<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><strong>DOSSIER : PROPAGANDES ET MANIPULATIONS</strong></p> <h2 class="Default" style="font-style:italic;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><b><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Introduction</span></span></b></span></span></span></h2> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette expression &eacute;merge dans les discours politiques et les recommandations sanitaires &agrave; l&#39;occasion de l&#39;apparition du coronavirus (Covid-19), tout particuli&egrave;rement dans le rapport de l&rsquo;Imperial College dirig&eacute; par l&rsquo;&eacute;pid&eacute;miologiste Neil Ferguson<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></a>. Cette distanciation comporte de tr&egrave;s nombreux dispositifs d&rsquo;&eacute;loignement physique par des distances minimales, des modifications des conditions de travail incitant &agrave; demeurer &agrave; son domicile, des recommandations touchant &agrave; la vie priv&eacute;e en mati&egrave;re de proximit&eacute; et de nombre, de r&eacute;organisation de l&#39;enseignement des plus petits jusqu&rsquo;aux &eacute;tudiants en privil&eacute;giant l&rsquo;enseignement &agrave; distance pour les plus grands sans oublier l&rsquo;interdiction ou la limitation des &eacute;v&eacute;nements sociaux&nbsp;: diners, d&eacute;jeuners, r&eacute;unions syndicales, rassemblements politiques, &eacute;v&eacute;nements sportifs, culturels, partisans, philanthropiques ou cultuels sans oublier quelques autres actions d&rsquo;hygi&egrave;nes &eacute;l&eacute;mentaires (lavement des mains) et gestes barri&egrave;res (masques et absence de contact physique dont serrer la main ou embrasser). Bref, la distanciation sociale a eu pour effet de r&eacute;duire massivement les expressions de convivialit&eacute; humaine en nombre et en nature, au profit de quelques relations le plus souvent interm&eacute;di&eacute;es, gr&acirc;ce aux nouvelles technologies de commerce et de communication, tout en cantonnant le plus possible chacun chez soi.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Que le lecteur ne se m&eacute;prenne pas, cet article n&#39;a pas pour objectif de s&#39;interroger sur les motivations sanitaires, mais bien sur les cons&eacute;quences psychologiques et sociales pr&eacute;visibles d&rsquo;une mise en &oelig;uvre de ce concept de distanciation sociale. &nbsp;Cet article s&rsquo;interroge sur son impact pr&eacute;visible. En effet, les sciences humaines ne sont pas d&eacute;nu&eacute;es de ressources, du fait de tr&egrave;s nombreux travaux qui ont conduit &agrave; quelques th&eacute;ories apr&egrave;s des d&eacute;cennies de recherche et d&rsquo;exp&eacute;riences. Parce que la motivation sanitaire n&rsquo;&eacute;puise pas le sens de cette distanciation, il existe d&rsquo;autres dimensions &eacute;clairant son bien-fond&eacute; plus g&eacute;n&eacute;ral.&nbsp; Des signaux d&rsquo;alerte laissent &agrave; penser que les soci&eacute;t&eacute;s occidentales prennent sous nos yeux le risque d&rsquo;un effondrement, car il s&rsquo;agit peut-&ecirc;tre bien l&agrave; d&rsquo;une strat&eacute;gie fatale <a href="#_ftn2" name="_ftnref2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></a>. Ce sera notre hypoth&egrave;se, car &laquo;&nbsp;<i>prendre sa distance d&rsquo;avec le social</i>&nbsp;&raquo; laisse supposer que l&rsquo;individu est implicitement invit&eacute; ou contraint &agrave; un isolement-esseulement croissant et &agrave; des relations globalement interm&eacute;di&eacute;es. Qu&rsquo;est-ce que cela peut induire dans la dur&eacute;e que d&rsquo;inviter chacun &agrave; s&rsquo;exclure du social&nbsp;pour une soci&eacute;t&eacute; des individus ? </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nous proc&eacute;derons en deux parties, en commen&ccedil;ant par l&#39;analyse du risque pris en mati&egrave;re de distanciation sociale au regard de la th&eacute;orie de l&#39;apprentissage social et du principe de vicariance expos&eacute; par Alberto Bandura. Nous continuerons par l&#39;analyse du comportement des &eacute;lites si brillamment d&eacute;crit par le sociologue Christopher Lasch. Ces deux regards nous permettront de d&eacute;gager une lecture plus compl&egrave;te de cette expression quelque peu obscure&nbsp;: la distanciation sociale. Nous l&rsquo;examinerons donc au regard de ces sp&eacute;cialistes de disciplines qui ont leur l&eacute;gitimit&eacute; propre&nbsp;: la psychologie et la sociologie. Nous nous appliquons de ce fait le principe &eacute;pist&eacute;mologique de la compl&eacute;mentarit&eacute; des disciplines dont la multiplication des perspectives d&eacute;veloppe une plus grande intelligence commune des &eacute;v&eacute;nements et des mani&egrave;res d&#39;agir raisonnablement. Cette vue plus syst&eacute;mique serait &agrave; enrichir par d&rsquo;autres, d&rsquo;une autre analyse plus &eacute;conomique par exemple.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Concernant le caract&egrave;re obscur de l&rsquo;expression, notons tout de suite que l&rsquo;Acad&eacute;mie fran&ccedil;aise pr&eacute;cise le 7 mai 2020, que le terme est assez polys&eacute;mique avec une extension de sens abusive aujourd&rsquo;hui&nbsp;:&nbsp;&laquo; <i>L&rsquo;expression&nbsp;distanciation sociale&nbsp;est une transcription de l&rsquo;anglais&nbsp;social distancing&nbsp;; elle est assez peu heureuse, et ce, d&rsquo;autant moins que ce syntagme existait d&eacute;j&agrave; avec un tout autre sens. On le trouve en effet dans&nbsp;Loisir et culture,&nbsp;un ouvrage, paru en 1966, des sociologues Joffre Dumazedier et Aline Ripert ; on y lit : &laquo; Vivons-nous la fin de la &ldquo;distanciation&rdquo; sociale du si&egrave;cle dernier ? Les ph&eacute;nom&egrave;nes de totale s&eacute;gr&eacute;gation culturelle tels que Zola pouvait encore les observer dans les mines ou les caf&eacute;s sont en voie de disparition. &raquo;&nbsp;Distanciation,&nbsp;que les auteurs prennent soin de mettre entre guillemets, d&eacute;signe le refus de se m&ecirc;ler &agrave; d&rsquo;autres classes sociales. On suppose pourtant que ce n&rsquo;est pas le sens que l&rsquo;on veut donner aujourd&rsquo;hui &agrave; ce nom.&nbsp;Distanciation&nbsp;a aussi connu une heure de gloire gr&acirc;ce au th&eacute;&acirc;tre brechtien, mais m&ecirc;me s&rsquo;il s&rsquo;agit, comme on le lit dans notre&nbsp;Dictionnaire,&nbsp;pour le spectateur, de donner&nbsp;&laquo; priorit&eacute; au message social ou politique que l&rsquo;auteur a voulu d&eacute;livrer &raquo;, il est difficile de croire que ce soit le sens de la &laquo; distanciation sociale &raquo; dont on nous parle aujourd&rsquo;hui. Peut-&ecirc;tre aurait-on pu parler de&nbsp;&laquo; respect&nbsp;des distances de&nbsp;s&eacute;curit&eacute; &raquo;,&nbsp;de &laquo; distance physique &raquo; ou de &laquo; mise en place de distances de s&eacute;curit&eacute; &raquo;, comme cela se fait dans d&rsquo;autres domaines ?</i>&nbsp;&raquo;. Mais est-ce une erreur comme le laisse &agrave; penser l&rsquo;Acad&eacute;mie ou l&rsquo;expression d&rsquo;une volont&eacute; d&rsquo;instaurer une distanciation d&rsquo;avec le social&nbsp;?</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces sujets sont trop vastes pour ne pas mettre &agrave; disposition du lecteur des notes circonstanci&eacute;es qui renvoient &agrave; des chercheurs, des &eacute;tudes, des disciplines qu&rsquo;il faut avoir la volont&eacute; d&rsquo;&eacute;tudier pour les prendre en compte, car aucune connaissance collective ne peut se construire sans cette attention port&eacute;e aux travaux des autres. Le lecteur en fera bon usage &agrave; sa convenance.</span></span></span></span></span></p> <h2 class="Default" style="font-style:italic;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><b><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1. L&rsquo;apprentissage social et le principe de vicariance d&rsquo;Alberto Bandura</span></span></b></span></span></span></h2> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le c&eacute;l&egrave;bre psychologue canadien a consacr&eacute; sa vie &agrave; l&rsquo;apprentissage social <a href="#_ftn3" name="_ftnref3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></a>, &agrave; ce modelage social s&rsquo;appuyant sur l&rsquo;attention, la m&eacute;morisation, la reproduction et la motivation. Nous lui devons l&rsquo;&eacute;tude de cet apprentissage o&ugrave; interviennent trois dimensions&nbsp;: la vicariance, les symboles et l&rsquo;agentivit&eacute;. Nous lui devons aussi sa th&eacute;orie socio-cognitive au travers de la r&eacute;ciprocit&eacute; causale triadique et ses derniers travaux sur le sentiment d&rsquo;efficacit&eacute; personnelle. Toute cette &oelig;uvre t&eacute;moigne de la pr&eacute;gnance des relations sociales dans l&rsquo;acquisition et le d&eacute;veloppement des comportements et comp&eacute;tences. Trois aspects de ses travaux retiennent notre attention dans le but de montrer en quoi la distanciation sociale viendrait alt&eacute;rer ces modalit&eacute;s d&rsquo;apprentissages sociaux, sans les remplacer. Voyons cela en trois sections&nbsp;: 1) la <i>vicariance</i>, 2) les <i>facettes du modelage social</i>, 3) les <i>sources du sentiment d&rsquo;efficacit&eacute;</i>. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1.1.) la <i>vicariance</i> a fait l&rsquo;objet d&rsquo;un travail tr&egrave;s pr&eacute;cieux de la part de quelques &eacute;minents psychologues. Lev Vygotski tout d&rsquo;abord, Alberto Bandura bien s&ucirc;r et Maurice Reuchlin<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[4]</span></span></span></span></span></a> en France. Dans l&rsquo;optique de notre article, ces travaux sur la vicariance tendent &agrave; d&eacute;montrer l&rsquo;importance de l&rsquo;interaction sociale dans l&rsquo;apprentissage et le d&eacute;veloppement. Les comportements sont appris par l&rsquo;observation puis leur reproduction. Observer, reproduire, observer de nouveau, parfaire son acte par une imitation partielle et appropri&eacute;e, voil&agrave; bien un apprentissage qui suppose la relation &agrave; autrui, la consid&eacute;ration ou l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t &agrave; l&rsquo;imiter par filiation, affection ou d&eacute;sir aux motifs d&rsquo;une satisfaction escompt&eacute;e incluant une estime de soi &agrave; faire comme. Bandura tient aussi compte d&rsquo;une vicariance possiblement m&eacute;diatis&eacute;e o&ugrave; les mod&egrave;les peuvent certes provenir du milieu familial et scolaire ou du travail mais aussi de ces symboles pr&eacute;sent&eacute;s par la t&eacute;l&eacute;vision, le cin&eacute;ma, le th&eacute;&acirc;tre, les sportifs, etc. sans jamais oublier l&rsquo;effet social d&rsquo;une inspiration qui est connue de son groupe et au sein duquel il y a estime et reconnaissance &agrave; vouloir faire comme. &Ecirc;tre en position de vicaire observant pr&eacute;cautionneusement pour refaire et suppl&eacute;er suppose bien d&rsquo;avoir une relation motiv&eacute;e &agrave; ce mod&egrave;le dans ses gestes dans la personne qui inspire. &nbsp;A cet &eacute;gard, nous devons &agrave; Maurice Reuchlin d&rsquo;avoir &eacute;tudi&eacute; la vicariance dans l&rsquo;apprentissage scolaire pour en d&eacute;gager les cl&eacute;s du succ&egrave;s ou les raisons des &eacute;checs, attestant de l&rsquo;importance d&rsquo;un premier temps construit d&rsquo;observation attentive. Sans observation, pas d&rsquo;apprentissage.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La vicariance &eacute;merge sous r&eacute;serve des d&eacute;sirs inh&eacute;rents &agrave; cette satisfaction d&rsquo;imiter ou de s&rsquo;inspirer. Faut-il un d&eacute;sir d&rsquo;apprendre d&rsquo;autrui, de faire comme l&rsquo;autre, de prendre exemple de ses gestes et attitudes ou de ce qu&rsquo;il dit en lui pr&ecirc;tant un prestige, une confiance, une reconnaissance qui deviendront reconnaissance de soi &agrave; savoir faire, &agrave; l&rsquo;instar de celui qui est imit&eacute;&nbsp;? L&rsquo;imitation du ma&icirc;tre ou du camarade turbulent, pour le meilleur ou pour le pire, tient bien &agrave; cette r&eacute;putation en vertu de crit&egrave;res d&rsquo;appr&eacute;ciations : obtention d&rsquo;un r&eacute;sultat, plaisir de faire ou de savoir, m&eacute;rite &agrave; imiter celui qu&rsquo;on admire, reconnaissance ult&eacute;rieure de ses pairs, volont&eacute; de ressembler, etc. L&rsquo;apprentissage requiert donc un environnement social d&rsquo;une tr&egrave;s grande complexit&eacute; dans lequel se joue ces multiples interactions &agrave; l&rsquo;instar de la vicariance interne observ&eacute;e par les physiologues. C&rsquo;est en cela que les travaux de Vygotski sont aussi &eacute;clairants. Outre un d&eacute;veloppement organique, il y a une part sociale &agrave; tout apprentissage qui requiert des stimulations, soit ces interactions &eacute;motionnelles et des communications symboliques, soit des lieux et des temps sociaux o&ugrave; l&rsquo;activit&eacute; collective produit les conditions de l&rsquo;apprentissage, m&ecirc;me si des activit&eacute;s individuelles viennent renforcer par int&eacute;riorisation les comportements ou connaissances en jeu. &nbsp;Cette &laquo;&nbsp;<i>construction sociale par observation</i>&nbsp;&raquo; <a href="#_ftn5" name="_ftnref5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[5]</span></span></span></span></span></a> induit des ajustements dans les repr&eacute;sentations et les pratiques imitatives. La vicariance op&egrave;re donc &agrave; la condition qu&rsquo;il y ait des personnes &agrave; observer, en ayant aussi une repr&eacute;sentation de la signification de leurs comportements et des actes dont l&rsquo;imitation sera valoris&eacute;e. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il ressort de ce premier aper&ccedil;u de la vicariance qu&rsquo;elle n&eacute;cessite des liens sociaux indispensables &agrave; l&rsquo;apprentissage <a href="#_ftn6" name="_ftnref6" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[6]</span></span></span></span></span></a>. C&rsquo;est pourquoi, d&egrave;s lors qu&rsquo;elle met en soup&ccedil;on ces liens sociaux, la distanciation sociale expose &agrave; une alt&eacute;ration de ces apprentissages sociaux. Approfondissons la vicariance et les facettes du modelage social pour v&eacute;rifier cette hypoth&egrave;se. Elle est fondamentalement sociale <a href="#_ftn7" name="_ftnref7" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[7]</span></span></span></span></span></a>.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1.2.) les <i>facettes du modelage social</i>, </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces quatre facettes sont d&eacute;crites par Bandura et permettent de voir ce qui est en jeu dans la distanciation sociale puisqu&rsquo;elle perturbe ou interm&eacute;die ces relations sociales &agrave; la base des apprentissages&nbsp;: a) l&rsquo;<i>attention</i>, b) la <i>m&eacute;morisation</i>, c) la <i>reproduction</i>, d)<i> </i>la <i>motivation</i>.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">a) l&rsquo;<i>attention</i> d&eacute;termine la qualit&eacute; de l&rsquo;observation, cette perception des gestes, des attitudes, des &eacute;l&eacute;ments de langage, soit l&rsquo;ensemble du mat&eacute;riau &agrave; observer qu&rsquo;il s&rsquo;agit ensuite de reproduire. Observer, c&rsquo;est examiner, explorer, regarder, percevoir par ses sens et des actes cognitifs d&rsquo;identification, de d&eacute;composition o&ugrave; l&rsquo;observateur est tr&egrave;s actif pour se concentrer sur les &eacute;l&eacute;ments &agrave; reproduire. L&rsquo;observation est s&eacute;lective pour retenir ce qui est &agrave; imiter. Et cette attention est-elle imm&eacute;diate&nbsp;? Est-elle sugg&eacute;r&eacute;e&nbsp;? Rel&egrave;ve-t-elle d&rsquo;une consigne pr&eacute;alable et d&rsquo;une pr&eacute;disposition voire d&rsquo;une mentalisation et d&rsquo;une pr&eacute;paration &agrave; cet art de l&rsquo;observation engag&eacute;e dans une compr&eacute;hension des mani&egrave;res de faire, dans une pr&eacute;caution &agrave; voir, entendre, saisir ce qui est dit et fait. L&rsquo;attention se d&eacute;veloppe aussi dans un mouvement incessant qui l&rsquo;accompagne entre geste et langage par exemple, le second commentant le premier, le premier motivant le second pour accroitre l&rsquo;attention de l&rsquo;observateur. Et selon les choses en jeu, cette attention requiert un champ exp&eacute;rimental v&eacute;ritable, celui du lieu, de la sc&egrave;ne de vie, de la simulation, des gestes en situation avec les mat&eacute;riels, les circonstances, le d&eacute;roul&eacute; des &eacute;v&eacute;nements, etc. qui participent de leur manifestation. &nbsp;&nbsp;</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">b) la <i>m&eacute;morisation</i> est une condition indispensable &agrave; une capacit&eacute; de r&eacute;p&eacute;tition des gestes et des propos en ayant bien pris soin dans l&#39;observation de rep&eacute;rer ce qu&#39;il convient de reproduire, retenant l&#39;encha&icirc;nement des gestes, les caract&eacute;ristiques des attitudes, les termes et les intonations d&#39;un propos, etc. Il y a l&agrave; une op&eacute;ration de m&eacute;morisation visuelle et auditive a minima qui rend possible la tentative de reproduction. Les physiologues parlent aussi de la m&eacute;moire des muscles dans une anticipation des mouvements &agrave; reproduire, par une simulation mentale o&ugrave; s&rsquo;active d&eacute;j&agrave; le corps qui m&eacute;morise. Cette m&eacute;morisation ne s&rsquo;accomplit pas dans la passivit&eacute; mais bien dans une relation entre l&rsquo;observateur et l&rsquo;observ&eacute;, l&rsquo;un visant l&rsquo;apprentissage de l&rsquo;autre, celui-l&agrave; intervenant, selon les cas de vicariance, pour soutenir sa propre m&eacute;morisation&nbsp;: interpellation, demande de r&eacute;p&eacute;tition, soit des &eacute;changes avec l&rsquo;observ&eacute; qui est aussi au service de son apprenti. Tous les apprentissages de gestes sociaux o&ugrave; les actions professionnelles supposent cette m&eacute;morisation avec sa part physiologique et sociale. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">c) la <i>reproduction </i>consiste &agrave; passer &agrave; l&#39;acte &agrave; partir des repr&eacute;sentations symboliques pour faire comme il a &eacute;t&eacute; observ&eacute; et m&eacute;moris&eacute;. Cette premi&egrave;re performance va bien &eacute;videmment buter sur des d&eacute;ficits de mise en &oelig;uvre li&eacute;s &agrave; une observation d&eacute;ficiente ou &agrave; une m&eacute;morisation incompl&egrave;te. Ce succ&egrave;s relatif incite la personne &agrave; renouveler son observation pour venir combler ces &eacute;carts, ayant elle-m&ecirc;me constat&eacute; sa capacit&eacute; &agrave; faire en partie, sans pour autant parvenir &agrave; une pleine r&eacute;alisation, &agrave; l&#39;identique du mod&egrave;le qu&#39;elle souhaite reproduire. Cette reproduction encourage donc une ultime &eacute;tape de motivation et de renforcement o&ugrave; la personne pers&eacute;v&egrave;re dans son apprentissage vicariant par le renouvellement de phase d&#39;observation en vue d&#39;une m&eacute;morisation toujours plus satisfaisante.&nbsp; </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">d)<i> </i>la <i>motivation</i> est selon Bandura de plusieurs types, puisqu&#39;elle peut provenir de la personne motiv&eacute;e &agrave; parfaire son action, comme cette motivation peut &ecirc;tre entretenue socialement par un agent f&eacute;licitant et r&eacute;compensant l&rsquo;imitateur sans oublier le dernier type, sous la forme de punition ou de sanction. L&#39;ensemble de ces interactions sociales constituent des motivations positives et n&eacute;gatives &agrave; reproduire le mod&egrave;le le plus parfaitement possible en vue d&rsquo;une satisfaction personnelle ou sociale. Intrins&egrave;que ou extrins&egrave;que, elle est aussi apprise et le fruit d&rsquo;un d&eacute;sir d&rsquo;aller &agrave; la rencontre des pratiques de l&rsquo;autre, auquel des m&eacute;rites sont attribu&eacute;s, pour d&eacute;sirer les reproduire. Et ces d&eacute;sirs sociaux n&rsquo;ont-ils pas leurs raisons sociales&nbsp;: fiert&eacute; d&rsquo;appartenance au groupe, initiation et reconnaissance sociale, aspiration &agrave; des excellences m&eacute;ritoires, ressemblances et projection de soi dans un autre d&eacute;sirable. Cette d&eacute;sirabilit&eacute; sociale est une des raisons de la vicariance, soit la valeur de l&rsquo;imitation et appropriation qui fait devenir semblable &agrave; celui que l&rsquo;on souhaite imiter. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En synth&egrave;se, ces facettes du modelage social t&eacute;moignent de l&#39;influence du mod&egrave;le sur l&#39;observateur. Mais cette interaction sociale n&#39;est pas &agrave; sens unique puisqu&#39;elle influence celui qui se sait &ecirc;tre le mod&egrave;le observ&eacute;. Cela conduit &agrave; de multiples traits dont par exemple&nbsp;: &agrave; forcer certains gestes pour en induire une meilleure m&eacute;morisation, &agrave; ex&eacute;cuter plus lentement que d&#39;ordinaire pour favoriser une observation active, &agrave; th&eacute;&acirc;traliser au-del&agrave; de l&#39;ordinaire se sentant valoris&eacute; par ce statut de mod&egrave;le observ&eacute; par un apprenti, etc. Cette interf&eacute;rence qui peut devenir complicit&eacute; entre l&rsquo;observateur et l&rsquo;observ&eacute; d&eacute;veloppe donc une attention r&eacute;ciproque o&ugrave; celui qui fait s&rsquo;oblige &agrave; repenser ses gestes dans le but de les rendre vicariants, c&rsquo;est-&agrave;-dire observables et m&eacute;morisables en vue de leur reproduction. La relation vicariante renvoie alors &agrave; d&rsquo;autres analyses psychologiques, sociologiques voire psychanalytiques sur le d&eacute;sir d&rsquo;&ecirc;tre l&rsquo;autre, le d&eacute;sir de se faire autre, le plaisir du d&eacute;doublement, la transmission historique et la transcendance d&rsquo;&ecirc;tre les modestes reproducteurs d&rsquo;un mod&egrave;le-r&egrave;gle &eacute;ternel ou universel, voire l&rsquo;initiation &agrave; &ecirc;tre membre d&rsquo;un collectif ma&icirc;tre de ses savoirs et gestes, dans des relations verticales d&rsquo;apprentissages sociaux institutionnalis&eacute;s&nbsp;; mais aussi dans des relations horizontales de vicariances au sein d&rsquo;un groupe, etc. Pour terminer, Bandura analyse le sentiment d&rsquo;efficacit&eacute;, compl&eacute;tant cette vue sociale de l&rsquo;apprentissage.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1.3.) les <i>sources du sentiment d&rsquo;efficacit&eacute;</i>.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces derniers travaux sur l&rsquo;efficacit&eacute; personnelle soulignent l&rsquo;importance de plusieurs aspects sociaux. Et ceux-ci tendent aussi &agrave; montrer que la distanciation sociale &eacute;loigne de ces conditions de l&rsquo;efficacit&eacute; personnelle. Quand Bandura expose l&rsquo;exp&eacute;rience active de la ma&icirc;trise comme source de ce sentiment, la ma&icirc;trise est apprise, elle est conditionn&eacute;e, elle r&eacute;sulte d&rsquo;un apprentissage social qui configure &agrave; ce d&eacute;sir d&rsquo;obtenir un r&eacute;sultat dans l&rsquo;action <a href="#_ftn8" name="_ftnref8" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[8]</span></span></span></span></span></a>. La t&acirc;che est une performance et sa r&eacute;ussite vient renforcer cette croyance en son efficacit&eacute;. Le &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai r&eacute;ussi&nbsp;&raquo; est le meilleur t&eacute;moignage et encouragement renfor&ccedil;ant ce sentiment d&rsquo;&ecirc;tre efficace. Mais comment celui-ci peut perdurer sans aucune motivation exog&egrave;ne &agrave; pouvoir informer autrui de cette performance&nbsp;? Comment ne pas n&eacute;gliger sa performance si jamais aucune relation sociale ne vient donner cr&eacute;dit &agrave; ce r&eacute;sultat&nbsp;? Commet imaginer que la personne isol&eacute;e puisse maintenir ind&eacute;finiment cette exigence d&rsquo;une t&acirc;che accomplie dans un but avec un souci d&rsquo;efficacit&eacute;&nbsp;? La distanciation sociale vient alt&eacute;rer cette &eacute;valuation int&eacute;rieure dont les ressorts tiennent pour une bonne part &agrave; un apprentissage devant t&eacute;moin. L&rsquo;efficacit&eacute; est aussi un construit social dont les crit&egrave;res r&eacute;sultent eux-m&ecirc;mes d&rsquo;un apprentissage &agrave; vouloir faire, &agrave; vouloir se conformer, &agrave; souhaiter r&eacute;ussir, &agrave; &ecirc;tre digne du regard de l&rsquo;autre, etc. L&rsquo;efficacit&eacute; est dans le jugement de l&rsquo;autre ou dans le regard que l&rsquo;on porte sur son action eu &eacute;gard &agrave; une exigence pour grande partie apprise.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce sentiment tient pour beaucoup selon Bandura &agrave; la persuasion verbale. L&rsquo;interaction langagi&egrave;re pleine de proc&eacute;d&eacute;s d&rsquo;influence&nbsp;: conseils, questions, interpellations, suggestions, propositions, alertes, avertissements expriment une relation psychologique et sociale intense entre des personnes. L&rsquo;interaction sociale engage l&rsquo;<i>ethos</i>, le <i>pathos</i> et le <i>logos</i>, c&rsquo;est-&agrave;-dire une relation humaine int&eacute;grale o&ugrave; les croyances en son efficacit&eacute; proc&egrave;de de l&rsquo;&eacute;nergie mise par un tiers. Celui-ci investit affectivement, physiquement, &eacute;motionnellement en proximit&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;interaction kinesth&eacute;sique, des gestes de soutien et des manifestations corporelles expressives qui impactent l&rsquo;autre. L&rsquo;efficacit&eacute; personnelle n&rsquo;est donc pas le r&eacute;sultat d&rsquo;un processus individuel et d&eacute;sincarn&eacute; de tout contact. Il r&eacute;sulte bien d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne social av&eacute;r&eacute; pour lequel la distanciation sociale agit n&eacute;gativement.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Enfin, Bandura mentionne les &eacute;tats physiologiques et &eacute;motionnels personnels qui vont de l&rsquo;aversion au risque faisant craindre l&rsquo;&eacute;chec jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute;, &agrave; l&rsquo;enthousiasme positif motivant de nouveaux passages &agrave; l&rsquo;acte. La persistance dans l&rsquo;action, le prolongement de l&rsquo;effort qui a un co&ucirc;t cognitif r&eacute;sulte d&rsquo;une croyance personnelle en sa capacit&eacute; d&rsquo;atteindre l&rsquo;objectif, soit d&rsquo;agir et de r&eacute;ussir. Cette conviction est &agrave; la base de la r&eacute;it&eacute;ration des actions. Faire, essayer, refaire, parfaire, etc. Tout cela peut-il perdurer en dehors d&rsquo;une pr&eacute;sence humaine&nbsp;? Certains vont dire que oui. Beaucoup vont, &agrave; la suite de Bandura, signaler que l&rsquo;isolement, l&rsquo;esseulement ne sont pas des facteurs propices mais bien plut&ocirc;t des risques&nbsp;: ennuis, pertes de motivation, d&eacute;pressions, interm&eacute;diations factices, lassitudes, etc. M&ecirc;me les grands scientifiques participant &agrave; leurs colloques t&eacute;moignent de la valeur inestimable de ces conversations, de ces temps impr&eacute;vus, de ces accidents de discussion, de ces opportunit&eacute;s d&rsquo;&eacute;changes sur la base d&rsquo;un expos&eacute;, l&agrave; dans le g&eacute;nie d&rsquo;une communaut&eacute; humaine et de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t port&eacute; &agrave; un autrui visible, incarn&eacute;, pr&eacute;sent. N&rsquo;ont-ils pas cela avec les corps de m&eacute;tier en r&eacute;union de chantier&nbsp;? Faut-il relire Bohr, Einstein, Penrose, Heisenberg, etc. dont les livres t&eacute;moignent avec brio de l&rsquo;inestimable valeur cr&eacute;atrice de leurs discussions en ces occasions sociales pr&eacute;cieuses&nbsp;? L&rsquo;intelligence n&rsquo;est pas la simple information transmise. Elle met en jeu autre chose. Faut-il entendre les artisans, les compagnons mais aussi les ing&eacute;nieurs concernant leurs activit&eacute;s d&rsquo;&eacute;ducation et de ma&icirc;trise de leur production, sans oublier les professeurs et les &eacute;tudiants&nbsp;? Nous y reviendrons dans une synth&egrave;se g&eacute;n&eacute;rale en conclusion.</span></span></span></span></span></p> <h2 class="Default" style="font-style:italic;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><b><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2. Les &eacute;lites contre le social de Christopher Lasch</span></span></b></span></span></span></h2> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Son &oelig;uvre majeure <i>La r&eacute;volte des &eacute;lites et la trahison de la d&eacute;mocratie</i>, publi&eacute;e en 1995 s&rsquo;int&eacute;resse aux &eacute;lites agissant contre les peuples. Et sa premi&egrave;re phrase du chapitre 2 est pass&eacute;e &agrave; la post&eacute;rit&eacute; tant elle interpelle les repr&eacute;sentations sociales ordinaires o&ugrave; les &eacute;lites servent le bien commun ou l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de la Nation, m&ecirc;me si elles s&rsquo;accommodent de quelques privil&egrave;ges&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Nagu&egrave;re, c&#39;&eacute;tait la &laquo;&nbsp;r&eacute;volte des masses&nbsp;&raquo; qui &eacute;tait consid&eacute;r&eacute;e comme la menace contre l&rsquo;ordre social et la tradition civilisatrice de la culture occidentale. De nos jours, cependant, la menace principale semble provenir de ceux qui sont au sommet de la hi&eacute;rarchie sociale et non pas des masses.</i> &raquo; (1996, 37). Dans cette &oelig;uvre tr&egrave;s critique, il est int&eacute;ressant d&rsquo;y rep&eacute;rer les signes d&rsquo;une lutte des &eacute;lites en &laquo;<i>&nbsp;trahison de la d&eacute;mocratie</i>&nbsp;&raquo;. A cet &eacute;gard, le sociologue met en exergue plusieurs aspects d&rsquo;une organisation politique o&ugrave; le social est suspect, cr&eacute;ant une succession de distanciations sociales entre les &eacute;lites et les peuples d&eacute;consid&eacute;r&eacute;s. Reprenons quelques &eacute;tapes de son raisonnement en trois sections. 1) la <i>dialectique du r&eacute;el</i>, 2) les <i>moyens de sa libert&eacute;</i>, 3) l&rsquo;<i>ali&eacute;nation des liens sociaux</i>. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.1.) La <i>dialectique du r&eacute;el</i> signifie que la repr&eacute;sentation des choses devient une opposition des mondes o&ugrave; la r&eacute;alit&eacute; des uns est radicalement irr&eacute;ductible et incompatible avec celles des autres. Ces deux r&eacute;alit&eacute;s ne sont pas sans rappeler la th&eacute;orie des deux mondes intelligibles et sensibles issus de la tradition platonicienne qui vient soutenir une diff&eacute;rence de caste et de position hi&eacute;rarchique inh&eacute;rente &agrave; cette qualit&eacute; de la compr&eacute;hension du monde. Pour expliquer cette r&eacute;alit&eacute; sociale, Lasch mentionne l&rsquo;&eacute;loignement des r&eacute;alit&eacute;s du quotidien au profit d&rsquo;une abstraction croissante qui rend &eacute;tranger aux choses du quotidien&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Elles n&#39;ont pas l&#39;exp&eacute;rience de la cr&eacute;ation de quoi que ce soit de substantiel ou de durable. Elles vivent dans un monde d&#39;abstractions et d&#39;images, un monde virtuel consistant en mod&egrave;les informatis&eacute;s de la r&eacute;alit&eacute; &ndash; une &laquo;&nbsp;hyper-r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo; comme on l&#39;a appel&eacute;e &ndash; par opposition &agrave; la r&eacute;alit&eacute; physique imm&eacute;diate, palpable, qu&rsquo;habitent les femmes et les hommes ordinaires</i>.&nbsp;&raquo; (2007, 32)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Celle-ci l&eacute;gitime selon lui cette hi&eacute;rarchisation du fait du pouvoir de l&rsquo;abstraction sur les choses qui les embrasse, les rassemble, les organise puis les gouverne&nbsp;: </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>L&#39;id&eacute;e m&ecirc;me de la r&eacute;alit&eacute; est mise en cause, peut-&ecirc;tre parce que les classes qui d&eacute;tiennent la parole habitent un monde artificiel dans lequel des simulations de la r&eacute;alit&eacute; remplacent la r&eacute;alit&eacute; proprement dite.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 89)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Et ce monde est plus d&eacute;sirable, plus valorisant et source d&rsquo;une puissance que cette &eacute;lite pr&eacute;f&egrave;re par int&eacute;r&ecirc;t de domination&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Le contr&ocirc;le est devenu une obsession. Dans leur &eacute;lan pour s&#39;isoler du risque et de la contingence &ndash; pour se pr&eacute;munir des al&eacute;as impr&eacute;visibles qui affligent la vie de l&#39;homme &ndash; les classes intellectuelles se sont s&eacute;par&eacute;es non seulement du monde commun qui les entourent mais aussi de la r&eacute;alit&eacute; elle-m&ecirc;me.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 32)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce premier point atteste aussi d&rsquo;une technique et d&rsquo;une science qui rendent possible cette domination du r&eacute;el o&ugrave; celui-ci dispara&icirc;t au profit de cat&eacute;gories et de raisonnements bureaucratiques qui se substituent &agrave; l&rsquo;initiative de chacun. Cons&eacute;quemment, l&rsquo;existence de cette &eacute;lite renvoie &agrave; une distanciation sociale qui s&eacute;pare les ignorants des sachants comme dans l&rsquo;usine fordiste l&rsquo;ing&eacute;nieur dirige et prescrit &agrave; des simples ex&eacute;cutants d&eacute;nu&eacute;s de toute conscience du syst&egrave;me industriel dans lequel ils s&rsquo;ins&egrave;rent &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;une fonction compl&eacute;mentaire des machines. Cette dialectique du r&eacute;el qui ordonne les savoirs entre eux, disqualifie les savoirs de certains au profit des comp&eacute;tences instrumentales et techniciennes des autres. Lasch y voit la premi&egrave;re raison d&rsquo;un effondrement des d&eacute;mocraties d&egrave;s lors qu&rsquo;on dialectise et hi&eacute;rarchise les repr&eacute;sentations du r&eacute;el, puisqu&rsquo;elles &ocirc;tent au plus grand nombre sa l&eacute;gitimit&eacute; de d&eacute;cider, faute de savoir. Et les juges de cette d&eacute;ficience sont ceux-l&agrave; m&ecirc;me qui tirent profit de l&rsquo;instauration de cette distanciation sociale&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Le carri&eacute;risme tend &agrave; saper la d&eacute;mocratie en s&eacute;parant le savoir de l&#39;exp&eacute;rience pratique, en d&eacute;valuant le type de savoirs acquis par exp&eacute;rience et en produisant des conditions sociales dans lesquelles on n&#39;attend pas des gens ordinaires qu&#39;ils sachent quoi que ce soit. Le r&egrave;gne de l&#39;expertise sp&eacute;cialis&eacute;e &ndash; r&eacute;sultat logique de politiques pour lesquelles il y a &eacute;quivalence entre opportunit&eacute;s et acc&egrave;s libre &agrave; &laquo;&nbsp;des postes plus hautement consid&eacute;r&eacute;s&nbsp;&raquo; &ndash; est l&#39;antith&egrave;se de la d&eacute;mocratie.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 88)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En synth&egrave;se de cette premi&egrave;re section, Lasch explique ce rapport de force qui fait d&eacute;juger les incomp&eacute;tents, ces peuples ignorants dont les id&eacute;es ne peuvent &ecirc;tre que critiquables et populistes par essence, puisqu&rsquo;elles &eacute;manent d&rsquo;une population qui ne sait pas se repr&eacute;senter le r&eacute;el, comme l&rsquo;ouvrier n&rsquo;a rien &agrave; dire &agrave; l&rsquo;ing&eacute;nieur qui lui prescrit ses t&acirc;ches dont il ne peut comprendre la justesse et la valeur, devant s&rsquo;incliner et se soumettre &agrave; son autorit&eacute; l&eacute;gitime. Il est alors manifeste que les &eacute;lites &oelig;uvrent &agrave; une soci&eacute;t&eacute; dont les acteurs ne sont pas conscients&nbsp;:&nbsp; </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Ceux qui se font trop de soucis &agrave; propos du fanatisme id&eacute;ologique tombent souvent dans un conformisme intellectuel qui leur est propre, ce que nous voyons particuli&egrave;rement chez les intellectuels lib&eacute;raux. Tout se passe comme s&#39;ils &eacute;taient les seuls &agrave; comprendre le danger de l&#39;universalit&eacute; mal plac&eacute;e, la relativit&eacute; de la v&eacute;rit&eacute; et le besoin d&#39;une suspension du jugement. Ces intellectuels qui font profession de leur ouverture d&#39;esprit se voient comme une minorit&eacute; civilis&eacute;e dans un oc&eacute;an de fanatisme.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 98)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.2.) Les <i>moyens de sa libert&eacute;</i> prolongent la dialectique du r&eacute;el, Lasch exposant les conditions d&rsquo;une d&eacute;rive des organisations sociales et &eacute;conomiques qui viennent concr&eacute;tiser et justifier cette hi&eacute;rarchisation des r&eacute;els. Lasch y voit le signe d&rsquo;une d&eacute;possession o&ugrave; le savoir construit et abstrait structure des rapports de soumission dans lesquels toutes les autonomies ant&eacute;rieures sont ali&eacute;n&eacute;es au profit d&rsquo;une conception rationnelle des activit&eacute;s humaines. C&rsquo;est pourquoi il fait le lien entre une d&eacute;mocratie vivante et un simulacre d&eacute;mocratique quand la distanciation sociale &eacute;loigne les acteurs de leur propre possession d&rsquo;eux-m&ecirc;mes, tant dans la ma&icirc;trise de leur travail que de leur existence, ce qui le conduit &agrave; faire le lien entre les modes de production et l&rsquo;autonomie des personnes, libres dans leur travail et les savoirs qu&rsquo;ils ma&icirc;trisent pour subvenir &agrave; leur besoin. Toute la d&eacute;possession de l&rsquo;organisation industrielle est en soi anti-d&eacute;mocratique et son organisation autoritaire contrevient aux r&egrave;gles &eacute;l&eacute;mentaires d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; d&eacute;mocratique&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Les populistes consid&eacute;raient l&#39;autonomie et la confiance en soi comme l&#39;essence de la d&eacute;mocratie, une vertu qui n&#39;a jamais cess&eacute; d&#39;&ecirc;tre requise. Ce qu&#39;ils reprochaient &agrave; la production de masse et &agrave; la centralisation politique &eacute;tait qu&#39;elles affaiblissaient l&#39;esprit d&#39;autonomie et la confiance en soi, et dissuadaient les gens d&#39;assumer la responsabilit&eacute; de leurs actions.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 91-92)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le sociologue en tire un enseignement sans concession entre les lois du march&eacute; et la permanence de la d&eacute;mocratie car la distanciation sociale op&egrave;re comme un poison &eacute;conomique dans des organisations d&eacute;mocratiques dont elle mine les fondements&nbsp;:&nbsp; </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Il est notoire que le march&eacute; tant &agrave; s&rsquo;universaliser. Il ne coexiste pas facilement avec des institutions op&eacute;rant selon des principes qui lui sont antith&eacute;tiques. [&hellip;] Inexorablement, il remod&egrave;le chaque institution &agrave; son image.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 106)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">De cette compr&eacute;hension d&rsquo;une perte des moyens de sa libert&eacute;, Lasch en tire une critique radicale des soci&eacute;t&eacute;s occidentales o&ugrave; la distanciation insinue partout une dissociation des individus de leurs cercles sociaux d&rsquo;appartenance qui sont pourtant bien &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;une d&eacute;mocratie, supposant que le march&eacute; et le lib&eacute;ralisme qui le fonde sont les adversaires de la d&eacute;mocratie, sapant le fait social constitutif d&rsquo;une aspiration collective &agrave; vivre entre &eacute;gaux&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Quand le march&eacute; pr&eacute;empte tout l&#39;espace public, et que la sociabilit&eacute; doit &laquo;&nbsp;se replier&nbsp;&raquo; dans des clubs priv&eacute;s, les gens seront menac&eacute;s de perdre leur capacit&eacute; &agrave; s&#39;amuser et m&ecirc;me &agrave; se gouverner.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 136)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Lasch condamne l&agrave; l&rsquo;&oelig;uvre anti-d&eacute;mocratique des institutions internationales dont la posture, les repr&eacute;sentations et les actions ruinent la d&eacute;mocratie r&eacute;elle au profit d&rsquo;une &eacute;mancipation fictive de l&rsquo;individu qu&rsquo;il d&eacute;veloppe dans sa critique de Narcisse <a href="#_ftn9" name="_ftnref9" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[9]</span></span></span></span></span></a>. Il y critique alors certaines grandes tendances sociales des soci&eacute;t&eacute;s occidentales, d&eacute;voilant qu&rsquo;elles introduisent toujours un peu plus de distance sociale entre les hommes pour accomplir une &oelig;uvre contraire &agrave; la d&eacute;mocratie. La bureaucratie est alors l&rsquo;adversaire des communaut&eacute;s sociales dont elle conteste les droits et les comp&eacute;tences &agrave; faire afin de les d&eacute;truire et dans le m&ecirc;me temps d&rsquo;accro&icirc;tre sans cesse sa sph&egrave;re d&rsquo;influence o&ugrave; l&rsquo;exercice d&eacute;mocratique a disparu&nbsp;: </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>La r&eacute;volte du contribuable, quoiqu&rsquo;elle-m&ecirc;me nourrie par une id&eacute;ologie du secteur priv&eacute; qui reste indiff&eacute;rente &agrave; toute sorte d&rsquo;appel au civisme, na&icirc;t du soup&ccedil;on fond&eacute; que l&#39;argent des imp&ocirc;ts ne fait que financer l&#39;auto-promotion de la bureaucratie.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 108)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Et cette bureaucratisation agit dans un les domaines les plus fondamentaux des moyens de la libert&eacute;&nbsp;dont l&rsquo;&eacute;ducation. Ses propos sont l&agrave; aussi un proc&egrave;s de la distanciation sociale o&ugrave; l&rsquo;&eacute;ducation devient un m&eacute;tier, une technique qui s&eacute;pare les sachants du quotidien de ceux qui sont l&eacute;gitimes &agrave; d&eacute;tenir le droit d&rsquo;enseigner et d&rsquo;&eacute;duquer parce que des institutions sont l&agrave; pour r&eacute;aliser cette t&acirc;che au lieu et place de chacun dans le quotidien de ses actions d&rsquo;apprentissage&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>La grande faiblesse de la philosophie &eacute;ducative de Mann &eacute;tait de postuler que l&#39;&eacute;ducation n&#39;a lieu qu&rsquo;&agrave; l&#39;&eacute;cole. Peut-&ecirc;tre est-il injuste de dire que Mann <a href="#_ftn10" name="_ftnref10" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><b><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[10]</span></span></span></b></span></span></a> a l&eacute;gu&eacute; ce fatal pr&eacute;suppos&eacute; aux g&eacute;n&eacute;rations d&#39;&eacute;ducateurs qui l&#39;ont suivi, dans le cadre de son h&eacute;ritage intellectuel. Apr&egrave;s tout, probablement doit-on consid&eacute;rer l&#39;incapacit&eacute; &agrave; voir au-del&agrave; de l&#39;&eacute;cole &ndash; la tendance &agrave; parler comme si scolarisation et l&#39;&eacute;ducation &eacute;taient des termes synonymes &ndash; comme un des risques du m&eacute;tier pour les &eacute;ducateurs professionnels, une forme d&#39;aveuglement qui fait partie de ce travail.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 159)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le sociologue contredit toute la th&eacute;orie &eacute;conomique classique et une bonne part de la tradition sociologique qui fait de l&rsquo;individu l&rsquo;atome effectif de toute soci&eacute;t&eacute;. Lasch contrevient &agrave; cette tradition en contestant la relation entre individu et d&eacute;mocratie au profit des communaut&eacute;s qui fondent &agrave; ses yeux la d&eacute;mocratie r&eacute;elle&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Ce ne sont pas les individus qui constituent les unit&eacute;s de base de la soci&eacute;t&eacute; d&eacute;mocratique, mais les communaut&eacute;s se gouvernant elles-m&ecirc;mes. C&#39;est le d&eacute;clin de ces communaut&eacute;s qui, plus que tout le reste, remet en cause l&#39;avenir de la d&eacute;mocratie.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 20)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces ali&eacute;nations des moyens de sa libert&eacute; deviennent alors un signe patent de d&eacute;possession, de d&eacute;construction des r&eacute;alit&eacute;s sociales. Bien &eacute;videmment, tout ceux qui vivent de leur position en surplomb pour justifier que leur expertise est indispensable &agrave; la lutte contre les ignorances contreviennent &agrave; la d&eacute;mocratie selon Lasch, le sociologue voyant dans toutes les technocraties et les bureaucraties des pouvoirs hostiles aux personnes qui deviennent les jouets des manipulations et organisations qui servent leur pouvoir. Ces organisations sont les sympt&ocirc;mes d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; proc&eacute;dant par la distanciation sociale, puisqu&rsquo;elle engendre des organes de dissociation qui affectent les libert&eacute;s, les initiatives et les autonomies primitives, fondatrices de la d&eacute;mocratie, dont elles sont tendanciellement les adversaires. Or, pour exister, cette soci&eacute;t&eacute; d&eacute;mocratique doit faire vivre ces liens sociaux.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.3.) L&rsquo;<i>ali&eacute;nation des liens sociaux </i>vient parfaire sa th&egrave;se par un examen pragmatique de la dissolution des interactions sociales. Il fait ici &oelig;uvre de sociologue de terrain puisqu&rsquo;il n&rsquo;oublie rien des r&eacute;alit&eacute;s du quotidien qui font l&rsquo;objet d&rsquo;une critique des &eacute;lites, voyant en chacun de ces &eacute;v&eacute;nements, une pratique &eacute;motionnelle, pour ne pas dire irrationnelle des relations interindividuelles qui ne saurait &ecirc;tre que transactionnelle et calcul&eacute;e. &nbsp;Lasch expose plusieurs dimensions des liens sociaux, les plus ordinaires d&rsquo;abord, les plus spirituels ensuite. Il commence par les lieux de la vie sociale quotidienne qu&rsquo;on ne saurait &eacute;liminer sans alt&eacute;rer la vie d&eacute;mocratique elle-m&ecirc;me&nbsp;: </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Ce n&#39;est pas parce qu&#39;ils &laquo;&nbsp;vous font arriver au bout de la journ&eacute;e&nbsp;&raquo; que les lieux interm&eacute;diaires ont du prix, mais parce que les bars, les snacks, les brasseries et les pubs encouragent la conversation qui est l&#39;essence de la vie civique. Selon Oldenburg, c&#39;est dans les lieux de socialisation informelle, o&ugrave; les gens peuvent parler sans contrainte, &agrave; part les contraintes qu&#39;imposent l&#39;art de la conversation lui-m&ecirc;me, que la conversation a le plus de chances de prosp&eacute;rer.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 128)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Or, la distanciation sociale a bien conduit &agrave; proscrire cette vie sociale informelle. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Lasch continue par la crise &eacute;thique dont il souligne qu&rsquo;elle disloque les communaut&eacute;s d&rsquo;appartenance et les raisons d&rsquo;&ecirc;tre ensemble. La pluralit&eacute; &eacute;thique ou la distanciation sociale et ses r&egrave;gles et gestes barri&egrave;res obligent de ne plus avoir d&rsquo;autre &eacute;thique commune que celle qui &eacute;loigne les uns des autres, o&ugrave; chaque individu doit se soumettre &agrave; une injonction d&rsquo;isolement. L&rsquo;Etat devient l&rsquo;ordonnateur d&rsquo;une &eacute;thique minimale ordonnant les interactions acceptables avec autrui au nom de cette prudente distanciation sociale sanitaire. Chacun est seul face &agrave; l&rsquo;Etat et les corps sociaux interm&eacute;diaires ne peuvent plus fonctionner puisque les assembl&eacute;es, les conventions, les s&eacute;minaires, les c&eacute;l&eacute;brations, bref, tous les moments collectifs sont largement proscrits. Ce qui est exig&eacute; revient &agrave; affirmer le caract&egrave;re non essentiel des liens sociaux ordinaires. L&rsquo;Etat tend &agrave; se substituer alors &agrave; toutes r&eacute;alit&eacute;s sociales&nbsp;: &nbsp;</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Renvoyer tout le monde &agrave; une &laquo;&nbsp;pluralit&eacute; d&rsquo;engagements &eacute;thiques&nbsp;&raquo; signifie que nous n&rsquo;exigeons rien de personne et ne reconnaissons &agrave; personne le droit d&#39;exiger rien de nous. Logiquement, suspendre tout jugement nous condamne &agrave; la solitude. A moins d&#39;&ecirc;tre pr&ecirc;ts &agrave; exiger des choses les uns des autres, nous ne pourrons conna&icirc;tre que la forme la plus rudimentaire de vie commune.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 96)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Enfin, Lasch aborde la question du lien social religieux sur lequel il &eacute;met un jugement sur ses contemporains. Il y voit la crise des sciences occidentales et l&rsquo;effondrement de la coh&eacute;sion autour de l&rsquo;id&eacute;e du progr&egrave;s technique. Sa critique s&rsquo;adresse directement aux &eacute;lites a-religieuses, pour ne pas dire marqu&eacute;es du scientisme et qui ont, selon lui, un regard erron&eacute; sur la religion <a href="#_ftn11" name="_ftnref11" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[11]</span></span></span></span></span></a>. Ces &eacute;lites n&eacute;gligent et d&eacute;truisent l&agrave; encore un lien social du fait d&rsquo;une distanciation sociale s&rsquo;&eacute;loignant des rites sociaux inh&eacute;rents aux pratiques religieuses&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>De nombreux intellectuels supposent que la religion satisfait le besoin de s&eacute;curit&eacute; morale et &eacute;motionnelle &ndash; id&eacute;e qui serait an&eacute;antie par la connaissance la plus passag&egrave;re de la religion. Il semble qu&#39;il y ait des limites m&ecirc;me &agrave; l&#39;ouverture de l&#39;esprit ouvert, limites qui se r&eacute;v&egrave;lent vite quand la conversation en vient &agrave; la religion.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 99)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il poursuit sa critique des sciences et techniques dont il estime qu&rsquo;elles ont &eacute;t&eacute; des substituts illusoires dont les fins progressistes agissent comme une autre distanciation sociale radicale et st&eacute;rilisante o&ugrave; l&rsquo;homme ordinaire dispara&icirc;t dans la figure d&rsquo;un Narcisse &eacute;th&eacute;r&eacute;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[12]</span></span></span></span></span></a>&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Dans une &eacute;poque qui se figure d&eacute;sillusionn&eacute;e, c&#39;est l&#39;unique illusion &ndash; l&#39;illusion de la ma&icirc;trise &ndash; qui demeure aussi tenace que jamais. Mais maintenant que nous commen&ccedil;ons &agrave; saisir les limites de notre contr&ocirc;le sur le monde naturel, c&#39;est une illusion dont l&#39;avenir &ndash; pour &eacute;voquer Freud &agrave; nouveau &ndash; est fort douteux, illusion assur&eacute;ment plus probl&eacute;matique que l&#39;avenir de la religion.</i>&nbsp;&raquo; (2007, 248)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En synth&egrave;se de cette section, tirons quelques enseignements de l&rsquo;&oelig;uvre de Lasch concernant la distanciation sociale. Elle porte sur plusieurs aspects compl&eacute;mentaires qui installent une vision bien particuli&egrave;re des d&eacute;mocraties occidentales aujourd&rsquo;hui. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Premi&egrave;rement, il renverse la perception des &eacute;lites selon laquelle leurs vues pseudo-rationnelles s&rsquo;imposent aux &eacute;motions et arguments incoh&eacute;rents des populations. Cette distanciation sociale est fausse et elle t&eacute;moigne plut&ocirc;t d&rsquo;un m&eacute;pris des &eacute;lites pour les populations qu&rsquo;elles exploitent, &eacute;tant intentionnellement &eacute;loign&eacute;es des pr&eacute;occupations populaires auxquelles il s&rsquo;agit de r&eacute;pondre par la distance critique et &eacute;clair&eacute;e. Il est dans la lign&eacute;e des critiques de Jacques Ellul dont l&rsquo;unit&eacute; de pens&eacute;e tient &agrave; ces deux facettes, la technique et la propagande <a href="#_ftn13" name="_ftnref13" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[13]</span></span></span></span></span></a>.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Deuxi&egrave;mement, cette distanciation sociale oppose progressivement les &eacute;lites aux populations et elles menacent les peuples d&rsquo;une distanciation allant jusqu&rsquo;au m&eacute;pris, &agrave; la domination, voire la destruction en privant les populations des traditions et usages sociaux qu&rsquo;il s&rsquo;agit de d&eacute;consid&eacute;rer et d&eacute;construire un &agrave; un au profit des seuls droits individuels. La distanciation sociale induit donc une lutte contre les organisations traditionnelles&nbsp;: famille, commune, nation, religion, syndicats, mouvements politiques et associatifs, etc. C&rsquo;est la disparition des tiers-&eacute;tats et des tiers-lieux o&ugrave; se tissent les liens sociaux.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Troisi&egrave;mement, le progr&egrave;s et son &laquo;&nbsp;<i>illusion de la ma&icirc;trise</i>&nbsp;&raquo; rompt avec le d&eacute;bat public et la controverse puisqu&rsquo;il impose une doctrine refusant les limites ou les oppositions &agrave; un mouvement techniciste. La distanciation sociale op&egrave;re l&agrave; contre les sentiments populaires ou les d&eacute;sirs modestes avec une aspiration &agrave; la domination scientifique et technique de toute chose&nbsp;: mouvement r&eacute;volutionnaire et messianique qu&rsquo;il d&eacute;nomme d&rsquo;ailleurs &laquo;&nbsp;<i>pharisianisme la&iuml;c</i>&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Quatri&egrave;mement, Lasch s&rsquo;inqui&egrave;te de cette distanciation sociale, &agrave; ses yeux, jamais aussi importante, entre la vie des &eacute;lites et la vie des populations, ces privil&eacute;gi&eacute;s &eacute;tant isol&eacute;s du monde et de l&rsquo;existence quotidienne tout en contr&ocirc;lant la plupart des activit&eacute;s &eacute;conomiques et culturelles &agrave; travers le monde par une concentration in&eacute;dite des pouvoirs dans l&rsquo;histoire moderne.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cinqui&egrave;mement, il fustige cette d&eacute;construction de la d&eacute;mocratie et de ses rites au nom d&rsquo;une distanciation sociale qui s&eacute;pare les humains, faisant de chacun ce Narcisse esseul&eacute;, inapte &agrave; une expression politique, si ce n&rsquo;est ses revendications h&eacute;donistes. L&rsquo;apologie du bon plaisir fait de l&rsquo;homme un enfant g&acirc;t&eacute; aspirant &agrave; son seul confort mat&eacute;riel.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sixi&egrave;mement, il remet en cause l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une citoyennet&eacute; du monde qui s&eacute;pare encore plus les peuples nationaux des &eacute;lites qui prennent toutes les distances possibles avec des obligations civiques jug&eacute;es d&eacute;su&egrave;tes. Ces passagers clandestins se dispensent le plus possible de leurs engagements locaux au profit de quelques actions philanthropiques internationales qui visent l&rsquo;accroissement de leur domination en dehors des cadres nationaux. L&rsquo;exercice de la puissance s&rsquo;affranchit d&rsquo;une responsabilit&eacute; territoriale. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Septi&egrave;mement, les &eacute;lites se d&eacute;douanent de leur responsabilit&eacute; ou de leur dette sociale, n&rsquo;exprimant aucune solidarit&eacute; sociale ou &eacute;conomique jusqu&rsquo;&agrave; m&eacute;priser ces populations et envisager de les d&eacute;classer, de les r&eacute;primer, de les condamner, les affublant de jugements p&eacute;remptoires pour prendre l&agrave; encore des distances sociales parfois radicales dans le propos&nbsp;: provincialisme, x&eacute;nophobie, populisme, conservatisme, avec une sorte de justification a priori des th&egrave;ses eug&eacute;nistes resurgissant &agrave; la mani&egrave;re du darwinisme social de la premi&egrave;re moiti&eacute; du 20<sup>e</sup> si&egrave;cle <a href="#_ftn14" name="_ftnref14" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[14]</span></span></span></span></span></a>. &nbsp;</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Huiti&egrave;mement, le sociologue observe que les m&eacute;dias contribuent &agrave; accro&icirc;tre cette distance sociale en informant, voire d&eacute;sinformant, et en ne participant pas &agrave; une conversation qui est l&rsquo;essence m&ecirc;me du d&eacute;bat public. Ce refus de faire conna&icirc;tre et de rendre accessible en abordant les questions qui int&eacute;ressent des communaut&eacute;s humaines renforce intentionnellement les distances jusqu&rsquo;&agrave; favoriser la fabrique du consentement et les manipulations m&eacute;diatiques. Cet &eacute;loignement d&eacute;veloppe une fiction d&eacute;mocratique par orientation, s&eacute;lection, pression jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;interdiction.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En conclusion de cette partie, le sociologue am&eacute;ricain d&eacute;crit un trait psychologique&nbsp;: la pl&eacute;onexie. Ce d&eacute;sir de toujours poss&eacute;der plus jusqu&rsquo;au d&eacute;triment des autres, traduisant une avidit&eacute; sans limite, une convoitise qui confine &agrave; la voracit&eacute; insatiable jusqu&rsquo;&agrave; la rapacit&eacute;. Il est r&eacute;v&eacute;lateur d&rsquo;une distanciation sociale jusqu&rsquo;&agrave; la fracture entre les pr&eacute;dateurs pl&eacute;onexes et les populations victimes, ce dont le sociologue Marcel Mauss se faisait l&rsquo;interpr&egrave;te dans <i>Essai sur les variations saisonni&egrave;res des soci&eacute;t&eacute;s eskimos</i> o&ugrave; il opposait la pl&eacute;onexie des modernes rompant avec les cycles d&#39;&eacute;change dans les soci&eacute;t&eacute;s traditionnelles. La captation du prendre s&rsquo;explique par cette indiff&eacute;rence &agrave; l&rsquo;autre dont on ne se sent plus solidaire, effa&ccedil;ant le cycle du don et du contre-don&nbsp;: donner, recevoir, rendre. En d&eacute;truisant la vertu de la r&eacute;probation morale sociale qui d&eacute;limite le champ d&rsquo;action de chacun du fait de son appartenance au groupe sur son territoire, Lasch note que l&rsquo;&eacute;mancipation insatiable cr&eacute;e une distance fatale entre les individus qui n&rsquo;appartiennent plus &agrave; un corps social solidaire. Les &eacute;lites font s&eacute;cession <a href="#_ftn15" name="_ftnref15" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[15]</span></span></span></span></span></a>. En ce sens, la distanciation sociale dissout les limitations sociales inh&eacute;rentes &agrave; des institutions diverses qui sont les lieux de la conversation et du dialogue entre pairs. Elle est sans lieu ni rituel qui encourageraient &agrave; l&rsquo;art de la controverse o&ugrave; se nouent les arguments, les rh&eacute;toriques et les d&eacute;monstrations qui font l&rsquo;intelligence des collectifs s&rsquo;&eacute;duquant &agrave; l&rsquo;exercice de leur responsabilit&eacute; commune. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Or, les nouveaux lieux des r&eacute;seaux sociaux induisent massivement un autre type de d&eacute;bat sans respect o&ugrave; l&rsquo;insulte, la vindicte, l&rsquo;agression verbale se multiplient sans aucun risque de r&eacute;action ou de r&eacute;putation <a href="#_ftn16" name="_ftnref16" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[16]</span></span></span></span></span></a>. Ce Narcisse peut nier la r&eacute;alit&eacute; des autres qui ne sont plus que des virtualit&eacute;s visuelles et sonores, il peut douter de leur r&eacute;alit&eacute;&nbsp;: ph&eacute;nom&egrave;ne de r&eacute;gression primitive, et dans le m&ecirc;me temps basculer dans l&rsquo;illusion de sa puissance solitaire de soumettre l&rsquo;univers fantomatique &agrave; sa seule volont&eacute;. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><b><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Conclusions</span></span></b></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Introduire le concept de distanciation sociale dans le langage politique n&rsquo;est donc pas anodin. Il para&icirc;t tr&egrave;s lourd de sens et il semble exprimer une intention politique majeure des &eacute;lites qui pr&eacute;f&egrave;rent prendre leur distance sociale en favorisant une sorte de d&eacute;sint&eacute;gration-dislocation sociale. A cet &eacute;gard, les passions am&eacute;ricaines pour les philosophes fran&ccedil;ais de la d&eacute;construction montrent que tout ce qui d&eacute;sagr&egrave;ge les liens sociaux est utile &agrave; une soci&eacute;t&eacute; distante du social. &nbsp;Celle engag&eacute;e durant l&rsquo;ann&eacute;e 2020 serait alors bien plus qu&rsquo;une disposition sanitaire temporaire. Elle serait le signe d&rsquo;un projet de transformation des comportements sociaux en faveur d&rsquo;un isolement valoris&eacute;, l&eacute;gitim&eacute;, encourag&eacute; pour que les personnes ne fassent plus soci&eacute;t&eacute;. Cette distanciation sociale ferait alors &eacute;chos au processus d&rsquo;atomisation o&ugrave; il ne reste plus que des atomes individuels esseul&eacute;s, priv&eacute;s des moyens de cr&eacute;er des liens sociaux. Or, Bandura et Lasch nous montrent deux aspects d&rsquo;une distanciation sociale qui &nbsp;n&rsquo;est pas d&eacute;nu&eacute;e de risques majeurs pour ladite soci&eacute;t&eacute;. Si l&rsquo;hypoth&egrave;se de cette tentation &eacute;tait fond&eacute;e, les cons&eacute;quences sont assez largement pr&eacute;visibles. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette restriction du d&eacute;bat et des espaces de vie politique se fait insidieusement au nom du soup&ccedil;on&nbsp;: le lieu commun devient suspect, ind&eacute;sirable, dangereux, sanitairement condamnable. Force est de constater qu&rsquo;une telle norme de la distanciation sociale aurait des cons&eacute;quences sociales en mati&egrave;re d&rsquo;&eacute;ducation, de connaissance et de rapport entre gouvernants et gouvern&eacute;s. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les premi&egrave;res cons&eacute;quences seront celles inh&eacute;rentes &agrave; cette d&eacute;construction sociale. Elles sont d&eacute;j&agrave; visibles en mati&egrave;re de sociabilit&eacute; et d&rsquo;&eacute;ducation par exemple. Le malaise des &eacute;tudiants, l&rsquo;&eacute;puisement des enseignants et l&rsquo;&eacute;chec patent de l&rsquo;&eacute;ducation totalement interm&eacute;di&eacute;e en t&eacute;moignent. Cette distance d&rsquo;avec l&rsquo;humanit&eacute; de l&rsquo;homme fabrique une relation apathique et d&eacute;sincarn&eacute;e qui encourage &agrave; la d&eacute;n&eacute;gation de la libert&eacute; de l&rsquo;autre qui doit se soumettre et ob&eacute;ir. Les signes agressifs entre citoyens dans les rues qui ont &eacute;merg&eacute; &agrave; cette occasion sont patents. L&rsquo;autre n&rsquo;est d&eacute;j&agrave; plus potentiellement qu&rsquo;un avatar sur un &eacute;cran. Des &eacute;tudiants t&eacute;moignent de cette extinction de toute vie en eux, faute d&rsquo;interaction et d&rsquo;existence partag&eacute;e. &nbsp;&nbsp;</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">De nombreux psychologues ont d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; alert&eacute; sur le d&eacute;crochage scolaire ou universitaire, des &eacute;ducateurs ont soulign&eacute; l&rsquo;impossibilit&eacute; d&rsquo;&eacute;valuer &agrave; distance avec les risques incontr&ocirc;lables de fraudes et de tricheries. Des psychologues de l&rsquo;enfance ont t&eacute;moign&eacute; des cons&eacute;quences de l&rsquo;occultation du visage et de rapports humains d&eacute;form&eacute;s avec l&rsquo;absence des signes du visage. Les sourds ont t&eacute;moign&eacute; de la perte d&rsquo;une lecture visuelle par les mouvements des l&egrave;vres les renvoyant &agrave; leur handicap. Le renoncement &agrave; apprendre jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;abandon des &eacute;tudes s&rsquo;observe dans les &eacute;coles. La th&eacute;orie de Bandura nous donne les cl&eacute;s avec des signes de grandes inqui&eacute;tudes sur la perte de motivation collective, l&rsquo;insignifiance et la vacuit&eacute; d&rsquo;un apprentissage solitaire d&eacute;sins&eacute;r&eacute; de ses r&eacute;alit&eacute;s sociales d&rsquo;apprentissages collectifs. Le risque est quasi-av&eacute;r&eacute; de voir des classes d&rsquo;&acirc;ge incapables de parvenir &agrave; un niveau d&rsquo;&eacute;ducation satisfaisant, sauf &agrave; leur substituer des actes pr&eacute;construits et interm&eacute;di&eacute;s comme si savoir cliquer primait savoir penser, en r&eacute;f&eacute;rence au petit livre magistral de Michel Blay&nbsp;: <i>Penser ou cliquer <a href="#_ftn17" name="_ftnref17" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><b><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[17]</span></span></span></span></b></span></span></a></i>. C&rsquo;est oublier que l&rsquo;&eacute;tudiant prolonge le cours lors de discussion avec ses amis. Ne singent-ils pas les savoirs, ne discutent-ils pas de leurs compr&eacute;hensions, de leurs d&eacute;saccords dans des exercices o&ugrave; le groupe apprend de l&rsquo;&eacute;coute de chacun dans ces moments qui ritualisent des gestes de l&rsquo;esprit&nbsp;: reformuler, r&eacute;p&eacute;ter, tester, &eacute;couter, argumenter, m&eacute;moriser, motiver, disputer dans un mouvement social qui justifie depuis la plus haute antiquit&eacute; que les enseignants s&rsquo;adressent &agrave; des groupes&nbsp;: l&rsquo;Acad&eacute;mie de Platon puis le Lyc&eacute;e d&rsquo;Aristote comme plus tard l&rsquo;&eacute;cole de Charlemagne ou l&rsquo;universit&eacute; de Paris m&eacute;di&eacute;vale s&rsquo;incarnant en des lieux communs d&rsquo;&eacute;change et de vie sans oublier la classe r&eacute;publicaine, lieu social par excellence&nbsp;? Et s&rsquo;y jouent des rapports affectifs, du d&eacute;sir, des s&eacute;ductions, de la domination, de l&rsquo;admiration et des plaisirs au-del&agrave; de la seule connaissance&nbsp;? Bien au-del&agrave; d&rsquo;un simple &eacute;change d&rsquo;information, ces lieux proposent une vie commune&nbsp;: l&rsquo;apprentissage social. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">A l&rsquo;inverse, la distanciation sociale conduit aussi au renforcement des comportements doctrinaires vis-&agrave;-vis d&rsquo;autrui avec une perte de la pratique de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. L&rsquo;injonction &agrave; l&rsquo;autre remplace la discussion et le libre consentement dans le respect mutuel. Quelques pratiques inqui&eacute;tantes ont resurgi, masqu&eacute;e par de pr&eacute;tendues bonnes intentions&nbsp;: d&eacute;lation, d&eacute;nonciation, intimidation, injonction, punition, sanction qui fleurissent dans le d&eacute;bat public avec l&agrave; encore une distanciation sociale qui s&rsquo;abstrait de consid&eacute;rer l&rsquo;inviolable libert&eacute; fondamentale de la personne humaine&nbsp;: penser, s&rsquo;exprimer, choisir ses soins. Cette distanciation sociale a sem&eacute; le germe d&rsquo;une intol&eacute;rance collective o&ugrave; les autres n&rsquo;ont plus le droit &agrave; leur existence diff&eacute;rente par la multiplication des assignations &agrave; ne pas librement pratiquer son mode de vie. Les ordres et injonctions se sont multipli&eacute;s. Les interpellations entre citoyens dans les rues sur leur comportement en t&eacute;moignent. La vigueur des &eacute;changes accusatoires et les rh&eacute;toriques de culpabilisation l&rsquo;attestent. La distanciation sociale devient m&ecirc;me une norme sociale avec toute l&rsquo;autorit&eacute; quasi doctrinaire de la normativit&eacute; et de ses r&egrave;glements. Elle a pourtant des cons&eacute;quences psychologiques majeures&nbsp;: d&eacute;pression, suicide, d&eacute;structuration des liens affectifs&nbsp;: violences conjugales en explosion, violences sur les enfants, etc. qui vont faire encore plus d&eacute;tester la relation humaine, justifiant de nouveau la mise &agrave; l&rsquo;&eacute;cart, l&rsquo;&eacute;loignement, le retrait des enfants, la s&eacute;paration des conjoints, etc. dans une spirale de d&eacute;sint&eacute;gration sociale. Cela renforce alors le discours d&rsquo;une distanciation sociale indispensable, qui va s&rsquo;&eacute;mouvoir des faits qu&rsquo;il a tr&egrave;s largement engendr&eacute; en motivant l&rsquo;adage&nbsp;: l&rsquo;enfer, c&rsquo;est les autres, alors que la solitude, c&rsquo;est la prison de l&rsquo;enfermement sur soi, le pire repli identitaire sur l&rsquo;ego par exclusion des autres&nbsp;! C&rsquo;est l&agrave; le Narcisse &eacute;vid&eacute;e de Lasch ou l&rsquo;homme dans la d&eacute;solation si bien d&eacute;crit par Arendt <a href="#_ftn18" name="_ftnref18" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[18]</span></span></span></span></span></span></a>. Faut-il ici convoquer toute la litt&eacute;rature scientifique de ces derni&egrave;res d&eacute;cennies qui observent les cons&eacute;quences d&eacute;l&eacute;t&egrave;res de l&rsquo;isolement social&nbsp;? Le lecteur peut s&rsquo;inspirer de notre note <a href="#_ftn19" name="_ftnref19" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[19]</span></span></span></span></span></span></a> pour constater que l&rsquo;&eacute;tude des cons&eacute;quences physiologiques et psychologiques de l&rsquo;isolement est ancienne et riche de r&eacute;sultats qui invitent &agrave; la prudence. Certaines &eacute;tudes exceptionnelles sont assez rares pour que le chercheur y pr&ecirc;te attention. J&rsquo;&eacute;voque ici l&rsquo;immense &eacute;tude longitudinale de 75 ans de la Harvard Study of Adult Development. Elle conclut que la distanciation sociale contribue &agrave; r&eacute;duire les stimulus et les interactions en nombre et qualit&eacute;. Elle d&eacute;grade donc physiquement et psychiquement. Il est m&ecirc;me &eacute;tonnant que les m&eacute;decins, conseils des politiques, aient pu &agrave; ce point n&eacute;gliger ces connaissances physiologiques et psychologiques li&eacute;es &agrave; l&rsquo;absence d&rsquo;interactions sociales <a href="#_ftn20" name="_ftnref20" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[20]</span></span></span></span></span></span></a>.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les secondes seront inh&eacute;rentes aux artifices technologiques de substitution qui ne pallient pas une relation humaine effective&nbsp;: <i>ethos</i>, <i>pathos</i>, <i>logos</i> selon la description aristot&eacute;licienne. Manque o&ugrave; se d&eacute;gradent a minima <i>ethos </i>et <i>pathos</i>. Ceux-l&agrave; ne vont pas manquer de poser quelques questions. En effet, le recul montre toutes les limites de l&rsquo;artifice technologique. Le palliatif de la relation interm&eacute;di&eacute;e ne semble pas combler le besoin de relation de proximit&eacute;. Les dimensions physiologiques et kinesth&eacute;siques en particulier semblent les grandes oubli&eacute;es de la virtualisation des relations sociales. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Force est de constater que la distance sociale fait l&rsquo;apologie progressive de l&rsquo;isolement. Or, ce dernier est connu et &eacute;tudi&eacute; depuis longtemps par les m&eacute;decins et les psychologues. Alors que la distance s&rsquo;impose par un argument sanitaire, elle a elle-m&ecirc;me un impact sanitaire bien connue. Mettre &agrave; l&rsquo;isolement est une punition, une sanction. Isoler, c&rsquo;est r&eacute;duire les &eacute;changes et affecter la psychologie, voire accro&icirc;tre des effets physiologiques. Les psychologues &eacute;voquent l&rsquo;apparition de phobies sociales, de glissement mortif&egrave;re et de syndromes suicidaires. Ils soulignent l&rsquo;accroissement de recours &agrave; des psychotropes.&nbsp; L&rsquo;isolement et la solitude ont des effets toxiques sur la sant&eacute; par absence de stimulations sensorielles et d&rsquo;interactions sociales. Et isoler au motif d&rsquo;une peur est par construction anxiog&egrave;ne. Des faits sociaux viennent corroborer ce constat psychologique. La souffrance des travailleurs et leur &eacute;puisement croissant comme la rupture des &eacute;tudiants avec leurs institutions sont visibles&nbsp;: taux de d&eacute;crochages mais aussi et plus encore&nbsp;: absence de motivation, faible m&eacute;morisation, &eacute;changes d&eacute;grad&eacute;s, perte des opportunit&eacute;s de liens informels, absence. Tout cela t&eacute;moigne d&rsquo;une substitution des relations empiriques au profit des &eacute;changes interm&eacute;di&eacute;s o&ugrave; disparaissent les discussions improvis&eacute;es et les r&eacute;gulations informelles mais aussi les d&eacute;bats avec des connus et inconnus dans les lieux de convivialit&eacute; dont Lasch mentionne la valeur de socialisation d&eacute;mocratique.</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify; text-indent:21.3pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Voil&agrave; pourquoi, ces auteurs des sciences sociales permettent de pr&eacute;dire des effets tr&egrave;s n&eacute;gatifs d&rsquo;une telle distanciation sociale durable, parce qu&rsquo;elle ne respecte pas les faits physiques et psychiques comme ils nous sont connus aujourd&rsquo;hui. Avant de contrevenir massivement &agrave; de tr&egrave;s nombreuses connaissances cliniques et sociales acquises par la recherche et l&rsquo;exp&eacute;rience, l&rsquo;&eacute;preuve de la distanciation sociale promut par Neil Ferguson aurait m&eacute;rit&eacute; une &eacute;valuation publique interdisciplinaire par une prise en compte des sciences sociales, car la d&eacute;cision politique s&rsquo;av&egrave;re peut-&ecirc;tre biais&eacute;e, voire m&ecirc;me manipul&eacute;e <i>de facto</i> du fait de ce prisme d&eacute;formant dont tous ont intuitivement per&ccedil;u qu&rsquo;il faisait l&rsquo;impasse sur les sciences de l&rsquo;homme et une partie des &eacute;tudes m&eacute;dicales sur l&rsquo;isolement. La d&eacute;cision politique et publique ne peut se prendre avec autant d&rsquo;ignorance. L&agrave; est indubitablement le fait d&rsquo;une manipulation-d&eacute;formation des connaissances disponibles pour des raisons qu&rsquo;il faudra &eacute;tudier plus tard, par panique, ignorance temporaire ou incomp&eacute;tence peut-&ecirc;tre. Mais, il est s&ucirc;r et souhaitable de regarder le monde avec les yeux de tous, car la pr&eacute;tendue panoptique de l&rsquo;expert monomaniaque n&rsquo;est qu&rsquo;un biais de perception invalid&eacute; par les faits. &nbsp;La cons&eacute;quence de cette distance permanente, c&rsquo;est le passage &agrave; la soci&eacute;t&eacute; des individus. Mais c&rsquo;est un oxymore. La distanciation sociale devient obligation et injonction de ne plus faire soci&eacute;t&eacute;. Une telle prescription normative est au cr&eacute;dit d&rsquo;un seul type de soci&eacute;t&eacute; politique qui parvient &agrave; imposer cela dans la dur&eacute;e&nbsp;: le syst&egrave;me totalitaire contr&ocirc;lant toutes les relations sociales. </span></span></span></span></span></p> <p class="Default">&nbsp;</p> <p align="center" class="Default" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><b><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bibliographie</span></span></b></span></span></span></p> <p class="Default">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ANSAY, Pierre et LASCH, Christopher, <i>Narcisse, nouvelle figure du capitalisme</i>, 2009, Bruxelles, Politique, num&eacute;ro 59, p. 64-67 </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ARENDT, Hannah, <i>Condition de l&rsquo;homme moderne</i>, 1983, Paris, Editions Calmann-L&eacute;vy</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ARENDT, Hannah, <i>Les origines du totalitarisme, Le syst&egrave;me totalitaire</i>, 1972, Paris, Editions du Seuil (1972)</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BANDURA, Alberto, <i>L&rsquo;apprentissage social</i>, 1977, Bruxelles, Pierre Mardaga &eacute;diteur</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span lang="EN-GB" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BANDURA, Alberto, </span></span><i><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Social foundations of thought and action: A social cognitive </span></span></i><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">theory, 1985, </span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BANDURA, Alberto, <i>Auto-efficacit&eacute;, le sentiment d&rsquo;efficacit&eacute; </i>personnelle, 2019, Louvain-la-Neuve, Editions De Boeck</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BERTHOZ, Alain, <i>La vicariance, le cerveau cr&eacute;ateur de mondes</i>, 2013, Paris, Editions Odile Jacob</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BEAUCHARD, Renaud, <i>Christopher Lasch, un populisme vertueux</i>, 2018, Paris, Edition Michalon</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BLAY, Michel, <i>Penser ou cliquer</i>, 2016, Paris, CNRS Editions</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CARRE, Philippe, <i>Bandura, un psychologue pour le XXIe si&egrave;cle</i>, 2004, Paris, Revue Savoirs, Editions L&rsquo;Harmattan</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="border:none windowtext 1.0pt; font-size:10.0pt; padding:0cm"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="letter-spacing:-.55pt">DELSOL, Chantal,&nbsp;<em>Populisme, les demeur&eacute;s de l&rsquo;histoire</em>, 2015, Paris, Editions du Rocher, </span></span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">DOISE Willem et MUGNY Gabriel, <i>Psychologie sociale et d&eacute;veloppement cognitif</i>, 1997, Paris, Editions Armand Colin</span></span></span></span></span></p> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">EASTES, Richard-Emmanuel, <i>Processus d&rsquo;apprentissage, savoirs complexes et traitement de l&rsquo;information : un mod&egrave;le th&eacute;orique &agrave; l&rsquo;usage des praticiens, entre sciences cognitives, didactique et philosophie des sciences</i>, 2013, Th&egrave;se de doctorat, Universit&eacute; de Paris Panth&eacute;on-Sorbonne</span></span> </span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">FOUCAULT, Michel, <i>Vygotski, lectures et perspectives de recherche en &eacute;ducation</i>, 2004, Villeneuve d&rsquo;Asq, Presses Universitaires du Septentrion</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">GRANGEAT, Michel, <i>Lev S. Vygotski&nbsp;: l&rsquo;apprentissage par le groupe</i>, in Eduquer et former, 2016, Paris, Editions Sciences Humaines (p.134-141)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">JACOBY, Russel, <i>Christopher Lasch (1932-1994)</i>, 1994, Telos, num&eacute;ro 97, p. 121-123</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">LASCH, Christopher, <i>La r&eacute;volte des &eacute;lites et la trahison de la d&eacute;mocrate</i>, 2007, Paris, Editions Flammarion</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">LECOMTE, Jacques, <i>Les applications du sentiment d&rsquo;efficacit&eacute; personnelle</i>, 2004, Paris, Revue Savoirs, Editions L&rsquo;Harmattan</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">OHLMANN, Th&eacute;ophile, <i>Vicariances, la flexibilit&eacute; du vivant</i>, 2018, Paris, OSP n&deg;47/1</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">OTTAVI, Laurent, </span></span><i><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Contre nos &eacute;lites et pour la d&eacute;mocratie : le populisme selon Christopher Lasch</span></span></i><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, 2018, La revue des deux mondes, 16 mai</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">PERRET-CLERMONT, Anne-Nelly, <i>La Construction de l&#39;intelligence dans l&#39;interaction sociale</i>, 1979, Gen&egrave;ve, Editions Peter Lang</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">RENAULT, Emmanuel, <i>Biopolitique, m&eacute;decine sociale et critique du lib&eacute;ralisme</i>, 2008, Multitudes, n&deg;34, p. 195-205</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">REUCHLIN, Maurice, <i>Evolution de la psychologie diff&eacute;rentielle</i>, 1999, Paris, PUF</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">TONIOLO, Anne-Marie, <i>Le comportement : entre perception et action, un concept &agrave; </i>r&eacute;habiliter, 2009, in L&rsquo;Ann&eacute;e psychologique 2009/1, Volume 109), p.155-193</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">VYGOTSKI, Lev, <i>Pens&eacute;e et Langage</i>, 1997, Paris, Editions La Dispute</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">WESTBROOK, Robert B., <i>Christopher Lasch, The New Radicalism, and the Vocation of Intellect</i>, 1995, Reviews in American History, Volume 23, Num&eacute;ro 1, p. 176-191</span></span></span></span></span></p> <p class="Default"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">WINNYKAMMEN, Fayda, <i>L&#39;apprentissage par l&#39;observation</i>, 1982</span></span> <span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">in Revue fran&ccedil;aise de p&eacute;dagogie, volume 59, p.24-29</span></span></span></span></span></p> <p class="Default">&nbsp;</p> <p class="Default">&nbsp;</p> <p class="Default">&nbsp;</p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> <i>Report 9: Impact of non-pharmaceutical interventions (NPIs) to reduce COVID-19 mortality and healthcare demand,</i> 16 mars 2020 o&ugrave; N. Ferguson expose ses projections et ses recommandations dans un tableau (p.6) : R&eacute;sum&eacute; des interventions NPI consid&eacute;r&eacute;es mentionnant : CI &ndash; cas isol&eacute; &agrave; la maison, HQ &ndash; quarantaine volontaire &agrave; la maison, SDO &ndash; distanciation sociale des plus de 70 ans, SD &ndash; distanciation sociale de l&rsquo;ensemble de la population, PC &ndash; fermeture des &eacute;coles et universit&eacute;s, soit uniquement des mesures de distanciation sociale&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Au cours de cette pand&eacute;mie, certaines collectivit&eacute;s, notamment aux &Eacute;tats-Unis, ont r&eacute;pondu par une vari&eacute;t&eacute; d&rsquo;interventions non pharmaceutiques (CPD) - mesures visant &agrave; r&eacute;duire <span style="background:white"><span style="color:black">la transmission en r&eacute;duisant les taux de contact dans la population g&eacute;n&eacute;rale. Parmi les mesures adopt&eacute;es pendant cette p&eacute;riode, on compte la fermeture d&rsquo;&eacute;coles, d&rsquo;&eacute;glises, de bars et d&rsquo;autres lieux sociaux.</span></span>&nbsp;<span style="background:white"><span style="color:black">Les villes dans lesquelles ces interventions ont &eacute;t&eacute; mises en &oelig;uvre au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;pid&eacute;mie ont r&eacute;ussi &agrave; r&eacute;duire le nombre de cas, tandis que les interventions sont demeur&eacute;es en place et ont connu une mortalit&eacute; globalement plus faible1. Cependant, la transmission a rebondi une fois les commandes lev&eacute;es</span></span></i><span style="background:white"><span style="color:black">&nbsp;&raquo; (p.3).</span></span> A signaler que cette &eacute;tude impactera les d&eacute;cisions politiques des grandes nations occidentales, ne faisant pas &eacute;tat de possibilit&eacute;s prophylactiques ou th&eacute;rapeutiques lors des premiers sympt&ocirc;mes qui seront d&rsquo;ailleurs ignor&eacute;es, dans ces m&ecirc;mes pays, laissant &agrave; penser que la distanciation sociale est l&rsquo;unique solution coupl&eacute;e &agrave; une vaccination g&eacute;n&eacute;rale. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Nous faisons r&eacute;f&eacute;rences aux strat&eacute;gies fatales de Jean Baudrillard publi&eacute;e en 1986&nbsp;: &laquo; <i>Aujourd&#39;hui que toute radicalit&eacute; critique est devenue inutile, que toute n&eacute;gativit&eacute; s&#39;est r&eacute;solue dans un monde qui fait semblant de se r&eacute;aliser, que l&#39;esprit critique lui-m&ecirc;me a trouv&eacute; dans le socialisme sa r&eacute;sidence secondaire et que l&#39;effet de d&eacute;sir, enfin, est largement pass&eacute;, que reste-t-il sinon de remettre les choses &agrave; leur point z&eacute;ro &eacute;nigmatique ? Or l&#39;&eacute;nigme s&#39;est invers&eacute;e : jadis c&#39;&eacute;tait la Sphinge qui posait &agrave; l&#39;homme la question de l&#39;homme, qu&#39;&OElig;dipe a cru r&eacute;soudre et que nous avons tous cru r&eacute;soudre &agrave; sa suite - aujourd&#39;hui c&#39;est l&#39;homme qui pose &agrave; la Sphinge, &agrave; l&#39;inhumain, la question de l&#39;inhumain, du fatal, de la d&eacute;sinvolture du monde envers nos entreprises, de la d&eacute;sinvolture du monde aux lois objectives. L&#39;objet (la Sphinge), plus subtil, ne r&eacute;pond gu&egrave;re. Mais il faut bien qu&#39;en d&eacute;sob&eacute;issant aux lois, en d&eacute;jouant le d&eacute;sir, il r&eacute;ponde en secret &agrave; quelque &eacute;nigme. Que reste-t-il que d&#39;aller du c&ocirc;t&eacute; de cette &eacute;nigme, et d&#39;opposer aux strat&eacute;gies banales les strat&eacute;gies fatales ?&nbsp;</i>&raquo; Celles-ci r&eacute;v&egrave;lent ces politiques de l&rsquo;av&egrave;nement de l&rsquo;inhumain comme projet &eacute;nigmatique de l&rsquo;humain voulant se transformer jusqu&rsquo;&agrave; sa d&eacute;construction fatale.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Les th&eacute;ories de l&rsquo;apprentissage sont souvent class&eacute;es en plusieurs familles que le professeur de didactique des Sciences Andr&eacute; Giordan, directeur du Laboratoire de didactique et d&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie des sciences de Gen&egrave;ve pr&eacute;sente ainsi (nous extrayons) : </span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:8.0pt">&laquo;&nbsp;<i>1) le <b>mod&egrave;le empiriste</b>.</i> &laquo; <i>L&#39;empirisme est une doctrine philosophique qui souligne le r&ocirc;le de l&#39;exp&eacute;rience dans la connaissance humaine, en minimisant la part de la raison &raquo;. Tout ce que l&#39;enfant sait ne peut donc provenir que d&#39;une exp&eacute;rience v&eacute;cue. Cette hypoth&egrave;se est celle du philosophe anglais John Locke (1632-1704) : &laquo; Il n&#39;est rien dans l&#39;intellect, qui n&#39;ait auparavant &eacute;t&eacute; dans la sensation &raquo;, &eacute;crit-il. Prenant le contre-pied des Rationalistes qui ne jurent que par une raison inn&eacute;e, il d&eacute;veloppe une vision du cerveau qui est celle d&rsquo;une tabula rasa, c&rsquo;est-&agrave;-dire &laquo; un tableau vierge &raquo; ou encore &laquo; une pi&egrave;ce sans meubles &raquo;. Le mod&egrave;le empiriste se fonde par suite sur l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;impr&eacute;gnation et de m&eacute;morisation. </i></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i><span style="font-size:8.0pt">2) Le <b>mod&egrave;le behavioriste</b> pr&eacute;sente l&rsquo;apprendre comme le r&eacute;sultat d&rsquo;un conditionnement de type r&eacute;flexe faisant appel &agrave; des stimuli positifs (r&eacute;compenses) ou n&eacute;gatifs (punitions). Fond&eacute; par le sp&eacute;cialiste de psychologie animale Watson (1913) dans le prolongement des recherches sur le conditionnement animal men&eacute;es d&egrave;s 1889 par le scientifique Russe Pavlov, ce mod&egrave;le fut d&eacute;velopp&eacute; par les psychologues am&eacute;ricains Holland et Skinner (1961, 1968). L&rsquo;individu peut cependant &ecirc;tre &laquo; influenc&eacute; &raquo; de l&rsquo;ext&eacute;rieur par des situations bien con&ccedil;ues : les propositions du mod&egrave;le behavioriste sont par suite fond&eacute;es sur un principe d&rsquo;entra&icirc;nement par &laquo; conditionnement &raquo; et par &laquo; renforcement &raquo;. </span></i></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i><span style="font-size:8.0pt">3) Le <b>mod&egrave;le constructiviste</b> o&ugrave; l&rsquo;apprendre est consid&eacute;r&eacute; comme le r&eacute;sultat d&rsquo;une construction des savoirs par &eacute;tapes successives. En 1781, Kant pr&eacute;parait d&eacute;j&agrave; cette vision de la pens&eacute;e en d&eacute;fendant l&rsquo;id&eacute;e que la raison, en plus des seuls sens invoqu&eacute;s par Locke, est n&eacute;cessaire pour interpr&eacute;ter ce que nous percevons du monde. Ces &eacute;tapes de la construction du savoir sont suppos&eacute;es &ecirc;tre largement d&eacute;finies par des param&egrave;tres biologiques qui d&eacute;finissent un d&eacute;veloppement &laquo; naturel &raquo; de l&rsquo;enfant. Les recherches men&eacute;es par le psychologue Jean Piaget sur le d&eacute;veloppement des jeunes enfants (1947) ont valu &agrave; cette conception de l&rsquo;apprendre le formidable essor que l&rsquo;on conna&icirc;t.</span></i><span style="font-size:8.0pt">&nbsp;&raquo;&nbsp; </span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:8.0pt">Malgr&eacute; toutes leurs diff&eacute;rences, ces mod&egrave;les ont en commun de partager le r&ocirc;le du social dans la production des conditions de l&rsquo;apprentissage qu&rsquo;Andr&eacute; Giordan r&eacute;sume ainsi&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Arr&ecirc;tons de croire que l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve &eacute;prouve automatiquement le d&eacute;sir d&rsquo;apprendre. Il convient de commencer par g&eacute;n&eacute;rer l&rsquo;envie. Concr&egrave;tement, cela signifie qu&rsquo;il faut parler aux &eacute;l&egrave;ves de choses qui les int&eacute;ressent.</i>&nbsp;&raquo;. Or, comment interagir pour susciter l&rsquo;envie, identifier l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, mobiliser une premi&egrave;re attention en se privant d&rsquo;une interaction humaine qui pr&eacute;suppose une premi&egrave;re estime mutuelle, une reconnaissance implicite, une confiance sans lesquels l&rsquo;aspiration &agrave; apprendre n&rsquo;&eacute;merge que tr&egrave;s marginalement&nbsp;? L&rsquo;apprentissage est aussi le projet de l&rsquo;adulte sur l&rsquo;enfant, du ma&icirc;tre sur l&rsquo;apprenti. Il est transmission et construction d&rsquo;un savoir accompagn&eacute; d&rsquo;une transformation personnelle. Il est aussi auto-direction avec Bandura, mais elle est conditionn&eacute;e et favoris&eacute;e. Ci-apr&egrave;s, la description des r&eacute;gimes de production de connaissance dans la th&egrave;se de Richard-Emmanuel Eastes (2013, 30)&nbsp;:&nbsp;<i>Processus d&rsquo;apprentissage, savoirs complexes et traitement de l&rsquo;information&nbsp;: un mod&egrave;le th&eacute;orique &agrave; l&rsquo;usage des apprentissages, entre sciences cognitives, didactique et philosophie des sciences</i>. Il montre aussi le caract&egrave;re &eacute;minemment social de l&rsquo;apprendre.</span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: center;"><img height="152" src="https://www.numerev.com/img/ck_467_16_image35.png" width="406" /></p> <p align="center" class="MsoFootnoteText" style="text-align:center">&nbsp;</p> <p align="center" class="MsoFootnoteText" style="text-align:center">&nbsp;</p> <p align="center" class="MsoFootnoteText" style="text-align:center">&nbsp;</p> <p align="center" class="MsoFootnoteText" style="text-align:center">&nbsp;</p> </div> <div id="ftn4"> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[4]</span></span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Maurice Reuchlin (1920-2015) professeur de psychologie diff&eacute;rentiel &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paris-Descartes publie en 1978 un article de grande port&eacute;e&nbsp;: <i>Processus vicariants et diff&eacute;rences individuelles </i>dans le Journal de psychologie 1978 /2 (p.133-145) o&ugrave; il d&eacute;veloppe deux hypoth&egrave;ses. 1) plusieurs processus alternatifs ou redondants sont &agrave; la disposition de la personne pour agir et r&eacute;soudre des probl&egrave;mes en situation, 2) ces processus sont mobilis&eacute;s de mani&egrave;re inconstante et variable selon les situations et les individus. Ces hypoth&egrave;ses ont depuis trouv&eacute; des confirmations dans les travaux de sp&eacute;cialistes de la physiologie et des neurosciences dont Alain Berthoz en 2013 qui y consacre une &oelig;uvre intitul&eacute;e <i>La vicariance, le cerveau cr&eacute;ateur de mondes</i> chez Odile Jacob. Il s&rsquo;agit l&agrave; de la vicariance au sens physiologique constatant l&rsquo;existence de processus suppl&eacute;ants les uns des autres.</span></span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[5]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Se reporter &agrave; l&rsquo;article de Fayda Winnykammen, <i>L&#39;apprentissage par l&#39;observation</i>, 1982</span> <span style="font-size:8.0pt">in Revue fran&ccedil;aise de p&eacute;dagogie, rattach&eacute;e au Laboratoire de psychologie g&eacute;n&eacute;tique de l&rsquo;Universit&eacute; Ren&eacute;-Descartes de Paris.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[6]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Nous utilisons le terme d&rsquo;imitation non dans le sens de l&rsquo;imitation servile et passive par la copie, mais bien de l&rsquo;imitation active et inspir&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Pour Bandura, le modelage, ou apprentissage vicariant, est un effet de l&rsquo;observation, mais se distingue radicalement d&rsquo;un simple mim&eacute;tisme. On entend par modelage tout un travail d&rsquo;observation active par lequel, en extrayant les r&egrave;gles sous-jacentes aux styles de comportement observ&eacute;, les gens construisent par eux-m&ecirc;mes des modalit&eacute;s comportementales proches de celles qu&rsquo;a manifest&eacute;es le mod&egrave;le et les d&eacute;passent en g&eacute;n&eacute;rant de nouvelles comp&eacute;tences et de nouveaux comportements, bien au-del&agrave; de ceux qui ont &eacute;t&eacute; observ&eacute;s.</i>&nbsp;&raquo; comme le rappelle Philippe Carr&eacute; dans son brillant article&nbsp; <i>Bandura : une psychologie pour le XXe si&egrave;cle</i> dans &laquo; Savoirs &raquo; 2004/5 Hors-s&eacute;rie | pages 9 &agrave; 50, p.25</span></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[7]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Philippe Carr&eacute; pr&eacute;cise avec justesse en plusieurs occasion ce caract&egrave;re fondamentalement social de l&rsquo;apprentissage vicariant o&ugrave; Bandura compose entre les dimensions psychologiques et sociales&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Le cognitivisme social &hellip; insiste sur le fait que l&rsquo;apprentissage est inscrit dans des r&eacute;seaux sociaux et que les processus cognitifs servent de m&eacute;diateurs puissants aux influences environnementales.</i>&nbsp;&raquo; (2004, 17) ou &laquo;&nbsp;<i>en extrayant les r&egrave;gles sous-jacentes au style comportemental du mod&egrave;le, les gens produisent de nouveaux mod&egrave;les comportementaux proches de ces styles, mais qui d&eacute;passent largement ce qui a simplement &eacute;t&eacute; vu ou entendu.</i>&nbsp;&raquo; (2004, 17) La vicariance est interaction sociale&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Le fonctionnement humain devient le produit d&rsquo;une interaction dynamique entre des influences contextuelles, comportementales et internes&hellip; Les sujets sociaux sont &agrave; la fois les producteurs et les produits de leur environnement.</i>&nbsp;&raquo; (2004, 18)</span></span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[8]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Philippe Carr&eacute; d&eacute;crit bien cette dimension sociale &agrave; la base de la construction du sentiment d&rsquo;efficacit&eacute; personnelle&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>C&rsquo;est par le partage de croyances sur leur capacit&eacute; &agrave; traiter les d&eacute;fis et les actions ensemble que les groupes soudent leur activit&eacute; collective et, d&egrave;s lors, d&eacute;terminent une grande partie de leur r&eacute;sultat.</i>&nbsp;&raquo; (2004, 21)</span></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[9]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Lire <i>Le complexe de Narcisse, la nouvelle sensibilit&eacute; am&eacute;ricaine</i> publi&eacute; chez Robert Laffont en 1981&nbsp; </span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[10]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> <span style="color:#353535">Horace Mann (1796-1859) est &agrave; l&rsquo;origine du syst&egrave;me scolaire am&eacute;ricain qui se concentre exclusivement sur l&rsquo;&eacute;cole en oubliant les autres lieux sociaux d&rsquo;&eacute;ducation et d&rsquo;apprentissage : famille, paroisse, rue, clubs, associations, ateliers, entreprises, etc.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[11]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Il a &eacute;tudi&eacute; la th&eacute;ologie protestante, lecteur de Jonathan Edwards (1703-1758), pasteur et missionnaire ou Reinhold Niebuhr (1892-1971) ce dernier faisant de la religion la manifestation de l&rsquo;illusion prom&eacute;th&eacute;enne et de l&rsquo;auto-d&eacute;ification d&rsquo;un homme inapte &agrave; percevoir ses limites en vivant avec les autres. Ces derniers chapitres sur la religion &eacute;crit peu avant sa mort, s&rsquo;inspirent de ces th&eacute;ologiens et tout particuli&egrave;rement de l&rsquo;engagement militant de R. Niebuhr au sein du parti socialiste am&eacute;ricain, co-fondant en 1941, l&rsquo;Union pour l&rsquo;Action d&eacute;mocratique </span></span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[12]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Christopher Lasch est aussi l&rsquo;auteur de&nbsp;: <i>La Culture du narcissisme, Le Seul et Vrai Paradis : Une histoire de l&#39;id&eacute;ologie du progr&egrave;s et de ses critiques</i></span></span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[13]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Lire l&rsquo;excellent article de Patrick Chastenet dans les Cahiers de psychologie politique n&deg;38&nbsp;: <i>Jacques Ellul et la propagande</i></span></span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[14]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Le lecteur gagnera &agrave; lire ou &eacute;couter Laurent Alexandre faisant l&rsquo;apologie de l&rsquo;eug&eacute;nisme social ou d&rsquo;une transformation robotique d&rsquo;une part de l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;dans sa conf&eacute;rence &agrave; l&rsquo;&eacute;cole polytechnique en date du 12 f&eacute;vrier 2019 o&ugrave; il dit par exemple&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>les gilets jaunes sont des &ecirc;tres substituables</i>&nbsp;&raquo; actant d&rsquo;une d&eacute;shumanisation par objectification de l&rsquo;autre, donnant droit &agrave; sa manipulation technologique en tant qu&rsquo;objet du politique. Il &eacute;voque les inutiles, les intellectuellement inf&eacute;rieurs, les incapables du peuple en s&rsquo;adressant aux jeunes polytechniciens, les qualifiant de Dieux, l&agrave; pour diriger et d&eacute;cider pour un avenir sans m&eacute;diocres.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[15]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Le sociologue Christophe Guilluy aborde cette s&eacute;cession dans son ouvrage <i>No Society</i> publi&eacute; chez Flammarion en 2018</span></span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[16]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Il faut lire les &oelig;uvres de ce sp&eacute;cialistes des impacts socio-politiques des techniques num&eacute;riques, Evgueni Morozov, auteur de&nbsp;: <i>Pour tout r&eacute;soudre cliquez ici&nbsp;: L&#39;aberration du solutionnisme technologique</i>, 2014,&nbsp;Limoges, FYP &eacute;ditions et <i>Le mirage num&eacute;rique&nbsp;: Pour une politique des big data</i>, 2015, Paris,&nbsp;</span><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Prairies_ordinaires" style="color:blue; text-decoration:underline" title="Les Prairies ordinaires"><span style="font-size:8.0pt"><span style="text-decoration:none"><span style="text-underline:none">Les Prairies ordinaires</span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> o&ugrave; il d&eacute;veloppe sa th&egrave;se du solutionnisme technologique qui transforme chaque situation humaine en une probl&eacute;matique appelant une solution technologique. Il est docteur en histoire des sciences de l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;Harvard. Le lecteur peut consulter notre article&nbsp;: <i>La rh&eacute;torique des objets</i> publi&eacute; dans la revue Argumentum 17-1, janvier 2019 o&ugrave; nous examinons la structuration des interactions langagi&egrave;res sous l&rsquo;emprise des contraintes des techniques et des r&eacute;seaux.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[17]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> Michel BLAY, <i>Penser ou cliquer</i>, 2016, Paris, CNRS Editions</span></span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p class="Default" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span lang="EN-GB" style="font-size:8.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span lang="EN-GB" style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[18]</span></span></span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Reprenons ici nos propos sur la d&eacute;solation abord&eacute;e dans l&rsquo;article&nbsp;<i>La raison totalitaire et morbide</i> in les Cahiers de psychologie politique, n&deg; 33 &ndash; 2018&nbsp;: &laquo;&nbsp;La distanciation sociale ressemble &agrave; la d&eacute;solation. La d&eacute;solation traduit un abandon o&ugrave; ni les autres, ni soi-m&ecirc;me ne peuvent interagir du fait d&rsquo;un isolement toujours plus pressant. Arendt d&eacute;crit cette domination totalitaire en ces termes&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>La domination totalitaire se fonde sur la d&eacute;solation, sur l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;absolue non-appartenance au monde, qui est l&rsquo;une des exp&eacute;riences les plus radicales et les plus d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;es de l&rsquo;homme.&nbsp;</i>&raquo; (1972, 226). L&rsquo;enfermement communicationnel entretient la privation par l&rsquo;absence, dans le silence des camps ou par la saturation m&eacute;diatique dont le bruit ali&egrave;ne jusqu&rsquo;&agrave; ce que&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Les hommes deviennent enti&egrave;rement priv&eacute;s&nbsp;: ils sont priv&eacute;s de voir et d&rsquo;entendre autrui, comme d&rsquo;&ecirc;tre vus et entendus par autrui. Ils sont tous prisonniers de la subjectivit&eacute; de leur propre exp&eacute;rience singuli&egrave;re, qui ne cesse pas d&rsquo;&ecirc;tre singuli&egrave;re quand on la multiplie ind&eacute;finiment. Le monde commun prend fin lorsqu&rsquo;on le voit sous un seul aspect, lorsqu&rsquo;il n&rsquo;a le droit de se pr&eacute;senter que dans une seule perspective</i>&nbsp;&raquo; (1983, 99). La domination totalitaire agit alors sur toute la vie par une intrusion permanente dans toutes ses dimensions jusqu&rsquo;&agrave; cette d&eacute;solation par le tout vide ou le tout plein concentrationnaire&nbsp;jusqu&rsquo;&agrave; la perte de conscience de soi dans l&rsquo;isolement concentrationnaire. Son diagnostic&nbsp;: &laquo; <i>Ce qui rend la d&eacute;solation si intol&eacute;rable c&rsquo;est la perte du moi, qui, s&rsquo;il peut prendre r&eacute;alit&eacute; dans la solitude, ne peut toutefois &ecirc;tre confirm&eacute; dans son identit&eacute; que par la pr&eacute;sence confiante et digne de foi de mes &eacute;gaux. Dans cette situation, l&rsquo;homme perd la foi qu&rsquo;il a en lui-m&ecirc;me comme partenaire de ses pens&eacute;es et cette &eacute;l&eacute;mentaire confiance dans le monde, n&eacute;cessaire &agrave; toute exp&eacute;rience. Le moi et le monde, la facult&eacute; de penser et d&rsquo;&eacute;prouver sont perdus en m&ecirc;me temps</i> &raquo;.&nbsp;(1972, 229). Ce processus totalitaire fabrique de l&rsquo;isolement, de l&rsquo;angoisse et de la d&eacute;sesp&eacute;rance, o&ugrave; devenant la chose des autres autant que les autres deviennent choses de soi, l&rsquo;homme dispara&icirc;t &agrave; lui-m&ecirc;me dans le reniement de son humanit&eacute;. Elle &eacute;crit&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;<i>La d&eacute;fiance mutuelle impr&egrave;gne toutes les relations sociales des pays totalitaires et engendre un climat qui r&egrave;gne partout [&hellip;] Chacun est en quelque sorte un &laquo;&nbsp;agent provocateur&nbsp;&raquo; pour tous les autres [&hellip;] Dans un syst&egrave;me d&rsquo;espionnage omnipr&eacute;sent, o&ugrave; tout un chacun peut &ecirc;tre un agent secret, ou chaque individu se sent constamment surveill&eacute;&nbsp;; dans des circonstances en outre o&ugrave; les carri&egrave;res sont extr&ecirc;mement p&eacute;rilleuses, o&ugrave; les ascensions aussi bien que les chutes les plus spectaculaires, sont devenues pain quotidien, chaque mot devient &eacute;quivoque et susceptible d&rsquo;une &laquo;&nbsp;interpr&eacute;tation&nbsp;&raquo; r&eacute;trospective</i>&nbsp;&raquo;. (1972, 163).&nbsp;&raquo; Les rites de la distanciation sociale en France en particulier, correspondent &eacute;tonnamment &agrave; sa description. </span></span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn19"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref19" name="_ftn19" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[19]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> La privation de contacts sociaux a des effets physiologiques et psychologiques. L&rsquo;isolement et la solitude accroissent les risques d&rsquo;anxi&eacute;t&eacute;, les ph&eacute;nom&egrave;nes d&eacute;pressifs et l&rsquo;amoindrissement des fonctions cognitives. L&rsquo;immense &eacute;tude longitudinale de 75 ans et ses donn&eacute;es de la <i>Harvard Study of Adult Development</i> depuis 1939 attestent des conditions d&rsquo;une vie et d&rsquo;un vieillissement en bonne sant&eacute;. L&rsquo;&eacute;tude conclut &agrave; un enseignement du sens commun que tous peuvent confirmer empiriquement&nbsp;: les relations humaines de qualit&eacute; ont un r&ocirc;le &eacute;minent dans le maintien d&rsquo;une bonne sant&eacute; physique et psychique. Le 4<sup>e</sup> directeur de l&rsquo;&eacute;tude&nbsp;Robert Waldinger&nbsp;expose les principaux enseignements dans sa synth&egrave;se&nbsp;: <i>What makes a good life </i>: &laquo;&nbsp;<i>Les bonnes relations nous rendent plus heureux et en meilleur sante. Nous avons appris trois grandes le&ccedil;ons sur les relations. La premi&egrave;re est que les connexions sociales sont tr&egrave;s bonnes pour nous. Et que la solitude tue. [&hellip;] Et exp&eacute;rimenter la solitude appara&icirc;t &ecirc;tre toxique. [&hellip;] Il s&rsquo;av&egrave;re que vivre au milieu de conflit est tr&egrave;s mauvais pour notre sant&eacute;.</i>&nbsp;&raquo; (</span><a href="https://www.adultdevelopmentstudy.org/" style="color:blue; text-decoration:underline"><span style="font-size:8.0pt">https://www.adultdevelopmentstudy.org/</span></a><span style="font-size:8.0pt">). La carence de relations humaines conjugu&eacute;e au vieillissement augmentent les risques de maladies par indiff&eacute;rence, d&eacute;tresse, lassitude, d&eacute;go&ucirc;t de l&rsquo;existence, sentiment d&rsquo;inutilit&eacute;, etc. soit l&rsquo;impact n&eacute;gatif de la perte de sollicitation et de stimulus. J&rsquo;empreinte ici la formule au docteur Martin Juneau, M.D., FRCP, cardiologue et directeur de la pr&eacute;vention, Institut de Cardiologie de Montr&eacute;al. Professeur titulaire de clinique, Facult&eacute; de m&eacute;decine de l&#39;Universit&eacute; de Montr&eacute;al&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;<i>l&rsquo;isolement est per&ccedil;u par le corps comme une forme &ldquo;d&rsquo;agression&rdquo; et provoque l&rsquo;activation des m&eacute;canismes physiologiques impliqu&eacute;s dans la r&eacute;ponse au stress, comme la s&eacute;cr&eacute;tion de cortisol et d&rsquo;adr&eacute;naline.&nbsp; Par exemple, les &eacute;tudes montrent que des relations sociales inad&eacute;quates sont associ&eacute;es &agrave; une augmentation des taux urinaires d&rsquo;adr&eacute;naline, un rythme cardiaque au repos plus &eacute;lev&eacute; et une hausse exag&eacute;r&eacute;e de la pression art&eacute;rielle et du rythme cardiaque en r&eacute;ponse au stress, suivie d&rsquo;une r&eacute;cup&eacute;ration plus lente.&nbsp; Les individus socialement isol&eacute;s sont &eacute;galement plus &agrave; risque de pr&eacute;senter une moins grande variabilit&eacute; de leur fr&eacute;quence cardiaque (intervalle entre deux contractions) et une hypertrophie du ventricule gauche, deux facteurs de risque de mortalit&eacute; cardiovasculaire. Avec le temps, tous ces effets du stress chronique finissent par endommager le c&oelig;ur et les vaisseaux et expliqueraient la hausse marqu&eacute;e d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements cardiovasculaires observ&eacute;e chez les personnes socialement isol&eacute;es</i>.&nbsp;&raquo; (in Observatoire de la pr&eacute;vention &ndash; L&rsquo;isolement social, un important facteur de risque de mortalit&eacute; pr&eacute;matur&eacute;e &ndash; 3 mai 2017)</span></span></span></p> </div> <div id="ftn20"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref20" name="_ftn20" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:8.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[20]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:8.0pt"> De tr&egrave;s nombreuses &eacute;tudes montrent que l&rsquo;isolement social est dangereux sur le plan sanitaire, tant pour l&rsquo;homme que pour les animaux sociaux. Le docteur M. Juneau, cardiologue et directeur de la pr&eacute;vention de l&rsquo;Institut de&nbsp;Cardiologie de Montr&eacute;al, enseignant &agrave; la facult&eacute; de m&eacute;decine de l&#39;Universit&eacute; de Montr&eacute;al insiste sur les cons&eacute;quences physiologiques de l&rsquo;isolement et sur celles psychologiques de la solitude. Elles favorisent une d&eacute;r&eacute;gulation dans l&rsquo;hygi&egrave;ne de vie ou alimentaire, une perte des rituels sociaux des repas ayant pour effet de contribuer au d&eacute;veloppement de l&rsquo;ath&eacute;roscl&eacute;rose. L&rsquo;&eacute;tude des nouveaux retrait&eacute;s isol&eacute;s perdant les liens sociaux et rituels inh&eacute;rents au travail sont expos&eacute;s &agrave; ces aggravations d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;encouragement &agrave; leur adh&eacute;sion &agrave; des groupes sportifs, associatifs, politiques, culturels ou cultuels. A l&rsquo;instar de l&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;Harvard, le docteur Juneau t&eacute;moigne de l&rsquo;important d&rsquo;un r&eacute;seau social dynamique utile au bien &ecirc;tre psychique et &agrave; l&rsquo;&eacute;quilibre physiologique. De m&ecirc;me, l&rsquo;&eacute;tude de la Fondation de France sur <i>Les solitudes en France</i> de 2014 confirme ces conclusions. L&rsquo;&eacute;tude des jeunes, des pauvres ou des personnes &acirc;g&eacute;es isol&eacute;s attestent de ces ph&eacute;nom&egrave;nes de de repli, de perte d&rsquo;estime de soi jusqu&rsquo;&agrave; la d&eacute;pression, voire la d&eacute;sesp&eacute;rance suicidaire. Cette distanciation fabrique de l&rsquo;exclusion sociale par privation des inclusions sociales. C&rsquo;est le sens de la conclusion du brillant article d&rsquo;Arnaud Camp&eacute;on&nbsp;: <i>Solitudes en France : mise en forme d&rsquo;une exp&eacute;rience sociale contemporaine&nbsp;</i>:<i> </i>&laquo;&nbsp;<i>Une diversit&eacute; des formes de solitude, subies ou choisies, qui ne doit cependant pas nous dispenser d&rsquo;une r&eacute;flexion politique de fond sur la structure de la soci&eacute;t&eacute; et sur les &eacute;preuves que celle-ci fait vivre aux individus, tant il est impossible de concevoir un bien-&ecirc;tre individuel en solitude sans que soient collectivement favoris&eacute;es les conditions du &laquo;&nbsp;bien-vivre&nbsp;&raquo; ensemble.</i>&nbsp;&raquo; publi&eacute;<i> </i>dans Informations sociales 2015/2 (n&deg; 188), p. 20-26. Le lecteur peut consulter&nbsp;: <i>10 ans d&#39;observation de l&#39;isolement relationnel : un ph&eacute;nom&egrave;ne en forte progression</i>, soit le barom&egrave;tre <i>Les solitudes en France</i> - &eacute;dition 2020 par Solen Berhuet, Lucie Brice Mansencal, Lucie Etienne, Nelly Guisse, Sandra Hoibian.</span></span></span></p> </div> </div>