<p style="margin-bottom: 14px; text-align: justify;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Daniel Priolo est ma&icirc;tre de conf&eacute;rences &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul Val&eacute;ry, Montpellier 3. Il est sp&eacute;cialiste de psychologie et d&rsquo;ergonomie au sein de l&rsquo;unit&eacute; de recherche Dynamique des capacit&eacute;s humaines et des conduites de sant&eacute;. Il est expert en mati&egrave;re de changements de comportements en s&rsquo;appuyant sur les th&eacute;ories de l&rsquo;engagement, de la dissonance cognitive et des nudges.</span></span></span></p> <ol> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:19px"> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098542"> Introduction</a> </span></span></span></h2> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans la pr&eacute;sentation du marxisme, certains auteurs le consid&egrave;rent comme une science (e.g., Burawoy, 1990), d&rsquo;autres comme une &eacute;laboration int&eacute;ressante d&rsquo;un point de vue historique (e.g., Piketty, 2020) et d&rsquo;autres encore comme un dogme (e.g., Dienes, 2008) voire comme un dogme comportement comportant de nombreuses erreurs &eacute;conomiques (e.g., Kovtun, 1990). Dans ces travaux, l&rsquo;objectif poursuivi par les chercheurs &eacute;taient de d&eacute;montrer le bien-fond&eacute; de la th&eacute;orie &eacute;conomique de Marx. L&rsquo;ambition de cet article est diff&eacute;rente. Bien &eacute;videmment, nous n&rsquo;aborderons pas la question &eacute;conomique et nous ne traiterons pas non plus du marxisme en tant qu&rsquo;id&eacute;ologie. Nous consid&eacute;rons que l&rsquo;id&eacute;ologie marxiste constitue, par moment, une extrapolation de la pens&eacute;e de Marx. Autrement dit, le marxisme serait, d&eacute;j&agrave;, une interpr&eacute;tation des propos de cet auteur. Notre souhaitons revenir aux id&eacute;es originelles et traiter de concepts que nous qualifierons de marxiens. Nous entendons par l&agrave; les concepts qui rel&egrave;vent directement des ouvrages de Marx et non d&rsquo;une lecture de cet auteur. Les concepts centraux sur lesquels nous allons fonder notre raisonnement sont l&rsquo;id&eacute;ologie, l&rsquo;exploitation, le consentement et l&rsquo;ali&eacute;nation. Ainsi, l&rsquo;objectif de cet article est de mettre en parall&egrave;le les id&eacute;es de Karl Marx avec la th&eacute;orie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957). Plus pr&eacute;cis&eacute;ment, nous souhaitons d&eacute;montrer que la r&eacute;vision de cette th&eacute;orie formul&eacute;e par Beauvois et Joule (1996) s&rsquo;appuie sur des concepts marxiens sans pour autant en faire &eacute;tat de mani&egrave;re explicite. Il s&rsquo;agit donc de d&eacute;montrer qu&rsquo;une th&eacute;orie majeure de la psychologie sociale peut s&rsquo;expliquer par des concepts &eacute;labor&eacute;s par Marx. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour ce faire, nous proc&egrave;derons en quatre &eacute;tapes. Dans un premier temps, nous d&eacute;montrerons que l&rsquo;id&eacute;ologie marxiste est en soi un oxymore. En effet, nous pr&eacute;senterons la vision n&eacute;gative que Marx et Engels (1932, 2012) avaient de l&rsquo;id&eacute;ologie. Nous d&eacute;crirons le processus de renversement qui am&egrave;ne les &ecirc;tres humains &agrave; justifier leurs conditions mat&eacute;rielles par l&rsquo;id&eacute;ologie. Un parall&egrave;le sera fait entre la justification de conditions mat&eacute;rielles et la rationalisation. Cela nous conduira, dans un deuxi&egrave;me temps, &agrave; pr&eacute;senter la th&eacute;orie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957) et le processus de rationalisation cognitive tel qu&rsquo;il est pens&eacute; par Beauvois et Joule (1996). Les sp&eacute;cificit&eacute;s de leur r&eacute;vision de la th&eacute;orie de Festinger (1957) seront alors soulign&eacute;es. Elles nous permettront de mieux comprendre, dans un troisi&egrave;me temps, les liens qu&rsquo;il est possible de faire entre l&rsquo;ali&eacute;nation, la justification du consentement &agrave; l&rsquo;exploitation et les modes de r&eacute;duction de la dissonance cognitive. Enfin dans un quatri&egrave;me et dernier temps, nous exposerons deux illustrations exp&eacute;rimentales pour montrer en quoi la conception radicale de la dissonance est compatible avec les id&eacute;es de Marx. </span></span></span></p> <ol start="2"> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:19px"> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098543"> L&rsquo;id&eacute;ologie selon Marx</a> </span></span></span></h2> </li> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:48px" value="1"> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-style:italic"><a name="_Toc92098544"> Origine et &eacute;volution du concept d&rsquo;id&eacute;ologie</a></span></span></span></span></h3> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">De mani&egrave;re assez paradoxale, certaines personnes se r&eacute;clament de l&rsquo;id&eacute;ologie marxiste. Si nous pr&eacute;tendons qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un paradoxe c&rsquo;est parce que nous nous appuyons sur la conception que Marx et Engels (1932, 2012) se faisaient de l&rsquo;id&eacute;ologie. En effet, dans leur ouvrage <i>L&rsquo;id&eacute;ologie allemande</i>, ces auteurs critiquent les th&egrave;ses id&eacute;alistes selon lesquelles les id&eacute;es fa&ccedil;onnent nos conditions d&rsquo;existence. Ils qualifient les id&eacute;ologies de &laquo;&nbsp;consciences illusoires et invers&eacute;es que se font les hommes de leur condition sociale&nbsp;&raquo;. En d&rsquo;autres termes, penser qu&rsquo;une id&eacute;ologie peut servir de sous-bassement &agrave; un changement des conditions mat&eacute;rielles est une illusion mais en plus une vision invers&eacute;e des causes dans l&rsquo;histoire humaine. Cette vision s&rsquo;ancre dans un renversement de la perception des choses analogue au renversement des objets sur la r&eacute;tine. Par cons&eacute;quent, quand une personne affirme adh&eacute;rer &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie marxiste, elle s&rsquo;inscrit dans un mode de pens&eacute;e que Marx et Engels d&eacute;non&ccedil;aient.</span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Avec leur conception de l&rsquo;id&eacute;ologie<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></a>, ils s&rsquo;&eacute;loignaient de la signification originelle de ce terme. En effet, c&rsquo;est au 18<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle qu&rsquo;Antoine Destutt de Tracy propose d&rsquo;&eacute;tudier la science des id&eacute;es qu&rsquo;il nomme alors &laquo;&nbsp;id&eacute;ologie&nbsp;&raquo; (Bourque &amp; Duchastel, 2014). Il s&rsquo;agissait de concevoir une nouvelle discipline, capable d&rsquo;analyser m&eacute;thodiquement l&rsquo;av&egrave;nement de la moralit&eacute; chez les &ecirc;tres humains. Par la suite, ce terme sera r&eacute;cup&eacute;r&eacute; par des personnes comme Chateaubriand ou Napol&eacute;on 1<sup>er</sup>. Le terme id&eacute;ologie &eacute;tait essentiellement utilis&eacute; de mani&egrave;re p&eacute;jorative pour tourner en d&eacute;rision les intellectuels r&eacute;volutionnaires tels que Destutt de Tracy. Au d&eacute;but du 19<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle, les id&eacute;es r&eacute;volutionnaires &eacute;taient per&ccedil;ues comme, au pire, dangereuses et, au mieux, comme de douces illusions. Les id&eacute;ologues &eacute;taient donc per&ccedil;us comme des personnes &eacute;loign&eacute;es de probl&egrave;mes concrets (Macherey, 2014). Au fil du temps, le sens premier de l&rsquo;id&eacute;ologie a &eacute;t&eacute; mis de c&ocirc;t&eacute; au profit d&rsquo;une signification synonyme de vision du monde utopiste voire dogmatique. Dans cette signification, les personnes qui sont dans l&rsquo;id&eacute;ologie sont dans les id&eacute;es et en oublient le r&eacute;el. C&rsquo;est dans ce contexte que Marx et Engels publient une s&eacute;rie d&rsquo;articles entre 1844 et 1847. Ils s&rsquo;appuieront sur ces textes pour r&eacute;diger leur ouvrage de <i>l&rsquo;id&eacute;ologie allemande</i> qui en plus de proposer une critique de la pens&eacute;e H&eacute;gelienne d&eacute;crit le processus causal de production des id&eacute;ologies comme justification des conditions mat&eacute;rielles et non l&rsquo;inverse. </span></span></span></p> <ol start="2"> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:48px"> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-style:italic"><a name="_Toc92098545"> Des conditions mat&eacute;rielles &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie</a></span></span></span></span></h3> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La d&eacute;marche de Marx et Engels (1932, 2012) consiste &agrave; comprendre les m&eacute;canismes sociaux et historiques qui aboutissent &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une &laquo; conscience, illusoire et invers&eacute;e &raquo;. Pour r&eacute;sumer et simplifier leur propos (sans le rendre simpliste), nous pouvons d&eacute;crire une s&eacute;quence causale. Le point de d&eacute;part de cette s&eacute;quence est ce qui, selon Marx et Engels, diff&eacute;rencie les &ecirc;tres humains des animaux&nbsp;: la production des conditions d&rsquo;existence. Les &ecirc;tres humains, contrairement aux animaux, produisent les outils, les techniques et tous les autres &eacute;l&eacute;ments n&eacute;cessaires &agrave; leur survie<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></a>. La production des conditions d&rsquo;existence va &ecirc;tre d&eacute;termin&eacute;e par les conditions mat&eacute;rielles dans lesquelles les membres d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; donn&eacute;e &eacute;voluent. Ces conditions vont aboutir &agrave; une division du travail qui est organis&eacute;e autour d&rsquo;un mode de production. Quel que soit le mode de production<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></a>, il comprend deux dimensions qui sont d&rsquo;une part les forces productives et d&rsquo;autre part les rapports de production. Les forces productives correspondent &agrave; tout ce qui est n&eacute;cessaire pour produire des biens. Il y a donc des hommes et des techniques, des outils ainsi que des machines, plus ou moins &eacute;labor&eacute;s selon les &eacute;poques. Les rapports de production sont &agrave; comprendre au sens de rapports sociaux qui organisent la production. Ce qui correspond peu ou prou aux rapports de domination. Il y aurait donc une classe dominante et une classe domin&eacute;e. Ce qui d&eacute;finit le caract&egrave;re dominant d&rsquo;une classe c&rsquo;est son appropriation du travail de l&rsquo;autre classe dite domin&eacute;e. Les id&eacute;es d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; et d&rsquo;une &eacute;poque donn&eacute;es d&eacute;coulent de ces rapports de domination. En effet, les id&eacute;es sont produites essentiellement par les dominants (des membres du clerg&eacute;, des th&eacute;ologiens ou des philosophes) pour justifier leur position de domination. Les dominants b&eacute;n&eacute;ficient de conditions favorables pour exercer des professions intellectuelles. Ils se penchent sur des concepts tels que la morale ou la justice et en viennent &agrave; d&eacute;finir une organisation de la soci&eacute;t&eacute;. Ces actions aboutissent &agrave; un &eacute;tat o&ugrave; les id&eacute;es ne sont plus per&ccedil;ues comme intrins&egrave;quement li&eacute;es aux conditions mat&eacute;rielles. Cette dissociation conduit &agrave; g&eacute;n&eacute;rer une croyance selon laquelle ce sont les id&eacute;es qui ont fa&ccedil;onn&eacute; les conditions mat&eacute;rielles. En travaillant sur les id&eacute;es, un renversement de l&rsquo;encha&icirc;nement causal s&rsquo;est op&eacute;r&eacute;. L&rsquo;id&eacute;ologie, au sens marxien du terme, correspond &agrave; ce renversement de causalit&eacute;. C&rsquo;est ce qui fera dire &agrave; Marx et Engels (1932, 2012) que l&rsquo;id&eacute;ologie est toujours un renversement du r&eacute;el qui am&egrave;ne les dominants &agrave; s&rsquo;enferrer dans les mailles du filet id&eacute;ologique et &agrave; davantage justifier les conditions mat&eacute;rielles. Ces derni&egrave;res sont parfois m&ecirc;me pr&eacute;sent&eacute;es comme naturelles. Autrement dit, les id&eacute;es des dominants d&eacute;peignent les rapports de domination comme naturels et conformes &agrave; ce que sont les &ecirc;tres humains. Il s&rsquo;agit l&agrave; de la justification ultime qui produit souvent un double &eacute;tat de domination. Les domin&eacute;s le sont &agrave; la fois sur le plan mat&eacute;riel et sur le plan des id&eacute;es. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une id&eacute;e fr&eacute;quemment mise en avant dans les d&eacute;mocraties lib&eacute;rales et &agrave; laquelle adh&egrave;rent les domin&eacute;s, consiste &agrave; faire de la libert&eacute; une valeur fondamentale (Beauvois, 1994). Toutefois, la libert&eacute; est plus symbolique que r&eacute;elle pour les classes domin&eacute;es. N&eacute;anmoins, les domin&eacute;s se sont appropri&eacute; cette id&eacute;e qui va servir de point de d&eacute;part &agrave; la justification de la soumission librement consentie (Beauvois &amp; Joule, 1981). Plusieurs processus psychologiques nous poussent &agrave; justifier ou expliquer une situation de soumission. Ils sont au c&oelig;ur d&rsquo;une reformulation de la th&eacute;orie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957)&nbsp;: la conception radicale (Beauvois &amp; Joule, 1996). </span></span></span></p> <ol start="3"> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:19px"> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098546"> Th&eacute;orie de la dissonance cognitive, conception radicale et rapports de domination</a></span></span></span></h2> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans la partie pr&eacute;c&eacute;dente, nous avons expliqu&eacute; pourquoi, selon Marx et Engels (1932, 2012), l&rsquo;id&eacute;ologie correspond &agrave; un renversement du r&eacute;el. Dans cette partie, nous allons construire une passerelle entre la conception marxienne de l&rsquo;id&eacute;ologie et la conception radicale de la dissonance cognitive. Pour ce faire, nous rappellerons les principes essentiels de la th&eacute;orie de Festinger (1957) puis nous pr&eacute;senterons les sp&eacute;cificit&eacute;s de la r&eacute;vision de Beauvois et Joule (1996). </span></span></span></p> <ol> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:48px"> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-style:italic"><a name="_Toc92098547"> La Formulation Originelle</a></span></span></span></span></h3> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans les ann&eacute;es 50, une &eacute;quipe de chercheurs en psychologie sociale avait infiltr&eacute; une secte mill&eacute;nariste afin d&rsquo;&eacute;tudier leur r&eacute;action apr&egrave;s l&rsquo;&eacute;chec d&rsquo;une proph&eacute;tie qui pr&eacute;disait la fin du monde (Festinger et al., 1956). En s&rsquo;appuyant sur les faits observ&eacute;s pendant cette infiltration, Festinger (1957) formula la th&eacute;orie de la dissonance cognitive. Cette th&eacute;orie peut se r&eacute;sumer &agrave; la description et &agrave; l&rsquo;explication des cons&eacute;quences qui font suite &agrave; la prise de conscience d&rsquo;une inconsistance. Festinger s&rsquo;appuie sur le concept de cognition qu&rsquo;il d&eacute;finit comme la construction d&rsquo;une connaissance. Il suppose que quand une personne prend conscience qu&rsquo;elle poss&egrave;de deux cognitions qui entretiennent une relation d&rsquo;inconsistance, elle ressent un &eacute;tat d&rsquo;inconfort psychologique caract&eacute;ristique de la dissonance cognitive. Par exemple, une personne qui n&rsquo;aime pas les choux de Bruxelles et qui en mange doit ressentir un &eacute;tat de malaise. Cet &eacute;tat d&eacute;sagr&eacute;able est la dissonance cognitive. Il correspond &agrave; un signal d&rsquo;alarme indiquant la pr&eacute;sence d&rsquo;une inconsistance. A l&rsquo;instar de la faim, la dissonance n&rsquo;existe que pour &ecirc;tre r&eacute;duite. Festinger propose plusieurs modes de r&eacute;duction, qui peuvent se r&eacute;partir en deux cat&eacute;gories. D&rsquo;une part, les modes dans lesquels un changement est op&eacute;r&eacute; et d&rsquo;autre part les modes dans lesquels une cognition consistante avec la cognition la plus r&eacute;sistante est ajout&eacute;e. Dans le cas d&rsquo;un changement de l&rsquo;une des cognitions, le changement s&rsquo;op&egrave;re sur celle qui est la plus facile &agrave; changer. Reprenons notre exemple sur les choux de Bruxelles. La personne qui les mange sait qu&rsquo;elle ne les aime pas mais elle sait &eacute;galement qu&rsquo;elle en a mang&eacute;. Il lui est impossible de changer le pass&eacute; (i.e., j&rsquo;ai mang&eacute; des choux de Bruxelles) en revanche, elle peut revoir son avis sur ce l&eacute;gume. Elle peut, par exemple, se dire &laquo;&nbsp;ce n&rsquo;&eacute;tait pas si mauvais&nbsp;&raquo;. Ce mode de r&eacute;duction correspond &agrave; un changement d&rsquo;attitude. Dans le cas o&ugrave; une cognition est ajout&eacute;e, il s&rsquo;agit de justifier la cognition la plus difficile &agrave; modifier. Par exemple, notre mangeuse de choux de Bruxelles peut se dire &laquo;&nbsp;j&rsquo;&eacute;tais invit&eacute;e pour la premi&egrave;re fois par mes beaux-parents, j&rsquo;&eacute;tais oblig&eacute;e d&rsquo;en manger pour ne pas les vexer&nbsp;&raquo;. D&rsquo;autres modes de r&eacute;duction sont possibles, le lecteur int&eacute;ress&eacute; par cette question pourra se r&eacute;f&eacute;rer &agrave; McGrath (2017). Pour l&rsquo;heure, nous disposons des &eacute;l&eacute;ments essentiels nous permettant de comprendre comment la dissonance peut &ecirc;tre r&eacute;duite. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour tester certaines hypoth&egrave;ses de la th&eacute;orie de la dissonance cognitive, Festinger et Carlsmith (1959) ont demand&eacute; &agrave; des personnes de pr&eacute;senter une t&acirc;che fastidieuse comme si elle &eacute;tait int&eacute;ressante. La moiti&eacute; des sujets &eacute;tait pay&eacute;e 1$ pour mentir et l&rsquo;autre &eacute;tait pay&eacute;e 20$. Apr&egrave;s ce mensonge, l&rsquo;attitude des sujets vis-&agrave;-vis de la t&acirc;che &eacute;tait mesur&eacute;e. Contrairement &agrave; ce que pr&eacute;disaient les th&eacute;ories de l&rsquo;apprentissage (e.g., Hull, 1952), les personnes ayant re&ccedil;u 1$ avaient une attitude plus favorable envers la t&acirc;che que les personnes pay&eacute;es 20$. Tout s&rsquo;&eacute;tait pass&eacute; comme si les 20$ &eacute;taient une cognition suppl&eacute;mentaire que les sujets pouvaient ajouter pour r&eacute;duire leur dissonance. A contrario, les personnes pay&eacute;es 1$ ne disposaient pas d&rsquo;une justification suffisante. Le mode de r&eacute;duction qui leur restait &eacute;tait de changer d&rsquo;attitude vis-&agrave;-vis de la t&acirc;che. Dans des exp&eacute;rimentations ult&eacute;rieures, un autre proc&eacute;d&eacute; a &eacute;t&eacute; employ&eacute; pour &eacute;viter l&rsquo;ajout d&rsquo;une cognition consonante. En lieu et place d&rsquo;une faible r&eacute;mun&eacute;ration, les sujets &eacute;taient d&eacute;clar&eacute;s libres de r&eacute;aliser un comportement probl&eacute;matique (i.e., contraire &agrave; leur attitude). Leurs r&eacute;ponses &eacute;taient compar&eacute;es &agrave; celles de sujets ayant &eacute;t&eacute; contraints de r&eacute;aliser le comportement contre-attitudinal (e.g., Croyle &amp; Cooper, 1983). </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les fondements de la th&eacute;orie de la dissonance &eacute;taient pos&eacute;s. Cependant, elle a tr&egrave;s rapidement donn&eacute; lieu &agrave; des reformulations (e.g., Aronson, 1969). Parmi les diff&eacute;rentes r&eacute;visions de cette th&eacute;orie, l&rsquo;une d&rsquo;entre elles pr&eacute;sente des similitudes avec la conception marxienne de l&rsquo;id&eacute;ologie. Cette r&eacute;vision a &eacute;t&eacute; formul&eacute;e par Beauvois et Joule (1996) et a &eacute;t&eacute; nomm&eacute;e &laquo;&nbsp;la th&eacute;orie radicale de la dissonance cognitive&nbsp;&raquo;. Les pr&eacute;mices de cette conception ont &eacute;t&eacute; pos&eacute;es par Beauvois et Joule (1981) dans leur ouvrage sur la soumission et les id&eacute;ologies. Ils d&eacute;taillent la notion de rationalisation qui peut faire &eacute;cho aux propos de Marx et Engels (1932, 2012). </span></span></span></p> <ol start="2"> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:48px"> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-style:italic"><a name="_Toc92098548"> De la conception radicale de la dissonance cognitive &agrave; la rationalisation des rapports de domination</a></span></span></span></span></h3> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La rationalisation est d&eacute;finie par Beauvois et Joule (1981) comme la restauration a posteriori de la valeur d&rsquo;un comportement probl&eacute;matique. Le comportement probl&eacute;matique est contre-attitudinal (i.e., &eacute;crire au ministre de l&rsquo;&eacute;ducation pour raccourcir les vacances scolaires quand on est enfant) et correspond donc &agrave; la soumission d&rsquo;un sujet face &agrave; la requ&ecirc;te d&rsquo;un exp&eacute;rimentateur. Dans cette situation, il existe une asym&eacute;trie de statuts qui conduit le sujet &agrave; accepter ce que lui demande l&rsquo;exp&eacute;rimentateur m&ecirc;me si le comportement produit est contraire &agrave; ses valeurs ou &agrave; ses motivations (i.e., se priver de tabac quand on est fumeur). Beauvois et Joule (1996) consid&egrave;re que la dissonance cognitive et la th&eacute;orie de l&rsquo;engagement (Kiesler, 1971) sont les deux facettes d&rsquo;une th&eacute;orie globale&nbsp;: la soumission librement consentie. Dans les exp&eacute;rimentations cens&eacute;es d&eacute;montrer le bien-fond&eacute; de ces th&eacute;ories, les sujets sont sollicit&eacute;s pour accomplir librement (vs. Contraints) un comportement. Ce qui distingue la th&eacute;orie de l&rsquo;engagement de la dissonance cognitive c&rsquo;est le caract&egrave;re probl&eacute;matique ou non du comportement cible. Dans le cadre de la th&eacute;orie de l&rsquo;engagement, les comportements attendus sont pro-attitudinaux (e.g, signer une p&eacute;tition pour l&rsquo;environnement alors qu&rsquo;on est &eacute;cologiste) alors que dans le cadre de la dissonance cognitive ils sont contre-attitudinaux (e.g., &eacute;crire en faveur de l&rsquo;augmentation des droits d&rsquo;inscriptions quand on y est oppos&eacute;). Apr&egrave;s avoir accept&eacute; librement de produire un comportement, l&rsquo;option la plus simple pour les sujets consiste &agrave; modifier la cognition la plus facile &agrave; changer. La plupart du temps, il s&rsquo;agit de l&rsquo;attitude. En proc&eacute;dant ainsi, la valeur du comportement probl&eacute;matique est restaur&eacute;e. En effet, la production de ce comportement para&icirc;t moins &eacute;trange car elle est davantage conforme aux valeurs de la personne qui l&rsquo;a produit. Il est possible de faire un parall&egrave;le avec cette vision de la dissonance et la conception marxienne de l&rsquo;id&eacute;ologie.</span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans la conception radicale de la dissonance, le changement d&rsquo;attitude s&rsquo;op&egrave;re pour restaurer la valeur d&rsquo;un comportement de soumission librement accept&eacute;. Cette situation refl&egrave;te un rapport de domination que le sujet ne peut laisser en l&rsquo;&eacute;tat. Une des voies qui s&rsquo;offrent &agrave; lui consiste &agrave; r&eacute;viser son avis pour expliquer sa soumission. La situation de soumission peut &ecirc;tre vue comme une situation dans laquelle une personne prend conscience de la relation de domination qu&rsquo;elle entretient avec une personne de statut sup&eacute;rieur. Cette situation est proche de la situation o&ugrave; un mode de production fait prendre conscience des rapports de domination. Nous avons vu que des id&eacute;es pouvaient &ecirc;tre formul&eacute;es pour justifier cette relation de domination. Dans une situation de dissonance cognitive, tout se passe comme si le changement d&rsquo;attitude repr&eacute;sentait un changement d&rsquo;id&eacute;es pour expliquer la relation de domination. Ainsi, un &eacute;tudiant qui accepte librement de r&eacute;diger un texte en faveur de l&rsquo;augmentation des frais d&rsquo;inscription peut ressentir de l&rsquo;inconfort du fait d&rsquo;avoir c&eacute;d&eacute; &agrave; la demande de l&rsquo;exp&eacute;rimentateur. En consid&eacute;rant qu&rsquo;il &eacute;tait un peu favorable &agrave; cette augmentation, il explique son acceptation sans avoir &agrave; reconna&icirc;tre qu&rsquo;il &eacute;tait dans un rapport de domination qui l&rsquo;a conduit &agrave; produire un acte contraire &agrave; son int&eacute;r&ecirc;t. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le parall&egrave;le entre les concepts marxiens et la conception radicale de la dissonance cognitive peut &ecirc;tre pouss&eacute; encore plus loin. N&eacute;anmoins, il est n&eacute;cessaire de pr&eacute;ciser les sp&eacute;cificit&eacute;s de cette approche de la dissonance pour comprendre en quoi elle est une illustration possible des id&eacute;es de Marx. </span></span></span></p> <ol start="3"> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:48px"> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-style:italic"><a name="_Toc92098549"> Les sp&eacute;cificit&eacute;s de la conception radicale de la dissonance</a> </span></span></span></span></h3> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans leur vision de la dissonance, Beauvois et Joule (1996) restreignent la dissonance &agrave; des cas tr&egrave;s particuliers. Ces restrictions peuvent &ecirc;tre r&eacute;sum&eacute;es par quatre propositions. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La premi&egrave;re porte sur la d&eacute;finition de l&rsquo;&eacute;tat de dissonance. Beauvois et Joule consid&egrave;rent que c&rsquo;est un &eacute;tat de tension motivationnelle. Il r&eacute;sulte de la production d&rsquo;un comportement oppos&eacute; &agrave; ses int&eacute;r&ecirc;ts (i.e., ne pas boire quand on a soif) ou &agrave; ses valeurs (i.e., r&eacute;diger un texte en faveur de l&rsquo;augmentation de frais d&rsquo;inscription). L&rsquo;&eacute;tat inconfortable que repr&eacute;sente la dissonance est une motivation &agrave; restaurer la valeur du comportement de soumission.</span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La deuxi&egrave;me proposition pr&eacute;cise la cognition &agrave; l&rsquo;origine de la dissonance Beauvois et Joule (1996) appellent la cognition g&eacute;n&eacute;ratrice. Elle correspond &agrave; la repr&eacute;sentation que les sujets se font de leur comportement de soumission. Elle sert &agrave; &eacute;valuer si les autres cognitions entretiennent avec elle une relation de consistance ou d&rsquo;inconsistance. Elle permet &eacute;galement de quantifier le taux de dissonance ressentie. Pour ce faire, il faut calculer le ratio<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[4]</span></span></span></span></span></a> entre les cognitions inconsistantes avec la cognition g&eacute;n&eacute;ratrice et la somme des cognitions inconsistantes et consistantes. Le taux peut se formuler de la mani&egrave;re suivante&nbsp;: </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dissonance = I / I + C </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i>I correspond aux cognitions Inconsistantes et C aux cognitions Consistantes.</i></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le caract&egrave;re consistant ou inconsistant d&rsquo;une cognition ne doit &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; que dans le cadre de relations duelles avec la cognition g&eacute;n&eacute;ratrice. Cela signifie que si la cognition g&eacute;n&eacute;ratrice est un comportement contre-attitudinal, il ne faut pas &eacute;valuer la dissonance en tenant compte de la consistance entre deux cognitions qui composent le taux. Par exemple, si j&rsquo;accepte de recopier l&rsquo;annuaire mon comportement est inconsistant avec mon attitude. Pour r&eacute;duire la dissonance, je peux ajouter une cognition consistante (e.g., je l&rsquo;ai fait parce que j&rsquo;aime faire plaisir). Cependant, il ne faut pas consid&eacute;rer la relation de consistance entre l&rsquo;attitude (i.e., cette t&acirc;che ne me pla&icirc;t pas) et la justification (i.e., je l&rsquo;ai fait parce que j&rsquo;aime faire plaisir). Il faut simplement estimer la consistance de chaque cognition du taux avec la cognition g&eacute;n&eacute;ratrice (i.e., j&rsquo;ai accept&eacute; de recopier l&rsquo;annuaire). </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La troisi&egrave;me proposition restreint la dissonance cognitive aux situations dans lesquelles un agent d&eacute;clar&eacute; libre adopte une position d&rsquo;ob&eacute;issance &agrave; une autorit&eacute; (i.e., l&rsquo;exp&eacute;rimentateur). Cette situation particuli&egrave;re doit conduire l&rsquo;agent &agrave; rationaliser son comportement c&#39;est-&agrave;-dire &agrave; lui attribuer suffisamment de valeur pour que sa production soit justifi&eacute;e. Il s&rsquo;agit de la rationalisation cognitive pour Beauvois et Joule (1996). </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La rationalisation introduit la notion de r&eacute;duction de la dissonance. Celle-ci est au c&oelig;ur de la quatri&egrave;me proposition qui suppose que la r&eacute;duction si elle s&rsquo;est op&eacute;r&eacute;e par un mode particulier elle ne peut pas s&rsquo;op&eacute;rer par un autre mode. Autrement dit, une personne qui r&eacute;duirait la dissonance en ajoutant une cognition consonante ne peut plus changer d&rsquo;attitude. Corollairement, une personne en &eacute;tat de dissonance qui ne peut pas utiliser un mode de r&eacute;duction se rabattra sur celui qui est disponible. Plus concr&egrave;tement, s&rsquo;il est impossible d&rsquo;ajouter une cognition consonante alors la dissonance sera r&eacute;duite par le changement d&rsquo;attitude (si ce mode de r&eacute;duction est possible). Il est important de noter que dans cette conception de la dissonance, la r&eacute;duction n&rsquo;implique pas la restauration de la consistance. La seule chose qui doit &ecirc;tre restaur&eacute;e c&rsquo;est la valeur du comportement probl&eacute;matique. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces quatre propositions restreignent le champ de la dissonance cognitive. Par cons&eacute;quent, elles permettent d&rsquo;&eacute;carter certains r&eacute;sultats difficiles &agrave; expliquer par la formulation trop large de Festinger (1957). Cependant, Beauvois et Joule (1996) ne s&rsquo;opposent pas &agrave; Festinger (1957). Bien au contraire, ils proposent de revenir au c&oelig;ur de sa th&eacute;orie en faisant de l&rsquo;ob&eacute;issance &agrave; une autorit&eacute; librement consentie l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment clef de leur th&eacute;orie. En r&eacute;sum&eacute;, dans la conception radicale, ce qui importe c&rsquo;est l&rsquo;acceptation libre d&rsquo;une action contraire &agrave; ses int&eacute;r&ecirc;ts pour satisfaire la demande d&rsquo;une personne ayant un statut sup&eacute;rieur. C&rsquo;est cette configuration qui motive les agents &agrave; restaurer la valeur de leur comportement soit en le justifiant soit en changeant d&rsquo;attitude. Cette vision de la dissonance peut &ecirc;tre mise en relation avec les concepts marxiens d&rsquo;ali&eacute;nation, d&rsquo;exploitation et de consentement.</span></span></span></p> <ol start="4"> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:19px"> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098550"> Ali&eacute;nation, exploitation, consentement et modes de r&eacute;duction de la dissonance cognitive</a></span></span></span></h2> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans la partie pr&eacute;c&eacute;dente, nous avons soulign&eacute; les contours de la conception radicale de la dissonance cognitive (Beauvois &amp; Joule, 1996). Dans cette partie, nous proposons de mettre en &eacute;vidence la proximit&eacute; qu&rsquo;il y a entre cette conception, l&rsquo;ali&eacute;nation, la justification du consentement &agrave; l&rsquo;exploitation et les modes de r&eacute;duction de la dissonance. </span></span></span></p> <ol> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:48px"> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-style:italic"><a name="_Toc92098551"> Ali&eacute;nation et consentement</a></span></span></span></span></h3> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans ses manuscrits de 1844 publi&eacute;s &agrave; titre posthume, Marx (1932, 2007) d&eacute;finit l&rsquo;ali&eacute;nation comme l&rsquo;exploitation d&rsquo;un &ecirc;tre humain par un autre en raison d&rsquo;une diff&eacute;rence de statut ou de pressions ext&eacute;rieures plus ou moins conscientes. Pour comprendre le concept d&rsquo;ali&eacute;nation, il est important de pr&eacute;ciser que pour Marx et Engels (1932, 2012) ce sont les conditions mat&eacute;rielles qui d&eacute;terminent la conscience et non l&rsquo;inverse. Ils &eacute;criront d&rsquo;ailleurs &laquo;&nbsp;ce n&rsquo;est pas la conscience qui d&eacute;termine la vie mais la vie qui d&eacute;termine la conscience&nbsp;&raquo;. Ce point est important car il implique un d&eacute;terminisme qui remet en question la notion de libert&eacute;. La libert&eacute; dans une approche marxienne serait la capacit&eacute; &agrave; s&rsquo;autod&eacute;terminer et par voie de cons&eacute;quence &agrave; s&rsquo;arracher aux d&eacute;terminismes qu&rsquo;impliquent nos conditions mat&eacute;rielles. Cette libert&eacute; n&rsquo;existe pas car notre conscience est d&eacute;termin&eacute;e par les rapports de domination r&eacute;sultant des modes de production qui sont eux-m&ecirc;mes la cons&eacute;quence des conditions mat&eacute;rielles. Si la libert&eacute; en tant que telle n&rsquo;existe pas, le sentiment de libert&eacute; peut tout de m&ecirc;me exister. Il se traduit par le refus de se soumettre &agrave; une volont&eacute; qui n&rsquo;est pas la n&ocirc;tre. Ce sentiment est incompatible avec l&rsquo;ali&eacute;nation qui est le processus par lequel un autre que soi prend le contr&ocirc;le de notre conscience Marx (1932, 2007). C&rsquo;est pourtant ce qui se passe dans une situation o&ugrave; des rapports de domination existent. Dans ce type de situations, les membres d&rsquo;une classe domin&eacute;e sont exploit&eacute;s car ils agissent contre leur int&eacute;r&ecirc;t en acceptant qu&rsquo;autrui s&rsquo;approprie ce qu&rsquo;ils ont produit. L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;accepter l&rsquo;exploitation est importante car elle introduit la notion de consentement.</span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce dernier est intimement li&eacute; &agrave; l&rsquo;exploitation car il n&rsquo;y a pas d&rsquo;exploitation sans consentement. Nous pouvons alors nous questionner sur les raisons qui poussent une personne &agrave; accepter une situation d&eacute;s&eacute;quilibr&eacute;e dans laquelle elle est exploit&eacute;e. Une partie de la r&eacute;ponse se trouve dans <i>Le Capital</i> de Marx (1878, 2016). Il y est expliqu&eacute; que le propri&eacute;taire d&rsquo;un capital (i.e., capitaliste) cherche &agrave; accro&icirc;tre son capital. Pour cela, il doit solliciter une personne qui poss&egrave;de de la force de travail (i.e., un prol&eacute;taire) afin d&rsquo;ajouter de la valeur &agrave; une marchandise. Le prol&eacute;taire va librement vendre au capitaliste une partie de son temps. La somme d&rsquo;argent que le capitaliste va accorder au prol&eacute;taire correspond &agrave; un montant qui permet la reproduction de la force de travail. Autrement dit, le capitaliste doit donner au prol&eacute;taire les moyens de se loger, se nourrir, se chauffer, etc. En &eacute;change de cette somme, le capitaliste pourra exploiter le fruit du travail du prol&eacute;taire. Il y a donc eu consentement &agrave; l&rsquo;exploitation dans le sens o&ugrave; le prol&eacute;taire accepte de c&eacute;der ce qu&rsquo;il a produit &agrave; quelqu&rsquo;un qui, bien souvent, n&rsquo;a pas travaill&eacute; pour produire un bien. Dans nos soci&eacute;t&eacute;s modernes, le consentement prend g&eacute;n&eacute;ralement la forme d&rsquo;un contrat de travail dans lequel sont formalis&eacute;es les conditions de l&rsquo;exploitation (temps de travail, salaire, clauses diverses, etc.).</span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cependant, un prol&eacute;taire qui vend sa force de travail n&rsquo;a pas conscience qu&rsquo;il consent &agrave; se faire exploiter. Il a simplement int&eacute;rioris&eacute; un mode de production. Si d&rsquo;aucuns venaient &agrave; lui faire prendre conscience de sa situation d&rsquo;exploit&eacute;, cela cr&eacute;erait un &eacute;tat d&rsquo;inconfort psychologique qu&rsquo;il faudrait r&eacute;duire. Ceci le pousserait &agrave; justifier une situation mat&eacute;rielle qu&rsquo;il n&rsquo;a pas choisie. Pour reformuler ce passage, nous pouvons dire qu&rsquo;un salari&eacute; qui, de par son statut, consent &agrave; se faire exploiter ne peut pas tol&eacute;rer l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;avoir librement choisi de se soumettre. En effet, prendre conscience de sa soumission entra&icirc;ne un &eacute;tat d&rsquo;inconfort psychologique qu&rsquo;il faut faire dispara&icirc;tre (Beauvois &amp; Joule, 1996). Si pour faire dispara&icirc;tre son inconfort, il adopte un point de vue le rapprochant du point de vue du dominant alors le prol&eacute;taire aura fait siennes les id&eacute;es du capitaliste. A partir de ce moment, il sera ali&eacute;n&eacute;. Pour r&eacute;sumer, la justification du consentement &agrave; l&rsquo;exploitation peut aboutir, in fine, &agrave; l&rsquo;ali&eacute;nation. C&rsquo;est en ce sens o&ugrave; le concept marxien d&rsquo;ali&eacute;nation rejoint la conception radicale de la dissonance cognitive.</span></span></span></p> <ol start="2"> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:48px"> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-style:italic"><a name="_Toc92098552"> Justification de l&rsquo;exploitation consentie et mode de r&eacute;duction de la dissonance</a></span></span></span></span></h3> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nous avons vu que le consentement &agrave; l&rsquo;ali&eacute;nation pouvait provenir de la n&eacute;cessit&eacute; pour le prol&eacute;taire de trouver des moyens de subsistance. Une personne interrog&eacute;e sur ce qui la pousse &agrave; exercer une activit&eacute; d&eacute;sagr&eacute;able dans des conditions tr&egrave;s inconfortables, pourrait r&eacute;pondre quelque chose comme &laquo;&nbsp;ce n&rsquo;est pas g&eacute;nial comme travail mais &ccedil;a paie le loyer et &ccedil;a me permet de manger&nbsp;&raquo;. Si nous d&eacute;cortiquons cette situation, nous pouvons faire un parall&egrave;le avec le mode de r&eacute;duction de la dissonance qui consiste &agrave; ajouter une cognition consistante. La cognition g&eacute;n&eacute;ratrice correspond &agrave; l&rsquo;activit&eacute; d&eacute;plaisante. L&rsquo;attitude vis-&agrave;-vis de cette activit&eacute; est inconsistante et g&eacute;n&egrave;re de la dissonance. Le salaire est une cognition consistante avec l&rsquo;activit&eacute;. Il permet donc de r&eacute;duire la dissonance. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Imaginons une autre situation dans laquelle un salari&eacute; est mal pay&eacute;. Son travail d&eacute;plaisant ne lui permet pas de payer toutes ses factures. Si quelqu&rsquo;un lui demandait pourquoi il continue de faire ce travail si difficile et si mal pay&eacute;, le salari&eacute; ne pourrait pas ajouter une cognition consistante. L&rsquo;obtention des moyens de subsistance ne permet donc plus de r&eacute;duire la dissonance. Dans cette situation, le salari&eacute; pourrait alors tenir un discours tel que celui-ci &laquo;&nbsp;ce n&rsquo;est pas tr&egrave;s bien pay&eacute; et c&rsquo;est dur mais j&rsquo;ai de la chance, j&rsquo;ai un patron arrangeant. Au final, ce boulot n&rsquo;est pas si mal&nbsp;&raquo;. Dans cette situation, la cognition g&eacute;n&eacute;ratrice est toujours l&rsquo;activit&eacute; d&eacute;plaisante. Elle est toujours inconsistante avec l&rsquo;attitude. Cependant, la dissonance cognitive ne peut pas &ecirc;tre r&eacute;duite par l&rsquo;ajout d&rsquo;une cognition consistante. L&rsquo;option qui est pr&eacute;sent&eacute;e consiste &agrave; changer d&rsquo;attitude vis-&agrave;-vis de la t&acirc;che. Elle correspond &agrave; l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment le plus facile &agrave; modifier. Dans cet exemple, le salari&eacute; a eu recours &agrave; la rationalisation cognitive pour justifier une situation de soumission ou d&rsquo;exploitation. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces deux exemples peuvent &ecirc;tre regard&eacute;s au travers du prisme de la conception radicale de la dissonance (Beauvois &amp; Joule, 1996). Selon cette th&eacute;orie, le processus de r&eacute;duction s&rsquo;op&egrave;re en rendant moins probl&eacute;matique le comportement contre-attitudinal soit en le justifiant soit en rendant l&rsquo;attitude moins d&eacute;favorable. Pour Beauvois et Joule (1996), le r&eacute;tablissement de la consistance n&rsquo;est pas une fin en soi. C&rsquo;est simplement l&rsquo;un des moyens qui permet de rendre acceptable le comportement de soumission. Il y a donc deux points fondamentaux &agrave; retenir de cette reformulation. D&rsquo;une part, l&rsquo;id&eacute;e de se soumettre est bien plus &agrave; l&rsquo;origine de la dissonance que le caract&egrave;re d&eacute;plaisant de la t&acirc;che. D&rsquo;autre part, il est possible de r&eacute;duire la dissonance sans r&eacute;duire l&rsquo;inconsistance entre le comportement probl&eacute;matique et l&rsquo;attitude. Ces deux points ont fait l&rsquo;objet d&rsquo;illustrations exp&eacute;rimentales sur lesquelles nous souhaitons revenir. </span></span></span></p> <ol start="5"> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:19px"> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098553"> Illustrations exp&eacute;rimentales</a></span></span></span></h2> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans cette partie, nous t&acirc;cherons de d&eacute;montrer que la conception radicale de la dissonance cognitive s&rsquo;appuie sur des faits qui lui donnent de la cr&eacute;dibilit&eacute;. Pour ce faire, nous proc&egrave;derons en deux &eacute;tapes. Dans un premier temps, nous pr&eacute;senterons une &eacute;tude de Beauvois et al.(1995) montrant que c&rsquo;est davantage la prise de conscience de la soumission (i.e., rapport de domination) qui est source de dissonance plut&ocirc;t que le caract&egrave;re contre-attitudinal de la t&acirc;che. Dans un second temps, nous &eacute;voquerons une exp&eacute;rimentation de Beauvois et al. (1993) afin de mettre en &eacute;vidence que la dissonance peut &ecirc;tre r&eacute;duite sans que la consistance ne soit restaur&eacute;e. </span></span></span></p> <ol> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:48px"> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-style:italic"><a name="_Toc92098554"> Le consentement &agrave; la soumission est plus probl&eacute;matique que le choix de la t&acirc;che</a></span></span></span></span></h3> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans cette &eacute;tude de Beauvois et al. (1995), l&rsquo;objectif &eacute;tait de montrer que consentir &agrave; la soumission suffit &agrave; g&eacute;n&eacute;rer de la dissonance. Accepter de se soumettre, m&ecirc;me sans savoir pr&eacute;cis&eacute;ment ce que l&rsquo;on va devoir faire, entra&icirc;ne un &eacute;tat d&rsquo;inconfort qui peut &ecirc;tre r&eacute;duit par un changement d&rsquo;attitude. Pour ce faire, 200 lyc&eacute;ens ont &eacute;t&eacute; sollicit&eacute;s une premi&egrave;re fois afin de conna&icirc;tre les th&egrave;mes qu&rsquo;ils consid&eacute;raient comme fortement contre-attitudinaux. Trois th&egrave;mes ont &eacute;t&eacute; particuli&egrave;rement impopulaires &agrave; savoir, la r&eacute;duction des grandes vacances, la suppression de la conduite accompagn&eacute;e et l&rsquo;attribution des bourses sur crit&egrave;re d&rsquo;excellence scolaire. Quelques temps plus tard, les m&ecirc;mes sujets &eacute;taient sollicit&eacute;s pour participer &agrave; une activit&eacute; commandit&eacute;e par le minist&egrave;re de l&rsquo;&eacute;ducation nationale. Au cours de cette activit&eacute;, les &eacute;l&egrave;ves &eacute;taient inform&eacute;s qu&rsquo;ils allaient &eacute;crire un texte sur l&rsquo;un des trois th&egrave;mes suivants&nbsp;: r&eacute;duire les vacances, abolir la conduite accompagn&eacute;e, changer les crit&egrave;res de bourses. A ce moment de l&rsquo;&eacute;tude, les sujets &eacute;taient s&eacute;par&eacute;s en deux groupes. Le premier groupe &eacute;tait d&eacute;clar&eacute; libre de participer &agrave; cette activit&eacute; du minist&egrave;re (i.e., engagement dans la soumission) et le second &eacute;tait d&eacute;clar&eacute; contraint de participer &agrave; cette activit&eacute; (i.e., non-engagement dans la soumission). Il est important de noter que tous les &eacute;l&egrave;ves savaient que le th&egrave;me n&rsquo;allait pas leur plaire mais ne savaient pas quel th&egrave;me serait choisi. La seule diff&eacute;rence entre les deux groupes est que le groupe d&eacute;clar&eacute; libre a consenti &agrave; faire quelque chose de contre-attitudinal alors que l&rsquo;autre groupe a &eacute;t&eacute; contraint. Aucun des sujets n&rsquo;a refus&eacute; de r&eacute;aliser la t&acirc;che qu&rsquo;il soit contraint ou libre. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Apr&egrave;s cette premi&egrave;re induction exp&eacute;rimentale (Libre vs. Contraint), une deuxi&egrave;me variable &eacute;tait introduite. Pour ce faire, les sujets &eacute;taient &agrave; nouveau divis&eacute;s en deux groupes. Le premier pouvait choisir sur quel th&egrave;me porterait le texte &agrave; &eacute;crire (i.e., engagement dans la t&acirc;che) et le second n&rsquo;aurait pas le choix du th&egrave;me (i.e., non engagement dans la t&acirc;che). Pour r&eacute;sumer, le plan exp&eacute;rimental &eacute;tait le suivant&nbsp;: 2&nbsp;(Engagement soumission&nbsp;: Libre vs. Contraint) x 2 (Choix du th&egrave;me&nbsp;: Choix vs. Non-choix) x 2 (Attitude&nbsp;: Avant le texte vs. Apr&egrave;s le texte). Les deux premi&egrave;res variables &eacute;taient intersujets et la derni&egrave;re &eacute;tait intrasujet. Pour plus de lisibilit&eacute;, nous ne pr&eacute;senterons que les r&eacute;sultats des variables intersujets, c&#39;est-&agrave;-dire ceux qui portent sur la mesure de l&rsquo;attitude apr&egrave;s la r&eacute;daction du texte. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les r&eacute;sultats (r&eacute;sum&eacute;s dans le tableau 1), sont conformes avec ce que pr&eacute;dit la conception radicale de la dissonance cognitive. En effet, les sujets contraints de r&eacute;diger le texte (non-engag&eacute;s dans la soumission) ont la m&ecirc;me attitude vis-&agrave;-vis du th&egrave;me contre-attitudinal, et ce, qu&rsquo;ils l&rsquo;aient choisi ou non. A contrario, les personnes d&eacute;clar&eacute;es libres de r&eacute;diger le texte (engag&eacute;es dans la soumission) ont chang&eacute; d&rsquo;attitude. Il est &agrave; noter que ce changement d&rsquo;attitude est plus fort pour les personnes ayant pu choisir le th&egrave;me du texte (voir tableau 1). Cela signifie qu&rsquo;&ecirc;tre contraint d&rsquo;&eacute;crire un texte fournit une justification aux sujets et r&eacute;duit la dissonance. En revanche, les sujets d&eacute;clar&eacute;s libres d&rsquo;&eacute;crire le texte (m&ecirc;me s&rsquo;ils ne choisissent pas le th&egrave;me) ressentent de la dissonance et changent d&rsquo;attitude. Il semble donc que ce soit le fait de se soumettre plus que l&rsquo;inconsistance avec l&rsquo;attitude qui g&eacute;n&egrave;re de la dissonance cognitive. </span></span></span></p> <p align="left" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098555">Tableau 1. Mesures de l&rsquo;attitude apr&egrave;s la r&eacute;daction texte</a> </span></span></span></p> <table class="MsoTableGrid" style="border-collapse:collapse; border:none"> <tbody> <tr> <td style="border-bottom:black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:black; border-right:white; border-left:white"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> </td> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:2px solid black; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Choix du th&egrave;me</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:2px solid black; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Non-choix du th&egrave;me</span></span></span></p> </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:2px solid white"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Engagement dans la soumission</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> </td> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:2px solid white"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Engag&eacute;s</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">5.06</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">6.62</span></span></span></p> </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:2px solid white"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Non-engag&eacute;s</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.50</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.43</span></span></span></p> </td> </tr> </tbody> </table> <p align="left" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098556"><span style="color:white">Note. </span></a><i>Plus les valeurs sont &eacute;lev&eacute;es plus les attitudes sont consistantes avec la th&eacute;matique choisie.</i></span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans une seconde &eacute;tude, des r&eacute;sultats similaires ont &eacute;t&eacute; obtenus. Cette fois-ci les sujets acceptaient de soumettre (vs. Etaient contraints) mais avant d&rsquo;effectuer la t&acirc;che, l&rsquo;exp&eacute;rimentatrice annon&ccedil;ait qu&rsquo;il y avait en changement d&rsquo;activit&eacute;. La moiti&eacute; des sujets pouvaient choisir la nouvelle activit&eacute; (engagement activit&eacute;) et l&rsquo;autre non (non-engagement dans l&rsquo;activit&eacute;). Le choix de l&rsquo;activit&eacute; seul ne donnait lieu &agrave; aucun changement d&rsquo;attitude. Il apparaissait comme secondaire comparativement &agrave; l&rsquo;acceptation de la soumission. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette illustration exp&eacute;rimentale est congruente avec l&rsquo;id&eacute;e selon laquelle la prise de conscience d&rsquo;un rapport de domination (i.e., r&eacute;aliser que l&rsquo;on a consenti &agrave; la soumission) entra&icirc;ne un &eacute;tat de dissonance qui peut &ecirc;tre r&eacute;duit en changeant d&rsquo;attitude. Ce qui semble mettre les sujets en dissonance, ce n&rsquo;est pas l&rsquo;inconsistance du texte avec leurs id&eacute;es mais plut&ocirc;t d&rsquo;accepter librement de se soumettre m&ecirc;me si la nature de l&rsquo;activit&eacute; est impos&eacute;e. Consentir &agrave; la soumission semble donc &ecirc;tre une situation plus inconfortable que choisir un th&egrave;me contre-attitudinal quand la soumission nous a &eacute;t&eacute; impos&eacute;e. Ce premier exemple appuie &agrave; la fois les &eacute;crits de Marx et Engels (1932, 2012) ainsi que ceux de Beauvois et Joule (1996). En effet, les id&eacute;es peuvent servir &agrave; justifier les rapports de domination. La seule prise de conscience de la soumission conduit &agrave; la modification de nos id&eacute;es afin qu&rsquo;elles soient consistantes avec la soumission. Il est une autre mani&egrave;re de justifier le consentement &agrave; l&rsquo;exploitation et elle peut &ecirc;tre mise en parall&egrave;le avec les travaux de Beauvois et al. (1993). </span></span></span></p> <ol start="2"> <li style="text-align:justify; margin-bottom:11px; margin-left:48px"> <h3 style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-style:italic"><a name="_Toc92098557"> Quelle que soit la justification de la soumission, elle r&eacute;duit la dissonance</a> </span></span></span></span></h3> </li> </ol> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans ce second exemple exp&eacute;rimental, l&rsquo;objectif &eacute;tait de montrer que la r&eacute;duction de l&rsquo;inconsistance n&rsquo;est pas importante. Ce qui est important, c&rsquo;est qu&rsquo;une personne qui accepte de se soumettre puisse justifier son comportement. La nature de la justification importe peu. Cela signifie que si une justification est inconsistante avec l&rsquo;attitude, elle doit quand m&ecirc;me permettre de r&eacute;duire la dissonance.</span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour appuyer leurs hypoth&egrave;ses, Beauvois et al. (1993) ont demand&eacute; &agrave; leurs sujets de recopier l&rsquo;annuaire. Cette t&acirc;che a &eacute;t&eacute; reconnue comme &eacute;tant tr&egrave;s fastidieuse lors d&rsquo;un pr&eacute;-test. Par cons&eacute;quent, des personnes allaient devoir effectuer un travail sans int&eacute;r&ecirc;t et contraire &agrave; leur attitude. Avant d&rsquo;effectuer cette t&acirc;che, la moiti&eacute; des sujets &eacute;tait d&eacute;clar&eacute;e libre (i.e., engag&eacute;e) et l&rsquo;autre &eacute;tait contrainte (i.e., non-engag&eacute;es). Tous les sujets r&eacute;alisaient la t&acirc;che et apr&egrave;s, un tiers d&rsquo;entre eux &eacute;valuait l&rsquo;attractivit&eacute; de la t&acirc;che sans justification. Un autre tiers avait la possibilit&eacute; de justifier la r&eacute;alisation de la t&acirc;che uniquement par des raisons externes. Ils devaient choisir dans une liste de justifications externes celles qui leur convenaient le mieux (e.g., &laquo;&nbsp;j&rsquo;avais du temps devant moi&nbsp;&raquo; ou &laquo; l&rsquo;exp&eacute;rimentatrice ne m&rsquo;a pas laiss&eacute; le choix&nbsp;&raquo;). Le dernier tiers de sujets devait choisir dans une liste de justification internes celles qui leur paraissaient &ecirc;tre les plus &agrave; m&ecirc;mes d&rsquo;expliquer leur soumission (e.g., &laquo;&nbsp;je suis consciencieux et quand je m&rsquo;engage &agrave; faire quelque chose je le fais&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;j&rsquo;aime faire plaisir&nbsp;&raquo;). Apr&egrave;s avoir justifi&eacute; leur soumission, quelle que ce soit la mani&egrave;re (Interne vs. Externe), les sujets devaient &eacute;valuer l&rsquo;attractivit&eacute; de la t&acirc;che. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les r&eacute;sultats (synth&eacute;tis&eacute;s dans le tableau 2) sont conformes aux pr&eacute;dictions de la conception radicale de la dissonance cognitive. Plus pr&eacute;cis&eacute;ment, les sujets libres qui n&rsquo;ont pas pu justifier leur soumission (<i>M</i> = 9.17) rapportent une attitude plus favorable que celles des sujets contraints (<i>M</i> = 2.17). Le r&eacute;sultat le plus important n&rsquo;est pas celui-l&agrave;. Il s&rsquo;agit plut&ocirc;t de l&rsquo;absence de diff&eacute;rence entre les sujets contraints qui ont justifi&eacute; leur soumission et les sujets d&eacute;clar&eacute;s libres qui ont pu justifier leur soumission, et ce, que la justification soit interne ou externe (voir tableau 2). Cela signifie qu&rsquo;ajouter une cognition (i.e., une justification) rend la soumission moins probl&eacute;matique m&ecirc;me si la justification est inconsistante avec l&rsquo;attitude (i.e., justification interne). </span></span></span></p> <p align="left" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098558">Tableau 2. Mesures de l&rsquo;attitude apr&egrave;s justification de la t&acirc;che</a> </span></span></span></p> <table class="MsoTableGrid" style="border-collapse:collapse; border:none"> <tbody> <tr> <td style="border-bottom:black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:black; border-right:white; border-left:white"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> </td> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:2px solid black; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Libre</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:2px solid black; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Contraint</span></span></span></p> </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:2px solid white"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sans justification</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">9.17</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.17</span></span></span></p> </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:2px solid white"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Justifications Internes</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3.75</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid white; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">4.48</span></span></span></p> </td> </tr> <tr> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:2px solid white"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Justifications Externes</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.42</span></span></span></p> </td> <td style="border-bottom:2px solid black; width:201px; padding:0cm 7px 0cm 7px; border-top:none; border-right:2px solid white; border-left:none"> <p align="center" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.17</span></span></span></p> </td> </tr> </tbody> </table> <p align="left" style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098559"><span style="color:white">Note. </span></a><i>Plus les valeurs sont &eacute;lev&eacute;es, plus les attitudes sont consistantes avec la th&eacute;matique choisie.</i></span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces donn&eacute;es pr&eacute;sentent un double int&eacute;r&ecirc;t pour la conception radicale de la dissonance (Beauvois &amp; Joule, 1996). D&rsquo;une part, elles montrent qu&rsquo;il est possible de rendre un comportement moins probl&eacute;matique en ajoutant une cognition. D&rsquo;autre part, elles montrent que la restauration de la valeur du comportement contre-attitudinal peut s&rsquo;op&eacute;rer sans r&eacute;duction de l&rsquo;inconsistance. En effet, les sujets qui justifient leur soumission par leur caract&egrave;re consciencieux ajoutent une cognition sans changer la relation d&rsquo;inconsistance entre le comportement et leur attitude. Si ces faits peuvent alimenter les d&eacute;bats sur la r&eacute;vision de la dissonance la plus pertinente, ils peuvent &eacute;galement &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;s au regard des id&eacute;es de Marx (1878, 2016). Il est possible de justifier une relation de domination pour l&rsquo;accepter. S&rsquo;il est plus ais&eacute; de le faire avec une justification externe comme un salaire, il est &eacute;galement possible de le faire de mani&egrave;re interne. En s&rsquo;auto-attribuant un acte de soumission, une personne non seulement justifie sa soumission mais int&eacute;riorise cet acte. En int&eacute;riorisant les rapports de domination, elle fait un pas vers l&rsquo;ali&eacute;nation. </span></span></span></p> <h2 style="font-style:italic;"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a name="_Toc92098560">Conclusion</a></span></span></span></h2> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce travail avait pour objectif de relier les concepts marxiens d&rsquo;id&eacute;ologie, exploitation, consentement et ali&eacute;nation (Marx, 1878, 2016&nbsp;; 1932, 2007&nbsp;; Marx &amp; Engels, 1932, 2012) avec la r&eacute;vision radicale de la dissonance cognitive (Beauvois &amp; Joule, 1996). Cette derni&egrave;re n&rsquo;est pas la seule th&eacute;orie de psychologie sociale dans laquelle l&rsquo;influence de Marx peut se d&eacute;celer. La th&eacute;orie de l&rsquo;identit&eacute; sociale (Tajfel &amp; Turner, 1979) en expliquant comment les classes dominantes et domin&eacute;es interagissent voire entrent en comp&eacute;tition se fonde en partie sur la lutte des classes. De m&ecirc;me, la th&eacute;orie de la justification du syst&egrave;me est explicitement inspir&eacute;e des concepts marxiens &laquo;&nbsp;[<i>la justification du syst&egrave;me est] &hellip; une perspective psychosociale qui cherche &agrave; &eacute;lucider aux niveaux individuel et groupal les m&eacute;canismes qui contribuent &agrave; rendre les gens incapables de voir la vraie nature du syst&egrave;me socio-&eacute;conomique, comme dans le concept marxien de fausse conscience</i>&nbsp;&raquo; (Jost, 2020, p. 3). Cependant, il est &eacute;tonnant que Beauvois (1994, 2005) n&rsquo;ait jamais explicit&eacute; les liens entre la conception radicale de la dissonance et les concepts marxiens. Dans ses ouvrages, il ne cachait ni son orientation politique ni sa lecture id&eacute;ologique de la psychologie. En outre, il se d&eacute;finissait comme un &laquo;&nbsp;mat&eacute;rialiste comportemental&nbsp;&raquo;. Cela signifie qu&rsquo;il pensait que les conditions mat&eacute;rielles d&eacute;terminent en grande partie notre mani&egrave;re de penser et qu&rsquo;un processus psychologique n&rsquo;avait d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, pour lui, qu&rsquo;&agrave; partir du moment o&ugrave; il pouvait &ecirc;tre reli&eacute; &agrave; un comportement. Les r&eacute;f&eacute;rences aux id&eacute;es de Marx ne sont pas dissimul&eacute;es mais ne sont pas non plus explicit&eacute;es dans la r&eacute;vision d&rsquo;une des th&eacute;ories majeures de la psychologie sociale. Cet article est donc &agrave; la fois un hommage &agrave; Jean-L&eacute;on Beauvois et une lecture id&eacute;ologique de ses travaux portant sur la dissonance cognitive. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nous avons d&eacute;montr&eacute; que le concept de rationalisation cognitive pouvait &ecirc;tre reli&eacute; &agrave; la notion d&rsquo;id&eacute;ologie marxienne, c&#39;est-&agrave;-dire une conscience illusoire et invers&eacute;e que se font les hommes de leurs conditions sociales. En effet, elle correspond &agrave; une justification de la soumission ou &agrave; une modification de ses id&eacute;es pour rendre son comportement de soumission moins probl&eacute;matique. Pour que cela s&rsquo;op&egrave;re, le consentement &agrave; la soumission (i.e., le consentement &agrave; l&rsquo;exploitation) est n&eacute;cessaire. Il permet petit &agrave; petit de l&eacute;gitimer puis d&rsquo;int&eacute;rioriser un rapport de domination, ce qui conduit &agrave; terme &agrave; l&rsquo;ali&eacute;nation. In fine, nous en venons &agrave; croire que ce sont les id&eacute;es (la plupart du temps des dominants) qui d&eacute;terminent nos conditions mat&eacute;rielles. Cela nous conduit &agrave; oublier que ces conditions d&eacute;terminent en grande partie nos jugements, nos comportements ou encore nos performances. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les th&eacute;orisations autour de la dissonance cognitive constituent un bon exemple de conscience illusoire et invers&eacute;e. Le parangon de ce glissement est la conception d&rsquo;Aronson (1969). Elle fait de la dissonance une th&eacute;orie du soi et c&rsquo;est cette vision qui s&rsquo;est impos&eacute;e aujourd&rsquo;hui. Selon Aronson (1969), ce qui nous met en dissonance ce ne sont pas les conditions qui nous poussent &agrave; nous soumettre mais une cognition en inad&eacute;quation avec un concept de soi positif. Ce serait donc les id&eacute;es qui d&eacute;termineraient notre &eacute;tat interne et les changements qui en d&eacute;coulent. En opposition avec cette vision, la conception radicale de la dissonance cognitive (Beauvois &amp; Joule, 1996) a &eacute;t&eacute; &eacute;labor&eacute;e. En mettant au c&oelig;ur de la th&eacute;orie un comportement de soumission, elle redonne un caract&egrave;re social &agrave; cette th&eacute;orie. La dissonance doit &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme la r&eacute;sultante de rapports sociaux et non comme une inconsistance une repr&eacute;sentation de soi et un comportement. Selon Beauvois et Joule (1996), le sujet consent librement &agrave; se soumettre &agrave; une personne de statut sup&eacute;rieur. Cette situation doit &ecirc;tre expliqu&eacute;e ou justifi&eacute;e. Elle conduit donc soit &agrave; l&rsquo;ajout d&rsquo;une cognition consonante soit au changement d&rsquo;attitude. Nous avons utilis&eacute; deux exp&eacute;rimentations pour appuyer cette vision des choses. Il y en a bien &eacute;videmment d&rsquo;autres dont la plupart sont pr&eacute;sent&eacute;es dans l&rsquo;ouvrage de Beauvois et Joule (1996). Le lecteur int&eacute;ress&eacute; pourra s&rsquo;y r&eacute;f&eacute;rer pour avoir davantage d&rsquo;informations. </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les chercheurs qui s&rsquo;inscrivent dans une perspective radicale de la dissonance ont des d&eacute;fis de taille &agrave; relever. Beauvois et Joule (1996) avaient circonscrit la dissonance afin de pouvoir donner du sens aux r&eacute;sultats obtenus dans ce champ. N&eacute;anmoins, est-ce la vision restreinte de la conception radicale qui est la plus pertinente ou bien la conception d&rsquo;une menace du soi (Aronson, 1969), d&rsquo;une anticipation de cons&eacute;quences n&eacute;gatives (Croyle &amp; Cooper, 1983) ou encore d&rsquo;une recherche de sens (Proulx &amp; Inzlicht, 2012)&nbsp;? Pour r&eacute;pondre &agrave; cette question il faudrait que les chercheurs parviennent &agrave; un consensus sur ce qu&rsquo;est la dissonance. Pour l&rsquo;heure, ce n&rsquo;est pas encore le cas (McGrath, 2017). De plus, il est possible de concevoir les paradigmes exp&eacute;rimentaux de la dissonance comme des situations qui n&rsquo;induisent pas un seul mais plusieurs processus (e.g., incongruence, attribution, r&eacute;gulation &eacute;motionnelle). Certains paradigmes pourraient engendrer des formes sp&eacute;cifiques de dissonance. Par exemple, l&rsquo;hypocrisie induite (Aronson et al., 1991) pourrait g&eacute;n&eacute;rer une menace &agrave; l&rsquo;affiliation et une menace du soi en plus des processus &eacute;voqu&eacute;s (i.e., incongruence, attribution, r&eacute;gulation &eacute;motionnelle). </span></span></span></p> <p style="text-indent:14.2pt; text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces consid&eacute;rations pr&eacute;sentent un int&eacute;r&ecirc;t pour les experts du champ mais, pour une lecture plus large des ph&eacute;nom&egrave;nes sociaux, le d&eacute;bat est ailleurs. Il r&eacute;side dans les cons&eacute;quences de la prise de conscience d&rsquo;un rapport de domination. Peu importe que cette prise conscience soit de la dissonance ou non. Ce qui pr&eacute;sente un int&eacute;r&ecirc;t c&rsquo;est de d&eacute;terminer si cette prise de conscience g&eacute;n&egrave;re un &eacute;tat d&rsquo;inconfort psychologique qui doit &ecirc;tre r&eacute;duit. Si tel &eacute;tait le cas, des processus psychosociaux pourraient expliquer pourquoi les domin&eacute;s deviennent ali&eacute;n&eacute;s. Une voie a &eacute;t&eacute; ouverte par Jost (2020) avec son concept de &laquo;&nbsp;dissonance id&eacute;ologique&nbsp;&raquo;. Il consid&egrave;re que l&rsquo;int&eacute;riorisation d&rsquo;un st&eacute;r&eacute;otype correspond &agrave; la rationalisation d&rsquo;une situation in&eacute;galitaire et qu&rsquo;elle conduit &agrave; consid&eacute;rer le syst&egrave;me comme juste, l&eacute;gitime et justifi&eacute;. Nous pensons que rapprocher la th&eacute;orie de la justification du syst&egrave;me (Jost, 2020) et la conception radicale de la dissonance constitue une perspective de recherche int&eacute;ressante. En plus de r&eacute;unir deux champs qui n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; pens&eacute;s comme li&eacute;s, elle permettrait de montrer que les concepts marxiens peuvent constituer un prisme de lecture pertinent en psychologie sociale. </span></span></span></p> <div style="page-break-after: always"><span style="display: none;">&nbsp;</span></div> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span lang="EN-US" style="font-size:12.0pt">R&eacute;f&eacute;rences</span></b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ARONSON, Elliot, The theory of cognitive dissonance: A current perspective, 1969, In: <i>Advances in experimental social psychology</i>. Academic Press, p. 1-34.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ARONSON, Eliot, FRIED, Carrie, STONE, Jeff, Overcoming denial and increasing the intention to use condoms through the induction of hypocrisy. <i>American Journal of public health</i>, 1991, vol. 81, no 12, p. 1636-1638.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BEAUVOIS, Jean-L&eacute;on. <i>Trait&eacute; de la servitude lib&eacute;rale : analyse de la soumission</i>, 1994, Paris, Dunod.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BEAUVOIS, Jean-L&eacute;on, <i>Lib&eacute;ralisme, individualisme et pouvoir social : petit trait&eacute; des grandes illusions</i>, 2005, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BEAUVOIS, Jean-L&eacute;on et JOULE, Robert. <i>Soumission et id&eacute;ologies : psychosociologie de la rationalisation</i>. 1981, Paris, Presses universitaires de France.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BEAUVOIS, Jean-L&eacute;on, JOULE, Robert-Vincent. <i>A radical dissonance theory</i>, 1996, London, Taylor &amp; Francis.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BOURQUE, Gilles, DUCHASTEL, Jules, Mont&eacute;e et d&eacute;clin de l&rsquo;id&eacute;ologie au Qu&eacute;bec. <i>Les cahiers Fernand Dumont pour l&rsquo;avenir de la m&eacute;moire : avons-nous toujours besoin des id&eacute;ologies</i>, 2014, p. 15-34.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BURAWOY, Michael, Marxism as science: Historical challenges and theoretical growth, 1990, <i>American Sociological Review</i>, p. 775-793.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CROYLE, Robert, COOPER, Joel, Dissonance arousal: Physiological evidence, 1983, <i>Journal of Personality and Social Psychology</i>, vol. 45, no 4, p. 782.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">FESTINGER, Leon, <i>A theory of cognitive dissonance</i>, 1957, Redwood City, California, Stanford University Press.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">FESTINGER, Leon, CARLSMITH, James, Merryl, Cognitive consequences of forced compliance, <i>The journal of Abnormal and Social Psychology</i>, 1959, vol. 58, no 2, p. 203.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">FESTINGER, Leon, RIECKEN, Henry, SCHACHTER, Stanley, <i>L&rsquo;&eacute;chec d&rsquo;une proph&eacute;tie</i>, 1956, 1993, Paris, Presses Universitaires de France.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">HULL, Clark, Leonard, <i>A behavior system; an introduction to behavior theory concerning the individual organism</i>, 1952, New Haven, Yale University Press</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">JOST, John Thomas, <i>A theory of system justification</i>, 2020, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">KIESLER, Charles A, <i>The psychology of commitment:</i> <i>Experiments linking behavior to belief</i>, 1971, New York, Academic Press.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">KOVTUN, George, Marx and His Mistakes, In: <i>The Spirit of Thomas G. Masaryk (1850&ndash;1937)</i>, 1990, London, Palgrave Macmillan, p. 126-144. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">MACHEREY, Pierre, <i>Le sujet des normes</i>, 2014, Paris, Amsterdam.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">MCGRATH, April. Dealing with dissonance: A review of cognitive dissonance reduction, 2017, <i>Social and Personality Psychology Compass</i>, vol. 11, no 12, p. e12362.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">MARX, Karl, <i>Le Capital (4<sup>&egrave;me</sup> &eacute;dition)</i>, 1878, 2016, Paris, Les Editions Sociales.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">MARX, Karl, ENGELS, Friedrich, <i>L&rsquo;Id&eacute;ologie allemande</i>, 1932, 2012, Paris, Les Editions Sociales.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">MARX, Karl. <i>Contribution &agrave; la critique de l&#39;&eacute;conomie politique</i>, 1859, 2014, Paris, Les Editions Sociales.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">PROULX, Travis et INZLICHT, Michael. The five &ldquo;A&rdquo; s of meaning maintenance: Finding meaning in the theories of sense-making. <i>Psychological inquiry</i>, 2012, vol. 23, no 4, p. 317-335.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">PIKETTY, Thomas. <i>Capital et id&eacute;ologie,</i> 2021, Paris, Le Seuil. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:10pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">TAJFEL, Henri, TURNER, John, Charles, An integrative theory of intergroup conflict. In W. G. Austin, &amp; S. Worchel (Eds.), <i>The social psychology of intergroup relations</i>, 1979, Monterey, CA: Brooks/Cole, pp. 33-37.</span></span></span></p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[1]</span></span></span></span></span></a> Ce paragraphe est inspir&eacute; d&rsquo;un manuscrit non-publi&eacute; de Fr&eacute;d&eacute;rique-Anne Ray.</span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[2]</span></span></span></span></span></a> . Etablir si cette proposition est vraie ou fausse ne rel&egrave;ve pas du champ de la psychologie. En revanche, les &eacute;laborations qui en d&eacute;coulent peuvent &ecirc;tre examin&eacute;es au regard de la discipline qui est la n&ocirc;tre.</span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[3]</span></span></span></span></span></a> La pr&eacute;sentation des diff&eacute;rents modes de production ne sert pas notre propos. Le lecteur int&eacute;ress&eacute; par ces informations pourra se r&eacute;f&eacute;rer &agrave; Marx (1859, 2014).</span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[4]</span></span></span></span></span></a> Il est important de noter que pour Beauvois et Joule, la cognition g&eacute;n&eacute;ratrice ne doit pas &ecirc;tre incluse dans le calcul du taux de dissonance.</span></span></p> </div> </div> <p style="margin-bottom: 14px; text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="margin-bottom: 14px; text-align: justify;">&nbsp;</p> <h2 style="font-style: italic; text-align: justify;">&nbsp;</h2>