsquo;&eacute;tude des Sioux souligne leur perte de libert&eacute;, leur d&eacute;pendance &agrave; l&rsquo;alimentation faute des bisons d&eacute;truits par la colonisation. Des colons exig&egrave;rent leur extermination, mais leur ali&eacute;nation l&rsquo;emportera en quelques g&eacute;n&eacute;rations. L&rsquo;ordre nouveau des modernes conduira &agrave; l&rsquo;extermination des derniers adeptes des traditions, massacrant femmes et enfants &agrave; Wounded Knee, le 29 d&eacute;cembre 1890.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> Lettre de Th&eacute;odore Roosevelt &agrave; Charles Davenport (1866-1944), biologiste, un des leaders du mouvement eug&eacute;niste am&eacute;ricain menant des recherches sur la s&eacute;lection des esp&egrave;ces et l&rsquo;h&eacute;r&eacute;dit&eacute; en date du 3 janvier 1913&nbsp;:<br /> &laquo;&nbsp;Je suis extr&ecirc;mement int&eacute;ress&eacute; par les deux &eacute;tudes que vous m&rsquo;avez envoy&eacute;es. Elles sont tr&egrave;s instructives, mais, appliqu&eacute;es &agrave; notre pays, elles sont aussi tr&egrave;s inqui&eacute;tantes.<br /> Vous dites que ces personnes ne sont pas responsables de la situation et que c&rsquo;est la soci&eacute;t&eacute; qui est responsable. Je suis d&rsquo;accord avec vous si, comme je l&rsquo;imagine, ce que vous souhaitez dire c&rsquo;est que la soci&eacute;t&eacute; ne devrait en aucun cas permettre aux d&eacute;g&eacute;n&eacute;r&eacute;s de se reproduire entre eux.<br /> Il est vraiment surprenant que notre peuple refuse d&rsquo;appliquer aux &ecirc;tres humains un savoir aussi &eacute;l&eacute;mentaire que celui utilis&eacute; par n&rsquo;importe quel fermier d&egrave;s lors qu&rsquo;il s&rsquo;agit de son propre &eacute;levage de b&eacute;tail.<br /> N&rsquo;importe quel groupe de fermiers qui ne permettrait pas &agrave; son meilleur b&eacute;tail de se reproduire et laisserait aux b&ecirc;tes les plus malades la charge d&rsquo;augmenter les rangs du troupeau, passerait pour un groupe de cingl&eacute;s et serait envoy&eacute; &agrave; l&rsquo;asile.<br /> Pourtant, nous ne parvenons pas &agrave; comprendre que de telles pratiques paraissent tout &agrave; fait rationnelles compar&eacute;es &agrave; la politique nationale permettant aux pires &eacute;l&eacute;ments, d&rsquo;un point de vue moral et physique, de se reproduire sans limite&nbsp;[&hellip;].<br /> Un jour nous nous rendrons compte que le devoir premier, le devoir incontournable, de tout bon citoyen normal est de laisser une descendance derri&egrave;re lui avant de quitter ce monde, et que nous n&rsquo;avons pas le droit de laisser les citoyens malades se reproduire.<br /> Je vous prie d&rsquo;agr&eacute;er Monsieur, l&rsquo;expression de mes sentiments distingu&eacute;s.&nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> Plusieurs auteurs su&eacute;dois ont contribu&eacute; &agrave; &eacute;clairer ce paradoxe du bien vivre autorisant la st&eacute;rilisation au nom m&ecirc;me du d&eacute;veloppement d&rsquo;un mod&egrave;le rationnel de politique familiale. L&rsquo;historienne Runcis consacre un chapitre intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Dans l&rsquo;ombre de l&rsquo;Etat providence.&nbsp;St&eacute;rilisations et science&nbsp;&raquo; du livre&nbsp;<span style="text-decoration:underline;">Valeurs su&eacute;doises</span> publi&eacute; en 2002 chez Carlsson. Il faut signaler la qualit&eacute; des contributions de Tyden dont&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">Ind&eacute;sirable dans la maison publique. Rashygien et la st&eacute;rilisation en Su&egrave;de</span>, 1991 et <span style="text-decoration:underline;">De la politique au stage. Les lois su&eacute;doises sur la st&eacute;rilisation 1935-1975</span>, 2002, in Acta Universitatis Stockholmiensis. A noter les recherches men&eacute;es d&egrave;s apr&egrave;s la guerre concernant les m&ecirc;mes pratiques au Japon par Sutter&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">Les st&eacute;rilisations et les avortements eug&eacute;niques au Japon</span>, 1949, in revue Population 4-4, p.&nbsp;768-770. En France, Drouard publiait un bon article de synth&egrave;se&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">&Agrave; propos de l&rsquo;eug&eacute;nisme scandinave. Bilan des recherches et travaux r&eacute;cents</span>&nbsp;dans la revue Population en 1998 ou l&rsquo;excellent article de Zylberman &laquo;&nbsp;<span style="text-decoration:underline;">Eug&eacute;nique &agrave; la scandinave&nbsp;: le d&eacute;bat des historiens</span>&nbsp;&raquo; accessible sur&nbsp;: (http://www.ipubli.inserm.fr) et enfin l&rsquo;article de Mottier&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">&Eacute;tat et contr&ocirc;le de la sexualit&eacute; reproductive&nbsp;: l&rsquo;exemple des politiques eug&eacute;nistes dans les d&eacute;mocraties lib&eacute;rales (Suisse, Su&egrave;de et Royaume-Uni)</span> en 2012dans la revue Politique et Soci&eacute;t&eacute;s, volume 31, n&deg;&nbsp;2.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> Alva Myrdal (1902-1986), &eacute;crivaine et diplomate, tr&egrave;s engag&eacute;e en faveur des politiques de d&eacute;sarmement, elle re&ccedil;oit le prix Nobel de la paix en 1982. Elle milite par ailleurs en faveur de l&rsquo;&eacute;mancipation de la femme et d&rsquo;un mod&egrave;le familial jouant sur le niveau de vie et d&rsquo;&eacute;ducation. Elle a &eacute;t&eacute; d&eacute;put&eacute;e du Parti social-d&eacute;mocrate. Il faut lire l&rsquo;excellente analyse r&eacute;cente de Pascal Marichalar&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">Regard sur l&rsquo;intellectuelle su&eacute;doise Alva Myrdal. Engagements publics et d&eacute;chirures priv&eacute;es, </span>2014, in revue Travail, genre et soci&eacute;t&eacute;s, n&deg;&nbsp;31, Editions La D&eacute;couverte, p.&nbsp;186-194. Drouard &eacute;crit &agrave; leur propos&nbsp;: &laquo;&nbsp;les Myrdal d&eacute;fendirent la st&eacute;rilisation comme un aspect essentiel de la politique de population&nbsp;: &agrave; leurs yeux, les r&eacute;formes sociales visant &agrave; accro&icirc;tre et &agrave; diffuser le bien-&ecirc;tre encouragent les naissances de &laquo;&nbsp;tar&eacute;s&nbsp;&raquo; ou d&rsquo;&laquo;&nbsp;ind&eacute;sirables&nbsp;&raquo;, et en cons&eacute;quence la soci&eacute;t&eacute; a le droit d&rsquo;intervenir &laquo;&nbsp;en cas de parent&eacute; douteuse du point de vue eug&eacute;nique&nbsp;&raquo;. Alors que l&rsquo;&Eacute;tat-providence se construit, trois types d&rsquo;arguments sont donc avanc&eacute;s en faveur de la st&eacute;rilisation&nbsp;: la mauvaise adaptation sociale, le co&ucirc;t de la prise en charge des d&eacute;ficients mentaux, le droit de l&rsquo;&Eacute;tat d&rsquo;intervenir au nom de la d&eacute;fense des droits sup&eacute;rieurs de la collectivit&eacute; et d&rsquo;imposer la st&eacute;rilisation. En r&eacute;sum&eacute;, la loi de 1934 concernait les st&eacute;rilisations sans consentement op&eacute;r&eacute;es sur des individus irresponsables du point de vue l&eacute;gal et elle autorisait la st&eacute;rilisation volontaire pour des raisons m&eacute;dicales ou eug&eacute;niques. La loi de 1941 &eacute;tendait le champ d&rsquo;application de la loi &agrave; d&rsquo;autres maladies h&eacute;r&eacute;ditaires que la maladie mentale ainsi qu&rsquo;&agrave; des cas sociaux &laquo;&nbsp;de comportement antisocial&nbsp;&raquo;. (1998, 639).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> Il faut consulter le rapport du sociologue Philippe Vitale, pr&eacute;sident de la commission nationale de recherche historique des enfants de la Creuse&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">Etude de la transplantation des mineurs de La R&eacute;union en France hexagonale de 1962 &agrave; 1984</span> &agrave; l&rsquo;attention de la ministre d&rsquo;outre-mer de 2018 ou consulter l&rsquo;excellent documentaire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les Enfants de la R&eacute;union&nbsp;: un scandale d&rsquo;&Eacute;tat oubli&eacute;&nbsp;&raquo; de Cl&eacute;mence de la Robertie, r&eacute;alis&eacute; par Gu&eacute;nola Gazeau et Pierre Lascar en 2016 et diffus&eacute; le dimanche 19 f&eacute;vrier 2017 sur France &Ocirc;, dans le magazine &laquo;&nbsp;Histoire d&rsquo;outre-mer&nbsp;&raquo;. Le 18 f&eacute;vrier 2014, l&rsquo;Assembl&eacute;e nationale vote la reconnaissance de la responsabilit&eacute; morale de l&rsquo;Etat fran&ccedil;ais dans cette affaire. Lire l&rsquo;ouvrage de r&eacute;f&eacute;rence&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">Enfants en exil&nbsp;: transfert de pupilles r&eacute;unionnais en m&eacute;tropole (1963-1982)</span>, d&rsquo;Ivan Jablonka, 2007, Paris, &Eacute;ditions du Seuil. Rappelons au lecteur que l&rsquo;&icirc;le est vierge au XVIe si&egrave;cle, peupl&eacute; par des colons et le trafic d&rsquo;esclaves, la population &eacute;tant d&rsquo;environ 350.000 en 1961 et de plus de 850.000 aujourd&rsquo;hui. Concernant les avortements forc&eacute;s, il faut lire <span style="text-decoration:underline;">Le ventre des femmes</span> de Fran&ccedil;oise Verg&egrave;s, publi&eacute; en 2017 chez Albin Michel qui &eacute;tudie les 8.000 avortements annuels durant les ann&eacute;es 60-70. En d&eacute;cembre 2018, des s&eacute;nateurs r&eacute;clament une commission d&rsquo;enqu&ecirc;te sur les st&eacute;rilisations et avortements forc&eacute;s&nbsp;: Jean-Hugues Ratenon, Cl&eacute;mentine Autain, Ugo Bernalicis, &Eacute;ric Coquerel, Alexis Cobi&egrave;re, Caroline Fiat, Bastien Lachaud, Michel Larive, Jean-Luc M&eacute;lenchon, Dani&egrave;le Obono, Mathilde Panot, Lo&iuml;c Prud&rsquo;homme, Adrien Quatennens, Muriel Ressiguier, Sabine Rubin, Fran&ccedil;ois Ruffin, B&eacute;n&eacute;dicte Taurine, Moetai Brotherson, Gabriel Serville, Nathalie Bassire, Mansour Kamardine, Danielle Brulebois, Jean-F&eacute;lix Acquaviva, Michel Castellani, Paul-Andr&eacute; Colombani, M&rsquo;jid El Guerrab, Bertrand Pancher et Maina Sage.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> Konrad Meyer-Hetling (1901-1973), agronome en charge des projets coloniaux nazis de l&rsquo;Est europ&eacute;en. Nous recommandons au lecteur l&rsquo;ouvrage d&rsquo;Ingrao <span style="text-decoration:underline;">Croire et d&eacute;truire</span>, inspir&eacute; d&rsquo;une th&egrave;se consistant &agrave; &eacute;tudier quatre-vingts dipl&ocirc;m&eacute;s SS afin de comprendre le parcours de ces chercheurs, universitaires, dipl&ocirc;m&eacute;s actifs et leur syst&egrave;me de repr&eacute;sentations, d&rsquo;appr&eacute;hender leur militantisme comme un syst&egrave;me de croyance coh&eacute;rent et de saisir les ressorts de la conqu&ecirc;te de l&rsquo;Est, ses g&eacute;nocides, ses d&eacute;portations et sa politique de germanisation.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn19" id="ftn19">19</a> Le plan Pabst, du nom de l&rsquo;architecte en charge de ce projet, pr&eacute;voyait la destruction de Varsovie qui comprenait environ 1,5 millions d&rsquo;habitant afin de construire une ville mod&egrave;le germanique pour 130&nbsp;000 habitants&nbsp;: <em>Warschau, Die neue Deutschc Stadt</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn20" id="ftn20">20</a> La loi du 14 juillet 1865 et le d&eacute;cret d&rsquo;application du 21 avril 1866 d&eacute;finissent le statut d&rsquo;indig&egrave;nes fran&ccedil;ais des autochtones alg&eacute;riens. Ces citoyens n&rsquo;ont pas tous les droits du citoyen. Pour les obtenir, ils doivent renoncer &agrave; leur statut personnel li&eacute; &agrave; la pr&eacute;&eacute;minence ant&eacute;rieure du droit islamique dont tout particuli&egrave;rement&nbsp;: mariage, r&eacute;pudiation, divorce, polygamie. Nous recommandons au lecteur l&rsquo;article de Judith Surkis&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">Propri&eacute;t&eacute;, polygamie et statut personnel en Alg&eacute;rie coloniale, 1830-1873</span> publi&eacute; en 2010 dans la Revue d&rsquo;histoire du XIXe si&egrave;cle, Soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;histoire de la r&eacute;volution de 1848 et des r&eacute;volutions du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle n&deg;&nbsp;41, L&rsquo;Alg&eacute;rie au XIXe si&egrave;cle. Il d&eacute;crit toutes les raisons complexes, administratives, juridiques, militaires et politiques qui divisent la France sur l&rsquo;&eacute;volution du statut des &laquo;&nbsp;autochtones&nbsp;&raquo; au sein de la R&eacute;publique. Quelques ouvrages compl&egrave;tent l&rsquo;&eacute;rudition sur cette question dont&nbsp;: Claude Collot, <span style="text-decoration:underline;">Les institutions de L&rsquo;Alg&eacute;rie durant la p&eacute;riode coloniale&nbsp;: 1830-1962</span>, 1987, Paris, Editions du CNRS&nbsp;; Jacques Fr&eacute;maux, <span style="text-decoration:underline;">Les bureaux arabes dans l&rsquo;Alg&eacute;rie de la conqu&ecirc;te</span>, 1993, Paris, Editions Deno&euml;l , et plus encore pour les f&eacute;rus de droit&nbsp;: Robert Estoublon, Adolphe Lef&eacute;bure et Edmond Nob&egrave;s Edition Edmond Nob&egrave;s <span style="text-decoration:underline;">Code de l&rsquo;Alg&eacute;rie annot&eacute;. Recueil chronologique des lois, ordonnances, d&eacute;crets formant la l&eacute;gislation alg&eacute;rienne</span>, 1896, Paris, Editions Jourdan. Sur l&rsquo;&eacute;volution des positions entre colonialistes et d&eacute;fenseurs des indig&egrave;nes, l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;Annie Rey-Goldzeiguer est tr&egrave;s riche d&rsquo;enseignements&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">Le Royaume Arabe. La politique alg&eacute;rienne de III, I861-1870</span>, 1997, Alger, Soci&eacute;t&eacute; nationale d&rsquo;&eacute;dition et de diffusion.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn21" id="ftn21">21</a> <span style="text-decoration:underline;">Code de l&rsquo;Alg&eacute;rie 1830</span>, (tome I) 1896, Paris, Edition A. Jourdan.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn22" id="ftn22">22</a> Sur la question de la crise de 1866-1868, il faut lire l&rsquo;excellent travail de Bertrand Taithe&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">L&rsquo;Alg&eacute;rie au XIX</span><sup><span style="text-decoration:underline;">e</span></sup>&nbsp;<span style="text-decoration:underline;">si&egrave;cle La famine de 1866-1868&nbsp;: anatomie d&rsquo;une catastrophe et construction m&eacute;diatique d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement</span>, 2010, Revue d&rsquo;histoire du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle Soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;histoire de la r&eacute;volution de 1848 et des r&eacute;volutions du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, n&deg;&nbsp;41, p.&nbsp;113-127.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn23" id="ftn23">23</a> Eug&egrave;ne Bodichon (1810-1885) &eacute;poux de Barbara Bodichon (Leigh Smith) une des premi&egrave;res f&eacute;ministes anglaises. Il est l&rsquo;auteur d&rsquo;une Bible rationaliste&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">De l&rsquo;humanit&eacute;</span> publi&eacute;e &agrave; Alger et Gen&egrave;ve en 1852-1853 o&ugrave; il d&eacute;veloppe une th&eacute;orie darwinienne de la guerre des races en vertu de leur qualit&eacute; o&ugrave; les races germaniques et juives sont jug&eacute;es sup&eacute;rieures au d&eacute;triment des races des &laquo;&nbsp;nouveaux mondes&nbsp;&raquo; condamn&eacute;es &agrave; la destruction. Il d&eacute;veloppe ses th&egrave;ses de substitution des races en Alg&eacute;rie dans <span style="text-decoration:underline;">Etudes sur l&rsquo;Alg&eacute;rie et l&rsquo;Afrique</span> publi&eacute;e &agrave; Alger par l&rsquo;auteur en 1847 puis des &oelig;uvres hygi&eacute;nistes dont <span style="text-decoration:underline;">Hygi&egrave;ne &agrave; suivre en Alg&eacute;rie. Hygi&egrave;ne morale</span> en 1851.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn24" id="ftn24">24</a> Faute d&rsquo;avoir favoris&eacute; une &eacute;migration coloniale massive &agrave; la diff&eacute;rence des colonies anglaises, le choix se porte vers une assimilation o&ugrave; il s&rsquo;agit d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;rer la naturalisation. Au d&eacute;but du 20<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, plusieurs juristes plaident en faveur de cette suppression des obstacles juridiques. En 1912, le manifeste Jeune-Alg&eacute;rien demande la fin de l&rsquo;indig&eacute;nat et une repr&eacute;sentation dans les assembl&eacute;es. Cl&eacute;menceau sera favorable &agrave; une naturalisation sans renonciation au statut personnel. Mais le mouvement d&rsquo;&eacute;galit&eacute; anim&eacute; par des partisans de l&rsquo;ind&eacute;pendance d&egrave;s 1926 promeuvent le statut, en faisant le signe de l&rsquo;identit&eacute; alg&eacute;rienne jusqu&rsquo;&agrave; la cristalliser dans le slogan&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;arabe est ma langue, l&rsquo;Alg&eacute;rie est mon pays, l&rsquo;islam est ma religion.&nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn25" id="ftn25">25</a> Dans une d&eacute;claration du 28 juillet 1885 &agrave; l&rsquo;assembl&eacute;e nationale retranscrite au Journal Officiel, Jules Ferry d&eacute;veloppe les principes de la doctrine coloniale de la III<sup>e</sup>&nbsp;R&eacute;publique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans la crise que traversent toutes les industries europ&eacute;ennes, la fondation d&rsquo;une colonie, c&rsquo;est la cr&eacute;ation d&rsquo;un d&eacute;bouch&eacute;&nbsp;[&hellip;] Il faut dire ouvertement qu&rsquo;en effet les races sup&eacute;rieures ont un droit vis-&agrave;-vis des races inf&eacute;rieures&nbsp;[&hellip;] Elles ont un devoir de civiliser les races inf&eacute;rieures.&nbsp;&raquo; Une telle doctrine fonde l&rsquo;asym&eacute;trie des droits et l&eacute;gitime toutes les pratiques ethnocidaires et g&eacute;nocidaires.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn26" id="ftn26">26</a> Dans une tribune du journal Le Monde en date du 10 avril 2019 intitul&eacute;e&nbsp;: <em>Appel des peuples indig&egrave;nes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Depuis l&rsquo;&eacute;lection de Jair Bolsonaro, nous vivons les pr&eacute;mices d&rsquo;une apocalypse&nbsp;&raquo;</em> les auteurs rappellent que&nbsp;: &laquo;&nbsp;Partout dans le monde les droits des peuples indig&egrave;nes et de la nature sont bafou&eacute;s, des leaders indig&egrave;nes sont assassin&eacute;s. Des millions de nos fr&egrave;res et s&oelig;urs ont &eacute;t&eacute; tu&eacute;s pour prendre le contr&ocirc;le de leurs territoires et on continue &agrave; nous d&eacute;truire avec de belles paroles et de l&rsquo;argent, cette mal&eacute;diction du monde.&nbsp;&raquo;</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn27" id="ftn27">27</a> Quelques auteurs viennent briser la schizophr&eacute;nie occidentale qui se disculpe de toute sorte de responsabilit&eacute; ou paternit&eacute; du nazisme, op&eacute;rant &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;une pens&eacute;e magique o&ugrave; le nazisme serait la g&eacute;n&eacute;ration spontan&eacute;e mal&eacute;fique, sans origine ni cause, un mouvement qui fut pourtant tr&egrave;s largement soutenu dans sa conqu&ecirc;te du pouvoir par l&rsquo;opinion et par des industriels, intellectuels, m&ecirc;me en dehors d&rsquo;Allemagne. Le biochimiste et g&eacute;n&eacute;ticien allemand Benno M&uuml;ller-Hill (1933-2018) a publi&eacute; en 1984, paru en fran&ccedil;ais en 1989&nbsp;: <span style="text-decoration:underline;">Science nazie, science de mort&nbsp;: L&rsquo;extermination du Juif, du Tzigane et des malades mentaux de 1933 &agrave; 1945</span> aux Editions Odile Jacob. Il explique comment de tr&egrave;s nombreux scientifiques allemands ont &eacute;t&eacute; &agrave; l&rsquo;origine des th&egrave;ses du nazisme, participant activement &agrave; des programmes de s&eacute;lections g&eacute;n&eacute;tiques, de psychiatries et psychologies, d&rsquo;exp&eacute;rimentations sociales et anthropologiques, dialoguant avec leurs confr&egrave;res &eacute;trangers par ailleurs int&eacute;ress&eacute;s par leurs travaux. Il faut consulter les travaux de Benoit Massin sur la collusion entre la communaut&eacute; scientifique et les politiques allemandes bien avant l&rsquo;av&egrave;nement du nazisme.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn28" id="ftn28">28</a> L&rsquo;ONG Chinese Human Rights Defenders atteste d&rsquo;arrestations massives des Ou&iuml;ghours et de camps de d&eacute;tention et de r&eacute;&eacute;ducation pratiquant l&rsquo;endoctrinement, l&rsquo;acculturation, l&rsquo;autod&eacute;nigrement et des tortures psychologiques et physiques. De tr&egrave;s r&eacute;centes recherches publi&eacute;es par l&rsquo;International Observatory Human Rights indique que les enfants sont s&eacute;par&eacute;s de leur famille pour les acculturer. Les m&eacute;thodes r&eacute;pertori&eacute;es par Lemkin sont &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans un programme ethnocidaire et g&eacute;nocidaire.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn29" id="ftn29">29</a> Emmanuel Levinas (1906-1995), publia <span style="text-decoration:underline;">Entre nous, essais sur le pens&eacute;-&agrave;-l&rsquo;autre</span> chez Grasset en 1991 dont un chapitre est consacr&eacute; &agrave; <em>Droits de l&rsquo;homme et bonne volont&eacute;</em> (p.215-219).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn30" id="ftn30">30</a> Le lecteur gagnera &agrave; lire les articles de Hamit Bozarslan&nbsp;: <em>Autour de la Th&egrave;se Turque de l&rsquo;Histoire</em>, in L&rsquo;Intranquille n&deg;&nbsp;1, Paris, 1992, p.&nbsp;121-150 et <em>Identit&eacute; nationale, conscience historique et crime fondateur&nbsp;: remarques critiques sur le livre de Taner Ak&ccedil;am</em>&nbsp;&raquo;, in L&rsquo;Intranquille, n&deg;&nbsp;2-3, Paris, 1994, p.&nbsp;145-173. Pour m&eacute;moire, la Grande Catastrophe consiste &agrave; &eacute;radiquer par l&rsquo;expulsion ou l&rsquo;extermination les grecs de Turquie d&egrave;s la premi&egrave;re guerre mondiale puis en 1923 par &eacute;change des populations. Lire l&rsquo;article tr&egrave;s document&eacute; de Michel Bruneau dans la revue Anatoli&nbsp;: 3&nbsp;|&nbsp;2012&nbsp;: La Turquie, au carrefour des turbulences migratoire, Partie 2. &Eacute;changes de population entre Gr&egrave;ce et Turquie et &agrave; Chypre, <em>L&rsquo;expulsion et la diasporisation des Grecs d&rsquo;Asie Mineure et de Thrace orientale (1914-1923)</em> p.&nbsp;57-83, la synth&egrave;se &eacute;tant la suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le Protocole d&rsquo;&eacute;change obligatoire entre la Gr&egrave;ce et la Turquie (1923) a d&eacute;cid&eacute; de l&rsquo;&eacute;change total des populations grecque et turque dans les quatre ann&eacute;es suivantes, &agrave; l&rsquo;exclusion d&rsquo;Istanbul, des &icirc;les d&rsquo;Imvros et Tenedos c&ocirc;t&eacute; turc et de la Thrace occidentale c&ocirc;t&eacute; grec. Les recensements de 1927 en Turquie et de 1928 en Gr&egrave;ce compar&eacute;s &agrave; la situation en 1914 permettent d&rsquo;&eacute;valuer les cons&eacute;quences de la Premi&egrave;re Guerre mondiale suivie du conflit gr&eacute;co-turc (1920-1922). Au nombre des r&eacute;fugi&eacute;s recens&eacute;s en 1928 en Gr&egrave;ce, soit 1&nbsp;104&nbsp;217, il faut ajouter ceux qui sont partis directement ou tr&egrave;s rapidement (avant 1928) en Europe occidentale et en Am&eacute;rique (estim&eacute;s &agrave; 66&nbsp;000) et ceux qui sont morts entre 1923 et 1928 (estim&eacute;s &agrave; 75&nbsp;000). En outre 80&nbsp;000 Grecs pontiques auraient pr&eacute;f&eacute;r&eacute; aller au Caucase ou en Russie (A. Alexandris, P.&nbsp;M. Kitromilides, 1984-85, 34). On arrive alors &agrave; un total de 1&nbsp;325&nbsp;217 r&eacute;fugi&eacute;s ayant quitt&eacute; l&rsquo;Anatolie et la Thrace orientale apr&egrave;s 1922. La communaut&eacute; grecque ottomane d&rsquo;Anatolie et de Thrace orientale &laquo;&nbsp;aurait donc subi de 350&nbsp;000 &agrave; 400&nbsp;000 morts entre 1914 et 1923&nbsp;&raquo; (D. Panzac, 1988, 62). Entre 22,5&nbsp;et 25,7&nbsp;% de cette communaut&eacute; aurait ainsi disparu du fait de la guerre, des d&eacute;portations et des massacres.&nbsp;&raquo; (&sect;.13).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn31" id="ftn31">31</a> A la demande de Charles Quint qui interrompt la conqu&ecirc;te du nouveau monde, cette controverse oppose le dominicain Bartolom&eacute; de Las Casas et le th&eacute;ologien Juan Gin&eacute;s&nbsp;de&nbsp;Sep&uacute;lveda en 1550 et 1551. Toute la question des droits des autochtones est mise en balance des droits des conqu&eacute;rants et de la croyance en un devoir de civilisation. Charles Quint avait d&eacute;j&agrave; interdit l&rsquo;esclavage et oblig&eacute; &agrave; leur lib&eacute;ration en respectant leurs droits au travail et &agrave; leur propri&eacute;t&eacute;. De m&ecirc;me, le pape Paul&nbsp;III affirme d&egrave;s 1537 que tous sont de &laquo;&nbsp;v&eacute;ritables &ecirc;tres humains&nbsp;&raquo; r&eacute;pondant &agrave; ceux qui professaient une moindre dignit&eacute; en condamnant formellement ces pratiques dans sa lettre apostolique <em>Veritas ipsa</em> et dans la bulle pontificale <em>Sublimis Deus</em>.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn32" id="ftn32">32</a> Fran&ccedil;ois Furet (1927-1997), <em>Le pass&eacute; d&rsquo;une illusion</em>, p.&nbsp;21, 1995, Paris, Editions Calmann-L&eacute;vy.</p> <p class="bibliographie">Agamben, Giorgio, <em>Homo Sacer I, Le pouvoir souverain et la vie nue</em>, 1997, Paris, Editions du Seuil</p> <p class="bibliographie">Agamben, Giorgio, <em>Homo Sacer III</em>,<em> Ce qui reste d&rsquo;Auschwitz&nbsp;: l&rsquo;archive et le t&eacute;moin</em>, 1999, Paris, Editions Payot &amp; Rivages</p> <p class="bibliographie">Arendt, Hannah, <em>Condition de l&rsquo;homme moderne</em>, 1983, Paris, Editions Calmann-L&eacute;vy</p> <p class="bibliographie">Arendt, Hannah, <em>Les origines du totalitarisme</em>, 1972, Paris, Edition du Seuil</p> <p class="bibliographie">Arendt, Hannah, <em>Vies politiques</em>, 1974, Paris, Editions Gallimard</p> <p class="bibliographie">Babeuf, Gracchus, <em>Du syst&egrave;me de d&eacute;population ou La vie et les crimes de Carrier&nbsp;: son proc&egrave;s, et celui du Comit&eacute; r&eacute;volutionnaire de Nantes</em>, 1794, Paris, imprimerie Franklin</p> <p class="bibliographie">Bauman, Zigmunt, <em>Modernit&eacute; et holocauste</em>, 2002, Paris, Editions La Fabrique</p> <p class="bibliographie">Becker, Annette, <em>Messagers du d&eacute;sastre. Rapha&euml;l Lemkin, Jan Karski et les g&eacute;nocides</em>, 2018, Paris, Editions Fayard</p> <p class="bibliographie">Besson, Emmanuel, <em>La l&eacute;gislation civile de l&rsquo;Alg&eacute;rie. Etudes sur la condition des personnes et le r&eacute;gime des biens en Alg&eacute;rie, Paris</em>, 1894, Paris, Editions Chevalier-Marescq</p> <p class="bibliographie">Blanchard, Pascal, Bancel, Nicolas, BO&Euml;TSCH, Gille, TARAUD, Crustelle et Thomas, Dominique, <em>Sexe, race &amp; colonies. La domination des corps du XV</em><sup><em>e</em></sup>&nbsp;<em>si&egrave;cle &agrave; nos jours</em>, 2018, Paris, Editions La D&eacute;couverte</p> <p class="bibliographie">Boursiquot, Fabienne, <em>Modernit&eacute; du g&eacute;nocide et pratiques g&eacute;nocidaires</em>, 2007, Qu&eacute;bec, revue Aspects sociologiques, vol.&nbsp;14, n&deg;&nbsp;1, p.&nbsp;61-86</p> <p class="bibliographie">Chalmin, Ronan, La r&eacute;publique populicide&nbsp;: relire du syst&egrave;me de d&eacute;population de G. Babeuf, 2011, in Dix-huit&egrave;me si&egrave;cle, n&deg;&nbsp;43, p.&nbsp;447-468</p> <p class="bibliographie">Drouard, Alain, &Agrave; propos de l&rsquo;eug&eacute;nisme scandinave. Bilan des recherches et travaux r&eacute;cents, 1998, in revue Population 53-3, p.&nbsp;633-642</p> <p class="bibliographie">Dumont, G&eacute;rard-Fran&ccedil;ois, Etrangers, immigrants, populations d&rsquo;origine &eacute;trang&egrave;re&nbsp;: clarifions les d&eacute;finitions, 2010, In revue Population &amp; Avenir, n&deg;&nbsp;698, p.&nbsp;3</p> <p class="bibliographie">Duvernois, Cl&eacute;ment, L&rsquo;Alg&eacute;rie ce qu&rsquo;elle est&nbsp;&ndash; ce qu&rsquo;elle doit &ecirc;tre&nbsp;: essai &eacute;conomique et politique, 1858, Alger, Editions Dubos Fr&egrave;res</p> <p class="bibliographie">Furet, Fran&ccedil;ois, Le pass&eacute; d&rsquo;une illusion, 1995, Paris, Editions Calmann-levy</p> <p class="bibliographie">Gabel, Joseph, La fausse conscience&nbsp;: essais sur la r&eacute;ification, 1962, Paris, Editions de Minuit</p> <p class="bibliographie">Honneth, Axel, <em>La r&eacute;ification</em>, 2007, Paris, Editions Gallimard</p> <p class="bibliographie">Ingrao, Christian, <em>Croire et d&eacute;truire</em>, 2010, Paris, Editions Fayard</p> <p class="bibliographie">Jablonka, Ivan, <em>Enfants en exil: transfert de pupilles r&eacute;unionnais en m&eacute;tropole (1963-1982)</em>, 2007, Paris, Editions du Seuil</p> <p class="bibliographie">Kitcher Philippe, <em>Les vies potentielles</em>&nbsp;&raquo; in J. Gayon et D. 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