<p style="margin-bottom: 11px; text-align: justify;">&nbsp;</p> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Introduction</span></span></b></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Michel de Certeau <a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></a> est une intelligence libre, une personnalit&eacute; en marge des normes. Comme les j&eacute;suites en ont tant produit, il est un homme de science averti et un esprit critique sans aucune concession. Th&eacute;ologien bien s&ucirc;r, il est d&rsquo;abord un historien reconnu pour ses travaux sur la mystique </span></span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&agrave; l&rsquo;&acirc;ge classique. Mais il devient tr&egrave;s vite un critique de la m&eacute;thode et de l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie des </span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">sciences humaines de ses contemporains. Il s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; la psychologie et &agrave; la sociologie, mais aussi &agrave; la linguistique et la psychanalyse. Son immense culture et son sens de la pr&eacute;cision de la langue l&rsquo;am&egrave;ne &agrave; privil&eacute;gier une multiplication des m&eacute;thodes de recherche et une restitution dans une stylistique singuli&egrave;re. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Lorsqu&rsquo;il publie <i>L&rsquo;invention du quotidien</i>, loin des doctes th&eacute;oriciens qui syst&eacute;matisent leur repr&eacute;sentation du monde dans des mod&egrave;les, le j&eacute;suite contourne la raison technicienne pour r&eacute;v&eacute;ler les ruses et les pratiques quotidiennes, o&ugrave; se jouent les r&eacute;alit&eacute;s des vies en soci&eacute;t&eacute;. Sa d&eacute;dicace, &agrave; l&rsquo;entame de sa premi&egrave;re partie, exprime son intention. Michel de Certeau brise la m&eacute;thode scientifique classique, il &eacute;carte la rh&eacute;torique ratiocinante des sciences sociales et il interpelle l&rsquo;&eacute;thique des sciences de l&rsquo;homme d&egrave;s lors qu&rsquo;elles veulent faire de l&rsquo;humain un objet de savoir pour des actions r&eacute;plicables, &agrave; son insu potentiellement <a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></a>. En effet, l&rsquo;homme objet d&rsquo;&eacute;tude devient tel un atome, une chose dont les faits et les gestes sont pr&eacute;visibles, ordonnables ou programmables avec le concours de la vue panoptique visant la soumission des &ecirc;tres &agrave; l&rsquo;intelligence programmatique &eacute;mancipatrice des al&eacute;as d&rsquo;une histoire des passions humaines. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Michel Henry <a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></a> est un philosophe engag&eacute;, connu pour &ecirc;tre un des ph&eacute;nom&eacute;nologues qui a fait de la subjectivit&eacute; et de la vie le c&oelig;ur m&ecirc;me de sa recherche, depuis sa th&egrave;se consacr&eacute;e &agrave; l&rsquo;<i>Essence de la manifestation</i>. Son &oelig;uvre d&eacute;veloppe cette v&eacute;rit&eacute; absolue, selon lui, que tout commence par une vie qui est donn&eacute;e et &agrave; vivre. Avant d&rsquo;&ecirc;tre &agrave; &eacute;tudier sous pr&eacute;texte d&rsquo;objectivation et de science des objets, la vie s&rsquo;&eacute;prouve et elle n&rsquo;est pas l&rsquo;objet d&rsquo;une &eacute;tude vue de l&rsquo;ext&eacute;rieur sans y dispara&icirc;tre. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il consacre un livre &agrave; cette question du savoir et des connaissances scientifiques de l&rsquo;homme qui finissent par le d&eacute;truire au lieu de vivre une humanit&eacute; et de la saisir dans son intimit&eacute; et son exp&eacute;rience singuli&egrave;re. <i>La Barbarie</i>, publi&eacute; en 1987, examine cette d&eacute;rive de la connaissance scientifique contre la culture. Force sera de constater, qu&rsquo;elle entre en r&eacute;sonance avec les th&egrave;ses de Michel de Certeau. Le premier d&eacute;crit la cr&eacute;ativit&eacute; du quotidien dans cette libert&eacute; buissonni&egrave;re qui &eacute;chappe &agrave; l&rsquo;emprise des normes des bureaucraties d&rsquo;Etat. Le second d&eacute;crit la libert&eacute; int&eacute;rieure o&ugrave; l&rsquo;homme trouve en lui la ressource de sa vraie vie. Le premier regarde les faits sociaux, le second la vie int&eacute;rieure. Comment ne pas les concilier&nbsp;? </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Voil&agrave; pourquoi, en ce num&eacute;ro anniversaire des Cahiers de psychologie politique, nous souhaitons reprendre les principaux traits des pens&eacute;es de Michel de Certeau et de Michel Henry, parce que s&rsquo;y joue une conception de la science de l&rsquo;homme et l&rsquo;enjeu de son usage. A l&rsquo;&eacute;vidence, lorsque le premier d&eacute;dicace son &oelig;uvre en ses termes&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;<i>Cet essai est d&eacute;di&eacute; &agrave; l&rsquo;homme ordinaire. H&eacute;ros commun</i>&nbsp;&raquo; (1990, 11), il termine aussi cette d&eacute;dicace par une prise de position qui laisse peu de doute sur son refus de l&rsquo;objectification et de la quantification des faits humains et sociaux <a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[4]</span></span></span></span></span></a>. Lorsque le second ajoute sa pr&eacute;face en 2000, il &eacute;claire les intuitions du sociologue&nbsp;: </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; <i>Pour la premi&egrave;re fois sans doute dans l&#39;histoire de l&#39;humanit&eacute;, savoir et culture divergent, au point de s&#39;opposer dans un affrontement gigantesque &ndash; une lutte &agrave; mort, s&#39;il est vrai que le triomphe du premier entra&icirc;ne la disparition de la seconde. Une telle situation, aussi dramatique que myst&eacute;rieuse, s&rsquo;&eacute;claire si l&#39;on remonte &agrave; sa source au tout d&eacute;but du XVIIe si&egrave;cle, lorsque Galil&eacute;e d&eacute;clare que la connaissance &agrave; laquelle l&#39;homme se confie depuis toujours est fausse et illusoire.</i>&nbsp;&raquo; (2008, 1)&nbsp;</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour en avoir discut&eacute; &agrave; de nombreuses reprises avec Alexandre Dorna &agrave; qui nous rendons hommage dans ce num&eacute;ro, la rh&eacute;torique refl&egrave;te&nbsp;la m&eacute;thode traduisant une posture scientifique et bien s&ucirc;r politique. Choisir de mod&eacute;liser les faits sociaux induit une science politique de gestion ou de manipulation des masses. Choisir une expression plus litt&eacute;raire, c&rsquo;est viser l&rsquo;&eacute;l&eacute;vation de l&rsquo;homme et son &eacute;mancipation personnelle <a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[5]</span></span></span></span></span></a>. Voil&agrave; bien une hypoth&egrave;se o&ugrave; la conception m&ecirc;me de ce qu&rsquo;est une science humaine pose la question de l&rsquo;usage du savoir ainsi construit au service des puissants ou de chacun d&rsquo;entre nous. En effet, la m&eacute;thode contient ses conclusions en germe, parce qu&rsquo;elle n&rsquo;est rien d&rsquo;autre que le d&eacute;ploiement de l&rsquo;hypoth&egrave;se et des choix id&eacute;ologiques initiaux des auteurs, implicites le plus souvent. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nous proc&eacute;derons ici en deux parties, l&rsquo;une s&rsquo;int&eacute;ressera &agrave; l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie des sciences de l&rsquo;homme, l&rsquo;autre &agrave; ses alternatives en termes de m&eacute;thodes et de rh&eacute;toriques. Cet article est aussi un hommage &agrave; mon ami Alexandre Dorna qui fonda les Cahiers, je veux ici y partager quelques-unes de nos discussions qui le faisait douter de ces sciences pr&eacute;tendument rationnelles. Elles nous s&eacute;parent de nous-m&ecirc;mes jusqu&rsquo;&agrave; nous mettre en danger, par instrumentalisation de l&rsquo;autre. C&rsquo;&eacute;tait la raison d&rsquo;une libert&eacute; de ton et de style que nous devrons tous ensemble pr&eacute;server dans les Cahiers de psychologie politique.&nbsp; </span></span></span></span></span></p> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1. L&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie des sciences de l&rsquo;homme</span></span></b></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Michel de Certeau pratique un d&eacute;centrage tr&egrave;s &eacute;mancipateur des pratiques des sciences humaines en adoptant des positions tr&egrave;s critiques contre (1.1.) l&rsquo;individualisme et contre l&rsquo;illusion de (1.2.) la repr&eacute;sentation scripturaire. Et cette repr&eacute;sentation exerce un pouvoir de rationalisation qui d&eacute;passe l&rsquo;entreprise scientifique pour exercer une emprise politique de (1.3.) la repr&eacute;sentation technocratique sur la vie o&ugrave; Michel Henry apporte une explication de cette objectivation de l&rsquo;homme par lui-m&ecirc;me qui le condamne &agrave; s&rsquo;&eacute;loigner de lui-m&ecirc;me dans une science qui d&eacute;truit la culture.</span></span></span></span></span></p> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1.1. La contestation du postulat de l&rsquo;individualisme m&eacute;thodologique</span></span></b></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La psychologie et la sociologie sont des sciences dont les m&eacute;thodes et les enseignements peuvent inspirer les politiques publiques. Et, comme le note Elwis Potier <a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[6]</span></span></span></span></span></a>, l&rsquo;investissement public, dont celui des militaires, montrent bien que l&rsquo;usage des r&eacute;sultats vise des op&eacute;rations d&rsquo;influence, de manipulation ou de propagande, voire de d&eacute;stabilisation et d&rsquo;organisation de mouvements sociaux. De m&ecirc;me, Gustave Le Bon ambitionne bien d&rsquo;offrir par sa psychologie politique &laquo;&nbsp;<i>de gouverner utilement les peuples</i>&nbsp;&raquo; <a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[7]</span></span></span></span></span></a>. Et Auguste Comte a bien la m&ecirc;me intention de construire une sociologie politique dans le but de gouverner scientifiquement les populations <a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[8]</span></span></span></span></span></a>. La conception des buts des sciences sociales en d&eacute;termine bien les m&eacute;thodes pour servir une organisation rationalis&eacute;e et donc plus scientifique de la soci&eacute;t&eacute;. Michel de Certeau interpelle cette conception de la science qui pose un rapport implicit&eacute; &agrave; l&rsquo;autre et &agrave; ce qu&rsquo;il est. Si la science fait de l&rsquo;homme un objet d&rsquo;&eacute;tude atomis&eacute;, donc fongible et interchangeable, ce choix a une charge &eacute;thique consid&eacute;rable, puisqu&rsquo;il subordonne l&rsquo;homme &agrave; des syst&egrave;mes rationnels qui auront pouvoir et autorit&eacute; sur lui. La m&eacute;thode scientifique pr&eacute;figure alors la mise en ordre autoritaire de la soci&eacute;t&eacute; qui doit se conformer &agrave; sa planification et sa reconstruction au-del&agrave; de la nature donn&eacute;e. L&rsquo;expert a raison contre celui qui s&rsquo;ignore.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Michel de Certeau s&rsquo;attaque d&rsquo;embl&eacute;e &agrave; un pilier implicite de la logique des sciences sociales qui pr&eacute;suppose la v&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;individualisme m&eacute;thodologique. L&rsquo;individu est premier et il est l&rsquo;atome &agrave; partir duquel se construit la science et la soci&eacute;t&eacute;. Signalons que les philosophes contractualistes&nbsp;: Rousseau, Hobbes et Locke ont en commun cette conception initiale, se distinguant seulement dans la compr&eacute;hension du principal moteur de l&rsquo;&eacute;mergence du contrat social. Ce contrat selon </span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Hobbes, ce sont la d&eacute;fense, la s&eacute;curit&eacute; et le droit de r&eacute;sistance aux abus guid&eacute;s par la peur. Selon Locke, ce sont l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t partag&eacute; et la reconnaissance mutuelle guid&eacute;s par le d&eacute;sir. Selon Rousseau, ce sont le bien commun et l&rsquo;engagement guid&eacute;s par l&rsquo;altruisme. Notre auteur est en total d&eacute;saccord avec ce postulat&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>L&#39;atomisme sociale qui, pendant trois si&egrave;cles, a servi de postulat historique &agrave; une analyse de la soci&eacute;t&eacute; suppose une unit&eacute; &eacute;l&eacute;mentaire, l&#39;individu, &agrave; partir de laquelle se composeraient des groupes et &agrave; laquelle il serait toujours possible de les ramener. R&eacute;cus&eacute; par plus d&#39;un si&egrave;cle de recherches sociologiques &eacute;conomiques anthropologiques ou psychanalytiques, pareil postulat est hors du champ de cette &eacute;tude.</i>&nbsp;&raquo; (1990, XXXV)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">A l&rsquo;inverse, il insiste sur la r&eacute;alit&eacute; empirique du social, ces faits de l&rsquo;histoire qui pr&eacute;c&egrave;dent toute analyse qui voudrait justement s&rsquo;arracher, se d&eacute;tacher d&rsquo;une v&eacute;rit&eacute; empirique bien pr&eacute;sente&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>L&#39;analyse montre plut&ocirc;t que la relation (toujours sociale) d&eacute;termine ses termes, et non l&#39;inverse, et que chaque individualit&eacute; est le lieu o&ugrave; joue une pluralit&eacute; incoh&eacute;rente (et souvent contradictoire) de ses d&eacute;terminations relationnelles.</i>&nbsp;&raquo; (1990, XXXV)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il conteste cet ordre analytique qui singe benoitement les sciences physiques et les math&eacute;matiques&nbsp;; celles-ci posant arbitrairement les mythes de l&rsquo;atome ou de l&rsquo;atomisme logique. Il interpr&egrave;te cette analyse comme le signe d&rsquo;une conception moderne de la soci&eacute;t&eacute;, l&rsquo;expression d&rsquo;une pens&eacute;e politique qui assume par int&eacute;r&ecirc;t ce renversement des &eacute;vidences sociales et historiques&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; <i>Le lib&eacute;ralisme a pour unit&eacute; de base l&#39;individu abstrait et il r&egrave;gle tous les &eacute;changes entre ces unit&eacute;s sur le code de l&#39;&eacute;quivalence g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e qu&rsquo;est la monnaie. Sans doute aujourd&#39;hui ce postulat individualiste remonte pr&eacute;cis&eacute;ment comme la question qui trouble le syst&egrave;me lib&eacute;ral tout entier. L&rsquo; a priori d&#39;une option historique occidentale devient son point d&#39;implosion.</i>&nbsp;&raquo;&nbsp;(1990, 47)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sa position est radicale. L&rsquo;individualisme est aux sciences humaines, ce que la monnaie est aux &eacute;changes&nbsp;; une mise &agrave; l&rsquo;&eacute;cart de la singularit&eacute; au profit d&rsquo;une repr&eacute;sentation d&eacute;tach&eacute;e du r&eacute;el, mais dont l&rsquo;avantage est d&rsquo;inventer un monde symbolique et d&rsquo;&eacute;change qui s&rsquo;abstrait des objets dont il est la monnaie d&rsquo;&eacute;change. La monnaie ne se confond pas avec les objets qu&rsquo;elle valorise comme l&rsquo;individualisme se lib&egrave;re des v&eacute;ritables humains singuliers, posant non la personne comme premi&egrave;re mais bien l&rsquo;individu, soit une figure abstraite. Cette prise de distance fait de Michel de Certeau un authentique r&eacute;sistant &agrave; l&rsquo;ordre des sciences sociales qui ne peuvent que servir l&rsquo;ordre bourgeois ou l&rsquo;ordre totalitaire selon qu&rsquo;on pr&eacute;f&egrave;re le r&egrave;gne de la monnaie ou celui de l&rsquo;individu agr&eacute;g&eacute; dans un syst&egrave;me politique. Lui, pr&eacute;f&egrave;re enqu&ecirc;ter sur les singularit&eacute;s humaines et du quotidien.</span></span></span></span></span></p> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1.2. L&rsquo;erreur du d&eacute;centrage &eacute;pist&eacute;mique d&rsquo;une raison scripturaire</span></span></b></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il analyse avec une extr&ecirc;me sagacit&eacute; le processus historique de la raison technique et scientifique qui nous d&eacute;poss&egrave;de de la voix, de la parole et de la vie au profit d&rsquo;une repr&eacute;sentation. Et cette repr&eacute;sentation pr&eacute;tend se substituer &agrave; ce qu&rsquo;elle repr&eacute;sente par son pouvoir d&rsquo;ordonner et de construire le r&eacute;el de nos quotidiens &agrave; partir des &eacute;crits qui normalise les vies. Il t&eacute;moigne de cette lente agonie du quotidien du fait de ce projet d&rsquo;&eacute;criture du monde au lieu et place d&rsquo;une vie dans le monde. Michel de Certeau montre comment l&rsquo;Occident se met &agrave; d&eacute;tester l&rsquo;oralit&eacute;, l&rsquo;informel, le quotidien des &eacute;changes pour lui pr&eacute;f&eacute;rer l&rsquo;&eacute;crit, le ma&icirc;tris&eacute;, le construit&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Est &laquo;&nbsp;oral&nbsp;&raquo; ce qui ne travaille pas au progr&egrave;s&nbsp;; r&eacute;ciproquement, est &laquo;&nbsp;scripturaire&nbsp;&raquo; ce qui se s&eacute;pare du monde magique des voix et de la tradition. Une fronti&egrave;re (et un front) de la culture occidentale se dessine dans cette s&eacute;paration-l&agrave;.&nbsp;</i>&raquo; (1990, 199)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La parole donn&eacute;e dispara&icirc;t au profit du contrat. Il poursuit en indiquant qu&rsquo;il s&rsquo;agit bien l&agrave; d&rsquo;une posture politique et &eacute;pist&eacute;mologique. La raison &eacute;crivant ce qu&rsquo;il en est des vivants se donne le droit de l&eacute;gif&eacute;rer, de compter, de tracer pour prendre possession du vivant&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Autrement dit, sur la page blanche, une pratique itin&eacute;rante, progressive et r&eacute;gul&eacute;e &ndash; une marche &ndash; compose l&rsquo;artefact d&rsquo;un autre &laquo;&nbsp;monde&nbsp;&raquo; non plus re&ccedil;u mais fabriqu&eacute;. Le mod&egrave;le d&rsquo;une raison productrice s&rsquo;&eacute;crit sur le non-lieu du papier. Sous des formes multiples, ce texte b&acirc;ti sur un espace propre est l&rsquo;utopie fondamentale et g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e de l&rsquo;Occident moderne.&nbsp;</i>&raquo; (1990&nbsp;; 200)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il d&eacute;crit-l&agrave; le mouvement de planification de toutes les administrations modernes et de ces Etats o&ugrave; le droit commande le vivant. L&rsquo;&eacute;crit devient le commencement ou du moins se d&eacute;cr&egrave;te-t-il comme tel par la divinisation du pouvoir l&eacute;gislatif moderne qui institue et cr&eacute;e l&rsquo;homme, la propri&eacute;t&eacute; et les institutions. Rien n&rsquo;&eacute;chappe alors &agrave; la science r&eacute;digeant le monde, comme si l&rsquo;encre pr&eacute;c&eacute;dait la chair&nbsp;: </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; <i>Depuis le XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle, l&#39;id&eacute;e de m&eacute;thode bouleverse progressivement la relation du conna&icirc;tre et du faire&nbsp;: &agrave; partir des pratiques du droit et de la rh&eacute;torique, chang&eacute;es peu &agrave; peu en actions discursives s&#39;exer&ccedil;ant sur des terrains diversifi&eacute;s et donc en techniques de transformation d&#39;un milieu, s&#39;impose le sch&eacute;ma fondamental d&#39;un discours qui organise la mani&egrave;re de penser en mani&egrave;re de faire, en gestion rationnelle d&#39;une production et en op&eacute;ration r&eacute;gul&eacute;e sur des champs appropri&eacute;s. C&#39;est la m&eacute;thode, germe de la scientificit&eacute; moderne.</i>&nbsp;&raquo; (1990, 103)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sa description met donc en perspective la pratique scientifique en d&eacute;centrant ce qui lui semble &eacute;vident. Lui s&rsquo;autorise ce pas de c&ocirc;t&eacute; pour interroger la pratique d&rsquo;une repr&eacute;sentation scripturaire dont les conclusions deviennent autant d&rsquo;instruments d&rsquo;enr&eacute;gimentement des pratiques du quotidien. Elles ne sauraient &eacute;chapper &agrave; la sagacit&eacute; de leur embrassement rationnel qui, en retour, oblige de se conformer aux injonctions th&eacute;orico-administratives des institutions dont la l&eacute;gitimit&eacute; s&rsquo;est elle-m&ecirc;me construite en quelques textes principiels. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Michel Henry partage cette perception d&rsquo;un d&eacute;centrage fatal &agrave; l&rsquo;humanit&eacute; de l&rsquo;homme. Elle provient de l&rsquo;oubli de la vie dont la ph&eacute;nom&eacute;nologie affirme qu&rsquo;elle est non seulement ce dont il faut s&rsquo;emparer, mais ce qui invite &agrave; un autre rapport &agrave; soi-m&ecirc;me. A cet &eacute;gard, il d&eacute;passe son ma&icirc;tre Husserl puisqu&rsquo;il recherche cette pleine coh&eacute;rence entre l&rsquo;attitude et les buts. L&rsquo;apathie kantienne que nous avons &eacute;tudi&eacute;e <a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[9]</span></span></span></span></span></a> ne saurait guider celui qui discerne en l&rsquo;humain que l&rsquo;essentiel est la vie. Le ph&eacute;nom&eacute;nologue met en &eacute;vidence ce basculement de la modernit&eacute; vers des actions objectives alertant sur ce qu&rsquo;il nomme &laquo;&nbsp;<i>l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement crucial de la Modernit&eacute; en tant que passage du r&egrave;gne de l&rsquo;humain &agrave; celui de l&rsquo;inhumain&nbsp;: l&rsquo;action est devenue objective.&nbsp;</i>&raquo; <a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[10]</span></span></span></span></span></a>. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il revient fr&eacute;quemment sur la responsabilit&eacute; du projet Galil&eacute;en de math&eacute;matisation du monde qui inclut bien &eacute;videmment l&rsquo;humain. A l&rsquo;instar de Michel de Certeau, il y voit bien plus un choix ontologique qu&rsquo;un choix de m&eacute;thode. Sa math&eacute;matisation n&rsquo;est pas un projet, c&rsquo;est une prescription &eacute;liminant la vie effective des humains. Faire science en vertu des pr&eacute;ceptes de Galil&eacute;e <a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[11]</span></span></span></span></span></a>, c&rsquo;est accomplir le v&oelig;u d&rsquo;un ordre politique math&eacute;matis&eacute; o&ugrave; l&rsquo;humain est sacrifi&eacute;. L&agrave; commence la d&eacute;rive d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; sous l&rsquo;emprise de ses repr&eacute;sentations dont les m&eacute;thodes expulsent la vie de ces discours scientifiques et politiques rationnels <a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[12]</span></span></span></span></span></a>. </span></span></span></span></span></p> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1.3. L&rsquo;emprise de la repr&eacute;sentation technocratique sur la vie</span></span></b></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La rationalisation scripturaire <a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[13]</span></span></span></span></span></a> n&rsquo;est donc pas du tout une entreprise neutre puisqu&rsquo;elle d&eacute;nature son objet. Elle tend &agrave; r&eacute;aliser un projet politique et scientifique&nbsp;: </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Une autre &eacute;criture s&#39;impose peu &agrave; peu sous des formes scientifiques, &eacute;rudites ou politiques&nbsp;: elle n&#39;est plus ce qui parle mais ce qui se fabrique.</i>&nbsp;&raquo; (1990, 203)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Et l&rsquo;auteur use d&rsquo;un pronominal qui en dit long sur ce pouvoir instituant et constituant d&rsquo;une &eacute;criture qui refait le monde. Elle ne le d&eacute;crit pas, elle ne le comprend pas, elle le diss&egrave;que pour le d&eacute;sarticuler en autant de fonctions d&rsquo;analyse qu&rsquo;il s&rsquo;agit de manipuler dans l&rsquo;exercice rationnel d&rsquo;un pouvoir qui a instrument&eacute; les choses en les d&eacute;poss&eacute;dant d&rsquo;elle-m&ecirc;me, l&rsquo;humain compris&nbsp;: </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>L&rsquo;&eacute;criture devient un principe de hi&eacute;rarchisation sociale qui privil&eacute;gie hier le bourgeois, aujourd&#39;hui le technocrate. Elle fonctionne comme la loi d&#39;une &eacute;ducation organis&eacute;e par la classe dominante qui peut faire du langage (rh&eacute;torique ou math&eacute;matique) son outil de production.&nbsp;</i>&raquo; (1990, 205)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les sciences participent pour lui d&rsquo;un &eacute;lan progressiste et moderne qui engendre un nouveau monde fabriqu&eacute; par l&rsquo;&eacute;criture exer&ccedil;ant son pouvoir sur les choses et les &ecirc;tres. Ce sera la force contraignante du droit et des normes d&rsquo;imposer des usages, des comportements, des r&egrave;gles de fabrication, des modes de vie en proc&eacute;dant par prescription autant que par proscription&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>La r&eacute;volution m&ecirc;me, cette id&eacute;e &laquo;&nbsp;moderne&nbsp;&raquo; repr&eacute;sente le projet scripturaire au niveau d&#39;une soci&eacute;t&eacute; enti&egrave;re qui a l&#39;ambition de se constituer en page blanche par rapport au pass&eacute;, de s&#39;&eacute;crire elle-m&ecirc;me (c&#39;est-&agrave;-dire de se produire comme syst&egrave;me propre) et de refaire l&#39;histoire sur le mod&egrave;le de ce qu&#39;elle fabrique (ce sera &laquo;&nbsp;le progr&egrave;s&nbsp;&raquo;)</i>&nbsp;&raquo;. (1990, 201)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour ces raisons, Michel de Certeau interpelle les fondements d&rsquo;une pratique scientifique dont il r&eacute;v&egrave;le les origines. Loin d&rsquo;une objectivit&eacute; scientifique, loin d&rsquo;une autorit&eacute; li&eacute;e &agrave; la neutralit&eacute; axiologique, l&rsquo;historien d&eacute;voile toutes les sp&eacute;cificit&eacute;s d&rsquo;une pratique particuli&egrave;re qui se pr&eacute;sente comme La science de l&rsquo;homme, alors qu&rsquo;elle est plut&ocirc;t une posture philosophique et politique <a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[14]</span></span></span></span></span></a>, dont le projet reste born&eacute; et limit&eacute;. Cette d&eacute;naturation par la repr&eacute;sentation s&rsquo;effectue lors de la mise en texte dont la production se fait ensuite injonction de se conformer &agrave; ce qui est &eacute;crit&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Ces &eacute;critures effectuent deux op&eacute;rations compl&eacute;mentaires&nbsp;: par elles, les &ecirc;tres vivants sont &laquo;&nbsp;mis en texte&nbsp;&raquo; mu&eacute;s en signifiant des r&egrave;gles (c&#39;est une intextuation) et, d&#39;autre part, la raison ou le logos d&#39;une soci&eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;se fait chair&nbsp;&raquo; (c&#39;est une incarnation.)</i>&nbsp;&raquo; (1990, 206) &nbsp;</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il ne souscrit donc pas aux styles et m&eacute;thodes ratiocinantes comme &agrave; ces concepts et recherches &eacute;prises de r&eacute;p&eacute;titions et de lois pr&eacute;figurant des techniques de reproduction &agrave; l&rsquo;identique pour s&rsquo;assurer d&rsquo;une domination par la conformation des usages et des m&oelig;urs, pr&eacute;visibles, organis&eacute;s, maitris&eacute;s, corrig&eacute;s.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sur ce sujet, Michel Henry va aux sources des causes d&rsquo;une science objective de l&rsquo;homme qui en fait un objet &eacute;tranger de lui-m&ecirc;me, qu&rsquo;on pourrait r&eacute;duire &agrave; une succession de fonctions et une somme de r&eacute;p&eacute;titions mod&eacute;lisables, parce que la mati&egrave;re humaine ne fait pas exception &agrave; l&rsquo;ordre de la physique et de la chimie qui commande les objets du monde, fussent-il des vivants. L&agrave; o&ugrave; l&rsquo;historien et le sociologue passe par l&rsquo;&eacute;tude de la distanciation de l&rsquo;&eacute;crit, le philosophe explique l&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute; issue de la r&eacute;volution galil&eacute;enne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute; conduit &agrave; une d&eacute;naturation de l&rsquo;homme du fait m&ecirc;me de la m&eacute;thode qui l&rsquo;analyse en lui niant ce qu&rsquo;il est au nom m&ecirc;me de la d&eacute;marche qui pr&eacute;tend rendre compte de ce qu&rsquo;il est. Cette distanciation est fatale &agrave; l&rsquo;humanit&eacute; de l&rsquo;homme <a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[15]</span></span></span></span></span></a>. Michel Henry accuse tr&egrave;s clairement Galil&eacute;e d&rsquo;avoir port&eacute; un projet qui condamne l&rsquo;homme &agrave; sa disparition. Le rejet du savoir empirique tient &agrave; l&rsquo;adossement de Galil&eacute;e &agrave; une foi pythagoricienne o&ugrave; la math&eacute;matisation du monde emporte bien s&ucirc;r la mod&eacute;lisation de l&rsquo;homme en des calculs qui le d&eacute;terminent. Ces connaissances techniques de l&rsquo;homme &eacute;loignent l&rsquo;homme de lui-m&ecirc;me en entretenant l&rsquo;illusion d&rsquo;une machinerie humaine manipulable au prix du sacrifice de la vie effective <a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[16]</span></span></span></span></span></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Et dans une similitude de raisonnement, Michel Henry rejoint Michel de Certeau pour en conclure que la science est une m&eacute;thode mais aussi un discours dont la nature m&ecirc;me &eacute;loigne l&rsquo;homme de lui-m&ecirc;me dans ses formes, ses styles et ses exigences. Ce savoir exerce une puissante influence sur autrui, par la nature m&ecirc;me des enseignements qu&rsquo;il construit en objectifiant l&rsquo;humain. Et, le philosophe observe que la science s&rsquo;oppose et se substitue &agrave; la culture dans toute ses productions&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>De tels modes en lesquels s&rsquo;accomplit la seule connaissance possible de la vie en tant que son exp&eacute;rimentation par elle-m&ecirc;me, en tant que praxis, ne sont rien d&rsquo;autre que les modes traditionnels de la culture, soit l&rsquo;art, l&rsquo;&eacute;thique et la religion.</i>&nbsp;&raquo; (2008, 152)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Comme nous le disions dans nos &eacute;changes avec Alexandre Dorna ces derni&egrave;res ann&eacute;es, la po&eacute;sie, les r&eacute;cits, les romans et les mythes apprennent &agrave; l&rsquo;homme l&rsquo;humain plus que les sciences humaines qui produisent des techniques au service de son ali&eacute;nation et de sa domination. </span></span></span></span></span></p> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2. Les alternatives m&eacute;thodologiques et rh&eacute;toriques</span></span></b></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Michel de Certeau propose donc une autre mani&egrave;re d&rsquo;aller au contact du r&eacute;el. L&rsquo;&eacute;criture ne peut plus &ecirc;tre cette mise &agrave; distance ali&eacute;nant son objet pour se l&rsquo;approprier dans le but de le soumettre &agrave; des concepts et des r&egrave;gles qui l&rsquo;inscriront dans la conformit&eacute; des th&eacute;ories qui le commandent. Les alternatives tiennent &eacute;videmment &agrave; (2.1.) sa d&eacute;testation motiv&eacute;e des nombres et des fictions du calcul, elles tiennent &agrave; (2.2.) une alternative rh&eacute;torique et m&eacute;thodologique. Sur ces sujets, Michel Henry partage cette n&eacute;cessit&eacute; de rompre avec l&rsquo;&eacute;tude technicienne de l&rsquo;homme, d&eacute;j&agrave; d&eacute;shumanis&eacute; dans les postulats de la d&eacute;marche. Ce n&rsquo;est donc pas par hasard que les sciences contemporaines de l&rsquo;homme concluent &agrave; l&rsquo;inexistence de la conscience o&ugrave; &agrave; la seule dimension physico-chimique de l&rsquo;esprit dans les sciences cognitives. Elles renouent avec le scientisme le plus s&ucirc;r de ces postulats.&nbsp; &nbsp;</span></span></span></span></span></p> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.1. Sa d&eacute;testation des nombres et des fictions du calcul</span></span></b></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sa pr&eacute;f&eacute;rence va &agrave; la compr&eacute;hension, &agrave; l&rsquo;interpr&eacute;tation. Il joue de son immense culture qui tisse des liens, fait des ponts, proc&eacute;dant par transfert, analogie, m&eacute;taphorisation dans une autre discipline, r&eacute;v&eacute;lant une dimension in&eacute;dite et inspirante. Avec une telle pr&eacute;dilection pour l&rsquo;articulation des sens qui se manifeste dans le vivant selon la mani&egrave;re dont on l&rsquo;&eacute;tudie et l&rsquo;&eacute;prouve, Michel de Certeau per&ccedil;oit toutes les limites de l&rsquo;approche quantitative et statistique&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>A d&eacute;composer ces &laquo;&nbsp;vagabondages efficaces&nbsp;&raquo; en unit&eacute;s qu&rsquo;elle d&eacute;finit elle-m&ecirc;me, &agrave; recomposer selon ses codes les r&eacute;sultats de ses d&eacute;coupages, l&rsquo;enqu&ecirc;te statistique ne &laquo;&nbsp;trouve&nbsp;&raquo; que de l&rsquo;homog&egrave;ne. Elle reproduit le syst&egrave;me auquel elle appartient et elle laisse hors de son champ la prolif&eacute;ration des histoires et op&eacute;rations h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes qui composent les patchworks du quotidien. La force de ses calculs tient &agrave; sa capacit&eacute; de diviser, mais c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment par cette fragmentation analytique qu&rsquo;elle perd ce qu&rsquo;elle croit chercher et repr&eacute;senter.</i>&nbsp;&raquo; (1990, XLV)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il est &agrave; cet &eacute;gard tr&egrave;s proche de l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologue Paul Feyerabend constatant l&rsquo;av&egrave;nement d&rsquo;une pens&eacute;e monotone, r&eacute;duite &agrave; quelques techniques et instruments permettant de reproduire des s&eacute;ries d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements. Cette intelligence du proc&egrave;s vise la r&eacute;p&eacute;tition, l&rsquo;obsession maniaque d&rsquo;une ma&icirc;trise factice et appauvrissante d&rsquo;o&ugrave; on &eacute;vacue progressivement la vie. Il interroge donc le projet m&ecirc;me d&rsquo;un d&eacute;voilement par l&rsquo;investigation scientifique de ce qui serait inexplicite, inconscient, ordonn&eacute; de mani&egrave;re cach&eacute;e. Il r&eacute;fute cette hypoth&egrave;se d&rsquo;un d&eacute;voilement du secret de l&rsquo;ordre des nombres, &agrave; la fa&ccedil;on des pythagoriciens. Cette distanciation-l&agrave; est &agrave; ses yeux factice. L&agrave; encore, la repr&eacute;sentation se joue de ce qu&rsquo;elle pr&eacute;tend comprendre dans ce mouvement d&rsquo;homog&eacute;n&eacute;isation croissante de la vari&eacute;t&eacute; du vivant. En r&eacute;duisant &agrave; des simplicit&eacute;s, les statistiques d&eacute;valuent les r&eacute;alit&eacute;s en niant leur infinie complexit&eacute;. La d&eacute;marche est en soi autoritaire, mortif&egrave;re en pr&eacute;f&eacute;rant &eacute;crire que vivre, en pr&eacute;f&eacute;rant prescrire qu&rsquo;agir, en fixant la r&egrave;gle.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">A cet &eacute;gard, Michel de Certeau d&eacute;crit l&rsquo;emprise du droit sur la vie comme une cons&eacute;quence de cet ordre o&ugrave; la vie est sous l&rsquo;emprise de sa repr&eacute;sentation en un langage ordonn&eacute; qui s&rsquo;est substitu&eacute; &agrave; la parole et &agrave; l&rsquo;&eacute;change de la vie ordinaire&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Quelle est la coordination entre un faire et un voir, dans ce langage ordinaire o&ugrave; le premier domine si manifestement&nbsp;? La question concerne finalement, sur la base de ces narrations quotidiennes, la relation entre l&#39;itin&eacute;raire (une s&eacute;rie discursive d&#39;op&eacute;rations) et la carte (une mise &agrave; plat totalisant des observations), c&#39;est-&agrave;-dire entre deux langages symboliques et anthropologiques de l&#39;espace. Deux p&ocirc;les de l&#39;exp&eacute;rience. Il semble que, de la culture &laquo;&nbsp;ordinaire&nbsp;&raquo; au discours scientifique, on passe de l&#39;un &agrave; l&#39;autre.</i>&nbsp;&raquo; (1990, 176)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce basculement&nbsp;; il l&rsquo;anticipe jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;voir que le vivant se verra domin&eacute; et transmut&eacute; en fabrication cod&eacute;e et norm&eacute;e ex&eacute;cutant des t&acirc;ches &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;une machine&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>L&rsquo;ordre pens&eacute; &ndash; le texte con&ccedil;u &ndash; se produit en corps &ndash; les livres &ndash; qui le r&eacute;p&egrave;tent, formant pav&eacute;s et chemins, r&eacute;seaux de rationalit&eacute; &agrave; travers l&rsquo;incoh&eacute;rence de l&rsquo;univers. Le processus va se multiplier. Il n&rsquo;est encore que la m&eacute;taphore des techniques, mieux tayloris&eacute;es, qui transformeront les vivants eux-m&ecirc;mes en imprim&eacute;s de l&rsquo;ordre</i>.&nbsp;&raquo; (1990, 212)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La production scripturaire est d&rsquo;abord un projet de repr&eacute;sentation puis un second de pure substitution &agrave; la vie, devenant le monde nouveau d&rsquo;une vie ordonn&eacute;e. Vivre, c&rsquo;est alors inscrire, &eacute;crire, coder, encoder les gestes du quotidien en autant d&rsquo;op&eacute;rations qui font de la vie le prolongement du syst&egrave;me scripturaire. Michel de Certeau anticipe ici l&rsquo;inversion du rapport &agrave; la vie par un rapport &agrave; sa mise en syst&egrave;me, dont l&rsquo;informatisation est le proc&egrave;s&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Cette ambition multiplie l&#39;op&eacute;ration scripturaire dans les champs &eacute;conomiques, administratifs ou politiques pour que le projet se r&eacute;alise. Aujourd&#39;hui, par une inversion qui indique le passage d&#39;un seuil dans ce d&eacute;veloppement, le syst&egrave;me scripturaire marche automobilement, il devient automobile et technocratique&nbsp;; il mue les sujets qui en avaient la ma&icirc;trise en ex&eacute;cutants de la machine &agrave; &eacute;crire qui les ordonne qui les utilise. Soci&eacute;t&eacute; informaticienne.</i>&nbsp;&raquo; (1990, 201)</span></span></span></span></span></p> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.2. Une alternative m&eacute;thodologique et rh&eacute;torique&nbsp; </span></span></b></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">C&rsquo;est en ayant effectu&eacute; ce d&eacute;centrage lib&eacute;rateur que Michel de Certeau commence son travail d&rsquo;explication de ses alternatives m&eacute;thodologiques. Il existe un en dehors de la mise en langage, un avant et un apr&egrave;s pour le chercheur en sciences humaines, mais aussi un &agrave;-c&ocirc;t&eacute; dans la vie de ceux qu&rsquo;on pr&eacute;tend r&eacute;duire au langage qui rend compte d&rsquo;une parcelle de leur existence. L&rsquo;alternative m&eacute;thodologique tient &agrave; cette prise de conscience de la limite de l&rsquo;exercice du langage scientifique lui-m&ecirc;me. Il est parcellaire quoiqu&rsquo;envahissant&nbsp;: </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Une science particuli&egrave;re &eacute;vite cette confrontation directe. Elle se donne les conditions a priori pour ne rencontrer les choses que dans un champ propre et limit&eacute; o&ugrave; elle les &laquo;&nbsp;verbalise&nbsp;&raquo;. Elle les attend dans le quadrillage de mod&egrave;les et d&#39;hypoth&egrave;ses o&ugrave; elle peut les &laquo;&nbsp;faire parler&nbsp;&raquo;, et cet appareil questionneur, tel un pi&egrave;ge de chasseur, transforme leur mutisme en &laquo;&nbsp;r&eacute;ponses&nbsp;&raquo;, donc en langage&nbsp;: c&#39;est l&#39;exp&eacute;rimentation. L&#39;interrogation th&eacute;orique, au contraire, n&#39;oublie pas, ne peut pas oublier qu&#39;outre le rapport de ces discours scientifiques les uns avec les autres, il y a leur commune relation avec ce qu&#39;ils ont pris soin d&#39;exclure de leur champ pour le constituer. Elle se lie au pullulement de ce qui ne parle pas (pas encore&nbsp;?) et qui a, entre autres, la figure des pratiques &laquo;&nbsp;ordinaires&nbsp;&raquo;.&nbsp;</i>&raquo; (1990, 97-98)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Michel de Certeau le situe tout &agrave; la fois comme une r&eacute;sistance m&eacute;thodologique et litt&eacute;raire <a href="#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[17]</span></span></span></span></span></a> en faisant le choix d&rsquo;une autre mani&egrave;re de faire science. Parce que cette science est &agrave; ses yeux illusoire dans sa volont&eacute; d&rsquo;absorber toute la vie dans une repr&eacute;sentation. Cette fiction du savoir n&rsquo;en demeure pas moins un projet cybern&eacute;tique d&rsquo;encodage du monde, de fabrication et de construction o&ugrave; chaque op&eacute;ration ainsi cod&eacute;e vient se substituer &agrave; une vie qui se r&eacute;tr&eacute;cit jusqu&rsquo;&agrave; dispara&icirc;tre. Optimiste, il voit dans cette qu&ecirc;te d&rsquo;un savoir absolu une fiction :</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; <i>Icare au-dessus de ces eaux, il peut ignorer les ruses de D&eacute;dale en des labyrinthes mobiles et sans fin. Son &eacute;l&eacute;vation le transfigure en voyeur. Elle le met &agrave; distance. Elle mue en un texte qu&#39;on a devant soi, sous les yeux, le monde qui ensorcelait et dont on &eacute;tait &laquo;&nbsp;poss&eacute;d&eacute;&nbsp;&raquo;. Elle permet de le lire, d&#39;&ecirc;tre un &OElig;il solaire, un regard de dieu. Exaltation d&#39;une pulsion scopique et gnostique. N&#39;&ecirc;tre que ce point voyant, c&#39;est la fiction du savoir.</i>&nbsp;&raquo;&nbsp; (1990, 140)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">C&rsquo;est la raison pour laquelle il &eacute;tudie plusieurs auteurs dont il explique la posture litt&eacute;raire&nbsp;: Marcel D&eacute;tienne et Jean-Pierre Vernant <a href="#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[18]</span></span></span></span></span></a>qui ont choisi la narration, le r&eacute;cit&nbsp;:&nbsp; </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; <i>Elles ont &eacute;t&eacute; peu &agrave; peu affect&eacute;es d&#39;une valeur frontali&egrave;re, &agrave; mesure que la raison issue de l&rsquo;Aufkl&auml;rung d&eacute;terminait ses disciplines, ses coh&eacute;rences et ses pouvoirs. Elles apparaissent alors comme des alt&eacute;rit&eacute;s et des &laquo;&nbsp;r&eacute;sistances&nbsp;&raquo;, relatives aux &eacute;critures scientifiques dont la rigueur et l&#39;op&eacute;rativit&eacute; se pr&eacute;cisent &agrave; partir du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle. Au nom du m&ecirc;me progr&egrave;s, on voit se diff&eacute;rencier d&#39;une part les arts (ou mani&egrave;res) de faire, dont les titres se multiplient dans la litt&eacute;rature populaire, objet d&#39;une croissante curiosit&eacute; de la part des &laquo;&nbsp;observateurs de l&#39;homme&nbsp;&raquo;, et d&#39;autre part, les sciences que dessine une nouvelle configuration du savoir.</i>&nbsp;&raquo;&nbsp;(1990, 102)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;intelligence pratique, la <i>m&eacute;tis</i> et ses ruses de l&rsquo;intelligence s&rsquo;exposent dans des narrations et des r&eacute;cits qui participent de cette <i>m&eacute;tis</i>. Il n&rsquo;y a pas distance, mais occasion, opportunit&eacute;, rem&eacute;moration, situation, circonstance, lieux et souvenirs des &eacute;v&eacute;nements, etc. La m&eacute;thode induit donc une rh&eacute;torique en lien avec son objet l&agrave; o&ugrave; le discours scientifique impose la d&eacute;chirure de sa distance ratiocinante pour exercer son autorit&eacute;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La rh&eacute;torique devient alors essentielle. Elle d&eacute;cide de la posture politique du chercheur. Soit il fait science pour construire une repr&eacute;sentation et des techniques exer&ccedil;ant leur autorit&eacute; par l&rsquo;organisation pr&eacute;visible des faits et gestes personnels et sociaux par leur ing&eacute;nierie, soit le chercheur vise une relation inspirante et cr&eacute;atrice qui laisse &agrave; son partenaire la libert&eacute; de se laisser plus ou moins inspirer de ces r&eacute;cits. A ce sujet, Michel de Certeau manifeste bien la dimension politique et sociale des deux attitudes. En ce sens, la m&eacute;thode en sciences humaines et sociales n&rsquo;a bien rien de neutre. Ou bien, cette neutralit&eacute; est d&eacute;j&agrave; une intention de reprogrammation de la vie. Lui pr&eacute;f&egrave;re la vie&nbsp;: libert&eacute;, cr&eacute;ation et action &agrave; une science qui risque de viser la reproduction du connu, la r&eacute;p&eacute;tition des mod&egrave;les, l&rsquo;enfermement dans des op&eacute;rations structur&eacute;es et norm&eacute;es&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;<i>Sans s&#39;attarder sur les d&eacute;tails d&#39;une th&egrave;se qui refuse la division id&eacute;ologique entre les savoirs, et donc aussi leur hi&eacute;rarchisation sociale, on peut au moins en retenir que ce tact noue ensemble une libert&eacute; (morale), une cr&eacute;ation (esth&eacute;tique) et un acte (pratique).</i>&nbsp;&raquo; (1990, 115)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Voil&agrave; pourquoi, Michel de Certeau nous donne &agrave; voir une autre mani&egrave;re de faire science, une autre intention, parce que l&rsquo;&eacute;thique du chercheur n&rsquo;est peut-&ecirc;tre pas de servir le projet de disparition de la vie. La mise en texte serait aussi une mise en bi&egrave;re des milles mani&egrave;res de vivre selon les lieux, les coutumes, les personnes, les d&eacute;sirs, les histoires, etc.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Par leur construction m&ecirc;me, les sciences humaines font le choix de servir ce projet. L&agrave; aussi, Michel Henry abonde dans le m&ecirc;me sens pour d&eacute;crire une science destructrice du fait de la distance qu&rsquo;elle impose. L&rsquo;histoire des sciences de l&rsquo;homme co&iuml;ncide avec ces images tout &agrave; la fois projet&eacute;es, r&ecirc;v&eacute;es et pr&eacute;figuratrices d&rsquo;une affirmation de ce que l&rsquo;homme sera, une fois d&eacute;construit et reconstruit par le savoir galil&eacute;en&nbsp;: l&rsquo;animal machine de Descartes et celui d&eacute;velopp&eacute; un si&egrave;cle plus tard par Julien de la Mettrie&nbsp;dans son trait&eacute;&nbsp;: <i>l&rsquo;homme machine</i> &eacute;crit en 1747. Ce dernier annonce le machinisme o&ugrave; l&rsquo;homme est suppl&eacute;tif de la machine ainsi que les projets d&rsquo;un homme machinique, comme il s&rsquo;affirme dans les travaux cognitivistes contemporains, envisageant l&rsquo;ajout de pi&egrave;ces &agrave; l&rsquo;humain&nbsp;: exosquelettes, greffes machiniques diverses, interactions ou interfaces &agrave; des syst&egrave;mes d&rsquo;intelligence artificielle. L&rsquo;homme se dissout dans un r&eacute;seau technique dont il devient une partie absorb&eacute;e dans ce tout <a href="#_ftn19" name="_ftnref19" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[19]</span></span></span></span></span></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Or, Michel Henry y voit le comble de la barbarie et d&rsquo;une indignit&eacute; d&eacute;truisant l&rsquo;humanit&eacute; de l&rsquo;homme, l&agrave; o&ugrave; les sciences ont d&eacute;j&agrave; conclu &agrave; la non-humanit&eacute; de l&rsquo;homme du fait m&ecirc;me de leur position scientifique. Le dialogue est alors improbable du fait de la disjonction totale des repr&eacute;sentations en pr&eacute;sence. C&rsquo;est la raison d&rsquo;une question &eacute;thique autour de l&rsquo;intentionnalit&eacute; du chercheur dont la m&eacute;thode n&rsquo;a rien de neutre. &nbsp;En effet, la revendication de sa neutralit&eacute; produit la mise &agrave; mort de l&rsquo;humanit&eacute;, en imaginant que la constitution du savoir peut s&rsquo;affranchir de l&rsquo;humanit&eacute; de son auteur, comme si l&rsquo;homme de science feignait d&rsquo;&eacute;radiquer en lui sa part d&rsquo;humanit&eacute;. C&rsquo;est donc ce postulat m&ecirc;me qui conduit &agrave; une science inhumaine de l&rsquo;homme dont l&rsquo;usage politique des conclusions techniciennes ne peuvent servir qu&rsquo;&agrave; sa domination, son ali&eacute;nation et sa mise &agrave; mort en tant qu&rsquo;&ecirc;tre humain s&rsquo;&eacute;prouvant dans la vie quotidienne. L&agrave; se rejoignent les deux auteurs.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En conclusion, avec une telle approche, il privil&eacute;gie bien la compr&eacute;hension et sa transmission &agrave; libre disposition de celui qui consentira &agrave; en faire bon usage selon les situations qu&rsquo;il rencontrera. Ce n&rsquo;est donc pas une science utile, un savoir technique ou un outil &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;une recette &agrave; reproduire sans risque connaissant ses r&eacute;sultats. Michel de Certeau s&rsquo;adresse &agrave; des &ecirc;tres libres qui s&rsquo;enrichissent de ce qu&rsquo;il propose. Il ne produit pas une science et une ing&eacute;nierie sociale de l&rsquo;homme, fa&icirc;tes de syst&egrave;me et de m&eacute;canisme, de r&egrave;gles et de certitudes quant &agrave; l&rsquo;effet produit. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il d&eacute;crit les multiples arrangements et accommodements du quotidien dont les populations sont capables du fait de leur inventivit&eacute;. Mais le temps du braconnage peut-il r&eacute;sister &agrave; la civilisation technicienne intrusive et normative qu&rsquo;il a peut-&ecirc;tre mal appr&eacute;ci&eacute;e. En effet, les ambitions technologiques de la soci&eacute;t&eacute; cybern&eacute;tique visent la suppression de cet espace de libert&eacute; o&ugrave; s&rsquo;insinue l&rsquo;invention du quotidien. La soci&eacute;t&eacute; cybern&eacute;tique fabrique cette surveillance panoptique de tous les instants. Aujourd&rsquo;hui, la reconnaissance faciale, le suivi num&eacute;rique et les codes, s&eacute;same de tous les services du quotidien&nbsp;: paiement, acc&egrave;s aux services publics n&rsquo;assujettissent-ils pas le quotidien&nbsp;? Cette mise &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;invention du quotidien tiendrait &agrave; cette capacit&eacute; des populations &agrave; cr&eacute;er leurs modes de vie, malgr&eacute; de tels outils de contr&ocirc;le social. Est-ce encore possible&nbsp;? Dans le cas contraire, nous devrions admettre que Michel de Certeau &eacute;tait malgr&eacute; lui un romantique, trop loin des enjeux technologiques dont d&rsquo;autres&nbsp;: Ellul, Adorno, Horkheimer, Jaspers, Habermas sentaient bien toute la puissance pour faire basculer nos soci&eacute;t&eacute;s dans un nouveau paradigme. A vrai dire, la soci&eacute;t&eacute; cybern&eacute;tique qui s&rsquo;installe n&rsquo;est pas une fatalit&eacute;, c&rsquo;est un choix et les chercheurs en sciences humaines ont &agrave; m&eacute;diter le statut &eacute;pist&eacute;mologique et ontologique de leurs travaux dont la justesse sera aussi leur justice, pour ne pas dire leur &eacute;thique. L&rsquo;action de recherche et son &eacute;criture comme ce qu&rsquo;elle vise d&rsquo;offrir &agrave; autrui participe d&rsquo;un projet politique. C&rsquo;est ce chemin qu&rsquo;ont ouvert Michel de Certeau et Michel Henry. </span></span></span></span></span></p> <p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bibliographie</span></span></span></b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CERTEAU, Michel de, <i>L&rsquo;invention du quotidien I et II</i>, 1990, 1994, Paris, Editions Gallimard </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CERTEAU, Michel de, <i>La Prise de parole et autres &eacute;crits politiques</i>, 1994, Paris, Editions du Seuil</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CERTEAU, Michel de, <i>L&#39;&Eacute;criture de l&#39;histoire</i>, 1975, Paris, Editions Gallimard</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">MAIGRET, Eric, <i>Les trois h&eacute;ritages de Michel de Certeau. Un projet &eacute;clat&eacute; d&rsquo;analyse de la modernit&eacute;</i>, 2000, Annales, Histoire, Sciences Sociales, 55<sup>E</sup> ann&eacute;e, n&deg;3, p.511-549</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">POTIER, Elwis, <i>Propagande et psychologie politique</i>, 2008, in Revue Cultures &amp; Conflits, Editions L&rsquo;Harmattan</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">PROULX, Serge, <i>Une lecture de l&#39;&oelig;uvre de Michel de Certeau : L&#39;invention du quotidien, paradigme de l&#39;activit&eacute; des usagers</i>, in Communication. Information M&eacute;dias Th&eacute;ories, volume 15 n&deg;2, automne 1994. P. 170-197</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">HENRY, Michel, <i>La barbarie</i>, 2008, Paris, PUF </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">HENRY, Michel, <i>L&rsquo;essence de la manifestation</i>, Paris, 1990, PUF</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">HENRY, Michel, <i>Philosophie et ph&eacute;nom&eacute;nologie du corps</i>, 1987, Paris, PUF</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">TORRANCE, John &amp; TREVES, Eddy, <i>Ali&eacute;nation - extran&eacute;ation et rapports de propri&eacute;t&eacute;</i>, 1979, in L&#39;Homme et la soci&eacute;t&eacute;, p.179-201</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">VILLA, Fran&ccedil;ois, <i>Devenir ami ou rester &eacute;tranger avec ce qui vient incidemment &agrave; notre rencontre&nbsp;? </i>2013, Revue fran&ccedil;aise de psychanalyse, Volume 77, p.1018-1029</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:14px">&nbsp;</p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></a> Michel de Certeau (1925-1986), j&eacute;suite, th&eacute;ologien, philosophe, historien des religions mais aussi &eacute;pist&eacute;mologue. Il est l&rsquo;auteur d&rsquo;une &oelig;uvre remarquable dont&nbsp;:&nbsp; <i>L&#39;Invention du quotidien en deux tomes&nbsp;: 1.&nbsp;:&nbsp;Arts de faire&nbsp;et 2.&nbsp;:&nbsp;Habiter, cuisiner</i>. Il met en &eacute;vidence le braconnage culturel&nbsp;et la mani&egrave;re dont l&rsquo;homme ordinaire invente son quotidien en se soustrayant aux injonctions d&rsquo;organisation et de normes des d&eacute;tenteurs de la raison technicienne. Ce sont &laquo;<i>&nbsp;les ruses anonymes des arts de faire&nbsp;</i>&raquo; </span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></a> Eric Maigret situe bien la rupture&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>L&rsquo;invention du quotidien a eu un impact consid&eacute;rable sur l&rsquo;ensemble des sciences humaines en offrant, avec d&rsquo;autres ouvrages majeurs des ann&eacute;es 1980, une alternative au marxisme, au structuralisme et &agrave; leurs croisements.</i>&nbsp;&raquo; (2000, 529)</span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></a> Michel Henry (1922-2002), philosophe, professeur &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul Val&eacute;ry de Montpellier, ph&eacute;nom&eacute;nologue chr&eacute;tien. <i>La Barbarie</i> d&eacute;crit la destruction de la culture dans les soci&eacute;t&eacute;s techniciennes contemporaines o&ugrave; toutes les formes de la vie humaine sont corrompues, d&eacute;natur&eacute;es&nbsp;: du travail &agrave; la cr&eacute;ation artistique. La barbarie scientifique introduit un divorce de l&rsquo;homme avec lui-m&ecirc;me o&ugrave; il se condamne &agrave; se reconstruire dans une repr&eacute;sentation qui sera son auto-destruction. D&egrave;s l&rsquo;introduction de son ouvrage il en expose l&rsquo;origine&nbsp;: &laquo; <i>Cette divergence inconcevable du savoir et de la culture. Il suffit pour cela de prendre la mesure de la r&eacute;duction galil&eacute;enne. Ecarter de la r&eacute;alit&eacute; des objets leurs qualit&eacute;s sensibles, c&rsquo;est &eacute;liminer du m&ecirc;me coup notre sensibilit&eacute;, l&rsquo;ensemble de nos impressions, de nos &eacute;motions, de nos d&eacute;sirs et de nos passions, de nos pens&eacute;es, bref notre subjectivit&eacute; tout enti&egrave;re qui fait la substance de notre vie.</i>&nbsp;&raquo; (2008, 2)<i> </i></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[4]</span></span></span></span></span></a> &laquo;&nbsp;<i>Sociologisation et anthopologisation de la recherche privil&eacute;gient l&rsquo;anonyme et le quotidien o&ugrave; des zooms d&eacute;coupent des d&eacute;tails m&eacute;tonymiques &ndash; parties prises pour le tout. Lentement les repr&eacute;sentants hier symbolisateurs de familles, de groupes et d&rsquo;ordres s&rsquo;effacent de la sc&egrave;ne o&ugrave; ils r&eacute;gnaient quand c&rsquo;&eacute;tait le temps du nom. Le nombre advient, celui de la d&eacute;mocratie, de la grande ville, des administrations, de la cybern&eacute;tique. C&rsquo;est une foule souple et continue, tiss&eacute;e serr&eacute; comme une &eacute;toffe sans d&eacute;chirure ni reprise, une multitude de h&eacute;ros quantifi&eacute;s qui perdent noms et visages en devenant le langage mobile de calculs et de rationalit&eacute;s n&rsquo;appartenant &agrave; personne. Fleuves chiffr&eacute;s de la rue.</i>&nbsp;&raquo; (1990, 11, 12) </span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[5]</span></span></span></span></span></a> Eric Maigret note &agrave; sa fa&ccedil;on cette communion entre l&rsquo;auteur et le lecteur, le premier cherchant &agrave; partager un voyage, un cheminement et un apprentissage cr&eacute;atif&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>La m&eacute;taphore du voyage, omnipr&eacute;sente chez Michel de Certeau et si intimement li&eacute;e &agrave; sa propre exp&eacute;rience de l&rsquo;existence, est aussi interrog&eacute;e et clairement utilis&eacute;e comme une repr&eacute;sentation d&rsquo;un processus d&rsquo;apprentissage servant &agrave; penser ensemble structure et action individuelle.</i>&nbsp;&raquo; (2000, 539-540)<i> </i></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[6]</span></span></span></span></span></a> &laquo;&nbsp;<i>Il suffit de rappeler combien les premi&egrave;res recherches en psychologie sociale ont b&eacute;n&eacute;fici&eacute; de financements militaires et servi des fins explicitement politiques.</i>&nbsp;&raquo; (2008). </span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[7]</span></span></span></span></span></a> Gustave Le Bon, <i>Psychologie politique</i>, 1921, Editions Flammarion, p.3</span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[8]</span></span></span></span></span></a> Il suffit de se r&eacute;f&eacute;rer au titre de ses ouvrages&nbsp;: <i>Syst&egrave;me de politique positive ou Trait&eacute; de sociologie</i></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[9]</span></span></span></span></span></a> Nous incitons le lecteur &agrave; lire&nbsp;: <i>La perversion du principe d&rsquo;apathie</i> publi&eacute; dans le n&deg; 35 des Cahiers de psychologie politique en juillet 2019</span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[10]</span></span></span></span></span></a> Michel Henry, <i>La Barbarie</i>, p.85</span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[11]</span></span></span></span></span></a> Il &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>La pr&eacute;dication id&eacute;ale du fait humain ne signifie donc que son appauvrissement progressif, lequel parvient &agrave; son degr&eacute; extr&ecirc;me dans le traitement math&eacute;matique. Car l&rsquo;acte cat&eacute;gorial math&eacute;matique est un acte purement formel, son objet est un objet quelconque, on peut compter n&rsquo;importe quoi sans que cette proc&eacute;dure apporte le moindre &eacute;l&eacute;ment concret &agrave; ce qui lui est soumis.</i>&nbsp;&raquo; (2008, 146) Il poursuit contre Galil&eacute;e en ses termes&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>le projet galil&eacute;en lui-m&ecirc;me, consid&eacute;r&eacute; non pas dans l&rsquo;effectivit&eacute; de son op&eacute;ration et selon son th&eacute;matisme explicite mais dans le secret de son intentio, comme &eacute;tant lui-m&ecirc;me une exp&eacute;rience subjective et un vouloir de la vie, celui de se nier elle-m&ecirc;me&nbsp;?</i>&nbsp;&raquo; (2008, 146)</span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[12]</span></span></span></span></span></a> Eric Maigret note &agrave; juste titre le conflit d&rsquo;&eacute;cole dans les ann&eacute;es soixante-dix&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>En mettant l&rsquo;accent sur l&rsquo;acte de compr&eacute;hension dans l&rsquo;activit&eacute; scientifique et en d&eacute;fendant une vision discursive de la discipline, de Certeau s&rsquo;est imm&eacute;diatement heurt&eacute; aux traditions quantitatives qui dominaient la recherche historique au d&eacute;but des ann&eacute;es 1970, ce qui explique une perc&eacute;e tardive de ses travaux.</i>&nbsp;&raquo; &nbsp;(2000, 515)</span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[13]</span></span></span></span></span></a> Eric Maigret le note aussi dans son article&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>Le statut m&ecirc;me de l&rsquo;enqu&ecirc;te scientifique est en jeu dans ces &eacute;tudes qui soulignent toute l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; des techniques d&rsquo;investigation, la difficult&eacute; de prendre en compte l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; et, finalement, le probl&egrave;me de l&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;histoire.</i>&nbsp;&raquo; (2000, 514-515)</span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[14]</span></span></span></span></span></a> Nous mettons en note quelques autres citations de l&rsquo;auteur&nbsp;: &laquo;<i> Produire un ordre pour l&#39;&eacute;crire sur le corps d&#39;une soci&eacute;t&eacute; sauvage ou d&eacute;prav&eacute;e. L&#39;&eacute;criture acquiert un droit sur l&#39;histoire en vue de la redresser, mater ou &eacute;duquer. Elle se fait science et politique avec l&#39;assurance, bient&ocirc;t mu&eacute;e en postulat &laquo;&nbsp;&eacute;clair&eacute;&nbsp;&raquo; ou r&eacute;volutionnaire, que la th&eacute;orie doit transformer la nature en s&#39;y inscrivant. Elle se fait violence taillant et coupant dans l&#39;irrationalit&eacute; de peuple superstitieux ou de r&eacute;gions ensorcel&eacute;es.&nbsp;</i>&raquo; (1990, 212)&nbsp;</span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[15]</span></span></span></span></span></a> &laquo;<i>&nbsp;Se substitue le projet explicite d&rsquo;acqu&eacute;rir de l&rsquo;homme une connaissance scientifique, c&rsquo;est-&agrave;-dire objective au double sens qui a &eacute;t&eacute; reconnu &ndash; de telle fa&ccedil;on que la vis&eacute;e de cette objectivit&eacute; implique la mise hors-jeu de la subjectivit&eacute; qui d&eacute;finit l&rsquo;essence de l&rsquo;homme [&hellip;] Dans le cas des sciences humaines au contraire, la mise hors-jeu de la subjectivit&eacute; ne signifie rien de moins que l&rsquo;exclusion de ce qui en l&rsquo;homme constitue son essence propre.&nbsp;</i>&raquo; (2008, 133)</span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[16]</span></span></span></span></span></a> Michel Henry s&rsquo;y attache tout au long du chapitre V &ndash; Les id&eacute;ologies de la barbarie o&ugrave; il pr&eacute;cise&nbsp;: &laquo; <i>Le gain de l&rsquo;objectivit&eacute; est illusoire pour autant que l&rsquo;op&eacute;ration continu&eacute;e de l&rsquo;objectivation, de la repr&eacute;sentation, de l&rsquo;abstraction, de l&rsquo;id&eacute;ation, de la num&eacute;ration ne permet pas une approche de l&rsquo;Essentiel mais d&eacute;termine au contraire son &eacute;loignement progressif et finalement sa perte &ndash; comment, en d&eacute;pit de cette accumulation de connaissances positives dont se pr&eacute;vaut notre &eacute;poque, jamais en effet, l&rsquo;homme n&rsquo;a moins su ce qu&rsquo;il &eacute;tait.</i>&nbsp;&raquo;<i> </i>&nbsp;(2008, 152)</span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[17]</span></span></span></span></span></a> &laquo;&nbsp;<i>La premi&egrave;re victime de cette dichotomie (entre dire et &eacute;crire) fut sans doute la rh&eacute;torique&nbsp;: elle pr&eacute;tendait faire de la parole ce qui joue sur le vouloir de l&rsquo;autre.</i>&nbsp;&raquo; (1990, 231)</span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[18]</span></span></span></span></span></a> &laquo;&nbsp;<i>Marcel D&eacute;tienne a d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment choisi de raconter. [&hellip;] Il refuse la coupure qui en ferait des objets de savoir, mais aussi des objets &agrave; savoir, cavernes o&ugrave; des &laquo;&nbsp;myst&egrave;res&nbsp;&raquo; en r&eacute;serve atteindraient de l&#39;investigation scientifique leur signification. Il ne suppose pas, derri&egrave;re toutes ces histoires, des secrets dont le progressif d&eacute;voilement lui donnerait, en retrait, sa propre place celle de l&#39;interpr&eacute;tation. Ces contes, r&eacute;cits, po&egrave;mes et trait&eacute;s lui sont d&eacute;j&agrave; des pratiques. Ils disent exactement ce qu&#39;ils font. Ils sont le geste qu&#39;il signifient. Nul besoin de leur ajouter une glose qui sache ce qu&#39;ils expriment sans le savoir ni de se demander de quoi ils sont l&agrave; m&eacute;taphore</i>.&nbsp;&raquo; (1990, 122)</span></span></p> </div> <div id="ftn19"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref19" name="_ftn19" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[19]</span></span></span></span></span></a> Michel Henry conclut <i>La Barbarie</i> par un petit texte <i>Underground </i>o&ugrave; il &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>on a vu comment&nbsp;: comment le projet de parvenir &agrave; une connaissance objective de l&rsquo;&eacute;tant naturel avait conduit les fondateurs de la modernit&eacute; &agrave; exclure de cette connaissance toutes ses propri&eacute;t&eacute;s sensibles et subjectives &ndash; tout ce qui comportait une r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la vie. Ainsi, la n&eacute;gation de celle-ci, c&rsquo;est-&agrave;-dire, en fin de compte, son auton&eacute;gation, prenait-elle l&rsquo;allure d&rsquo;un d&eacute;veloppement positif, celui de la connaissance et de la science. [&hellip;] la mise hors-jeu de la subjectivit&eacute; aboutit au ravage de la Terre par la nature asubjective de la technique et, quand elle est appliqu&eacute;e &agrave; la connaissance de l&rsquo;homme lui-m&ecirc;me, comme dans les nouvelles &laquo;&nbsp;sciences humaines&nbsp;&raquo;, &agrave; la destruction pure et simple de son humanit&eacute;.&nbsp;</i>&raquo; (2008, 242)</span></span></p> </div> </div> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p>