<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Qu&rsquo;est-ce que le normal&nbsp;avant m&ecirc;me de parler des normes ? Il n&rsquo;est rien de moins que ce qui advient naturellement, selon l&rsquo;habitude et les usages convenus. C&rsquo;est ce qui est d&rsquo;&eacute;querre (<i>norma en latin</i>). Les d&eacute;finitions clarifient toute l&rsquo;&eacute;tendue des acceptions et des philosophies implicites &agrave; ce que l&rsquo;on entend dans le &laquo;&nbsp;normal&nbsp;&raquo;. &nbsp;Est normal ce qui est sain, qui est conforme &agrave; la nature. Faut-il ici reconna&icirc;tre les lois de la nature pour admettre que le normal est ce que la nature produit d&rsquo;ordinaire. C&rsquo;est donc ce qui est courant, r&eacute;gulier et conforme &agrave; la moyenne de ce que la nature produit. A l&rsquo;inverse, l&rsquo;anormal sera ce qui fait exception, ce qui &eacute;chappe &agrave; cette normalit&eacute; r&eacute;guli&egrave;re. Sur le plan culturel la normalit&eacute; est ce que la soci&eacute;t&eacute; a ritualis&eacute;, ordonn&eacute; auquel s&rsquo;oppose le bizarre, l&rsquo;&eacute;tranget&eacute; pour ne pas dire le d&eacute;traqu&eacute;, comme l&rsquo;indique le dictionnaire. Pour les esprits rigoureux &eacute;pris de logique, le normal est ce qui se pr&eacute;dit, ce qui est compr&eacute;hensible et d&eacute;crit dans des lois et th&eacute;ories scientifiques. Est alors anormal, ce qui est absurde, illogique et inconcevable. Bref, le normal est ici tr&egrave;s observable.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Or, la norme n&rsquo;est pas normale en ce sens qu&rsquo;elle n&rsquo;est pas le r&eacute;sultat de l&rsquo;observation de ce qui advient le plus souvent. Elle est une construction. La norme, c&rsquo;est une r&egrave;gle, c&rsquo;est un canon, un pr&eacute;cepte ou un r&egrave;glement. Ce sont des instructions en grammaire, des conventions en math&eacute;matique et plus encore des r&egrave;gles fixant les conditions de r&eacute;alisation d&rsquo;une op&eacute;ration dans l&rsquo;industrie. Et ces normes industrielles font &eacute;chos aux normes juridiques, ces r&egrave;gles construites qui ont un pouvoir de contrainte qui s&rsquo;imposent aux groupes sociaux, aux producteurs et aux consommateurs. Les constructeurs de normes ont alors un pouvoir consid&eacute;rable de fabrication des r&egrave;gles de vie en soci&eacute;t&eacute;, de d&eacute;termination des usages et des productions. </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En invitant par notre appel &agrave; communication &agrave; s&rsquo;interroger sur le th&egrave;me des normes et normalit&eacute;s nous souhaitions ouvrir le d&eacute;bat de la compr&eacute;hension de cette normalisation des soci&eacute;t&eacute;s et des m&oelig;urs. Des normes nombreuses &eacute;manent d&rsquo;institutions internationales non-&eacute;lues, telles les religions, qui poss&egrave;dent de ce fait un pouvoir de prescription et de r&eacute;gulation, par-del&agrave; la souverainet&eacute; l&eacute;gislative des peuples constitu&eacute;s en nations et Etats. Cette pr&eacute;sence des normes dans de tr&egrave;s nombreux domaines compl&egrave;te, mais aussi contourne, les l&eacute;gislateurs nationaux, jusqu&rsquo;&agrave; imposer des normes construites par des experts au sein de ces institutions. Cette r&eacute;alit&eacute; pose la question de la v&eacute;rit&eacute; axiologique implicite &agrave; cette autorit&eacute; des normes. Elle pose la question des places relatives d&rsquo;une l&eacute;gislation d&eacute;mocratique &agrave; c&ocirc;t&eacute; de ces institutions normatives supranationales qui incarnent une v&eacute;rit&eacute; universelle, un bien d&eacute;sirable, une r&egrave;gle supranationale.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="color:black">Les normes sont aussi celles des st&eacute;r&eacute;otypes sociaux et du conformisme social qui s&rsquo;ensuit. Toutes les organisations d&eacute;veloppent des mod&egrave;les ou des ic&ocirc;nes au nom de modes et d&rsquo;&eacute;volutions soci&eacute;tales qui doivent guider les populations vers des comportements norm&eacute;s. Ceux-ci viennent tendanciellement enr&eacute;gimenter les modes de vie par une intrusion croissante de ces mod&egrave;les dans toutes les composantes de la vie quotidienne&nbsp;: m&oelig;urs, alimentation, sexualit&eacute;, etc. Ces prescriptions sociales sont nombreuses au travers de codes explicites ou implicites et elles semblent, elle aussi, t&eacute;moigner d&rsquo;une normalisation de la vie publique, mais aussi d&rsquo;ordre politique ou id&eacute;ologique, dans l&rsquo;intimit&eacute; de ce qu&rsquo;il convient de faire ou de penser.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="color:black">Mais la norme &eacute;merge aussi dans les groupes sociaux par des r&egrave;gles communes, des signes de reconnaissance qui font l&rsquo;appartenance au groupe dans les respects des usages, normes implicites de ce qui se fait ou ne se fait pas. C&rsquo;est la normalit&eacute; admise, la normalit&eacute; d&rsquo;identification des uns aux autres dans la tradition des pratiques&nbsp;: &laquo;&nbsp;on a toujours fait comme &ccedil;a&nbsp;&raquo;. Ces normes sont l&agrave;, donn&eacute;es, parfois historiques alors que d&rsquo;autres sont construites, transformantes, prescriptives, voire autoritaires. C&rsquo;est l&rsquo;autonomie des normes &eacute;mergentes en groupe ou l&rsquo;h&eacute;t&eacute;ronomie des normes pens&eacute;es par des institutions en vue de leur adoption g&eacute;n&eacute;rale contraignante.&nbsp; </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="color:black">L&rsquo;analyse psychologique et sociale de cette app&eacute;tence pour les normes est &agrave; comprendre. La normalit&eacute; est-elle normale&nbsp;? L&rsquo;emprise de la normalit&eacute; s&rsquo;oppose &agrave; l&rsquo;anormal, l&rsquo;original, avec ces ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;inclusion et d&rsquo;exclusion de qui est ou n&rsquo;est pas dans la norme du temps. Or que dire d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; politique qui &eacute;tend ind&eacute;finiment l&rsquo;empire des normes ou d&rsquo;une autre qui en limite l&rsquo;extension. O&ugrave; est la libert&eacute; face &agrave; la normalit&eacute;&nbsp;? La d&eacute;mocratie ne pose-t-elle pas l&agrave; ses normes, celle de la reconnaissance de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; comme le pr&eacute;alable et la raison du dialogue&nbsp;? La d&eacute;mocratie n&rsquo;est-elle pas la traduction d&rsquo;une volont&eacute; de se respecter mutuellement dans sa dignit&eacute; et le secret de sa conscience&nbsp;? Comme les libert&eacute;s de conscience, libert&eacute;s de penser, libert&eacute;s d&rsquo;expression, avec le risque que la norme contredise brutalement le libre exercice de la d&eacute;mocratie.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="color:black">Notre entretien avec Ariane Bilheran permet de jeter un regard sur la psychopathologie des tendances totalitaires qui menacent sans cesse nos soci&eacute;t&eacute;s des libert&eacute;s. Cet entretien revient sur quelques fondamentaux de son dernier ouvrage&nbsp;: <i>Psychopathologie du totalitarisme</i>, brillant travail de psychologie politique. Birama Diop nous d&eacute;crypte avec une grande finesse les codes et normes vestimentaires, les jeux des apparences physiques et le recours aux pseudonymes des chefs d&rsquo;Etat Africains, l&agrave; o&ugrave; des normes sociales font une partie des relations psychologiques et sociales des politiques aux populations. Dorgel&egrave;s Houessou examine la tradition patriarcale du politique en Afrique, o&ugrave; la place des femmes est d&eacute;limit&eacute;e par des normes culturelles et sociales tr&egrave;s pr&eacute;sentes, montrant en quoi l&rsquo;ethos f&eacute;ministe vient bousculer ces normes. Kouakou Marcel Diby r&eacute;alise un travail litt&eacute;raire plein de psychologie en &eacute;tudiant les &oelig;uvres&nbsp;: <i>Les ann&eacute;es insulaires </i>de Philippe Le Guilloux et <i>La Carte et le Territoire</i> de Michel Houellebecq, pour r&eacute;v&eacute;ler une &eacute;criture du vacillement des normes &eacute;thiques dans l&rsquo;art contemporain.&nbsp;Et Pierre-Antoine Pontoizeau s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; l&rsquo;emprise de la m&eacute;taphore, figure normative insidieuse qui conduit &agrave; une m&eacute;taphorisation du monde ainsi qu&rsquo;&agrave; la compr&eacute;hension des normes dans l&rsquo;industrie dont l&rsquo;organisation requiert une d&eacute;formation quasi-pathologique des personnes dans leurs relations &eacute;motionnelles et cognitives &agrave; leur environnement humain et non-humain.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="color:black">Voil&agrave; encore un num&eacute;ro fid&egrave;le &agrave; l&rsquo;esprit qu&rsquo;initiait Alexandre Dorna&nbsp;: &ecirc;tre au carrefour de disciplines qui apportent chacune un &eacute;clairage pr&eacute;cieux, offrant une compl&eacute;mentarit&eacute; des regards pour s&rsquo;enrichir d&rsquo;une meilleure compr&eacute;hension des ph&eacute;nom&egrave;nes humains et politiques. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="color:black">Pierre-Antoine Pontoizeau</span></span></span></span></span></p>