<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><strong>DOSSIER : LA PROPAGANDE POLITIQUE AU 21e SIECLE</strong></p>
<p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Usages et gratification : (re)voir la propagande autrement</span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"> </p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><i><span style="font-size:10.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Bertrand Labasse est professeur à l¹université d¹Ottawa et professeur invité à l¹École supérieure de journalisme de Lille. Ses travaux portent sur les logiques sociales et les facteurs cognitifs qui déterminent la production et la réception de l'offre culturelle et médiatique, notamment dans le cas de l'information journalistique mais aussi dans d'autres domaines comme ceux de la vulgarisation scientifique, de la chronique culturelle et de la littérature non fictionnelle. Il a notamment publié</span></span></span></span></span> La valeur des informations ; Ressorts et contraintes du marché des idées<span style="font-variant-ligatures:normal; text-align:start; -webkit-text-stroke-width:0px"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="orphans:2"><span style="widows:2"><span style="text-decoration-thickness:initial"><span style="text-decoration-style:initial"><span style="text-decoration-color:initial"><span style="float:none"><span style="word-spacing:0px"> (Presses de l'Université d'Ottawa, 2020) et</span></span></span></span></span></span></span></span></span> Une dynamique de l¹insignifiance ; Les médias, les citoyens et la chose publique dans la « société de l¹information »<span style="font-variant-ligatures:normal; text-align:start; -webkit-text-stroke-width:0px"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="orphans:2"><span style="widows:2"><span style="text-decoration-thickness:initial"><span style="text-decoration-style:initial"><span style="text-decoration-color:initial"><span style="float:none"><span style="word-spacing:0px"> (Presses de l¹Ecole nationale supérieure des sciences de l¹information et des bibliothèques, 2003).</span></span></span></span></span></span></span></span></span></i></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sommaire</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"> </p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1. Une inflexion déterminée</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2. Une postérité ambiguë</span></span></b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3. Une réponse déficiente à une très bonne question ?</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">4. Un axe d’analyse toujours crucial</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">5. Une chimère qui s’impose</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">6. Trois horizons possibles</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">7. Conclusion</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"> </p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Par un curieux retournement, l’une des perspectives théoriques qui pourraient compter parmi les plus éclairantes pour appréhender la multiplicité contemporaine des voies de la propagande politique pourrait justement être celle qui tournait le plus résolument le dos à l’étude de la propagande. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Selon le manifeste d’Elihu Katz (1959), le courant des <i>usages et gratifications</i> entendait en effet dépasser la problématique descendante de l’influence pour se consacrer, dans une perspective remontante, aux utilités et satisfactions que les individus retiraient ou non des messages qui leur étaient dispensés. Le renversement de point de vue opéré par Katz et ses collègues les a conduits au cours des décennies suivantes à multiplier les études pour observer les pratiques et attentes des lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs, sans cependant parvenir à en induire beaucoup plus que des listes plus ou moins précises de motivations possibles, et encore moins à convaincre les chercheurs plus attachés aux approches critiques de l’opinion et de la manipulation politique. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cependant, les évolutions du débat public liées à celles des technologies et services de communication, notamment les réseaux sociaux, incitent à revisiter cette approche : à une époque d’hyperconcurrence médiatique où les préférences des internautes prennent le pas sur les légitimités discursives traditionnelles, la perspective qu’incarnait cette école prend un poids certain.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans quelle mesure est-elle toujours pertinente aujourd’hui ? Pour tenter de l’évaluer dans une optique épistémologique critique et prospective, ce travail se propose, après un rappel sommaire de la genèse et des propositions essentielles de ce mouvement [section 1], d’examiner l’écart surprenant qui sépare sa postérité quantitative et sa postérité symbolique [2]. L’analyse se portera dès lors sur son bilan scientifique proprement dit, dont on remarquera successivement les limites épistémologiques intrinsèques [3], et néanmoins la fécondité [4] que justifient <i>a contrario</i> les problèmes rencontrés par des travaux sur la persuasion méconnaissant certains de ses axiomes. Parmi ces postulats, on s’attardera à la co-influence de déterminants d’ordre psychologique et sociologique [5], laquelle explique l’absence persistante d’un modèle monodisciplinaire pouvant rendre compte des phénomènes empiriquement connus. Au terme de ces examens successifs, on considèrera les trois grandes voies par lesquelles la perspective des usages et gratifications s’actualise à l’époque des médias numériques [6], dont seules les deux premières se réclament explicitement de cette école, mais dont on soutiendra que la troisième, plus complémentaire que tributaire, pourrait significativement l’aider à remplir sa promesse initiale : éclairer l’influence des messages en partant des motivations de leur réception.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1. Une inflexion déterminée</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">On pourrait éventuellement faire remonter la problématique générale des usages et gratifications à l’Antiquité<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></a> et la jalonner de tous ceux qui, comme l’abbé Dubos (1719), se sont interrogés sur les motivations de la réception. Il est cependant d’usage, dans une acception théorique plus rigoureuse, de la faire apparaître avec les travaux d’Herta Herzog sur les déterminants de l’écoute des émissions de jeux à la radio : « De tels programmes ont une attraction multiple : différents aspects de ceux-ci attirent différentes personnes. Mais de simples spéculations dans un fauteuil ne peuvent en aucun cas supposer la multiplicité de ces attraits. » (1940, p. 64). Première à se présenter comme une <i>gratification study</i>, cette recherche qualitative exploratoire menée auprès d’un très petit échantillon (n = 11) la conduisit à proposer quatre grands facteurs d’attirance (l’aspect compétitif, éducatif, etc.) correspondant à autant de « gratifications » pour les auditeurs. Nombre d’autres travaux, en particulier dans la mouvance du Radio Research Project<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></a> animé par Paul Lazarsfeld, tentèrent de clarifier les motivations des amateurs de musique classique (Suchman, 1942)<i>, </i>de feuilletons radiophoniques (Herzog, 1944), de bandes dessinées<i> </i>(Wolfe et Fiske, 1949) ou encore de quotidiens d’information (Berleson, 1949), multipliant les observations et les listes de gratifications, mais aussi les innovations méthodologiques, dont la technique du panel et l’« analyseur » de réactions aux messages en temps réel, ainsi que la méthode du <i>focus group</i> promise à une remarquable trivialisation ultérieure. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cependant cette approche, essentiellement empirique et appliquée à l’origine, se vit conférer des enjeux épistémologiques de bien plus large portée lorsque Elihu Katz (1959) revendiqua pour elle le statut de branche légitime, et même capitale, des recherches en communication. Dans un champ dominé par la problématique des effets des médias sur l’opinion, le jeune chercheur de l’université de Chicago, disciple de Lazarsfeld<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></a>, prenait acte après d’autres<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[4]</span></span></span></span></a> du découragement et des résultats indécis auxquels avait déjà conduit la question « qu’est-ce que les médias font aux gens ? » pour lui opposer la question « qu’est-ce que les gens font avec les médias ? » Son manifeste considérait « l’étude des "usages et gratifications" » – qu’il baptisait ainsi par la même occasion (guillemets dans l’original) – comme « la direction la plus prometteuse pour la recherche sur les communications de masse », puisque « même le plus puissant des médias ne peut ordinairement influencer un individu qui n’en a aucun "usage" dans le contexte psychologique et social dans lequel il se trouve ». </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce n’était pas là une découverte stupéfiante en soi, comme lui-même en convenait aussitôt, mais ce renversement de perspective partant des destinataires ne constituait pas moins un tournant vigoureux par rapport aux approches descendantes de la communication politique ou commerciale qu’il désignait comme « les études de persuasion ». Encore fallait-il bâtir la plateforme scientifique supposée rapprocher les recherches sur les effets, celles sur les gratifications perçues par différents publics, mais aussi celles, plus générales, sur la culture populaire dans lesquelles une seule motivation, assez floue, était souvent invoquée : le besoin d’ « évasion ».</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Katz s’y employa en compagnie de plusieurs chercheurs de la même génération, dont Jay Blumler et Denis McQuail, et le courant des « usages et gratifications », s’affirmant de plus en plus en tant que tel, se trouva au début des années 1970, en mesure de soutenir un ensemble de principes, de méthodes et de résultats pouvant former un cadre théorique. Les principes explicités étaient au nombre de cinq (Katz, Blumler et Gurevitch, 1973) :</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">– Les publics sont considérés comme actifs et leurs choix parmi les contenus disponibles comme motivés (<i>goal oriented)</i>, plutôt que subis passivement.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">– Ce degré d’initiative limite fortement la possibilité de théoriser des liens directs entre les contenus diffusés et leurs effets sur les attitudes et comportements.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">– Les médias étant en concurrence avec d’autres sources de satisfaction des besoins, le rôle qu’on leur prête doit prendre en compte l’existence d’autres alternatives, par exemple les relations personnelles, pouvant satisfaire ces mêmes besoins.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">– Méthodologiquement, beaucoup des motivations en jeu peuvent être dérivées des données recueillies auprès des individus eux-mêmes.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">– Enfin, les jugements sur la valeur culturelle et l’importance des communications de masse devraient être suspendus tandis que les préférences des individus sont explorées dans leurs propres termes. Ceci par contraste avec « beaucoup d’écrits spéculatifs sur la culture populaire », précisaient les chercheurs au cas où l’on n’aurait pas compris quelle école ils visaient.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">À la même époque, forts de leurs multiples études mais aussi des méthodes qu’ils avaient contribué à développer (<i>cluster analysis,</i> analyse factorielle), les promoteurs des « usages et gratifications » précisaient les quatre grandes familles et sous-familles de motivations auxquelles paraissait se rattacher la consommation médiatique : 1/ La diversion (a : évasion de la routine et, b : des problèmes vécus, c : relâchement émotionnel), 2/ Les relations personnelles (a : camaraderie, b : utilité sociale), 3/ L’identité personnelle (a : autoévaluation comparative, b : exploration de la réalité, c : renforcement des valeurs) et 4/ La surveillance.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">De cette dernière catégorie, McQuail, Blumler et Brown (1972) précisaient qu’ils n’avaient pas assez de bases empiriques pour la subdiviser, mais que son intitulé général – explicitement tiré de la typologie fonctionnaliste proposée de son côté par Lasswell une quinzaine d’années plus tôt<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[5]</span></span></span></span></a> – reflétait néanmoins leurs propres observations sur sa place importante dans les dispositions des consommateurs de médias.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il serait trop long, dans ce qui ne peut ici être qu’un bref rappel, de développer les justifications empiriques, précisions méthodologiques, nuances et développements qui accompagnaient ces propositions de base (voir notamment Katz, Gurevitch & Haas, 1973 et Blumler et Katz, éds., 1974). Ni de mentionner tous les travaux qui les ont suivies, que ce soit pour les prolonger dans une perspective culturelle élargie et socialement plus diversifiée (en particulier la vaste étude menée par Liebes et Katz, 1986, sur la réception de la série Dallas dans différents milieux) ou pour tenter de les inscrire dans un modèle explicatif plus général des processus de sélection médiatique (notamment Palmgreen et Rayburn, 1982, 1985). Cependant, les éléments présentés ci-dessus sont, pour l’essentiel ce que la <i>vulgate</i> communicationnelle en a retenu et qui forment schématiquement le tronc commun de cet ensemble : plus de 35 ans plus tard, ils restent par exemple ceux que présente McQuail lui-même dans la 6<sup>e</sup> édition (2010) de son panorama de référence des théories de la communication, l’un des manuels les plus utilisés dans les enseignements anglophones de premier cycle sur ce thème<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[6]</span></span></span></span></a>.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2. Une postérité ambiguë</span></span></b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans les cours et ouvrages francophones de ces dernières décennies consacrées à la communication, le mouvement des usages et gratification apparaît essentiellement comme une période circonscrite, un peu naïve et plutôt malavisée, de l’enfance de ce domaine. </span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Avant d’en venir à son échec scientifique, bien réel à quelques égards, il est donc utile d’évoquer – à nouveau brièvement – les principales raisons qui motivent son discrédit symbolique.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">De prime abord, cependant, ce déclin s’avère étonnamment difficile à documenter de façon empirique. Un relevé de la production scientifique montre que le nombre des publications<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[7]</span></span></span></span></a> qui se réfèrent à ce cadre, non seulement ne reflète pas à partir des années 1980 l’essoufflement que l’on s’attendait à observer, mais manifeste même depuis cette époque une croissance impressionnante : on totalise 167 publications relatives aux usages et gratifications entre 1975 et 1999, mais 1 918 depuis 2000. Après un ajustement visant à prendre en compte le gonflement constant du nombre des publications en général (voir précisions en note), les travaux se référant à ce courant demeurent quatre fois plus nombreux (406,6 %) depuis les années 2000 qu’au cours de toute la période antérieure.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><img height="689" src="https://www.numerev.com/img/ck_467_16_image-20210129102818-1.jpeg" width="1625" /></p>
<p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Figure 1. Évolution des publications indexées se référant au cadre des <i>usages et gratifications</i> </span></span></span></span></p>
<p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">(à G. en nombre brut, à D. en proportion de l’ensemble de la production scientifique indexée annuellement).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"> </p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">On ne saurait pourtant conclure d’un examen quantitatif sommaire que le courant des usages et gratifications est conceptuellement florissant. Sans entrer dans une analyse qualitative du vaste corpus indexé, il apparaît que ses propositions classiques y sont surtout utilisées et adaptées pour fournir un cadre théorique pratique, voire une liste non moins utile de motivations, à des travaux les appliquant à des objets variés, tels que les jeux vidéo, les attitudes écologiques, l’enseignement à distance ou les achats en ligne. Plus rares sont ceux qui, comme Ruggiero (2000), Rubin (2002, 2009), Sundar et Limperos (2013) ou Rui et Stefanone (2016) se sont efforcés d’approfondir ce paradigme au cours des dernières décennies : sur le plan théorique, le projet de Katz et ses collègues n’a pas gagné la bataille de la légitimité, en particulier en France d’où provenaient 1,1% des publications relevées (n = 23) contre par exemple 5,6 % d’Allemagne ou 3,2 % des Pays-Bas.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les réticences les plus spontanées qu’il soulève – et ce depuis l’origine – reflètent à un titre ou un autre les polarisations qui opposent traditionnellement en sciences sociales la neutralité axiologique et la recherche engagée, les approches empiriques et conceptuelles, la sociologie dite compréhensive et la sociologie critique, le déterminisme social et l’individualisme méthodologique (ou a fortiori le naturalisme psychologique), la recherche « pure » et « appliquée », etc. Autant de débats de fond, ou de facettes d’une même dissension, dont l’importance et la complexité dépassent très largement l’objet de cet article. On se bornera donc à rappeler que les promoteurs des usages et gratifications ayant eux-mêmes assumé des postures épistémologiques pugnaces (voir par exemple plus haut leurs piques récurrentes contre les approches plus abstraites), l’opposition qu’ils suscitent n’a rien d’injuste, mais aussi à remarquer, d’un autre côté, que cette réprobation principielle a construit à leur encontre une légende noire remarquablement réductrice et discutable sur bien des points<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[8]</span></span></span></span></a>.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cependant, indépendamment des divergences doctrinales mais aussi de l’expansion bibliométrique remarquée plus haut, l’essoufflement <i>de facto</i> de la dynamique scientifique des usages et gratification parait tenir avant tout au contraste entre l’ampleur de ses travaux descriptifs et la minceur de leur bilan explicatif, laquelle, pourtant, n’invalide pas nécessairement les fondements de cette approche.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3. Une réponse déficiente à une très bonne question ?</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le symptôme le plus évident de l’impasse scientifique à laquelle a abouti le courant des usages et gratifications est que l’espoir de ramener le foisonnement des listes initiales de gratifications à une typologie cohérente, unifiée et prédictive dont McQuail, Blumler et Brown avaient présenté le prototype dans leur article de 1972 (voir supra) ne paraît guère s’être concrétisé. Si ce socle reste la taxonomie canonique, le foisonnement des gratifications n’en a pas moins repris au fil des recherches empiriques menées auprès de différents publics à propos de différents médias. Un signe particulièrement frappant en est le fait que, près de trente ans plus tard, McQuail lui-même, après avoir dûment exposé cette typologie dans son manuel de référence (2010), l’assortit quelques pages plus loin d’une autre liste, plus longue et non hiérarchisée, des « gratifications recherchées ou obtenues des médias » : <i>Information et éducation ; Orientation et conseils ; Distraction et relaxation ; Contact social</i> ;<i> Renforcement des valeurs ; Satisfaction culturelle ; Relâchement émotionnel ; Formation et confirmation de l’identité ; Expression du mode de vie ; Sécurité ; Stimulation sexuelle ; Passe-temps.</i></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Or, ce genre de catalogue, outre qu’il est invariablement discutable en pratique<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[9]</span></span></span></span></a> est traditionnellement la marque d’une carence théorique. Non que la catégorisation descriptive ne soit une étape nécessaire et intrinsèquement significative dans l’appréhension d’un phénomène qui, sans elle, se réduirait à une masse confuse de données ou de conjectures. Sans compter qu’elle a l’avantage de procurer un minimum de structuration aux réflexions des étudiants engagés dans une thèse de second ou troisième cycle. Mais en tant qu’aboutissement, elle n’offre ni la discrimination analytique ni la puissance explicative ou prédictive d’une avancée vraiment substantielle par rapport au sens commun… ni d’ailleurs par rapport aux « spéculations dans un fauteuil » qui suscitaient la verve des empiristes. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le syndrome de la liste n’est en rien spécifique à la mouvance des usages et gratifications : pour s’en tenir au seul champ des travaux sur la réception (dans une acception assez dilatée de ce domaine), on peut par exemple observer le même enrayement dans le cas des facteurs de valeur médiatique (<i>newsworthiness</i>) esquissés par Galtung et Rudge (1965) puis Harcup et O’Neill (2001) à partir d’analyses de contenus, dans le cas des facteurs d’intérêt (<i>interestingness</i>) synthétisés par Silvia (2006) à partir d’expériences de psychologie cognitive, ou encore, mais dans une moindre mesure, dans le cas des critères de valeur culturelle distingués par Heinich (2017) à partir de recherches de terrain.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il ne s’ensuit pas que les producteurs de listes sont forcément candides, ni dans les deux derniers cas<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[10]</span></span></span></span></a> ni dans celui des usages et gratifications. L’ambition de Katz, Blumer et Gurevitch était au contraire particulièrement explicite à cet égard : </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L’étude de l’usage des mass medias souffre actuellement de l’absence d’une théorie pertinente des besoins sociaux et psychologiques. Ce qui manque est moins un catalogue de besoins qu’un regroupement d’agrégats de besoins, un classement des différents niveaux de besoins, et une formulation d’hypothèses reliant des besoins particuliers avec des gratifications médiatiques particulières. (1973, p. 513)</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pourtant, leur rêve de « tirer un système des longues listes des besoins humains et sociétaux » (id., p. 514) était destiné à buter sur deux obstacles majeurs, l’un directement lié à leur approche, l’autre au contexte scientifique de leur temps. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le premier était même inscrit dans leurs axiomes de départ. Passons sur la proposition – nuancée ensuite – selon laquelle les publics sont nécessairement mus par des choix délibérés (pour discutable qu’elle soit, elle vaudrait sans doute mieux que la proposition inverse si l’on songeait sérieusement à les opposer), mais souligner à juste titre que « beaucoup des motivations en jeu peuvent être dérivées des données recueillies auprès des individus eux-mêmes » n’entraine en rien que ces données puissent suffire à les comprendre. On ne parle pas ici de la vieille question de la sincérité et de la lucidité des répondants, dont la recherche sait s’accommoder (quoi qu’elle pose de sérieux problèmes dans les cas, par exemple, de l’étude de la consommation de pornographie ou de contenus politiques extrémistes), mais plutôt des limites intrinsèques à la démarche inductive, particulièrement aiguës en pareille espèce. Face à la complexité multifactorielle des attitudes et comportements humains et à la variabilité de leurs contextes, les chances d’abstraire une théorie explicative et prédictive généralisable sur la seule base d’une somme d’observations empiriques étaient fort minces, comme l’a amplement démontré la suite.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Or, et c’était le second obstacle, ces chercheurs ne pouvaient guère s’appuyer sur des théories cognitives et sociales susceptibles d’éclairer leurs observations et de s’en alimenter en retour. D’un côté, quelques efforts pour s’inspirer des paradigmes psychologiques alors disponibles (psychologie analytique, behaviorisme) sont demeurés stériles, de l’autre, les invitations répétées à divers courants de pensée sociologiques se sont traduites par autant de rebuffades. Il n’est pas moins frappant de remarquer le nombre de chercheurs extérieurs sollicités pour la large synthèse éditée par Blumler et Katz (1974), que de constater que ceux-ci ont essentiellement employé l’espace qui leur était offert à les accabler.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Rendant compte de cet ouvrage, une sociologue convenait que ses éditeurs « peuvent difficilement être accusés d’une présentation biaisée et unilatérale de l’approche des usages et gratifications. Au contraire, ils ont invité leurs critiques à examiner et exposer les faiblesses [de celle-ci] », avant de conclure pour sa part assez froidement que « l’approche a peu de chances d’obtenir une large reconnaissance au sein du champ de la sociologie » (Trowbridge, 1976), ce qui ne manquait en tout cas pas de perspicacité<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[11]</span></span></span></span></a>. Même les spécialistes de la culture populaire avec qui Katz espérait établir des passerelles dès 1959 continuaient à rejeter cette main tendue, remarquait deux décennies plus tard Blumler (1979). Non sans perdre espoir, mais non sans noter ironiquement que, contrairement à plusieurs des écoles contemporaines, la sienne n’avait pas d’axiologie « idéologique-sociologique-politique […] à offrir » : « peut-être est-ce pourquoi certains universitaires, eux-mêmes armés de tels crédos à tout faire, les trouvaient irrémédiablement athéoriques. » Mais peut-être aussi, ajoutera-t-on, la volonté souvent manifestée de transposer des systèmes conceptuels en propositions empiriquement testables n’était-elle pas faite pour séduire les universitaires en question.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Toutefois, l’apport des critiques n’a pas seulement été de souligner diverses limites de l’approche des usages et gratifications, souvent identifiées auparavant par ses promoteurs eux-mêmes. Il a aussi, et peut-être surtout, poussé ceux-ci à repréciser les lignes fondamentales de cette mouvance et ce sont justement celles-ci qui pourraient aujourd’hui s’avérer les plus pertinentes.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">4. Un axe d’analyse toujours crucial</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La masse buissonnante des observations accumulées plus d’un demi-siècle par les chercheurs se revendiquant ou s’inspirant du mouvement des usages et gratifications constitue une somme de données empiriques et de réflexions d’une grande importance en tant que telle, mais l’ampleur de ce corpus et sa cohérence très variable en décourage une métaétude critique qui, pour nécessaire qu’elle soit, constituerait elle-même un projet de longue haleine. Cependant, leur héritage le plus intéressant parait paradoxalement résider dans des textes qui n’exposaient pas de résultats empiriques détaillés : ceux qui se concentraient sur les aspects programmatiques de cette démarche et en particulier les jalons fournis à vingt ans d’écart par Katz et Blumler. C’est que de fait, comme le soulignait ce dernier « il n’existe rien de tel qu’une (ou la) théorie des usages et gratifications » mais plutôt de multiples conceptions partageant « un champ commun de préoccupations et un ensemble élémentaire de concepts indispensables pour leur intelligibilité » (Blumler, 1979). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Avant d’être une <i>théorie</i>, terme qu’il était en effet délicat de lui appliquer, la mouvance des usages et gratifications apparaît ainsi comme une <i>perspective scientifique </i>générale. C’est ce dont elle tire encore l’essentiel de son potentiel épistémologique et qui pourrait expliquer la forte recrudescence contemporaine des citations remarquée plus haut. Au-delà des recherches empiriques qui l’avaient précédée, cette perspective est née, sous la plume de Katz (1959), du désenchantement et de la nécessité. Le désenchantement provenait de l’impasse à laquelle avaient déjà conduit les recherches sur la propagande, la nécessité, tant civique que scientifique, était d’en sortir. Soixante années plus tard, ces deux déterminants n’ont pas disparu, au contraire. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En matière de désenchantement, l’échec global des sciences humaines et sociales face au lancinant problème de la réception est l’un de leurs secrets les moins bien gardés, à défaut d’être le plus volontiers claironné. Non que celles-ci n’aient su multiplier les éclairages sous de multiples angles pertinents (<i>cultural studies</i>, études littéraires, interactionnisme, constructivisme, sociologie des pratiques culturelles, ethnographie des usages, analyse systémique, économie politique, études d’audience, psycholinguistique cognitive, pour n’en mentionner que quelques-uns). Mais le tout demeure à l’évidence bien inférieur à la somme de ces parties incommensurables : si ces travaux et d’autres ont en commun d’avoir désillusionné les préconceptions frustes des interactions entre médias et publics qui prévalaient jadis, et apporté une acuité indiscutable sur celles-ci et sur leurs enjeux, les « mystères de la réception » (Dayan, 1992) restent un chaos babélien dont témoignent les listes de théories faisant office de plans de cours sur ce thème et les manuels diachroniques qui s’efforcent d’en rendre compte. Panoramas dans lesquels les bouillonnements conceptuels des années 1940 à 1980 se taillent la part du lion : dans le champ des études littéraires comme dans celui de la communication, l’aventure théorique ne suscite plus tellement de vocations<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[12]</span></span></span></span></a>. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En matière de nécessité, les bouleversements du paysage médiatique provoqués par les technologies numériques, ainsi que les transformations du débat public qu’on leur attribue spontanément (volatilité de l’attention, polarisation des opinions, populisme, manipulation…) alimentent un sentiment d’urgence qui s’exprime autant en essais prophétiques qu’en données quantitatives diverses, souvent recueillies et commentées par des observateurs para-universitaires ou médiatiques. Mais qui s’exprime aussi dans le flot des publications scientifiques au sein duquel on avait remarqué plus haut le recours croissant à la « théorie » des usages et gratifications.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans quelle mesure cette <i>perspective scientifique</i> a-t-elle, devant un tel contexte, des clés à livrer qui dépassent son bilan empirique ? La première réside sans doute dans son principe fondateur. Alors que les questionnements sur les effets (effets des écrans, des jeux vidéo, des réseaux sociaux, des vidéos en ligne…) ont repris toute leur vigueur et que les inquiétudes sur les voies de la propagande, nourries jadis par le bellicisme allemand puis par la guerre froide, trouvent dans l’actualité politique de ces dernières années de nouvelles raisons de s’alimenter, l’avertissement de Katz contre les conceptions (con)descendantes de l’influence garde toute sa valeur :<i> </i>il est vain de s’interroger sur les effets des médias et messages sans s’interroger au premier chef sur les motifs de leur attirance. Si cet axiome raisonnablement évident avait eu besoin d’être soutenu en 1959, il gagne à être ressassé à une époque où l’hyperconcurrence des contenus (Brin et al., 2004) offre aux individus des capacités de choix et d’esquive sans précédent. Avoir ce garde-fou en tête permet de remarquer les signes ubiquitaires de son importance, depuis les stratégies des professionnels (les publicitaires, par exemple, pour qui attirer l’attention et susciter l’intérêt – le « A », <i>awareness,</i> et le « I », <i>interest,</i> du principe séculaire « AIDA » – priment sur toute autre considération) jusqu’à la viralité sur les réseaux sociaux des « fausses nouvelles », associée par les recherches à des facteurs multiples mais qui souvent se rapportent, explicitement ou non, aux gratifications qu’elles procurent<a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[13]</span></span></span></span></a>. Sans oublier que l’école des usages et gratifications avait intégré parmi ses axiomes l’hypothèse du<i> Two step flow</i> de Katz et Lazarsfeld (voir supra sa mention des « alternatives [aux médias de référence] par exemple les relations personnelles »), à laquelle l’essor des réseaux sociaux et des influenceurs a donné un tout nouvel écho.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cependant, la démonstration la plus significative de l’importance des usages et gratifications pourrait provenir <i>a contrario </i>des travaux qui, justement, ne les prennent pas en compte. C’est le cas, pour ne mentionner à nouveau que quelques exemples – puisque la longueur d’un article sur un sujet aussi vaste ne peut accueillir plus que des illustrations heuristiques – des recherches expérimentales qui ne contrôlent pas ces variables. Notamment celles sur l’effet de la lisibilité des textes sur la réception des messages (lesquelles ont produit des résultats si incertains que cette problématique a été délaissée) ou même de travaux sur la polarisation des attitudes aussi classiques que ceux de Lord, Ross et Lepper (1979), dont certains résultats paraissent contradictoires avec les données empiriques à grande échelle recueillies depuis lors<a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[14]</span></span></span></span></a>. De même, le modèle de persuasion ELM (<i>Elaboration Likelihood Model</i>) développé par Petty, Cacioppo et leurs collègues, lequel reste l’un des plus sollicités – en raison notamment de son potentiel opératoire pour la conception des campagnes d’intérêt public – s’est heurté sans la résoudre à une difficulté non négligeable. Comme en ont convenu dans un second temps ses auteurs eux-mêmes, « l’ELM se concentre sur une nouvelle étape, après l’attention et la compréhension » (Petty et al., 1993). Ce qui revenait de leur part à attester qu’un tel modèle ne pourrait expliquer l’effet d’une argumentation que dans l’hypothèse où quelqu’un y prêterait d’abord attention pour une raison ou une autre…</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Mais s’il semble décidément difficile, et risqué en théorie comme en pratique, de sous-évaluer l’importance de l’axiome fondateur de la mouvance des usages et gratification ce n’est pas le seul enseignement que l’on peut en retirer face au défi qu’il souligne.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">5. Une chimère qui s’impose</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il n’est pas nécessaire de se réclamer de l’école des usages et gratifications (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de l’auteur de ces lignes) pour apprécier le défrichage conceptuel accompli sur ce « champ commun de préoccupations » (Blumler, supra) ou pour noter le potentiel persistant de certaines de ses propositions. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L’œcuménisme épistémologique défendu par Katz, qui appelait à « une nouvelle sorte de coalition interdisciplinaire » (1959), et soutenu notamment par Blumler vingt ans plus tard avec une ardeur inchangée, semble aujourd’hui l’une des plus fertiles de ces propositions, à défaut d’être l’une voies les plus sereines. En tant qu’initiative, ce mouvement a même démontré de façon quasi-expérimentale à quel point la force des convictions en sciences humaines et sociales pouvait s’y opposer, convictions parmi lesquelles on pourrait bien sûr compter l’engagement idéologique mais aussi l’érection de la mesure empirique en test exclusif de scientificité. Même si cette tension paraît à certains égards bien moins dichotomique qu’elle ne l’était dans les années 1960 (quoique les positions les plus tranchées d’alors conservent des partisans ardents), on peut juger improbable qu’elle se dissipe totalement, ce qui ne serait pas nécessairement souhaitable<a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[15]</span></span></span></span></a>. Tel n’est pas le cas du rapprochement fondamental dont le mouvement des usages et gratifications a montré la voie, la conjonction des facteurs cognitifs et sociaux pour la compréhension des phénomènes discursifs. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En espérant une « puissante connexion entre la tradition comptabilisatrice [<i>book-keeping tradition</i>] de l’étude d’audience » et « les champs d’intérêt de la théorie sociologique et psychologique », le tout devant permettre « un accroissement considérable de notre compréhension des effets des médias », Katz (1959) établissait une position constante de cette école : la nécessité, non pas d’amalgamer les facteurs cognitifs et sociaux en jeu, mais bien d’articuler ces deux dimensions sans méconnaitre leurs différences. À tel point que le terme « psychologique(s) » est presque immanquablement juxtaposé à « sociologique (s) » dans les écrits programmatiques ou sommatifs de ce courant, que ce soit pour reprocher un peu injustement à ses devanciers du Radio project de n’avoir pas tenté d’explorer « les liens entre les gratifications ainsi détectées et les origines psychologiques ou sociologiques des besoins ainsi satisfaits » (Katz, Blumler et Gurevitch, 1973) ou pour déplorer « l’absence d’une théorie des besoins sociaux et psychologiques » (id.) </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette théorie conjointe, comme on l’a avancé plus haut, ne pouvait pas procéder directement des études de terrain circonscrites menées à cette fin, pas plus qu’elle ne le pouvait de l’état des corpus disciplinaires de référence, qu’opposait en outre la rivalité traditionnelle entre le psychologisme (prééminence attribuée aux rouages mentaux) et le sociologisme (prééminence des déterminants sociaux). Pourtant, un demi-siècle plus tard, des éléments donnent à penser que le syncrétisme professé par l’école des usages et gratifications, pour chimérique qu’il ait été<a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[16]</span></span></span></span></a>, était remarquablement clairvoyant. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il ne s’agit évidemment pas de questionner la distinction entre les deux principales traditions, dont témoigneraient leurs différences d’objets et de méthodes si la solide division disciplinaire du travail universitaire ne suffisait pas à l’établir. Ni, incidemment, de méconnaitre entre les deux le remarquable essor de la psychologie sociale, dont la fécondité de ces dernières décennies (par exemple sur les biais cognitifs ou le partage des représentations au sein de groupes restreints) parle d’elle-même. Ou d’oublier les apports substantiels des <i>cultural studies, </i>pas plus, bien sûr, que l’éclairage général des sciences de la communication<a href="#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[17]</span></span></span></span></a><i>. </i>Mais force est d’admettre qu’à l’échelle générale des interactions culturelles et idéologiques médiatisées, aucune approche monodisciplinaire n’est parvenue a rendre compte de la complexité multifactorielle des préférences et attitudes, encore moins d’en proposer un modèle d’ensemble congruent. Et force est de supposer que, justement, la co-influence de déterminants de nature profondément différente explique un bilan paradoxal : plus les grandes disciplines de référence raffinent leurs observations, plus celles-ci butent sur des facteurs exogènes qui éloignent pour elles l’espoir d’un schéma théorique d’ensemble. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ainsi, la recherche sociologique – et l’évolution sociale elle-même – ont-elles largement complexifié la compréhension des préférences culturelles, ébranlant la domination auparavant attribuée à la légitimité culturelle (considérée selon une stratification descendant des classes cultivées aux classes populaires). De multiples travaux, notamment ceux de Lahire (2004) et de Peterson (2004) ont montré qu’une partie toujours croissante des goûts des individus échappait à cette variable hégémonique, en associant librement des contenus légitimes et transgressifs : « pourquoi l’omnivorité s’accroît-elle ? » s’interroge judicieusement Peterson : « de toute évidence il faut pousser plus à fond l’étude de l’importance de la concurrence des divertissements populaires. » Sans aucun doute, en effet, mais si l’on ne peut plus compter sur les seuls mécanismes de domination sociale pour expliquer la diversité des préférences culturelles, et donc de l’effet des messages, il devient difficile de tenir pour négligeables les simples déterminants hédoniques du plaisir. Encore le terme « simple » est-il assez mal choisi si l’on considère que, de leur côté, les recherches expérimentales en psychologie cognitive ont le plus grand mal à aborder séparément cette variable : dans le bilan de référence qu’il consacrait à l’imposante progression des connaissances sur le traitement cognitif des messages, Kintsch (1998) ne consacrait qu’une demi-page (sur plus de 400) à l’intérêt de ceux-ci, intérêt qui, soulignaient Hidi et Baird (1986), constitue « une variable négligée dans le traitement des discours ». Or, les tentatives pour la clarifier expérimentalement achoppent sur des facteurs aussi vagues que les « goûts », dont l’origine purement psychologique est plus que douteuse.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Que l’approche des usages et gratifications ne soit guère parvenue à dépasser cette dichotomie pour parvenir au modèle global réellement explicatif qu’elle appelait de ses vœux n’indique aucunement qu’un tel modèle soit aujourd’hui hors de portée.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">6. Trois horizons possibles</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il serait abusif d’attribuer à la seule école des usages et gratification le mérite exclusif d’avoir desserré l’emprise des grandes frontières conceptuelles qui verrouillaient l’étude des rouages du débat public. Il lui revient, entre autres apports, d’avoir audacieusement secoué ces tabous mais, comme on l’a vu, la résistance désinvolte que la complexité des préférences continue à opposer aux théorisations unilatérales pourrait aussi expliquer l’affaiblissement de cette « ségrégation méthodologique » (Schrøder et al., 2003), si relatif soit-il. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En tout état de cause, dès lors qu’il est devenu difficile de croire que l’un de ces éclairages puisse parvenir isolément à percer les « mystères de la réception », ou de nier que cette réception conditionne l’effet des messages, trois perspectives, parallèles plutôt qu’opposées, semblent très schématiquement se dégager dans la direction explorée par le mouvement usages et gratifications.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La première, la plus empruntée aujourd’hui, est de recourir directement à cet ensemble de travaux, ou simplement à son cœur historique (principes généraux et typologie des gratifications) pour l’appliquer à des problématiques contemporaines. Que ce soit sous leur forme originale ou en les adaptant aux situations étudiées, notamment en allongeant la liste des gratifications en fonction des pratiques examinées, ses grandes lignes sont assez substantielles, larges et souples pour fournir, sinon un instrument de précision, du moins un cadre conceptuel plus opératoire et moins aveugle que bien des alternatives.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La seconde, qui s’en distingue surtout par son ambition, est de poursuivre les efforts en vue de construire une « théorie » stabilisée, générale et explicative, des usages et gratifications. Divers chercheurs ont maintenu ce cap, en soulignant à juste titre que l’essor des nouveaux médias en a « ravivé l’importance » au XXI<sup>e</sup> siècle (Ruggiero, 2000) et en relevant divers aspects à prendre en compte pour le mettre à jour en version « 2.0 » (Sundar et Limperos, 2013). Le projet ne manque pas de panache – en a-t-il jamais manqué ? – et ses promesses sont toujours aussi séduisantes. Pour autant, si l’on se souvient des difficultés rencontrées par ses précurseurs pour intégrer sur le plan théorique les gratifications associées aux médias classiques, considérer que « les futurs modèles devront inclure des concepts comme l’interactivité, la démassification, l’hypertextualité et l’asynchronicité » (Ruggiero, 2000), les « modalités » et la « navigabilité » (Sundar et Limperos, 2013) ou encore le « désir de visibilité » (Rui et Stefanone, 2016) pourrait ne pas simplifier ce défi…</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une troisième voie, que privilégie personnellement l’auteur de ce texte, est à peine moins escarpée mais peut-être plus praticable. Sans procéder à proprement parler de l’école des usages et gratifications, elle s’inscrit cependant dans son « champ commun de préoccupations » (Blumler, 1979) et partage assez de son « ensemble élémentaire de concepts » (id.) pour pouvoir être apparentée à cette mouvance diffuse, de laquelle on pourrait pareillement rapprocher de nombreuses autres propositions (dont celles de Shramm, 1949, 1971, voire, en l’étirant encore, de Michel de Certeaux, 1980). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Que l’on tienne ou non à recourir à l’intitulé d’origine, lequel est symboliquement problématique et scientifiquement intenable<a href="#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[18]</span></span></span></span></a>, il pourrait en effet être fécond d’essayer aussi son programme dans l’autre sens, c’est-à-dire de considérer la consolidation théorique non comme le produit toujours à venir de cette démarche mais comme son préalable. Si Katz (1959) appelait à une « nouvelle sorte de coalition interdisciplinaire », plus d’un champ de savoir convoqué a pu ressentir que le rôle qui lui était attribué sous la bannière de cette jeune école se limitait essentiellement à aider à interpréter ses résultats empiriques ou à lui fournir des hypothèses testables sur le terrain. Ce que pourrait confirmer a posteriori l’absence, au côté des nombreux textes passant inlassablement en revue le flot croissant des données obtenues, d’une revue réellement approfondie des hypothèses sociologiques et psychologiques disponibles à l’époque (lesquelles, il est vrai, s’y prêtaient généralement assez mal après que les espoirs initialement placés dans le fonctionnalisme et le behaviorisme aient à juste titre été abandonnés). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En revanche aujourd’hui, emprunter en sens inverse la voie esquissée par Katz et ses collègues (à vrai dire, en ne s’avisant de ce parallélisme qu’en chemin) semble bel et bien permettre d’esquisser un modèle théorique global des préférences communicationnelles. Outre divers axiomes communs (prévalence de la réception effective sur les effets supposés, renonciation aux jugements de valeur a priori, etc.), son point de départ, et non plus d’arrivée possible, est l’hypothèse désormais solide selon laquelle ces préférences sont simultanément déterminées par des facteurs psychologiques et sociaux. Sur cette base, un examen systématique de la masse imposante des théories et des observations empiriques classiques et récentes permet de mettre en évidence des correspondances frappantes : non seulement les hypothèses qui se sont accumulées au fil du temps sont souvent beaucoup plus compatibles entre elles, voire convergentes, que ne le pensaient leurs auteurs mais leur rapprochement méthodique s’avère par ailleurs hautement compatible avec les phénomènes empiriques observés quantitativement ou qualitativement. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sans développer plus ici cette approche particulière (Labasse, 2015, 2017, 2020), dont le détail dépasserait très largement le sujet et la longueur de cet article, on soutiendra donc que ce genre de modélisation hypothético-déductive (par rétroduction, surtout), pourrait être un bon moyen de dépasser la limite explicative des recherches empiriques sur les usages et gratification sans pour autant renoncer à la perspective de ses pionniers, ni à une bonne partie de leurs postulats. Et encore moins renoncer à l’apport qu’ils promettaient aux études sur la propagande. Ainsi une telle modélisation peut-elle concrètement aider à percevoir différents facteurs cognitifs et normatifs qui favorisent la diffusion des messages fallacieux sur les réseaux sociaux et modulent individuellement et collectivement leur impact : par rapport aux contenus « légitimes », ces fausses nouvelles bénéficient d’une pertinence cognitive bien supérieure à celle des informations nuancées et complexes (étant à la fois spectaculaires et simplificateurs, elles produisent plus d’effet cognitif et réclament moins d’effort cognitif) tout en rencontrant des conditions d’acceptabilité sociale particulièrement contrastées (la réprobation commune contribuant à renforcer l’adhésion à des communautés idéologiques dissidentes). Une telle proposition gagnerait bien sûr à être précisée<a href="#_ftn19" name="_ftnref19" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[19]</span></span></span></span></a> et nuancée, mais pour s’en tenir à ce niveau d’approximation heuristique, on notera que des ressorts extrêmement similaires paraissent sous-tendre le succès des rhétoriques jugées « populistes », également favorisées par leur pertinence cognitive et leur transgression normative, et l’on signalera qu’en réaction certaines stratégies courantes des élites discursives pourraient ne pas être les plus judicieuses.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Évidemment, ce genre d’approche (malgré la densité du corpus théorique et empirique sur lequel celle-ci se fonde en l’occurrence) n’est pas sans évoquer les « spéculations dans un fauteuil » auxquelles s’opposaient les défenseurs des usages et gratifications. Mais indépendamment du fait que de telles constructions sont parfaitement testables… en théorie (en pratique aussi, mais la variété des variables ainsi synthétisées impliquerait des travaux de terrain d’une ampleur improbable), il est fort possible qu’un tel recours à l’abstraction analytique s’avère le prix à payer pour remplir toutes les promesses de ce mouvement.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">7. Conclusion</span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Qu’ils soient considérés comme les fondateurs d’une école conservant un grand potentiel épistémologique à l’époque des nouveaux médias, ou comme les fournisseurs d’un cadre et d’une typologie facilement applicables à l’étude de multiples pratiques contemporaines, ou simplement comme les défricheurs historiques d’une perspective générale plus large mais toujours essentielle, les pionniers des usages et gratifications demeurent <i>de facto</i> plus pertinents aujourd’hui que l’image qu’en garde une certaine mémoire des sciences sociales. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Leur pertinence contemporaine se manifeste non seulement par l’intérêt intrinsèque de leurs propositions, mais aussi par la persistance des déceptions scientifiques et des préoccupations sociétales qui avaient suscité ce programme, et même par la ténacité de la perception mécaniste des effets des contenus sur l’opinion, telle qu’elle transparait encore aujourd’hui dans bien des discours sur l’influence des nouvelles technologies de communication ou des stratégies de persuasion. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Toutefois, l’un des éclairages de cette approche, et non des moindres, n’avait peut-être pas été escompté et encore moins souhaité par ses promoteurs. C’est d’avoir servi de révélateur de toutes les oppositions principielles qu’une telle perspective pouvait susciter, mais aussi de tous les obstacles scientifiques qu’elle pouvait rencontrer. Cette aventure intellectuelle peut aussi se lire avec le recul comme une expérience épistémologique de grande ampleur, dont les enseignements n’ont pas fini d’être retirés.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Si ses animateurs n’ont sans doute pas eu raison sur tout, le paysage intellectuel et sociétal contemporain montre avec éloquence qu’ils avaient, du moins, raison sur l’essentiel.</span></span></span></span></p>
<div style="page-break-after: always"><span style="display: none;"> </span></div>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><b><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Références </span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Apuke, O. et Omar, B. (2020). Modelling the antecedent factors that affect online fake news sharing on COVID-19: the moderating role of fake news knowledge. <i>Health Education Research</i>, 35, p. 490–503. </span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Berelson, B. (1949). What ''missing the newspaper'' means. In P. Lazarsfeld and F. Stanton (Eds.), <i>Communication Research</i>, 1948-1949. New York : Harper, p. 111-129.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Berelson, B. (1959). The State of Communication Research. <i>Public Opinion Quarterly</i>, 23(1), p. 1-2.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Blumler, J. G., et Katz, E. (Eds.) (1974). <i>The Uses of Mass Communication</i>. </span></span></span><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Beverly Hills : Sage Publications.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Breton, P. et Proulx, S. (1989). <i>L'explosion de la communication : La naissance d'une nouvelle idéologie</i>. Paris : La Découverte.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Brin, C., Charron, J. et de Bonville, J. (2004). <i>Nature et transformation du journalisme : théorie et recherches empiriques</i>. Québec : Presses</span></span></span><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#141413"> de l’Université Laval.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Dafonte-Gómez, A. (2018). Audience as Medium: Motivations and Emotions in News Sharing. <i>International Journal of Communication,</i> 12, p. 2133–2152.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Dayan, D. (1992). Les mystères de la réception. <i>Le Débat</i>, 71(4), p. 141-157.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Dubos, J. B. (1719). <i>Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture</i>. Paris : J. Mariette.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">de Certeau, M. (1980). <i>L'Invention du quotidien</i>, t. I, Arts de faire. Paris : Gallimard.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Ferrero, G. (1894). L'inertie mentale et la loi du moindre effort. <i>Revue Philosophique de la France et de l'Étranger</i>, 37, p. 169-182.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Galtung, J. et Ruge, M. H. (1965). </span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">The Structure of Foreign News. <i>Journal of Peace Research</i>, 2(1), p. 64-91.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Harcup, T. et O'Neill, D. (2001). What Is News ? Galtung and Ruge revisited. </span></span></span><i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Journalism Studies</span></span></span></i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">, 2(2), p. 261-280.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Heinich, N. (2017). <i>Des valeurs : Une approche sociologique</i>. </span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Paris : Gallimard.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Herzog<i>, </i>H. (1942). <i>Professor quiz: A gratification study</i>. In P. Lazarsfeld (Ed.), Radio and the printed page. New York, NY: Duell, Sloan & Pearce, p. 64-93.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Herzog, H. (1944). What do we really know about daytime serial listeners. In P. Lazarsfeld et F. Stanton (Eds.) <i>Radio research</i>, <i>1942-43</i>. New York : Duell, Sloan & Pearce, p. 3-33.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Hidi, S. et Baird, W. (1986). </span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Interestingness - a neglected variable in discourse processing. </span></span></span><i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Cognitive Science</span></span></span></i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">, 10(2), p. 179-194.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Jouët, J. (2000). Retour critique sur la sociologie des usages. </span></span></span><i><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Réseaux</span></span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">, 18(100), p. 487-521.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Kahneman, D. (1973). <i>Attention and effort</i>. Englewood Cliffs : Prentice-Hall. </span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Kahneman, D. (2011). <i>Thinking, Fast and Slow</i>. New York : Farrar, Straus and Giroux. </span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Kahneman, D., Diener, E. et Schwarz N. (1999). </span></span></span><i><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Well-Being : Foundations of Hedonic Psychology</span></span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">. New York : Russell Sage.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Katz, E. (1959). Mass communications research and the study of popular culture : An editorial note on a possible future for this journal, <i>Studies in Public Communication</i>, 2, p. 1-6.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Katz, E., Blumler, J.G. et Gurevitch, M. (1973). Uses and Gratifications Research. <i>Public Opinion Quarterly</i>, 37(4), p. 509-523.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Katz, E., et Lazarsfeld, P. (1955). <i>Personal Influence. The Part Played by People in the Flow of Mass Communications</i>. Glencoe : Free Press.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Katz, E., Gurevitch, M. et Haas H. (1973). On the use of mass media for important things. American Sociological Review, 38(2), p. 164-181.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Kintsch, W. (1998). <i>Comprehension : a paradigm for cognition</i>. Cambridge : Cambridge University Press.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Labasse, B. (2015). </span></span></span><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Les déterminants cognitifs et sociaux de l’adéquation communicationnelle. Dans Véronique Rey-Lafay et Céline Beaudet (éds) <i>Écritures expertes en question</i>. Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, p. 39-71.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Labasse, B., (2017). La transposition de la valeur discursive : Variables sociocognitives et enjeux traductologiques. <i>Forum</i>, 15(2), p. 178-211.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Labasse, B. (2020). <i>La valeur des informations : ressorts et contraintes du marché des idées</i>. </span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Ottawa : Presses de l'Université d'Ottawa</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Lasswell, H. (1948) The structure and function of communication in society. In L. Brison (Ed.) <i>The communication of ideas : A Series of Addresses</i>. New York : Harper, p. 136-139.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Liebes, T., & Katz, E. (1986). Patterns of involvement in television fiction: A comparative analysis. <i>European journal of communication</i>, <i>1</i>(2), 151-171.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Lin, C. A. (1996). Looking back: The contribution of Blumler and Katz's Uses of Mass Communication to Communication Research. <i>Journal of Broadcasting & Electronic Media</i>, 40(4), p. 574-581.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Lord, C. G., Ross, L. et Lepper, M.R. (1979). Biased assimilation and attitude polarization : The effects of prior theories on subsequently considered évidence. <i>Journal of Personality and Social Psychology</i>, 37(11), p. 2098-2109.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">McQuail, D. (2010). Mass Communication Theory, New York : Sage Publications.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">McQuail, D., Blumler, J. G. et Brown, J. R. (1972). </span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">The Television Audience : A Revised Perspective. In D. McQuail (Ed.), <i>Sociology of Mass Communications</i>. Harmondsworth : Penguin, p. 135-165.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Miège, B. (1995). <i>La pensée communicationnelle</i>. Grenoble : Presses universitaires de Grenoble.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Palmgreen, P. et Rayburn II, J. D. (1982). Gratifications sought and media exposure: an expectancy value model. <i>Communication Research</i>, 9(4), p. 561-580.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Palmgreen, P. et Rayburn II, J. D. (1985). An expectancy-value approach to media gratifications. In K. E. Rosengren, L. A. Wenner & P. Palmgreen (Eds.) <i>Media Gratification Research: Current Perspectives</i>. Beverly Hills : Sage Publications. p. 61-72.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Pennycook, G., et Rand, D. G. (2019). Lazy, not biased: Susceptibility to partisan fake news is better explained by lack of reasoning than by motivated reasoning. <i>Cognition</i>, 188, p. 39-50.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Petty, R.E., Wegener, D.T., Fabrigar, L.R., Priester, J.R. et Cacioppo, J.T. (1993). Conceptual and methodological issues in the elaboration likelihood model of persuasion. </span></span></span><i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Communication Theory</span></span></span></i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">, 3(4), p. 336-362.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Pillet, F. (2011). Que reste-t-il de l'École de Constance ?. <i>Études Germaniques</i>, 263(3), p. 763-781.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Proulx, S. (Ed.). (1998). <i>Accusé de réception : Le téléspectateur construit par les sciences sociales</i>. </span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Paris : L'Harmattan.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Rubin, A. M. (2002). The uses-and-gratifications perspective of media effects. In J. Bryant & D. Zillmann (Eds.), <i>Media effects: Advances in theory and research</i> (p. 525-548). Hillsdale : Lawrence Erlbaum Associates.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Rubin, A. M. (2009). Uses-and-Gratifications Perspective on Media Effects. In R. L. Nabi et M. B. Oliver (Eds.),<i> The SAGE handbook of media processes and effects</i>. Thousand Oaks : Sage Publishing, p. 165-184.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Ruggiero, T. E. (2000). Uses and Gratifications Theory in the 21st Century. <i>Mass Communication & Society</i>, 3(1), p. 3-37</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Rui, J. R. et Stefanone, M. A. (2016). The Desire for Fame: An Extension of Uses and Gratifications Theory. <i>Communication Studies</i>, 67(4), p. 399-418.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Schramm, W. (1949). The nature of news. <i>Journalism Quarterly</i>, 26(3), p. 259-269. </span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Schramm, W. (1954). How communication Works. In W. Schramm (Ed.), <i>The process and effects of mass communication</i>. Urbana : University of Illinois Press, p. 3-34.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Schramm, W. (1954). How communication Works. In W. Schramm (Ed.),<i>The process and effects of mass communication</i>. Urbana : University of Illinois Press, p. 3-34.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Schramm, W. (1971). The Nature of communication between humans. In W. Schramm (Ed.), <i>The process and effects of mass communication</i>. Urbana : University of Illinois Press, p. 1-53.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Schrøder, K. , Drotner, K. , Kline, S. et Catherine Murray, C. (2003). <i>Researching Audiences</i>. Londres : Arnold.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Silvia, P.J. (2006). <i>Exploring the psychologie of interest</i>. Oxford : Oxford University Press.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Sperber, D. et Wilson, D. (1989). </span></span></span><i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">La pertinence : Communication et cognition</span></span></span></i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">. </span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Paris : Éditions de Minuit.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Suchman, E. 1942. An invitation to music. In P. Lazarsfeld et F. Stanton (Eds.) <i>Radio research</i>, <i>1941</i>. New York : Duell, Sloan & Pearce, p. 140-188.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Sundar, S. S. et Limperos, A. M. (2013). Uses and Grats 2.0: New Gratifications for New Media. <i>Journal of Broadcasting & Electronic Media</i>, 57(4), p. 504-525.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Tandoc EC, Lim D, Ling R. (2020). Diffusion of disinformation: How social media users respond to fake news and why. <i>Journalism</i>, 21(3), p. 381-398. </span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Trowbridge, J. (1976). Review of : The Uses of Mass Communications. <i>American Journal of Sociology</i>, 81(6), p. 1546-1584.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Wolf, K. M., & Fiske, M. (1949). <i>The children talk about comics.</i> In P. Lazarsfeld & F. Stanton (Eds.),<i>Communications research: 1948-1949</i>. New York : Harper, p. 3-50.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><span lang="EN-US" style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Wright, C. R. (1960). Functional analysis and mass communication. </span></span></span><i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Public Opinion Quarterly, </span></span></span></i><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">24(4), p. 605-620.</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"> </p>
<div>
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Voir par exemple les mises en garde de Socrate (<i>Phèdre, Gorgias</i>) sur la méconnaissance que les rhéteurs avaient de l’« âme » de ceux qu’ils se proposaient d’influencer, ou les recommandations de la <i>Rhétorique à Herennius</i> sur tout ce qui peut retenir l’attention des auditeurs (l’inventaire qu’elle en dresse préfigure une longue série de listes dans ce domaine).</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn2">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> On résume ici sous ce seul nom les intitulés et avatars successifs des programmes de recherche animés par Lazarsfeld. </span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn3">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Avec qui il avait observé, de façon étonnamment annonciatrice des circonstances actuelles du débat public, que les sources « légitimes » avaient beaucoup moins d’influence sur les opinions que les échanges directs avec des interlocuteurs perçus comme proches (Katz & Lazarsfeld, 1955).</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn4">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[4]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Son article faisait notamment écho au désenchantement constaté par Bernard Berelson (1959) dans un bilan peu reluisant de l’état de ce domaine. </span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn5">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[5]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Dans une perspective assez différente Harold Lasswell (1948), avait avancé que les processus de communication au sein de la société y assumaient essentiellement trois fonctions collectives : la surveillance de l’environnement, la coordination entre ses composants et la transmission de l’héritage social. À celles-ci, Wright (1960) avait judicieusement ajouté la distraction (<i>entertainement</i>), qui n’était pas au cœur des préoccupations de Lasswell.</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn6">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[6]</span></span></span></span></span></span></a> <span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sa très large diffusion lui vaut par ailleurs plus de 10 000 citations selon Google Scholar.</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn7">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[7]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Cette progression avait initialement été remarquée sur la base Web of science (Clarivate analytics) en octobre 2020 mais cette observation ayant incité à prolonger l’examen, celui-ci a été mené en novembre 2020 sur la base Scopus (Elsevier), laquelle montrait une évolution similaire mais fondée sur un corpus indexé plus étendu. Une recherche sur la locution « uses and gratifications » y a relevé 11 253 textes mais, bien que celle-ci semble très spécifique en soi, on lui a ajouté, pour s’assurer de ne retenir que des textes indiscutablement pertinents, la condition qu’au moins deux des auteurs de référence de cette école, dont Elihu Katz, figurent dans les références bibliographiques (soit la requête : <i>ALL ( "uses and gratifications" ) AND REF ( katz AND ( blumler OR mcquail )</i>). Cette restriction a réduit à 2 085 le nombre de documents relevés entre 1975 et 2020. Les données précises sur la croissance annuelle du nombre total des publications indexées n’étant pas disponibles, une approximation convenant à des fins d’ajustement a été obtenue par la requête de tous les textes contenant les articles « le » ou « un » ( <i>ALL ( the ) OR ALL ( a )</i> ), soit plus de 64 millions de publications. Les données ajustées présentées ici sont exprimées en nombre annuel de textes pertinents pour 50 000 articles indexés la même année.</span></span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn8">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[8]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Ainsi l’étiquette de « fonctionnalistes » qui suffit souvent à les repousser mélange-t-elle avec insouciance le fonctionnalisme macrostructurel de Parsons et Lasswell, dont l’échelle et la perspective étaient le maintien de l’ordre social, et les recherches sur les rôles que pouvaient avoir les médias aux yeux des individus qui les consomment – donc l’approche « fonctionnelle » qu’évoquait, Katz (1959) – ce qui est assez différent : même si certains pionniers du second courant, dont Lazarsfeld et Wright, avaient pu entretenir l’ambiguïté, le fonctionnalisme sociologique en tant que cadre théorique possible a « perdu son charme » rappelait Blumler (1979). Toujours à titre d’exemple, l’image populaire d’un Lazarsfeld naïvement positiviste et commercialement asservi méconnait non seulement la consistance de ses réflexions mais aussi – plus concrètement – l’histoire du Radio Project. On trouvera, entre autres, dans Fleck (2011) le récit des efforts de ce réformiste, ancien militant socialiste, pour établir un volet théorique critique au sein de ce programme, et en particulier pour préserver le financement d’Adorno auprès de la fondation Rockefeller, malgré l’exaspération croissante de ses responsables devant ce qu’ils percevaient comme la suffisance et l’improductivité de ce dernier. C’est d’ailleurs à lui, et non à Lazarsfeld, que l’on doit l’aimable expression de « recherche administrative » avant que Lazarsfeld (1941) ne la reprenne crânement dans un article tentant encore – là était peut-être sa naïveté – de concilier voire d’associer les travaux appliqués et critiques. On pourrait continuer (l’« hégémonie » écrasante que l’on confère a posteriori à ce courant ne se reflète ni dans les bases de citations ni dans les traités d’alors, etc.) mais le propos de cet article n’est pas d’instruire un procès en réhabilitation de cette école, et encore moins de contester certaines des critiques qui lui ont été adressées.</span></span></span></span></p>
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<div id="ftn9">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[9]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Dans le cas du dernier mentionné, par exemple, on remarque aisément que la lecture d’un simple fait divers peut rentrer dans la moitié (si ce n’est plus) des catégories proposées, que leurs intitulés spécifiques n’empêchent pas de se chevaucher allègrement, quand elles ne menacent pas de s’absorber réciproquement.</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn10">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[10]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> On évitera de se prononcer en ce qui concerne les travaux sur la <i>newsworthiness, </i>mais Silvia n’hésite pas, en ce qui le concerne, à évoquer les limites des « listes de blanchisserie » (sic) avant de s’y essayer à son tour sans parvenir à un résultat consistant. Quant à Heinich, la typologie hiérarchisée qu’elle propose est le fruit d’une réflexion très approfondie, d’où un potentiel analytique limité mais bien réel.</span></span></span></span></p>
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<div id="ftn11">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[11]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Un quart de siècle plus tard, un « retour critique sur la sociologie des usages » résolument franco-centrique (il n’accorde du reste qu’une très brève allusion au mouvement des usages et gratifications, sans référence bibliographique) continue à mettre en garde la sociologie des usages contre « deux risques majeurs : la montée de l'empirisme et l'approche communicationnelle. » (Jouët, 2000).</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn12">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[12]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> En littérature, par exemple, « l’École de Constance est tombée en désuétude. Plus personne, semble-t-il, ne la pratique ni ne se réclame encore d’elle », estime Pillet (2011, p. 764), dont la conclusion sur ce domaine pourrait être étendue aux autres champs universitaires : « Outre la délicate question, qu’à notre avis aucun des auteurs ne parvient à résoudre, de la réception effective, il semble aussi très difficile d’obtenir un modèle de récepteur capable de prendre en compte toutes les dimensions (psychologique, historique, culturelle, sociale) de l’individu. » (p. 781).</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn13">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[13]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> D’où la très récente profusion de travaux sur les fausses nouvelles qui s’appuyent en tout ou en partie sur les éclairages classiques des usages et gratifications (voir par exemple Dafonte-Gómez, 2018 ; Apuke et Omar, 2020, Tandoc, Lim et Ling, 2020, etc.) </span></span></span></span></p>
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<div id="ftn14">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[14]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Il ne s’agit pas ici de leur apport essentiel sur la dynamique de la polarisation, mais de l’observation selon laquelle les sujets allouent plus d’attention aux arguments qui leur déplaisent qu’à ceux qui vont dans leur sens. Quoique logique à première vue, elle semble peu conciliable avec la sélection affinitaire des messages en ligne ou le rejet des campagnes publicitaires dissonantes (sécurité routière, santé…), ce qui peut s’expliquer par le fait que, dans des conditions de laboratoire, les consignes expérimentales masquent les motivations usuelles des individus en s’y substituant.</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn15">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[15]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> À égale distance d’un irénisme ou d’une hostilité également malavisée, la complémentarité des travaux empiriques et critiques opère non seulement par ce dont les uns et les autres s’avèrent de fait capables ou incapables de rendre compte (sans quoi la complexité des « mystères de la réception » aurait déjà été résolue par les uns ou les autres) mais aussi par les reproches fondés dont ils s’enrichissent mutuellement.</span></span></span></span></p>
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<div id="ftn16">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[16]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> La chimère épistémologique n’était pas sans rapport avec la chimère mythologique, laquelle, rappelle judicieusement le dictionnaire du CNTRL était un « monstre fabuleux composite, de formes diverses, ayant généralement la tête d'un lion, le corps d'une chèvre, la queue d'un dragon et crachant du feu. »</span></span></span></span></p>
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<div id="ftn17">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[17]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Interdiscipline dont relève l’auteur et sans doute l’école des usages et gratifications elle-même (voir Lin, 1996), mais la version interne du débat sur les usages et gratifications, sans être fondamentalement différente, réclamerait de nombreuses autres considérations, qui, outre leur longueur, ne sauraient guère concerner les lecteurs extérieurs à cette interdiscipline. On pourra, afin de situer dans cette perspective cette question sensible, se reporter notamment à Dayan (1992, 1993), Breton et Proulx (1989), Proulx (1998), Miège (1995), etc.</span></span></span></span></p>
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<div id="ftn18">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[18]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Outre que l’évocation des « usages et gratifications » continue à tort ou à raison de susciter une forte réprobation spontanée chez un certain nombre de chercheurs, cette appellation méconnait ostensiblement un aspect capital des préférences médiatiques, pourtant connu de longue date : l’effort de traitement que réclament les contenus, lequel contrebalance toujours leur attrait (voir Pennycook et Rand, 2019 pour une illustration dans le cas des fausses nouvelles en ligne). De l’inusable « théorie du moindre effort » esquissée par Ferrero (1894) aux recherches de Kahneman (1973) sur le rôle de l’effort dans l’attention qui l’ont mis sur la piste de la « psychologie hédonique » (1999) puis de la théorie du double traitement cognitif (2011), sans oublier la théorie de la pertinence de Sperber et Wilson (1989), l’influence de l’effort escompté ou ressenti sur les choix culturels et les processus mentaux est bien trop cruciale et documentée pour qu’une perspective se voulant globale puisse l’ignorer. Même à l’époque, une proposition comme celle de Schramm (1954), lequel considérait l’attirance d’un contenu comme le rapport entre l’effort qu’il réclamait et la satisfaction qu’il promettait, aurait pu éviter aux empiristes de se braquer sur les gratifications en négligeant l’effort plus ou moins grand qui en est la contrepartie.</span></span></span></span></p>
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<div id="ftn19">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Cambria, serif"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[19]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Ainsi, les facteurs d’effets cognitifs qui jouent en l’espèce correspondent-ils dans la littérature psychologique aux dimensions les plus spontanées, donc les plus immédiatement « efficaces », soit, au plus bas niveau cognitif – aucun jugement de valeur ici – la strate des stumlis instinctifs (mort, sexe, pouvoir…) et celle des interactions avec la sphère personnelle (craintes, aspirations…). Incidemment, ces deux familles de motivations attentionnelles sont également fort sollicitées par les informations sanitaires telles que celles relatives à la pandémie actuelle.</span></span></span></span></p>
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