<p>Cet article explore le récit de vie d’un français, yiddishophone depuis toujours. En évoquant successivement les langues de sa vie, il construit un discours analysé ici en lui-même, comme avec l’appui de travaux en sciences sociales et en sociolinguistique en particulier. L’hébreu y apparaît de manière singulière, non seulement lié à l’État d’Israël (selon une association circulante dans son discours et dans l’espace culturel de l’informateur), mais aussi comme dépendant du rapport même à cet État. Par l’analyse croisée d’évocations de l’allemand, du polonais, du russe et de l’hébreu, du cotexte comme du contexte, l’article dégage un imaginaire linguistique où l’affectivité (émotions et sentiments) tient une grande place et se révèle déterminante dans le récit des apprentissages linguistiques de l’informateur. L’hébreu apparaît ainsi marqué par le défaut et le rapport à Israël par une certaine hostilité, si bien qu’au reproche de sa propre absence dans la citoyenneté israélienne (dont il questionne l’authenticité), l’informateur semble opposer celle du yiddish (et de l’héritage culturel ashkénaze) en Israël. La « mise en intrigue » (Nossik, 2011, p. 124) par le récit de vie fait apparaître l’intrication de ces éléments relatifs à la langue, aux affaires de l’État et à des politiques linguistiques aux niveaux macro- et microsociolinguistiques – et de fait, la complexité du rapport subjectif aux langues. Ce n’est pas la singularité de ces éléments, mais leur diversité constitutive qui plaide pour le recours à une approche également qualitative pour enquêter sur les attitudes envers le politique.</p>