<p class="alnexerguepremier" style="text-align: justify; text-indent: 14.2pt; margin-top: 24px; margin-left: 520px;"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><a name="_Toc82190734">Les lacunes, éliminées de la description ondulatoire, se sont réfugiées dans la connexion qui relie la description ondulatoire aux faits observables.</a></span></span></p>
<p class="alnexergueauteur" style="text-align:right; margin-top:3px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Erwin Shrödinger</span></span></p>
<p class="MsoToc3" style="text-align:justify; text-indent:-14.2pt; margin-top:4px; margin-left:28px"> </p>
<h2 style="text-align:center; margin-top:133px; margin-right:38px; margin-left:38px"><span style="font-size:18pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><span style="font-weight:normal">Introduction</span></span></span></span></h2>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Qu’on l’aborde à travers les traitements de l’information, les manipulations de symboles, les calculs, les formalismes, la raison computationnelle, etc., « le numérique » est situé dans la double dépendance de l’<span class="caritalique" style="font-style:italic">écriture</span> et de l’<span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span>. Concernant <span class="caritalique" style="font-style:italic">écriture</span>, il n’y a aucune équivoque possible, car je fais ici référence à l’écriture, au sens ordinaire, qui nous a été transmise dès le cours préparatoire quand nous avons appris à lire, à écrire et à calculer, et qui est aussi celle qui intervient dans les sciences, y compris dans ses aspects les plus formalisés, dans les théories logiques ou dans les théories de la calculabilité, par exemple. En outre, comme chacun sait, l’écriture est <span class="caritalique" style="font-style:italic">asémique</span> en ce sens que, de soi-même, elle ne possède, n’inclut, ne contient, ne véhicule, ne signifie, etc., aucune valeur de renvoi ou de signification en quelque sens qu’on veuille l’entendre : tout effet de sémie est l’effet d’une interprétation effective. Il n’y a pas non plus d’équivoque possible – du moins, il ne devrait pas y en avoir – quant à ce que signifie <span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span> dans un contexte de <span class="caritalique" style="font-style:italic">traitement de l’information</span> : il s’agit de l’information discrète en « 1 parmi <span class="caritalique" style="font-style:italic">n</span> », qui est l’information au sens usuel de l’informaticien – celle sans laquelle on ne saurait faire fonctionner un ordinateur – et qui est déjà l’information au sens où Hartley l’introduit dans son article de 1928. Cette information-là, asémique tout comme l’écriture, ne dépend d’aucune considération de probabilité ou de complexité algorithmique. Pour autant, je n’ignore pas les glissements dans lesquels le mot <span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span> se trouve pris, qu’on l’associe à des probabilités (comme quantité de choix, de pertinence, d’incertitude, de surprise, etc., comme critère d’optimisation, de compression, de codage, de cryptage, etc.), à une complexité structurelle ou algorithmique, ou qu’on l’aborde dans une perspective signifiante comme une manière de prolonger encore la problématique du signe. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Cependant, le privilège exclusivement réservé aux humains d’opérer <span class="caritalique" style="font-style:italic">avec</span> et <span class="caritalique" style="font-style:italic">sur</span> des écritures se trouve contesté d’une manière paradoxale, puisque les artefacts qui paraissent correspondre le plus exactement à des dispositifs opérant <span class="caritalique" style="font-style:italic">avec</span> et <span class="caritalique" style="font-style:italic">sur</span> des écritures, en particulier les ordinateurs, sont des dispositifs de traitement de l’information discrète, lesquels sont des dispositifs <span class="caritalique" style="font-style:italic">sans écriture</span>, tout comme la machine de Pascal réalisée à la façon des horlogers : rien, en effet, dans ces dispositifs, qu’on puisse objectiver comme une lettre (un caractère, un symbole, un signe, un signifiant, etc.) ni, par conséquent, comme une écriture (un assemblage de lettres), ni <span class="caritalique" style="font-style:italic">a fortiori</span> comme l’application d’une opération (traitement, transformation, manipulation, voire même calcul) à des écritures. Or, un consensus universel (ou presque) accorde comme évident que cette hétérogénéité puisse être mise entre parenthèses sous couvert de la fiction d’un <span class="caritalique" style="font-style:italic">comme si</span> : </span></span></p>
<p class="aln0remarquable" style="text-align:justify; margin-top:8px; margin-left:38px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Fiction du <span class="caritalique" style="font-style:italic">comme si</span>. En pratique, tout [ou presque] se passe comme si les dispositifs de traitement de l’information discrète étaient [réductibles à] des écritures et [à] des opérations appliquées à ces écritures. </span></span></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">On peut noter au passage que les humains – et <span class="caritalique" style="font-style:italic">a fortiori</span> le vivant – sont eux aussi des « dispositifs » <span class="caritalique" style="font-style:italic">sans écriture</span> : rien, en effet, dans le cerveau, ni même dans le corps, qu’on puisse objectiver comme une lettre (un caractère, un symbole, un signe, un signifiant, etc.), ni comme une écriture, ni, a fortiori comme des opérations appliquées à ces écritures. Cette fiction du <span class="caritalique" style="font-style:italic">comme si</span> demeurerait [presque] anodine si elle n’attirait l’attention sur plusieurs difficultés. </span></span></p>
<p class="aln0suite" style="text-align:justify; text-indent:1cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">(1) Il devrait paraître surprenant qu’on accorde, surtout à titre d’évidence, que le discret finitiste ordinaire des mathématiques puisse être glissé sur des dispositifs de traitement de l’information dont on ne saurait accorder, à aucun degré, qu’ils soient eux-mêmes formés d’états et de transitions entre états qu’on pourrait dire à la fois <span class="caritalique" style="font-style:italic">réellement discrets</span> et <span class="caritalique" style="font-style:italic">réellement indécomposables</span>. </span></span></p>
<p class="aln0suite" style="text-align:justify; text-indent:1cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">(2) Cela devrait paraître d’autant plus surprenant que cette fiction est ajustée avec le plan qui est identifié comme fini, discret et irréductible, qu’on le considère depuis l’insécabilité discrète des lettres, depuis les nombres entiers, ou qu’on fasse référence à l’effectivité des démonstrations et des calculs, sachant que c’est aussi le plan d’irréductibilité sur la base duquel ont été – et sont encore – établies des constructions aussi étendues, par exemple, que la formalité logique et mathématique et tout ce qui en dépend, ou que les différentes facettes de « le numérique ». </span></span></p>
<p class="aln0suite" style="text-align:justify; text-indent:1cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">(3) En dépit de l’évidence qu’on lui prête, le <span class="caritalique" style="font-style:italic">comme si</span> semble articuler deux aspects assez incompatibles : d’un côté, la conception ordinaire de l’écriture ne convient <span class="caritalique" style="font-style:italic">évidemment</span> pas, car on la regarde déjà comme l’archétype d’un champ discret, fini et irréductible (c’est un autre aspect de la problématique du discret, point n° 1) ; de l’autre côté, une théorie probabiliste de l’information ne convient <span class="caritalique" style="font-style:italic">évidemment</span> pas, car il faudrait alors aussi glisser les théories de la calculabilité – qui ne dépendent d’aucune considération de probabilité (ni même d’information) – sur des dispositifs empiriques reconnus pour traiter une information irréductiblement probabiliste. </span></span></p>
<p class="aln0suite" style="text-align:justify; text-indent:1cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Enfin (4), dans la mesure où cette évidence concerne en particulier des théories mathématiques, qui ne serait surpris qu’on croie pouvoir articuler directement, sans précaution ni aucune réserve, et surtout à titre d’évidence, des domaines empiriques de faits, de dispositifs et d’artefacts avec des domaines d’idéalités, métempiriques par définition ? </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">De quelle information et de quelle écriture s’agit-il dans cette articulation ? Pourquoi faudrait-il convoquer une évidence en une matière aussi fondamentale ? Les remarques que j’ai formulées suggèrent au moins que l’opposition ordinaire entre discret (finitiste) et continu n’est pas appropriée à ce contexte ; et comme ce n’est pas un problème de continuité, c’est l’idée ordinaire de discret qui doit éclater. Il ne s’agit pas – surtout pour l’informaticien que je suis – de contester l’efficience pratique de l’<span class="caritalique" style="font-style:italic">effet de discret</span> obtenu par ces dispositifs, mais au contraire de déceler, en-deçà d’une évidence peut-être obscure parce que trop lumineuse, quel est l’ajointement fondamental inaperçu que cette fiction parvient à faire jouer à notre insu et qui nous force de l’accorder, mal gré peut-être qu’on en ait. C’est un dilemme qui se noue entre une efficience que nul ne voudra contester, et un blocage induit par une articulation qui ne se laisse pas arraisonner dans les cadres théoriques et fondamentaux habituels. Une fiction, au sens théorique où je l’introduis ici, n’est donc pas quelque divertissante fantaisie de l’esprit, mais une construction (1) qui est efficiente, (2) qui a pour contrepartie une mise en œuvre effective, et (3) et dont ne sait pas [suffisamment] rendre raison. En ce sens, une fiction agit comme une solution d’attente qui permet de ne pas renoncer au bénéfice d’une efficience pratique reconnue, malgré un défaut de théorie qu’elle rend manifeste, comme si elle proposait, dans le filigrane discret de son efficience silencieuse, une solution à un problème qu’on n’aurait pas encore formulé, aperçu ou même soupçonné. Il y a du savoir <span class="caritalique" style="font-style:italic">en acte</span> dans cette fiction, et c’est lui qui en régit l’efficience ; mais il demeure en souffrance, inaccessible aussi longtemps qu’il est « en solution », comme du sel dissous dans l’eau ; il ne resterait en somme qu’à en précipiter la cristallisation. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">C’est aussi cette fiction du <span class="caritalique" style="font-style:italic">comme si</span> qui se condense dans le tourbillon de glissements qui agite nos emblématiques « 0 » et « 1 », lesquels, du fait de leur asémie, n’ont pas plus de rapports avec Adam et Ève, le chat et la souris, le vrai et le faux, Romulus et Remus, le zéro et le un, les étoiles de la Voie lactée, etc., qu’avec la logique ou les nombres. Si de nombreuses approches sont intéressées à <span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span>, faut-il pour autant que cet unique mot vaille pour un unique concept agglomérant des aspects et des pratiques pour le moins hétérogènes et parfois incompatibles ? Je ne le crois pas. Je voudrais au contraire dégager une idée de <span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span> en creusant et en abrasant les sédimentations qui se sont déposées sur le vocable depuis presque un siècle, et qui lui confèrent l’étonnante polysémie que l’on sait. Je m’attacherai ici moins à l’écriture qu’à l’information, que j’introduirai depuis l’idée de <span class="caritalique" style="font-style:italic">traduction transphénoménale</span>. </span></span></p>
<h2 style="text-align:center; margin-top:133px; margin-right:38px; margin-left:38px"><span style="font-size:18pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><span style="font-weight:normal"><a name="_Toc82190735">Trois remarques liminaires sur un exemple</a></span></span></span></span></h2>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Imaginons un ruban de papier muni d’éventuelles perforations alignées (à gauche), et un dispositif rudimentaire permettant de faire défiler le ruban et de le lire (à droite) : </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-indent: 1cm; margin-top: 16px; text-align: center;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913200409-1.png" style="width: 500px; height: 78px;" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">La tête de lecture se réduit à un interrupteur électrique associé à une batterie de 5 volts : lorsqu’il n’y a pas de perforation, le papier fait isolant, et le circuit électrique est ouvert (0 volt mesuré) ; inversement, lors d’une perforation, les deux parties de l’interrupteur entrent en contact, et le circuit est fermé (5 volts mesurés). Ainsi présenté (et simplifié quant aux discrétisations et aux états transitoires), cet exemple se prête à une analyse rapide et triviale : d’un côté, il y a la possibilité d’une distinction suffisamment nette et stable de deux états du ruban (opaque, perforé) ; de l’autre côté, il y a la possibilité d’une distinction suffisamment nette et stable de deux tensions électriques (aux voisinages de 0 volt et de 5 volts) ; enfin, entre les deux, il y a un dispositif agencé de manière à établir une corrélation suffisamment régulière entre les états stables du ruban et ceux de la tension électrique (opaque → 0 volt, perforé → 5 volts). En termes d’information discrète, on associe la distinction des deux états du ruban et celle des deux états électriques à 1 bit, de sorte qu’il y a conservation de la quantité d’information. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">On comprend ainsi, au moins à titre de métaphore, en quel sens on peut dire qu’il y a une « traduction » d’une « phénoménalité » (ruban de papier, perforations) dans « une autre » (tensions électriques) qui conserve l’invariant « 1 parmi 2 ». Je formulerai trois remarques :</span></span></p>
<p class="aln0suite" style="text-align:justify; text-indent:1cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">(1) Attribuer une quantité d’information au ruban et à ses perforations est seulement une manière de parler qui signifie qu’on a en vue de soumettre ce ruban à un certain type d’interaction, qui soit sensible à la variation opaque/perforé, et ainsi d’en obtenir une traduction. Si je place ce même ruban sur la vitre de mon scanner, ce sont maintenant les propriétés du scanner (résolution, échantillonnage des couleurs, etc.) qui vont déterminer la quantité d’information associée à cette interaction. L’information [en ce sens] n’est pas une propriété d’un quelque chose (chose, objet, étant, etc.), et ne peut donc pas être attribuée en propre à un quelque chose, car elle caractérise une <span class="caritalique" style="font-style:italic">modalité d’interaction</span>, et même, plus restrictivement, une <span class="caritalique" style="font-style:italic">interprétation de</span> – <span class="caritalique" style="font-style:italic">une analyse de, un point de vue sur</span>, etc.<span class="caritalique" style="font-style:italic"> – une modalité d’interaction</span>. </span></span></p>
<p class="aln0suite" style="text-align:justify; text-indent:1cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">(2) On peut prendre de la distance par rapport à la description du dispositif empirique en recourant à des « conventions », « codages », « encodages » et autres « représentations » de l’information. Dans cet exemple très simple, on peut utiliser « 0 » et « 1 » pour « coder l’information », et proposer deux tables de correspondance pour associer les états aux lettres « 0 » et « 1 », l’une pour le ruban, l’autre pour les tensions électriques (figure de gauche) : </span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="105" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913200925-2.png" width="450" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Cependant, comme le choix des codages est arbitraire, on peut choisir une autre convention de codage, par exemple, pour les tensions électriques (figure de droite). Dans ce cas, le même dispositif empirique semble fonctionner maintenant comme un inverseur. Cet effet, rendu manifeste par des variations de convention (dites <span class="caritalique" style="font-style:italic">logique positive</span> et <span class="caritalique" style="font-style:italic">logique négative</span> dans le cas « 1 parmi 2 »), est bien connu et utilisé depuis longtemps pour optimiser les circuits électroniques, quoiqu’il ne semble pas impliqué – du moins, pas de manière très évidente ni explicite – par les concepts usuels d’information, autant dans l’approche combinatoire de Hartley que dans l’approche probabiliste de Shannon, ni même dans l’idée de mesure ou de quantité. On peut surtout remarquer qu’un tel effet, en tant qu’il se produit, pourrait-on dire, à la tangence de l’empirique et du symbolique, devrait être extrêmement général, et devrait concerner tout autant le rapport à n’importe quelle idéalité métempirique. S’agit-il d’un trait spécifique à l’information ? Si oui, lequel ? Si non, se manifeste-t-il ailleurs ? Selon quelles modalités ? </span></span></p>
<p class="aln0suite" style="text-align:justify; text-indent:1cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">(3) Dans ces deux codages, le dispositif empirique est le même, et dans les deux cas, il y a conservation de la quantité d’information. Si le second cas est d’emblée spectaculaire, parce qu’il fait apparaître le fantôme d’un opérateur, le premier ne l’est pas moins si on aperçoit qu’il efface (ou qu’il absorbe) le dispositif empirique lui-même : quelque chose d’empirique devient « rien ». Or, tandis qu’on raisonne avec un point de vue discret, on constate qu’un dispositif empirique effectif peut être mis en correspondance avec un entre-deux, c’est-à-dire avec rien, du moins dans l’acception ordinaire du discret. Réciproquement, on peut s’interroger : tout « rien » discret peut-il être « décomposé » (déplié, éclaté, etc.) et mis en correspondance avec des quelque chose, éventuellement effectifs ? Si oui, on ne saurait exclure a priori, avec Zénon, qu’une telle décomposition soit <span class="caritalique" style="font-style:italic">sans fin</span> en son principe, ce qui ne s’accorde guère à l’idée du discret. S’agit-il d’un trait spécifique à l’information, se manifeste-t-il ailleurs, etc. ?</span></span></p>
<h2 style="text-align:center; margin-top:133px; margin-right:38px; margin-left:38px"><span style="font-size:18pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><span style="font-weight:normal"><a name="_Toc82190736">L’idée de traduction transphénoménale</a></span></span></span></span></h2>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Depuis longtemps, nos pratiques d’usage de l’écriture sont associées, dans une large mesure, à une variabilité de la matérialité des supports et des modalités des tracés, au moins dans les cas où est accordée la possibilité de reproduire (copier, dupliquer, etc.) un « même » texte<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[1]</span></span></span></span></span></span></a>. Cette variabilité signifie que ce ne sont ni la persistance réelle d’un matériau hylétique, ni la permanence idéale d’une substance métaphysique qui sont requis, mais une [relative] invariance de la <span class="caritalique" style="font-style:italic">forme des tracés empiriques</span>. La souplesse de ce couplage entre variabilité de la matérialité et invariance des formes permet à ces pratiques d’écriture d’accueillir jusqu’aux plus récents dispositifs technologiques, et d’être prolongées aux inscriptions en général, qu’il s’agisse de la vue et éventuellement du toucher (tracés graphiques, encoches, tracés gravés ou sculptés, reliefs en braille, gestes, etc.), aussi bien que de l’ouïe pour les tracés sonores (tracé analogique des sons et des voix comme compressions gazeuses, gravures sur cylindre ou sur disque, signaux électriques, fonts sonores, etc.). </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Le trait déterminant, celui sans lequel l’information ne se détacherait pas de l’écriture (et, plus généralement, de l’inscription), c’est l’abandon de toute exigence quant à l’invariance d’une <span class="caritalique" style="font-style:italic">forme des tracés empiriques</span>, non pas accidentellement ou de temps à autres, mais toujours, c’est-à-dire par définition. Loin d’augmenter la variabilité possible des formes empiriques en accentuant l’idée de transformation (passer d’une forme à une autre), l’idée d’information oriente vers un <span class="caritalique" style="font-style:italic">en-deçà de la forme</span>. Ce à quoi l’exigence de l’invariance d’une forme empirique laisse place quand elle se retire, ce littoral soudainement dégagé par cette basse-mer, ce qui apparaît comme « avant » et « moins » qu’une forme, comme moins déterminé que l’écriture parce que plus rudimentaire, plus fondamental et plus originaire, ce qui nous est laissé à concevoir comme <span class="caritalique" style="font-style:italic">invariant</span> malgré une diversité de phénoménalités excluant toute persistance d’une matérialité ou d’une forme empirique, ce je-ne-sais-quoi qui se laisse ainsi recueillir, c’est l’information en tant qu’<span class="caritalique" style="font-style:italic">invariant de traduction transphénoménale</span>. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Le choix du mot <span class="caritalique" style="font-style:italic">phénoménalité</span> est destiné à rappeler l’idée d’un <span class="caritalique" style="font-style:italic">apparaître</span> en tant qu’il n’est déterminé que <span class="caritalique" style="font-style:italic">relativement à</span> un dispositif (appareil, détecteur, sensibilité, etc.) en interaction avec lequel cet apparaître a lieu, et pour autant qu’on veuille interpréter cette interaction en appliquant le schéma d’une traduction transphénoménale. J’ai retenu <span class="caritalique" style="font-style:italic">transphénoménal</span> et ses dérivés pour éviter <span class="caritalique" style="font-style:italic">forme</span> et <span class="caritalique" style="font-style:italic">transformation</span>, mais aussi pour tenir à l’écart aussi bien <span class="caritalique" style="font-style:italic">matière</span>, <span class="caritalique" style="font-style:italic">matérialité</span> (et le leurre de la <span class="caritalique" style="font-style:italic">dématérialisation</span>), que le passe-partout <span class="caritalique" style="font-style:italic">virtuel</span> (qui s’oppose aussi bien à <span class="caritalique" style="font-style:italic">réel</span> qu’à <span class="caritalique" style="font-style:italic">actuel</span>). En outre, l’éventail des phénoménalités me paraît plus vaste que celui des matérialités, car une matérialité peut donner lieu à des phénoménalités distinctes (le papier peut servir à des tracés graphiques d’encre aussi bien qu’à des reliefs tactiles pour le braille), tandis qu’une phénoménalité peut être proposée avec diverses matérialités (rien n’empêche d’écrire en cunéiforme dans du ciment à prise rapide ou dans le sable humide de la plage). L’exemple du ruban permet déjà une première synthèse : </span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="202" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201013-3.png" width="527" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Côté fiction, on ne retient que la corrélation des deux états stables de part et d’autre de la <span class="caritalique" style="font-style:italic">jonction</span><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[2]</span></span></span></span></span></span></a> pour dégager l’invariant, « 1 parmi 2 » dans cet exemple. Mais on ne peut en rester là, car cette lecture est encore trop liée aux déterminations empiriques. Commençons par forger la fiction du <span class="caritalique" style="font-style:italic">champ transphénoménal</span>. Appliquer le schéma d’interprétation d’une traduction transphénoménale, c’est d’abord éliminer toute trace des phénoménalités [empiriques] : on « oublie » le ruban et ses perforations, l’interrupteur, les tensions électriques, etc. Que reste-t-il alors (sinon rien) ? <span class="caritalique" style="font-style:italic">Imaginons</span> de couper en deux une traduction transphénoménale φ1 → φ2 pour faire apparaître la fine pointe δ, le pivot d’enchaînement d’une <span class="caritalique" style="font-style:italic">déphénoménalisation</span> φ1 → δ et d’une <span class="caritalique" style="font-style:italic">[re]phénoménalisation</span> δ → φ2 :</span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="200" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201109-4.png" width="630" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Cette expérience de pensée permet d’apercevoir – par l’imagination – le <span class="caritalique" style="font-style:italic">champ transphénoménal</span> où réside ce qu’on obtient lorsqu’on <span class="caritalique" style="font-style:italic">imagine</span> qu’on supprime toute trace de phénoménalité. <span class="caritalique" style="font-style:italic">Évidemment</span>, ce champ (et tout ce qui est supposé y résider) est imprésentable dans l’empirie, puisque démuni par hypothèse de toute phénoménalité, et prend donc statut de fiction. Les éléments qui résultent d’une déphénoménalisation sont donc démunis de toute qualité, particularité ou propriété phénoménalement décelable, ce qui exclut en particulier aussi bien de déterminer <span class="caritalique" style="font-style:italic">en quoi</span> ils sont différents les uns des autres, que de pouvoir les <span class="caritalique" style="font-style:italic">identifier </span>(nommer, désigner, dénoter, représenter, coder, etc.) individuellement<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[3]</span></span></span></span></span></span></a>. J’ai recours au mot <span class="caritalique" style="font-style:italic">élément</span>, mais ce n’est qu’un expédient, faute de mieux : on ne peut rien dire individuellement de ces « éléments », car on ne peut en parler que collectivement, au sein de la clôture qu’ils constituent, comme une <span class="caritalique" style="font-style:italic">distinctivité mutuelle</span> :</span></span></p>
<p class="alnremarquable" style="text-align:justify; margin-top:8px; margin-left:38px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">La distinctivité mutuelle. Lors d’une déphénoménalisation, on ne peut rien affirmer d’autre des éléments obtenus (1) que le degré de leur distinctivité mutuelle (leur nombre), (2) qu’ils soient à la fois distincts et indiscernables les uns des autres, et (3) qu’ils constituent une clôture au sein de laquelle ils sont indissociables, mais aussi incomparables, aussi bien entre eux du fait de leur indiscernabilité (incomparabilité interne), qu’avec quoi que ce soit d’autre hors de cette clôture (incomparabilité externe). </span></span></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">L’idée d’une telle clôture nous est familière : si je considère un octet de mémoire, je sais que je ne peux comparer aucun des 256 valeurs possibles de cette mémoire à une 257<sup>e</sup> valeur. Mais l’idée de clôture a une autre incidence quand on souligne qu’une déphénoménalisation s’applique globalement et d’un seul coup à un contexte phénoménal, c’est-à-dire aussi bien aux valeurs (ou aux plages de valeurs) des états qu’à leurs entre-deux. Les entre-deux empiriques, c’est ce qui, tout à la fois, sépare les valeurs les unes des autres (les différencie, les distingue, etc.) et les relie dans leur contexte phénoménal. Quand on déphénoménalise les entre-deux, on supprime certes toute trace de leur phénoménalité empirique, mais il reste leur rôle, à savoir celui d’assurer le <span class="caritalique" style="font-style:italic">tenir ensemble</span> des éléments : les entre-deux séparent les éléments, ce qui contribue à leur distinctivité mutuelle, en même temps qu’ils les relient, et c’est la clôture qui témoigne ainsi de leur solidarité indéfectible. C’est seulement une conception erronée du discret – malheureusement la plus répandue – qui nous fait « oublier » (c’est-à-dire tenir pour rien) ce double rôle des entre-deux. Quand on déphénoménalise le ruban de papier, il ne s’ensuit pas deux états abstraits, disjoints et étrangers l’un à l’autre comme « présence de papier » et « absence de papier », car ce qu’on déphénoménalise, c’est leur exclusion mutuelle en tant qu’elle implique leur co-appartenance au sein d’un même contexte, ce qu’en termes linguistiques on pourrait dire l’axe paradigmatique : en tant qu’ils s’excluent l’un l’autre [à la même place paradigmatique], ils doivent être à la fois liés et distincts, indéfectiblement. On peut ainsi imaginer de figurer les invariants transphénoménaux comme des <span class="caritalique" style="font-style:italic">systèmes de différences pures</span><a href="#_ftn4" name="_ftnref4" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[4]</span></span></span></span></span></span></a> : </span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="90" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201142-5.png" width="228" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">L’indiscernabilité est figurée par le fait que les deux carrés noirs ont exactement la même forme et la même couleur, tandis que la clôture est figurée allusivement par le cercle en pointillés. Il ne s’agit toutefois que d’une figuration – c’est-à-dire d’une défiguration –, dans la mesure où la spatialisation qui l’accueille permet d’identifier les deux carrés, « celui de gauche » et « celui de droite » : la figuration ne peut pas prendre statut de présentation dès lors que le figuré de la figuration est réputé imprésentable dans l’empirie. Il convient donc de ranger les figurations, schématisations et autres diagrammatisations du même côté que les codages, encodages et autres représentations :</span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="185" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201219-6.png" width="587" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Les flèches de déphénoménalisation φ<span class="carindice" style="vertical-align:sub">x</span> → δ et de rephénoménalisation δ → φ<span class="carindice" style="vertical-align:sub">x</span>, qui semblent franchir la coupure entre le plan de l’empirie et le plan des fictions, sont elles aussi fictives et sans efficience réelle ; seules ont lieu les traductions transphénoménales φ<span class="carindice" style="vertical-align:sub">x</span> → φ<span class="carindice" style="vertical-align:sub">y</span> qui sont <span class="caritalique" style="font-style:italic">effectuées</span> dans l’empirie tandis qu’elles sont <span class="caritalique" style="font-style:italic">imaginées</span> au plan fictionnel. C’est le principe des fictions déjà introduit : dès lors que l’effectuation de la traduction est empiriquement et effectivement prise en charge, je peux forger toute fiction que je juge utile ou commode pour lui donner sens en la figurant, en l’imaginant, en l’idéalisant, en l’abstrayant, en la formalisant, etc. ; réciproquement, on peut comprendre une telle fiction comme une interprétation d’une effectuation empirique, qu’il s’agisse de dispositifs (artefactuels ou non), d’organismes biologiques, de sujets accomplissant des actes, etc. </span></span></p>
<p class="aln0remarquable" style="text-align:justify; margin-top:8px; margin-left:38px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">La traduction transphénoménale est un <span class="caritalique" style="font-style:italic">schéma d’interprétation</span> qui s’applique à des interactions pour produire des <span class="caritalique" style="font-style:italic">analyses informationnelles</span>, c’est-à-dire l’analyse de ces interactions sous l’aspect de la conservation d’invariants transphénoménaux caractérisés par une distinctivité mutuelle « 1 parmi <span class="caritalique" style="font-style:italic">n</span> ». </span></span></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Certes, il est peut-être aussi tentant et répandu de vouloir réifier l’information que d’attribuer la sensation de l’immobilité de la terre – que chacun peut éprouver – à la croyance en une immobilité absolue ; mais attribuer l’information aux choses n’est qu’une manière de parler, un raccourci incontestablement commode (auquel parfois, moi aussi, j’ai recours). L’information n’existe pas « à l’état naturel » ; elle ne se « manifeste » que comme une <span class="caritalique" style="font-style:italic">pure traductibilité</span> à la fine pointe δ – hélas imprésentable dans l’empirie ! – de l’enchaînement fictionnel entre une déphénoménalisation et une rephénoménalisation. </span></span></p>
<h2 style="text-align:center; margin-top:133px; margin-right:38px; margin-left:38px"><span style="font-size:18pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><span style="font-weight:normal"><a name="_Toc82190737">La symétrie fondamentale</a></span></span></span></span></h2>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">La fiction des systèmes de différences pures invite à regarder l’articulation entre distinctivité, indiscernabilité et clôture comme une symétrie, particulièrement suggérée par l’indiscernabilité. En effet, ces éléments ne sont pas indiscernables <span class="caritalique" style="font-style:italic">à la Leibniz</span> parce qu’ils posséderaient exactement les mêmes propriétés, mais au contraire, chacun joue le même rôle que n’importe quel autre parce qu’on ne peut identifier aucun élément déphénoménalisé, de sorte qu’a fortiori on ne peut proposer aucune assertion qui pourrait nommer (désigner, dénoter, etc.) un élément particulier à l’exclusion des autres. On recroise ainsi, à l’occasion de cette étude de l’information, l’une des problématiques les plus délicates concernant la tangence entre empirie et métempirie, à savoir <span class="caritalique" style="font-style:italic">donner le nom</span>. </span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201328-7.png" style="width: 564px; height: 116px;" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">La figuration dérivée de l’idée d’un système de différences pures (première figure) est trompeuse quand on croit que les éléments sont spatialement repérables (celui du haut, celui de gauche, etc.), car ce repérage appartient à la figuration et non au système figuré, de sorte que la figuration grippe la symétrie. On peut imaginer (deuxième figure) d’énoncer une correspondance entre des différences pures et des noms, mais cela supposerait que les éléments à nommer soient déjà nommés (identifiés) pour pouvoir être nommés (désignés) dans un énoncé ayant pour effet de les nommer (de leur donner un nom) : c’est une pétition de principe<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[5]</span></span></span></span></span></span></a>. On peut aussi imaginer (troisième figure) de procéder à une énumération, mais cela supposerait qu’on puisse ordonner les éléments, et c’est de nouveau supposer qu’on doive pouvoir déjà les différencier et les identifier pour pouvoir les ordonner, et c’est encore une pétition de principe. On peut enfin imaginer de procéder à un tatouage gravé directement sur les éléments (quatrième figure), mais à moins de supposer un tatouage lui-même transphénoménal (c’est-à-dire imprésentable dans l’empirie, donc inutilisable comme tatouage), un tatouage n’est rien d’autre qu’une trace phénoménale trahissant une déphénoménalisation encore incomplète ou une rephénoménalisation déjà commencée. Peut-être cette idée d’un tatouage est-elle à rapprocher de ce que signifie « représentation de l’information », et les emblématiques « 0 » et « 1 » (cinquième figure) pourraient être déchiffrés comme un tatouage imposé à un système de degré 2. Certes, en grippant la symétrie transphénoménale au niveau de la figuration, on produit un <span class="caritalique" style="font-style:italic">effet d’identité</span> ; mais alors ce n’est déjà plus de l’information, car c’est déjà de l’écriture. Il convient donc de formuler la symétrie au plan des principes, en tant qu’elle est constitutive :</span></span></p>
<p class="alnremarquable" style="text-align:justify; margin-top:8px; margin-left:38px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">La symétrie fondamentale. Dans une traduction transphénoménale, le <span class="caritalique" style="font-style:italic">degré de distinctivité</span> est égal à la <span class="caritalique" style="font-style:italic">jauge d’indétermination</span>. </span></span></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Dans les formulations que j’ai proposées, c’est cette symétrie qui commande l’articulation entre des éléments compris comme <span class="caritalique" style="font-style:italic">distincts</span> (degré de distinctivité) en même temps qu’<span class="caritalique" style="font-style:italic">indiscernables</span> (jauge d’indétermination) au sein d’une <span class="caritalique" style="font-style:italic">clôture</span> (un même nombre). La jauge d’indétermination garde trace de la détermination qui a été perdue lors de la déphénoménalisation conduisant à l’invariant transphénoménal, c’est-à-dire au point de vue informationnel sur une interaction ; cette même jauge exprime donc, lors de la rephénoménalisation, la détermination que l’interprétation doit apporter (et donc réinjecter) pour que l’interaction concernée satisfasse le schéma d’interprétation de la conservation d’un invariant de traduction transphénoménale. De manière imagée et synthétique, on dira que le gain en transphénoménalité se paie en monnaie d’indétermination, c’est-à-dire encore que la déphénoménalisation qui conditionne la possibilité de la transphénoménalité a pour exacte contrepartie l’effet de limitation d’une indétermination. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Cependant, on aurait tort de comprendre que cette indétermination soit un effet exclusivement négatif dont il faudrait s’affranchir par tous les moyens. Non seulement parce qu’elle permet d’articuler des phénoménalités diverses, mais aussi parce qu’elle conditionne la possibilité des « représentations de l’information » selon une multiplicité de codages, d’optimisations, de compressions, de figurations, etc. En transposant le principe d’identité de Leibniz, on pourrait dire : d’un point de vue informationnel, sont équivalents entre eux les codages, représentations, dispositifs, etc., qui peuvent être substitués les uns aux autres pourvu qu’ils conservent globalement le même invariant de traduction transphénoménale. Cela ne signifie pas que tout codage ou dispositif associé à un même invariant soit empiriquement opportun, optimisé, minimal, etc., mais seulement qu’il est compatible avec un invariant donné. En outre, l’indétermination, en tant qu’étroitement associée à une invariance, installe une manière de distance à l’égard de l’empirie. Une jonction empirique est déphénoménalisée jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le principe d’une traduction caractérisée par la conservation d’un invariant :</span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="160" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201414-8.png" width="524" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Dans le point de vue informationnel, il ne reste que la conservation de l’invariant. Mais il faut aussitôt souligner que cette conservation éponge en quelque manière la jonction empirique qui, ainsi, s’évanouit sur le versant informationnel d’où elle est aperçue « <span class="cartranger" style="font-style:italic">come nullo</span> » : tout se passe [côté informationnel] comme s’il ne se passait rien [côté empirique]. L’intérêt conceptuel de cet évanouissement est d’autant plus grand qu’il mettra en jeu un plus grand nombre de jonctions :</span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="239" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201448-9.png" width="576" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Supposons (ligne 1) une chaîne de jonctions qui, globalement, sont agencées de manière à conserver un invariant donné (« 1 parmi 2 » dans le schéma, qu’on peut comprendre, par exemple, comme une liaison série). Globalement, cette chaîne de jonctions est équivalente, d’un point de vue informationnel, à une seule jonction de même invariant (ligne 2) ; réciproquement, une jonction (ligne 2) est décomposable en une chaîne éventuellement complexe de jonctions (ligne 1). Or, comme on l’a vu précédemment, cette jonction (ligne 2, aussi bien que la chaîne de jonctions, ligne 3) s’évanouit <span class="cartranger" style="font-style:italic">come nullo</span> au plan transphénoménal, de sorte qu’en rétro-projetant dans l’empirie ce « rien » transphénoménal (qui est quand même déterminé comme un invariant), on obtient en quelque manière (ligne 3) un « rien » empirique (qui est lui aussi contraint par l’invariant). L’approche transphénoménale ne conduit donc pas seulement à délier l’information des agencements empiriques, car elle fonctionne aussi comme une puissance de synthèse – ce qu’on pourrait dire de manière imagée une « éponge à complexité » – ouvrant sur des problématiques de changements de niveaux. Dans un contexte réputé discret, la possibilité d’analyser ou d’éclater des « riens » en quelque chose et, inversement, de synthétiser ou de fusionner des quelque chose comme des « riens », attire évidemment l’attention. La ligne 3 signifie en effet que, tout comme une jonction, la connexion <span class="caritalique" style="font-style:italic">entre deux</span> jonctions est elle aussi décomposable en une chaîne de jonctions, et ainsi de suite sans fin, du moins conceptuellement et au plan transphénoménal. Le discret ainsi compris – que je nomme le <span class="caritalique" style="font-style:italic">discret effectif</span> – serait donc moins une sorte de contraire ou d’appauvrissement de l’idée métaphysique de continuité – <span class="cartranger" style="font-style:italic">non datur saltus</span> –, qu’une autre modalité de phénoménalisation que celle qui nous est familière sous les traits du continu. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">La symétrie fondamentale est le ressort sous-jacent des « conventions » (logiques positive et négative) brièvement évoquées dans la deuxième remarque liminaire : dans le cas de ces conventions, le degré de distinctivité est 2 (contexte binaire), et la jauge d’indétermination est donc également 2 (deux conventions possibles). Si l’application de ces conventions « logiques » reste plutôt technique et circonscrite au cas binaire, la symétrie qui les porte est générale car elle est associée à n’importe quel degré de distinctivité. À cet égard, on peut remarquer que l’effet d’indétermination demeure assez discret dans la pratique, mais il ne peut pas disparaître : comment <span class="caritalique" style="font-style:italic">s’effectue l’indétermination</span> – si on me permet l’expression –, c’est-à-dire comment se manifeste-t-elle et comment est-elle prise en charge ? Considérons un clavier ordinaire en raisonnant, pour fixer les idées, dans le contexte Ascii 8 bits d’un alphabet de 256 caractères : </span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="222" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201519-10.png" width="510" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Le fait d’appuyer sur une touche compose un code matriciel qui correspond au repérage de la ligne et de la colonne de la touche sur le clavier ; c’est ensuite ce code matriciel qui est transformé en un code de caractère (en l’occurrence Ascii), par le pilote du clavier en fonction des paramètres courants du système (langue, disposition de clavier, etc.). La jauge d’indétermination se manifeste comme le fait que le dessin gravé sur une touche (tracé empirique d’une lettre) n’a de rapport ni avec le code matriciel de la touche, ni <span class="caritalique" style="font-style:italic">a fortiori</span> avec un code Ascii. Quand il arrive qu’on travaille sur une machine dont le pilote de clavier est paramétré pour la disposition <span class="carsigle" style="font-variant:small-caps">azerty</span> tandis que les cabochons de matière plastique des touches du clavier sont disposés en <span class="carsigle" style="font-variant:small-caps">qwerty</span>, on sait compenser cette inadaptation parce qu’on sait que le fonctionnement des claviers est indépendant des langues et des tracés gravés sur les touches, et qu’en appuyant sur la touche [dessinée] « Q » on saisit effectivement un [code de] « A ». Des remarques analogues s’appliquent aux dispositifs d’affichage ou d’impression (éventuellement tactiles, sonores, etc.), et c’est la programmation des fonts appropriées et le fonctionnement interne des dispositifs d’affichage qui déterminent le rapport entre les codes de caractères et ce que l’utilisateur voit (ou décèle au toucher, ou entend, etc.). On se souvient qu’avant l’élaboration et la diffusion d’Unicode, on jouait sur le choix des fonts pour que, tout en utilisant des claviers et des traitements de texte en code 8 bits, on puisse citer des passages en grec, en russe, en coréen, etc., au sein d’un texte en alphabet latin. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><span class="caritalique" style="font-style:italic">Évidemment</span>, ces dispositifs ne sont en pratique utilisables que si la jauge d’indétermination est compensée par un ajustement approprié des chaînes de jonctions, ce qui relève du bon sens : qui ne préfèrerait qu’ayant appuyé sur une touche décorée avec un tracé de « a », il puisse associer à cette frappe un tracé de « a », quels que soient les codages, mémorisations, transmissions, traitements, etc., qui conduisent aux affichages ou aux impressions ?</span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="217" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201540-11.png" width="453" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">La mise en œuvre de ces ajustements de bon sens implique l’intervention d’une persistance empirique qui ne soit pas assujettie à une déphénoménalisation – donc à une indétermination – aussi poussée que celle de l’information. Par exemple : la forme d’un tracé d’écriture (ou tout équivalent). L’appréciation d’une telle persistance est elle-même complexe et comporte de nombreuses difficultés : variation des formes selon les polices, compatibilité de plusieurs formes possibles pour une même lettre, etc.<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[6]</span></span></span></span></span></span></a> Dans le même temps, les ajustements doivent être méticuleusement réalisés, car il suffit d’une erreur d’ajustement dans une jonction – par exemple, une permutation de codes dans un transcodage – pour perturber globalement l’<span class="caritalique" style="font-style:italic">effet d’identité</span> visé par ces ajustements, quand bien même l’invariant serait globalement conservé : </span></span></p>
<p class="aln0remarquable" style="text-align:justify; margin-top:8px; margin-left:38px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Dans une traduction transphénoménale, la conservation de l’invariant (conservation de la quantité d’information) n’implique pas la préservation de l’effet d’identité concernant les tracés empiriques. </span></span></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Au niveau d’une traduction élémentaire, c’est à la jauge d’indétermination qu’il convient de référer cet effet de limitation (comme contrepartie directe de ce qui conditionne la possibilité de la transphénoménalité). Au niveau d’un agencement de traductions (par exemple, le scanning d’un dessin et son agencement de pixels), les entre-deux – en particulier les relations spatio-temporelles entre les traductions élémentaires – sont eux aussi déphénoménalisées pour donner lieu à une linéarité, elle aussi transphénoménale, qui est aux entre-deux ce que la distinctivité mutuelle est aux éléments, correspondant à l’axe syntagmatique en linguistique. </span></span></p>
<h2 style="text-align:center; margin-top:133px; margin-right:38px; margin-left:38px"><span style="font-size:18pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><span style="font-weight:normal"><a name="_Toc82190738">L’information transphénoménale dans l’approche de Shannon</a></span></span></span></span></h2>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Le syntagme <span class="caritalique" style="font-style:italic">théorie de l’information</span> a été très tôt référé à « la théorie de référence pour la communauté scientifique » (Segal, 2004, 70) que Shannon expose dans son mémoire de 1948, <span class="cartranger" style="font-style:italic">A</span><span class="caritalique" style="font-style:italic"> Mathematical Theory of Communication</span>, où il propose une détermination de <span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span> à partir des probabilités. Dans la mesure où cette théorie concerne plus particulièrement les communications – un domaine qu’on pourrait dire « naturellement transphénoménal » –, on doit s’attendre à recroiser les déterminations inéliminables de la transphénoménalité exposées ici, quoique peut-être articulées et regroupées différemment, comme dans un anagramme. Dans le point de vue transphénoménal, l’information au sens de Hartley se comprend déjà comme un point double où se superposent la dimension d’un <span class="caritalique" style="font-style:italic">invariant</span> et la dimension d’une <span class="caritalique" style="font-style:italic">représentation</span>. Hartley prend pour exemple la transmission d’une image numérisée : d’une part, la quantité d’information associée à une image est déterminée par le dispositif de numérisation (nombre de pixels, nombre de bits par pixels), et cette quantité (à un logarithme près) correspond au degré de distinctivité d’un invariant « 1 parmi <span class="caritalique" style="font-style:italic">n</span> », invariant qui intéresse tout dispositif destiné à traiter, transmettre, mémoriser, etc. une telle image sans perte ; d’autre part, cette même quantité d’information correspond à une représentation de l’image dans en format brut (<span class="caritalique" style="font-style:italic">raw</span>), c’est-à-dire sans aucun traitement, compression ni redondance. Comme je l’ai souligné dans ce qui précède, c’est l’invariant en « 1 parmi <span class="caritalique" style="font-style:italic">n</span> » qui détermine le domaine de variabilité des représentations [sans perte] (codages, compressions, cryptages, etc.), lequel n’est conditionné par aucune probabilité : rien n’oblige à toujours coder au plus court (c’est même déconseillé dans certaines circonstances), et rien n’empêche de faire varier les codages sans souci d’optimisation statistique ou de sécurité d’un cryptage. Après avoir rappelé l’importance des articles de Nyquist (1924) et Hartley (1928), Shannon indique qu’il va étendre (<span class="caritalique" style="font-style:italic">extend</span>) la théorie pour inclure de nouveaux aspects concernant en particulier l’optimisation et le bruit : </span></span></p>
<p class="alncitationappuy" style="text-align:justify; margin-top:5px; margin-left:38px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">The significant aspect is that the actual message is one <span class="caritalique" style="font-style:italic">selected from a set</span> of possible messages. […] If the number of messages in the set is finite then this number or any monotonic function of this number can be regarded as a measure of the information produced when one message is chosen from the set, all choices being equally likely. </span></span></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Dans le cadre d’une théorie mathématique, Shannon utilise naturellement la « technologie ensembliste » : les messages sont choisis (<span class="caritalique" style="font-style:italic">selected</span>) dans un ensemble dont on considère le nombre (dans le cas fini). Ce qui était déjà un point double chez Hartley devient alors un point triple en ce sens que Shannon associe [aussi] ce nombre à une distribution égale de probabilités, comme s’il fallait lire deux fois la phrase « If the number… », sans ou avec la clause « all choices being equally likely » : <span class="caritalique" style="font-style:italic">sans</span> la clause, ce nombre correspond au point double de Hartley, en particulier au degré de distinctivité pour un invariant « 1 parmi <span class="caritalique" style="font-style:italic">n</span> » ; <span class="caritalique" style="font-style:italic">avec</span> la clause, ce nombre correspond à la quantité d’information [au sens de Shannon] associée au choix d’un message dans le cas de l’entropie maximale de la source. Mais la coïncidence des nombres ne saurait commander l’identité des concepts : l’ensemble des messages et son cardinal sont indifférents aux distributions de probabilités qu’on peut leur associer de l’extérieur, de sorte que lorsqu’on choisit (<span class="caritalique" style="font-style:italic">select</span>) un message, il s’ensuit <span class="caritalique" style="font-style:italic">deux</span> – et non pas <span class="caritalique" style="font-style:italic">une</span> – « quantités d’information », dont les valeurs peuvent certes parfois coïncider, mais qui correspondent dans tous les cas à <span class="caritalique" style="font-style:italic">deux</span> déterminations conceptuelles distinctes de <span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span>. En effet, l’information au sens Shannon ne supprime ni n’exclut l’information au sens de Hartley : quelle que soit la probabilité de choix d’un message dans l’ensemble des messages (information au sens de Shannon), le choix d’un message de cet ensemble est toujours associé au même degré de distinctivité (information de Hartley et de l’informaticien, invariant de traduction transphénoménale). </span></span></p>
<p class="aln0figure" style="text-align:center; margin-top:8px"><img height="225" src="https://www.numerev.com/img/ck_839_17_image-20210913201602-12.png" width="586" /></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">L’invariant transphénoménal doit être considéré au niveau global du dispositif intermédiaire (communication, mémorisation, etc.), en y incluant tous les traitements éventuel de codage et de décodage. Du côté de la source (ensemble de messages), j’ai dégagé explicitement les éventuelles données d’optimisation (par exemple : la connaissance de la distribution de probabilité des symboles ou des messages) permettant de paramétrer l’encodeur, lequel produit ce qui est à transmettre (à mémoriser, à traiter, etc.), et qui constitue en fait les données de pilotage permettant au décodeur de constituer ou reconstituer le message à délivrer au destinataire (ensemble de messages). La différence entre la quantité d’information associée à un message original (avant codage ou après décodage : degré de distinctivité, invariant transphénoménal) et la quantité d’information (supérieure ou inférieure) réellement transmise de l’encodeur vers le décodeur pour ce message appartient au domaine de variabilité des représentations, qu’on fasse ou non intervenir des données d’optimisation, des probabilités ou les apports considérables de la théorie de Shannon. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Il reste cependant un trait qui n’apparaît pas dans l’approche de Shannon, du moins clairement et explicitement, à savoir la jauge d’indétermination. Dans le deuxième alinéa de son texte, Shannon écrit :</span></span></p>
<p class="alncitationappuy" style="text-align:justify; margin-top:5px; margin-left:38px"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">The fundamental problem of communication is that of reproducing at one point either exactly or approximately a message selected at another point. </span></span></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Le caractère éventuellement approximatif de la reproduction concerne ici l’incidence éventuelle du bruit dans le canal de transmission ; lorsque le canal n’est pas bruité (<span class="caritalique" style="font-style:italic">noiseless</span>) ou lorsqu’une transmission n’a pas été perturbée, la reproduction peut être exacte. Il ne s’agit pas du <span class="caritalique" style="font-style:italic">même</span> message, au sens d’une chose matérielle comme une lettre acheminée par le service des Postes, mais du « même » message au sens d’un duplicata impliquant des tracés empiriques. Qui ne souscrirait à la formulation de ce <span class="caritalique" style="font-style:italic">fundamental problem</span> ? Mais on sait où gît la difficulté : du fait de la jauge d’indétermination qu’elle implique, l’invariance transphénoménale (conservation de la quantité d’information), que doit <span class="caritalique" style="font-style:italic">minimalement</span> satisfaire un protocole de communication pour être reconnu tel (avec une certaine approximation statistique dans le cas d’un canal bruité), ne suffit pas pour préserver l’effet d’identité des tracés empiriques, de sorte que le <span class="caritalique" style="font-style:italic">fundamental problem</span> – qui est peut-être aussi un problème de fondements – n’a pas de solution <span class="caritalique" style="font-style:italic">purement informationnelle</span>. Comment la difficulté est-elle « résolue » dans la construction de Shannon ? D’une part, au plan empirique, cette préservation est obtenue par un ajustement de bon sens des dispositifs ; d’autre part, au plan mathématique, la « technologie ensembliste » telle qu’utilisée par Shannon <span class="caritalique" style="font-style:italic">efface</span> le problème de la jauge d’indétermination puisque les symboles et les messages, en tant qu’éléments d’ensembles finis, sont des idéalités mathématiques munies d’une identité à soi qui ne laisse place à aucune indétermination quant à leur identification. Les deux aspects s’ajustent exactement l’un à l’autre dans un glissement : l’ajustement de bon sens produisant l’effet d’identité des tracés empiriques n’est pas problématisé au plan théorique, tandis que l’effet d’identité qu’il produit effectivement est glissé sur l’une des conditions de possibilité des mathématiques ensemblistes, à savoir qu’on puisse dénoter des éléments d’ensembles finis au moyen de tracés empiriques d’écritures. L’indétermination ne disparaît pas, elle est même à la fois conservée et prise en charge, car l’ajustement doit être réalisé (même s’il est de bon sens au plan pratique) pour que le glissement puisse fonctionner comme une évidence et ainsi autoriser la mathématisation ensembliste :</span></span></p>
<p class="aln0remarquable" style="text-align:justify; margin-top:8px; margin-left:38px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">En pratique, sous réserve que soient préservés les effets d’identité des tracés empiriques par un ajustement de bon sens des dispositifs, [presque] tout se passe comme si les éléments d’information discrète (symboles et messages) pouvaient être glissés sur des éléments d’ensembles finis. </span></span></p>
<p class="aln0reprise" style="text-align:justify; margin-top:5px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Dès lors, une approche <span class="caritalique" style="font-style:italic">directement</span> ensembliste des thèmes de transphénoménalité et de clôture paraît difficile, sinon bloquée, autant parce que les éléments et les ensembles sont supposés identifiables, que parce qu’un élément est <span class="caritalique" style="font-style:italic">le même</span> quelle que soit son appartenance à tel ou tel ensemble (incompatibilité avec les idées de clôture, de distinctivité mutuelle et d’incomparabilité). Le rôle du point triple évoqué il y a un instant est maintenant plus précis : dès lors que l’information de Hartley est glissée sous l’entropie maximale de Shannon, la « place » de l’invariant transphénoménal paraît déjà « occupée » et le souci de cet invariant peut s’évanouir dans le glissement qui l’accueille. Deux glissements, donc, pour conserver dans l’évidence d’une même discrétion l’invariant transphénoménal et son indissociable jauge d’indétermination, <span class="cartranger" style="font-style:italic">come nullo</span>, comme si ce n’était rien<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span class="carnoteenbasappel" style="font-weight:bold"><span style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[7]</span></span></span></span></span></span></a>.</span></span></p>
<h2 style="text-align:center; margin-top:133px; margin-right:38px; margin-left:38px"><span style="font-size:18pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><span style="font-weight:normal"><a name="_Toc82190739">Conclusion</a></span></span></span></span></h2>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">La pratique de l’écriture ordinaire est réglée sur ce qu’on pourrait nommer une « transphénoménalité faible », associant une variabilité de la phénoménalité des supports à l’exigence d’une persistance de la forme des tracés empiriques, ce qui permet les effets d’identité liés à ces tracés, lesquels s’évanouissent dans le point de vue informationnel d’une « transphénoménalité forte ». C’est donc aussi la clause « sous réserve que soient préservés les effets d’identité des tracés empiriques » qui conditionne le glissement entre traitements d’information et « manipulations de symboles » ; mais ce n’est qu’à demeurer insue qu’elle soutient ce glissement <span class="caritalique" style="font-style:italic">en tant qu’évidence</span>, ce qui bloque <span class="caritalique" style="font-style:italic">ipso facto</span> la possibilité de déplier le savoir auquel elle doit pourtant son efficience. La fiction du <span class="caritalique" style="font-style:italic">comme si</span> est une articulation dense, complexe et finement ciselée, un point d’équilibre dynamique où se confrontent des forces et des pressions discursives, théoriques et fondamentales considérables. La question de l’information n’est certes que l’un des aspects de cette articulation, mais elle est trop étroitement liée à la question de l’écriture pour qu’elle puisse être abordée et dénouée indépendamment des champs qui en dépendent aussi. Il n’est donc pas surprenant qu’une approche attentive de l’information intéresse aussi bien le lien aux idéalités métempiriques (ce qu’on en suppose, comment on peut en faire usage, etc.), que le rapport aux phénomènes empiriques, surtout si on accorde qu’un tel rapport peut être approché comme de la traduction transphénoménale (ce qui pourrait contribuer à expliquer qu’on « voie » de l’information partout, et que le langage des formes ne soit peut-être qu’une seconde langue de la nature). J’ai veillé à situer cette étude dans le cadre des usages liés aux traitements de l’information, mais la déphénoménalisation ouvre sur des considérations qui pourraient recroiser des problématiques rencontrées dans d’autres contextes, la physique quantique par exemple, notamment dès qu’il y a impossibilité de « tatouer » les éléments (ou les particules) : diverses remarques de Schrödinger (1992) concernant l’articulation entre discret et continu pourraient certainement trouver un écho ici, et l’articulation entre clôture, degré de distinctivité et indiscernabilité pourrait être rapprochée de l’idée des <span class="caritalique" style="font-style:italic">quantons</span> de Lévy-Leblond (2003), mais aussi, dans une autre perspective, des <span class="caritalique" style="font-style:italic">quasi-sets</span> de Krause (2002). </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">C’est devenu un lieu commun de souligner l’extension considérable des usages du vocable <span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span> et la polysémie qui lui fait cortège. Tout autant que la difficulté de l’approcher, surtout quand on voudrait s’en saisir comme d’un appui ferme et constant. L’étude proposée ici va dans un sens opposé, et suggère une symétrie applicable aux discours, à savoir que les conditions de possibilité réclament en contrepartie des effets de limitation : la transphénoménalité n’autorise une traductibilité généralisée que dans la mesure où elle est indissociable d’une indétermination, tout en gardant à distance les phénoménalités concernées. Il y a du <span class="caritalique" style="font-style:italic">sans fin</span> dans l’information, même la plus strictement finie, non parce qu’elle se dessinerait sur le fond d’horizons par avance infinis, mais parce que c’est le mouvement même de l’approchement qui garde la visée à distance. Il faudrait alors comprendre que l’élaboration d’un concept fondamental qui réponde à <span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span> demeure bloquée aussi longtemps qu’on ne parvient pas à l’articuler pas aux effets de limitation indissociables de ce dont il ouvre la possibilité (et en effaçant toute trace d’une différence entre information discrète et écriture, le glissement impliqué par la fiction du <span class="caritalique" style="font-style:italic">comme si</span> serait l’un des lieux d’un tel blocage). En d’autres termes, l’extension considérable de <span class="caritalique" style="font-style:italic">information</span> notifierait aussi, à un plan fondamental, la confrontation avec un effet de limitation qu’on pourrait concevoir comme un <span class="caritalique" style="font-style:italic">effet de médiation</span>. </span></span></p>
<p class="alnexerguedroite" style="text-align:right; margin-top:4px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><a name="_Toc82190740">Le jour, tu découvres l’objet.<br />
Au fond de la nuit, tu le vois.</a></span></span></p>
<p class="alnexergueauteur" style="text-align:right; margin-top:3px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Edmond Jabès</span></span></p>
<h2 style="text-align:center; margin-top:133px; margin-right:38px; margin-left:38px"><span style="font-size:18pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><span style="font-weight:normal">Bibliographie</span></span></span></span></h2>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Derrida, J. (1974). Signature, événement, contexte<span class="caritalique" style="font-style:italic">. Marges de la philosophie</span>. Paris : Minuit.</span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Derrida, J. (2001). <span class="caritalique" style="font-style:italic">Papier Machine</span>. Paris : Galilée. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Hartley, R. (1928). Transmission of Information. <span class="cartranger" style="font-style:italic">Bell System Technical Journal</span>, July 1928, p. 535-563.</span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Nyquist, H. (1924). Certain Factors Affecting Telegraph Speed. <span class="cartranger" style="font-style:italic">Bell System Technical Journal</span>, April 1924.</span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Krause, D. (2002). Why quasi-sets ? <span class="caritalique" style="font-style:italic">Bol. Soc. Paran. Mat</span>. (3s.) v. 20 1/2 (2002) : 73-92.</span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Lévy-Leblond, J.-M. (2003). On the nature of the quantons. <span class="caritalique" style="font-style:italic">Science & Éducation</span>, August 2003. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Segal, J. (2003). <span class="caritalique" style="font-style:italic">Le Zéro et le Un – Histoire de la notion scientifique d’information au 20e siècle</span>. Paris : Syllepse. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Segal, J. (2004). Du comportement des avions ennemis aux modélisations de la connaissance : la notion scientifique et technique d’information. <span class="caritalique" style="font-style:italic">Intellectica</span>, 2004/2, n° 39, 55-77. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Shannon, C. (1948). A Mathematical Theory of Communication. <span class="cartranger" style="font-style:italic">Bell System Technical Journal</span>, vol. 27, pp. 379-423, 623-656, July, October, 1948.</span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Shrödinger, E (1992). <span class="caritalique" style="font-style:italic">Physique quantique et représentation du monde</span>. Paris : Seuil. </span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Vaudène. D. (2017). Dialectique des effets d’insu. <span class="caritalique" style="font-style:italic">Eikasia</span>, n° 78.</span></span></p>
<p class="aln0" style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-top:16px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif"">Vaudène, D. (2019). Un acheminement vers la question de l’écriture. <span class="caritalique" style="font-style:italic">Intentio</span>. n° 1. </span></span></p>
<div>
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:3px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[1]</span></span></span></span></a>. Les restrictions concernent en particulier les cas où la recopie ne conserve pas le « même » texte, la « même » parole, la « même » image, etc., c’est-à-dire en particulier les usages relatifs à des authentifications (signature, par exemple), à des engagements (formulation d’un consentement, d’un verdict, etc., ainsi que divers actes performatifs), et à des originaux (manuscrits autographes, peintures, etc.). Il n’est donc pas surprenant que le développement des technologies de l’information conduise à un bouleversement des procédures d’authentification. Voir, par exemple, (Derrida, 1974) et (Derrida, 2001). </span></span></p>
</div>
<div id="ftn2">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:3px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[2]</span></span></span></span></a>. J’appelle <span class="caritalique" style="font-style:italic">jonction</span> une manière de présenter l’interaction mise en jeu au plan empirique dans le contexte d’une traduction transphénoménale. L’idée de jonction est une allusion au principe d’un transistor (ou d’un tube à vide triode, ou même d’un robinet) dans lequel la base (ou la grille, ou la tête) pilote en quelque manière le courant qui passe de l’émetteur vers le collecteur ; dans l’exemple du ruban de papier, il est clair que ce n’est pas le ruban de papier qui <span class="caritalique" style="font-style:italic">apporte</span> l’énergie électrique ; il intervient seulement pour piloter l’interrupteur de manière mécanique et diélectrique.</span></span></p>
</div>
<div id="ftn3">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:3px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[3]</span></span></span></span></a>. Je m’en tiens ici à la fiction de la déphénoménalisation telle que je l’ai élaborée dans la perspective de l’information. Je laisse ouverte la question de déterminer si d’autres modalités d’une telle fiction sont imaginables. </span></span></p>
</div>
<div id="ftn4">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:3px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[4]</span></span></span></span></a>. L’idée d’un <span class="caritalique" style="font-style:italic">système de différences</span> provient de la linguistique saussurienne, le fait qu’elles soient <span class="caritalique" style="font-style:italic">pures</span> est une référence indirecte à Kant. </span></span></p>
</div>
<div id="ftn5">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:3px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[5]</span></span></span></span></a>. On recroise l’un des aspects peut-être sous-estimés du principe d’identité, car le problème concerne aussi les idéalités standard en tant qu’elles sont, elles aussi, imprésentables dans l’empirie : on ne peut produire aucun énoncé empiriquement présentable reliant un nom (signifiant, dénotant, représentant, etc.), lui-même empiriquement présentable, à une idéalité métempirique. C’est aussi l’aporie constitutive du concept de signe. </span></span></p>
</div>
<div id="ftn6">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:3px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[6]</span></span></span></span></a>. Y compris la persistance d’un sujet pour en prendre acte. On recroiserait ici la problématique des synthèses kantiennes, en particulier la synthèse de la recognition. </span></span></p>
</div>
<div id="ftn7">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:14.2pt; margin-top:3px"><span style="font-size:9pt"><span style="font-family:"Garamond", "serif""><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" style="color:blue; letter-spacing:0pt" title=""><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span class="carnoteenbasnumro" style="vertical-align:baseline"><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Garamond","serif"">[7]</span></span></span></span></a>. Voir (Vaudène, 2017) pour une étude concernant les effets d’insu dans les théories en liaison avec les dépassements compris comme des progrès non cumulatifs. </span></span></p>
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