<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><strong>DOSSIER : PROPAGANDES ET MANIPULATIONS</strong></p> <p align="center" class="Titrearticle" style="text-align:center; margin-top:8px"><span style="font-size:18pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:14.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">R&eacute;flexions sur l&rsquo;&eacute;poustouflante efficacit&eacute; des techniques d&rsquo;influence et de manipulation.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">St&eacute;phane Laurens est professeur de psychologie sociale &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Rennes 2. Il est directeur de publication du Bulletin de psychologie. Il a publi&eacute; en 2017 Manipulations et influences. R&eacute;alit&eacute;s et repr&eacute;sentations &agrave; travers deux si&egrave;cles d&rsquo;&eacute;tudes aux Presses universitaires de Rennes.</span></span></span></span></p> <h2 style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px">&nbsp;</h2> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1. Puissantes influences mythiques et r&eacute;alit&eacute;s</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Si notre imaginaire est depuis bien longtemps peupl&eacute; d&rsquo;histoires et d&rsquo;images montrant la puissance de l&rsquo;influence, r&eacute;v&eacute;lant notre ali&eacute;nation possible &agrave; une source omnipotente, cet imaginaire a trouv&eacute; de solides soutiens dans des exp&eacute;riences et th&eacute;ories de psychologie sociale.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les exp&eacute;riences qui ont fait la notori&eacute;t&eacute; de la psychologie sociale sont pr&eacute;cis&eacute;ment celles qui illustrent la soumission (</span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Prislin, Crano, 2012, p.&nbsp;334)</span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">. La plus c&eacute;l&egrave;bre d&rsquo;entre elle, celle de Milgram (1974), montre la soumission d&rsquo;un individu &agrave; une autorit&eacute; et th&eacute;orise un dualisme opposant une source (une autorit&eacute; d&eacute;cidant, voulant, ordonnant&hellip;) et cible (un sujet soumis r&eacute;duit &agrave; l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;agent ob&eacute;issant, r&eacute;alisant scrupuleusement les ordres qui lui sont donn&eacute;s). Cette exp&eacute;rience, incontournable en sciences humaines et sociales, est m&ecirc;me sortie de ce cercle pour envahir l&rsquo;espace public, apparaissant r&eacute;guli&egrave;rement dans des films, des &eacute;missions, des r&eacute;cits&hellip; Seconde &agrave; ce palmar&egrave;s de la c&eacute;l&eacute;brit&eacute; (mais loin derri&egrave;re) appara&icirc;t l&rsquo;exp&eacute;rience de Asch (1952) qui montre la soumission de l&rsquo;individu au groupe. </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&Agrave; c&ocirc;t&eacute; de ces classiques de l&rsquo;influence sociale, il convient de mentionner les exp&eacute;riences sur la manipulation qui, &agrave; travers le dualisme manipulateur/manipul&eacute;, d&eacute;crivent-elles aussi l&rsquo;asym&eacute;trie source-cible. Ces conceptions se sont largement r&eacute;pandues gr&acirc;ce &agrave; une multitude d&rsquo;ouvrages de vulgarisation qui pr&eacute;sentent ces techniques comme des recettes faciles &agrave; mettre en &oelig;uvre, permettant au lecteur de devenir celui qui pourra r&eacute;aliser ses d&eacute;sirs en manipulant autrui, ce dernier devenant un pantin entre ses mains expertes.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sans modifier quoi que ce soit &agrave; nos repr&eacute;sentations des rapports d&rsquo;influence (Laurens, 2007), on peut passer de l&rsquo;imaginaire (ex. l&rsquo;irr&eacute;sistible emprise des sir&egrave;nes sur Ulysse), &agrave; l&rsquo;imaginaire r&eacute;alis&eacute; (l&rsquo;emprise du diable sur les poss&eacute;d&eacute;s), au scientifico-imaginaire (Vicary qui pr&eacute;tendait pouvoir augmenter notre consommation par des messages subliminaux comme &laquo;&nbsp;buvez du coca-cola&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;mangez du popcorn&nbsp;&raquo;), aux exp&eacute;riences tot&eacute;miques de la psychologie sociale (Asch, Milgram). </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces repr&eacute;sentations nous donnent &agrave; voir l&rsquo;influence comme un puissant m&eacute;canisme d&rsquo;emprise, une force irr&eacute;sistible d&rsquo;assujettissement de l&rsquo;un par l&rsquo;autre, et ceci &agrave; tel point qu&rsquo;on a parfois cru n&eacute;cessaire de prot&eacute;ger les individus de ces emprises potentiellement n&eacute;fastes comme ce fut par exemple le cas l&rsquo;hypnose et plus r&eacute;cemment avec les manipulations mentales et autres lavages de cerveau (Laurens, 2005). Ainsi, apparaissent r&eacute;guli&egrave;rement des croyances en l&rsquo;existence de manipulateurs omnipotents, des croyances en l&rsquo;existence de techniques de manipulation ou d&rsquo;influence efficaces et ali&eacute;nantes (Laurens, 2013).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces repr&eacute;sentations qui se traduisent dans le sens commun par des poncifs tels que &laquo;&nbsp;<i>On est manipul&eacute;&nbsp;&raquo; </i>ou &laquo;&nbsp;<i>les m&eacute;dias nous influencent&nbsp;</i>&raquo; ont l&rsquo;immense avantage de pouvoir tout expliquer sans jamais &ecirc;tre d&eacute;menties (Laurens, 2014). L&rsquo;influence est invisible, les manipulations souterraines&hellip; et ce ne sont que leurs effets suppos&eacute;s qui sont apparents. Il suffit donc, pour un fait quelconque, de supposer qu&rsquo;il est le fruit de l&rsquo;action volontaire d&rsquo;une source d&rsquo;influence ou d&rsquo;un manipulateur (qui auraient int&eacute;r&ecirc;t &agrave; la r&eacute;alisation de ce fait), pour que ce fait se voit <i>&laquo;&nbsp;</i>expliqu&eacute;&nbsp;&raquo; par leurs influences. On saisit ici l&rsquo;un des r&ocirc;les principaux de nos repr&eacute;sentations sociales&nbsp;: </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">elles nous</span><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> permettent &laquo;&nbsp;de concevoir des objets qui existent sans &ecirc;tre per&ccedil;us ou qui sont per&ccedil;us sans exister&nbsp;&raquo; (Moscovici, 2012, p.&nbsp;28). Les individus peuvent &laquo;&nbsp;ainsi imaginer des causes ou des principes invisibles&nbsp;&raquo; (Moscovici, 2012, p.&nbsp;28). </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette facult&eacute; de pseudo-explication est particuli&egrave;rement apparente dans les th&eacute;ories du complot. Ainsi, un &eacute;v&eacute;nement (une guerre, un attentat&hellip;) peut ais&eacute;ment permettre l&rsquo;existence d&rsquo;explications les plus vari&eacute;es et les plus antagonistes d&egrave;s lors que, plut&ocirc;t que de s&rsquo;en tenir aux faits, au r&eacute;el observable, on suppose l&rsquo;existence d&rsquo;influences ou de manipulations invisibles. Ces concepts fournissent un degr&eacute; de libert&eacute; suppl&eacute;mentaire par rapport aux faits, ils orientent vers ce que L&eacute;vy-Bruhl distinguait comme les causes premi&egrave;res ou v&eacute;ritables au d&eacute;triment des causes secondes ou apparentes, ces derni&egrave;res n&rsquo;&eacute;tant </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;</span><i><span new="" roman="" style="font-family:" times="">que des instruments ou tout au plus des causes occasionnelles au service de la cause v&eacute;ritable, qui est ailleurs&nbsp;</span></i><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&raquo; (L&eacute;vy-Bruhl, Carnets, 3 f&eacute;vrier 1939). Ainsi, le fait qu&rsquo;une pierre tombe et tue une personne peut &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute; comme l&rsquo;action volontaire d&rsquo;un puissant sorcier d&eacute;sirant la mort de cette personne. La v&eacute;ritable cause r&eacute;side alors dans les manipulations du sorcier et le fait que ces manipulations soient m&eacute;diatis&eacute;es par la chute d&rsquo;une pierre ou de toute autre cause seconde (ex. morsure d&rsquo;un serpent, maladie&hellip;) importe peu, ce ne sont que des &eacute;piph&eacute;nom&egrave;nes qui, dans la pens&eacute;e primitive, n&rsquo;expliquent rien. Ce sont des moyens vari&eacute;s au service d&rsquo;une cause premi&egrave;re qui elle, non seulement explique les faits, mais permet v&eacute;ritablement de les comprendre (ainsi que d&rsquo;autres faits qui eux aussi prennent sens avec la mobilisation d&rsquo;une telle pseudo-explication).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;objectif de ce texte est, &agrave; travers l&rsquo;analyse d&rsquo;un domaine que nous connaissons bien, la publicit&eacute;, de d&eacute;crire le fonctionnement de ce m&eacute;canisme d&rsquo;une explication par l&rsquo;influence. &Agrave; diverses reprises, j&rsquo;ai pu constater l&rsquo;importance de la publicit&eacute; en tant que mode d&rsquo;influence ou de manipulation des masses dans l&rsquo;imaginaire des individus. Par exemple, pendant les ann&eacute;es durant lesquelles j&rsquo;ai enseign&eacute; les th&eacute;ories de l&rsquo;influence sociale, j&rsquo;avais pour but, dans mes cours, de montrer l&rsquo;&eacute;cart entre le mythe d&rsquo;influences toutes puissantes et la r&eacute;alit&eacute; des modestes effets d&rsquo;influence qu&rsquo;on peut obtenir&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" style="color:navy; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:200%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></a>. Concluant mes cours par la grande difficult&eacute; qu&rsquo;il y a &agrave; exercer une influence et par la faible efficacit&eacute; des influences habituellement exerc&eacute;es par les m&eacute;dias, je d&eacute;cevais beaucoup mes &eacute;tudiants qui manifestement auraient pr&eacute;f&eacute;r&eacute; que je leur livre des trucs d&rsquo;influence et de manipulations dont ils auraient pu user efficacement pour satisfaire leurs d&eacute;sirs ou dont aurait pu se pr&eacute;valoir leur ego ainsi infatu&eacute;. Aussi &agrave; la fin de ces cours, apr&egrave;s l&rsquo;in&eacute;vitable question sur les sujets d&rsquo;examen, venait toujours une question sur la publicit&eacute; formul&eacute;e globalement en ces termes&nbsp;: &laquo;&nbsp;comment expliquer l&rsquo;existence massive de la publicit&eacute; dans les m&eacute;dias si elle ne sert pas &agrave; faire d&eacute;sirer, donc vendre, des produits&nbsp;?&nbsp;&raquo;. Dans l&rsquo;esprit de mes &eacute;tudiants, l&rsquo;existence m&ecirc;me de la publicit&eacute; prouvait son efficacit&eacute;, une efficacit&eacute; consistant &agrave; cr&eacute;er ou transformer nos besoins et nos comportements d&rsquo;achats.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pendant quelques ann&eacute;es, j&rsquo;ai contourn&eacute; cette question consid&eacute;rant que mon cours portait sur l&rsquo;influence et non sur ces pratiques et qu&rsquo;il suffisait d&rsquo;inf&eacute;rer de nos connaissances sur l&rsquo;influence pour statuer sur le cas de la publicit&eacute;. Mais cette r&eacute;ponse ne convainquait gu&egrave;re mes &eacute;tudiants, et elle est finalement devenue, pour moi aussi, bien insatisfaisante m&rsquo;obligeant alors &agrave; apporter une r&eacute;ponse plus &eacute;tay&eacute;e &agrave; ce lien entre influence et publicit&eacute;. Profitant de cet exemple, je d&eacute;crirais ce r&ocirc;le trop n&eacute;glig&eacute; du concept d&rsquo;influence&nbsp;: donner sens en masquant la r&eacute;alit&eacute; plut&ocirc;t qu&rsquo;en l&rsquo;expliquant (Laurens, 2013, 2014&hellip;). Plus pr&eacute;cis&eacute;ment, l&rsquo;analyse portera sur les d&eacute;terminants que mettent en exergue les th&eacute;ories de l&rsquo;influence et ceux, nombreux, qu&rsquo;elles masquent, les rempla&ccedil;ant par une op&eacute;ration magique&nbsp;: la toute puissante influence, par exemple celle de la publicit&eacute;.</span></span></span></span></p> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2. Publicit&eacute; et manipulation</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La publicit&eacute; appara&icirc;t comme un outil de persuasion. Bien plus que de faire conna&icirc;tre un produit r&eacute;pondant &agrave; des besoins ou des d&eacute;sirs, elle pourrait susciter ces besoins et d&eacute;sirs, permettant ainsi la vente de produits dont nul n&rsquo;avait besoin avant que la publicit&eacute; ne s&rsquo;en empare. C&rsquo;est cette incroyable facult&eacute; de la publicit&eacute; que r&eacute;sume ainsi Fr&eacute;d&eacute;ric Beigbeder (2001, p.&nbsp;46) dans son roman <i>99&nbsp;francs</i>, une op&eacute;ration magique qui consiste &agrave; &laquo;&nbsp;donner envie &agrave; des gens qui n&rsquo;en ont pas les moyens d&rsquo;acheter une nouvelle chose dont ils n&rsquo;avaient pas besoin dix minutes auparavant...&nbsp;&raquo;. Ainsi d&eacute;finie, la publicit&eacute; aurait pour r&ocirc;le d&rsquo;&eacute;couler des productions de masse (d&rsquo;objets bien souvent inutiles) aupr&egrave;s de consommateurs manipul&eacute;s. </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">D</span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ans une s&eacute;rie d&rsquo;entretiens r&eacute;alis&eacute;s sur l&rsquo;influence (Laurens, 2014), la publicit&eacute; &eacute;tait r&eacute;guli&egrave;rement cit&eacute;e. Pour les informateurs elle est in&eacute;vitable, m&ecirc;me si on ne l&rsquo;aime pas, ne veut pas et qu&rsquo;on ne veut pas s&rsquo;y int&eacute;resser, omnipr&eacute;sente, elle s&rsquo;impose tout de m&ecirc;me &agrave; nous. Elle semble agir en suscitant des d&eacute;sirs d&rsquo;objets, des identifications&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i><span style="color:black">c&rsquo;est quelque chose qui fait ressentir le besoin m&ecirc;me si tu n&rsquo;en as </span>pas vraiment besoin</i>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;<i>on voit quelque chose &agrave; la t&eacute;l&eacute;, et on a envie de l&rsquo;acheter&nbsp;</i>&raquo;. Si tous les informateurs estiment que la publicit&eacute; constitue un moyen d&rsquo;influence efficace, souvent ils pr&eacute;cisent que ses effets sont n&eacute;gatifs dans la mesure o&ugrave; le bien achet&eacute; ne r&eacute;pond pas aux attentes suscit&eacute;es. Par exemple, le fait de pr&eacute;senter une robe sur une jolie femme susciterait le d&eacute;sir, l&rsquo;identification, mais h&eacute;las, acheter la robe et la porter conduirait &agrave; une d&eacute;ception de l&rsquo;acheteuse qui mesurerait alors l&rsquo;&eacute;cart parfois abyssal entre ce &agrave; quoi elle s&rsquo;est identifi&eacute;e et ce qu&rsquo;elle est alors rev&ecirc;tue de sa robe d&eacute;sir&eacute;e. En plus de cette d&eacute;ception (qui va jusqu&rsquo;aux truquages, aux mensonges destin&eacute;s &agrave; pr&eacute;senter des objets mieux qu&rsquo;ils ne sont en r&eacute;alit&eacute;), appara&icirc;t aussi, mais bien plus rarement, une d&eacute;fiance vis-&agrave;-vis des techniques utilis&eacute;es qui peuvent &ecirc;tre assimil&eacute;es &agrave; du bourrage de cr&acirc;ne ou de la manipulation. Les publicitaires passent d&rsquo;ailleurs pour des gens qui savent faire, qui ma&icirc;trisent les techniques, ont &eacute;tudi&eacute; les effets&hellip; Dans les entretiens, il appara&icirc;t que seuls les gourous des sectes peuvent rivaliser avec leur expertise en mati&egrave;re d&rsquo;emprise, mais &agrave; la diff&eacute;rence des gourous qui agissent plut&ocirc;t d&rsquo;instinct sur un champ limit&eacute; de proches, les publicitaires utilisent des m&eacute;thodes &eacute;prouv&eacute;es, scientifiquement fond&eacute;es, et leur champ d&rsquo;action est bien plus vaste puisqu&rsquo;ils s&rsquo;adressent &agrave; tous.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette image n&eacute;gative de la publicit&eacute;, un domaine justement sp&eacute;cialis&eacute; dans l&rsquo;image et son contr&ocirc;le, est tr&egrave;s intrigante. La publicit&eacute;, pr&eacute;tendument si efficace pour donner une image positive de tant d&rsquo;objets, n&rsquo;a manifestement pas jug&eacute; n&eacute;cessaire de changer la sienne qui est pourtant n&eacute;gative. Pourquoi ne pas utiliser ses ressources pour am&eacute;liorer son image, et, par exemple, montrer un but prosocial (favoriser l&rsquo;&eacute;conomie, la croissance, les salaires&hellip; en assurant des d&eacute;bouch&eacute;s aux produits)&nbsp;?</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour L&eacute;onelli (2013), cette image n&eacute;gative serait parfaitement assum&eacute;e, car le point crucial serait l&rsquo;efficacit&eacute; et ceci bien loin devant tout autre aspect. Or, pour lui, la perception d&rsquo;efficacit&eacute; se trouverait justement renforc&eacute;e par l&rsquo;assimilation de la publicit&eacute; &agrave; de la manipulation. Cette assimilation, et la connotation n&eacute;gative de l&rsquo;image de la publicit&eacute; qui en d&eacute;coule serait donc finalement b&eacute;n&eacute;fique. C&rsquo;est de cette mani&egrave;re qu&rsquo;on peut saisir ce qu&rsquo;affirma sans d&eacute;tour un dirigeant de TF1 dans un entretien qui fit sensation&nbsp;: </span></span></span></span></p> <p class="Verbatim" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px; margin-right:38px; margin-left:40px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;Il y a beaucoup de fa&ccedil;ons de parler de la t&eacute;l&eacute;vision. Mais dans une perspective &ldquo;business&rdquo;, soyons r&eacute;alistes&nbsp;: &agrave; la base, le m&eacute;tier de TF1, c&rsquo;est d&rsquo;aider Coca-Cola, par exemple, &agrave; vendre son produit. (&hellip;) Or pour qu&rsquo;un message publicitaire soit per&ccedil;u, il faut que le cerveau du t&eacute;l&eacute;spectateur soit disponible. Nos &eacute;missions ont pour vocation de le rendre disponible&nbsp;: c&rsquo;est-&agrave;-dire de le divertir, de le d&eacute;tendre pour le pr&eacute;parer entre deux messages. Ce que nous vendons &agrave; Coca-Cola, c&rsquo;est du temps de cerveau humain disponible.&nbsp;&raquo; (Patrick Le Lay, 2004, cit&eacute; sur </span><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_de_cerveau_humain_disponible" style="color:navy; text-decoration:underline"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_de_cerveau_humain_disponible</span></a><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, consult&eacute; le 4 mars 2021).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ainsi, le c&ocirc;t&eacute; r&eacute;aliste, pratique, concret, r&eacute;side dans l&rsquo;efficacit&eacute; &agrave; diffuser des messages publicitaires vers un large public, le t&eacute;l&eacute;spectateur &eacute;tant alors consid&eacute;r&eacute; comme un r&eacute;ceptacle passif de l&rsquo;influence du m&eacute;dia, un r&eacute;cepteur &agrave; qui on pourra faire avaler n&rsquo;importe quoi dans la mesure o&ugrave; on a pr&eacute;alablement r&eacute;ussi &agrave; capter l&rsquo;audience.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une telle affirmation est, &agrave; premi&egrave;re vue, tr&egrave;s surprenante&nbsp;: comment le dirigeant d&rsquo;une cha&icirc;ne de t&eacute;l&eacute;vision peut-il publiquement affirmer un tel m&eacute;pris des auditeurs et donner &agrave; son entreprise une si vile mission&nbsp;? Comment oser placer les t&eacute;l&eacute;spectateurs dans une posture de suggestibilit&eacute; (aspect r&eacute;aliste) alors m&ecirc;me qu&rsquo;une ambition importante des m&eacute;dias est au contraire d&rsquo;&eacute;duquer et d&rsquo;informer (aspect chim&eacute;rique)&nbsp;?</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Par une telle affirmation, ce dirigeant de TF1 confirme une croyance partag&eacute;e sur l&rsquo;emprise des m&eacute;dias. Cette affirmation ne surprend que parce qu&rsquo;un dirigeant de TF1 la soutient plut&ocirc;t que de la masquer en affirmant une position morale consistant &agrave; inverser la causalit&eacute; et en soutenant par exemple que la publicit&eacute; sert &agrave; financer les programmes appr&eacute;ci&eacute;s du public. </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Quoi qu&rsquo;il en soit, cette r&eacute;v&eacute;lation montre que deux groupes de croyants &mdash; d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; les autoproclam&eacute;s r&eacute;alistes (ex. les dirigeants de TF1, les publicitaires, leurs clients) et d&rsquo;autre le public &mdash; partagent la m&ecirc;me foi&nbsp;: les m&eacute;dias et la publicit&eacute; manipulent. Le manipulateur et le manipul&eacute;, la source et la cible partagent la m&ecirc;me croyance en l&rsquo;efficacit&eacute; de la publicit&eacute; dans laquelle se combine la volont&eacute; d&rsquo;emprise des premiers et les craintes d&rsquo;emprise des seconds. </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans ce texte, deux aspects compl&eacute;mentaires et caract&eacute;ristiques de cette croyance seront distingu&eacute;s et analys&eacute;s&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><i><span new="" roman="" style="font-family:" times="">a) D&eacute;placement de la causalit&eacute; v&eacute;ritable vers la causalit&eacute; illusoire&nbsp;:</span></i><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Cette croyance en la puissante influence des m&eacute;dias et de la publicit&eacute; est une condition n&eacute;cessaire de leur influence, car nous verrons que si une technique d&rsquo;influence est efficace, cette efficacit&eacute; ne r&eacute;side pas dans la technique elle-m&ecirc;me, mais dans la croyance partag&eacute;e en son efficacit&eacute;. Ainsi, les techniques n&rsquo;auraient, en r&eacute;alit&eacute;, qu&rsquo;une efficacit&eacute; symbolique, cependant cette efficacit&eacute; symbolique exigerait d&rsquo;&ecirc;tre dup&eacute; et de prendre le symbole de croyance pour la cause v&eacute;ritable. Dans cette logique, si cette croyance en l&rsquo;efficacit&eacute; d&rsquo;une technique faiblit, elle perd imm&eacute;diatement sa place et doit &ecirc;tre remplac&eacute;e par de nouvelles techniques, de nouveaux symboles.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><i><span new="" roman="" style="font-family:" times="">b) &nbsp;La puissance magique de la causalit&eacute; illusoire&nbsp;:</span></i><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Lorsqu&rsquo;un symbole, un mot, un geste, un objet deviennent symboles de croyance dans une p&eacute;riode sociohistorique donn&eacute;e, ils sont rev&ecirc;tus d&rsquo;une puissance magique et ont une efficacit&eacute;. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;on peut comprendre l&rsquo;effet des aimants, des passes magn&eacute;tiques, celui des objets brillants ou du regard des hypnotiseurs, l&rsquo;efficacit&eacute; des paroles des exorcistes ou des ordres d&rsquo;une autorit&eacute;. Sur ce point l&rsquo;exemple de la publicit&eacute; est tr&egrave;s int&eacute;ressant, car pour voir cette technique comme efficace, il faut n&eacute;gliger des pans entiers de la r&eacute;alit&eacute;, &agrave; savoir la longue et complexe &eacute;laboration d&rsquo;un produit et de sa mise sur le march&eacute;, pour ne voir que l&rsquo;&eacute;tape finale&nbsp;: la publicit&eacute; s&rsquo;emparant d&rsquo;un produit tout fait pour le faire d&eacute;sirer et acheter. En ne regardant que la publicit&eacute;, cette &eacute;tape finale d&rsquo;un tr&egrave;s long processus, on lui attribue alors tout le m&eacute;rite du succ&egrave;s de ce produit. La publicit&eacute; semble alors &ecirc;tre une op&eacute;ration magique pouvant transformer n&rsquo;importe quoi en succ&egrave;s commercial.</span></span></span></span></p> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><b><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3. Croyance n&eacute;cessaire&nbsp;: l&rsquo;imaginaire comme cause v&eacute;ritable et la technique comme cause illusoire</span></b></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette croyance partag&eacute;e par les manipulateurs et les manipul&eacute;s n&rsquo;est pas un accident, mais une n&eacute;cessit&eacute;, car, comme le montre une analyse historique des diverses techniques d&rsquo;influence utilis&eacute;es, la cause des effets ne se situe pas dans la technique elle-m&ecirc;me, mais dans la croyance en son efficacit&eacute;. La technique, pour reprendre le fameux concept de L&eacute;vi-Strauss (1974, p.&nbsp;213-234), a une efficacit&eacute; symbolique. Avec une telle efficacit&eacute;, il est n&eacute;cessaire de croire en l&rsquo;efficacit&eacute; de la technique, n&eacute;cessaire d&rsquo;en conna&icirc;tre les symboles, pour qu&rsquo;elle conserve sa place dans notre imaginaire. Sans cela elle semblera ridicule et inutile et, devenue d&eacute;su&egrave;te, elle dispara&icirc;tra au b&eacute;n&eacute;fice d&rsquo;autres croyances et d&rsquo;autres techniques.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Aussi pour qu&rsquo;elle conserve sa place, il convient de la renforcer, il faut en affirmer l&rsquo;efficacit&eacute;, le mieux &eacute;tant, dans cet objectif, d&rsquo;en montrer les effets ou d&rsquo;en d&eacute;noncer les dangers, ces derniers constituant, en effet, un excellent indice d&rsquo;efficacit&eacute;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">C&rsquo;est cette logique que soutint Malebranche dans son analyse de la sorcellerie. Constatant les craintes vis-&agrave;-vis des sorciers, le recours fr&eacute;quent &agrave; des explications d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements divers par des sorts, le nombre important d&rsquo;accusations, de proc&egrave;s, de b&ucirc;chers&hellip; il en arrivait &agrave; la conclusion que les chasses aux sorci&egrave;res n&rsquo;avaient aucunement pour effet de les &eacute;liminer, mais bien au contraire de les faire cro&icirc;tre, car, en les pourchassant, on renfor&ccedil;ait la croyance en leur existence et en l&rsquo;efficacit&eacute; de leurs sorts. Donc, plut&ocirc;t que de traquer les sorciers, il conseillait de s&rsquo;en moquer, de les m&eacute;priser, de les n&eacute;gliger et ainsi les sorciers dispara&icirc;traient en m&ecirc;me temps que ceux qui se sp&eacute;cialisent dans leur traquent et leur doivent tout. Sans la croyance partag&eacute;e, sans cet imaginaire peupl&eacute; de sorts, il n&rsquo;y a pas de sorciers, de poss&eacute;d&eacute;s, d&rsquo;exorcistes, aucun proc&egrave;s ni m&ecirc;me aucune accusation de ce type.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&mdash;&nbsp;Techniques&nbsp;: aussi vari&eacute;es qu&rsquo;inefficaces.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La situation anachronique de la sorcellerie peut sembler bien &eacute;loign&eacute;e de notre univers rationnel et la&iuml;cis&eacute;. En effet, le contenu de cette croyance en l&rsquo;existence de sorts efficaces est aujourd&rsquo;hui rel&eacute;gu&eacute; aux marges. Cependant, si ce contenu anachronique a &eacute;t&eacute; &eacute;cart&eacute; (avec ses mots, ses symboles, ses pratiques&hellip;), un autre l&rsquo;a remplac&eacute;, puis un nouveau&hellip; ceci permettant &agrave; cette croyance de se maintenir en s&rsquo;adaptant toujours. Le contenu contingent change s&rsquo;ajustant notamment aux croyances dominantes et aux nouvelles th&eacute;ories scientifiques, mais la structure du rapport d&rsquo;influence reste identique&nbsp;: le lien asym&eacute;trique entre une source et une cible&nbsp;: une source marqu&eacute;e par une volont&eacute;, un d&eacute;sir, un pouvoir, une conscience&hellip;, disposant de la ma&icirc;trise de techniques d&rsquo;influence poursuivrait des objectifs et utiliserait une cible na&iuml;ve pour les r&eacute;aliser. La cible ne serait alors qu&rsquo;un instrument r&eacute;alisant, souvent sans le savoir, les objectifs d&rsquo;un autre.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette m&ecirc;me structure &mdash; le rapport d&rsquo;influence asym&eacute;trique &mdash; permet de d&eacute;crire des techniques ou des m&eacute;thodes extraordinairement diverses qui ont eu des effets av&eacute;r&eacute;s dans une p&eacute;riode sociohistorique donn&eacute;e, mais, qui plus tard, dans un autre contexte o&ugrave; les croyances sont diff&eacute;rentes, elles n&rsquo;ont plus aucun effet. Ce qui d&eacute;montre que la technique n&rsquo;est rien &agrave; elle seule, elle n&rsquo;a pas l&rsquo;efficacit&eacute; qu&rsquo;on lui attribue.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Par exemple, Puys&eacute;gur ou Mesmer pouvaient provoquer la survenue de crises en r&eacute;alisant des passes magn&eacute;tiques, Charcot provoquait l&rsquo;hypnose en frottant le vertex de ses sujets, Braid ou Broca l&rsquo;obtenait en pla&ccedil;ant devant les yeux de leurs patients un objet brillant&hellip;</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Tous ces effets sont parfaitement av&eacute;r&eacute;s. Nous le savons par les &eacute;crits laiss&eacute;s par ces personnes, par ceux qui, nombreux, ont observ&eacute; leurs pratiques, mais nous le savons aussi gr&acirc;ce aux commissions d&rsquo;enqu&ecirc;te critiques diligent&eacute;es contre certaines de leurs pratiques (ce fut par exemple le cas pour le magn&eacute;tisme, le somnambulisme, l&rsquo;hypnose). Ainsi, r&eacute;guli&egrave;rement leurs effets ont &eacute;t&eacute; reconnus, et ceci &agrave; tel point que certaines de ces pratiques ont &eacute;t&eacute; jug&eacute;es dangereuses tant les effets qu&rsquo;on leur pr&ecirc;tait &eacute;taient puissants (ex. hypnose).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&mdash;&nbsp;L&rsquo;imaginaire comme cause v&eacute;ritable et permanente des effets </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En m&ecirc;me temps qu&rsquo;elles reconnaissaient l&rsquo;efficacit&eacute; de ces techniques, certaines commissions r&eacute;v&eacute;laient que la cause des effets observ&eacute;s ne se trouvait pas dans la technique elle-m&ecirc;me, mais dans l&rsquo;imagination des personnes, dans leurs croyances. Le plus bel exemple nous est donn&eacute; par ce qui est sans doute la premi&egrave;re &eacute;tude exp&eacute;rimentale sur les techniques d&rsquo;influence&nbsp;: le rapport des commissaires charg&eacute;s par Louis&nbsp;XVI de l&rsquo;examen du magn&eacute;tisme animal. La pr&eacute;tention de Mesmer &eacute;tait de manipuler un fluide magn&eacute;tique gr&acirc;ce &agrave; des passes. Mesmer fit des &eacute;mules et cette technique se r&eacute;pandit rapidement, nombre de personnes trouvant dans le magn&eacute;tisme une m&eacute;thode de soin extraordinaire. Des scientifiques de l&rsquo;&eacute;poque &mdash; Benjamin Franklin (scientifique, politicien&hellip;), Bailly (astronome), Lavoisier (chimiste), Jussieu (botaniste), Guillotin (m&eacute;decin)&hellip; &mdash; furent alors charg&eacute;s d&rsquo;examiner cette pratique, ses effets et ses causes. De leur rapport, il ressort tout d&rsquo;abord que les passes magn&eacute;tiques ont bien des effets (il aurait &eacute;t&eacute; difficile de le nier, car les observations et les t&eacute;moignages &eacute;taient nombreux) et les commissaires observ&egrave;rent nombre de crises. Ensuite, les commissaires se pench&egrave;rent sur la cause de ce qui provoque ces crises et firent des s&eacute;ries d&rsquo;exp&eacute;rimentations. Or, il appara&icirc;t que la technique en elle-m&ecirc;me (ici les passes magn&eacute;tiques) n&rsquo;a aucun effet, mais que c&rsquo;est l&rsquo;imagination, les croyances en l&rsquo;efficacit&eacute; du magn&eacute;tisme, la connaissance partag&eacute;e des gestes symboliques de cette pratique qui d&eacute;terminent les effets (Laurens, 2018). D&rsquo;o&ugrave; la conclusion c&eacute;l&egrave;bre de ce rapport&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;imagination sans magn&eacute;tisme produit des convulsions, et que le magn&eacute;tisme sans l&rsquo;imagination ne produit rien&nbsp;&raquo; (Rapport, 1784, p.&nbsp;62).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Apr&egrave;s ce d&eacute;menti cinglant quant &agrave; l&rsquo;existence d&rsquo;un fluide, de nouvelles techniques se succ&eacute;deront. Toutes produisant des effets durant une certaine p&eacute;riode, mais d&eacute;menties ou devenues d&eacute;su&egrave;tes les unes apr&egrave;s les autres, elles ne disparurent que pour c&eacute;der la place &agrave; de nouvelles plus adapt&eacute;es aux croyances et aux pratiques du moment (Laurens, 2007).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ainsi, selon les p&eacute;riodes sociohistoriques, les techniques et leurs effets putatifs varient consid&eacute;rablement, mais il y a toujours une constante &eacute;l&eacute;mentaire&nbsp;: la croyance partag&eacute;e en l&rsquo;efficacit&eacute; de la technique utilis&eacute;e. Une croyance qui s&rsquo;objective dans le rapport d&rsquo;influence opposant une source omnipotente (celle qui a une emprise, qui ma&icirc;trise la technique et ceci gr&acirc;ce &agrave; son statut, ses qualit&eacute;s personnelles ou ses connaissances) &agrave; une cible assujettie (celle qui est sans qualit&eacute;, sans ressource). </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les dualit&eacute;s diable-poss&eacute;d&eacute;, magn&eacute;tiseur-magn&eacute;tis&eacute;, hypnotiseur-hypnotis&eacute;, autorit&eacute;-agent, source-cible, &eacute;metteur-r&eacute;cepteur&hellip; d&eacute;crivent ce rapport asym&eacute;trique (Laurens, Markova, 2011). Or, syst&eacute;matiquement, plut&ocirc;t que de reconna&icirc;tre que les effets d&rsquo;influence sont d&eacute;termin&eacute;s par les croyances partag&eacute;es, par l&rsquo;imagination commune, des symboles poss&eacute;d&eacute;s par tous, on voit appara&icirc;tre des th&eacute;ories scientifiques et de sens commun qui veulent expliquer les effets par la technique elle-m&ecirc;me, par les qualit&eacute;s de la source, les strat&eacute;gies particuli&egrave;res qu&rsquo;elle utiliserait&hellip; alors que tout cela n&rsquo;a aucun effet sans leur inscription au sein d&rsquo;un syst&egrave;me signifiant. Ainsi plut&ocirc;t que de voir cette causalit&eacute; v&eacute;ritable, ces th&eacute;ories scientifiques et na&iuml;ves se centrent sur les causes illusoires, qui ne sont que des objectivations (les techniques, le statut, les qualit&eacute;s&hellip;) de la cause v&eacute;ritable (la croyance partag&eacute;e).</span></span></span></span></p> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">4. La puissance magique</span></span></span></span></h2> <h3 style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span style="font-weight:normal"><span style="font-style:italic"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Croyance et processus magiques des influences et manipulations</span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Comme le montre l&rsquo;exemple du magn&eacute;tisme, on a attribu&eacute; aux passes magn&eacute;tiques des effets qu&rsquo;elles n&rsquo;avaient pas et d&egrave;s lors que ce lien causal a &eacute;t&eacute; d&eacute;menti (par exemple par une &eacute;tude scientifique comme celle des commissaires charg&eacute;s par le roi de l&rsquo;examen du magn&eacute;tisme) ou que le magn&eacute;tisme est devenu d&eacute;suet (par exemple lorsque la soci&eacute;t&eacute; se la&iuml;cise, le discours, les pratiques et les symboles des exorcistes deviennent anachroniques) la croyance en l&rsquo;efficacit&eacute; magique de la technique s&rsquo;est affaiblie si bien qu&rsquo;elle a c&eacute;d&eacute; la place &agrave; une nouvelle technique plus adapt&eacute;e qui, durant un certain temps, aura incarn&eacute; la puissance magique et aura endoss&eacute; les attributs de l&rsquo;efficacit&eacute;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ainsi, la complexit&eacute; des processus de communication et d&rsquo;influence est r&eacute;guli&egrave;rement masqu&eacute;e par la simplicit&eacute; d&rsquo;un petit m&eacute;canisme (ex. un aimant, un pendule brillant, un geste, une formule&hellip;) qui, recouvert d&rsquo;une puissance mystique, devient signifiant au sein d&rsquo;une communaut&eacute;, et ses membres le prennent pour la cause et lui attribuent l&rsquo;efficacit&eacute; des effets observ&eacute;s.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">C&rsquo;est l&agrave; qu&rsquo;est l&rsquo;autre constante de cette croyance&nbsp;: cette enveloppe magique qui recouvre un objet, un geste, un mot, pour le donner &agrave; voir comme bien plus qu&rsquo;il n&rsquo;est en r&eacute;alit&eacute;, pour le transfigurer de commun au magique. Cette transformation est consubstantielle de la croyance partag&eacute;e en l&rsquo;efficacit&eacute; de cet objet. <a href="#_ftn2" name="_ftnref2" style="color:navy; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:200%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Plus int&eacute;ressant encore, m&ecirc;me lorsque l&rsquo;efficacit&eacute; de la technique est d&eacute;mentie, lorsque les sp&eacute;cialistes savent qu&rsquo;on ne peut la consid&eacute;rer comme la cause des effets produits, ils doivent tout de m&ecirc;me maintenir la fausse croyance pour continuer &agrave; produire les effets attendus. Puys&eacute;gur avait finement relev&eacute; cela puisqu&rsquo;il affirmait que si le fluide magn&eacute;tique n&rsquo;existait pas, il fallait tout de m&ecirc;me maintenir la croyance, l&rsquo;illusion en son existence, pour assurer l&rsquo;efficacit&eacute; des passes magn&eacute;tiques et des magn&eacute;tiseurs&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p class="Verbatim" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px; margin-right:38px; margin-left:40px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;De m&ecirc;me donc que les astronomes d&rsquo;autrefois, qui, d&rsquo;apr&egrave;s le t&eacute;moignage de leur sens, s&rsquo;&eacute;taient fait l&rsquo;id&eacute;e que le soleil tournait autour de la terre, n&rsquo;en avaient pas moins fort bien calcul&eacute; le retour des &eacute;quinoxes, et fait d&rsquo;aussi bons almanachs que les astronomes coperniciens, de m&ecirc;me <u>j&rsquo;&eacute;tais s&ucirc;r qu&rsquo;en fixant l&rsquo;id&eacute;e des nouveaux magn&eacute;tiseurs sur un fluide ou des fluides dont ils croiraient avoir la facult&eacute; de disposer au gr&eacute; de leur volont&eacute;, ils n&rsquo;en magn&eacute;tiseraient qu&rsquo;avec plus de confiance et de s&eacute;curit&eacute;&nbsp;; je savais d&rsquo;ailleurs par ma propre exp&eacute;rience toute l&rsquo;utilit&eacute; et l&rsquo;efficacit&eacute; de cette illusion,</u> car ce n&rsquo;&eacute;tait qu&rsquo;&agrave; elle, ainsi qu&rsquo;on peut le voir dans mes m&eacute;moires de 1784, que j&rsquo;avais d&ucirc; mes premiers succ&egrave;s.</span> <span new="" roman="" style="font-family:" times="">(&hellip;) comme ce magn&eacute;tisme de la pens&eacute;e (&hellip;) ne pourrait agir ext&eacute;rieurement si l&rsquo;on ne se faisait pas une id&eacute;e de la mani&egrave;re dont il s&rsquo;&eacute;mane et dont il agit, je conseillerai toujours aux nouveaux magn&eacute;tiseurs de se repr&eacute;senter id&eacute;alement la cause des ph&eacute;nom&egrave;nes de l&rsquo;&eacute;lectro-magn&eacute;tisme de l&rsquo;homme sous la forme id&eacute;ale de fluide et de courants.&nbsp;&raquo;. (Puys&eacute;gur, 1812, p.&nbsp;240-241, soulign&eacute; par nous).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Comme cette analyse de Puys&eacute;gur le montre &agrave; merveille, c&rsquo;est bien seulement sur la croyance partag&eacute;e en l&rsquo;efficacit&eacute; de la technique que reposent ces effets. Cette logique est &eacute;vidente pour toutes ces techniques anachroniques qui semblent aujourd&rsquo;hui bien ridicules et nous sommes surpris que des personnes avis&eacute;es aient pu &ecirc;tre ainsi dup&eacute;es. Cela dit, la r&eacute;currence de ce ph&eacute;nom&egrave;ne conduit logiquement &agrave; se demander quels techniques ou objets actuels occupent maintenant ces fonctions et donc, nous mystifient aujourd&rsquo;hui. </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">C&rsquo;est sans doute le cas pour les techniques d&rsquo;influence et de manipulation ainsi que pour la publicit&eacute;.</span></span></span></span></p> <h3 style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span style="font-weight:normal"><span style="font-style:italic"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La magie de la publicit&eacute;</span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">On peut proposer une analyse assez similaire pour ce qui concerne la publicit&eacute;, en tant que technique d&rsquo;influence, et d&eacute;crire comment elle est transfigur&eacute;e en une op&eacute;ration magique par laquelle lui est pr&ecirc;t&eacute;e une efficacit&eacute; qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Comme nous l&rsquo;avons vu pr&eacute;c&eacute;demment, les repr&eacute;sentations partag&eacute;es en ce qui concerne la publicit&eacute; lui accordent le pouvoir de transformer un objet quelconque en objet d&eacute;sirable. Cette croyance, largement r&eacute;pandue, place la publicit&eacute; comme une op&eacute;ration magique&nbsp;: en prenant un objet donn&eacute;, il suffirait de lui ajouter une publicit&eacute; pour susciter le d&eacute;sir et les conduites de consommation. C&rsquo;est la m&ecirc;me id&eacute;e simple qui se trouve dans les techniques de manipulation&nbsp;: on prend un individu donn&eacute; et, en exer&ccedil;ant sur lui une manipulation ou une technique d&rsquo;influence, on peut l&rsquo;amener &agrave; agir dans tel sens ou &agrave; croire telle chose. Ces conceptions accordent &agrave; la technique de persuasion, de manipulation, &agrave; la publicit&eacute;&hellip; une puissance consid&eacute;rable.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il s&rsquo;agit cependant l&agrave; d&rsquo;une conception erron&eacute;e des processus d&rsquo;influence et de leurs effets, d&rsquo;une conception imaginaire ou saltatoire pour utiliser l&rsquo;expression de James (1907/1975) reprise par Latour (2001)&nbsp;: une conception qui fait de la publicit&eacute; une force mystique op&eacute;rant le miracle de la transformation de l&rsquo;inconnu en connu, de l&rsquo;ind&eacute;sirable en d&eacute;sirable.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Or, la r&eacute;alit&eacute; est bien diff&eacute;rente de ce <i>credo</i> que l&rsquo;on pourrait r&eacute;sumer ainsi&nbsp;: croire en<i> une seule influence, la publicit&eacute; toute puissante, cr&eacute;atrice des d&eacute;sirs et des achats</i>. En r&eacute;alit&eacute;, il n&rsquo;y a pas un processus unique et surpuissant qui transformerait la mati&egrave;re brute en un objet d&eacute;sirable (conception saltatoire), mais une s&eacute;rie de petites transformations qui op&egrave;rent les unes &agrave; la suite des autres et dont le r&eacute;sultat final est parfois l&rsquo;apparition d&rsquo;un objet que la publicit&eacute; nous donne &agrave; voir. Oppos&eacute;e &agrave; la conception saltatoire, la conception d&eacute;ambulatoire marqu&eacute;e par de nombreuses &eacute;tapes et dont seules les derni&egrave;res sont visibles aux profanes (publicit&eacute;, emballage, marque, nom, prix&hellip;) d&eacute;crit bien plus finement les faits.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour saisir la diff&eacute;rence entre ces deux conceptions et voir la publicit&eacute; non comme un miracle cr&eacute;ateur, mais comme l&rsquo;une des &eacute;tapes finales de la mise sur le march&eacute; d&rsquo;un objet, il convient de suivre les pr&eacute;ceptes de Latour (2001) et ne pas limiter notre regard &agrave; une contemplation de l&rsquo;objet fini, mais de saisir la construction de cet objet.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Chaque objet fini sur lequel notre regard se pose a un nom, un prix, un emballage, appartient &agrave; telle cat&eacute;gorie, telle gamme, telle marque&hellip; et regardant l&rsquo;objet fini, nous voyons tout cela en m&ecirc;me temps, d&rsquo;un seul coup comme un ensemble dont on ne peut facilement isoler des parties et dont on m&eacute;conna&icirc;t la construction. Cet ensemble surgit tout d&rsquo;un coup dans notre univers, souvent gr&acirc;ce &agrave; la publicit&eacute;, et nous pouvons donc avoir l&rsquo;illusion d&rsquo;une sorte de cr&eacute;ation <i>ex nihilo</i>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La publicit&eacute; n&rsquo;a pourtant pas un tel pouvoir de cr&eacute;ation et cette repr&eacute;sentation de la publicit&eacute; en tant que manipulation efficace tient au fait que nous n&eacute;gligeons toutes les &eacute;tapes qui &eacute;tablissent, avant elle, la s&eacute;lection et l&rsquo;adaptation pertinente de l&rsquo;objet. L&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;un objet sur le march&eacute; est une longue cha&icirc;ne (inventions, s&eacute;lections, &eacute;tudes d&rsquo;usages, de besoins, d&rsquo;images, de processus de fabrication, de prix, de gamme, de nom&hellip;) qui aboutit ou non (il y a des abandons, des reports, des modifications) &agrave; l&rsquo;objet que la publicit&eacute; donne &agrave; voir et que nous pouvons acheter. De sa conception initiale &agrave; sa mise en vente, la construction de l&rsquo;objet est marqu&eacute;e par la circularit&eacute; (cf. Latour, 2001). Une circularit&eacute; dans laquelle de nombreux facteurs interviennent, l&rsquo;un des plus importants &eacute;tant l&rsquo;adaptation &agrave; son destinataire potentiel&nbsp;: l&rsquo;acheteur.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Si l&rsquo;objet arrive jusqu&rsquo;&agrave; une r&eacute;gie publicitaire, c&rsquo;est qu&rsquo;il semble adapt&eacute; et que nombre d&rsquo;acteurs croient (bien avant l&rsquo;action du publicitaire et donc bien avant l&rsquo;acheteur final) qu&rsquo;il est vendable et prennent le risque de le produire.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La publicit&eacute; ne s&rsquo;empare donc pas d&rsquo;un objet primitif ou brut, mais d&rsquo;un objet &eacute;labor&eacute; qui a d&eacute;j&agrave; su convaincre nombre d&rsquo;acteurs&nbsp;: ses inventeurs, ceux qui l&rsquo;ont perfectionn&eacute;, finalis&eacute;, ceux qui ont accept&eacute; de financer les recherches, les usines pour le produire, les cha&icirc;nes pour le distribuer&hellip; Et tous y ont cru (y consacrant beaucoup de temps et d&rsquo;argent) sans aucun recours &agrave; la publicit&eacute;. On a donc ici la preuve que cet objet qui sera bient&ocirc;t pris par la publicit&eacute; a d&eacute;j&agrave; s&eacute;duit nombre d&rsquo;acteurs. Ils ont d&eacute;sir&eacute; cet objet et leurs d&eacute;sirs ne sont en aucun cas des cons&eacute;quences de la publicit&eacute; puisqu&rsquo;&agrave; ce moment aucune publicit&eacute; n&rsquo;a &eacute;t&eacute; faite. C&rsquo;est plut&ocirc;t l&rsquo;inverse&nbsp;: la publicit&eacute; qui vient bien plus tard est la cons&eacute;quence de ces d&eacute;sirs pr&eacute;alables qui se sont objectiv&eacute;s dans la r&eacute;alisation d&rsquo;un objet qui sera plus tard confi&eacute;e &agrave; la publicit&eacute;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Du point de vue du profane, la publicit&eacute; est une &eacute;tape infiniment plus saillante que les pr&eacute;c&eacute;dentes et finalement elle les masque, ce qui conduit &agrave; lui attribuer la r&eacute;ussite commerciale de l&rsquo;objet alors m&ecirc;me que cette r&eacute;ussite repose sur une cha&icirc;ne d&rsquo;&eacute;tapes toutes aussi n&eacute;cessaires les unes que les autres. N&eacute;gligeant ces &eacute;tapes ne voyant que la publicit&eacute; pour l&rsquo;objet, le profane attribue &agrave; la publicit&eacute; une puissance extraordinaire. Avec, l&rsquo;&eacute;limination des &eacute;tapes interm&eacute;diaires, de ces r&eacute;alit&eacute;s concr&egrave;tes de la constitution de l&rsquo;objet donn&eacute; &agrave; voir par la publicit&eacute;, il ne semble exister que l&rsquo;objet brut d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; et l&rsquo;objet d&eacute;sirable de l&rsquo;autre. L&rsquo;ab&icirc;me qui s&eacute;pare l&rsquo;un de l&rsquo;autre semble pouvoir &ecirc;tre combl&eacute;e par la publicit&eacute; qui, &agrave; l&rsquo;instar de la th&eacute;orie de la connaissance d&eacute;nonc&eacute;e par James (1907/1975, p.&nbsp;247-248) fait croire qu&rsquo;elle peut transformer l&rsquo;objet inconnu en objet d&eacute;sirable qu&rsquo;avec sa facult&eacute; de nommer elle donne &agrave; voir &agrave; l&rsquo;objet. </span></span></span></span></p> <p class="Verbatim" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px; margin-right:38px; margin-left:40px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Cambria, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;Les interm&eacute;diaires qui, dans leur particularit&eacute; concr&egrave;te, constituent un pont, se volatilisent dans l&rsquo;id&eacute;alit&eacute;&nbsp;; ne reste plus qu&rsquo;un intervalle vide qu&rsquo;il faut franchir&nbsp;; c&rsquo;est alors que, la relation entre les termes extr&ecirc;mes &eacute;tant devenue saltatoire, la mystification abracadabrante de la <i>erkenntnistheorie</i> [th&eacute;orie de la connaissance] commence et se perp&eacute;tue sans &ecirc;tre plus g&ecirc;n&eacute;e par de nouvelles consid&eacute;rations concr&egrave;tes. L&rsquo;id&eacute;e, au sens o&ugrave; elle &ldquo;signifie&rdquo; un objet s&eacute;par&eacute; d&rsquo;elle-m&ecirc;me par un &ldquo;ab&icirc;me &eacute;pist&eacute;mologique&rdquo;, ex&eacute;cute &agrave; pr&eacute;sent ce que le professeur Ladd appelle un &ldquo;<i>salto mortale&rdquo;</i> [saut de la mort]&nbsp;&raquo; (James, 1907 [1975), p.&nbsp;247-248, cit&eacute; par Latour&nbsp;2001, p.&nbsp;78).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Parfois, mais bien plus rarement, un autre aspect efface tous les autres&nbsp;: le g&eacute;nial cr&eacute;ateur d&rsquo;un produit embl&eacute;matique explique, par sa personnalit&eacute; particuli&egrave;re (g&eacute;nie, cr&eacute;ativit&eacute;, intelligence, travail&hellip;) les qualit&eacute;s du produit et son succ&egrave;s commercial. Par exemple, Steve Jobs, &laquo;&nbsp;homme providentiel&nbsp;&raquo; (Schafer, Le Crosnier, 2012), se voit attribuer tout le m&eacute;rite de l&rsquo;existence et du succ&egrave;s des <i>Ibidules</i> et, l&agrave; encore, les autres &eacute;tapes (les ing&eacute;nieurs, programmeurs, conseillers, fabricants, marketing, communication&hellip;) sont &eacute;limin&eacute;es. Finalement tout se passe comme si une seule cause suffisait et, d&egrave;s lors qu&rsquo;elle est distingu&eacute;e, elle &eacute;limine toutes les autres.</span></span></span></span></p> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Conclusion</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Un tel processus est &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans toutes les situations d&rsquo;influence dans lesquelles nous voyons un processus unique et surpuissant &agrave; la place d&rsquo;une longue cha&icirc;ne de m&eacute;canismes expliquant les conduites. L&rsquo;explication des effets de l&rsquo;influence exige pourtant l&rsquo;introduction, en amont de ces d&eacute;clencheurs, de multiples pr&eacute;alables qui pr&eacute;parent l&rsquo;efficience du symbole d&eacute;clencheur tout en restant invisibles et donc n&eacute;gligeables &agrave; nos yeux. Pour qu&rsquo;un aimant puisse &agrave; une &eacute;poque donn&eacute;e d&eacute;clencher des convulsions ou pour que des passes puissent, dans certains cercles, produire le grand hypnotisme, il faut bien une pr&eacute;paration qui est une acculturation sp&eacute;ciale par laquelle la signification particuli&egrave;re de certains gestes ou mots est int&eacute;rioris&eacute;e par observation directe (ex. observation d&rsquo;hypnotis&eacute;s, participation &agrave; un spectacle sur l&rsquo;hypnose&hellip;) ou indirecte (ex. lectures &agrave; propos des aimants, du magn&eacute;tisme&nbsp;; &eacute;changes avec autrui sur ce th&egrave;me&hellip;). Sans cette acculturation de tous (des sources comme des cibles de l&rsquo;influence), aucun effet ne peut se produire et quand bien m&ecirc;me certains r&eacute;agiraient aux stimuli (symboles, gestes&hellip;), ces r&eacute;actions non pr&eacute;par&eacute;es seraient h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes. Or, il y a peu d&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; (m&ecirc;me si parfois il n&rsquo;y a pas d&rsquo;effet) et on constate g&eacute;n&eacute;ralement des effets syst&eacute;matiques dans une p&eacute;riode sociohistorique donn&eacute;e.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Si on analyse la r&eacute;alisation de conduites d&rsquo;ordre dans une arm&eacute;e, par exemple l&rsquo;ordre donn&eacute; par un capitaine &agrave; ses soldats de faire feu, on ne peut pas ignorer la pr&eacute;paration n&eacute;cessaire &agrave; la r&eacute;alisation de cet ordre. Les soldats parlent la m&ecirc;me langue, ont appris &agrave; reconna&icirc;tre un officier, &agrave; distinguer les ordres possibles, ont &eacute;t&eacute; entra&icirc;n&eacute;s &agrave; r&eacute;agir &agrave; ces ordres&hellip; De son c&ocirc;t&eacute;, l&rsquo;officier a &eacute;t&eacute; form&eacute; pour entrer dans son r&ocirc;le, pour donner tels types d&rsquo;ordres, avec telle posture, tel ton, dans telles circonstances&hellip; lorsque l&rsquo;acculturation des partenaires de l&rsquo;interaction est &eacute;tablie, le geste de l&rsquo;un (sup&eacute;rieur, autorit&eacute;&hellip;) peut efficacement entra&icirc;ner la r&eacute;action de l&rsquo;autre, mais l&rsquo;efficacit&eacute; du geste ne r&eacute;side pas dans le geste lui-m&ecirc;me (ici l&rsquo;ordre), il exige la pr&eacute;paration des uns et des autres &agrave; r&eacute;aliser et &agrave; reconna&icirc;tre le geste et enfin &agrave; savoir comment y r&eacute;agir.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En n&eacute;gligeant cette acculturation, on &eacute;limine une multitude de d&eacute;terminants pour ne conserver que celui qui est rep&eacute;rable, car<i> </i>saillant<i> </i>et ainsi, on fait supporter par ce dernier la r&eacute;alisation de la conduite d&rsquo;ordre ou de suggestion. De la sorte, en n&eacute;gligeant les causes premi&egrave;res, on va par exemple chercher, comme le fait Milgram dans sa th&eacute;orie de la soumission &agrave; l&rsquo;autorit&eacute;, une explication d&eacute;contextualis&eacute;e, anhistorique et individualiste. Il en arrive alors &agrave; supposer l&rsquo;existence d&rsquo;un &eacute;tat agentique dans lequel serait plong&eacute; l&rsquo;individu face &agrave; une autorit&eacute;. Dans cette logique, l&rsquo;ordre de l&rsquo;autorit&eacute; entra&icirc;nerait le surgissement de cet &eacute;tat et ceci est cens&eacute; expliquer que le sujet ob&eacute;isse aveugl&eacute;ment. Ainsi, la conduite est expliqu&eacute;e dans la situation pr&eacute;sente et aucun pr&eacute;alable ne semble n&eacute;cessaire <a href="#_ftn3" name="_ftnref3" style="color:navy; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:200%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></a>. Mais pour cela, Milgram est conduit &agrave; supposer l&rsquo;existence d&rsquo;un &eacute;tat psychologie particulier, une transformation du sujet en agent, en automate. </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Plut&ocirc;t que de voir ce que partagent de mani&egrave;re permanente, par leur acculturation (m&ecirc;me langue, m&ecirc;mes croyances, m&ecirc;me imaginaire, m&ecirc;me but&hellip;), source et cible, autorit&eacute; et soumis, manipulateur et manipul&eacute;, avec une explication magique en termes d&rsquo;influences, on voit ce qui les distingue au moment de l&rsquo;interaction, car c&rsquo;est sur l&rsquo;opposition, le dualisme compl&eacute;mentaire, que reposent ces explications&nbsp;: la source &agrave; des qualit&eacute;s de charisme, d&rsquo;autorit&eacute;, de cr&eacute;dibilit&eacute;&hellip; et la cible est un r&eacute;ceptacle passif de cette puissance. Le choc de la rencontre avec la source se traduit par l&rsquo;ob&eacute;issance, le conformisme, le suivisme&hellip; et celui qui auparavant &eacute;tait un sujet ind&eacute;pendant et autonome bascule dans la passivit&eacute;. La transformation psychologique est spectaculaire, tant dans le changement de psychologie que dans sa rapidit&eacute;. Le r&ocirc;le d&eacute;volu aux concepts d&rsquo;influence ou de manipulations est de fournir une explication &agrave; cette extraordinaire transformation. Ils remplacent, par leur magie, leur myst&egrave;re, leur force&hellip;, cette pr&eacute;paration qui manque pour expliquer raisonnablement la r&eacute;alisation d&rsquo;ordres ou de suggestions. Ces concepts semblent &ecirc;tre les symboles r&eacute;sumant une complexit&eacute;, des symboles qui permettent de localiser en une m&ecirc;me unit&eacute; de temps et de lieu, de m&eacute;canismes diff&eacute;rents qui se trouvent r&eacute;partis en des moments et lieux distincts. &Agrave; l&rsquo;instar du <i>salto mortale </i>de<i> </i></span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">James (1907/1975, p.&nbsp;247-248)</span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, ces processus magiques donnent l&rsquo;illusion de combler le gouffre entre la r&eacute;alit&eacute; et ce qui est per&ccedil;u de mani&egrave;re &agrave; rendre de telles explications plausibles &agrave; nos yeux (de) croyants.</span></span></span></span></p> <h2 align="center" style="text-align:center; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span lang="EN-US" new="" roman="" style="font-family:" times="">Bibliographie</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span lang="EN-US" new="" roman="" style="font-family:" times="">Klapper, J. .T. (1960). <i>The effects of mass communication</i>. Glencoe&nbsp;: Free Press.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span lang="EN-US" new="" roman="" style="font-family:" times="">Bertrand, A. (1823/1826). </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Du magn&eacute;tisme animal en France et des jugements qu&rsquo;en ont port&eacute;s les soci&eacute;t&eacute;s savantes. Consid&eacute;rations sur l&rsquo;apparition de l&rsquo;extase dans les traitements magn&eacute;tiques. Paris&nbsp;: J.B. Bailli&egrave;re.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Delb&oelig;uf, J. (1886). De l&rsquo;influence de l&rsquo;&eacute;ducation et de l&rsquo;imitation dans le somnambulisme provoqu&eacute;, <i>Revue philosophique, XXII</i>, 146-171.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Delb&oelig;uf, J. (1890/1993). Le magn&eacute;tisme animal. A propos d&rsquo;une visite &agrave; l&rsquo;&Eacute;cole de Nancy. Dans <i>Le sommeil et les r&ecirc;ves</i>. Paris&nbsp;: Fayard, 253-401.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ellenberger, H. F. (1994). <i>Histoire de la d&eacute;couverte de l&rsquo;inconscient</i>. </span><span lang="EN-US" new="" roman="" style="font-family:" times="">Paris&nbsp;; Fayard.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span lang="EN-US" new="" roman="" style="font-family:" times="">James, W. (1907/1975). <i>Pragmatism&nbsp;: A New Name for Some Old Ways of Thinking</i>. </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cambridge, Mass. Harvard University Press.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Latour, B. (2001). <i>L&rsquo;espoir de Pandore. Pour une version r&eacute;aliste de l&rsquo;activit&eacute; scientifique</i>. Paris&nbsp;: La d&eacute;couverte.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Laurens, S. (2005). La m&eacute;decine face &agrave; l&rsquo;hypnose. Le congr&egrave;s de 1889, les pr&eacute;misses d&rsquo;un d&eacute;bat actuel&nbsp;? <i>Revue internationale de psychosociologie, XI,</i> N&deg;24, 155-165.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Laurens, S. (2007). Social influence&nbsp;: prototype, imagination and facts,<i> Journal for the Theory of Social Behaviour, 37</i> (4), 401-413.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Laurens, S. (2013). Omnipotents manipulateurs invisibles. Comment les influences cach&eacute;es peuvent tout expliquer, <i>Diog&egrave;ne, 241</i>, 102-114.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Laurens, S. (2014). Les relations d&rsquo;influence et leurs repr&eacute;sentations&nbsp;&raquo;, <i>Revue Europ&eacute;enne des Sciences Sociales, 52 </i>(2), 43-71.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Laurens S. (2018), La r&eacute;ciprocit&eacute; masqu&eacute;e par une domination imaginaire &mdash; 1. Le rapport des commissaires charg&eacute;s par le roi de l&rsquo;examen du magn&eacute;tisme animal de 1784, <i>Cahiers internationaux de psychologie social, 119-120</i>, 3, p.&nbsp;235-252.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Laurens, S., Markova, I. (2011). Influence et dialogisme, <i>Bulletin de psychologie, 64</i> (5), 387-389.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Léonelli, L. (2013). Objets trouvés (4/4)&nbsp;: Baudrillard et le cancer de l&rsquo;objet, Les nouveaux chemins de la connaissance, France Culture, 18/4/2013.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Levi-Strauss, C. (1974). L&rsquo;efficacit&eacute; symbolique. Dans <i>Anthropologie structurale I</i>, Paris, Plon, 213-234.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&eacute;vy-Bruhl, L. (1939). <i>Carnets</i>. Paris&nbsp;: PUF.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Malebranche, N. (1674/1946). <i>De la recherche de la v&eacute;rit&eacute;. </i>Paris Vrin.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Milgram, S. (1974). <i>Soumission &agrave; l&rsquo;autorit&eacute;</i>. </span><span lang="EN-US" new="" roman="" style="font-family:" times="">Paris&nbsp;: Calmann-L&eacute;vy.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span lang="EN-US" new="" roman="" style="font-family:" times="">Moscovici, S. (1979). </span><i><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Psychologie des minorit&eacute;s actives</span></i><span new="" roman="" style="font-family:" times="">. Paris&nbsp;: PUF.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Moscovici, S. (2012). &mdash;&nbsp;<i>Raison et cultures</i>. Paris&nbsp;: EHESS.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Noelle-Neumann, &Eacute;. (1999). L&rsquo;&eacute;tude de l&rsquo;influence des m&eacute;dias &mdash; un drame dans l&rsquo;histoire des sciences, <i>Revue europ&eacute;enne des sciences sociales, XXXVII</i>, 114, 125-138.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Prislin, R., Crano, W. D. (2012). </span><span lang="EN-US" new="" roman="" style="font-family:" times="">A history of social influence resarch&nbsp;&raquo;, dans Kruglanski A. W., Stroebe W., <i>Handbook of the history of social psychology</i>. </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">New-York Psychology Press, 321-339.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Puys&eacute;gur, A. M. J. (1784/1809).&ndash; <i>M&eacute;moire pour servir &agrave; l&rsquo;histoire et &agrave; l&rsquo;&eacute;tablissement du magn&eacute;tisme animal</i>, 2<sup>e</sup> &eacute;dition. Paris&nbsp;: Cellot.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Puys&eacute;gur, A. M. J., (1812/1999). Les fous, les insens&eacute;s, les maniaques et les fr&eacute;n&eacute;tiques ne seraient-ils que des somnambules d&eacute;sordonn&eacute;s ? Dans, <i>Un somnambule d&eacute;sordonn&eacute;</i>. Paris&nbsp;: Les emp&ecirc;cheurs de penser en rond.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Rapport des commissaires charg&eacute;s par le roi de l&rsquo;examen du magn&eacute;tisme animal (1784/1826). Imprim&eacute; par ordre du roi, Paris, Chez les Marchands de Nouveaut&eacute;s, In Alexandre Bertrand, <i>Du magn&eacute;tisme animal en France et des jugements qu&rsquo;en ont port&eacute;s les soci&eacute;t&eacute;s savantes. Consid&eacute;rations sur l&rsquo;apparition de l&rsquo;extase dans les traitements magn&eacute;tiques.</i> Paris&nbsp;: J.B. Bailli&egrave;re, Note&nbsp;3, 482-510.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:200%"><span style="font-family:Times, serif"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Schafer, V., Le Crosnier, H. (2012). </span><span lang="EN-US" new="" roman="" style="font-family:" times="">Steve Jobs, Dennis Ritchie et John McCarthy, <i>Herm&egrave;s, 62,</i> 1, 179-184</span></span></span></span></p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" style="color:navy; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:200%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></a>. Nous pouvons constat&eacute; qu&rsquo;il est souvent tr&egrave;s compliqu&eacute; d&rsquo;avoir un effet sur autrui, de faire changer un personne, de la convaincre, et ceci m&ecirc;me lorsqu&rsquo;il est proche, que nous pouvons l&rsquo;influencer souvent, que nous avons de bons arguments et qu&rsquo;il n&rsquo;en a pas ou peu&hellip;</span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Mis &agrave; part quelques rares exceptions (exp&eacute;riences de Milgram), les exp&eacute;riences montrent ces difficult&eacute;s d&rsquo;exercer une influence en r&eacute;v&eacute;lant, de tr&egrave;s faibles effets, rarement durables. Et d&egrave;s lors qu&rsquo;on sort du domaine exp&eacute;rimental (qui permet d&rsquo;isoler et de distinguer d&rsquo;infimes variations), il devient alors impossible de trouver des effets spectaculaires. Comme l&rsquo;indique le nom m&ecirc;me de la th&eacute;orie de Larzarslfeld, on n&rsquo;observe que des <i>effets limit&eacute;s</i>, lorsqu&rsquo;on observe quelque chose plut&ocirc;t que rien.</span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Comme le rapporte Noelle-Neumann (1999, p. 126), &laquo;&nbsp;Hovland &eacute;tait frapp&eacute; par le fait que les r&eacute;sultats de l&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;influence r&eacute;alis&eacute;e en laboratoire divergeraient nettement de ceux des enqu&ecirc;tes r&eacute;alis&eacute;es sur le terrain. Au cours des exp&eacute;riences contr&ocirc;l&eacute;es en laboratoire, on a souvent constat&eacute; des effets dramatiques, des variations d&rsquo;attitudes, que l&rsquo;on ne retrouvait pas lors des sondages d&rsquo;opinion, au cours desquels la population &eacute;tait interrog&eacute;e dans les conditions de vie quotidienne. En r&egrave;gle g&eacute;n&eacute;rale, on ne constatait lors de l&rsquo;enqu&ecirc;te sur le terrain que des effets des m&eacute;dias extr&ecirc;mement peu importants.&nbsp;&raquo; Dans cet esprit, Berelson pr&eacute;sentait ainsi les r&eacute;sultats des recherches importantes men&eacute;es dans les ann&eacute;es cinquante sur la communication et la propagande&nbsp;: &laquo;&nbsp;certains types de communication sur certains types de questions, port&eacute;es &agrave; l&#39;attention de certaines personnes, dans certains types de conditions, ont certains types d&#39;effets&nbsp;&raquo; (Berelson, 1948, cit&eacute; dans Klapper, 1960, p. 4).</span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" style="color:navy; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:200%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></a>. Elle est souvent le fait de la d&eacute;couverte d&rsquo;un effet inattendu trop rapidement interpr&eacute;t&eacute; en rapport de cause &agrave; effet. Se trompant de cause, l&rsquo;observateur, premier croyant, vient ensuite confirmer sans cesse son erreur d&rsquo;attribution. Croyant tenir une d&eacute;couverte, il reproduit l&rsquo;effet, convertissant en cha&icirc;ne ceux sur lesquels il agit et ceux qui observent le fait accompagn&eacute; de son interpr&eacute;tation erron&eacute;e. Concernant de telles d&eacute;couvertes et leurs diffusion, on peut se reporter &agrave; l&rsquo;analyse des exorcismes de Gassner, ou au magn&eacute;tisme de Mesmer (Ellenberger, 1994, p. 87-95), au somnambulisme de Puys&eacute;gur (Bertrand, 1823), aux 3 &eacute;tats de l&rsquo;hypnose et de Charcot (Delboeuf, 1886, 1890)&hellip;</span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le sp&eacute;cialiste de l&rsquo;influence assure la propagande en mettant en sc&egrave;ne les effets. Bient&ocirc;t imit&eacute;, une caste de sp&eacute;cialistes appara&icirc;t&nbsp;: ceux qui ma&icirc;trisent l&rsquo;usage de ces symboles, et qui, selon les p&eacute;riodes, prennent la forme d&rsquo;exorcistes, de magn&eacute;tiseurs, d&rsquo;hypnotiseurs, de manipulateurs&hellip;, mais plut&ocirc;t que des savants, ils sont les premiers dupes de cette croyance qui les mystifie avant qu&rsquo;ils ne mystifient autrui. C&rsquo;est &agrave; ce type de conclusion qu&rsquo;arriva Delb&oelig;uf pour ce qui concerne le grand hypnotisme de Charcot&nbsp;: &laquo;&nbsp;sans doute il y a une action ind&eacute;niable de l&rsquo;hypnotiseur sur l&rsquo;hypnotis&eacute; &ndash; tel ma&icirc;tre, tel disciple. Mais les sujets eux-m&ecirc;mes, le premier en date principalement, fa&ccedil;onnent, si je puis ainsi parler, celui qui les manie, et lui commandent, &agrave; son insu, sa m&eacute;thode et ses man&oelig;uvres. De sorte que, retournant le proverbe, on pourrait dire&nbsp;: tel disciple, tel ma&icirc;tre. Cette action du premier disciple sur le ma&icirc;tre se reporte alors, par son interm&eacute;diaire, sur les autres disciples qui adoptent ses allures, et ainsi se cr&eacute;ent des &eacute;coles qui ont le monopole de ph&eacute;nom&egrave;nes sp&eacute;ciaux.&nbsp;&raquo; (Delb&oelig;uf, 1886, p. 149</span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" style="color:navy; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:200%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></a>. Nombre de th&eacute;ories de l&rsquo;hypnose soutinrent, notamment &agrave; la suite de Braid, des th&egrave;ses similaires&nbsp;: une stimulus particulier pourrait d&eacute;clencher un &eacute;tat nerveux sp&eacute;cifique (hypnose) dans lequel les suggestions se r&eacute;aliseraient automatiquement, sans contr&ocirc;le.</span></span></p> </div> </div> <p class="MsoNoSpacing">&nbsp;</p>