<p>De nombreuses transformations ont eu lieu dans la production des connaissances scientifiques sur la nation et le nationalisme, ce qui a permis aux chercheurs de mieux les d&eacute;limiter et les d&eacute;finir en tant qu&rsquo;objets d&rsquo;&eacute;tude. Si nous r&eacute;sumons, dans une perspective historiographique, les nombreux tournants &eacute;pist&eacute;mologiques s&rsquo;&eacute;tant op&eacute;r&eacute;s dans le champ d&rsquo;&eacute;tudes du nationalisme, nous constatons que les &eacute;tudes classiques du nationalisme ont habituellement d&eacute;termin&eacute; les fondements universels communs &agrave; toutes les nations et tous les nationalismes &eacute;tudi&eacute;s.</p> <p>Bien souvent, ces th&eacute;oriciens classiques se sont pr&eacute;occup&eacute;s de savoir si ces nations et nationalismes pouvaient &ecirc;tre examin&eacute;s &agrave; partir de principes culturels, raciaux ou ethniques (Shils, 1957 ; Geertz, 1973 ; van den Berghe, 1978 ; Seton-Watson, 1977). Un tournant &eacute;pist&eacute;mologique s&rsquo;est toutefois op&eacute;r&eacute; dans les ann&eacute;es 1960, lorsque des th&eacute;oriciens, soucieux de conna&icirc;tre le r&ocirc;le de l&rsquo;&Eacute;tat dans la modernisation, ont &eacute;mis l&rsquo;hypoth&egrave;se que la structure &eacute;tatique moderne avait &eacute;t&eacute; un facteur central dans la formation de la nation et du nationalisme (Deutsch, 1969 ; Tilly, 1975 ; Rokkan et Eisenstadt, 1973 ; Wallerstein, 1974). S&rsquo;inscrivant dans la continuit&eacute; des courants modernistes pr&eacute;c&eacute;dents, de nouveaux th&eacute;oriciens ont alors conduit, dans les ann&eacute;es 1990, des &eacute;tudes portant pr&eacute;cis&eacute;ment sur les acteurs et les institutions impliqu&eacute;s dans la transformation et la restructuration des syst&egrave;mes nationaux et soci&eacute;taux (Breuilly, 1995 ; Hobsbawm, 2001 [1992] ; Greenfeld2, 1992 ; Billig, 1995 ; Brubaker, 1996 ). Ils s&rsquo;int&eacute;ressent particuli&egrave;rement &agrave; la mobilisation des &eacute;lites et du peuple dans les formations nationales et &eacute;tatiques, ainsi qu&rsquo;aux conflits entre gouvernement et soci&eacute;t&eacute; civile (Breuilly, 1995 ; Hobsbawm, 2001 [1992] ; Gellner, 1989 [1983]). Cette &eacute;poque est &eacute;galement marqu&eacute;e par l&rsquo;apparition de th&eacute;ories critiquant la dimension normative des th&eacute;ories classiques de la nation et du nationalisme. En effet, certains chercheurs critiquent la dimension &laquo; construite &raquo; et &laquo; substantielle &raquo; de la nation et du nationalisme port&eacute;e par les th&eacute;ories classiques. Hobsbawm et Ranger (1983) critiquent par exemple le fait que les th&eacute;oriciens classiques ne reconnaissent pas que la tradition nationale est en fait une invention cr&eacute;&eacute;e par certains acteurs nationalistes, ou encore Brubaker (1996, 14) conteste la mani&egrave;re dont certains th&eacute;oriciens classiques attribuent des qualit&eacute;s essentielles aux groupes sociaux &eacute;tudi&eacute;s.</p> <p>Par l&rsquo;ensemble de ces consid&eacute;rations critiques mobilis&eacute;es dans le champ d&rsquo;&eacute;tudes, d&rsquo;autres th&eacute;oriciens ont plus r&eacute;cemment tent&eacute; de tenir compte de la complexit&eacute; et de la particularit&eacute; des ph&eacute;nom&egrave;nes nationaux. Comme l&rsquo;affirme si bien Eric Hobsbawm : &laquo; il est difficile de faire entrer dans un cadre permanent et universel des ph&eacute;nom&egrave;nes nationaux changeants, et variables &raquo; (Hobsbawm, 2001 [1992], 14). C&rsquo;est pourquoi ces th&eacute;oriciens s&rsquo;int&eacute;ressent pour la plupart &agrave; de nouveaux objets d&rsquo;&eacute;tude, tels que les produits culturels, les pratiques banales et les activit&eacute;s sociales poss&eacute;dant un certain caract&egrave;re &laquo; national &raquo; (Billig, 1995 ; Skey, 2009 ; Fox et Miller-Idriss, 2008). Par ailleurs, certains d&rsquo;entre eux &eacute;tudient ces objets &agrave; partir de nouvelles &eacute;chelles d&rsquo;analyse, qui se r&eacute;duisent g&eacute;n&eacute;ralement &agrave; l&rsquo;&eacute;tude des interactions sociales particuli&egrave;res ayant un certain impact causal sur les changements sociaux et politiques qui s&rsquo;op&egrave;rent dans les soci&eacute;t&eacute;s (Brubaker and al., 2006). Ces th&eacute;ories &eacute;tendent le champ d&rsquo;&eacute;tudes &agrave; de nouvelles unit&eacute;s d&rsquo;analyse des ph&eacute;nom&egrave;nes nationaux qui sont g&eacute;n&eacute;ralement de faible intensit&eacute;, par exemple le nationalisme s&rsquo;inscrivant dans la banalit&eacute; du quotidien, ainsi qu&rsquo;&agrave; de nouveaux concepts qui se d&eacute;marquent en ce qui concerne les aspects th&eacute;oriques et politiques du nationalisme, par exemple le cosmopolitisme et le postnationalisme (Billig, 1995 ; Beck, 2006 ; Calhoun, 1997). Par le biais de ces nouvelles perspectives d&rsquo;analyse, les &eacute;tudes sur le nationalisme ont r&eacute;cemment pris un tournant cognitif (Brubaker and al., 2006) ou discursif (Calhoun, 1997), et se sont concentr&eacute;es &eacute;galement sur d&rsquo;autres th&eacute;matiques connexes, en l&rsquo;occurrence celles du genre (Yuval-Davis, 1997) et de la postcolonialit&eacute; (Chatterjee, 1986).</p> <p>C&rsquo;est en &eacute;cho avec les avanc&eacute;es th&eacute;oriques effectu&eacute;es durant ces derni&egrave;res d&eacute;cennies dans le champ du nationalisme que nous allons actualiser la question du nationalisme basque &agrave; la mani&egrave;re dont elle est pens&eacute;e aujourd&rsquo;hui. D&rsquo;apr&egrave;s Izquierdo (2000), le nationalisme basque, d&eacute;sign&eacute; originellement en des termes ethniques et culturels, est actuellement emprunt&eacute; pour des revendications politiques promouvant l&rsquo;acquisition d&rsquo;une souverainet&eacute; basque aupr&egrave;s d&rsquo;instances politiques, notamment par l&rsquo;interm&eacute;diaire de partis politiques ind&eacute;pendantistes pr&eacute;sents au sein des institutions politiques espagnoles. Ainsi, malgr&eacute; les r&eacute;f&eacute;rences aux traditions ou &agrave; l&rsquo;origine imm&eacute;moriale du peuple basque, le nationalisme basque peut aussi &ecirc;tre caract&eacute;ris&eacute; comme une construction politique en perp&eacute;tuelle mutation, sous l&rsquo;effet des nationalismes environnants (Catalogne, &Eacute;cosse) et des politiques interr&eacute;gionales mises en place par l&rsquo;Union europ&eacute;enne. Cela nous porte &agrave; croire que la dimension ethnoculturelle de la nation basque a &eacute;t&eacute; progressivement supplant&eacute;e par la dimension politique de son nationalisme.</p> <p>Au regard de nos observations sur le terrain, nous r&eacute;alisons toutefois que les pr&eacute;occupations actuelles &agrave; propos du nationalisme basque s&rsquo;oriente davantage sur son identit&eacute; basque qui, suivant les travaux de Brubaker et Cooper (2000), demeure complexe et conflictuelle, &agrave; la fois par sa dimension culturelle, linguistique et historique.</p> <p>Nous allons argumenter dans cet article que cette identit&eacute; basque est actuellement repens&eacute;e au travers d&rsquo;une certaine nostalgie, cr&eacute;&eacute;e de toute pi&egrave;ce &agrave; partir d&rsquo;une image invent&eacute;e de la tradition basque (voir Hobsbawm, 2012). Cette image est relay&eacute;e principalement par la culture, la musique&nbsp;et les films. Nous allons donc analyser par un corpus m&eacute;diatique la mani&egrave;re dont l&rsquo;identit&eacute; basque est pr&eacute;sent&eacute;e et repr&eacute;sent&eacute;e aux regards d&rsquo;autrui.</p>