<div class="WordSection1"> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b>Abstract</b></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">This article provides feedback on a multidisciplinary and applied research project to design a data mapping and exploration tool on Twitter for journalists. The approach focuses on the observation and understanding of journalists&#39; uses and a projection of the integration of the software in their daily practices and routines. Three use cases scenarios are explored, reflecting the diversity of the tool&#39;s appropriation. Each of them underlines the interest in designing a transparent interface that favors the user&#39;s understanding of the operations performed on the data, but also the need for users to have a minimal digital culture to produce journalistic content based on these digital traces.</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b>Keywords: </b>cartography, digital traces, journalism, social network platforms, Spikyball sampling </span></span></p> <h2 style="margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="font-style:italic"><a name="30j0zll"></a>Introduction</span></span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Cette contribution revient sur la conception d&rsquo;un logiciel de cartographie de donn&eacute;es issues des r&eacute;seaux socionum&eacute;riques &agrave; des</span>tination de journalistes<span style="color:black">. R&eacute;</span>alis&eacute;e dans le cadre d&rsquo;une collaboration interdisciplinaire, associant<span style="color:black"> des chercheurs </span>de<span style="color:black"> sciences de l&rsquo;information et de la communication </span>d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; et<span style="color:black"> de la science des r&eacute;seaux de l</span>&rsquo;autre<span style="color:black">, cette recherche vise &agrave; </span>explorer<span style="color:black"> l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me des discussions en ligne et plus particuli&egrave;rement de sujets controvers&eacute;s sur Twitter dans une perspective appliqu&eacute;e au</span>x usages journalistiques<span style="color:black">. Elle s&rsquo;inscrit dans la volont&eacute; de cartographier les diff&eacute;rents groupes d&rsquo;utilisateurs qui participent &agrave; rendre visibles des d&eacute;bats, notamment dans le cadre de la diffusion de fausses informations. Men&eacute;s dans le cadre du projet <i>Social Networks Architectures of Disinformation</i> (SAD), gr&acirc;ce au financement de </span>l&rsquo;Initiative pour l&rsquo;innovation dans les m&eacute;dias (IMI),<span style="color:black"> ces travaux ont abouti &agrave; la r&eacute;alisation d&rsquo;un prototype reposant sur la cartographie de comptes Twitter actifs dans les controverses. L&rsquo;article se focalise sur le deuxi&egrave;me volet du projet de recherche consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;application et l&rsquo;adaptation de ce prototype </span>aux usages des<span style="color:black"> journalistes. Nous proposons de revenir sur le processus de conception de l&rsquo;outil pour rendre compte de la r&eacute;flexion sur les donn&eacute;es num&eacute;riques qui a &eacute;merg&eacute; de la collaboration interdisciplinaire, mais &eacute;galement de la mani&egrave;re dont la conception </span>a int&eacute;gr&eacute; des journalistes afin de <span style="color:black">recueillir des paroles sur les pratiques professionnelles </span>et d&rsquo;<span style="color:black">observer la diversit&eacute; des usages </span>du<span style="color:black"> prototype.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">C&rsquo;est donc la co-conception interdisciplinaire d&rsquo;un outil de cartographie de donn&eacute;es num&eacute;riques qui constitue l&rsquo;objet de cet article. </span>Nous<span style="color:black"> interrogeo</span>ns<span style="color:black"> la mani&egrave;re dont les donn&eacute;es des r&eacute;seaux socionum&eacute;riques s&rsquo;inscrivent dans le travail de recherche d&rsquo;information des journalistes et dans quelle mesure elles peuvent &ecirc;tre utilis&eacute;es en tant que sources. Cette d&eacute;marche nourrit une r&eacute;flexion sur les donn&eacute;es fournies par l&rsquo;API de Twitter, utilis&eacute;es pour produire les cartographies. Contrairement &agrave; d&rsquo;autres outils existants, le logiciel SAD repose sur des comptes et leur interconnexion plut&ocirc;t que sur les contenus des tweets. L&rsquo;enjeu r&eacute;side donc &agrave; la fois dans ce qu&rsquo;inclut ou non la m&eacute;thode de collecte, mais aussi dans la pr&eacute;sentation visuelle des informations. Pour les journalistes, la pertinence des informations repose dans ce jeu entre le param&eacute;trage de la r&eacute;colte de donn&eacute;es et la navigation dans l&rsquo;interface qui pr&eacute;sente ces donn&eacute;es. Ces deux dimen</span>sions ont structur&eacute; l&rsquo;enqu&ecirc;te de terrain constitu&eacute;e d&rsquo;un focus group et d&rsquo;entretiens individuels avec cinq journalistes de la RTS choisis pour la diversit&eacute; de leur profil et leur int&eacute;r&ecirc;t et connaissance des r&eacute;seaux socionum&eacute;riques. Ce travail empirique a permis de <span style="color:black">recueillir des projections d&rsquo;usages vis-&agrave;-vis de leur pratique professionnelle</span>, <span style="color:black">ainsi qu&rsquo;&agrave; observer leur appropriation du prototype.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">La d&eacute;marche qui guide cette contribution n&rsquo;est pas celle d&rsquo;une observation des pratiques professionnelles et des m&eacute;thodes de travail des journalistes au sein d&rsquo;une r&eacute;daction. Elle consiste plut&ocirc;t &agrave; revenir sur un processus de conception </span>d&rsquo;un support &agrave; l&rsquo;activit&eacute; journalistique,<span style="color:black"> reposant sur un travail interdisciplinaire des donn&eacute;es et l&rsquo;int&eacute;gration d&rsquo;u</span>sagers<span style="color:black">, dans </span>une d&eacute;marche inspir&eacute;e de la sociologie de l&rsquo;innovation et des cadres socio-techniques (Flichy, 2003)<span style="color:black">. L&rsquo;inclusion de journalistes sert la double perspective de recueil de pratiques professionnelles vis-&agrave;-vis des r&eacute;seaux </span>socionum&eacute;riques<span style="color:black"> qui nourrissent l&rsquo;impl&eacute;mentation de nouvelles fonctionnalit&eacute;s, ainsi que d&rsquo;observation des usages du prototype en train de se faire pour proc&eacute;der &agrave; des ajustements. La documentation de ce processus de co-conception &agrave; l&rsquo;interface des sciences des r&eacute;seaux, du journalisme et des pratiques professionnelles interroge l&rsquo;attribution de valeur informationnelle des traces num&eacute;riques. Nous montrons que celle-ci s&rsquo;effectue notamment &agrave; travers l&rsquo;appropriation par les usagers de notions techniques inh&eacute;rentes &agrave; la r&eacute;colte de donn&eacute;es et &agrave; la science des r&eacute;seaux</span>, tout en s&rsquo;inscrivant dans des usages pr&eacute;existants des r&eacute;seaux socionum&eacute;riques dans le cadre de l&rsquo;activit&eacute; journalistique. </span></span></p> <h2 style="margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="font-style:italic"><a name="1fob9te"></a>Les traces num&eacute;riques dans les usages journalistiques</span></span></span></span></span></h2> <ul> <li style="margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><a name="_4olvdsqclgib"></a> <span style="font-size:12.0pt">Les r&eacute;seaux socionum&eacute;riques dans les pratiques journalistiques</span></span></span></span></span></li> </ul> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;outil d&eacute;velopp&eacute; dans le cadre de ce projet entend favoriser le recours aux r&eacute;seaux socio-num&eacute;riques (RSN), comme source et terrain, par les journalistes de la Radio-T&eacute;l&eacute;vision Suisse (RTS), voire au-del&agrave;. La litt&eacute;rature scientifique, qui documente depuis une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es l&rsquo;appropriation des RSN par les journalistes, offre un panorama de la diversit&eacute; des usages et de leur int&eacute;gration diff&eacute;renci&eacute;e dans les pratiques professionnelles, tout en en soulignant &eacute;galement les limites. Notre travail concerne essentiellement Twitter, r&eacute;seau largement privil&eacute;gi&eacute; par les journalistes depuis ses d&eacute;buts, en ce qu&rsquo;il favorise la prise de parole directe, l&rsquo;interaction et la discussion, dans une temporalit&eacute; de l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; et dans un espace en grande partie public. Et ce contrairement &agrave; Facebook dont les espaces sont davantage ferm&eacute;s et les contenus moins orient&eacute;s vers l&rsquo;information et les m&eacute;dias (Bruns, 2018, 14). </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Si les utilisations de Twitter par les journalistes sont tr&egrave;s diversifi&eacute;es, nous nous int&eacute;resserons ici aux analyses portant sur un usage &laquo; en amont &raquo; du travail journalistique, id&eacute;alement comme source premi&egrave;re d&rsquo;identification de sujets pertinents &agrave; traiter, voire comme terrain d&rsquo;analyse &agrave; part enti&egrave;re pour produire des enqu&ecirc;tes journalistiques sur le d&eacute;ploiement de controverses par exemple. Dans ses intentions, l&rsquo;outil d&eacute;velopp&eacute; entend se distinguer d&rsquo;un ensemble d&rsquo;usages qui a marqu&eacute; les d&eacute;buts du journalisme num&eacute;rique, avec une volont&eacute; de r&eacute;seautage et d&rsquo;entretien d&rsquo;un &laquo; club &raquo; ferm&eacute;, constitu&eacute; pour beaucoup de (jeunes) journalistes accultur&eacute;s au num&eacute;rique (Mercier, 2012). </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le prototype SAD est davantage envisag&eacute; comme un apport au travail journalistique de recherche d&rsquo;informations, de sources mais aussi de compr&eacute;hension du fonctionnement des RSN envisag&eacute;s alors comme terrains d&rsquo;observation &agrave; part enti&egrave;re. On retrouve l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un outil de recherche au service de l&rsquo;enqu&ecirc;te, identifi&eacute; dans les pratiques journalistiques d&egrave;s la fin des ann&eacute;es 2000 (Ahmad, 2010). Twitter y appara&icirc;t comme une source pertinente pour trouver des id&eacute;es de sujets ou des sources, par exemple dans le domaine &eacute;conomique et financier (Lariscy <i>et al.</i>, 2009). La palette des usages est toutefois large et ce recours &agrave; Twitter peut &ecirc;tre se r&eacute;v&eacute;ler plus minimaliste et illustratif, par exemple dans la recherche d&rsquo;informations, de contenus et de citations, venant enrichir des articles (via ce que l&rsquo;on appelle commun&eacute;ment les &laquo; tweets <i>embedded</i> &raquo;) (voir notamment Broersma, Graham, 2012 et 2013 ; Bane, 2017). C&rsquo;est notamment le cas pour la couverture de certains &eacute;v&eacute;nements ou th&eacute;matiques impliquant des personnalit&eacute;s publiques tr&egrave;s actives sur Twitter (politique, people, sport, etc.). Des outils, comme &laquo;&nbsp;Tweetdeck&nbsp;&raquo;, favorisent ces usages avec des fonctionnalit&eacute;s de veille avanc&eacute;es. Pourtant, cette opportunit&eacute; d&rsquo;explorer Twitter &agrave; des fins journalistiques reste assez superficielle et limit&eacute;e selon Lawrence (2015), la plupart des journalistes utilisant davantage la plateforme dans une logique de diffusion de leur contenu. L&rsquo;enjeu de notre projet est donc d&rsquo;identifier des journalistes susceptibles de trouver un int&eacute;r&ecirc;t &agrave; un outil d&rsquo;exploration des conversations sur les RSN pour produire du contenu, mais &eacute;galement ayant les connaissances minimales de base du fonctionnement, du vocabulaire et des principes r&eacute;gissant ces plateformes. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette comp&eacute;tence, que l&rsquo;on peut associer &agrave; une forme de &laquo; <i>digital literacy</i> &raquo; est progressivement entr&eacute;e dans les salles de r&eacute;daction, parfois &agrave; la faveur de profils de journalistes plus sp&eacute;cialis&eacute;es (en particulier les <i>datajournalists, </i>mais &eacute;galement les <i>community managers</i>). De m&ecirc;me, la pr&eacute;occupation croissante li&eacute;e &agrave; la d&eacute;sinformation et aux &laquo; fake news &raquo; circulant sur les RSN a suscit&eacute; de nouvelles pratiques journalistiques pertinentes pour notre projet. Pensons par exemple &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; de pouvoir identifier un compte Twitter ou une source, mais aussi plus largement aux pratiques de v&eacute;rification des faits (Weaver, Willnat, et Wilhoit, 2019), ici aussi facilit&eacute;es par des outils sp&eacute;cifiques (Brandtzaeg, F&oslash;lstad, et Chaparro Dom&iacute;nguez, 2018). C&rsquo;est le cas encore de l&rsquo;OSINT (<i>open source intelligence</i>) et du data-journalisme qui conduisent les journalistes &agrave; consid&eacute;rer les r&eacute;seaux socionum&eacute;riques comme des terrains d&rsquo;analyse voire des sujets &agrave; part enti&egrave;re et non comme des &eacute;l&eacute;ments illustratifs et secondaires. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il y a donc un enjeu important d&rsquo;accompagnement des journalistes dans leur appropriation de l&rsquo;outil, mais &eacute;galement plus largement dans la compr&eacute;hension et la connaissance des m&eacute;canismes &agrave; l&#39;&oelig;uvre dans les RSN. A cela s&#39;ajoute la compr&eacute;hension de la mani&egrave;re dont les donn&eacute;es sont r&eacute;colt&eacute;es et fabriqu&eacute;es. Qu&#39;ils soient consid&eacute;r&eacute;s comme avanc&eacute;s ou &laquo; grand public &raquo;, les outils de recherche fa&ccedil;onnent des traces num&eacute;riques qui ne peuvent pas pr&eacute;tendre repr&eacute;senter Twitter dans sa globalit&eacute;. L&#39;enjeu pour les journalistes est double : il s&#39;agit de comprendre comment ces traces sont fabriqu&eacute;es et r&eacute;colt&eacute;es pour &eacute;viter des g&eacute;n&eacute;ralisations abusives d&#39;une part ; et d&#39;&ecirc;tre en capacit&eacute; d&#39;avoir la ma&icirc;trise de ces param&egrave;tres pour pouvoir les expliquer au public d&#39;autre part. Plusieurs questionnements, au centre de la d&eacute;marche de conception de l&rsquo;outil SAD en d&eacute;coulent : comment rendre autonomes les journalistes dans la r&eacute;colte et l&#39;interpr&eacute;tation de donn&eacute;es &agrave; propos de controverses sur Twitter ? Dans quelle mesure la r&eacute;colte de donn&eacute;es est-elle reproductible ? Selon quels crit&egrave;res les journalistes accordent-ils une valeur journalistique aux traces ? </span></span></p> <h3 style="text-indent:0cm; margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><a name="3znysh7"></a><span style="font-size:12.0pt">Donner du sens aux traces num&eacute;riques </span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&#39;utilisation des RSN ne se limite pas au contenu de ce qui y est publi&eacute;, mais int&egrave;gre des traces qui sont autant de renseignements sur l&#39;utilisateur pouvant &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;s &laquo; avant m&ecirc;me qu&#39;un message-cadre vienne les &ldquo;intentionnaliser&rdquo; par une m&eacute;tacommunication &raquo; (Merzeau, 2013). Ces traces sont travaill&eacute;es en retour par la plateforme &agrave; travers son API qui propose aux d&eacute;veloppeurs un acc&egrave;s &agrave; la base de donn&eacute;es de ses archives. Cette interface, tout comme le formatage de ces donn&eacute;es, n&rsquo;est pas pr&eacute;vu pour des recherches journalistiques, mais pour des t&acirc;ches de <i>webmastering</i> ou de <i>community management</i>. Ainsi, au-del&agrave; des comp&eacute;tences en programmation que n&eacute;cessitent l&#39;interrogation de l&#39;API, la forme des donn&eacute;es accessibles correspond &agrave; des choix de formatage effectu&eacute;s en amont par l&rsquo;entreprise. Ces caract&eacute;ristiques n&rsquo;influent pas seulement sur l&rsquo;aspect des donn&eacute;es, mais aussi sur les requ&ecirc;tes possibles. Les temporalit&eacute;s et les quantit&eacute;s accessibles &eacute;tant limit&eacute;es, elles imposent des strat&eacute;gies qui se justifient d&rsquo;un point de vue informatique, mais qui peuvent entrer en confrontation avec la compr&eacute;hension journalistique du r&eacute;seau. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce processus tend &agrave; s&eacute;parer les supports mat&eacute;riels sur lesquels sont consult&eacute;es les r&eacute;sultats et le calcul r&eacute;alis&eacute; sur ces donn&eacute;es. Au prisme de l&#39;API, les tweets perdent l&#39;interface graphique qui permet leur inscription et leur r&eacute;ception au profit de cha&icirc;nes de caract&egrave;res et de donn&eacute;es statistiques. L&#39;approche techno-s&eacute;miotique souligne les probl&egrave;mes de cette s&eacute;paration pour la consultation et l&#39;analyse des archives du web (Bottini, Julliard, 2017). Dans le cas pr&eacute;sent, l&#39;usage journalistique des traces num&eacute;riques implique de revenir sur leur compr&eacute;hension : ce qu&#39;elles repr&eacute;sentent et les limites de leur interpr&eacute;tation en dehors de leur contexte de production et de r&eacute;ception. S&#39;ajoute ensuite l&#39;enjeu de leur repr&eacute;sentation sous une forme diff&eacute;rente de celle de l&#39;interface du r&eacute;seau social, afin de donner acc&egrave;s &agrave; une vision plus globale du r&eacute;seau, c&#39;est-&agrave;-dire qui d&eacute;passe l&#39;espace visible des <i>timelines</i> et des r&eacute;sultats de recherche et qui repose sur les archives de la plateforme.</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette question correspond &agrave; une d&eacute;finition du num&eacute;rique en tant que milieu, c&rsquo;est-&agrave;-dire employ&eacute; pour d&eacute;signer des activit&eacute;s qui le mobilisent &laquo; pour d&rsquo;autres finalit&eacute;s que le calcul&nbsp;&raquo; (Bachimont 2017, 388). En effet, les activit&eacute;s sociales d&rsquo;&eacute;change et de partage de contenus mesur&eacute;es et calcul&eacute;es par Twitter constituent la base d&#39;un travail d&#39;interpr&eacute;tation journalistique dont la finalit&eacute; d&eacute;passe le cadre computationnel. Dans cette perspective, la m&eacute;thode de recherche mise au point int&egrave;gre des journalistes int&eacute;ress&eacute;s par le num&eacute;rique, afin d&#39;explorer avec eux l&#39;exploitation des traces num&eacute;riques pour la conception de contenus &eacute;ditoriaux.</span></span></p> <h2 style="margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="font-style:italic"><a name="tyjcwt"></a>M&eacute;thode</span></span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le travail autour du projet SAD a d&eacute;but&eacute; en 2019, en r&eacute;ponse &agrave; l&rsquo;appel &agrave; projets de l&rsquo;<i>Initiative for media innovation</i> intitul&eacute; : &laquo;&nbsp;Aider les m&eacute;dias &agrave; lutter contre la d&eacute;sinformation et &agrave; r&eacute;tablir la confiance du public&nbsp;&raquo;. L&rsquo;objectif poursuivi durant les 12 mois de ce projet &eacute;tait de concevoir un outil capable d&rsquo;exploiter la structuration des r&eacute;seaux socionum&eacute;riques (connexions inter-comptes) afin de cartographier les activit&eacute;s de circulation de l&rsquo;information, &agrave; des fins journalistiques. Pour mener &agrave; bien cette recherche, un collectif s&rsquo;est construit associant des chercheurs des sciences des r&eacute;seaux, des chercheurs en sciences de l&rsquo;information et de la communication et un partenaire m&eacute;dia, la Radio-T&eacute;l&eacute;vision Suisse (RTS). Cette interdisciplinarit&eacute; devait aboutir &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;un prototype automatisant les recueils et traitements des donn&eacute;es issues des r&eacute;seaux socionum&eacute;riques sous forme de cartographie interactive venant en appui au travail journalistique.</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le second volet de ce projet (f&eacute;vrier 2021 - janvier 2022), sur lequel se fonde majoritairement cet article, a consist&eacute; &agrave; faire &eacute;voluer le prototype vers un outil permettant un degr&eacute; d&rsquo;autonomie avanc&eacute; aux journalistes dans l&rsquo;exploration des r&eacute;seaux. Cette transition de la &laquo;&nbsp;recherche et d&eacute;veloppement&nbsp;&raquo; vers une &laquo;&nbsp;recherche appliqu&eacute;e&nbsp;&raquo; s&rsquo;est accompagn&eacute;e d&rsquo;une &eacute;volution m&eacute;thodologique avec le souhait d&rsquo;int&eacute;grer les futurs usagers de l&rsquo;outil. C&rsquo;est ainsi que cinq journalistes de la RTS ont &eacute;t&eacute; associ&eacute;s &agrave; cette phase du projet, &agrave; travers des focus groups et des entretiens individuels qui devaient permettre de mieux saisir leurs usages dans une vis&eacute;e d&rsquo;&eacute;volution des fonctionnalit&eacute;s de l&rsquo;outil. Le recrutement des journalistes s&rsquo;est fait sur la base du volontariat et de leur int&eacute;r&ecirc;t d&eacute;clar&eacute; pour les RSN. L&#39;&eacute;quipe de journalistes se compose de trois femmes et deux hommes, sp&eacute;cialis&eacute;s dans l&#39;animation radio, la production de podcasts, les reportages t&eacute;l&eacute;vis&eacute;s et la production d&#39;articles &eacute;crits pour le portail RTS Info. Leurs attentes et niveaux d&rsquo;expertise sur les outils et donn&eacute;es num&eacute;riques sont volontairement h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes de mani&egrave;re &agrave; envisager plusieurs profils d&rsquo;usages, afin d&#39;&eacute;viter de restreindre l&#39;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;outil aux seuls journalistes de donn&eacute;es. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En juin 2021, un premier focus group a r&eacute;uni les 5 journalistes&nbsp;autour d&rsquo;une pr&eacute;sentation et une prise en main de l&rsquo;outil. L&rsquo;objectif &eacute;tait de mieux cerner leur utilisation des r&eacute;seaux socionum&eacute;riques dans un cadre journalistique, mais &eacute;galement leurs attentes par rapport &agrave; l&rsquo;outil et la mani&egrave;re dont il pourrait s&rsquo;int&eacute;grer dans leurs routines. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Environ un mois plus tard et apr&egrave;s avoir impl&eacute;ment&eacute; les &eacute;volutions mises en &eacute;vidence, des sessions individuelles ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;es avec chacun d&rsquo;entre eux. L&rsquo;objectif de ces &eacute;changes &eacute;tait d&rsquo;approfondir les utilisations possibles de l&rsquo;outil avec un test grandeur r&eacute;elle portant sur un sujet propre au journaliste. Du c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;&eacute;quipe de recherche, ce fut l&rsquo;occasion &eacute;galement d&rsquo;adopter une approche compr&eacute;hensive, en guidant les journalistes dans leurs recherches et explorations, ainsi qu&rsquo;en expliquant les processus en action dans le but d&rsquo;observer les formes d&rsquo;appropriation de l&rsquo;outil. Cette d&eacute;marche associant les futurs usagers, des chercheurs de sciences informatiques et d&rsquo;autres des sciences humaines et sociales, visait &agrave; &eacute;viter l&rsquo;&eacute;cueil techniciste d&rsquo;un outil d&eacute;velopp&eacute; en dehors de la compr&eacute;hension de ses futurs usages, tant l&eacute;gitimes que mineurs ou d&eacute;cal&eacute;s.</span></span></p> <h2 style="margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="font-style:italic"><a name="1t3h5sf"></a>Caract&eacute;ristiques de l&rsquo;outil d&rsquo;exploration des communaut&eacute;s Twitter</span></span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sur Twitter, les activit&eacute;s de publication de contenus tissent des liens entre des comptes &agrave; travers des interactions instrument&eacute;es (<i>following</i>, r&eacute;ponse, <i>like</i> ou <i>retweet</i>) qui font appel &agrave; une posture et des usages diff&eacute;rents. Le pr&eacute;suppos&eacute; du logiciel SAD est que la mise en visibilit&eacute; des donn&eacute;es de relations inter-comptes peut produire des informations pertinentes sur l&#39;adh&eacute;sion ou non aux propos relay&eacute;s. R&eacute;alis&eacute;e &agrave; partir de l&rsquo;activit&eacute; de (re)publication des utilisateurs, cette interconnexion de profils est imperceptible des utilisateurs qui n&#39;ont acc&egrave;s qu&#39;&agrave; leur <i>timeline</i>, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; une succession de tweets organis&eacute;s selon un ordre chronologique et algorithmique. En se fondant sur les donn&eacute;es issues de l&rsquo;API, SAD trace des liens entre les profils en fonction de leurs flux entrant et sortant de tweets, retweets et r&eacute;ponses. Son fonctionnement souligne l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour le journalisme de travailler &agrave; partir de donn&eacute;es issues de l&rsquo;activit&eacute; de comptes d&#39;utilisateurs plut&ocirc;t que des contenus publi&eacute;s en ligne.</span></span></p> <h2 style="margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="font-style:italic"><a name="_rxmrl6fhc745"></a><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-style:normal">L&rsquo;approche </span></span><span style="font-size:12.0pt">Spikyball</span><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-style:normal">, au coeur de la collecte et du traitement des donn&eacute;es</span></span></span></span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;outil d&eacute;velopp&eacute; repose sur l&#39;identification pr&eacute;alable de comptes pertinents pour l&rsquo;exploration des communaut&eacute;s. Un journaliste int&eacute;ress&eacute; par les discussions &agrave; propos d&rsquo;un th&egrave;me ou d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement s&eacute;lectionne un ou plusieurs comptes de d&eacute;part. Ceux-ci n&rsquo;ont pas besoin d&rsquo;&ecirc;tre centraux dans la mesure o&ugrave; l&rsquo;usager identifiera par lui-m&ecirc;me les comptes cl&eacute;s du sujet explor&eacute; en fonction des param&egrave;tres qu&rsquo;il juge pertinents pour la collecte et l&rsquo;exploration des donn&eacute;es (pr&eacute;sent&eacute;s autour de trois sc&eacute;narios d&rsquo;usage ci-apr&egrave;s).</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">A partir de ce point de d&eacute;part, l&rsquo;explorateur fouille automatiquement l&rsquo;environnement de ces comptes en suivant les retweets entre utilisateurs pour guider sa collecte et rester dans un voisinage plus ou moins proche. &Eacute;tant donn&eacute; sa taille, le r&eacute;seau dense de connexions ne peut pas &ecirc;tre enti&egrave;rement collect&eacute;&nbsp;; l&rsquo;explorateur s&eacute;lectionne donc al&eacute;atoirement une partie des voisins du groupe initial. Avec l&rsquo;approche <i>Spikyball </i>(Ricaud, 2020), une probabilit&eacute; plus forte de collecte est donn&eacute;e aux voisins proportionnellement les plus connect&eacute;s au groupe initial. Ceci permet d&rsquo;orienter la collecte vers les n&oelig;uds plus centraux autour d&rsquo;un th&egrave;me, ainsi que les r&eacute;f&eacute;rences et acteurs les plus actifs de la ou des communaut&eacute;(s). La m&eacute;thode est it&eacute;rative : une fois que le processus de collecte a fini l&rsquo;exploration des voisins directs, ceux-ci deviennent le groupe initial, explor&eacute; &agrave; son tour lors de la prochaine it&eacute;ration, et ainsi de suite. Cette m&eacute;thode permet de r&eacute;colter des comptes du r&eacute;seau qui n&rsquo;auraient pas &eacute;t&eacute; s&eacute;lectionn&eacute;s au premier passage du fait de l&#39;&eacute;chantillonnage al&eacute;atoire, et ce malgr&eacute; leur int&eacute;r&ecirc;t potentiel. Sur les RSN, le nombre de n&oelig;uds augmente de mani&egrave;re exponentielle avec une exploration de type &laquo;&nbsp;<i>snowball sampling</i>&nbsp;&raquo; (Illenberger, 2012) ou &laquo;&nbsp;<i>breadth-first search</i>&nbsp;&raquo;. Le m&eacute;canisme de collecte de <i>Spikyball</i> ne suit qu&rsquo;une partie des voisins &agrave; chaque &eacute;tape, et favorise ainsi une collecte bas&eacute;e sur l&rsquo;importance des n&oelig;uds (leur nombre de connexions). Par ailleurs, &agrave; tout moment, l&rsquo;utilisateur contr&ocirc;le le nombre d&rsquo;it&eacute;rations op&eacute;r&eacute;es. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La visualisation des r&eacute;seaux collect&eacute;s est int&eacute;gr&eacute;e &agrave; l&rsquo;explorateur, et permet &agrave; l&rsquo;utilisateur de mieux appr&eacute;hender la fa&ccedil;on dont s&rsquo;organisent les communaut&eacute;s qui le constituent. L&rsquo;objectif est de favoriser la formule la plus compr&eacute;hensible en vue de l&rsquo;interpr&eacute;tation des r&eacute;sultats. Certains programmes d&eacute;di&eacute;s &agrave; la visualisation de r&eacute;seaux, comme Gephi, permettent d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; de nombreuses m&eacute;thodes et d&rsquo;en modifier les param&egrave;tres. L&rsquo;approche choisie ici est de limiter les possibilit&eacute;s d&rsquo;organisation spatiale des comptes &agrave; deux m&eacute;thodes. L&rsquo;une, hi&eacute;rarchique, appel&eacute;e &laquo;&nbsp;<i>circlepack</i>&nbsp;&raquo;, se base uniquement sur certains attributs des comptes du r&eacute;seau (sa communaut&eacute; et son degr&eacute;) et groupe les comptes par communaut&eacute;s. L&#39;autre, fait partie du groupe des &laquo;&nbsp;<i>force-directed layouts</i>&nbsp;&raquo; (ForceAtlas2) et met l&rsquo;accent sur la force des connexions en rapprochant dans la visualisation les n&oelig;uds les mieux connect&eacute;s (m&ecirc;me s&rsquo;il n&rsquo;appartiennent pas &agrave; la m&ecirc;me communaut&eacute;). Afin d&#39;apporter une lecture plus concr&egrave;te des communaut&eacute;s, un volet lexicom&eacute;trique a &eacute;t&eacute; ajout&eacute; &agrave; l&#39;outil. &Agrave; partir du code source d&#39;Iramuteq (Ratinaud 2014), nous avons automatis&eacute; le calcul du vocabulaire sp&eacute;cifique de chaque communaut&eacute; de r&eacute;seau (Lebart, 1994). La visualisation finale affiche le lexique qui caract&eacute;rise le plus chaque groupe.</span></span></p> <h2 style="text-indent:0cm; margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="font-style:italic"><a name="_ycuz3nygkhmw"></a><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-style:normal">Une interface utilisateur favorisant la transparence des param&egrave;tres de collecte et de visualisation</span></span></span></span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;interface s&rsquo;est construite dans l&rsquo;interaction entre groupe de recherche et journalistes, avec la volont&eacute; de mettre &agrave; disposition de ces professionnels un outil exploitable et pertinent dans leur m&eacute;tier. Nous consid&eacute;rons ici que le dispositif, par les actions et interactions avec les donn&eacute;es qu&rsquo;il propose, constitue des possibilit&eacute;s d&rsquo;actions (Verlaet, 2015). Ces affordances (Gibson, 2000) ne prennent sens que dans le contexte d&rsquo;une action m&ecirc;lant les caract&eacute;ristiques de l&rsquo;outil avec les besoins et la culture num&eacute;rique du journaliste. Les fonctionnalit&eacute;s du logiciel ont &eacute;t&eacute; d&eacute;velopp&eacute;es en prenant compte des pratiques existantes des journalistes sur les r&eacute;seaux socionum&eacute;riques et notamment l&#39;utilisation r&eacute;currente d&#39;outils de veille tels que ceux d&eacute;crits plus haut. L&#39;objectif n&#39;est pas de d&eacute;velopper un outil unique dans lequel r&eacute;aliser l&#39;ensemble de la recherche (depuis la r&eacute;colte des donn&eacute;es jusqu&#39;&agrave; leur interpr&eacute;tation), mais d&#39;ajouter des &eacute;l&eacute;ments suppl&eacute;mentaires aux traces num&eacute;riques d&eacute;j&agrave; connues et manipul&eacute;es quotidiennement par les journalistes. De ce point de vue, le logiciel SAD est con&ccedil;u comme un assistant qui permet, en fonction des besoins des acteurs et de la complexit&eacute; de la t&acirc;che &agrave; r&eacute;aliser, de sortir de l&#39;interface de Twitter pour gagner en ma&icirc;trise sur les param&egrave;tres de la collecte des donn&eacute;es et acc&eacute;der &agrave; des outils de cartographie plus avanc&eacute;s.</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Son fonctionnement repose sur la succession de plusieurs &eacute;tapes volontairement r&eacute;duites et r&eacute;parties entre le param&eacute;trage de la collecte d&#39;une part et celle de la visualisation des donn&eacute;es d&#39;autre part. Pour chaque requ&ecirc;te, l&rsquo;utilisateur doit choisir les comptes qui servent de point de d&eacute;part &agrave; l&#39;&eacute;chantillonnage. Si ces comptes sont importants, leur impact sur la collecte est toutefois r&eacute;duit du fait de la m&eacute;thode <i>Spikyball</i>, susceptible d&#39;inclure des comptes pertinents qui n&#39;auraient pas &eacute;t&eacute; rep&eacute;r&eacute;s au pr&eacute;alable. Ceci encourage les utilisateurs &agrave; lancer la requ&ecirc;te sans attendre de rep&eacute;rer manuellement des comptes correspondant au sujet explor&eacute;, ces derniers pouvant appara&icirc;tre au fil de l&#39;exploration de la cartographie de comptes. Ensuite, le logiciel invite &agrave; pr&eacute;ciser les param&egrave;tres qui d&eacute;finissent le p&eacute;rim&egrave;tre de la collecte des donn&eacute;es et de leur affichage dans la cartographie. Notons que ceux-ci peuvent &ecirc;tre modifi&eacute;s tout au long de l&#39;exploration, g&eacute;n&eacute;rant de nouveaux jeux de comptes et cartographies (appel&eacute;s &laquo; <i>runs</i> &raquo;). Ainsi, le logiciel encourage &agrave; une approche it&eacute;rative, proc&eacute;dant par t&acirc;tonnements, ce que les tests du prototype avec les journalistes ont d&rsquo;ailleurs bien mis en &eacute;vidence. Ces diff&eacute;rentes tentatives peuvent &ecirc;tre renomm&eacute;es pour faciliter leur rep&eacute;rage ainsi que leur partage au sein d&#39;un groupe de journalistes qui m&egrave;neraient une enqu&ecirc;te collaborative.</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&#39;interface de l&#39;outil SAD est donc con&ccedil;ue pour donner &agrave; voir les diff&eacute;rentes &eacute;tapes du processus de collecte et de visualisation des donn&eacute;es. Ces principes sont au c&oelig;ur de l&rsquo;exploration et offrent au journaliste un contr&ocirc;le fin de l&rsquo;outil. Le choix libre des points de d&eacute;part, celui des param&egrave;tres d&rsquo;exploration et la logique it&eacute;rative permettent au journaliste de piloter l&rsquo;exploration. De plus, l&rsquo;interface a &eacute;t&eacute; pens&eacute;e pour rendre visibles les diff&eacute;rentes &eacute;tapes du processus. Cette interaction homme-machine peut faciliter la compr&eacute;hension du fonctionnement de l&rsquo;outil et de ses limites. Ceci renforce la confiance et l&rsquo;interpr&eacute;tabilit&eacute; des r&eacute;sultats. Nous &eacute;vitons ici certains &eacute;cueils classiques de l&rsquo;intelligence artificielle (Domingos, 2012 ; Mehrabi, 2021). L&#39;un d&#39;entre eux est li&eacute; aux biais cach&eacute;s qui influencent les d&eacute;cisions de la machine sans que l&rsquo;utilisateur n&rsquo;en ait conscience. Si des biais existent ici, l&rsquo;utilisateur, par son interaction, et par sa vision des &eacute;tapes de l&rsquo;outil d&rsquo;exploration, sera &agrave; m&ecirc;me de les identifier. Soulignons cependant que ceci ne sera possible seulement si le journaliste dispose d&#39;une culture num&eacute;rique et d&#39;un bagage technique minimum en lien avec les donn&eacute;es issues des r&eacute;seaux socionum&eacute;riques et leur APIs. Cette acculturation r&eacute;side moins dans une ma&icirc;trise technique des programmes que dans la compr&eacute;hension des logiques qui r&eacute;gissent la production de donn&eacute;es &agrave; l&#39;intersection de logiques sociales, de calcul et marchandes au sein desquels le journaliste s&#39;inscrit, y compris lorsqu&#39;il acc&egrave;de aux donn&eacute;es via un outil visant &agrave; faciliter l&#39;acc&egrave;s aux donn&eacute;es tel que SAD. Cela constitue un enjeu qui sera trait&eacute; dans la suite du projet. Pour l&#39;heure, la question de la formation et, plus exactement, d&#39;une approche compr&eacute;hensive des usages a &eacute;t&eacute; assur&eacute;e <i>via</i> la m&eacute;diation assur&eacute;e par l&#39;&eacute;quipe de recherche au cours des entretiens individuels et collectifs visant &agrave; explorer les potentialit&eacute;s de l&#39;outil. Pour ce faire, les journalistes ont &eacute;t&eacute; rendus semi-autonomes dans leur prise en main de l&#39;outil, laissant &eacute;merger plusieurs types d&#39;usages qui ont nourri la r&eacute;flexion et l&rsquo;&eacute;volution de la conception du logiciel.</span></span></p> <h2 style="margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="font-style:italic"><a name="3rdcrjn"></a>Trois sc&eacute;narios d&rsquo;usage &eacute;clairant l&rsquo;appropriation de l&rsquo;outil par les journalistes</span></span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Afin d&#39;inscrire au mieux l&#39;outil dans les pratiques professionnelles, une &eacute;tude de leurs usages potentiels a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e. La d&eacute;marche de recherche visait &agrave; se d&eacute;tacher d&rsquo;une projection id&eacute;alis&eacute;e d&rsquo;un usage-type. En d&eacute;passant notamment nos propres <i>a priori</i> de chercheurs, comme celui d&#39;une pr&eacute;dominance de la cartographie de discussions, l&#39;approche visait &agrave; accepter des conceptions pouvant para&icirc;tre au premier abord d&eacute;cal&eacute;es ou mineures. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La confrontation de l&rsquo;outil au terrain a fait &eacute;merger un ensemble d&rsquo;usages qui n&rsquo;avaient pas &eacute;t&eacute; con&ccedil;us en tant que tels. Ceux-ci ne concernent pas simplement des mani&egrave;res de r&eacute;aliser une action&nbsp;: ils englobent des repr&eacute;sentations et des situations dans lesquelles les journalistes se projettent pour d&eacute;terminer la plus-value de SAD. Ces &laquo;&nbsp;sc&eacute;narios&nbsp;&raquo; incluent la d&eacute;finition de param&egrave;tres sp&eacute;cifiques, l&rsquo;interpr&eacute;tation des cartographies de donn&eacute;es et sont orient&eacute;s vers une finalit&eacute; qui s&rsquo;inscrit dans des pratiques professionnelles qui d&eacute;pendent des int&eacute;r&ecirc;ts et sp&eacute;cialisations des journalistes. Ces projections sont apparues au long du travail empirique, depuis les focus groups visant &agrave; pr&eacute;senter l&rsquo;outil aux journalistes, jusqu&rsquo;aux entretiens orient&eacute;s vers une prise en main plus approfondie. Les cat&eacute;gories ne sont pas exclusives : elles visent &agrave; rendre compte du travail interpr&eacute;tatif des journalistes qui consiste &agrave; isoler une s&eacute;rie de manipulations cl&eacute;s (param&egrave;tres, structure globale du r&eacute;seau) dans le but de s&#39;approprier l&#39;outil.</span></span></p> <h3 style="text-align:justify; margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><a name="_tcnuhhm8u70l"></a><span style="font-size:12.0pt">Chercher des sources et contacts</span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une premi&egrave;re cat&eacute;gorie d&rsquo;usages se r&eacute;f&egrave;re &agrave; la recherche de contacts. Ceux dont il est question ici ne concernent pas forc&eacute;ment d&rsquo;autres journalistes (r&eacute;seautage), mais des personnes qui pourraient &ecirc;tre potentiellement sollicit&eacute;es comme sources ou invit&eacute;es &agrave; des &eacute;missions. <i>A priori</i>, cet usage para&icirc;t &eacute;loign&eacute; de la cartographie de controverses pour laquelle le logiciel a &eacute;t&eacute; initialement con&ccedil;u. Toutefois, les entretiens font appara&icirc;tre de fortes attentes pour explorer le profil et les activit&eacute;s de comptes minoritaires disposant d&rsquo;une certaine audience et qui pourraient &ecirc;tre interrog&eacute;s &agrave; ce titre dans des contenus journalistiques. L&rsquo;objectif poursuivi est de rep&eacute;rer des utilisateurs qui s&#39;expriment sur des th&eacute;matiques, mais qui pourraient &eacute;chapper &agrave; la veille informationnelle des journalistes. Cet usage a notamment &eacute;t&eacute; &eacute;voqu&eacute; pour diversifier les profils des experts, tant du point de vue du profil (&acirc;ge, genre, cat&eacute;gorie socioprofessionnelle) que du niveau d&rsquo;expertise des intervenants, comme l&rsquo;affirme une journaliste au sujet de la production d&rsquo;un podcast :</span></span></p> <blockquote> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour moi le fait de choisir un utilisateur et puis d&rsquo;avoir les th&eacute;matiques sur lesquelles il tweete, moi je trouve &ccedil;a hyper int&eacute;ressant, &ccedil;a nous donne une id&eacute;e des th&eacute;matiques sur lesquelles il s&rsquo;exprime en ce moment [&hellip;] &ccedil;a c&rsquo;est hyper pratique. [&hellip;] Dans mon cas personnel, on va &eacute;viter d&rsquo;inviter Samia Hurst ou Antoine Flahault<a href="#_edn1" name="_ednref1" title=""><span class="Ancredenotedebasdepage" style="vertical-align:super"><span class="Ancredenotedebasdepage" style="vertical-align:super"><b><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[i]</span></span></b></span></span></a>, mais on va essayer d&rsquo;aller dans la strate peut-&ecirc;tre suivante de gens un peu moins connus, qui s&rsquo;expriment moins mais qui s&rsquo;int&eacute;ressent au th&egrave;me, c&rsquo;est parfois difficile d&rsquo;identifier des femmes ou des jeunes par exemple. (Entretien du 15/07/2021)</span></span></p> </blockquote> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans le logiciel SAD, les utilisateurs qui &eacute;mettent &agrave; la fois beaucoup de tweets et re&ccedil;oivent le plus de retweets sont particuli&egrave;rement visibles car leur taille d&eacute;pend du nombre d&rsquo;interactions qu&rsquo;ils entretiennent avec les autres comptes de la cartographie. Parce qu&rsquo;ils publient beaucoup et que leurs propos sont repris par d&rsquo;autres, ces comptes apparaissent comme centraux au sein des communaut&eacute;s. On pourrait supposer qu&rsquo;ils exercent une certaine &laquo;&nbsp;influence&nbsp;&raquo; sur les plus petits n&oelig;uds qui soit publient moins, soit sont moins retweet&eacute;s &ndash; une analyse qualitative de ces comptes et de leurs discours serait n&eacute;cessaire pour qualifier et confirmer l&rsquo;hypoth&egrave;se de cette influence. La sp&eacute;cificit&eacute; de SAD est de faire appara&icirc;tre ces comptes moins actifs, mais aussi de faire appara&icirc;tre des comptes &laquo; pivots &raquo; reliant deux communaut&eacute;s. Ces n&oelig;uds de taille plus restreinte peuvent &ecirc;tre utilis&eacute;s pour alimenter une autre requ&ecirc;te qui &eacute;liminera les plus gros comptes, correspondant souvent &agrave; des comptes de personnalit&eacute;s ou institutionnels d&eacute;j&agrave; connus des journalistes. La logique ne consiste pas &agrave; cartographier un maximum d&rsquo;acteurs qui participent &agrave; une discussion, mais &agrave; rep&eacute;rer des comptes similaires. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette d&eacute;marche implique une s&eacute;lection tr&egrave;s r&eacute;duite de comptes de d&eacute;part. En l&#39;occurrence, un seul compte a &eacute;t&eacute; choisi pour g&eacute;n&eacute;rer une premi&egrave;re cartographie, celui de la bio&eacute;thicienne suisse Samia Hurst, dans le but de trouver d&rsquo;autres experts &agrave; m&ecirc;me de s&rsquo;exprimer sur l&rsquo;&eacute;thique m&eacute;dicale. Le param&egrave;tre &agrave; privil&eacute;gier est celui d&eacute;finissant le nombre de boucles de l&rsquo;&eacute;chantillonnage (<i>depth</i>), qui permet d&rsquo;&eacute;tendre ou de restreindre la zone explor&eacute;e autour du compte de d&eacute;part. Le param&egrave;tre d&eacute;finissant la taille de la communaut&eacute; peut aussi &ecirc;tre augment&eacute; dans le but d&rsquo;&eacute;liminer les utilisateurs qui auraient trop peu &eacute;chang&eacute; avec le compte initial.</span></span></p> <div>&nbsp;</div> <p align="center" style="border:none; text-align:center"><img height="845" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_17_image-20211003183025-1.jpeg" width="807" /></p> <p align="center" style="border:none; text-align:center"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span style="font-size:9.0pt"><span arial="" style="font-family:">Figure 1 : Exemple de cartographie de donn&eacute;es fond&eacute;e sur la recherche de contacts et d&#39;invit&eacute;s. Donn&eacute;es r&eacute;colt&eacute;es le 15/07/2021.</span></span></b></span></span></span></p> <p style="border:none; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les cartographies r&eacute;alis&eacute;es dans le cadre de ces recherches de contacts ou d&#39;invit&eacute;s sont particuli&egrave;rement restreintes en raison du faible nombre de comptes initiaux et de leur homog&eacute;n&eacute;it&eacute;. Le travail interpr&eacute;tatif des donn&eacute;es est facilit&eacute; dans la mesure o&ugrave; le compte initial est facilement rep&eacute;rable. Les donn&eacute;es jug&eacute;es non pertinentes apparaissent de mani&egrave;re plus &eacute;vidente que dans des cartographies &eacute;largies, ce qui facilite la formulation de requ&ecirc;tes plus fines. Dans la Figure 1, le groupe de n&oelig;uds verts &agrave; gauche du compte initial fait appara&icirc;tre plusieurs comptes de journalistes, tandis que l&#39;ensemble rouge fait appara&icirc;tre des comptes institutionnels. Ce dernier pourrait faire l&#39;objet d&#39;une analyse qualitative de ses membres en vue d&#39;identifier les comptes qui tweetent &agrave; propos du Ministre de la Sant&eacute; suisse Alain Berset, pr&eacute;sent dans cet ensemble. L&#39;objectif de la journaliste &eacute;tant ici de diversifier ses invit&eacute;s potentiels, d&#39;autres comptes ont &eacute;t&eacute; ajout&eacute;s, certains institutionnels (experts, universitaires) et d&#39;autres plus critiques, se pr&eacute;sentant comme des vulgarisateurs scientifiques. En g&eacute;n&eacute;rant de nouvelles cartographies &agrave; partir de ces comptes, le compte de d&eacute;part de Samia Hurst s&#39;est effac&eacute; au profit d&#39;autres correspondant davantage au profil recherch&eacute;.</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Parmi les 5 journalistes ayant particip&eacute; aux focus group et entretiens, ce sont davantage ceux orient&eacute;s vers les contenus audio qui ont privil&eacute;gi&eacute; cette approche. D&rsquo;autres journalistes travaillant pour les contenus d&rsquo;information t&eacute;l&eacute;vis&eacute;s ont &eacute;galement manifest&eacute; un int&eacute;r&ecirc;t pour cette utilisation dans le but de confronter des personnalit&eacute;s aux comptes avec lesquels ils ont le plus d&rsquo;interactions.</span></span></p> <h3 style="text-align:justify; margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><a name="_5v64le1855j7"></a><span style="font-size:12.0pt">Cartographier des controverses</span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Contrairement &agrave; la recherche de contacts, l&rsquo;exploration de controverses vise &agrave; &eacute;largir au maximum la r&eacute;colte de donn&eacute;es pour identifier les groupes d&rsquo;utilisateurs participant &agrave; la discussion. Le point de d&eacute;part n&rsquo;est pas un compte connu au pr&eacute;alable, mais une th&eacute;matique autour de laquelle plusieurs utilisateurs sont identifi&eacute;s comme &eacute;tant actifs. Souvent, la th&eacute;matique est d&eacute;j&agrave; connue des journalistes car trait&eacute;e par le m&eacute;dia ou discut&eacute;e en r&eacute;daction. Cet usage intervient notamment pour identifier si l&rsquo;espace des discussions num&eacute;riques sur Twitter pr&eacute;sente des singularit&eacute;s, &agrave; travers les profils des participants ou encore la circulation d&rsquo;un hashtag particulier. Lors d&rsquo;un entretien, une journaliste travaillant pour une &eacute;mission d&rsquo;investigation de la RTS a souhait&eacute; explorer la diffusion d&rsquo;une vid&eacute;o apparue dans sa veille du r&eacute;seau social r&eacute;alis&eacute;e avec TweetDeck. Partag&eacute;e par massivement sous le hashtag &laquo;&nbsp;#Afriland&nbsp;&raquo;, la vid&eacute;o remet en cause le t&eacute;moignage de lanceurs d&rsquo;alerte issus de la banque de R&eacute;publique d&eacute;mocratique du Congo du m&ecirc;me nom. Le r&eacute;seau de comptes participant &agrave; sa diffusion a interpel&eacute; la journaliste puisque les tweets ne comprenaient rien d&rsquo;autre que la vid&eacute;o, sans commentaire, ni discussion. Ses attentes portent sur la mise au jour de ce qui fonde ce r&eacute;seau&nbsp;: &laquo;&nbsp;ce serait int&eacute;ressant de voir s&rsquo;ils sont connect&eacute;s d&rsquo;une fa&ccedil;on ou d&rsquo;une autre avec la banque, ou avec les avocats, enfin quel est le r&eacute;seau autour duquel ils gravitent.&nbsp;&raquo; (Entretien du 16/07/2021). Ainsi, la cartographie apporte un contexte institutionnel voire id&eacute;ologique pour qualifier la diffusion de (fausses) informations sur Twitter. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette approche cherche &agrave; &eacute;largir au maximum l&rsquo;&eacute;tendue des donn&eacute;es, afin de diversifier les comptes et les types d&rsquo;opinion qu&rsquo;ils peuvent repr&eacute;senter. La probabilit&eacute; d&#39;&eacute;chantillonnage (<i>sampling probability</i>) s&rsquo;ajoute alors au crit&egrave;re de la profondeur &eacute;voqu&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment, afin de ne pas submerger les journalistes d&rsquo;un nombre de compte trop important. En effet, ce param&egrave;tre de probabilit&eacute; fixe un seuil de comptes (exprim&eacute; en pourcentage) &agrave; ne pas d&eacute;passer &agrave; chaque it&eacute;ration de la r&eacute;colte par boule de neige dont le nombre augmente, par d&eacute;finition, &agrave; mesure qu&rsquo;elle avance en profondeur. Ce param&egrave;tre est d&eacute;terminant car il permet aux journalistes de prendre conscience que les donn&eacute;es ne sont pas repr&eacute;sentatives de l&rsquo;ensemble du r&eacute;seau social, mais d&rsquo;une portion plus ou moins cons&eacute;quente construite &agrave; l&rsquo;aide de donn&eacute;es r&eacute;colt&eacute;es en dehors de SAD (<i>via</i> la recherche avanc&eacute;e par exemple), gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;API, et r&eacute;colt&eacute;es &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;un algorithme d&#39;&eacute;chantillonnage. L&rsquo;exploration de controverses num&eacute;riques repose sur le pr&eacute;suppos&eacute; que les traces r&eacute;colt&eacute;es sont repr&eacute;sentatives des opinions que repr&eacute;sentent les comptes. Ainsi, les interactions (<i>retweets</i> et mentions) d&eacute;terminent la taille des n&oelig;uds sur le graphique, ainsi que l&rsquo;&eacute;paisseur des liens entre eux. Une mani&egrave;re d&rsquo;affiner la r&eacute;colte des donn&eacute;es est donc d&rsquo;intervenir sur le param&egrave;tre d&eacute;finissant le nombre minimal &agrave; partir duquel un utilisateur doit &ecirc;tre mentionn&eacute; par d&rsquo;autres pour appara&icirc;tre sur la cartographie (de fa&ccedil;on &agrave; &eacute;liminer les interactions &eacute;pisodiques par exemple).</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le tri des donn&eacute;es s&rsquo;effectue dans le volet de visualisation &agrave; l&rsquo;aide notamment du &laquo;&nbsp;filtrage de communaut&eacute;s&nbsp;&raquo; qui permet d&rsquo;isoler un ensemble de comptes du reste de la cartographie. Afin de pouvoir commenter ces donn&eacute;es, les journalistes doivent aussi s&rsquo;approprier la logique de repr&eacute;sentation qui leur est propos&eacute;e. La taille des n&oelig;uds est particuli&egrave;rement importante puisqu&rsquo;elle repr&eacute;sente la propension des comptes &agrave; recevoir et &eacute;mettre des interactions depuis et vers d&rsquo;autres comptes, et donc &agrave; les situer dans le d&eacute;bat public. Dans le volet de visualisation, les param&egrave;tres <i>in-degree</i> et <i>out-degree</i> font varier la taille des n&oelig;uds en fonction du nombre d&rsquo;interactions re&ccedil;ues ou &eacute;mises, et renseignent donc sur le degr&eacute; d&rsquo;activit&eacute; des comptes et leur r&ocirc;le dans la controverse. Ainsi, des comptes de m&eacute;dias et de personnalit&eacute;s politiques tels que ceux d&rsquo;Emmanuel Macron, d&rsquo;Olivier V&eacute;ran ou de BFM TV peuvent appara&icirc;tre particuli&egrave;rement importants parce qu&rsquo;ils sont cit&eacute;s par d&rsquo;autres, mais voir leur taille fortement r&eacute;duite lorsque l&rsquo;on s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; l&rsquo;&eacute;mission de likes et de retweets vers d&rsquo;autres comptes.</span></span></p> <p align="center" style="border:none; text-align:center"><img height="638" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_17_image-20211003183025-2.jpeg" width="678" /></p> <p align="center" style="border:none; text-align:center"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span style="font-size:9.0pt"><span arial="" style="font-family:">Figure 2 : Exemple de visualisation repr&eacute;sentant la diversit&eacute; des comptes prenant par &agrave; une controverse en ligne (ici, le hashtag #NousSavons rassemblant des points de vue &laquo;&nbsp;sceptiques&nbsp;&raquo; pendant la crise du Covid-19 en France)</span></span></b>. <b><span style="font-size:9.0pt"><span arial="" style="font-family:">Donn&eacute;es r&eacute;colt&eacute;es le 14/07/2021.</span></span></b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Du c&ocirc;t&eacute; des journalistes, l&rsquo;exploration de controverses est parfois envisag&eacute;e &agrave; des fins illustratives, pour produire un instantan&eacute; du d&eacute;bat public sur Twitter. Le plus souvent, elle sert de base pour explorer une communaut&eacute; particuli&egrave;re en utilisant quelques comptes comme point de d&eacute;part &agrave; une nouvelle recherche. Par exemple, les comptes oppos&eacute;s aux mesures sanitaires en Suisse ont &eacute;t&eacute; isol&eacute;s pour g&eacute;n&eacute;rer une nouvelle cartographie. Ce type d&rsquo;usage repose sur une analyse qualitative men&eacute;e &agrave; partir des connexions entre comptes saisie comme un indicateur de leur positionnement id&eacute;ologique dans le d&eacute;bat public sur Twitter. Afin de replacer les donn&eacute;es dans le contexte de production des utilisateurs, un bouton g&eacute;n&egrave;re automatiquement une requ&ecirc;te dans la recherche avanc&eacute;e de Twitter, montrant les derniers tweets des comptes appartenant &agrave; un m&ecirc;me groupe. De cette mani&egrave;re, les journalistes per&ccedil;oivent les &eacute;changes &agrave; partir d&rsquo;une s&eacute;lection qu&rsquo;ils ont eux-m&ecirc;mes construite <i>via</i> l&rsquo;API de Twitter, et non sur la base de leur <i>timeline</i> personnelle comme ils en ont l&rsquo;habitude.</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les journalistes qui s&rsquo;emparent de la visualisation de controverses envisagent d&rsquo;explorer des sujets sur des p&eacute;riodes de temps d&eacute;limit&eacute;es. S&rsquo;ils d&eacute;clarent s&rsquo;int&eacute;resser &agrave; des d&eacute;bats &laquo;&nbsp;chauds&nbsp;&raquo; qui se cristallisent autour de hashtags, plusieurs d&rsquo;entre eux souhaitent &eacute;galement explorer des sujets qu&rsquo;ils ont d&eacute;j&agrave; trait&eacute; dans le pass&eacute; pour observer des rebonds ou de nouveaux d&eacute;veloppements. Dans tous les cas, les interrog&eacute;s envisagent d&rsquo;int&eacute;grer les donn&eacute;es &agrave; leurs productions journalistiques, en publiant une version interactive de la cartographie ou en int&eacute;grant des tweets identifi&eacute;s comme &eacute;tant pertinents &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la th&eacute;matique.</span></span></p> <h3 style="text-align:justify; margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><a name="_nb8n5d98p6wj"></a><span style="font-size:12.0pt">Mener l&#39;enqu&ecirc;te sur les r&eacute;seaux socionum&eacute;riques</span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Enfin, une troisi&egrave;me cat&eacute;gorie d&rsquo;usages consacr&eacute;e &agrave; la conduite d&rsquo;enqu&ecirc;tes est apparue dans les &eacute;changes. Plus minoritaire en termes strictement quantitatifs, cette cat&eacute;gorie envisage la cartographie de donn&eacute;es et son interpr&eacute;tation sous un angle compl&eacute;mentaire aux deux autres. Si la recherche de contacts aborde la cartographie comme un r&eacute;seau social et l&rsquo;exploration de controverses comme un r&eacute;seau d&rsquo;opinions sur une th&eacute;matique, l&rsquo;enqu&ecirc;te interpr&egrave;te les connexions entre comptes selon des int&eacute;r&ecirc;ts plus ou moins partag&eacute;s. Ceux-ci peuvent &ecirc;tre d&rsquo;ordre &eacute;conomique, strat&eacute;gique, diplomatique ou industriel. L&rsquo;objectif est d&rsquo;identifier les connexions directes entre des comptes et d&rsquo;explorer leurs ramifications, comme l&rsquo;explique un journaliste sp&eacute;cialiste des techniques d&rsquo;OSINT&nbsp;:</span></span></p> <blockquote> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce qui m&rsquo;int&eacute;resse c&rsquo;est plus un petit r&eacute;seau, les vrais contacts, voir qui est amis avec qui, ou qui interagit directement, apr&egrave;s dans une optique de type campagne politique, comment est amplifi&eacute; un sujet, ou des choses comme &ccedil;a, &ccedil;a m&rsquo;int&eacute;resse aussi, si un jour je pouvais dire, [&hellip;] d&rsquo;un sujet qui deviendrai mainstream, mais pour qui on pourrait montrer qui l&rsquo;a &eacute;t&eacute; aliment&eacute; par un r&eacute;seau politique X, &ccedil;a m&rsquo;int&eacute;resse aussi. (Entretien du 26/07/2021)</span></span></p> </blockquote> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sur le plan du param&eacute;trage de l&rsquo;outil, cette approche peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme une combinaison des deux pr&eacute;c&eacute;dentes. En effet, il s&rsquo;agit &agrave; la fois d&rsquo;&eacute;largir au maximum le r&eacute;seau et de resserrer la cartographie autour d&rsquo;une s&eacute;lection tr&egrave;s stricte de comptes. Puisqu&rsquo;elles visent &agrave; saisir des liens entre des acteurs pr&eacute;cis qui ne sont pas n&eacute;cessairement des personnalit&eacute;s publiques, les cartographies sont particuli&egrave;rement minimales. Dans cette approche, les comptes initiaux sont parfaitement connus par le journaliste puisque issus d&rsquo;une enqu&ecirc;te initi&eacute;e en amont et portant pr&eacute;cis&eacute;ment sur les liens entre des acteurs et leurs institutions. Le logiciel SAD sert non seulement &agrave; rep&eacute;rer des comptes, mais aussi &agrave; qualifier ce qui les relie entre eux.</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La pr&eacute;sentation de ces trois sc&eacute;narios d&rsquo;usage permet de rendre compte de la diversit&eacute; des modalit&eacute;s d&rsquo;utilisation possible de l&rsquo;outil dans un contexte de production journalistique. Comme cela a &eacute;t&eacute; mentionn&eacute;, ces cat&eacute;gories ne sont pas monolithiques ni fig&eacute;es ; elles donnent plut&ocirc;t lieu &agrave; des combinaisons et superpositions d&rsquo;usages favorisant des appropriations multiples et diff&eacute;renci&eacute;es. Elles conduisent <i>in fine</i> &agrave; reconsid&eacute;rer le rapport des journalistes aux donn&eacute;es et aux RSN. </span></span></p> <h2 style="margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="font-style:italic">Repenser le rapport des journalistes aux traces num&eacute;riques</span></span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Au-del&agrave; de l&rsquo;outil d&eacute;velopp&eacute; et des techniques employ&eacute;es, ce retour d&#39;exp&eacute;rience de recherche pluridisciplinaire interroge la place des RSN dans les pratiques des journalistes ainsi que leur rapport aux traces, dans une d&eacute;marche qui d&eacute;passe la simple promotion de contenus. Il s&rsquo;agit en effet de penser et d&rsquo;accompagner l&rsquo;exploration d&rsquo;un r&eacute;seau comme Twitter &agrave; des fins de rep&eacute;rage (d&rsquo;informations, de sources voire de controverses), mais aussi d&rsquo;enqu&ecirc;te prenant pour terrain d&rsquo;investigation les traces num&eacute;riques. Le d&eacute;veloppement et la diffusion de controverses en ligne peinent toutefois encore &agrave; &ecirc;tre identifi&eacute;s comme une ar&egrave;ne publique n&eacute;cessitant et m&eacute;ritant une attention &agrave; part enti&egrave;re chez les journalistes. Les freins que nous avons pu identifier sont multiples, mais c&#39;est surtout la m&eacute;connaissance des structures de donn&eacute;es qui emp&ecirc;che la compr&eacute;hension des significations des cartographies produites et donc l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&#39;investiguer le num&eacute;rique en tant qu&#39;ar&egrave;ne autonome et non pour compl&eacute;ter des observations faites dans les ar&egrave;nes plus traditionnelles du d&eacute;bat public.</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">M&ecirc;me s&#39;il produit de l&rsquo;information suppl&eacute;mentaire aux donn&eacute;es initialement produites et visibles dans les plateformes num&eacute;riques, l&#39;outil SAD ne peut pas modifier &agrave; lui seul les pratiques des journalistiques. Cependant, il est en capacit&eacute; de s&rsquo;int&eacute;grer &agrave; ces derni&egrave;res en permettant une diversification des sources et un acc&egrave;s facilit&eacute; aux donn&eacute;es et &agrave; leur interpr&eacute;tation. <i>A contrario</i>, forcer l&#39;utilisation de ce type d&rsquo;interface, sans l&#39;accompagnement de l&#39;&eacute;quipe de recherche interdisciplinaire retrac&eacute; dans cet article, peut entra&icirc;ner un risque de sur- (voire de m&eacute;s-) interpr&eacute;tation des donn&eacute;es et des visualisations. A travers la documentation de cette d&eacute;marche de recherche appliqu&eacute;e &agrave; la crois&eacute;e des <i>journalism studies</i> et des sciences des r&eacute;seaux, nous avons voulu montrer que la conception d&rsquo;un logiciel avec des repr&eacute;sentants de ses futurs usagers contribue &agrave; penser l&rsquo;autonomie de ces derniers dans les diff&eacute;rentes phases du processus. Cette r&eacute;flexion s&#39;op&egrave;re notamment &agrave; travers la reproductibilit&eacute; des op&eacute;rations par les journalistes et leur partage &agrave; des fins de publication. </span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Toutefois un enjeu de taille demeure : comment garantir une pleine autonomie d&rsquo;usage, en particulier aupr&egrave;s de journalistes dont la culture num&eacute;rique est superficielle ou partielle ? Comment favoriser une appropriation de la technologie, en dehors du cadre des &eacute;changes avec l&#39;&eacute;quipe de recherche jusque-l&agrave; tr&egrave;s pr&eacute;sente ? En effet, les derniers &eacute;changes avec les journalistes s&rsquo;orientent vers la conduite de projets &eacute;ditoriaux qui reposent encore sur une pr&eacute;sence tr&egrave;s forte des chercheurs. Si le choix m&eacute;thodologique de conduire des focus groups et entretiens aupr&egrave;s d&rsquo;un petit nombre de journalistes a permis d&rsquo;explorer en profondeur les usages possibles, leur g&eacute;n&eacute;ralisation n&rsquo;en reste pas moins une &eacute;tape cruciale et potentiellement probl&eacute;matique. Elle n&eacute;cessiterait de d&eacute;ployer des moyens sp&eacute;cifiques de formation et de m&eacute;diation pour favoriser l&rsquo;accompagnement des usages en vue d&rsquo;une utilisation compl&egrave;tement autonome. Dans sa derni&egrave;re phase en cours, le projet a int&eacute;gr&eacute; une approche didactique visant notamment &agrave; expliciter autant que possible les diff&eacute;rents param&egrave;tres et fonctionnalit&eacute;s de l&rsquo;outil dans l&rsquo;interface pour en faciliter la prise en main &agrave; plus large &eacute;chelle (des fen&ecirc;tres popup ont &eacute;t&eacute; envisag&eacute;es). L&rsquo;effort didactique a &eacute;galement port&eacute; sur la mise en &eacute;vidence de son utilit&eacute; dans la d&eacute;marche journalistique, afin de sensibiliser les professionnels &agrave; l&rsquo;investigation sur les r&eacute;seaux sociaux. Enfin, les &eacute;changes autour de l&rsquo;outil avec des journalistes de la RTS ont fait appara&icirc;tre l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de disposer de &laquo;&nbsp;relais&nbsp;&raquo; au sein des &eacute;quipes, c&rsquo;est-&agrave;-dire de personnes qui, par leur expertise reconnue, pourront favoriser la d&eacute;couverte et l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour la technologie propos&eacute;e. La collaboration avec d&rsquo;autres types de profils, notamment des recherchistes est actuellement explor&eacute;e.</span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces r&eacute;flexions sur l&rsquo;appropriation effective de l&rsquo;outil par les usagers repr&eacute;sentent un enjeu &eacute;thique central, soulev&eacute; par la perspective d&rsquo;une exploitation des donn&eacute;es num&eacute;riques dans un cadre d&rsquo;usage qui d&eacute;passe celui d&rsquo;une recherche avec des sp&eacute;cialistes du domaine de la cartographie des r&eacute;seaux et de leur interpr&eacute;tation. En effet, l&rsquo;utilisation du logiciel SAD repose aujourd&rsquo;hui sur la collaboration entre l&rsquo;&eacute;quipe pluridisciplinaire de recherche et les journalistes et la poursuite du projet vise &agrave; favoriser l&rsquo;appropriation de l&rsquo;outil au sein du m&eacute;dia partenaire. Cela questionne aussi en creux l&#39;aboutissement de projets de recherche &agrave; finalit&eacute; appliqu&eacute;e, ainsi que la diffusion des r&eacute;sultats (et les potentiels freins qu&#39;ils peuvent g&eacute;n&eacute;rer) dans les milieux professionnels et acad&eacute;miques.</span></span></p> <p>&nbsp;</p> <h2 style="margin-top:16px; margin-bottom:8px"><span style="page:WordSection1"><span style="font-size:14pt"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="font-style:italic">Bibliographie<a name="1pxezwc"></a></span></span></span></span></span></h2> </div> <div class="WordSection2"> <p><span style="page:WordSection2"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ahmad, A. N. (2010). Is Twitter a useful tool for journalists? <i>Journal of Media Practice</i>, 11(2), 145‑155.<a href="https://doi.org/10.1386/jmpr.11.2.145_1"> </a>doi: 10.1386/jmpr.11.2.145_1</span></span></span></p> <p style="border:none; text-align:justify"><span style="page:WordSection2"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bachimont, B. (2017). Le num&eacute;rique comme milieu : enjeux &eacute;pist&eacute;mologiques et ph&eacute;nom&eacute;nologiques. Principes pour une science des donn&eacute;es. <i>Interfaces num&eacute;riques</i> 4(3). doi: 10.25965/interfaces-num&eacute;riques.386.</span></span></span></p> </div> <div class="WordSection3"> <p><span style="page:WordSection3"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bane, K. C. (2019). Tweeting the Agenda : How print and alternative web-only news organizations use Twitter as a source. <i>Journalism Practice</i>, 13(2), 191‑205.<a href="https://doi.org/10.1080/17512786.2017.1413587"> </a>doi: 10.1080/17512786.2017.1413587</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="page:WordSection3"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bottini, T., et Julliard, V. (2017). Entre informatique et s&eacute;miotique. <i>R&eacute;seaux</i>, 204(4), 35-69. doi: 10.3917/res.204.0033.</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection3"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Brandtzaeg, P. B., F&oslash;lstad, A., et Chaparro Dom&iacute;nguez, M. &Aacute;. (2018). How Journalists and Social Media Users Perceive Online Fact-Checking and Verification Services. <i>Journalism Practice</i>, 12(9), 1109‑1129.<a href="https://doi.org/10.1080/17512786.2017.1363657"> </a>doi: 10.1080/17512786.2017.136365</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection3"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Brandtzaeg, P. B., L&uuml;ders, M., Spangenberg, J., Rath-Wiggins, L., et F&oslash;lstad, A. (2016). Emerging Journalistic Verification Practices Concerning Social Media. <i>Journalism Practice</i>, 10(3), 323‑342. doi: 10.1080/17512786.2015.1020331</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection3"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Broersma, M., et Graham, T. (2013). Twitter as a News Source. <i>Journalism Practice</i>, 7(4), 446‑464. doi: 10.1080/17512786.2013.802481</span></span></span></p> <p style="border:none; text-align:justify"><span style="page:WordSection3"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Broersma, M., et Graham, T. (2012). Social Media as Beat. <i>Journalism Practice</i>, 6(3), 403‑419.<a href="https://doi.org/10.1080/17512786.2012.663626"> </a>doi: 10.1080/17512786.2012.663626</span></span></span></p> </div> <div class="WordSection4"> <p style="text-align:justify"><span style="page:WordSection4"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bruns, A. (ed.) (2018). <i>Gatewatching and News Curation: Journalism, Social Media, and the Public Sphere</i>. New York : Peter Lang.</span></span></span></p> </div> <div class="WordSection5"> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Domingos, P. (2012). &laquo; A few useful things to know about machine learning &raquo;. <i>Communications of the ACM</i> 55.10: 78-87.</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Flichy, P. (2003). <i>L&#39;innovation technique. R&eacute;cents d&eacute;veloppements en sciences sociales. Vers une nouvelle th&eacute;orie de l&#39;innovation</i>. Paris : La D&eacute;couverte.</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Gibson, E. J. (2000). Where is the information for affordances ? <i>Ecological Psychology</i>, </span></span></span><span lang="EN-US" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">vol.12, no 1</span></span><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, 53-56.</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Illenberger, J., et Fl&ouml;tter&ouml;d, G. (2012). Estimating network properties from snowball sampled data. <i>Social Networks</i>, 34(4), 701-711. doi: 10.1016/j.socnet.2012.09.001.</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span lang="EN-US" style="background:white"><span style="color:black">Jacomy, M., Venturini, T., Heymann, S. et Bastian, M. (2014) ForceAtlas2, a Continuous Graph Layout Algorithm for Handy Network Visualization Designed for the Gephi Software. <i>PLoS ONE</i>. 9(6). doi: 10.1371/journal.pone.0098679.</span></span></span></span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Lariscy, R. W., Avery, E. J., Sweetser, K. D., et Howes, P. (2009). An examination of the role of online social media in journalists&rsquo; source mix. <i>Public Relations Review</i>, 35(3), 314‑316. doi: 10.1016/j.pubrev.2009.05.008.</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Lawrence, R. G. (2015). Campaign News in the Time of Twitter. In : V. A., Farrar-Meyers et J. S. Vaughn (dir.), C<i>ontrolling the Message: New Media in American Political Campaigns</i>. New York, New York University Press.&nbsp; 93-112.</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Lebart, L. (1994). Sur les analyses statistiques de texte. <i>Journal de la soci&eacute;t&eacute; statistique de Paris</i>. vol. 135, no 1, 17-36.</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Mehrabi, N., Morstatter, F., Saxena, N., Lerman, K., et Galstyan, A. (2021). A survey on bias and fairness in machine learning. <i>ACM Computing Surveys (CSUR)</i>, 54(6), 1-35. doi: 10.1145/3457607</span></span></span></p> <p><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Mercier, A. (2013). Twitter l&rsquo;actualit&eacute; : Usages et r&eacute;seautage chez les journalistes fran&ccedil;ais. <i>Recherches en Communication</i>, 39, 111‑132. doi: 10.14428/rec.v39i39.49643.</span></span></span></p> <p style="border:none; text-align:justify"><span style="page:WordSection5"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Merzeau, L. 2013. &laquo;&nbsp;L&rsquo;intelligence des traces&nbsp;&raquo;. <i>Intellectica,</i> 1(59)&nbsp;: 115-135. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01071211/document">https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01071211/document</a>&nbsp; </span></span></span></p> </div> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ratinaud, P. (2014). Documentation IRaMuTeQ. Rep&eacute;r&eacute; &agrave;&nbsp; <a href="http://iramuteq.org/documentation/fichiers/documentation_19_02_2014.pdf">http://iramuteq.org/documentation/fichiers/documentation_19_02_2014.pdf</a></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ricaud, B., Aspert, N., et Miz, V. (2020). Spikyball sampling: Exploring large networks via an inhomogeneous filtered diffusion. <i>Algorithms</i>, 13(11). Rep&eacute;r&eacute; &agrave; <a href="https://arxiv.org/abs/2010.11786">https://arxiv.org/abs/2010.11786</a>. </span></span></p> <p style="border:none"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Verlaet, L. (2015). La deuxi&egrave;me r&eacute;volution des syst&egrave;mes d&rsquo;information : vers le constructivisme num&eacute;rique. <i>Herm&egrave;s</i>, 71(2), 249-254.</span></span></p> <p style="border:none"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Weaver, D. 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